Deux filles avec une réputation, ça donne quoi?

La journée de travail venait de se terminer. La jeune femme avait finalement réussi, trois semaines auparavant, à trouver une enseigne française de prêt-à-porter de luxe qui l’avait appelée pour un entretien d’embauche. La directrice de la boutique était française et parlait donc un français irréprochable. Elle avait confié à Rachel qu’elle avait besoin d’elle justement pour ses compétences dans la langue française. Combien de temps n’avait-elle pas parlé la langue ? En Espagne, Rachel n’avait prononcé aucun mot de français et au début, elle avoua à la directrice qu’elle avait un peu de mal. Mais très vite, tout lui était revenu et elle s’était mise à le parler correctement à nouveau. La jeune espagnole avait donc remarqué que beaucoup de clients de la boutique étaient en effet français et elle comprit la raison pour laquelle elle fut choisie. Les japonaises qui travaillaient avec elle connaissaient quelques bribes de mots mais parfois, il leur arrivait de ne pas se faire comprendre ou tout simplement de ne pas saisir ce que les clients souhaitaient. Rachel était donc un atout majeur dans cette boutique. Elle était chargée de recevoir les clients et de les conseiller au mieux – métier de vendeuse, me direz-vous – mais également d’aider les japonaises à s’en sortir. Autrefois, c’était la directrice qui devait s’en occuper mais désormais, elle avait donné cette tâche à Rachel. Cela ne la dérangeait pas du tout, bien au contraire. Elle se sentait utile, beaucoup plus qu’elle ne l’aurait certainement été dans un magasin où personne n’avait réellement besoin de son aide, et dans lequel elle se contenterait seulement d’effectuer le travail demandé.

Rachel passait beaucoup de temps au magasin. Au bout de quelques jours, elle avait avoué à la directrice son projet d’un jour vouloir créer sa propre marque de vêtements. Cette dernière, au lieu de lui rire au nez et de lui dire que ce domaine était bouché – ce que beaucoup de personnes auraient certainement fait – lui proposa de lui apprendre des choses et de la prendre sous son aile. La jeune femme fut très ravie. Depuis, il lui arrivait donc de rester un peu plus tard au travail afin d’assimiler les bases de la couture et écouter les enseignements de sa supérieure. Celle-ci était réellement passionnée par ce qu’elle faisait et cela confortait Rachel dans l’idée qu’elle était tombée sur la bonne personne. Elle était contente de travailler aux côtés de cette femme. L’espagnol suivait les cours avec une grande attention et un intérêt monstrueux. Par ailleurs, la directrice lui expliquait la façon dont il fallait penser à la conception des vêtements, à leur réalisation et enfin, toute la partie marketing et commerciale. Une marque ce n’était pas seulement des habits qui se vendaient une fois qu’ils étaient cousus. Non, c’était bien plus que cela. Il y avait toute la partie commerce dont Rachel n’avait aucune connaissance. Elle n’avait jamais étudié l’économie et le commerce que ce fût au lycée ou à l’université. Puis, de toute façon, elle travaillait et n’avait pas le temps de commencer des études. Peut-être en cours du soir, mais elle n’était pas sûre que ce fût une bonne idée. Cela l’aurait éloignée de Rose, ce qu’elle ne souhaitait pas. Et, pour le moment, il était hors de question de cesser le travail pour tenter d’entrer à l’université. Elle ne souhaitait pas reprendre les études alors elle devait apprendre elle-même.

Très intéressée et passionnée par tout ce qu’elle venait d’apprendre en quelques jours seulement, Rachel décida de peaufiner tout cela en se rendant à la librairie après le travail. Elle avait l’intention d’acheter quelques livres sur le commerce mais aussi sur le monde de la mode afin d’en tirer tous les enseignements possibles. Bien évidemment, elle ignorait totalement le livre qu’elle souhaitait acheter en particulier. Ce fut donc difficile de choisir lorsqu’elle entra enfin dans la librairie en question. Découragée, elle finit par se rendre dans la section enfants pour prendre quelques livres pour sa fille Rose. Après tout, elle pouvait bien lui offrir quelques cadeaux de temps à autre. De plus, il fallait que Rose apprît un peu le japonais alors Rachel choisit ceux qui enseignait le japonais à des enfants touts petits. Enfin, elle revint dans la partie Commerce – Mode, mais n’était toujours pas sûre de son choix. Il n’est jamais évident de prendre un livre donné, lorsque vous vous retrouvez devant des dizaines de livres qui portent des titres similaires et qui vous enseignent à peu près la même chose, à quelques chapitres près. Rachel se retrouva exactement dans ce cas de figure-là. Elle aperçut au loin un conseiller et tenta de le faire venir à elle mais ce dernier ne la vit pas. Finalement, elle se rendit donc vers l’accueil où elle attendit quelques minutes avant qu’une personne vînt enfin la renseigner. Cette dernière – ce qui n’étonna pas Rachel parce que pas tout le monde était expert en commerce et en mode – ne put lui répondre que vaguement. Elle ne connaissait pas vraiment le meilleur des livres et lui donna simplement une liste des livres, ce qui ne servait pas à grand-chose.

