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 Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]

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Zakuro Fea
▼ Université - 4ème Année - Comité des Elèves
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Zakuro Fea


Genre : Non Binaire Lion Coq Age : 31
Adresse : 3, rue la Chance, app. 11, quartier Hiryuu, avec Lawrence E. Swanster.
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MessageSujet: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyJeu 30 Juil 2015 - 16:06


    Je ne crois pas en l'avenir.
    Simplement à l'espoir qui en résulte ; il est comme une cascade de notes de piano.



    Un.
    Comme un chiffre inscrit en petit manuscrit sur le coin d'une marge. Le chiffre second, après le zéro, le premier à vouloir affirmer une existence, une possession. S'il fallait que je le définisse en un contexte particulier à ma vie actuelle, dans un rapprochement à mes souvenirs et ces fantômes qui valsaient sous le rebord de mon esprit, je l'aurais accordé à Marv. Lun, le garçon que j'avais cru voir devenir un homme, mais qui, contrairement à moi, n'avait jamais cessé d'être déjà plus vieux, trop vieux.

    Lorsque j'imaginais parfois sa vie, je me figurais des images abstraites lesquelles s'effaçaient lorsque le souvenir d'un océan qui emplissait ses bronches revenait me hanter. J'entendais les mots de Shiki qui me prévenaient de la situation, et je me revoyais chercher du soutien auprès de ses amis à lui, des individus que je ne connaissais même pas. Je n'avais jamais pu poser d'images concrètes sur l'existence d'un ami, du premier, qui, un soir, avait tué l'or de ses cheveux pour y apposer un rouge qui ne m'avait que trop dégoûté. J'aimais lun pour ses couleurs. Pour le vert de ses yeux, pour l'angle de son sourire qui avait émerveillé l'enfant que j'étais la première fois que je l'avais vu. Il résidait une absence, désormais.

    Ce matin-là, en fouillant l'appartement pour des déplacements qui rangent et nettoient mon univers trop encombré, je suis tombé sur ce dessin de lui, qu'il m'avait demandé de garder, de conserver, de cacher.

    Les yeux posés sur des esquisses d'une existence qui ne se maintient pas attachée à la surface du papier, je contemple le souvenir plus que le dessin. Il y a une odeur de cigarette et des bruits de pas dans les feuillages que l'on écrase. Des prières pour des kamis isolés, et puis des événements qui passent. Il y a la bagarre à l'hôpital, il y a le rouge sur ses cheveux. Je ne sais pas trop quoi en penser. Mes doigts usent la surface déjà abîmée du dessin, et je finis pas le reposer, sur un bureau, en sachant pertinemment qu'il va finir par y tomber, et que je devrais le déplacer ailleurs. Pour le coup, c'est simplement un souvenir, un peu trop lourd, qui me fait me rappeler qu'il ne m'envoie pas de sms depuis trop longtemps. C'est tant pis, c'est comme ça, et il me l'a expliqué lui même : il ne rend jamais ni les écharpes ni les briquets.


    (…)

    Deux.
    Silhouettes minuscules, doubles, elles s'avancent au delà d'un grillage qui ne devrait pas les intéresser. Je pensais qu'ils ne se sentiraient jamais concernés, tous les deux, l'un près de l'autre, à s'approcher des lieux. Yui Valentine ne vient plus, et je dois considérer son abandon comme une liberté aux portes ouvertes, béantes, derrière lesquelles s'exprime un vide qui claque. Contacter son téléphone ou son adresse mail est une perte de temps que Naoko et moi avons déjà beaucoup trop usé. Je ne sais pas si je dois parler de tristesse ou de mélancolie, mais dans la situation pratique, je me charge d'entretenir les élucubrations vides du Salon de Thé de Monsieur Valentine. Il n'y a pas de clients depuis quelques temps, et un balai dans les mains, je me charge d'arracher à leur emprise des couches de poussières qui drapent les coins trop exiguës des marches de la cour. Les gamins qui ont franchis le portail n'ont pas l'air de troublemaker, aussi, je pose sur eux un regard un peu surpris qui, du haut de mes deux mètres onze surelevés par les marches, doit paraître un brin trop aérien. Je descend de la marche, pour aller à leur rencontre. Un garçon et une fille, aux cheveux blonds, aussi semblables l'un à l'autre que le jour et la nuit. Je m'approchais, en me penchant imperceptiblement vers eux.

    « Bonjour. »

    Elle porte des couleurs sur ses vêtements, lui, c'est plutôt des tâches. Mes yeux glissent sur eux.

    « Est-ce que je peux vous aider ? »


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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptySam 15 Aoû 2015 - 20:39

Deux enfants, un garçon et une fille, qui marchent tranquillement le long d’un trottoir. Les enfants marchent tranquillement et joyeusement le long du trottoir. Lui, un peu en retrait d’elle, s’arrêtant pour regarder le ciel, le trottoir, les murs, les fenêtres et les passants. La fillette, elle, semble plus décidée. De temps en temps, elle s’arrête pour le regarder et ils rient ensemble. Elle a une bonne allure du haut de ses sept ans. Il finit par s’arrêter sur le bord de la route, regarde la devanture d’une boutique et lui parle.
Elle s’arrête, se rapproche, regarde également et hoche de la tête. Ils échangent quelques mots, des murmures au milieu des quelques passants.

Le commerce semble vide et ne pas être le lieu idéal pour des enfants. Un salon de thé qui doit être apprécié de certains étudiants en recherche de raffinement, d’adultes un peu vieux jeu et de personnages âgés cherchant le calme. Sans doute pas des enfants se baladant seuls dans le centre-ville.

Des cheveux blonds et bouclés, de grands yeux verts d’émeraude, un visage rond et une moue enfantine collée à un visage innocent. Il porte un short bleu en tissu, sans doute un peu trop grand, qui cache ses genoux sans doute un peu trop éraflés. Un tee-shirt blanc, tâchée de feutres et de peintures, tout comme ses doigts. Il a une sacoche, bleu ciel, avec un dessin d’une lionne, d’un lion et d’un lionceau.
Sur ses cheveux, un béret en cuir abimé et usé cache une partie de son front.

De longues couettes bouclées et blondes, de grands yeux verts de jade, un visage rond et un sourire sympathique. Elle porte une robe colorée de l’arc en ciel, un sac à dos en forme de licorne et des petites baskets usés. C’est elle la première qui regarde l’homme trop grand devant elle. Elle ne porte qu’un bijou, un petit bracelet à son poignet droit, mélange d’or blanc et d’or jaune.

Son sourire se transforme en rire et elle fixe le premier gamin. Il rit un peu, aussi, mais reprend vite son calme.

Elle le salue, poliment. Il le salue, simplement. Puis, les yeux brillants, ils regardent le lieu, comme des adultes regarderaient un appartement qu’ils souhaitent acheté. Elle hausse les épaules. A nouveau les deux enfants se regardent et se mettent à rire.

Généralement les gens détestaient ça. Ils avaient été renvoyés d’une école en parti à cause de son comportement et étaient maintenant dans deux établissements séparés.

« Bonjour Monsieur … » Dit la petite fille, la bouche pleine de son rire de tantôt.

Il ne dit rien. Elle a dit le bonjour pour eux deux.

« M’aider à faire quoi ? » Questionne-t-elle, intriguée, son visage se penchant tour à tour d’un côté puis de l’autre. Manie de son père qu’elle a adopté malgré elle.

Elle le regarde questionneuse, un peu plus, avant d’hausser des épaules. C’est un peu fou que de demander à quelqu’un si on peut l’aider alors qu’ils n’ont visiblement aucun problème. Pose-t-il la question à chacun de ses clients ? Si oui, que lui répondent-ils ? Est-ce qu’ils lui disent : Oui, je ne trouve pas d’amoureux, peux-tu m’aider ?
Oui, je ne trouve pas de travail, peux-tu m’aider ?
Oui, ma mère est morte, peux-tu m’aider ?

« Non, non, … » Corrige la petite fille. « Je n’ai pas besoin d’aide. Je voulais un thé à la pêche et Philip ne sait pas encore ce qu’il veut, mais il regardera sur la carte. »

Philip ne dit rien, il fronce les sourcils. Il ne se pose pas autant de questions que sa sœur. Il se laisse porter par des pensées hasardeuses. Il se demande si un magicien vit ici et s’il le verra. Il aimerait le voir, mais les magiciens ne doivent pas se montrer souvent. Il se demande si l’homme face à lui est un lapin. Un lapin noir avec un ancêtre dragon.

Ses yeux ne parviennent pas à se fixer sur un point, alors son visage et son corps remue afin de pouvoir tout voir. Sauf derrière. Il ne regarde pas derrière lui.

« Est-ce que tu as été souvent sous la pluie ? » Demande soudainement Judith, en continuant d’observer l’homme.

Un jour, Philip a demandé à leur père pourquoi il était si grand. Et son père lui a répondu qu’il avait été longtemps sous la pluie. Depuis, Philip cherchait souvent à rester sous la pluie. Pour l’instant, elle lui avait juste fait attrapé quelques rhumes, mais il n’avait pas beaucoup grandit.
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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyMer 2 Sep 2015 - 15:38

    Les silhouettes minuscules sont toujours les premières à s'envoler dans les tempêtes. On peut se la jouer imbécile et croire aux contes de fées dans des interprétations enfantines, mais le fait est établi. Ce qui est petit s'envole toujours plus rapidement dans le vent. C'est comme ça.

