Renouement miroir. [PV Satoshi]

"Pardon pour l'intrusion.
-Ce n'est rien."

Amalia avait machinalement répondu en français, encore plongée dans cette langue via son recueil de poèmes. Ses sourcils se froncerent légèrement tandis qu'elle relisait une deuxième fois l'un des vers, le sens lui échappant. Elle ne connaissait pas quelques mots, qui semblaient être d'une importance capitale pour comprendre la signification de la phrase. Finalement, après quelques secondes où elle resta penchée sur son livre, elle prit conscience d'avoir répondu en français plutôt qu'en japonais à celui qui venait de prendre place sur ce banc.
C'était plutôt rare qu'elle se mélange ainsi, elle avait grandi en pratiquant plusieurs langues après tout, elle avait donc l'habitude de passer de l'une à l'autre sans problème. C'était sûrement parce que celle-ci était plus récente qu'elle avait commis cette erreur.

La personne à côté n'avait probablement pas compris ce qu'elle avait dit mais bon, ce n'était pas très grave. Sans doute penserait-elle qu'elle avait juré dans sa langue d'origine parce qu'elle était agacée de son arrivée. Amalia ne pût retenir un léger sourire à cette pensée puis se décida à expliquer la situation malgré tout.
Elle s'exprima cette fois-ci en japonais.
"Désolée, j'étais plongée dans.."
Sa voix mourut dans sa gorge lorsqu'elle se tourna vers son voisin, abasourdie par celui qui lui faisait face. C'était une caméra cachée non ? Sérieusement quelles étaient les chances que ce soit Satoshi qui vienne s'asseoir ici, pile au moment où elle y était ?

Amalia ne sût rien dire à cause de la surprise et ne finit pas sa phrase, qui resta en suspend. Elle ignorait ce qu'elle était sensée faire à présent, malgré le temps passé depuis leur dernière rencontre elle ne savait toujours pas comment elle était sensée l'aborder. Il ne semblait pas encore l'avoir reconnu, replonger dans son livre en feignant l'ignorance était peut-être une solution. Sinon, elle pouvait toujours s'en aller maintenant.
Pendant qu'elle réfléchissait au meilleur moyen de prendre la fuite, le sursaut de blond ne lui inaugura rien de bon. Et son intuition eût raison puisqu'il venait de la reconnaître.

Sans pouvoir s'en empêcher, Amalia se sentit brusquement gênée. Elle s'était énervée contre lui la dernière fois, et maintenant elle se sentait un peu coupable pour ça. Mal à l'aise devant cette rencontre, la jeune femme plongea son regard dans son livre, sans le lire. Devait-elle agir comme s'il ne s'était rien passé ? Satoshi n'avait pas l'air de spécialement lui en vouloir.. Peut-être qu'il avait même oublié cette histoire ? Ravalant sa gêne que sa fierté incendiait déjà, elle regarda à nouveau le blond, remarquant d'ailleurs qu'il portait une tenue d'arts martiaux. Il pratiquait du kung-fu si ses souvenirs étaient bons, ce qui était sûrement le cas, puisqu'elle se souvenait très bien de l'incident avec les membres de son club. D'ailleurs cela lui rappelait qu'il lui avait proposé de l'entraîner à l'époque. Mais elle n'était jamais retourné le voir du coup. Se sentant à nouveau honteuse, elle garda le silence, maudissant intérieurement la faiblesse dont elle faisait preuve.
"Tu le regarde et tu le salue, c'est pourtant pas compliqué !"
En principe non. Mais pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait en tord et n'arrivait pas à se cacher derrière sa fierté ou sa colère pour passé outre. Quelque chose l'empêchait de garder la tête haute comme elle l'aurait fait d'habitude. Probablement parce qu'il s'agissait d'une des rares, pour ne pas dire seules, personnes avec qui elle s'était bien entendu et qui s'était montré sincère envers elle.