La jeune espagnole soupira. Elle détestait ce genre de sentiments et commençait à perdre patience. Elle n’avait aucune idée du livre qu’elle voulait prendre et personne ne pouvait la conseiller dignement. La personne de l’accueil ne lui avait même pas dit s’il existait un autre conseiller de vente qui était en mesure de l’aider. Cela voulait dire qu’il n’y en avait certainement pas. Rachel retourna donc une nouvelle fois dans la partie prévue à cet effet et prit son portable. Elle était plongée dès lors à lire des critiques sur les différents livres. Bien évidemment, elle ne chercha pas tous les livres qu’elle avait sous les yeux, simplement les quelques trois-quatre qui semblaient l’intéresser le plus. Au bout de quelques minutes, elle en avait marre. Les résultats sur internet n’étaient pas nombreux et ne l’aidaient pas trop non plus. Elle avait donc envie d’abandonner et de repartir simplement avec les livres qu’elle voulait acheter pour sa fille. Elle leva alors la tête et rangea son portable dans son sac à main. Elle soupira une dernière fois et était vraiment sur le point de partir, à la fois découragée, triste et en colère. C’était souvent assez frustrant de ne pas trouver un livre qui lui correspondait. Surtout si elle avait passé énormément de temps à choisir. Elle reposa alors tous les livres là où elle les avait pris et réfléchit encore quelques instants. Après tout, elle pouvait bien demander conseils à sa supérieure. Celle-ci devait probablement connaître bien mieux les livres sur le commerce et la mode que ceux qui travaillaient dans cet endroit. Elle décida alors d’en parler avec la directrice le lendemain et espérait vraiment que cette dernière était en mesure de l’aider.

Rachel se tourna et là, elle remarqua la présence d’une jeune japonaise qui semblait la regarder. Elle ignorait combien de temps celle-ci était restée à l’observer tellement elle avait été plongée dans son envie de choisir un livre particulier. Cette fille, elle était sûre et certaine de la connaître. Du moins de vue. Mais elle n’arrivait pas du tout à se souvenir qui elle était.

(Désolée, c'est pas top ><)

Spoiler:

Plus la japonaise se rapprochait, plus Rachel était certaine qu’elle connaissait ce visage. Elle essayait de mettre un nom dessus, mais elle n’y parvenait pas. La fille s’approcha avec son sourire chaleureux, que l’espagnole lui rendit. D’où la connaissait-elle ? C’était également une question qui semblait pour le moment rester sans réponse. Puis, Rachel n’eut même pas le besoin de la lui poser que la japonaise se mettait à parler. Le lycée. Keimoo. Ah oui ! C’était cela, en effet. Désormais elle se souvenait l’avoir vaguement aperçue rarement dans les couloirs de l’académie. Enfin, la fille se présenta. Le nom parut très familier à Rachel. Où avait-elle entendu parlé de ce nom de famille ? Une seconde plus tard, elle faisait le lien entre cette fille, son prénom et surtout, le lycée dans lequel elles étaient ensemble. Yume Namida la rebelle. Celle qui ne venait que très rarement en cours et qui dérangeait les autres le plus souvent. Une autre fille à réputation, mais totalement différente de celle que Rachel avait eu autrefois. Elle savait désormais la raison pour laquelle elle n’avait jamais parlé avec elle : tout simplement parce que ce n’était pas le genre de filles avec qui elle traînait dans le temps. Elle évitait les rebelles et préférait les populaires ou les pompom. Ou plutôt il fallait dire, des filles trop naïves qui pensaient que rester avec Rachel était la meilleure chose pour devenir célèbre et avoir des garçons.