    Ils m'évoquent l'idée de deux lutins, des trucs que l'on ne devrait pas croiser dans un jour de fin d'été. Pas la bonne saison, pas la bonne journée, pas la bonne humeur, pas la bonne ferveur. Je ne suis plus tellement dans une dynamique qui me pousse à envisager le monde comme figé dans ses couleurs. C'est ce que je crois, pendant un instant, et puis je balaie l'idée d'un revers de la main, pour la chasser, tandis que mes yeux se concentrent sur les gamins.

    À la question que la gamine pose, l'aider à faire quoi, je ne réponds pas. Je suis un adulte ennuyeux avec une méthode de parler ennuyeuse. Mais ça fait partie de la composition qui structure ma manière d'être, et si je devine les raisonnements que soulève l'automatisme de la question, je ne cherche pas à me détacher de mes propres mots. J'attends.
    Elle reprend.

    « Non, non, … Je n’ai pas besoin d’aide. Je voulais un thé à la pêche et Philip ne sait pas encore ce qu’il veut, mais il regardera sur la carte. »
    « C'est entendu. »

    La demande est claire, concise, et je possède le nom du petit garçon. Il y a un voile, sur ses yeux, et il paraît regarder à l'intérieur de lui-même. Mes yeux reviennent sur le visage de la petite fille, explorant ses joues rondes, et les boucles qui viennent se frotter à sa peau. Un peu de bavardages pour casser l'ennui, ça n'est pas plus mal, je pense. Elle va parler, elle ne semble pas pouvoir se contenir : comme un trop plein d'expression et de partage. Elle ouvre la bouche. J'encaisse.

    « Pendant environ huit ans, oui. »

    Parce que Londre est un putain de pays de la pluie. Je soupire.

    « Suivez-moi. Le thé n'est pas ici. »

    Je pose le balai contre un mur du Salon, et pénètre à l'intérieur du salon.

    « Enlevez vos chaussures, s'il vous plaît. Après, vous pouvez vous installer où vous voulez. Je vais vous préparer le thé. »

    Ils ont l'univers du Salon à disposition. Eloquence a ouvert ses yeux ambrés, posant sur les nouveaux venus un regard clair. Le chat n'a que rarement vu d'enfants, et je le laisse devenir leur gardien tandis que je me dirige vers la cuisine, pour aller préparer le thé à la pêche. Philip me dira ce dont il a envie. Ou sa sœur.

    Des yeux qui regardent à l'intérieur d'eux-même.
    Philip a un regard plutôt confortant quant à la condition même d'être humain.

    J'espère qu'ils demanderont des pâtisseries ; on en a plein, maintenant.


Dernière édition par Zakuro Fea le Jeu 3 Sep 2015 - 23:25, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyJeu 3 Sep 2015 - 15:45

Huit ans, ça fait beaucoup de temps à devoir rester sous la pluie et ça expliquait la taille de l’homme en face d’eux. La notion de relativité dans la tête d’un enfant prenait tout son sens à cet instant. Pour la plupart, un adulte de 20 ans était une personne âgée et un de 30 ans devait être marié et avoir des enfants. Il n’y avait d’ailleurs pas d’âge dans leurs têtes, juste des instants. Les bébés qui font du bruit et avec qui on ne peut pas jouer. Les enfants avec qui on peut jouer. Les adolescents qui sont cools mais ne veulent pas jouer. Les adultes qui sont vieux et qui ne savent pas jouer. Et enfin les personnes âgées, qui sont très lents même quand ils jouent.
Judith était pressée d’être maman. Philip ne se voyait jamais devenir adulte. Il serait toute sa vie un enfant ! Il en était certain. Si sa sœur rêvait d’avoir un jour un métier, un appartement et même une belle voiture, Philip rêvait de voyager, encore et encore, d’écouter de la musique et de rester toute sa vie avec sa sœur et son père. Il rêvait aussi d’un petit frère.
Ou d’une petite sœur. D’une personne. Mais s’il en avait parlé à Lun, ce dernier ne semblait pas impatient de répondre par un oui. Il avait simplement dit : « Un jour, peut-être Philip. »
Et quand Philip avait reposé la question, Lun avait dit : « Je ne crois pas que ça arrivera. Philip, tu n’es pas bien avec ta sœur et moi ? »
Il était bien. Mais, n’empêche, qu’avoir un petit frère ou une petite sœur, ce serait cool !
 
Judith ne voyait le monde qu’à partir de ce qu’elle connaissait, alors que Philip ne le voyait qu’à partir de ce qu’il ressentait. Son monde à elle tournant exclusivement autour de sa famille et parfois de ses amis. Là encore la notion de relativité prenait tout son sens. Si pour son père ne pas voir un ami pendant un an était commun et sans grande importance, il était inconcevable pour Judith de ne pas voir ses amis pendant quelques jours et le mois de vacances japonais lui semblait une période des plus longues.
 
Surtout tout était très grand comme une aire de jeu permanente. Récemment, Lun était retourné à Londres et avait visité son ancienne école primaire. Il avait alors constaté que la cour de récréation était toute petite et sans grand danger. Quand il était enfant, il avait le sentiment qu’elle était énorme et qu’il y avait plein d’espace de jeux dangereux qui lui permettaient de créer des tas d’aventures imaginaires.
 
Ce salon de thé était un espace de jeu dans la tête de Judith, autant que dans celle de Philip. Les deux enfants enlevèrent leurs chaussures, les rangèrent et allèrent s’installer à une table. Philip attrapa la carte, regardant les noms marqués dessus, hésitant un long moment. Il n’était pas chose aisée de faire un choix pour ce dernier. Il avait tendance à souvent prendre la même chose qu’Eden, son père, Judith ou Papi Daniel, dans cet ordre de préférence.
Là, il n’avait pas envie de prendre la même chose que Judith. Il n’avait pas non plus envie de se décider. Alors il lisait les cartes, parcourant les mots, essayant d’en comprendre certains dont il n’avait pas la définition en terme. Il restait un enfant en apprentissage.
 
Après un moment de doute, il demanda poliment : « Pourrais-je avoir un café ? »
 
En réalité, Philip n’avait jamais gouté au café et il était fortement probable qu’il déteste ça. Il avait juste envie d’imiter Eden, les rares fois où ils avaient été au café de la gare, de la mairie ou de l’aéroport pour attendre son père – toujours en retard. Eden demandait toujours un café, et il rajoutait toujours.
 
« S’il vous plaît. »
 
La politesse, la politesse. Judith quant à elle était plutôt occupée à regarder la carte des gâteaux, pâtisseries et autres gourmandises. Elle aurait aimé commander tous les gâteaux présents sur la carte, mais elle hésita et demanda à son frère :
 
« Tu as faim ? »
 
 Philip hésita, puis fit haussa des épaules. Il n’avait pas vraiment faim, mais il était tout de même assez gourmand pour prendre un gâteau. Par ailleurs, il prendrait sans doute une boisson, après avoir essayé le café. Car définitivement, il y avait peu de chance qu’il en apprécie la saveur.
 
Judith et Philip ne se souvenaient pas vraiment de Zakuro. Leur père leur en avait peut-être parlé, ils ne l’avaient sans doute jamais rencontré, mais c’était à leurs yeux la première fois qu’ils le voyaient. L’un comme l’autre était assez impressionnés par la grande taille, mais aussi par la manière d’être de cet homme à la discussion très concise.
 
Philip attendit que Zakuro revienne, ses jambes se balançant sous la table, il n’aimait pas être assit. Il n’aimait pas rester immobile trop longtemps.
 
Toutefois, il était encore trop tôt pour que leurs timidités premières soient passées et qu’ils se permettent de se lever et de fouiller partout. Au lieu de ça, Judith déposa son sac à côté d’elle.
 
Puis il y a le chat …
 
Le chat qu’aucun des deux n’avaient vu.
 
C’est Philip qui le voit le premier et qui descend immédiatement de son siège pour le regarder. Il tend le bras, pointe du doigt et dit :
 
« Regarde ! »
 
Elle l’avait vu dès qu’il s’est levé, mais le mot suffit à la faire quitter à son tour le siège pour s’approcher trop brusquement. C’est son frère qui la retient. Ils attendent Zakuro. Ils attendent l’homme. Et quand ils le voient enfin, Judith demande doucement :
 

« On peut caresser le chat ? Il s’appelle comment ? C’est une fille ou un garçon ? »
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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyVen 4 Sep 2015 - 16:00

    Elles sont comme des trésors surfaits d'une culture oubliée ; les brioches, beignes, mochi, monka, manju, et dorayaki reposent dans des boites que l'on n'a pas encore ouvertes. Secrets sucrés, arômes volées, je les sors du placard dans lesquelles elles sont restées trop longtemps cachées. Il y a dans le fait que ce soit des enfants qui puissent en manger les premier une sorte d'ironie tragique, et mes pensées reviennent à ces victimes que l'on ne connaît trop pour toujours être les premières.

