#Chambre A01 : Jake Keegan ~ Chinoiserie part III

Dernière édition par PNJ le Lun 16 Sep 2013 - 2:30, édité 3 fois

C H I N O I S E R I E Event 2013

Le 05 août 2013,
Suite de Chinoiserie part II

Dans une chambre d"hôpital se trouve un jeune homme de 22 ans. Il se nomme Jake Keegan et on ne sait pas grand chose sur lui, à part qu'il a été retrouvé dans les décombres d'une petite épicerie. Le jeune homme a sans doute été surpris de sentir les secousses et n'a pas eu le temps de s'abriter pendant les tremblements de terre. L'épicerie, vétuste et ne possédant pas l'armature suffisante pour supporter un séisme de cette ampleur, s'est écroulé sur lui.

Depuis, le jeune homme est inconscient, sur son lit d'hôpital. Il est dans un coma artificiel permettant de reposer son corps. Ses fonctions vitales sont constamment surveillées car il est en danger de mort. Il a besoin d'un don de foie. Cependant, le jeune homme n'a pas de personne de famille dans la ville et elle n'est pas joignable. Peut-être n'a-t-il tout simplement pas de famille. En attendant, les médecins cherchent un donneur de foie parmi les donneurs de sang.

:Chekeck: Récompense :

A suivre,

L'avion atterrit à Tokyo en début de matinée. Un vol venant de Chester, en Angleterre. Une armée de gens en sortit, certains originaires d'Angleterre, d'autre étant né au Japon. Ils parlaient tous des langues différentes, mais venaient en un seul et même endroit. Parmi ces gens, se trouvait Ethel. Une valise pratiquement plus grande qu'elle, contenant tout son innombrable matériel de peinture, et quelques vêtements. Elle prit une navette pour le centre-ville, puis se dirigea vers la gare, entrant dans le premier bus pour sa destination finale : Keimoo. Elle était si fatiguée qu'elle s'endormit sur le champ, se réveillant alors que les paysages familiers commençaient à poindre. Un jour normal d'après vacances, en somme. Mais alors qu'elle descendait du bus, une personne assise au premier rang lui adressa un sourire triste.

« Vous habitez à Keimoo ? Bonne chance à vous alors... Quelle catastrophe. »

De quoi parlait-elle ? De la rentrée ? Fronçant les sourcils, sans trop comprendre, Ethel la remercia et descendit du bus. Elle n'eut que quelques mètres à faire pour saisir l'étendue de cette « catastrophe ». Elle croisa un bâtiment en bien mauvais état, un bâtiment qui était flambant neuf un mois avant ça. Et d'autres immeubles, maisons, complètement réduits à néant. Que s'était-il passé ici ? Les yeux plein d'interrogations, mais sans oser interrompre un piéton dans sa marche, elle continua jusqu'à l'Académie.

Armée de sa lourde valise, elle entra dans l'enceinte de l'établissement, s'arrêtant un instant devant le grand escalier qui menaient au dortoir, désespérée par avance de toutes ces marches à monter. Elle aperçut deux femmes, les secrétaires de l'établissement, en train de discuter autour de la machine à café. Leur visage était terrifiant de tristesse, elles parlaient d'une catastrophe immense, de blessés, de choses qu'elle ne put saisir. Peu à peu, Ethel compris que tout cet immensité détruire au dehors n'était pas l'heure d'un Godzilla perdu au japon. Repoussant le moment où elle allait devoir traîner sa valise, elle décida de s'approcher d'elles. C'était sans conteste la première fois qu'elle les croisaient, mais elle avait besoin de savoir quelle était cette « catastrophe » dont avait parlé le chauffeur du bus, et à quel point elle était grave.

« Excusez-moi, je viens de revenir en ville, et je vous ait entendu parler d'une catastrophe... Qu'est-ce qui s'est passé exactement ? »

Elles se retournèrent vers elle. La première éclata en sanglots, ce qui eut pour effet de terrifier d'autant plus la rouquine. La deuxième posa une main sur l'épaule de sa partenaire, avant d'adresser un regard à Ethel.

« Tu n'as entendu parler de rien ? Tu viens de quelle planète ? Il y a eu un tremblement de terre... Qui a fait énormément de dégats. Beaucoup de gens sont à l'hôpital. Certains dans un état très grave. »

Un tremblement de terre ? C'était assez évident, après coup. Les bâtiments détruits, les transports restreints, les gens déconfits et l'ambiance pesante qui régnait sur la ville. Elle n'avait eu aucun contact avec le monde durant ses vacances, et apprendre ça d'un coup... La rouquine allait rebrousser chemin pour monter sa valise, quand la troisième secrétaire déboula, et s'adressa à ses collègues, sans faire attention à elle.