Rassemblant son courage, elle redressa finalement la tête et fit face au blond.
"..B-Bonjour Satoshi-san. Ça faisait un moment oui. Euhm, désolée pour tout à l'heure, j'étais plongée dans mon livre et je t'ai répondu en français sans réfléchir."
Un petit silence prit place de son côté, elle n'osait pas parler des sujets qui occupaient son esprit et rien d'autre ne lui venait en tête. Il ne voulait peut-être même pas discuter en plus, il devait être venu prendre une pause au milieu de son entraînement puisqu'il portait encore son uniforme de club.
Amalia finit par abandonner l'idée de continuer ou clore la conversation d'elle-même, laissant Satoshi choisir l'issue de cette rencontre hasardeuse.

En temps normal, l’option de la fuite n’aurait même pas effleurer son esprit. Elle était le genre de personnes à vouloir affronter ses problèmes la tête haute, sous peine de blesser sa fierté, et à considérer toute forme de fuite comme une véritable hérésie. Sa vie n’était rien d’autre qu’un combat : ne jamais baisser sa garde, attaquer et gagner. Peu importe la personne, son attitude tendait toujours vers ce même but, qui consistait simplement à se protéger au final. Avec ce comportement, elle avait moins de chance de se lier aux autres et d’en être blessée, comme ça a été le cas avec Yuka. Si c’était pour une raison aussi simple, sa vie le serait peut-être plus.
Mais cette idée n’était venue qu’après, et ce n’était pas son expérience professionnelle qui l’avait conduit à agir de la sorte, même si cela avait amplifié cette dernière. A quand cela remontait au juste ? Une question qui n’en était pas réellement une. Car au fond, elle connaissait très bien l’origine de sa colère. Elle s’en était simplement détachée pour ne plus y penser. C’était bien plus facile d’être désagréable car on pense que ceux qui nous approche le font uniquement par intérêt, plutôt que d’avouer que c’est uniquement car on reporte notre colère sur eux, tenant son origine d’un évènement tiers. Voir ses camarades de classe se prendre soudainement d’intérêt pour elle avait beau avoir contribué à son attitude désagréable, ce n’en était pas la cause principale et ne le serait sans doute jamais : pas tant qu’elle n’aura pas fait son deuil en tout cas.
Amalia pouvait être comparée à un petit animal sauvage faisant sans cesse face à l’inconnu et uniquement guider par son instinct. Elle se montre agressive, même contre une chose inoffensive. C’est le seul moyen qu’elle connaît pour se défendre ou tout simplement pour communiquer avec autrui.

Mais cette situation était singulière pour elle. Se sentir coupable de s’être emportée contre une personne qu’elle apprécie, c’était tout autre chose que ce qu’elle avait déjà vécu. Amalia avait eu trop peu de relations comme celles-ci, possédait trop de lacunes dans les relations tout court, pour savoir comment régler le malaise qui l’habitait. Tout ce dont elle avait conscience, c’est que sa colère habituelle n’était pas présente à ce moment, l’empêchant d’agir comme elle le faisait normalement.
Désarmée, elle se réfugia dans le silence, après son explication. Autant laisser Satoshi mener la conversation, ce serait plus simple pour elle. Malgré sa gêne, elle garda son regard fixé sur lui afin de se donner contenance. Si elle avait oublié la timidité du blond, cela lui revint en mémoire en le voyant rougir, comme il l’avait déjà fait plusieurs fois lors de leurs entrevues. Sa réponse l’étonna cependant.
Avait-il déjà été en France ? Ou parlait-il cette langue couramment via l’un de ses parents, comme cela avait été le cas pour elle ?
«Tu es déjà allé en France ? questionna-t-elle, une pointe de curiosité dans la voix.»
Amalia n’avait encore jamais quitté le Japon mais se rendre en France était un projet attirant, qu’elle aimerait bien concrétiser un jour. Considérant sa filière, ça ne paraissait pas impossible.