    Par dessus l'ouverture du mur, au travers de la vitre qui me permet de poser les yeux sur l'ensemble du Salon, je regarde les gamins prendre place à une des tables et escalader dans mon attention, en me faisant oublier Yui, Un, et Naoko. Ils se ressemblent et s'assemblent dans leur filiation, mais sont aussi différents l'un de l'autre que l'on pourrait l'espérer de deux êtres humains mis côte à côte. Mes yeux reviennent régulièrement sur la face du garçon, Philip, tandis que je m'interroge sur le nom de la petite.

    Le thé est rapidement prêt. Je l'apporte.

    « Ne te brûle pas. »

    La carte entre les mains, démesurée comme une arme, le visage de Philip disparaît derrière. Je le fixe sans le voir, et il met quelques temps avant de finalement livrer sa voix. Une voix qui maîtrise les accents japonais, en dépit de ses prunelles claires et de ses cheveux blonds. Je cille au mot « café ». Dans sa bouche, cela résonne comme un coup de feu. Néanmoins, j'acquiesce doucement, en me détournant, tandis qu'il rajoute un s'il te plaît qui m'effleure. Peut-être bien que j'ai laissé entré dans les lieux quelque chose qui n'a rien à faire. Un quelque chose de renversant.

    Sous le sifflement qui va crescendo de la cafetière, je perçois la petite qui demande à l'autre s'il a faim. Mes yeux se posent sur les pâtisseries, et je défais mon attitude trop consternée pour me concentrer face au plan de travail. Du bout des doigts, dans des claquements de lames de ciseaux, et en posant alternativement le regard sur les petits êtres puis sur le café, je détache les rubans de couleurs qui referme les boites en carton des pâtisseries. La sélection des couvert est de mise, rapide, et je vais chercher une tasse au fond d'un placard. J'aimerais qu'il n'y ait pas d'autres clients qu'eux, aujourd'hui.
    Je les cherche des yeux, encore.

    Il y a un éclat. Un quelque chose qui explose la bulle, et le ciseau se fige entre mes doigts, déchirant la pellicule trop fragile d'un monticule de sucre. Philip s'est redressé, et Judith le suit des yeux, avec un quelque chose qui m'affole, le temps d'une seconde. Puis je comprends qu'ils ont vus le chat. Un soupire, pour relâcher une tension que je ne comprends pas vraiment, et j'abaisse les yeux jusqu'au mochi défiguré. Je le met de côté.

    Sous une coupole de glace, dans un jeu de phalange, j'assemble la structure fragile d'un champignon de crème et de chantilly. Constellé de sucre, il se voit protégé par une cloche de verre que je dépose par dessus. Je remplis la tasse de café, et la dispose, avec les assiettes de pâtisseries, sur un plateau que je récupère d'une main, tandis que l'autre ouvre la porte. Les yeux des enfants s'accrochent sur moi.

    « On peut caresser le chat ? Il s’appelle comment ? C’est une fille ou un garçon ? »

    J'ai un sourire.

    « Vous pouvez. Il s'appelle Éloquence. C'est un mâle. »

    Bravo pour la concision, Zakuro, tu commences à t'adapter au langage des enfants. Je dépose le plateau, et m'assied en seiza devant leur table, en attendant qu'ils reviennent s'asseoir. Du bout des doigts, je récupère les assiettes de pâtisseries et dépose une cuillère et une fourchette en face de leur  place.
    Puis, le café.
    La coupole est disposée avec soin à côté, remplie de chantilly et de sucre, accompagnée par un verseur, afin de mieux doser.

    « Comment t'appelles-tu ? »

    Mes yeux cherchent ceux de la petite.
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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptySam 5 Sep 2015 - 0:28

La petite fille s’est rapprochée doucement du chat. Elle a d’abord hésité avant de le caresser, puis elle l’a fait, contente. Pas trop longtemps toutefois. Après elle, son frère a suivi – comme attendant qu’elle regarde d’abord que ce soit possible. Le jeune garçon avait ce sourire un brin naïf qu’on pourrait définir parfois de simplet. Le frère s’est assis à côté de l’animal, perdu dans son monde. Il marmonne son nom, sourire aux lèvres, presque inaudible. Il ne dit rien de plus. Judith, l’homme, le salon de thé, le monde n’existe plus. Il n’y a que lui et Eloquence.

Il ne voit pas sa petite sœur s’éloigner. Il ne la voit pas sourire de manière amusée et un brin taquin à l’homme. Il ne la voit pas pointer son petit doigt en l’air, le pouce et les autres doigts légèrement repliés.

« Judith dèsse. Philip-chan desu. »

Elle a croqué un soleil, son sourire est radieux. Il l’a toujours été. Elle s’amuse bien devant ses formalités. Judith aime à se présenter, elle aime rencontrer de nouvelles personnes. Son frère moins. Son frère réagit à peine aux mots qu’on prononce, il ne tique à son prénom. Il pense. Il pense que sa sœur l’a déjà présenté et qu’elle l’a déjà oublié. Il pense qu’il aimerait bien adopter un nouveau chat, mais que son père aura ce pincement de nez qui signifie non et que s’il insiste, il dira : Ne fais pas de caprice. S’il insiste encore, il soupira et dira non. Il dira qu’ils ont assez d’animaux. Et si encore il insiste, c’est Eden qui parlera. Eden qui dira : Ca suffit maintenant, quand on dit non, c’est non.

Mais un non, aux yeux de Philip, c’est toujours un peut-être. Un peut-être, c’est un oui. Et un oui, ça veut dire tout de suite. Il aimerait que le temps n’existe pas. Que tout soit toujours à porter de main. Parce qu’attendre, c’est toujours trop long. Même quand il faut attendre une minute. Parfois, lorsqu’ils jouent trop bruyamment avec Judith, Eden fait ce jeu. Il faut se taire pendant une minute, et lever la main quand on pense que la minute est passée. Judith gagne souvent à ce jeu. Philip lève toujours la main trop tôt. A peine au bout d’une vingtaine de secondes. Et ces vingt secondes sont pour lui un siècle entier.

Judith est plus patiente. Elle n’est pas du genre à perdre du temps. Elle en gagne toujours. Même quand elle ne fait rien. Elle trouve toujours quelque chose à faire et elle ne comprend pas toujours que son frère puisse trouver à s’ennuyer. Tu pourrais ranger la salle de bain, dit-elle. Tu pourrais faire la vaisselle. Il dira toujours non. A quoi bon nettoyer ce qui va redevenir sale ? A quoi bon perdre ce temps précieux qu’il utilise alors à rêver.

C’est difficile pour lui de sortir de ses rêves. De sortir de ce petit monde où il est si bien. Là, il entraine le chat dans son univers. Il l’aime déjà.

Pourtant, il le laisse là. Parce que sa sœur est debout et qu’elle parle à l’homme.

Elle lui dit qu’elle vit pas loin, qu’elle a pris le bus pour arriver, qu’elle aime les chats et les chiens et les poissons et les lapins et les tortues et les cochons d’Inde et même les araignées, parce qu’une araignée c’est pas méchant. Par contre, elle aime un peu moins les furets. Juste un peu. Parce que celui de la maison l’a mordu une fois et que ça fait mal.

Elle lui parle de leurs chats. Ils en ont beaucoup. Alors elle cite tous les noms. Elle les nomme encore et encore. Elle aime parler de ses animaux. Elle aime parler d’eux. Parce qu’ils sont un peu comme sa famille. En plus de son papa. Et puis, elle commence à parler de son papa. Absent, en ce moment. Et elle est arrêtée par une main. Celle de son frère.

Elle lui sourit. Il lui désigne leur table. Elle comprend et fait un signe positif de la tête.

Ils s’installent à nouveau et elle boit un peu de son thé. A peine, elle a peur de se brûler. Il goute le café et fait une moue écœurée. Mais il ne dira pas qu’il n’aime pas. Il veut faire semblant que c’est bon. Pour faire comme Eden.

Parce qu’il aime faire comme les gens qu’ils aiment. Parfois, il fait semblant de fumer aussi. Une fois Eden l’a vu et il a grondé Lun. Il lui a dit d’arrêter de fumer devant les petits. Philip n’a pas aimé : il n’est pas petit. Il ne l’a jamais été. Il est un enfant et il le sera toujours.

Judith demande soudainement : « On peut prendre des gâteaux ? Est-ce qu’il en a au chocolat, Philip adore le chocolat. »

Philip fait oui de la tête. Il aime ça. Il aime bien les fruits aussi, mais les vrais, pas ceux qui ont été préparé, dégouté ou cuit. Il les préfère à l’arbre. Il aime les décrocher, les savourer, les gouter. Il les aime mur, ce qui est normal. Il les aime aussi avant, parce qu’il trouve ça rigolo que le gout soit différent. Même si c’est plus dur à manger, même si c’est moins bon. C’est rigolo et ça lui suffit.

« Et c’est quoi ton nom ? » Demande Judith.

Parce qu’elle aime bien poser des questions et parce qu’elle ne connait pas son nom.

« Pourquoi c’est toi qui travaille ici ? Il est l’autre monsieur ? »

L’autre monsieur, elle le connait. Elle était venue à la base pour ça. Par curiosité. Pour rencontrer l’ami de son papa. Pour en savoir un peu plus sur lui. Parce que une fois, son père est venu ici et lui a dit en pointant du doigt l’intérieur : « C’est ici que travaille monsieur Valentine. Un jour, je te le présenterais et tu verras à quel point, il est malin. »

L’autre monsieur, son père l’aime bien. Celui-là, elle ne sait pas si son père le connait. Elle voudrait lui poser la question.