« Yuki, tu te souviens du nom du jeune homme qui est dans le coma ? L'hôpital vient de m'appeler à nouveau, ils cherchent activement un membre de sa famille pour les prévenir, c'est toi qui t'occupes de sa section à l'université, donc je me disais que tu avais peut-être plus d'informations... »
« Jake Keegan ? J'ai cherché, mais toujours rien, je suis désolée... »

Jake Keegan...? Son Jake Keegan ? Celui qu'elle avait vu sur le terrain de sport, et qui était venue la surprendre en pleine nuit, il y a quelques temps ? Elle ne se rappelait pas énormément de lui, peut-être parce que lors de leur dernière rencontre, elle était passablement endormie. Mais savoir que quelqu'un qu'elle connaissait, même de loin, la troubla d'autant plus. Elle alla récupérer sa valise, la monta et échoua dans son lit, la tête dans l'oreiller. Qui d'autre avait pu être touché ? Elle n'avait pas énormément de liaisons dans l'académie, Jake était peut-être justement une de ses rares personnes avec qui elle avait réellement discuté. Chess ? Impossible qu'il soit touché. Il semblait au-dessus de ça... Peinant à respirer dans sa chambre close, elle sortit de l'académie, se rendant en ville. Ce qui n'arrangea en rien les choses.

Des bâtiments écroulés, de partout. Des fissures avalant les immeubles, et des cailloux sur chaque trottoir. Et dire qu'elle n'aurait jamais du partir, mais passer son été ici... L'hôpital se dressait devant elle, sans qu'elle n'ait réellement cherché à l'atteindre. Il fallait qu'elle le voit. C'était pour l'instant son seul lien réel avec la catastrophe, la seule personne qu'elle savait vraiment touchée. La jeune fille entra dans le bâtiment, et alla à l'accueil.

« Bonjour, je voudrais voir Jake Keegan, est-ce que c'est possible ? »
« Jake Keegan..? Attendez un instant. Oh. Vous êtes de sa famille ? »

Ethel connaissait la règle des hôpitaux, pour avoir regardé quelques films. Seuls les membres de la famille avaient le droit de visiter un malade, lorsque son état était grave. Si elle disait la vérité, il était probable qu'elle ne puisse jamais le voir. Elle releva la tête.

« Oui, je m'appelle Ethel Keegan. Je suis sa sœur. »
« Asseyez-vous. Je vais appeler le médecin. »

Elle ne savait pas ce qu'un mensonge de cette sorte pouvait lui coûter. Ce n'était pas si grave que ça après tout, elle n'avait tué personne. Elle voulait uniquement le voir, sans trop savoir pourquoi. Lorsqu'elle l'avait rencontré pour la première fois, il lui avait paru inébranlable. Agaçant, sarcastique, mais inébranlable. La jeune anglaise ne pouvait concevoir qu'il soit dans un état tel que sa conscience du monde extérieur soit altéré. Un vieil homme en blouse blanche s'approcha d'elle.

« Vous êtes Mlle Keegan ? Vous essayons de contacter sa famille depuis son arrivée ici. Suivez-moi, je vais vous conduire dans l'aile des soins intensifs. Vous ne pourrez le voir un court instant, en raison de son état. J'espère que vous comprenez. »

Ethel hocha la tête, s'en voulant déjà d'avoir mentit. Il la conduisit dans une session de couloirs immenses, lui expliquant son état, la greffe indispensable, et le danger incommensurable dans lequel il se trouvait avant de s'arrêter devant une porte. Il l'invita à rentrer, lui indiquant qu'il reviendrait dans dix minutes. Voulant s'enfuir à l'instant, Ethel finit par entrer. Il était couché sur un lit, les yeux fermés, le corps relié à des machines. La rouquine s'assit sur une chaise, non loin du lit, et l'observa. Qu'allait-elle dire au médecin ? Il voudrait sûrement ses coordonnées, pour la contacter en cas de réveil, ou de non-réveil... Elle pouvait encore dire la vérité. Mais si aucun membre de sa famille ne se manifestait ? Il se réveillerait seul. Ce qui n'était souhaitable à personne. Cependant, s'il se réveillait et qu'on lui disait que sa sœur avait été prévenue, et qu'il n'avait jamais eu de sœur, sa réaction pourrait être étrange. En même temps, elle était certaine qu'il connaissait son prénom. Cela suffirait peut-être.
Le médecin revint bien vite, Ethel se releva.

« Je vais prendre vos coordonnées, Mlle Keegan, nous vous contacteront si jamais son état vient à s'améliorer. Savez-vous si vous pouvons joindre ses parents? »
« Je le ferais – répondit-elle précipitamment – mais je vous remercie de me tenir au courant, en effet. »

Elle écrivit son numéro sur un papier qu'il lui tendit, remplissant quelques informations de base, mentant sur la plupart. Puis elle lui tendit le document, et s'enfuit de cet hôpital, gardant son téléphone un peu plus près que d'habitude. Au cas où.