Elle fût légèrement surprise par la suite de ses paroles, bien qu’un peu rassurée. Visiblement, il ne lui tenait pas rigueur de son comportement lors de leur dernière rencontre. A moins qu’il n’en ait oublié les détails, cela remontait à loin après tout. Ses déductions sur les origines de ses connaissances en self-défense la plongea cependant dans ses souvenirs. Il lui semblait lui en avoir parlé lors de l’histoire avec son club, mais elle ne savait plus ce qu’elle avait dit exactement.
Les listes des membres.. Seuls les chefs de clubs pouvaient y avoir accès non ? Amalia eu du mal à dissimuler sa surprise. S’il y avait bien une chose dont elle se souvenait, c’était qu’il n’aimait pas se mettre en avant ses aptitudes dans ce sport.
« Oh.. Je dois dire que je suis un peu surprise. Tu es chef de ton club maintenant ? Impressionnant. Tu n’es plus gêné que l’on reconnaisse tes aptitudes dans ce domaine alors.. C’est bien que tu puisses t’impliquer davantage dans ta passion. J’aimerais pouvoir en faire autant. »
Un sourire nostalgique vint prendre place sur son visage alors qu’elle pensait à sa propre situation. Satoshi semblait avoir bien plus évolué qu’elle à ce niveau, de son côté elle en était toujours au point mort concernant la musique.

Soufflant légèrement, elle se reprit.
« Concernant le self-défense, il me semble t’en avoir parlé, lors l'histoire avec ton club tu sais. J'en ai fais sous la demande d mon agent de mannequinât et j'ai arrêté avant d'arriver à Keimoo. Comme je j'avais pas de passion particulière pour ça, l’idée de m’inscrire à un club en rapport ne m’avait pas effleuré l’esprit. »
Le voyant s’éponger le front, Amalia se demanda si c’était à cause de la chaleur ou de son club, ou peut-être de la nervosité dû à sa timidité.
« Tu veux boire quelque chose ? »
Il lui avait déjà offert à boire plusieurs fois par le passé après tout, ce serait normal qu’elle le fasse à son tour. Laissant ce sujet de côté pour le moment, elle écouta sa proposition. Décidément, il lui avait été plus en mesure de lui proposer son aide qu’on ne l’avait jamais fait. Elle excellait généralement dans la plupart des domaines qu’elle pratiquait en même temps donc c’était sûrement une explication à ça.

« Oui, énormément. Je n’avais jamais appris cette langue avant d’arriver à Keimoo et ça a été un véritable coup de foudre, même si je n’aurais jamais imaginé que je m’engagerai dans une filière linguistique. »
Elle lui sourit doucement, les yeux brillants de cette nouvelle passion. Elle n’avait encore discuté avec personne sur ce sujet, c’était plutôt agréable de pouvoir en parler et cela lui faisait oublier son malaise quant au fait de ne pas savoir comment se comporter avec lui. La discussion était.. naturelle.
« C’est un recueil de poésie, j’apprécie beaucoup ce genre. J’en lisais surtout en japonais et en italien mais le style français me plaît encore plus, c’est une langue vraiment belle. »
Nouveau sourire alors qu’elle s’égare un peu dans sa réponse. S’en rendant compte elle se remémora ce qu’il lui avait demandé avant d’y répondre.
« Il a pour thème la mythologie, plus précisément la mythologie nordique de l’Europe. C’est une version traduite en réalité, la langue originelle est l’islandais je crois. En tout cas, ça me donne envie d’étudier de mon côté la culture scandinave, et peut-être que j’essaierai de me pencher sur cette langue également si elle me plaît !
Si tu as un bon niveau de français ça suffira, pas besoin d’un diplôme d’enseignant, répliqua la brune amusée. A vrai dire, je bloquais sur ce vers, alors ton aide tombe à pic ; je ne comprends pas ce mot.. et celui-là non plus, expliqua-t-elle en lui montrant son livre. »