Et comme elle voudrait, elle la pose.

« Tu connais mon papa ? »

Son papa, c’est le meilleur. Il est grand, il est stupide, surtout quand il y a une jolie personne qui lui parle. Il est pas toujours prudent, il oublie souvent de se laver correctement les mains avant de passer à table et ne retire pas ses chaussures avant d’aller aux toilettes. Il manque de logique et il rit très fort. Mais c’est quand même le meilleur papa de la terre, puisque c’est le sien.

Philip regarde les gâteaux. Pour l’instant, la conversation ne l’intéresse pas. Il veut son chocolat. Pour faire passer le gout du café.

Car le café, c’est vraiment mauvais.
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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyDim 6 Sep 2015 - 16:52

    Il y a dans l'essence des enfants la faculté à être des petits êtres. Pour une perception qui naît de la taille de mon corps, je trouve dans l'appréhension des humains sous l'âge de quinze ans cette caractéristique d'être bas. S'oppose à cette idée celle des enfants qui ne veulent pas être défini comme « petits ». On ne peut pas grandir si facilement, à mes yeux. La petite se lève. Son sourire est mutin, et me rappelle un peu celui d'un être qui se définit dans l'absence de limites. Le temps d'une seconde, les yeux verts deviennent autres.

    « Judith dèsse. Philip-chan desu. »
    « Hajimemashite. »

    C'est prononcé en un demi-sourire, sur une fluctuation de voix qui s'épanouit en une moquerie légère, presque plus pour moi que pour elle, d'ailleurs. Le petit garçon, -Philip-, ne bouge pas, et je remonte mes yeux jusqu'à lui. Sous ses doigts, Eloquence a refermé doucement ses yeux jaunes, et s'est mis à ronronner avec cette douceur qui plaît à tous. Judith ronronne autre chose. Les mots qui s'assemblent et qui explosent hors de ses lèvres roses tapent mes tympans en des cascades de sens. J'attrape le nom de chats, leur description et l'affect qu'elle leur attache. Des araignées qu'il ne faut pas craindre, ou peut-être, je ne sais pas. Du bus qu'elle doit prendre, du trajet à effectuer, pour se rendre d'ici jusqu'à la maison qui n'est pas très éloignée, et inversement.  
    Comme des bulles soufflées que le vent transporte, je regarde ces mots qui volent et que je n'attrape pas. Oui, peut-être, d'accord. Je ne réponds rien, la regarde simplement, et je lui souris.

    Être une enfant telle qu'elle a l'air d'être quelque chose de passionnant.

    Pourtant, elle s'arrête dans sa litanie. Au milieu des mots qui tracent un portrait fabuleux de son père, elle détourne les yeux pour attraper le geste de son frère. Sans un mot, sans oser déranger l'ordre établi qui règne dans cette relation silencieuse, je les observe se rendre vers la table, et récupérer le thé aux pêches et le café. Il ne récupère pas la chantilly et le sucre que je lui ai mis à disposition, et cela, très brièvement, fait froncer mon nez dans une expression un peu déçue.
    Puis la petite questionne.

    « On peut prendre des gâteaux ? Est-ce qu’il en a au chocolat, Philip adore le chocolat. »

    Il y en a. Je les désigne. Quand Yui reviendra, je lui dirais qu'il faudrait en prévoir plus : le chocolat reste une saveur appréciée par les bouches qui aiment le sucré.

    « Et c’est quoi ton nom ? »
    « Zakuro. »
    « Pourquoi c’est toi qui travaille ici ? Il est l’autre monsieur ? »
    « Je travaille toujours ici. L'autre, Valentine, c'est le patron. Il n'est pas là pour le moment. Je ne sais même pas vraiment où est-ce qu'il est. »

    Les yeux de l'enfant brillent, et je devine les rouages trop jeunes, trop merveilleux, d'une psychologie enfantine. À quoi pense t-elle, pourquoi y pense t-elle ; j'ai les yeux rivés sur les siens, comme en attente d'une réponse à des questions que je ne pose pas. La curiosité naît en silence, mais s'étouffe dans l'absence de motivation aux réponses. Eux deux m'offrent ce qu'ils veulent me donner depuis tout à l'heure, et ce rythme me convient très bien. Voilà pourquoi je ne veux pas d'autres clients. Pour pouvoir me concentrer complètement sur ce qu'ils sont, complètement.
    Parce qu'après tout, ils ont ma complète attention.

    La question de Judith me surprend.

    « Non ? »

    Pendant un instant, ma pensée se divise complètement entre la réflexion qui me pousse à considérer que tous les enfants doivent penser que leurs parents sont des personnages importants et connus, et puis celle, plus intelligente, que la petite est peut-être la fille d'un client régulier, et que je suis supposé le connaître.

    En partant sur cette idée, je me force à me rappeler quelle sorte de personne blonde aux yeux verts est parent de deux enfants et n'habite pas très loin d'ici. Data inopérant, serveur erroné, il n'y a pas de données qui correspond. Je hausse les épaules.

    « Quel est son nom, à ton père ? »

    Je pose la question avec une pointe de curiosité qui me semble mal placée, tandis que, doucement, je repousse vers Philip une assiette avec une beigne fourrée au chocolat.
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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyLun 7 Sep 2015 - 2:31

Parfois, les jumeaux peuvent être nommés ensemble comme un seul et même être. Ils se comprennent facilement et peuvent se parler comme nul autre. Parfois au contraire, ils sont deux opposés totalement distincts qui apprécieraient de ne pas être confondu. Car ils deux entités d’une même fleur. Même si elles s’entortillent entre elles, se confondent, se collent, s’éloignent et se rapprochent à nouveaux, leurs vies sont totalement différentes. Chacun vit la sienne. Ils ont leurs propres pensées. Toutefois, contrairement à des frères et sœurs, des âmes sœurs, qui à forcent de penser du temps ensemble ont des raisonnements identiques, peuvent dire la même phrase au même moment ou se comprendre d’un regard : Eux n’ont pas eu besoin de ce temps. Ils avaient déjà ce lien, cette base de données qui les connectaient l’un et l’autres.
Comme deux petites boîtes noires communiquant entre elles et s’envoyant des messages secrets dont même les propriétaires n’avaient pas idées. Philip avait toujours cette étrange impression d’être connectée à sa sœur. Et même si c’était moins évident pour Judith, qui ressentait surtout de la protection, elle avait des gestes ou des pensées totalement différentes en fonction de l’état de son propre frère.

Parler de leur père était facile pour les deux enfants. Il n’y a rien de plus facile pour un enfant que de parler de ses parents tant qu’ils ont moins de onze ans. Après, ils commencent à aimer leurs intimités et à vouloir la protéger. Pour Philip, son père ne l’est pas vraiment. Il sait parfaitement qu’il n’est pas son vrai papa. Il s’en fiche un peu. Il le juge toutefois assez sévèrement. Il le nomme souvent par son prénom. Il trouve ça stupide d’être le seul avec sa sœur à nommer son père Papa. Son père a un prénom, alors pourquoi n’aurait-il pas le droit de l’utiliser ? Est-ce que son père le nomme Fils au lieu de Philip ? Non, il le nomme Philip. Car tel est son prénom. Lun est le prénom de son père. Pas papa.
Puis, il le juge enfant. A ses yeux son père est un enfant. C’est l’enfant de Daniel. C’est aussi l’enfant, tout simplement. Celui qui veut tout, tout le temps, tout de suite et qui n’a pourtant jamais le temps de ne rien faire. Celui qui aime sauter dans les flaques mais râle ensuite parce qu’il à froid. Celui qui veut un jouet, toujours un nouveau, mais finit pourtant par le laisser tomber au bout de quelques heures pour revenir vers son premier ours en peluche.

Pour Judith, son père est son père. C’est un adulte, puisqu’il est papa. Il est vieux puisqu’il est adulte. Il ne comprend rien, puisqu’il est vieux. Il faut tout lui expliquer, puisqu’il ne comprend rien. Il est fatiguant, parce qu’il faut tout lui expliquer. C’est fatiguant un papa.

Une maman, Judith ne sait pas. Elle a vu beaucoup de femmes passer, beaucoup de baby-sitter, mais aucune n’est restée. Judith aurait aimé avoir une maman ou même un second papa. Etre sûre de ne pas être toute seule. Toutefois, ça n’arrivait pas. Elle avait bien cru en plusieurs amis de son père : mais ça n’avait jamais été qu’un rêve. Puis, elle avait pensé à Eden. Elle lui avait demandé. Le Japonais avait ri, comme-ci il s’agissait d’une blague et il avait dit : plutôt mourir.
Pendant le coma de Lun, elle lui avait redemandé. Eden n’avait pas ri, cette fois-là. Il avait froncé les sourcils, puis il avait attrapé la fillette par les hanches pour la faire asseoir sur ses genoux. Le japonais avait alors dit : Judith, je ne peux pas être ton père. Mais je suis là pour toi tant qu’il ne revient pas et tant que tu as besoin de moi.
Philip avait dit, par la suite, qu’Eden était leur ami imaginaire. Qu’un jour, il partirait et ne reviendrait plus. Quand ils seraient trop grands. Pour ça qu’ils ne devaient pas grandir. Judith avait dit que c’était stupide.
Elle lui avait toutefois redemandé, encore, après le réveil de son père. Cette fois-ci Eden avait grimacé un peu avant d’avoir des yeux tristes. Il avait dit : Judith, Lun doit être amoureux de son mari ou de sa femme. Tu comprends ? Et je dois l’être aussi. Je ne suis pas amoureux de ton père. Je suis son ami.

