#Chambre B07 ~ Chinoiserie part IV

Sujet: #Chambre B07 ~ Chinoiserie part IV Mar 17 Sep 2013 - 21:22

Le cinq août deux mille treize,

Dans l'hôpital de la ville de Keimoo, se trouve de nombreuses chambres d'hôpital. Dans l'une d'elle, deux jeunes filles sont endormies. Cammy Logan a été gravement blessé pendant le séisme. Les secours sont arrivés juste à temps pour éviter que son état ne cause des séquelles irréversibles. Elle aura toutefois besoin de temps pour se remettre du choc et des blessures.Saki Ôsen a eu été violemment blessé. Il faudra beaucoup de temps aux jeunes filles pour se remettre du choc.

Les deux jeunes filles ne tarderont pas à se réveiller ...

Sujet: Re: #Chambre B07 ~ Chinoiserie part IV Lun 30 Sep 2013 - 12:17

Un œil s’ouvre, puis un autre. Une ombre floue penchée par-dessus la forme allongée d’une jeune personne, offrant de la chaleur à la pièce stérilisée par la magie de ses cheveux. Sa tête, bandée, semble subir la gravité de la Terre plus que de raison tant elle semble lourde. Confortablement appuyée au cœur d’un oreiller merveilleusement moelleux, elle résonne aux murmures prononcés par l’homme penchée au-dessus d’elle.
Cammy s’éveille pour distinguer au fur et à mesure les traits de visage de son père. Elle sourit. Du moins, c’est ce que ses yeux démontrent car aucun rictus n’a déformé ses lèvres. Elle écoute alors la voix douce de Seth, elle ferme les yeux. La lumière est forte : son lit est près de la fenêtre. Une autre voix se mêle à la celle de l’homme en blouse blanche. Wade Logan se tient également au chevet de sa fille. Cammy est heureuse d’avoir ses parents auprès d’elle.

Elle ouvre brusquement les yeux. Ses parents ? Sa tête bourdonne, elle se remémore enfin les évènements passés. Aleksi et la sirène, le tremblement de terre, la pâtisserie, la réunion à l’hôtel de ville… Son bras gauche qu’elle avait réussi à tendre vers les deux personnes qui lui avaient prêté main forte tandis que des infirmiers la posaient sur un brancard, lui fixaient une minerve et la chargeait à l’arrière de l’ambulance. Elle ne voulait pas quitter ses héros.

Elle ouvre la bouche, un son étrange en sortit tandis qu’elle lève à nouveau son bras gauche, le droit étant toujours paralysée, comme tout la partie droite de son corps. Un léger filet de salive sort du coin de ses lèvres, que Wade s’empresser d’éponger, les larmes aux yeux. Seth sent sa femme perdre peu à peu ses moyens et l’oblige à aller prendre l’air. Il en faut peu pour que la dermatologue rechute dans la dépression pour le peu que leur fille subisse un choc et ce, depuis sa disparition trois ans plus tôt. Antidépresseurs et consultation régulière d’un psychologue, Wade Logan a déteint sur sa fille. Quelques minutes plus tard, une fois Cammy calmée, Seth vient à lui expliquer son état de santé.

- Ecoute, ça ne va pas être facile pour toi de l’apprendre, aussi je m’exprimerai le plus simplement possible. Tu as subi un traumatisme crânien provocant ainsi une aphasie, celle de Broca, d’où ton hémiplégie du côté droit et ton mutisme.

Seth s’exprime en anglais pour une raison bien particulière.

- Je tiens à te rassurer, ce n’est pas définitif mais ta rééducation prendra du temps. A ta sortie, tu seras suivie obligatoirement par un orthophoniste et un psychothérapeute.

Le neurochirurgien soupire, il lui est difficile de conserver cette attitude professionnelle face à la chair de sa chair. Mais il se sent obligé. Cela fait trois jours que sa fille est hospitalisée, et durant ces trois jours où elle était éveillée, elle n’a pas démontré un comportement normal jusqu’à ce jour. Elle avait laissé son regard se perdre au travers de la fenêtre, vers l’Académie qu’on aperçoit depuis l’emplacement où Cammy se trouve actuellement. Que s’était-il passé dans sa tête ?

Elle seule le sait, et personne ne le saura car ce sont ses souvenirs qui l’ont envahie, des songes où Dayen, Narcisse, Noahki, Yui, ont occupé une place importante. Jin Mashimoto aussi…avant d’être formaté encore une fois, depuis quelques minutes maintenant.
Cammy regarde son père, assimile ses paroles avec difficulté mais comprend l’essentiel. Elle n’arrive pas à définir ce qu’elle ressent, et se contente de dévisager son père avec appréhension.

- Tu as peur, je sais. Mais je t’en prie ma fille… bats-toi, hein ? Montre à tout le monde que Cammy Logan est forte et qu’aucun n’obstacle ne l’empêchera d’accomplir son rêve !

Il s’exprime en Japonais cette fois. Il ne faut pas qu’elle oublie qui elle est, ni où elle se trouve. Seth pose sa main sur la joue de la demoiselle, et étire un sourire triste.

- C’est ce que tu m’as dit à ton retour. Tu rayonnais.

Il posa son front contre celui de son enfant. Le neurochirurgien est parti, il ne reste plus que le père. Il ferme les yeux et laisse une seule larme couler, qu’il avait retenue depuis le début. Depuis 2010.

- Et tu rayonnes toujours. You are my sunshine.