La greffe de foie, en soi, n'est pas bien compliquée. A l'heure actuelle, elle est suffisamment bien pratiquée pour donner d'excellents résultats : très peu de rejets, une bonne récupération... Les techniques se sont tellement améliorées qu'il est désormais possible de sectionner un foie en deux, pour le greffer sur un malade. A savoir que même à 20% de ses capacités restantes, si cet organe est traité à temps, il a l'incroyable possibilité de se régénérer. Pourtant, comme toutes transplantation, elle reste difficile à organiser. De plus, le nombre croissant d'hépatite C la rend de plus en plus difficile à effectuer. Alors que tout s'arrange côté cirrhose alcoolique, la pénurie d'organes disponibles ne cesse de s'aggraver. Plusieurs milliers de patients restent pourtant opérés chaque année dans le monde. On peut devoir transplanter un foie à cause d'une cirrhose, justement, ou encore pour soigner un cancer ou bien encore pour guérir une hépatite C, en cas de dernier recours. La plupart des patient subissant cette opération sont des hommes, à presque 70%.

Au Japon, les transplantations sont difficiles. La dernière loi en date est très stricte et limite énormément le don d'organes. Il faut que le donneur potentiel soit d'accord, que les parents le soient aussi et qu'il ait plus de quinze ans, pour un individu vivant. Pour un mort, comprenez que son avis devient moindre, bien qu'il reste préférable qu'il l'ait donné avant sa position finale. C'est simple, en une douzaine d'année, il n'y a eu que, environ, quatre-vingt transplantations de ce type. Peu glorieux quand, en France, il y a q près de 900 par an...

Le coma, finissons avec ça... Pour résumer, c'est une sorte d'abolition de la conscience et de la vigilance face aux stimulations du monde extérieur. De façon plus grossière : on n'arrête de vivre consciemment. On devient insensible et les fonctions végétatives sont de moins en moins bien conservées à mesure que le temps passe. Il y a là plusieurs stades : au mieux, on peut grogner un peu et repousser la main qui nous pince pour voir si on réagit à la douleur, au pire, on est en état de mort cérébrale, c'est-à-dire que notre respirations et nos autres besoins vitaux sont maintenus artificiellement. Et puis il y en a aussi des différents : le traumatique, le plus "connu", qui résulte d'un accident de la route ou d'une chute ou autre type d'incident de ce genre, ou encore le coma métabolique et un tas d'autres encore - plus on y va, plus les noms deviennent compliqués.

Voilà où en était Jake.

Le jour de la catastrophe, Monsieur était naturellement parti faire quelques courses, histoire de participer autrement que par le loyer à la vie en ménage avec Ophiuchus. Son petit panier de supermarché était plein et, alors qu'il se dirigeait vers la caisse, les premières secousses ont commencé. Jake avait d'abord cru à un petit avertissement de cette chère planète-mère, mais il n'en fut pas ainsi. Juste quelques secondes plus tard, alors qu'il était près de la caisse, le tremblement de terre s'était subitement renforcé. Et il n'avait décidé de réellement s'inquiéter que lorsqu'il avait vu la totalité des clients aller s'abriter sous les étalages. Son dernier regard avait été pour le caissier qui lui hurlait d'aller se mettre en lieu sûr alors que lui-même plongeait sous le comptoir de la caisse. Malheur au blond qui n'avait pas eu d'autres réflexes que celui de regarder la foule qui s'agitait promptement au dehors. Son unique sursaut, à lui, avait été de lâcher le panier avant que ce ne soit le plafond qui ne lui tomba dessus. Le choc a la tête, réellement brutal, l'avait aussitôt fait basculer dans les abîmes de l'inconscience où un silence paisible régnait.

Admis à l'hôpital en urgence dès que son corps avait été retrouvé sous les décombres du magasin, J. était dans un état critique : commotion cérébrale qui l'avait plongée dans le coma - le traumatique, du moins... au début - et perforation de l'abdomen. Un peu trop bas au goût des chirurgiens. Le foie, petit organe d'une kilo et demi pour un adulte, avec son emploi bien particulier pour la digestion et l'assimilation des éléments, avait été touché, perforé, déchiré. HS. Naze. Kaput, le foie. Adieu-bye-bye. Il lui fallait donc une transplantation d'urgence. Au plein coeur au Japon. En pleine catastrophe naturelle. En plein dans les vacances d'été, que sa soeur passe au pays, en compagnie de Gros Connard. Joie. Soeur qui n'avait aucun lien de sang avec lui et qui n'était donc pas trouvable comme étant "sa famille". Monsieur Jake ayant aussi décidé de dire qu'il était émancipé, donc non sous la garde de Keegan-père-salopard, n'avait pas jugé bon d'exprimer le lien de sang - bien que largement réfuté dans sa petite caboche - avec lui.