Elle avait compris, bien entendu, mais ça l’avait ennuyé. Les amis, Judith n’y croyait pas tellement. Son père pensait que l’amitié était éternelle. Elle pensait qu’elle n’était que temporaire. Elle avait eu des amis à Londres, ils lui avaient manqué après son départ, puis petit à petit, tout s’était estompé. Maintenant, elle n’avait pas spécialement envie de les voir quand elle revenait dans son pays. Et même si elle riait bien quand ça arrivait, elle n’en avait plus besoin.
Ici aussi, elle avait des amis. Dans son ancienne école aussi. Mais encore une fois, petit à petit, ça s’estompait. Elle les oubliait très vite.

C’est facile d’oublier quelqu’un, pensait Judith. Il le fallait, par ailleurs. Les amitiés de son père, elle en avait vu. Bon nombre était resté, bon nombre avait fait des promesses, mais au final, il en restait quoi ?

Elle ne tique pas sur le fait que le nom de son père est aussi le sien. Elle répond simplement joyeusement, à la suite de la question et sans avoir besoin de réfléchir :

« Il s’appelle Marv. Comme mon frère. Et comme moi. »

Elle manque de se corriger. Elle manque de dire qu’elle est également Ailleward. Comme son frère. Et comme son père. Seulement, ce serait trop long à dire et inutile. Elle n’y accorde pas d’importance. Elle se fiche bien de tous ses noms. Elle aurait sans doute été heureuse d’être une princesse, si ce n’était pas aussi fatiguant d’être toujours sages. Elle aimait toutefois ses grands-pères. Là encore, c’était sympathiques tous ses hommes. Mais ça manquait de grands-mères.

En réalité, il n’y avait pas beaucoup de femmes dans la vie de Lun. Et du coup, dans la vie de Judith. La petite fille n’avait pas de modèle auquel se rattacher. Sa tante Soleria ne lui adressait pas la parole et se moquait toujours d’elle. Elle aimait bien sa tante Juliette, mais peu d’années les séparaient et elles se voyaient très peu.

Et puis, il y avait la femme de Daniel. Elizabeth. Mais, elle était fâchée avec son grand-père et Judith ne l’avait vu que trois fois.

« Tu l’as peut-être déjà vu. Il est grand. Il a des longs cheveux blonds et il porte des chapeaux. »

Elle s’arrête de parler, pour boire un peu de son thé. Elle attrape d’ailleurs la crème chantilly de son frère pour en manger, sans la mettre nulle part, à la petite cuillère. Parce qu’elle trouve ça bon, tout simplement.

Son frère grignote le beignet, il écoute aussi. Et boit un peu de café, en retenant à chaque fois la grimace. Il veut juste copier. Juste imiter quelqu’un qu’il aime. Parce que ça l’amuse. Et que c’est la seule chose qui le motive vraiment.

Ses yeux curieux se posent sur Zakuro alors que sa sœur parle de leur père. Et Philip, du chocolat au coin de la bouche, demande :

« Monsieur Valentine est peut-être avec Lun. On ne sait pas non plus où il est. »

C’était une donnée qui les avait traversait tous les deux. Judith avait préféré ne pas le dire. D’ailleurs, elle jeta un regard de reproche à son frère. On ne dit pas ce genre de choses. La dernière fois, ils avaient fini au Poste de Police. Daniel avait dû venir les chercher. Il n’avait pas voulu les rendre, Eden avait crié fort. Daniel avait dit qu’il voulait voir Lun, qu’ils étaient irresponsables. Eden lui avait dit d’aller se faire foutre, qu’ils s’étaient bien débrouiller toutes ses années.

Elle avait eu envie de pleurer tout du long. Finalement, Lun était rentré, les traits tirés et fatigués. Il sentait fort la cigarette et il avait présenté mille fois des excuses. « Désolé, avait-il dit. Je pensais en avoir pour deux heures, mais j’ai eu un appel urgent pour une fugue d’adolescent et … » Et il s’était arrêté là, ses longs doigts glissant dans ses cheveux dorés. J’avais dit à Judith de vous téléphoner.

Judith pensait qu’elle serait grondée, à son tour. Toutefois, Eden et Daniel avaient disputés Lun. Ils lui avaient dit : on ne confie pas des responsabilités aussi importantes à une enfant.

Voilà où elle en était. Trois faux pères, zéro maman. Un frère.


La petite fille sourit, toujours :

« Et toi, c’est qui ton papa ? »

Parce qu’on est tous le fils de quelqu’un.
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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyMar 8 Sep 2015 - 14:38

    « Il s’appelle Marv. Comme mon frère. Et comme moi. »

    La surprise me frappe comme un mauvais assassin qui ne saurait tuer du premier coup. Une douleur étrange, diffuse, qui se répand dans ma tête, et que je reconnais comme de l'incompréhension, laquelle me fait fixer l'enfant avec plus d'intensité qu'il ne l'aurait sans doute fallu. Du bout des yeux, projeté avec force, mes questions se bousculent, j'en oublie de ciller. Marv ? Je répète le prénom qui se heurte à cette incompréhension violente. Il y a un choc, passager, transformé en un état confus d'interprétation. Lun a des enfants ? Lun est le père de ces deux petits ?

    « Tu l’as peut-être déjà vu. Il est grand. Il a des longs cheveux blonds et il porte des chapeaux. »
    « Je l'ai déjà vu. »

    Et malgré moi, c'est un sourire qui apparaît sur ma face. Comme si je me faisais le témoin d'un spectacle nébuleux, à contempler les faces de ces petits êtres aux lèvres tâchées de chocolat et aux prunelles pétillantes, ma conscience se met à flotter en des bulles aux perceptions jamais envisagées. Comment aurais-je pu imaginer que ces deux-là étaient les enfants de Lun ?

    « C'est mon ami. »

    J'affirme, les dents enfoncés dans la langue, à m'en faire mal, un constat, une vérité simple, à des enfants dont je ne connaissais même pas l'existence. Prodigieux trouble d'une douleur grave qui se guérit dans la résignation. Je soupire.

    « Monsieur Valentine est peut-être avec Lun. On ne sait pas non plus où il est. »

    Le regard chargé de ressentiment que la petite envoie à son frère m'alerte un peu, mais je ne peux m'en formaliser. Je n'ai rien à juger, aussi, j'attends quelques secondes, pour laisser à Judith l'option de prendre la parole afin de corriger, au mieux, Philip, au pire, de contrecarrer la demande. Cela n'a pas lieu, et j'ouvre lentement la bouche. Je pourrais leur répondre que peut-être : ces deux là m'ont l'air aussi joyeusement irresponsables l'un que l'autre, mais dans une facette qui les fait se ressembler différemment.

    Et combien de fois n'ai-je entendu les modulations sèches d'un Yui faussement irrité contre Lun, au tout début de l'installation administrative du Salon. Sans son ancien secrétaire, Valentine m'avait paru bien perdu.

    Peut-être était-ce ce genre de lien de perdition qui retenait Valentine et Lun Marv ensemble. Deux individus complètement paumés, éloignés de moi, mais que je suivais du cœur plus que des yeux. Sans que je ne parvienne à me croire hémicentre, la relation entretenue favorisée un mysticisme auprès de mes connaissances d'âme. Valentine, Lun, où vous étiez vous enfoncé, cette fois-ci ?

    Et, sérieusement, Lun. Est-ce qu'on laissait des petits derrière soi ?

    « Probablement. Lun et Valentine ont l'étrange capacité d'être ces gens que je vois partir puis réapparaître dans des endroits et des moments les plus inattendus. »

    Ou me laisser des indices tels que ces deux visages poupons aux yeux verts.

    Judith continue de sourire, appuyant sur mon âme avec le poids de son calme et de sa sérénité qui vole toujours un peu plus la mienne à chaque fois qu'elle pose les yeux sur moi.

    « Et toi, c'est qui ton papa ? »

    Après l'assassin, c'est une balle perdue qui vient désormais trouer ma chair. Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'on vienne à me faire penser à mon propre père, et je pose sur Philip un regard sombre, dans lequel les lumières de la réalité ont été éteintes, pour que les projecteurs se concentrent sur le passé. Mon père. Sa silhouette de deux mètres aux épaules larges apparaît comme un vieux miroir dans lequel je ne me serais jamais contemplé. Joshua m'a parlé de ses yeux, et j'ai trouvé dans ces mots le catharsis d'une angoisse ancienne. Celle de devoir être la progéniture, la ressemblance génétique d'un être antérieur à mon existence. Quand je pense à John, je visualise trop parfaitement cette symétrie de nos corps que les gens nous ont trop fait remarqué.