Il se redresse, constatant le visage inondé se sa fille. Toujours aussi sensible, hein ? Cammy sait qu’elle est un livre ouvert, elle ne le cache plus. Tandis que Seth lui essuie le visage, la jeune fille tend la main vers lui pour le poser sur sa blouse à l’emplacement de son cœur. Les doigts refermés sauf le pouce et l’index, Cammy a ainsi formé un « L ». Seth sourit, attrape sa main sur lequel il pose ses lèvres. « Moi aussi, ma fille. Je repasserai plus tard avec ta mère. Repose-toi bien et si l’envie te prend, essaie de t’exercer. »
Il quitte la pièce et c’est à ce moment précis que l’Australienne remarque un autre lit non loin d’elle. Son lit est installé dans l’autre sens, ainsi elle distingue rapidement son visage qu’elle assimile aussitôt. Elle l’a rarement côtoyée mais conserve un bon souvenir de cette jeune fille : Saki Ôsen. La petite caractérielle. Elle détaille son visage, souhaite lui dire bonjour et machinalement, ouvre la bouche. Un hoquet en sortit. Le visage de l’ex-étudiante se fige, sa fierté heurtée. Cammy tourne aussitôt la tête vers la fenêtre, honteuse de se montrer aussi vulnérable alors que l’image qu’elle affichait dans le temps était… plus sérieuse.

Le sort s’acharne vraiment sur elle. Pourquoi garder la tête hors de l’eau, si c’est pour sombrer à nouveau, à chaque brasse ?

Invité

Vient de ici

L'action se passe avant le réveil des deux jeunes filles.

Une jeune fille endormie. Et une autre, une autre demoiselle que Lun dans l’école sans trop savoir ni son nom, si son prénom. Osein, Ozen, Osen quelques chose. Un nom dans ce genre-là, en tout cas. Pourtant, il était sûr de le connaître. Quel était son nom ? Qui était-elle ?
Se rapprochant du lit, Lun parcouru le nom de la jeune fille, inscrit au pied de ce dernier. Saki Ôsen. Depuis combien de temps était-elle dans l’école ? Ils ne s’étaient sans doute jamais adressé la parole. Elle semblait dans un sale état, et la rouquine à coté d’elle, ne semblait guère mieux.

La main du jeune homme passa au-dessus du visage de Saki, son regard se fendant de tristesse. Elle lui rappelait un fantôme. Elle ressemblait à un fantôme. Si blanche, si petite, si fragile. Dans ce grand lit, elle était entourée de trop de bandage.
Lun se retourna brusquement, il avait cru entendre la rousse parler. Faux. Ce n’était que les instruments autour de lui ou peut-être un bruit dans le couloir ou dans la rue qui l’avaient détourné de ces pensées.

Elle aussi semblait trop petite dans ce lit.

Comment un tel événement pouvait-il arriver sans que l’homme ne puisse l’en empêcher ? N’étaient-ils bon qu’à la destruction ?

Le garçon se dirigea vers la fenêtre, entrebâillant cette dernière. Il tira légèrement les stores, laissant les lumières rétablies de la ville pénétrer dans la pièce. Un instant, il songea qu’il aurait pu l’en empêcher. Il aurait pu aider ces jeunes filles. S’il avait été au bon endroit, au bon moment, sur le bon chemin.

S’il avait pu … sauver juste une personne, il n’aurait pas eu le sentiment d’avoir été aussi ridicule.

Mais non … tu as subi … tu as juste subi.

Lun aurait aimé pouvoir faire apparaître un vase, une fleur, un bouquet ici. Pour rendre la pièce moins austère. Au lieu de ça …
Le garçon enserra la croix qu’il avait autour du cou, et qu’il portait depuis longtemps désormais. Fermant les yeux, soupirant.

… Je sais que je pense pas souvent à vous. Il faut dire qu’à part pour blasphémer, je ne prononce jamais votre nom. Mais … Je sais pas. Je crois … Je crois que je comprends. Je comprends. Vous n’êtes pas responsable. C’est la nature, les trucs de plaques de la terre, tout ça. Peut-être. Mais si vous pouvez juste avoir … je sais pas … juste une petite influence sur tout ça. Aidez-les. Aidez-les. Je veux dire … Je veux dire … Elles ont été les victimes de l’école, pendant si longtemps. Et moi, entouré de mes amis, me plaignant tout le temps, j’ai pas eu conscience qu’elles étaient là. Combien de fois j’ai du passer à coté de l’une d’elle en riant gorge déployée ? Je me suis peut-être même moqué d’elle …
Je ne comprenais pas. Je n’ai jamais compris qu’on puisse à ce point s’isoler. Se sentir différent, sans le vouloir. Maintenant … je crois … que je commence à comprendre. Et elles ne méritent pas ça. Personne ne le mérite. Vous voyez … je ramène tout à moi. Juste …

Lun sursaute, une voix vient de le réveiller. Une infirmière qui le regarde d’un œil mauvais, puis attendrie en le voyant tenir sa croix. Elle lui demande poliment de quitter la pièce, car les jeunes filles doivent se reposer et que les étrangers ne sont pas admis dedans. Lun obéit sans discuter.

Dans le couloir, il note le nom de Cammy Logan et de Saki Ôsen, puis il se dirige dans la chambre à coté. Un instant il se retourne, mais l’infirmière a déjà quitté le couloir pour s’atteler à d’autres tâches.

Alors il ouvre la pièce. => ici

Il était revenu le lendemain. Les jeunes filles n'allaient pas mieux. Au contraire, si l'infirmière l'avait chassé, c'est qu'elles étaient sous surveillance constante. Le jeune homme se dirigea lentement vers le bureau se trouvant dans la pièce et y déposa deux ours en peluche que ses enfants avaient choisi. Puis, il quitta la pièce ...

Lun aurait aimé envoyer un message à un ami de Saki. Oui, il aurait aimé prévenir l'un d'entre eux. Mais ... A part Shiki, qui était déjà au courant ... Qui d'autres .. étaient l'amis de la jeune fille ? A chaque fois qu'il y pensait, Lun était obsédé par cette image. Il ne l'avait jamais vu que seule. Toujours. L'était-elle toujours ?

Invité

Ça faisait un petit moment déjà que Saki était réveillée... Elle n'avait juste pas envie d'ouvrir les yeux, elle ne voulait pas revenir dans cette vie qu'elle avait quitté quand elle s'était laissée aller voir Morphée dans l'ambulance. Son coude était cassé et peut-être qu'ils l'avaient endormie, elle n'en savait rien. Elle avait lâché prise depuis longtemps déjà à ce moment là.