Sa remarque la pris de court. Pourquoi faisait-il des efforts pour qu’ils se parlent ? Si l’un d’eux devait craindre que l’autre refuse de garder contact, c’était plutôt elle non ? Elle était celle qui avait envenimer leur relation..
« Euhm.. Satoshi.. La dernière fois que nous nous sommes vus.. avec Len.. Je me suis énervée contre toi. Je suis désolée, je n’aurais pas dû. Je n’ai pas osé revenir te voir pour les cours que tu avais accepté de me donner parce que j’ignorais comment t’aborder, et au final on ne s’est pas revus jusqu’à aujourd’hui. Alors.. Pourquoi tu es celui qui cherche à ce qu’on ne reparte pas chacun de notre côté ? Tu pourrais très bien m’en vouloir pour ça. Tu n'avais rien fais de mal et je me suis énervée après toi, et puis, c'est de ma faute si on s'est perdus de vue après tout.. »

Ses mains raffermirent leur prise sur son livre. Amalia n'arrivait pas à comprendre l'attitude de Satoshi. Y avait-il des éléments qu'elle n'avait pas saisi ? La seule raison qui donnerait sens à ses paroles serait qu'il pense qu'elle est toujours en colère contre lui. Mais il n'avait pas semblé se souvenir de ça.. À moins qu'il ait fait semblant ? Elle n'était plus sûre de rien et baissa les yeux, n'osant plus regarder le blond.

Elle avait tout lâché d'une traite, toute son incompréhension face à cette situation. Elle s'était excusé aussi. Pour avoir reporté sa colère sur lui ce jour-là. C'était souvent comme ça, elle n'affrontait pas réellement ses problèmes, ne faisant que les contourner, et leur trouvant des substituts pour extérioriser ses sentiments.
Et comme à chaque fois, elle refusait de regarder ce qui lui avait servi de défouloir, sûrement parce qu'au fond, elle savait que ce n'était pas vraiment lui qui l'avait mis en colère. Il y avait un véritable fossé entre ses actes et ses pensées, qu'Amalia ne parvenait pas encore à saisir.
Même si ce n'était pas dans son caractère, elle n'avait pu s'empêcher de détourner les yeux, la gêne s'emparant d'elle. C'était tellement inhabituel qu'elle ne chercha même pas à comprendre le pourquoi du comment.


Son regard s'arrondit de surprise lorsque Satoshi releva son visage vers lui. Ce genre de contacts ne lui étaient pas vraiment familiers, aussi ne s'y était-elle pas attendue, encore moins de la part du blond. Elle sentit ses lèvres s'entrouvrir pour l'interroger mais il la devança.
"Ce n'est pas vraiment ton genre de baisser la tête. Il faut toujours rester bien droit, il me semble, non ?"
Son coeur rata un battement face à ces paroles criantes de vérité, semblant s'adresser directement à son âme. Elle avait toujours agit ainsi alors qu'est-ce qui lui prenait depuis tout à l'heure ? Elle devait vite se ressaisir ! Il avait raison, ce n'était pas du tout son genre d'agir comme ça. Satoshi libéra son visage et elle sentit la chaleur qui y avait pris place se dissiper peu à peu. Étrange comme sensation..


Un peu gênée mais requinquée par ses mots, elle hocha vigoureusement la tête avant de se redresser convenablement.
"Oui tu as raison, je ne comprends pas ce qui m'a pris.."
Ce n'était pas tout à fait vrai en réalité. Amalia se doutait que le fait d'apprécier Satoshi jouait sur son comportement actuel. Mais ce n'était pas quelque chose qu'elle aurait pu dire de vive voix sans rendre la situation plus gênante. Elle préféra donc garder le silence dessus, laissant le blond lui expliquer qu'il ne s'agissait que d'un malentendu. La voilà rassurée de ce côté-là. Peut-être qu'elle aurait dû aller le voir dès le début, ça leur aurait éviter ces longs mois de silence radio en pensant chacun être en tord. Mais bon, ce qui est fait est fait, elle n'y peut plus grand chose à présent. Sourcillant légèrement lorsqu'il parla de Len, la jeune femme ne pût s'empêcher de constater qu'il ne semblait pas l'apprécier, plus que ne pas le connaître. Ou c'était peut-être elle qui interprétait mal car Len était son ami et qu'elle n'aimait pas qu'on fasse des remarques négatives à son sujet. C'était pour ça qu'elle s'était énervée la dernière fois d'ailleurs.