    John est cet homme trop grand, au corps puissant contre lequel s'est lové ma mère. Cet homme au métier nébuleux dont les sourires ne peuvent être blâmés tant ils sont sincères, lorsqu'ils gravent ses lèvres, quand il s'agit pour lui de revenir à la maison, le week-end. Mon enfance a été ponctuée de ses aller-retour entre la maison et son travail, et s'il n'a pas été un père vraiment absent, il n'a pas été un père qui a été complètement là. Le premier à me défendre, le premier à m'encourager, certes, mais il y avait, dès le début, cet éloignement trop profond entre nous, le fossé creusé par notre ressemblance. Les enfants se fichent pas mal que ton père soit britannique si tu ne sais pas prononcer correctement l'anglais. Les enfants se moquent de toi, si tu as les yeux bridés. Quand bien même les gènes récessifs ont résistés et m'ont fait tributaire de prunelles claires, c'est au Japon où j'ai vu les rôle s'inverser. Faux japonais et pseudo britannique, j'ai préféré à mon père ma mère. Pour son omniprésence cruelle et manipulatrice, pour sa sévérité et ses élans tyranniques. Aux élans rieurs et affectueux dont je ne disposais que quelques fois par semaine, j'ai préféré ancrer mon éducation dans le côté stricte et intime d'une japonaise impassible.

    Mes doigts attrapent mess boucles, lesquelles sont trop lourdes, trop folles, trop terriblement résultantes de ma mixité japonaise et britannique.

    « John Fea. C'est un espion. »

    Je murmure, en souriant brusquement.

    « C'est un type qui me ressemble. Il a les yeux bleus, mais les cheveux courts, bouclés comme les miens. Il habite à Londres, et est resté sous la pluie encore plus longtemps que moi. Quand j'étais petit, il voulait que je fasse du foot et de la boxe, pour frapper ceux qui se moquait de moi. Ma mère n'était absolument pas d'accord, et lui a gueulé dessus pour ça. À cette période là, je me souviens que je me suis souvent demandé si ils s'aimaient vraiment. »

    Comme une souris qui court dans un labyrinthe de laboratoire, je m'enfonce dans les dédales de mes souvenirs, offrant aux petits une intimité de mon passé.

    « Mon père me paraissait être un imbécile. Loin des enfants qui trouvaient que leur père sont des héros, j'ai toujours cru, et sans doute trop longtemps, que le mien était un lâche. Et qu'il ne me comprenait absolument pas, alors que tout nous donnait l'impression qu'on était pareil. J'avais la sensation d'être coupable de ne pas lui ressembler assez, et ça me donnait envie de le frapper. Quand j'ai complètement découvert le Japon, j'ai appris à ne plus vouloir être comme lui, et nos rapports se sont améliorés. On a cessé de se voir complètement à partir de mon adolescence, quand je suis entré à l'académie Keimoo, et quelque part, ça nous a fait du bien. Il n'y avait plus de tension né d'une compétitivité entre nous. Simplement l'idée de deux individus qui partagent les mêmes gènes. On se revoit de temps en temps, et je souris plus facilement à ses plaisanteries. Mais je trouve aujourd'hui que je ne lui ressemble pas tant, et ça me soulage. »

    Du bout des doigts, je tapote sur le rebord de la table, en soupesant la crinière qui frappe mes épaules, mes omoplates, chute dans mes reins.

    « Peut-être qu'être père est un acte compliqué. Je n'ai pour idée de lui en vouloir ou de lui pardonner. Je sais juste qu'être père n'est pas quelque chose que je comprendrais, et dans lequel je m'identifierais un jour. Jamais. »

    Un soupir, le temps d'un demi-murmure, mes phalanges claquant le rythme sur le bois, et puis je relève mes yeux jusqu'au visage de Judith.

    « Toi, Judith-san. Quelle sorte de personne es-tu ? »


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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyMar 8 Sep 2015 - 17:29

Sauter de flaques en flaques, courir dans un silence glaçant et avoir les joues rouges sans s’inquiéter de la maladie qui viendra par la suite. S’amuser à devenir un fantôme, mettre son manteau par-dessus sa tête, s’envoler. Eteindre ses ailes et s’envoler. Monter en haut de la butte d’herbe, s’y allonger, rouler et descendre rapidement jusqu’en bas. S’arrêter. Eteindre les bras, attendre la neige de l’hiver. Remuer les bras. Un bonhomme, un ange qui se dessine. La neige fond et l’automne viendra. Ramasser les fleurs, s’arrêter et pourchasser les papillons. Le temps passant. Un jour, ramasser trainant par terre,  rejoindre son amoureux sur le banc public. Jeter un regard amusé ou agacé aux enfants roulant dans la butte d’herbe, l’embrasser, en espérant un jour ne pas être cet adulte qui passe trop pressée, inquiet de rater son métro. Le devenir, tôt ou tard. Être pressé de plus en plus, être toujours occupé et ne rien faire pourtant. Courir après le temps, l’argent, la famille, l’amour, les projets, le mariage, le divorce, le train, l’augmentation. Et ralentir, jusqu’à s’arrêter, dos bossu sur un banc autrefois où on aimait tant mal s’y tenir. S’y asseoir et jeter des miettes de pain, en jetant des regards nostalgiques à ces adultes trop pressé, ses adolescents râlants et ses enfants roulant. Ainsi roule la vie. Et si, le vieux abandonnait le banc ? Et qu’il s’allongeait en haut de la butte d’herbe, et s’il se mettait à rouler, rattraperait-il ses rêves passé ?
 
Ton père, c’est un agent secret. Le mien, c’est un secret. Ton père, c’est un soldat avec armure. Le mien, c’est un vaurien sans la moindre armure. Est-ce qu’on a ce qu’on mérite dès l’enfance ? Le tien est grand, le mien aussi. Mais, il ne tient pas ta main, et il a lâché la mienne. Je danse et je ris, pour mon petit frère. Et je ne mets pas de mots à mes douleurs. Je suis trop petite pour parvenir à qualifier les émotions qui me transpercent. Je les comprends, mais je n’ai pas encore le vocabulaire. Je me contente de dire les mots joies et tristesses. Je ne connais pas toutes les gammes de bleus, toutes les gammes de rouges. Je ne connais même pas mes gammes.
Ton père, c’est un agent secret. Le mien, c’est un enquêteur. Il a une petite agence dans un garage où il reçoit des tas de gens. Il reçoit des gens heureux et d’autres, ceux qui ne font plus confiance aux gouvernements, qui ne croient plus en la justice. Le tient la fait respecter, le mien a choisi d’être le bourreau. Il a décidé de ne plus fermer les yeux. De se battre.
 
Et, entre monstre et ange, il vacille. Et moi, j’ai juste peur qu’il ne revienne pas. Qu’un jour, ce soit mon frère et moi contre le reste du monde. Alors j’essaye de grandir très vite pour ne pas me faire envelopper dans le noir des brumes. J’essaye de grandir rapidement, pour n’avoir besoin de rien et pour être là pour papa. Car à quatre au lieu de deux, on pourrait mieux s’aider, mieux se protéger. Là, je ne peux rien faire. Je peux juste essayer de comprendre et danser ma joie quand il est là, qu’il a l’air soucieux. Lui changer les idées en lui inventant des tas d’histoires et en lui racontant. Avec mes mains, je dessine les lions, les dragons, les princesses, les princes. Je raconte à Papa et Papa rit. Philip écoute lui aussi, et même Eden. Ils m’écoutent et dans le feu de cheminée, j’entends nos rires danser.
 
Ton père, ce n’est pas toi. On ressemble forcément à nos parents et on est pourtant tellement différent. On pourrait faire mieux, ne pas faire les mêmes erreurs. Je suivrais le mien, quoiqu’il arrive. Jamais je ne l’abandonnerais. Car je ne peux pas vivre sans mon père. Je connais son histoire par cœur. Je connais notre histoire, notre naissance. On est né ainsi. Mon frère et moi, de l’amour de Lilith et d’Adam. Une Lilith au nom de Cassandra. Deux graines refusant d’être seul dans le monde, alors on a été deux. Deux dans le ventre d’une jeune ingénue se droguant et buvant.
 
Et malgré tout, on a germé, comme des mauvaises herbes, comme des perce-neiges. On a grandi, on s’est développé. Et à notre enfance, il était là. Il nous a pris dans ses bras. Et on resté avec lui. De Londres, au Japon. De bras en bras, on est passé. Avec Elyott, on s’amusait bien. Ricochet, il est parti. Lun l’a rejoint. Et puis finalement, il est revenu là.
On l’a suivi. On ne nous demande pas notre avis. On est des enfants. On s’adapte.
 
A cloche-pied, on a été gardé par des gamins, des adolescents. Un mec violant frappant une adolescente malingre et amoureuse de notre père. Un rouquin sentant l’alcool et dessinant pour nous des tas de dessins. C’est lui que j’appelais quand mon père nous oubliait. Et tous les autres. Si nombreux.
 
Tu as un père. J’en ai un.
 
Il nous a trouvé, là, blotti l’un contre l’autre. Et il s’est dit, même si je n’étais que l’enfant de la première femme d’Adam, même si je n’étais que la fille d’un pécher, il m’aimerait. Et il me donna ce prénom … Dieu soit loué. Dieu soit loué de lui donner une raison de se battre. Dieu soit loué de lui donner une raison d’exister. De lui donner une force.
 
Je suis la force.
 