Elle sentait une douleur lancinante lui transpercer le coude mais elle avait le corps tellement lourd et le cœur tellement compressé qu'elle ne pouvait pas bouger. Une image clignotait sans arrêt dans son esprit, même les yeux fermés. Elle s'endormait avec le visage de cette fille déchiqueté sous le feux de circulation. Son sang venait se coller à son visage avant de glisser lentement le long de sa peau blafarde. Elle détestait ce souvenir mais elle n'avait plus d'autres choix que de vivre avec...
Elle avait entendu quelqu'un rentrer dans la chambre, elle avait senti sa présence près d'elle et elle savait que ce n'était pas Shiki, elle le ressentait. Elle ignorait tout de lui à ce moment là et elle voulait juste qu'il s'en aille. Il psalmodia une sorte de prière à un être éphémère et si injuste que Saki aurait voulu lui cracher au visage s'il était assez réel pour en avoir un. Une larme coula le long de sa joue quand elle l'entendit dire qu'à l'école déjà, les choses étaient pas roses... Pourquoi rien ne se passait facilement ? Et pourquoi un inconnu venait lui rappeler les grandes lignes de sa vie de merde ?

Il revint le lendemain mais elle n'avait toujours pas décidé d'ouvrir les yeux. Même l'infirmière la pensait encore endormie. Saki ne savait même pas qu'il y'avait quelqu'un d'autre avec elle dans la chambre, elle l'avait deviné quand elle avait entendu des conversations qui ne lui était pas destinée, elle avait comprit au même moment que c'était Cammy mais ça ne changeait rien. Elle ignorait son état. Elle avait presque envie de rester prostrée pour toujours dans ce lit, sans bouger, sans manger, sans parler...

Et puis un jour, ses yeux se décollèrent comme si finalement, il était temps... Elle resta un long, long... très long moment à fixer le plafond. Rien d'autre ne l'intéressait.
Elle aurait aimé que son Père vienne la voir lui aussi pour la rassurer, mais il était plus là depuis longtemps maintenant. Quant à sa mère, elle avait été blessée dans le séisme et se trouvait peut-être encore aujourd'hui à l'hôpital quelque part. Saki n'avait pas la force de s'inquiéter pour elle. Elle aurait voulu sentir la main de Shiki dans la sienne sans qu'il ne la regarde, sans qu'il lui demande comment elle se sentait. Juste le sentir près d'elle, comme pour prendre conscience que tout ça, c'était du passé et qu'il fallait se battre pour remonter la pente... mais elle ne pouvait pas là tout de suite, pas tant que le visage de cette fille lui sauterait aux yeux à des moments aussi inattendus qu'injustifiés.

Elle sentait que Cammy la regardait, mais elle n'avait pas envie de bouger. Après tout, elles n'étaient pas proches toutes les deux... Rien ne les obligeaient à s'adresser la parole.
Mais ce fut un hoquet qui sortit de la bouche de la rousse si classe et droite. Habituellement, ce genre de mésaventure aurait fait rire Saki, un peu sournoisement mais elle en aurait profité pour lui lancer une petite pique. Mais là, rien ne se produisit. Au contraire.

Saki sortir faiblement un de ses bras amaigri de sous le drap et se retourna comme pour se cacher du regard de la demoiselle en face d'elle. Elle n'avait pas envie de parler. Elle aurait aimé serrer le nounours contre sa poitrine mais il était trop loin...
Doucement, ses yeux se refermèrent et elle eut à peine le temps de profiter d'un noir total que déjà le feu de circulation l'éclaboussait à nouveau d'un liquide brunâtre de plus en plus visqueux et résistant au fil des cauchemars...

Invité

Ethan faisait régulièrement des allées et retour entre les recherches de Kuro, et l'hôpital. Il voulait être sur tous les fronts comme pour se faire pardonner de n'avoir pas été plus utile pendant la catastrophe. Mais, il pouvait être là maintenant. Des cernes de fatigue et d'inquiétude avaient fait leurs apparitions. Il n'arrivait pas à dormir, si bien qu'il avait volontairement mit de côté l'entreprise pour ne pas faire de bourde. Miya était toujours amnésique, et pour le moment, elle dormait d'un sommeil si paisible qu'il n'avait pas voulu la déranger. Il avait réellement hâte que tout ce tasse. Que les informations mondiales passent à autre chose au lieu d'énumérer les morts et les blessés. Qu'on retrouve Kuro pour que Wun retrouve sa tranquillité d'esprit. Que Miya rentre.
Qu'ils reprennent le cours de leurs vies normales, même si cela prendrait plusieurs mois. Si pour certains le pire était derrière, pour lui, c'était devant. Et l'idée de courber déjà le dos, ne lui venait même pas l'esprit.

Il était allé à la machine à café, et revenait avec l'intention de veiller sur la belle endormie, et se reposer lui même. Néanmoins, une feuille tremblante attira son attention, et c'est sans aucune hésitation qu'il entra.

-Tu trembles Osen.

Une voix froide, mais pas tranchante. On pouvait y déceler une certaine douceur. Et une grosse fatigue avec sa voix trop rauque. Mais c'est là qu'il eu son hésitation. Ouais, alors, déjà la prochaine fois il allait y réfléchir à deux fois avant d'entrer. Sauf que la fatigue ça aidait pas pour mettre ses idées en place. Le populaire poussait sans doute son corps à bout, mais Ethan avait eu la bonne idée de ne pas faire de sport. Son inquiétude lui bouffait déjà toute son énergie. Et il prenait soin de manger régulièrement. Seul le sommeil lui faisait défaut, et il songeait à demander à Terrada des somnifères pour ne pas offrir un visage morne à sa fiancée. Elle aurait déjà suffisamment de mal à se gérer elle-même, et l'américain avait bien l'intention de ne pas lui faire défaut dès qu'elle aura besoin d'un soutien.
Mais là, il était avec la petite crotte. Petite crotte qui avait perdu son père. Petite crotte qui semblait complètement effrayée alors qu'elle était en sécurité. Petite crotte qui ressemblait à une enfant complètement perdue. Si bien qu'Ethan fit preuve d'une douceur extrême en lui caressant la joue du dos de la main, tenant de ne pas faire son contact trop présent. Il avait oublié qu'il n'avait été qu'un petit con la dernière fois qu'ils s'étaient parlés.