En tout cas, tout ceci était fini. Du moins, de la part de la jeune espagnole. Elle était devenue mère et avait enfin travaillé en tant qu’actrice, le métier qu’elle avait toujours voulu faire. Depuis, elle avait grandi et mûri dans sa tête. Elle était totalement différente à ce jour. En ce qui concernait Yume, elle n’en avait aucune idée. Pourtant, quelque chose lui indiquait qu’elle devait également avoir quelque peu changé. Elle ne pourrait pas s’imaginer Yume dans une librairie avec des livres de droits dans les bras, plusieurs années auparavant. Il fallait reconnaître également qu’il était tout simplement surprenant de croiser une fille qui n’en avait que faire des règlements autrefois avec un livre de droit dans la main. C’était le comble, le paradoxe pouvait-on dire. Il devait en être de même pour Rachel. Une fille comme elle avait été ne se promènerait certainement pas avec des livres pour les enfants. Ces pensées la firent sourire et même rire intérieurement. Les gens changent. Et Rachel était très heureuse de ce qu’elle était devenue avec le temps. Elle ne s’imaginait plus de se voir continuer une vie comme celle qu’elle menait avant la naissance de Rose. De plus, elle n’avait aucune envie que sa fille fît la même chose plus tard. Elle se trouvait horrible et son comportement avait été complètement tragique. Rachel souriait donc à Yume.

- Non, pas de soucis, ne t’inquiète pas, ça ne fait rien, enchaîna Rachel très rapidement pour la rassurer. Oui, je me souviens de toi. Du moins, du peu que je t’ai vue et de tout ce que j’ai entendu sur toi.

Rachel sentit alors tout d’un coup que ses livres commençaient à glisser entre ses mains. Elle se concentra donc afin de les rattraper et qu’ils ne tombassent pas à terre. Elle les rassembla ensemble et les remit à son côté droit. Elle releva la tête vers Yume.

- Je suis Rachel Leboit, se présenta-t-elle enfin en essayant de lui tendre la main droite avant de se rendre qu’elle avait les livres de ce côté-ci. Tu as du beaucoup entendre parler de moi. Probablement d’une manière négative, depuis mon arrivée à Keimoo jusqu’à ce que je m’en aille, n’est-ce pas ?

Certes, c’était une question, mais elle connaissait déjà la réponse. Elle se doutait bien que la fille lui répondrait qu’en effet, elle n’avait jamais entendu quelque chose de positif sur Rachel. Tout le lycée parlait de l’espagnole dès son arrivée. Elle s’était imposée tout de suite en draguant les meilleurs garçons de l’établissement et en attirant vers elle toutes les filles qui rêvaient de gloire à ses côtés. Elle avait couché à droite et à gauche, comme elle aimait le faire à l’époque. Elle sortait avec plusieurs garçons à la fois, sans se soucier de leurs sentiments – pour peu qu’il y en avait – et très souvent, elle les jetait comme des serpillères. Elle en changeait comme si elle changeait ses vêtements. Quant aux filles avec qui elle restait, elle se moquait de certaines derrière leurs dos et quand celles-ci s’en rendaient compte, elle les abandonnait sans aucune pitié. La cruauté avec laquelle Rachel traitait les autres avait été connue de tous. Jusqu’au jour où, bien évidemment, il avait fallu que tout changeât. Elle rencontra Wunjo qui fut son amant. Ils couchaient ensemble dès que l’un ou l’autre appelait. Puis Rachel tomba enceinte, Wunjo lui demanda de garder l’enfant, ce qu’elle fit. Ensuite, il l’abandonna. Dès lors, Lun découvrit la vérité assez rapidement, quand il avait du l’emmener à l’infirmerie suite à son malaise. Elle avoua sa grossesse à Rayflow qui accepta de s’occuper d’elle. Mais surtout, tout le lycée le sut au bout de plusieurs mois. A nouveau, les opinions négatives fusèrent dans tous les sens. Enfin, Rachel était partie. Yume n’avait donc pas pu – sauf une infime probabilité qui se nommerait alors un miracle – de remarques positives la concernant.

En réalité, alors qu’elle y repensa, cela la mit quelque peu mal à l’aise. Son passé, elle n’avait pas spécialement envie de revenir dessus. Elle espérait simplement que Yume ne ferait qu’acquiescer ou rapidement évoquer les événements qui s’étaient déroulés. Elle ne ressentait pas du tout le besoin d’en discuter, notamment avec une presqu’inconnue. Mais elle ne voulait pas montrer ses sentiments à son interlocutrice pour le moment. Alors elle essaya de trouver un moyen d’échapper à toutes les questions concernant son passé.

- Alors comme ça tu es en Droit maintenant ?

Ce fut la seule chose qu’elle trouva pour faire diversion. En espérant que cela marcherait.

C'est court, mais c'est histoire de cloturer ><