Judith sourit, la cuillère dans la bouche, la petite fille avale plus les paroles de l’homme qu’elle ne mange. Elle est occupée à l’écouter et rit de ses mots, de ses phrases ou tente de comprendre silencieusement. Elle rit, désormais, davantage. Judith aime bien l’explication de Zakuro. Il a raison.
 
C’est un acte compliqué que d’être parent. Elle n’en doute pas une seconde.
 
Il lui demande quel genre de personne elle est, et Judith doit se concentrer.
 
Elle réfléchit, avec sa petite frimousse d’enfant. Elle est pensive, songeuse, car elle ne veut pas dire de bêtise. Finalement, de ses mains, elle dessine une petite personne. Elle dessine sa propre personne.
 
« Je suis une fille. Ca fait que je ne suis pas un garçon. Si je me bats, on me dira : ce n’est pas joli qu’une petite fille se batte. Si je dis des gros-mots, on me dira : ce n’est pas beau dans la bouche d’une jolie fille. Si je veux devenir football ou catcheur, on me dira : ce n’est pas comme ça. Je suis une petite fille. Et les gens aiment à savoir si j’ai un petit amoureux, ils aiment m’acheter des poupées et des robes, et ils pensent que la seule couleur que je connais : c’est le rose.
Je suis une enfant. Je ne suis pas un petit adulte. Quand je fais des cauchemars, je ris pour les faire fuir. Même quand j’ai peur, je ris. Car quand je ris, tout va mieux.
 
Je sais faire mes lacets depuis mes six ans. Mais je ne comprends pas tout. Alors Philip m’explique. Moi, je lui explique la vie et lui les principes.  On est souvent à deux, sauf à l’école. On nous a séparés. Alors, je suis avec mes amis. Elles me disent que je suis belle avec mes boucles blondes et mes yeux verts. Et quand elles me parlent et qu’on monte les escaliers, je rêve de les pousser. Je me demande si elles tomberont vite. Si la flaque de sang sera grande.
 
Je suis gentille, souriante et polie. Les professeurs disent que je devrais songer à passer en avances. Ils me donnent plus de travail, je suis déléguée aussi. Et ils aiment discuter avec moi. Je fais partie du club de couture. J’ai de bon résultat. La présidente bavarde beaucoup avec moi. Elle est en dernière année et porte un rouge à lèvres trop brillant. J’aimerais le coudre, je me demande si elle me regarderait toujours avec autant de complaisances.
 
Je ne réponds jamais quand on m’insulte, j’excuse mon père de ses retards et ses absences de réunion. Et je souris gentiment quand on soupire que je n’ai pas de chance d’avoir un père comme ça. Je me demande ce qui se passerait si on voyait dans ma tête. »
 
Judith soupire, elle boit un peu de son thé et regarde Zakuro dans les yeux.
 
« Je rêve que des gens rentrent dans ma salle de classe et la prennent en otage. Je rêve de me transformer en magicienne et de les sauver. Je rêve d’avoir des ailes dans le dos et de devenir une fée, que le monde devienne encore plus affreux et de le protéger. Je rêve, oui.
 
Mais je rêve surtout de devenir une adulte. De voyager, de rire, et de danser. Je protégerais alors Philip, qui sera toujours enfants. Et on se perdra comme Papa, comme monsieur Valentine, pour se retrouver quelques parts. Moi, je voudrais voyager ailleurs que dans les livres.
 
Je suis une petite fille qui a vu son papa dormir sans jamais se réveiller. Je me souviens de toi, Zakuro. Le garçon de l’accident de moto. Papa m’a parlé de toi, je me souviens maintenant. »
 
La petite fille sourit poliment, pensivement, elle essaye de s’en souvenir davantage mais rien ne lui revient vraiment.
 

« Le cadeau du chouchou. Il est vert, comme l’espoir. Dites, Fea-Sama, est-ce que vous pensez que je deviendrais une bonne grosse personne ? Même si, je rêve de pousser les gens dans les arrêts de métro. Juste pour voir ce que ça fait. Juste parce que je me dis que je peux le faire. Philip et moi pensions que monsieur Valentine aurait la réponse. »
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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyMer 9 Sep 2015 - 12:48

    Aux mots que la petite prononce s'accompagne la danse de ses mains. Sans la lâcher des yeux, j'ai pourtant maintenant mon attention concentrée sur les mouvements dextres qu'elle effectue et qui, comme un retour à Enigma, favorise pour mon esprit une compréhension plus aiguisée de ce qu'elle me transmet. J'apprécie les gens qui parlent avec leurs mains. Dans la situation d'un discours face à un auditorat, parler avec les mains m'a toujours permis de créer un lien avec ces gens que je ne pouvais pas tous attraper du regard. Les mains ont ce pouvoir de capter l'attention générale, et de permettre à celui qui écoute de se sentir concerné.

    Le mouvement est un rythme, et en dehors de l'immatérialité, il y a ces fluctuations qui représentent l'existence et qui se justifie dans ce rythme. Judith y participe si passionnément que je ne peux que me sentir profondément attaché à ces mots qu'elle offre. Quand bien même, si mon humeur s'y prêtait, j'aurais grimacé devant ces clichés sexistes qu'elle me dit affronter en tant que jeune être, en tant que fille catégorisé. J'aurais peut-être réagi en lui disant de ne pas faire attention, de ne pas considérer ces avis comme important. Mais elle n'est pas ma fille, j'ignore quelle éducation lui apporte Lun, et j'ai la sensation que mes mots auraient, dans son oreille, autant de poids que du sable déposé sur l'eau.

    Je m'enfonce dans mon silence, sans cesser de la regarder.
    Valentine aurait probablement fait des remarques alambiquées, mais intelligentes, dont Judith se serait souvenu, et avec lesquelles elle aurait probablement grandi. Je n'accorde pas de crédit à mes paroles. Tout simplement parce que mon univers fonctionne plus avec mes yeux qu'avec ma morale. Je ne suis pas là pour manipuler l'humanité, ni me l'approprier. Et dans l'humanité qui transcende l'être qu'est Judith, je ne peux que contempler, veiller.
    Et il y a une satisfaction tranquille à me dire que cette enfant existe.

    Laquelle s'arrête. Ses derniers mots sont tâchés d'un sang qui n'existe que dans nos pensées partagées, et je l'observe boire son thé. J'appuie mon coude sur la table.
    Elle reprend. Enfant sage, qui me dévoile ses monstres les plus fascinants avec une délicatesse sordide, je l'observe comme d'autres me montreraient leur collection de cartes pokémon. Pour une raison étrange, les deux me fascineraient tout autant. Aux monstres de poche se jalousent les monstres de la tête.

    J'ai rêvé d'une prise d'otage, aussi, enfant. Adolescent. Je ne sais même pas si c'est le fait de l'avoir vue se réaliser qui m'a ouvert la porte de l'âge adulte. À dix sept ans, on n'est assurément plus un petit. Surtout lorsque l'on ouvre par derrière les poumons d'un homme. Dans les fragrances des souvenirs au goût métallique s'arrange la tendresse que j'éprouve pour un sourire qui me fait flancher.

    Elle a raison, se perdre paraît une bonne idée. J'ai une avance sur elle, je remarque, puisque, ma perdition, je l'ai trouvé. Des moments de corps et des moments de cœur. Et beaucoup, beaucoup de projection dans le vide, sans parachute. Je plisse mes yeux, devine mes propres intentions, et en glissant le bout de mes doigts contre mon visage, dans un geste nerveux, écarte Joshua de mes pensées. Le coma de Lun me revient, et puis, sous les mots de la petite, le souvenir du monstre en métal qui a essayé de m'avaler.

    Pathétiquement humain.

    Je couvre mes yeux de mes phalanges, un instant. Le souvenir est douloureux.
    Et puis le vert, qui dévore le souvenir.

    Je crois qu'en tant que ciel, je n'aurais de cesse à aimer cette couleur. Tout comme j'adore ton blanc, tout comme je ne reconnais que trop le noir ; j'ai pour le vert cette appréciation viscérale. J'y retrouve la Terre, et parfois, quand je suis moins fatigué, j'y retrouve les yeux de Lun.

    Ne m'appelle pas -sama.

    « Écoute. »

    J'enlève mon coude de la table, et je change de position, pour être complètement établi en face d'elle, mes yeux plongeant directement dans les siens. Petite fille, j'aime tes yeux, et je te promet que je ne te le dirais jamais. Puisque je l'ai déjà dit une fois, à ton père, et ses yeux ne sont pas les siens.
    Les gens se ressemblent, sans jamais être rien de plus que des chaînons génétiques entre eux.
    L'humanité se transcende, et moi je veille.

    « Tes copines, si tu les poussais, elles ne seraient rien d'autres que des poupées brisées, avec le crâne fendu. Et la flaque sera grande, oui. Sombre, avec des éclats magnétiques, qui te les ferais admirer avec plus d'attention qu'aucun autre bijou, qu'aucun autre jouet, qu'aucune autre beauté. C'est un art étrange que la mort, et j'ai tendance à croire que les gens sont parfois trop effrayés pour vouloir s'en parler eux-même. Ils te diront probablement que c'est mal, et que tu ne dois pas y penser. Pense-y, si tu veux : ta perdition est libre, et tu peux la commencer dans ta tête. Je voudrais juste te conseiller de ne jamais perdre pied. L'important, c'est exactement comme le jeu de la marelle : ne jamais perdre l'équilibre. »

    De la Terre au Ciel ; ce jeu a toujours été cruel.
    Quoique j'y accordais peut-être une vision trop religieuse.