Il ne savait pas trop faire d'autre par contre. Il savait pas ce que Saki avait vécu, mais il la savait fragile, et l'idée de se montrer dur envers elle, ne ferait que la faire sombrer un peu plus. Et un « Ca va aller » était sans doute complètement inutile. Le jeune homme se demandait où était le jeune homme qui avait semblé tellement proche de la demoiselle. Osen tout comme lui, savait que sa place n'était pas ici. Mais auprès de Miya. Néanmoins, on ignore pas la détresse d'une personne qu'on connaît, et même de loin. Il avait été déjà suffisamment cruel envers la creepy.

Il releva le regard sans doute en quête de... Quelque chose, et son regard se posa sur une rousse. Erf, il se sentait mal à l'aise d'un coup. Ethan se sentait impuissant face à tout ça, et pendant quelques secondes, il eut l'impression que ce cauchemar ne cesserait jamais. Abattement qui dura seulement quelques secondes, de peur que Saki devine qu'il se sentait aussi complètement déboussolé. Il n'était pas là pour faire étalage de ses sentiments, et surtout pas face à une petite chose fragile. Surtout face à une enfant.

-Tu veux que je reste un peu, le temps que tu t'endormes ?

Un simple murmure, espérant que Saki comprendrait qu'il ne serait pas là pour lui planter un couteau dans le coeur. Même à 15 ans, il n'aurait jamais voulu la voir aussi terrorisé, même s'il aurait passé son chemin. Sa main était venue caresser ses cheveux tout aussi doucement qu'il l'avait fait pour sa joue.

-Ou tu veux que j'aille chercher... Le jeune homme qui était avec toi lors de ta remise de prix ?

Il savait bien que ce n'était pas sa présence dont elle réclamait le plus. Ca aurait été très bizarre en même temps. Mais il n'avait pas vraiment envie de la laisser seule à trembler comme une feuille.

Invité

Saki venait à peine de fermer les yeux lorsqu'elle entendit une voix. Cette voix... sa voix. Elle avait légèrement changée depuis tout ce temps qu'ils avaient passé à s'éviter involontairement. Une flopée de souvenirs et de ressentiment s'insinua dans son corps, provoquant des frissons et une envie irrésistible de hurler, de pleurer, et de se jeter dans ses bras. Mais rien ne se passa. Elle ferma encore plus fort les yeux comme si ça pouvait la rendre invisible ou hors de portée de ses futures moqueries nasillardes. Elle ne savait pas la raison de sa venue. Elle était au courant qu'il était fiancé à la belle Miya Chanteclair et ça n'avait pas arrangé la rancune qu'elle avait envers lui.

Lorsqu'il caressa sa joue froide de sa main si douce, Saki faillit laisser tomber toute cette force qu'elle utilisait pour rester dans sa petite bulle loin de tout. Elle n'attendait pas ce contact, elle fut surprise, chamboulée. La caresse avait beau être sûrement une nouvelle forme de bizutage, elle était tellement agréable et légère qu'elle fut forcée de reconnaître qu'elle lui fit un bien fou. Elle se laissa porter le long de cette petite brise salvatrice. Ses murmures venaient bercer la douce étreinte qu'il prolongeait en caressant ses cheveux. Elle se sentait comme bercée enfant dans les bras d'un Père trop souvent absent.

Elle devait répondre à sa question mais elle ne pouvait pas... Les mots étaient bloqués dans sa gorge. Malgré ses actes de gentillesse à cet instant, Saki redoutait encore de se faire manipuler, mais Ethan ne serait-il pas le dernier des cons s'il profitait de cette situation catastrophique qui les liait tous pour encore assujettir la petite creepie ? Il ne pouvait pas être aussi diabolique, il serait inhumain.
Il lui proposait d'aller chercher... Shiki ? Le connaissait-il ? Serait-ce que finalement il l'avait suivi du regard pendant ses quelques années ? Saki sentit une nouvelle bouffée d'angoisse joviale venir lui remonter l'estomac. Elle avait l'impression de se prendre tellement de faux semblants en pleine face que tout ça devenait trop dur à gérer. Son corps tremblait plus que jamais mais c'était sûrement la faute des sanglots qu'elle refusait de laisser s'échapper.

Si elle ne lui répondait pas, il partirait. Elle n'avait pas envie d'être seule, et elle n'avait pas envie que Shiki la voit dans cet état. Elle ne voulait pas qu'il se sente encore plus mal qu'il ne devait déjà l'être. Elle ne voulait pas être un poids pour lui, au contraire.
Ethan l'avait déjà vu plus bas que terre, ils se connaissaient depuis tous petits tous les deux. Malgré eux, ils étaient liés, bien plus que Miya et lui, ou encore que Shiki et elle. Un lien indestructible les unirait à tout jamais, même si Saki aurait aimé s'en débarrasser depuis ce jour maudit où il l'avait traité de la pire des façons. Mais finalement, avec le temps et les aléas de la vie, il semblait désormais être la meilleure épaule sur laquelle elle pouvait s'appuyer.

Elle se décida à ouvrir doucement les yeux, terrorisée par ce qu'elle allait découvrir. Elle ne l'avait pas eu 'juste pour elle' depuis si longtemps, qu'est-ce qui allait se passer... ?
Hélas, quand elle posa son regard sur lui, elle n'aperçut que son dos. Il commençait à partir de la chambre. Il avait sûrement comprit qu'elle voulait être seule. Mais tu te trompes Ethan... ne pars pas...