Quoiqu'il en soit, elle ne releva pas et se contenta d'écouter la suite de ses paroles.
"..c'est tout simplement parce que tu es mon amie."
Amie.. ? Stupéfaite, elle le regarda avec surprise. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui dise ça. Ce n'était probablement pas si étonnant que ça après tout, ils s'entendaient plutôt bien et avaient eu l'occasion de se voir dans diverses situations, donc se considérer comme amis était logique. Du moins pour la plupart des gens. Amalia, elle, ne s'y connaissait que peu en amitié. Il y avait bien Len mais il s'agissait d'une relation particulière, qui ne pouvait être comparé aux autres.
La seule autre relation d'amitié qu'elle avait expérimenté et qui se rapprochait le plus de celle avec Satoshi.. c'était Yuka. En y réfléchissant, Amalia se sentait plus proche de lui qu'elle l'avait été de Yuka, en moins de temps qui plus est. Vraiment peu de temps en fait. Et ça avait été suffisant pour qu'ils nouent une amitié.. ? Elle n'aurait jamais cru faire confiance à quelqu'un si facilement après Yuka et pourtant..


Enfin, ce n'était pas une si mauvaise chose, Satoshi n'était pas comme elle. Malgré sa timidité, il n'hésitait pas à défendre ses amis face aux autres, contrairement à Yuka qui s'écrasait constamment.
Amalia ne croyait pas vraiment à la psyché, au destin ou ce genre de phénomènes, mais cette relation était plus profonde que celles qu'elle avait connu jusqu'à maintenant, et elle sentait qu'elle pouvait lui faire confiance. C'était sûrement pour ça qu'elle n'avait pas de mal à se confier à lui malgré sa méfiance habituelle.
Soufflant doucement, elle finit par lui sourire. Amis, hein ? Ça lui allait.
"Merci Satoshi, ça me fait plaisir que l'on ait pu tirer ça au clair. J'ai un peu de mal avec ce genre de choses mais je pense que je comprends mieux maintenant."
Elle sourit timidement, puis attend qu'il récupère sa boisson au distributeur.


Le voyant revenir avec deux boissons, elle songe qu'il lui a offert à boire presqu'à chacune de leurs rencontres. Il faudrait qu'elle lui rende la pareille un jour. La brune posa rapidement ses deux mains sur la boisson qu'il venait de mettre sur ses genoux pour qu'elle ne tombe pas. Sur le point de le remercier, Amalia lui jeta un coup d'oeil surpris.
"Oh, tu t'en es rappelé ? Tu as une bonne mémoire, dis moi ! Mais merci beaucoup."
Elle but quelques gorgées pour se rafraîchir, tout en écoutant Satoshi. De ce qu'il lui disait, il semblait peu probable qu'il ait appris le français à l'école. C'était peut-être via l'un de ses parents, soit d'origine française soit francophone, ou en voyageant dans le pays. Son regard descendit vers son livre; la conjugaison ne devrait pas être un problème, les mots qu'elle ne comprenait pas semblant être des noms communs.


Il répondit ensuite à la négative à sa question, à savoir s'il s'était déjà rendu en France, ne laissant plus qu'une seule supposition quant à l'origine de ses compétences linguistiques. De plus, il ne comptait pas s'y rendre, et Amalia ne su déceler si cela était par manque de moyen financier ou d'envie. Après tout, elle ne ressentait aucune envie de se rendre aux Etats-Unis malgré sa maîtrise parfaite de la langue, donc elle pouvait comprendre que ce soit la même chose de son côté concernant la France.
La brune lui désigna les mots qu'elle ne comprenait pas, souriant légèrement en l'entendant parler français.

Satoshi se rapprochant pour mieux voir, elle leva le livre dans sa direction pour lui faciliter les choses tout en lui désignant les vers qui lui posaient problème. Le blond lu le paragraphe à haute voix, lui faisant profiter des douces sonorités de cette langue, si agréables à son oreille. Amalia lui jeta un coup d’œil en constatant qu'il restait silencieux et remarqua qu'il semblait lire le passage précédent. Il était vrai que les légendes de ce genre était un peu difficile à comprendre quand on n'y connaissait rien, encore plus lorsqu'on lisait un court passage perdu au milieu de l'histoire. Elle attendit patiemment qu'il reprenne la parole.