Autant dire qu'il était dans de beaux draps. Dans tous les sens du terme.

Le californien était donc dans une chambre d'hôpital depuis maintenant près de deux semaines. Du "banal" coma traumatique, il était passé à une encéphalopathie hépatique. Traduction du charabia médical ? Certes : un coma lié à l'insuffisance des fonctions vitales du foie, tout bêtement. Enfin, pour son cas, c'était ça. Ce qui est fâcheux dans ce genre de diagnostic, c'est qu'il peut être soigné, mais entraîné des troubles de la personnalité, voire un changement complet, ou bien même être carrément irréversible. "Dans très peu de cas" vous dirons les médecins. A vous, la famille, les amis, les proches. Pour vous aider à tenir pendant la durée de l'hibernation du malade. Oui, mais après ?

Nous étions le 16 août, depuis à peine une heure. Jake ouvrit un oeil, puis deux. Les machines qui le maintenaient en vie depuis son admission émirent un bip différent, rompant la litanie dans laquelle elles berçaient la chambre de soin intensif depuis plusieurs jours. Au début de la semaine, un patient qui était en mort cérébrale contrôlée, suite à une rupture de la colonne vertébrale - il s'était pris un mur sur le coin de la tronche, c'est pire que les plafonds, visiblement - s'était trouvé prélevé de son foie, dans son intégralité, pour qu'il soit ensuite greffé dans le corps de notre zhéros.

D'abord, il a commencé par fixer le plafond, longuement. Puis les médecins de garde se sont pointés, lui expliquant ce qu'il avait subi. En premier lieu, ils ont testé ses pupilles, essayer de voir s'ils entendaient en lui posant des questions, lui demandant de répondre par des battements de paupières. Jake avait obtempéré, sagement, sans quitter des yeux ce qu'il avait vu en premier dans cette pièce. Un peu comme un poussin prendrait pour sa mère le premier être qu'il voit. Sauf qu'il n'était pas un poussin et que les dalles au-dessus de sa tête n'étaient pas sa mère. On lui demanda ensuite d'articuler quelques mots. Les premiers sont qui sortirent de sa bouche ne furent que de vagues murmures, rapidement mus en grognements pourtant. Quand à essayer de prononcer une phrase, c'en était encore à des chuchotements, auxquels il manquait le souffle.

Vous avez été transplanté, Monsieur Keegan. Un donneur, maintenu en vie, vous a légué son foie, puisque le vôtre était détruit. Vous avez une blessure en bonne voie de guérison à l'endroit de la perforation, sur votre abdomen. Nous sommes le 16 août, il est bientôt une heure du matin. Vous êtes resté dans le coma depuis le tremblement de terre. Ne vous inquiétez pas si vous vous sentez perdu et fatigué, c'est tout à fait normal. Nous vous conseillons de dormir et nous répondrons à toutes vos questions demain. reposez-vous.

Et c'est le grand départ. Jake les sentit quitter la pièce, sans ajouter un mot de plus. Ils s'étaient contentés de le paumer dans leur explication, de le laisser dans la peur naissante qui commençait à lui vriller les tripes. Dormir ? Se reposer ? Il était resté plus d'une semaine dans le coma et on lui demandait de pioncer encore ?! Pourtant, il savait : on est fatigué après un tel traumatisme, c'est normal. Mais il s'y refusait, tout bonnement. Alors il commença à compter les trous qu'il pouvait y avoir dans la dalle juste au-dessus de sa tête. 884. Ca c'était fait. Doucement, lentement, il tourna la tête sur le côté, se retrouvant face au mur où était la fenêtre de la chambre. Puis il alla de l'autre côté, se trouvant nez à nez avec les rideaux fermés de sa chambre. Voilà, tout était visité. Toujours aussi précautionneusement, il bougea ses doigts, puis ses pieds et ses jambes, un peu. Bêtement, dans cet élan, il essaya de se redresser. Il abandonne vite l'idée, retournant à l'observation de sa chambre, avant de finir par tomber littéralement dans un sommeil plus réparateur que celui qu'il subissait depuis qu'il était là.

Le lendemain, réussissant à parler un peu, il put poser quelques questions aux médecins. Les réponses, il les écouta d'une oreille distraite, finissant par replonger dans les bras de Morphée, bien trop vite à son goût.