Elle tendit son bras tout maigre et attrapa le pan de sa veste du bout de ses doigts tremblants. La pression n'eut pas besoin d'être forte. Elle voulait seulement le retenir, encore un peu, quelques minutes. Les draps glissèrent de sur ses épaules, dévoilant son plâtre et son corps plus maigre encore qu'auparavant. L'hôpital l'avait habillée d'un simple t-shit blanc et d'un short de la même couleur froide. Elle mourrait de froid mais ce n'était pas la raison de ses tremblements... elle mourrait encore plus de peur.
Ethan sembla se retourner au ralenti, comme si les retrouvailles cinématographiques qui s'imposaient à eux étaient légendaires. Elle lui offrit un visage torturé, rongé par une expression de souffrance et d'abandon. Elle était perdue, anéantie, ravagée. Il semblait guère dans un meilleur état, mais quelque chose avait changé chez lui. Il n'était pas là pour la faire souffrir.

Elle n'eut pas besoin de plus de raisons pour sortir du lit pieds nus et se jeter dans ses bras. Cachée dans une bulle Matthews beaucoup plus grande qu'elle, Saki ne se sentit jamais plus protégée qu'à cet instant.

- Ethaaan....

Elle éclata en sanglots trop longtemps retenus, comme si la raison de sa souffrance d'adolescente devenait sa bouée de sauvetage des années plus tard. Au-delà de la peur d'être jugée ou ridiculisée, Saki ne retenait que l'angoisse de la solitude. Elle savait aujourd'hui qu'elle pourrait compter sur lui. Leurs heurts étaient loin derrière eux maintenant. Ses petits poings s'accrochaient désespérément aux vêtements du Populaire, ses genoux s'entrechoquaient... Plus rien n'existait pour elle à ce moment là... à part lui.

Sujet: Re: #Chambre B07 ~ Chinoiserie part IV Lun 28 Oct 2013 - 22:18

Spoiler:

La main agrippant la poignée en cordelette du sac en papier rigide contenant une petite peluche emmitouflée dans un film plastique à l'instar d'un bouquet de fleurs, Shiki franchit le hall de l’hôpital. Cette fois, ce n’était pas pour faire don de son sang comme il l’avait fait à de nombreuses reprises depuis le séisme.
La dernière fois qu’il avait vu Saki remontait à un moment maintenant. Malgré la promesse qu’il s’était fait de rester à ses côtés, il n’avait pu la tenir : son propre frère, Charles, avait été grièvement blessé et il s’en était fallu de peu pour qu’il perde la vie. Et c’était à lui que Shiki avait régulièrement offert son sang. Il n’y avait plus de place au Keimoo’s Hospital, aussi c’est dans une clinique d’une ville attenante qu’il avait passé ces derniers jours. Charles avait enfin repris connaissance et était désormais hors de danger. Cependant, raison valable ou pas, l’étudiant avait failli à sa promesse. Il ne s’était pas passé un jour sans qu’il n’eût pensé à Saki. Il savait que ses blessures n’étaient pas catastrophiques, mais c’était son état mental qui l’inquiétait. Comment vivre après avoir témoigné du trépas prématuré d’une personne, même inconnue, dans des circonstances aussi tragique ? Shiki ne pouvait pas comprendre, ni même imaginer. Il ne pouvait pas se mettre à la place de Saki, il ne.. pouvait pas. Il passa sa main libre sur son visage comme pour essayer de ne plus penser à rien, pour se donner du courage, croisa quelques connaissances, d'anciens camarades de sa période populaire. Il connaissait chacun de leur nom, leur calligraphie et donc leur sens. Même de ceux qu’il voyait plus rarement. Ils étaient tous des étrangers, ils l’avaient toujours été. Ils le saluèrent, vite-fait, par politesse mais Shiki savait ce qu’ils ruminaient dans son dos. Et pourtant, il inclina légèrement la tête à leur intention. Sauf qu’il ne souriait plus. Il n’y arrivait plus.

- Bonjour. La chambre de Mademoiselle Ôsen, je vous prie.
- Chambre B07, premier étage. En sortant de l’ascenseur, à gauche, au bout du couloir à droite. Les visites se terminent dans 30 minutes.
- Merci.

Dans l’ascenseur, Shiki avait un trac insoutenable. Et si elle lui en voulait ? Et si elle refusait de le voir ? Et si…
« Avec des Si, on mettrait Paris en bouteille ». Il entendait encore son père Satori s’adresser à sa femme à propos de l’avenir compromis de leur plus jeune fils, qui excellait en baseball.
« Ding ! ». Shiki sortit de l’ascenseur et prit à gauche, comme l’hôtesse d’accueil lui avait indiqué. Arrivé à proximité de la porte, il entendit des murmures. La porte de la chambre B07 était mal fermée. Shiki se contenta de la pousser légèrement, apercevant par l'entrebâillement, la forme allongée de Saki et à ses côtés… Les olives du métis s’agrandirent tant la stupéfaction était de taille.

- Matthews…

Saki le connaissait ? A bien y songer, c’était un fait : il ne connaissait pas grand-chose de la vie de son amie. Pour autant, jamais il ne l’avait vue s’adresser à aucun « Populaire », hormis lui-même, lorsqu’ils s’étaient rencontrés la première fois. Mais, ce n’était pas comparable. Ils avaient partagé tant de choses sur WhoRu. Elle s’était confiée à lui à l’époque. Jusqu’à leur rencontre, au cinéma. Shiki s’adossa au mur près de la porte. Pour Matthews, il n’était plus que « le jeune homme » alors qu’ils se côtoyaient parfois, à l’époque. Certains disaient qu’une rivalité s’était imposée entre les deux garçons. D’ordre scolaire, bien évidemment. C’était naturellement faux, du moins, Shiki Katsuragi ne cherchait pas à être le meilleur, mais juste à bien paraître, juste plaire. Avoir bonne réputation. Et puis… il avait retourné sa veste en fréquentant Yun-Jin. Il avait voulu devenir invisible pour ne pas craindre de déshonorer son nom. Il avait alors commencé à changer. Et bien plus ensuite, au contact de Saki.