Un court instant après Satoshi commença à lui expliquer la première phrase du poème en français puis en japonais. Amalia en fût étonnée; elle ne pensait pas qu'il se donnerait la peine de lui résumer l'histoire de cette manière, en français et même en japonais pour être sûr qu'elle comprenne. Elle ne lui avait demandé que de lui expliquer la signification de deux mots après tout. Mais il se donnait du mal pour l'aider plus qu'elle ne lui avait demandé. Décidément, c'était vraiment quelqu'un de gentil. Elle avait rencontré si peu de personnes comme lui. Elle sourit légèrement en continuant d'écouter ses explications.
Bien sûr, c'était une légende tout à fait invraisemblable, mais cela ne lui enlevait aucun intérêt. Amalia n'avait aucune connaissance dans la mythologie celtique, il y avait donc de nombreuses références qu'elle n'avait pas pu saisir, mais elle fût cependant rassurée face aux explications de Satoshi. Elle avait à peu près compris ce récit. La brune reposa le livre sur ses genoux tandis que son ami s'éloignait.

Il lui affirma qu'elle devait avoir un bon niveau si elle avait compris le texte, qu'il jugea plutôt difficile pour un débutant. Du vieux Français ? Amalia observa quelques secondes les mots imprimés, cela devait expliquer qu'elle n'avait pas très bien compris toutes les tournures utilisées. En tout cas, puisque Satoshi était bilingue, elle croyait en son jugement sur ses aptitudes. Etant donné qu'elle avait commencé le français il n'y a pas si longtemps que cela, elle pouvait probablement être fière de sa progression dans cette langue.
"Pas depuis tant que ça. J'ai commencé quand je suis arrivée à Keimoo, en quatrième année de lycée. Ca remonte à environ un an. Puisque j'ai eu l'habitude de pratiquer plusieurs langues, j'imagine que j'ai des facilités pour en intégrer une nouvelle ?"
Amalia boit une nouvelle gorgée de son thé.
"En tout cas, merci. C'est vraiment gentil de ta part de m'avoir tout expliqué.."
Elle lui sourit avant de détourner les yeux, un peu nerveuse. Recevoir un peu de gentillesse n'était vraiment pas désagréable.. Cela lui était arrivé si rarement, hors de sa famille. C'était ça être ami avec quelqu'un ? Se lier de manière naturelle, sans nécessairement se connaître tant que ça, et pourtant le courant passait bien. Elle avait presque du mal à se dire que c'était bien réel. Cela lui aurait sembler si invraisemblable si on lui avait dit ça alors qu'elle se trouvait encore à Tokyo. Pouvoir lier une amitié sincère dans un contexte ordinaire, elle avait toujours pensé que cela était hors de sa portée.

Amalia leva les yeux lorsqu'un lycéen apparu dans son champ de vision. Il portait la même tenue que Satoshi, il devait faire parti du même club. Il avait l'air gêné, ce qui s'accentua lorsqu'il croisa son regard. Elle ne broncha pas, habituée à ce genre de réactions et l'observa s'incliner devant eux avant de s'adresser à Satoshi. Comme elle l'avait supposé, il prenait une pause au milieu de son club. D'après ce qu'il venait de dire, cela signait la fin de leur séance de lecture.
" Je suis désolé, Amalia-san, je dois y aller. Mais tu sais ou je vis je crois ? Et tu as mon numéro.....dans le doute, le voilà a nouveau. Envois moi un message ce soir, on pourra voir pour ces cours de Français, d'accord ?"
La jeune femme fouilla ses souvenirs tout en prenant son numéro: il était interne si elle se souvenait bien. Il lui proposait des cours de français ? Pourquoi pas après tout. Elle hocha gentiment la tête.
"Oui, passe une bonne journée !"
Finalement, elle resta encore un petit moment sur ce banc, avec son thé et son livre.