Quand il ouvrit de nouveau les yeux, il se sentait déjà un peu plus reposé que les fois précédentes, espérant pouvoir tenir éveillé un peu plus longtemps qu'un petit quart d'heure. Il commença par tourner la tête du côté de la fenêtre, constatant que les stores étaient suffisamment levés pour laisser passer de la lumière, sans pour autant le mettre en plein soleil. De l'autre côté, ils étaient fermés. Un soupir et il baissa les yeux, tombant sur une chevelure rousse qu'il ne s'attendait pas à trouver là. Pas du tout. Il commença par cligner des yeux, interloqué, gardant son mutisme. Puis, conscient qu'il n'allait pas rester sur le qui-vive longtemps et que Morphée n'allait pas tardé à le choper de nouveau, il n'avait pas de temps à perdre.

Bonjour vous...

Sa voix était encore un peu sifflante, encore un peu sous-alimentée en souffle, mais déjà plus viril qu'à son premier réveil. Une infirmière entra dans la chambre, pour lui expliquer qu'ils avaient contacter ma soeur, Ethel Keegan ici présente, pour l'avertir de mon réveil. Elle ne tarda pas à s'éclipser, déclarant qu'elle lui laissait le choix de tout lui expliquer s'il s'en sentait capable et qu'elle repasserait dans une dizaine de minutes pour voir s'il n'était pas trop fatigué. Quand elle sortit, Jake glissa de nouveau son regard sur la rouquine, un sourire épuisé rivé aux lèvres.

Ma soeur, hein ?

Un rire tout aussi faible s'échappa de sa gorge et il ferma les yeux un instant, juste le temps de passer sa langue sur ses lèvres. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que sa soeur et le paternel n'étaient pas au courant de son état. Si lui devait savoir pour le tremblement, il n'avait pas du en parler à sa Chessnut, pour qu'elle n'est pas l'occasion de revenir plus tôt que prévu. Elle n'avait pas du essayer non plus de joindre J. depuis plus d'une semaine. Il rouvrit les yeux, déglutissant. Quand il vit de nouveau Ethel, il renonça à l'idée de sourire, pensant simplement que ça lui pomperait trop d'énergie.

Tu... es venue souvent ?

Sans attendre sa réponse, il releva ses bras contre son corps, prenant appui dessus pour se redresser un peu, grimaçant sous l'impression de muscles ankylosés qui entouraient tout son corps. Il fixa la jeune fille un moment, en silence, et finit par murmurer, sans y avoir réfléchit une seule seconde :

Approche, ma belle. S'il te plaît.

Et il tendit le bras, vers elle, comme il ne l'avait plus jamais que pour Emy depuis la mort de sa mère.

Ethel reposa sa main contre son oreiller, laissant son téléphone échouer quelque part sur le sol. Voilà bientôt quatre jours qu'elle s'était rendue pour la première fois à l'hôpital, mentant sur son identité, pour voir Jake. Étrangement, le mensonge fut plus facile à donner que prévu. Ils ne lui demandèrent pas sa carte d'identité, n'insistèrent pas quand elle assura ne pas savoir comment contacter les parents du jeune homme. Il était majeur, et toutes les informations médicales avaient pu être données avec les examens de bases. Vouloir contacter les parents n'étaient qu'une formalité, pour les prévenir. Si ils avaient vraiment insisté, la jeune fille aurait été bien mal. Mais au lieu de ça, elle attendait juste leur appel depuis quatre jour. Lui rendant visite l'après-midi. Elle ignorait tout des greffes de foie, du coma et même des hôpitaux. Est-ce que cela pouvait prendre une semaine ? Un mois ? Un an ? Elle se contentait de garder son téléphone allumé à chaque heure du jour et de la nuit, pour être présente, au cas où. La rouquine ne savait même pas pourquoi elle voulait être présente. Peut-être le fait qu'il n'est aucune famille apparemment sur les lieux. Dans le même cas, elle était pratiquement sûre de se réveiller seule à l'hôpital, et elle ne souhaitait cela à personne. Quand bien même elle ne l'est rencontré qu'une ou deux fois.

Alors qu'elle se levait pour aller faire un tour, son téléphone sonna. Elle ne mit que quelques micro-secondes à comprendre qui pouvait l'appeler. Sa mère ne le ferait pas, et aucune personne ne possédait son numéro à Keimoo. A part un certain hôpital. Saisissant vivement le cellulaire, elle décrocha.