Il fit à nouveau face à la porte, s’apprêtant à entrer avec des mots finement choisis, à l'adresse d'Ethan. « Ça ne sera pas nécessaire, Matthews, je suis là. » La réplique bien placée, il récupèrerait sa place aux côtés de sa bien-aimée, évincerait ce faux chevalier pour le renvoyer auprès de sa princesse française friande de sucreries.
Mais… La voix de Saki s’éleva alors. Elle prononçait le prénom d’Ethan. Celle qui ne parlait à personne, pourquoi était-elle si familière avec un Populaire? Parfois, Shiki se plaisait à croire qu’elle lui était réservée.

Une dernière œillade par l’interstice réduit de la porte, l’œillade de trop. Shiki se rappela lorsqu’elle l’avait enserré la première et unique fois. Elle ne lui avait pas fait face, s’était contentée de s’appuyer sur son dos, sans dire un mot. Après le séisme, c’était lui qui l’avait prise dans ses bras. Jamais, jamais l’inverse. Il redressa la tête, les yeux fermés, la mâchoire serrée, la main empoignant avec fermeté la lanière du petit sac. Il posa ce dernier sur le sol, devant la porte. Avant de s’en aller, Shiki sortit de son portefeuille un petit carré de papier à la couleur passée, un peu corné mais toujours en bon état et griffonna sur son verso : « Gomen ». Il glissa, dans le petit t-shirt du panda en peluche, ce qui était en réalité un ticket de cinéma, sur lequel le titre « Beyond the suffering » était inscrit, daté du 20 mars 2011. Le lendemain de leur rencontre, il était allé le revoir puisqu’il n’avait pas su le suivre. Une fois de plus, il avait été incapable de se concentrer sur le contexte de l’œuvre, songeant sans cesse à l’après-midi de la veille. Quelques passages l’avaient renvoyé vers certains moments de leur rendez-vous mais…encore aujourd’hui, il était incapable de se rappeler du contexte du film.
« Au-delà de la souffrance » que restait-il ? Shiki l’ignorait, mais il y avait une chose dont il était sûr, c’est que la colère n’était jamais bien loin. Ne pas franchir cette porte, ne pas étrangler Ethan Matthews… relevait presque du miracle. Posé, le paquet au bas de la porte. La seule chose sensée qui l’avait empêchée d’agir, c’était la simple pensée qu’il ne devait s’en prendre qu’à lui-même.

Il ne remettrait plus un pied dans cet hôpital.

Invité

Ethan pouvait désormais compter Saki dans la liste des tueuses de pull. Après, Miya et Kim. La première avec son sang, le deuxième avec un buisson d'épines. Non, il avait toujours oublié le coup foireux du coréen. Ensuite, Wun avec des tâches d'alcool en lui faisant renverser son verre. Saki, elle, elle mettait de la morve. Tueuse de bac à sable.
Néanmoins, loin de ces préoccupations, Ethan se sentait complètement démuni face à la détresse de la petite chose. Il ne savait absolument pas quoi faire, plus doué pour faire la morale et enfoncer les gens plutôt que les secourir et les rassurer. Alors il fit la seule chose que lui avait réellement apprit Miya et Wun, sans trop savoir si ça marchait vraiment : Passer ses bras autour du petit corps, attendant que ses sanglots se calment un peu. Attendant qu'elle décharge toute sa peine et sa peur et la laisser vide d'énergie pour un moment. Le jeune homme ne l'embrassa pas au sommet de sa tête comme il le faisait pour Miya et Wun, puisqu'elle était trop petite. Mais il lui caressa doucement les cheveux, pour lui montrer sa présence et qu'il ne comptait pas partir tout de suite.
Et ce qui le frappa, c'était qu'il savait que ce n'était pas son rôle d'être là pour elle. C'était l'autre qui s'était empressé d'aller auprès d'elle lors des prix, mais il brillait par son absence en ce moment. C'était aussi le rôle de son père... Qui n'était plus là. Et il n'avait que davantage de peine pour Saki. Avait elle quelqu'un sur qui compter ? Sans doute que non pour se jeter ainsi dans ses bras, à chercher du réconfort auprès d'une personne qui n'avait été qu'indifférente ou méchante avec elle.

Il se baissa un peu, posant doucement ses mains semblant incroyablement grandes sur les joues de Saki la regardant dans les yeux avec une lueur indéchiffrable. Ses pouces vinrent effacer les dernières traces de larmes en un geste paternel, avant de lui murmurer doucement, comme il aurait pu le faire face à un animal sauvage effrayé.

-Le pire est dernière toi. Maintenant, il ne faut pas que tu t'écroules, ça sera plus dur pour se relever sinon, ok ?

Il resta l'observer de haut en bas rapidement avant de soupirer profondément tout en enlevant sa veste pour la poser sur les épaules chétives de la demoiselle. Il se remit à l'observer une nouvelle de cet air impassible et fatigué, détaillant chaque détail de Saki, sans trop montrer ce qu'il pensait.
En fait, il était alarmé de la voir aussi maigre. Aucune réel forme de s'y décelait et... Ethan se demandait vraiment ou était cette petite puce mignonne à croquer qu'il avait rencontré enfant. Cet enfant qui joue à Miss parfaite, cet enfant en train de dessiner sans se douter qu'il ne comprenait rien, cet enfant qui dessinait tellement mal qu'il ne pouvait pas comprendre sans s'abîmer les yeux. Un fin sourire se dessina à ses souvenirs, et il se rendait compte à quel point Miya le rendait... Bon. Auparavant, il avait rejeté avec force tout geste de bonté n'étant que peu habitué lorsqu'il ne s'agissait pas de sa famille ou de personnes qu'il connaissait depuis toujours. Et puis, Miya, Wun, et Kim étaient passés par là et il commençait à comprendre que le monde n'était pas aussi mauvais qu'il le pensait. Qu'on ne voulait pas forcément le désarçonner et le plier. Certains voudraient son bien, il avait mit plusieurs mois à comprendre qu'il pouvait réellement les inquiéter, et particulièrement Kim, Ethan avait alors apprit à s'ouvrir et prendre un peu plus soin de lui. Même si le chemin était encore très long.
Mais il avait été voir un psy avec Wun, et il songeait à retourner la voir histoire de gérer ses soucis d'anxiété, et apprendre à moins contrôler son entourage où il pouvait se montrer étouffant. Il avait apprit à ne pas dépasser les limites de son corps en sentant les coups d'oeil inquiet de Kim se poser sur lui, même si ça l'exaspérait toujours en ayant l'impression que le Coréen le voyait plus faible qu'il ne l'était vraiment.