« Mlle Keegan ? Ici l'hôpital de Keimoo. Votre frère vient d'être opéré, il s'est réveillé et est maintenant sortit d'affaire. Vous pouvez venir le voir dès que vous le souhaitez. Si vous êtes disponible. »
« Merci infiniment d'avoir prit la peine de me prévenir. Je suis disponible. J'arrive le plus tôt possible. »

Et le plus tôt possible signifiait maintenant. Elle enfila la première robe qui lui tomba sous la main, jaune poussin, afin d'apporter un peu de gaieté dans cette ville cernée de catastrophe, quand bien même certains pouvaient trouver cela déplacé, et une paire de bottes marrons. Pendant un instant, la jeune anglaise hésita à prendre son passeport. Si elle ne l'avait pas, elle n'aurait pas à mentir en disant qu'elle n'avait pas ses papiers d'identité sur elle, au cas où. Mais qui lui demanderait ? En une dizaine de minutes, elle était hors de l'Académie, montant dans le premier bus en direction de l'hôpital, sans même tenter de se demander si ce qu'elle faisait était bien. Et si à son réveil on lui annonçait que sa sœur était là ? Il avait peut-être une sœur qu'il aimait plus que tout, et voir Ethel arriver à sa place pourrait lui faire plus de mal que de bien. Ou peut-être que sa sœur était morte, ce qui serait encore pire. Il pouvait très bien n'avoir aucune sœur, d'ailleurs. Secouant la tête, elle se refusa à ces idées. Ce qui est fait est fait, little E.

A son arrivée, une infirmière la conduisit dans la chambre où elle avait été précédemment. Jake dormait, l'infirmière lui assura qu'il s'agissait d'un sommeil normal, conduit par aucune machine. Et en effet, beaucoup moins de fil le reliait à la vie à présent. S'approchant, légèrement tremblante, elle plaça une chaise juste à côté du lit, attendant qu'il se réveille... Ou pas. Mais peu après son arrivée, le jeune homme commença à cligner des paupières, signe qu'il se réveillait. Pendant un instant, la rouquine faillit se lever et partir, se demandant ce qu'elle fichait ici. Mais déjà il se tournait vers elle, semblant trop fatigué pour être proprement surpris, lui adressant quand même quelques mots.

« Bonjour... Jake. »

Bonjour Jake. Ne sois pas surpris. Je me suis fait passer pour ta sœur afin de pouvoir te voir. Je ne sais même pas si tu en as une, mais j'avais peur que tu ne doives te réveiller seul, dans cette chambre d'hôpital. Je peux partir sur le champ, si tu le veux.
Mais ces mots, qu'elle aurait aimé prononcer, ne sortirent pas. Ne purent sortir face à un Jake tellement faible qu'il semblait se battre pour le moindre mouvement. Une infirmière rentra dans la chambre, et prononça ces mots pour elle. Pas tout à fait ceux qu'elle aurait aimé dire, mais au moins il comprenait qu'elle avait mentit. Sauf si son esprit était trop embrumé pour se rendre compte que la personne en face de lui était tout sauf sa sœur. Elle en eut la confirmation lorsque l'infirmière sortit. Une sorte de sourire naquit même aux coins des lèvres du blondinet. Elle baissa la tête, à la fois gênée et amusée, se contentant d'hocher la tête avec un regard coupable.

« Je... suis venue quelques fois oui. J'ai apprit la nouvelle il y a quatre jours. Je suis venue chaque jours depuis. »

Et à chaque fois, elle s'était faite appeler Mlle Keegan. Ce n'était pas très glorieux. Peut-être lui en voudrait-il, de ne pas être sa sœur, et qu'il allait lui intimer de partir, en prenant en lui toute la force qui lui restait. Mais honnêtement, même en cherchant au plus profond de lui-même, il ne semblait pas vraiment avoir de force sous les os. Chaque mot semblait lui coûter, à entendre comme à prononcer. Pourtant, il fallait qu'elle clarifie les choses, s'excuse au moins. Tant pis si ils ne pouvaient pas comprendre tout à fait ce qu'elle allait lui dire.

« Je suis désolée d'avoir mentit, en prétextant que j'étais ta sœur. Mais je ne suis pas sûre qu'ils m'auraient laissé te voir sinon. Et... Je voulais te voir. Non, plutôt, je ne voulais pas que tu te réveilles dans une pièce blanche, vide, pleine d'odeurs inconnues et de paysages affreux aux murs, avec aucun visage connu... Si tu veux que je partes»

Si tant est que tu te souviennes de mon visage. Après tout, ils ne s'étaient véritablement vu qu'une fois. La seconde ne fut qu'une brève entrevue, assez pour se terrifier l'un l'autre, et engager la fuite du jeune homme, qui avait bien du mettre en alerte la moitié des filles encore endormies. Un surveillant était même passé vérifier dans sa chambre, mais elle avait fait semblant de dormir, trop fatiguée pour rendre des comptes à quatre heures du matin. Cependant, à voir son regard, il semblait se rappeler d'elle. Etait-ce bon, ou non ?
Il tendit le bras vers elle. Tout d'abord surprise, la rouquine eut un mouvement de recul. Il voulait qu'elle s'approche de lui ? Sans réflechir, croyant dans l'instant que c'était une meilleure chose à faire, elle mettait sa main dans la sienne, s'approchant de lui. Elle avait beau chercher, il lui était impossible de trouver quelque chose à dire. Les seuls mots qui sortirent furent :

« Tu devrais rester couché... Tu ne crois pas ? »

Son mouvement de recul le fit arquer un sourcil, mais ce fut finelement un sourire qui s'empara de ses lèvres. Toujours sur la défensive, cette rousse ! Enfin, ce n'était pas étonnant après ce qu'il avait pu lui faire endurer. Lui qui avait commencé par remuer le couteau dans ses plaies, chercher sournoisement la petite bête, la faille qui pouvait la faire craquer comme il le fallait. Lui qui avait aussi débarqué dans sa chambre, en pleine nuit, pour lui filer la trouille de sa vie et qui en était reparti plus penaud qu'il ne l'avait d'abord imaginé. Le voilà qui lui tendait maintenant la main, pour lui intimer silencieusement l'ordre de venir plus près. Il n'avait jamais eu de grands penchants pour les contacts, qu'ils soient féminins ou masculins. Mais tout le monde change. Et de l'entendre lui dire qu'elle voulait le voir, mais si elle avait aussitôt corriger cet aveu en prétextant vouloir lui épargner un autre réveil dans la solitude, lui réchauffait étrangement le coeur. A ça il ne voyait que la réponse d'un contact, aussi minime soit-il.

C'est ce qu'il m'a été conseillé pour le moment, oui.

Et voilà les mots qu'il trouva à lui donner en échange des quelques siens. Dans un geste plus prompt qu'il ne s'en serait cru capable, il l'attira contre lui, profitant du même élan pour se redresser un peu plus. Leur corps maintenant l'un contre l'autre, il glissa sa main libre dans le dos de l'ingénue, la tenant contre lui. Il finit par poser son front sur son épaule et murmura, fatigué.

Ne bouge pas. Juste... Juste un moment, s'il te plait.

Il ne dit plus rien, se resserrant un peu plus contre elle, à l'image d'un enfant qui rechercherait la chaleur de sa mère, à se réconforter contre elle. A la chose qu'il ne pouvait plus faire, il fallait bien qu'il lui trouva un substitut. Mais, étrangement, ce ne fut pas comme une compensation qu'il ressentit cette étreinte, mais bien comme un besoin de sentir la rouquine contre lui.

Merci.

Non, ce n'était pas des remerciements pour le fait qu'elle ait accepté de rester contre lui, mais bien pour le fait qu'elle ait été là, à ce réveil. Même s'il risque de la faire fuir et de ne plus la revoir pour les prochains. Ca ne lui était pas égal, mais il ne savait pas combien de temps son corps allait bien vouloir le tenir éveillé et il préférait profiter pleinement de ce qu'il pouvait avoir à cet instant. Pas la peine de gâcher le moment en envisageant les suivants...

Excuse-moi...

Sur ces quelques mots, il relâcha son étreinte, retombant mollement dans ses oreillers, mais il garda encore un peu la main d'Ethel dans la sienne. Il bougea son pouce sur sa peau, juste un peu, juste comme ça. Et enfin, il lui rendit tout sa liberté, dénouant ses doigts des siens. Il soupira, affichant un sourire navré. Sa raclant la gorge, il tendit le bras vers son verre d'eau, mais il fut incapable de s'en saisir, le laissant tomber au sol. Il grimaça et abandonna l'idée de boire. Il n'en avait pas vraiment envie de toute façon.

Les médecins ont dit que je devais encore me reposer et que, demain, si mon état me le permettait, je pourrais faire quelques pas dans le couloir, accompagné.

L'idée d'être ainsi materné le fit sourire, cette fois de façon amusée. Cela faisait un bail qu'il n'avait pas été aussi observé de près et il avait fallu qu'un plafond daigne s'écrouler sur lui pour que ce soit le cas. Il pinça les lèvres et reporta toute son attention vers la jeune fille. Il l'observa un moment, finissant par incliner un peu la tête sur le côté.

L'envie de me voir, hum ?

Et voilà, un Jake qui tentait de revenir, de paraître encore un peu provocateur, avec ses cernes sous les yeux, ses joues creusés et alité dans un hôpital, en soin intensif. L'infirmière rouvrit la porte, un sourire navré fiché sur son visage européen.

Monsieur Keegan doit se reposer. Je vous laisse vous dire au-revoir et je reviendrai d'ici cinq minutes pour vérifier les constantes.