-Il est passé où le bout de chou qui souriait tout le temps, et qui me faisait des dessins ?

En y pensant... C'était plutôt indélicat cette question. Personne n'avait envie de sourire et de rire dans ces conditions. Mais... Ethan était toujours maladroit lorsqu'il s'agissait de s'exprimer, surtout quand il ne savait pas quoi dire. Généralement, il ne disait justement rien, mais quitte à être avec Saki autant la distraire autant que possible pour éviter qu'elle se remémore les souvenirs du tremblement de terre.

-Viens on va aller manger. T'es un sac d'os et ça te fera du bien un peu air frais. Ils sont où tes fringues ?

Oui, il devrait être en présence de Miya. Mais elle dormait, et sans doute que d'autres personnes voudraient la voir. Comme les parents de la demoiselle, et sa propre famille. Surtout Kaena qui s'était étrangement attachée à Miya d'une façon si rapide qu'Ethan n'avait rien vu venir. Et puis les nombreuses personnes qui voulaient la voir. Sérieux, ça devrait pas être permis d'être aussi populaire et aimé. Y avait moins de place pour lui. Oui, très jaloux et possessif.

Invité

Saki elle-même n'aurait pas su expliquer ce qui l'avait poussée à se réfugier si librement dans les bras d'un garçon qui l'avait si mal traitée quand ils avaient été plus jeunes. Si elle devait se creuser les méninges pour tenter de se trouver une excuse, elle dirait sûrement que c'est bien plus facile de pleurer dans les bras d'un inconnu que de se sentir méprisable aux yeux de l'être aimé. Et pour être inconnus... Ethan et Saki l'étaient certainement. Ils auraient pu grandir ensemble et tisser ce genre de lien enviable quand on arrive au lycée avec un ami d'enfance mais tout avait été différent... A cause de lui. Saki n'était pas dupe, elle savait que son réconfort n'était qu'une sorte de pitié mal placée mais la tout de suite, elle n'avait pas envie de se battre, pas envie de refuser. Si elle avait su que Shiki se trouvait derrière la porte, son entière attention se serait portée sur lui et Ethan aurait à peine existé.
Seulement voilà... Elle ne l'avait pas su. Et peut-être que elle mal était fait maintenant...

Elle renifla fortement tentant d'éviter de détruire ce pull qu'il portait. Son corps tremblait comme s'il était soumis à un flot de décharges électriques et même si la douce caresse d'Ethan sur ses cheveux était rassurante, il lui était quand même difficile de se calmer et d'apaiser son rythme cardiaque qui s'affolait.
La tête enfouie dans les plis de son pull, Saki l'écoutait. Sa voix était suave, apaisante et sinueuse en même temps. Elle se faufilait dans son corps comme une anguille tout en chamboulant tout ce qu'elle frôlait. Il croyait qu'elle le faisait exprès de se laisser aller à la dérive? Ça n'avait rien d'un jeu et c'était tout sauf amusant... vraiment. Elle secoua la tête imperceptiblement et se força à reprendre l'usage de la parole. Si elle voulait qu'on la laisse tranquille, elle devait montrer qu'elle allait bien... du moins en apparence. Technique apparentée à de la psychologie inversée. Ethan n'y serait peut-être pas dupe...

- J'ai déjà vécu des choses insurmontables tu sais... Et je m'en suis pourtant sortie... Laisse-moi du temps... Simplement.

Quand elle s'entendit dire ça elle-même, elle s'étendit compte qu'elle ne mentait pas tant que ça. Elle avait vécu des choses atroces et c'était vrai qu'elle avait réussi à passer outre. Alors pourquoi pas cette fois-ci? Après tout...
Elle manqua de s'étrangler cependant quand il lui proposa d'aller manger un morceau. Alors ça y est, ils étaient devenus amis? N'importe quoi!! Elle n'avait pas envie d'être impolie alors qu'il était venue la réconforter au lieu d'être auprès de sa belle, mais elle ne voulait pas de sa pitié mal placée... et puis sincèrement elle n'avait pas faim...

- Merci Ethan mais j'ai pas du tout la tête à avaler quelque chose. J'ai... Je crois que j'ai juste envie de me reposer... encore.

Elle ne le regarda pas dans les yeux, elle n'en avait pas la force. Aussi se contenta-t-elle de se détourner lentement de cette affection inattendue et elle se dirigea vers ses draps blancs et si froids qu'elle avait quitté quelques minutes plus tôt. Elle se faufila dedans comme une feuille d'automne dans un parc public et juste avant de lui imposer son dos, elle lui adressa un sourire... signe d'une prochaine guérison certaine. Il n'avait pas a s'en faire pour elle. D'autres personnes s'en chargerait sûrement...

Spoiler:

SUNFLOWERS

Après Miya Chanteclair, le second nom qui apparait sur la liste de Lawrence est celui de Cammy Logan. Cammy qu’il n’a pas vraiment revue depuis son départ de l’Académie, mais qu’il n’a pas oublié pour autant. Il a laissé la journaliste blonde derrière, une sensation de malaise profond lui broyant les viscères, et la possibilité de recevoir des nouvelles de Cammy superpose à cet inconfort une chaleur rassurante. C’est toutefois avec les lèvres pincées et une pâleur de cadavre que Lawrence dépose soucieusement ses jointures sur le bureau de la réceptionniste. La dame qui lui répond ne prend plus la peine d’avoir l’air aimable, épuisée par la frénésie causée par le séisme, par cette peur diluvienne qui noie tous les estomacs. Sa peau est huileuse, ses traits creusés et quelques mèches rebelles s’échappent de sa natte qui devait autrefois être soyeuse. Et alors que ses yeux frétillent sur l’écran de son ordinateur pour confirmer ou nier la présence de Cammy Logan en tant que patiente hospitalisée de l’hôpital, les nerfs de Swanster se tendent jusqu’à en menacer de se rompre. Sa gorge se noue en cette boucle de nervosité qui accompagne tous les grands moments d’incertitude et son cœur tambourine un nouveau séisme juste sous les os de sa cage thoracique. Malgré son envie de recevoir des nouvelles de la rouquine dans les plus brefs délais, il ne veut pas apprendre qu’elle est blessée, il ne veut pas, elle aussi, la voir étendue sur un lit opalin, brisée. Il espère que l’infirmière gérant la réception relèvera son regard épuisé sur sa forme salie, entrouvrant à peine les lèvres pour lui communiquer qu’aucune Logan n’a été admise à l’hôpital jusqu’à maintenant. Il espère avoir l’opportunité d’attraper son téléphone portable pour composer le numéro de l’ancienne étudiante, il espère pouvoir l’entendre décrocher et la savoir vivante.

Ses espoirs sont toutefois fois en vain. Un éclair de recognition traverse les pupilles de la réceptionniste qui, se passant une main tremblante sur le front, lui annonce :

« Chambre B07. »

Lawrence n’a plus vraiment la force de pleurer, ayant épuisé ses réserves de larmes face au silence téléphonique et continu de William. Il ressent toutefois ce sentiment d’étouffement accentué, cette sensation d’un sol qui s’effrite sous ses pieds. Il hoquète et remercie maladroitement la dame avant de tourner les talons, manquant de trébucher sur ses propres jambes. Toute cette catastrophe entreprend de systématiquement détruire son optimisme, lacérant sa conception exagérément positive de l’univers qui l’entoure avec chacune des embûches rencontrant son chemin. Lawrence se sent impuissant, Lawrence se sent démuni et s’il a déjà effleuré l’essence de ce sentiment en faisant face à William, il ne l’a jamais réellement senti transpercer son corps.

Un éclair de couleur attire son œil et le jeune homme dévie momentanément de sa trajectoire vers la chambre B07 pour se heurter au paradis dissonant d’une pièce remplie de plantes.

L’endroit est vide d’êtres humains conscients, ayant pour seuls occupants ce qui semble être un vieillard et une petite fille, et les offrandes florales s’exhibent comme des perles de joie. Lawrence cligne des yeux, promène son regard sur les roses, les orchidées, les pensées et les tournesols qui se tiennent immobiles à quelques mètres de lui. Il lui semble absurde que quelqu’un ait pu trouver le temps, dans le chaos de l’extérieur de celui de l’hôpital, de réunir toutes ces plantes pour former un autel de chaleur autour de ces deux patients. Ça lui semble irréel. Sans vraiment réfléchir, il dépasse l’embrasure de l’entrée et contemple les deux individus inconscients d’un œil vitreux. Le décor l’émerveille et, pendant une brève seconde, il peut prétendre que les deux inconnus qui croupissent sous une avalanche florale sont simplement endormis. Il cligne des yeux, avance l’une de ses mains et saisi une tige du bout des doigts.

Puis il sort comme il était entré, sans un mot pour s’annoncer.

Il trouve la chambre où repose Cammy sans trop de difficulté, s’arrêtant quelques secondes devant la porte une inspiration nerveuse pendue aux bouts des lèvres. Comme lorsqu’il s’est confronté à la cloison le séparant de Miya, il hésite, il a peur et sait ses émotions parfaitement normales. Il avance sa main libre, puis la recule.

« She’s just fine. She’s just a little battered, mate, that is all. She’s going to be alright. »

Il tourne la poignée et pousse la porte. Deux lits, blanche, une salle jumelle à toutes les autres. Sauf que Logan croupit dans l’une des deux couches et que cela impose un constat très différent de ‘comme toutes les autres’ à l’esprit de Swanster. Il la remarque immédiatement de par ses cheveux et lui découvre un visage endormi et un aspect relativement sans chahut. Lawrence se fit un peu trop facilement aux apparences et en déduit que Cammy n’a rien de grave. Ses épaules s’affaissent en un soulagement diluvien et si quelques larmes coulent, personne n’est là pour les observer.

Lawrence laisse des phalanges légères tracer des cercles sur l’une des pommettes de la jeune femme et l’observe silencieusement de longues minutes. Plus tard, en y repensant, il considérera sa quiétude embarrassante, après tout, il n’a pas vu Cammy depuis si longtemps et d’avoir danser dans les serres du club de jardinage n’a jamais vraiment fait d’eux des amis ou quoique ce soit d’autres. Pas que la jeune femme ne l’intéresse point, au contraire, plutôt parce qu’elle se profile comme une créature inaccessible dans son esprit, une entité qui va et vient. Un songe. Et que parfois, juste parfois, elle lui rappelle vaguement William.

Lawrence demeure en vigile plus longtemps que nécéssaire dans la chambre B07, une statue blonde et malmené au regard bleu rivée sur une dame qui refuse de se réveiller. Lorsqu’il quitte la pièce, c’est comme lorsqu’il est entré, avec des mots chuchotés pour se rassurer. Toutefois, sa paume qui se crispait autour de la tige d’une large fleur est maintenant vide.

La porte de ferme doucement derrière lui et le tournesol est un petit soleil atmosphérisant la chambre de ses rayons-pétales. Sous sa tige traine un mot surmonté d’une calligraphie élégante qui se lit comme suit :

Je trouve toujours que de t’offrir une fleur coupée est plutôt de mauvais goût, mais j’espère que tu me pardonneras, je n’ai pas pu mettre la main sur quoique ce soit d’autre. J’ai essayé d’en sélectionner une en me basant sur le langage des fleurs, mais je me suis très probablement trompé. Je te laisse tout de même le loisir d’essayer de deviner mes intentions.

Je ne sais pas si tu as encore mon numéro dans ton téléphone portable, alors le voici. J’apprécierais beaucoup que tu me donnes de tes nouvelles une fois éveillée. Je vais essayer de repasser te voir bientôt.

Remets-toi bien, Cammy.

Lawrence.

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