Sans qu'elle ne s'y attende, Jake resserra sa main dans la sienne, et l'attira contre lui. Etait-ce le même Jake qui l'avait terrifiée une nuit, en faisant retentir le un terriblement meuglement bovin dans une chambre calme ? Pendant un instant, elle fut tenter de se figer, voir d'avoir un mouvement de recul, encore. Mais étrangement, elle se laissa aller dans cette étreinte tremblante, obéissant presque lorsqu'il lui demanda avec fatigue de rester contre lui. Le jeune homme avait beau chercher toujours la petite bête, et la vérité dans le cœur des gens, il semblait que son propre cœur contenait pas mal de vérité qu'il voulait plus que sûrement éviter de divulguer. Fort heureusement, Ethel n'était pas le genre de personne à chercher toujours plus loin chez les gens, à vouloir sonder leur âme et lire en eux. Tout ce qu'elle voyait en cet instant, était quelqu'un qui sortait tout juste du coma, les bras tremblants de fatigue, et qui sans la présence d'une fillette aperçue pas plus de deux fois, il aurait été seul. Ou pas. Pourquoi pensait-elle ça ? Il avait peut-être une famille aimante qui l'attendait, et n'avait juste pas pu être prévenue à temps. Tout le monde n'avait pas des parents bien trop pressés par la vie pour faire attention à leur progéniture.

Peu à peu, il délia l'étreinte, et Ethel se recula doucement. Le fait qu'il la remercie était presque plus troublant que le reste. Elle baissa le regard sur sa main, qu'il tenait encore. La jeune fille observa le bras du jeune homme. Un bras tatoué, comme une bonne partie du corps du jeune homme. Ce n'était pas un détail qui la choquait, voir jamais. Son père était criblé de tatouages de la tête aux pieds, elle avait toujours grandit avec ça. Mais de voir Jake ainsi paré, dans un lit d'hôpital, rendait la chose étrange. Son père avait toujours été une figure inébranlable, et elle avait donc associé tatouage avec force mentale, force physique. De voir Jake ainsi vulnérable, alors que cette encre corporelle était sensée protéger de tous les mots rendait Ethel tremblante.

« De rien... Je suppose... Ne t'excuses pas s'il te plaît. »

Elle sourit, l'envie de le voir ? Elle pouvait enfin entrevoir le Jake qu'elle avait – brièvement – connu. Mais bien vite, il se laissa retomber dans la fatigue. La jeune anglaise allait répondre, quand une infirmière entra. Évidemment, il devait se reposer. L'air navré de la jeune femme faillit rendre Ethel coupable. L'infirmière avait l'air de s'en vouloir de séparer les retrouvailles de deux frères et sœurs. Si elle savait qu'en réalité, la rouquine ne voyait Jake éveillé que pour la troisième fois de sa vie, elle aurait peut-être réagit différemment. Mais avant que sa culpabilité ne puisse la ronger de trop, la jeune femme avait rebroussé chemin. Il était temps de dire au revoir. Elle avait pu se rendre compte d'à quel point Jake luttait contre le sommeil depuis son arrivée. Posant sa main, à présent libre, sur son sac, elle tritura nerveusement la fermeture.

« Si... Si tu le veux, je pourrais revenir. Te tenir compagnie. Mais si jamais tu ne veux pas, dis-le moi, je ne viendrais plus t'importuner. »

Après tout, elle était une intruse ici, rien de plus. Il était parfaitement en droit de lui demander de foutre le camp. Mais dans l'état actuel des choses, elle doutait qu'il tourne les choses de cette manière. Peut-être dirait-il simplement qu'il souhaitait se rétablir dans le calme, sans recevoir de visites. Ce qu'elle comprendrait totalement. Après tout, tout le monde souhaite se remettre d'un coma et d'une greffe de foie face à un horrible paysage de rizières, et dans des draps blancs qui semblaient gratter affreusement, non ?

Il ne lui restait à présent qu'à prendre congé, elle reviendrait peut-être, si il lui montrait qu'il voulait bien d'elle. Après tout, elle n'avait pas grand chose d'autre à faire de ses journées, peut-être même que cela lui donnerait une inspiration créatrice. Elle avait déjà en tête quelques images. Comme à chaque fois, les seuls dessins à peu près potables qu'elle faisait étaient lorsqu'elle vivait une expérience qui la sortait légèrement de son quotidien. Une chose totalement normale pour un artiste chevronné, ou même n'importe qui. Mais à force de s'installer dans le confort de la drogue et d'une chambre dans l'Académie, la rouquine avait commencé à oublier que la vie, la vraie, celle qui inspire, tiraille et fait vibrer, ne se passe pas entre quatre murs à se défoncer.

« Je vais te laisser te reposer, maintenant. J'espère que tu te rétabliras vite ! C'est un peu étrange pour moi de te voir... dans cet état. »

Ok, ces derniers mots étaient sûrement un peu déplacés. Baissant la tête honteusement, elle rebroussa chemin, fermant la porte avec bien plus de délicatesse que le jeune homme l'avait fait une certaine nuit, et sortant de l'hôpital, pour aller décharger toutes ses pensées sur papier.

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