    « Je ne suis pas Valentine. Valentine t'aurais trouvé une réponse parfaite à ta question. Mais … tu me la pose à moi, alors ... »

    Alors j'y réponds, parce qu'elle résonne dans chaque fibre de mon corps.

    « Tu es déjà une personne, je crois. Les humains évoluent du début à la fin, mais tu existes déjà, et tu dois aller au bout du chemin sans t'arrêter, sans attendre qu'on te dise « Tu peux commencer, tu es devenu quelqu'un ». Si tu ne bouges, si tu ne créais aucun mouvement, alors tu vas juste disparaître. Il y a un rythme, c'est le tien. Prends le, et c'est tout. »

    L'oisiveté conduit à l'immobilisme, lequel amène au décès de l'âme. La disparition du tout. Et je ne peux pas tolérer qu'un être électrique, vivant, chargé de mouvement, puisse redouter son propre déplacement. Je soupire, et me lève. Du haut de mes deux mètres onze, les enfants me paraissent petits, vraiment minuscules. Mais désormais chargés d'une histoire que je connais un peu mieux, et qui me fait les considérer autrement, du haut de la tour de sentinelle que représente ma carrure. Je repousse les boucles folles qui tombent devant mes yeux.

    « J'ai adoré le cadeau de ton père. Le chouchou est assez grand pour que je puisse me faire un chignon avec, et le serrer. Si tu revois ton père avant moi, dis lui merci de ma part, s'il te plaît. Je n'ai pas eu l'occasion de le faire. »

    Et parfois, j'attache dans mes cheveux le bowtie monochrome d'un soleil éteint. Lawrence est fatigué, et je me sens épuisé pour lui. Mon sourire devient moqueur.

    « Et je suis content de savoir qu'il n'a plus les cheveux rouges. J'avais l'impression qu'il s'était enfoncé la tête dans du sang, et c'était moche. Pas assez lumineux. Lun est franchement plus sex' en blond. »

    Du bout des doigts, je récupère la théière et la tasse de Judith.

    « Est-ce que tu re-veux du thé ? »

    Je pose mes yeux sur lui.

    « Est-ce que tu veux quelque chose, Philip ? »

    On se demande toujours ce qu'on est en mesure de donner.

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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyMer 9 Sep 2015 - 18:08

Judith et Philip n’avaient que peu de souvenirs de leur père avec les cheveux rouges. Ca ne les avait pas perturbés. Ils l’avaient connu avec toutes sortes de couleur de cheveux avant qu’il ne revienne à un naturel blond. Il les avait eus d’un noir profond, très courts, avec des mèches vertes, bleues ou oranges. De plus, il aimait les perruques et en portait très régulièrement le soir. De sorte que les jumeaux n’étaient pas perturbés par la chevelure de leur père.
Actuellement, les cheveux de Lun étaient trop longs. L’homme s’en plaignait parfois mais il les gardait ainsi. La raison en était que Philip les aimait bien longs et que Lun aimait bien faire plaisir à son fils.

De toute façon, Lun avait bien d’autres problèmes à régler actuellement que la longueur de ses cheveux qu’il cachait le plus souvent sous des chapeaux, des bonnets ou des foulards. La chaleur de l’été ne lui permettant pas de les laisser en permanence détachés. Il ne supportait d’ailleurs pas l’air candide et un brin innocent que ses cheveux lui donnaient, le rajeunissant considérablement. Lun était compliqué sur son âge. Il était vexé si on le rajeunissait : trouvant ça particulièrement irritant de ne pas être vu pour celui qu’il était. Et pourtant, il l’était tout autant si on le vieillissait. Et encore, parfois il en était irrité, mais parfois il en était juste amusé.

Les cheveux longs de Lun ne le dérangeaient pas. Même si parfois, ils étaient incommodants, il les aimait. En particuliers sous la douche, quand il les lavait t pouvait s’amuser avec ses doigts sur toute la longueur. La douche pouvait alors durer pendant très longtemps tant il y était bien.
Lun avait lu une fois dans les pages d’un magazine que les gens susceptibles de prendre les douches les plus longues et des bains réguliers étaient les gens déprimés. Il s’était fait la remarque que ce n’était pas forcément vrais comme la plupart des statistiques. Ce qui était vrai, par contre, c’est que la déprime constante demandait du temps et donc de la richesse. Quand on travaille, on peut souffrir, on peut vouloir mourir, on peut pleurer, mais on ne peut pas s’arrêter pour déprimer. S’arrêter, pouvoir attendre longtemps et pleurnicher sur son sort : tout ça est affaire de riches.

S’il avait été là, Lun n’aurait sans doute pas apprécié de voir sa fille accepter encore du thé et demander un autre gâteau à manger. Il aurait froncé ses sourcils pour rappeler l’heure des repas et le danger de la théine. Il aurait dit à Judith que le sucre n’était pas bon pour elle, ni pour son frère et qu’il ne fallait pas en consommer. Il aurait dit des tas de choses, mais il n’était pas là. Alors il ne dirait rien.

Philip sembla réfléchir à la question de Zakuro et il lui adressa un gentil sourire avant de faire non de la tête. Le garçon avait regardé autour de lui avec un semblant d’hésitation. Puis, ses lèvres s’étaient étirées et entrouvertes pour former une phrase, qui aurait pu avoir du sens si elle avait été prononcée. Au lieu de ça, l’enfant referma la bouche sans avoir rien dit, et se laissa aller à une lenteur passagère, replongeant dans le monde des rêves. Il se demanda si on fabriquait des potions à l’arrière de la boutique, combien elles coutaient et s’il pourrait avoir la formule magique qui sert à ouvrir et fermer les portes pour devenir un maître voleur.

Judith avait hoché de la tête gravement. Elle était de ces enfants qui ont grandi trop vite et qui ne peuvent plus voir le monde tel qu’il est, puisqu’il a déjà une autre forme dans sa tête. Elle était de ses enfants avec des responsabilités, qui savent déjà qu’ils devront mettre beaucoup de rêves de côté pour protéger les leurs. Elle était une fille, on lui avait appris dès l’enfance, à l’école et en société, qu’il lui faudrait accepter que la beauté soit une donnée importante dans sa vie, que son poids serait toujours sujet à discussion et qu’il lui faudrait toujours se sacrifier pour les hommes. Ainsi allait le monde depuis la nuit des temps. Ou peut-être était-elle de celle qui rejoindrait le mouvement féministe. Sans doute que Lun l’espérait, sans doute qu’Eden le craignait. La vision de la femme étant radicalement opposée chez l’un et chez l’autre.

« Ses cheveux sont longs et blonds comme les fils d’or de l’histoire. On peut les tresser, les tisser et s’y accrocher. Le plus souvent, ils sont cachés. Papa, il est comme Peau d’Âne. Il n’aime pas se promener avec une robe d’or. Il préfère qu’on ne le remarque pas. Parce qu’il dit que son métier ne le permet pas. »

L’enfant regarde par la fenêtre du salon et elle penche la tête sur le côté.

« Si vous pouviez ne faire qu’un vœu … Ce serait quoi, monsieur ? »

Elle a déjà oublié une grande partie de la discussion. Adieu la moto, le papa de Zakuro, les rêves de Philip, le chat dans son panier. Adieu son papa, le chouchou vert, les cheveux rouges, les discussions d’une minute. Elle ne les retient qu’à moitié, elle passe vite à autre chose. Ses jambes remuent, rapidement, alors qu’elle fixe le monsieur. Elle est ravie de pouvoir boire du thé et de bavarder.

Elle sautille de nénuphars en nénuphars et elle revient rarement sur le même. Ce sont des pensées, des bulles de savon qu’on éclate. C’est souvent ça : discuter avec un enfant. Ouvrir beaucoup de parenthèses et en fermer très peu.

Philip lui ne dira rien. Il n’est pas vraiment là, pour l’instant. Ça viendra. Il lui faut toujours du temps, pour s’habituer, pour être à l’aise, pour comprendre. Il laisse sa sœur parler. Mais, il se penche en avant et lui prend son thé.
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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyMer 14 Oct 2015 - 0:29

    L'enfant ne voulait rien de plus, et je hochais simplement la tête, en abandonnant l'idée de transformer ma volonté en un dragon qui aurait pulvériser les murailles de ses désirs par le souffle de mes envies. À l'instar du dragon Fafnir dans lequel s'était épanché mon imaginaire à la vue des enfants quelques temps plus tôt, il aurait été facile de fermer les yeux pour oublier ma matérialité humaine et son essence, afin de me transformer par l'esprit en ce dragon. Ou peut-être en un géant des pluies. Les références à semi oubliées des intempéries londoniennes me firent plisser les yeux, amenant dans ma tête des images saisies lors de mon enfance, conservées jusqu'à cet instant. Des images principalement monochromes, dans lesquelles les scènes de ma vie se passaient alors sous le filtre gris d'une existence encore trop enclavée. Je clignais des yeux.

    « Ses cheveux sont longs et blonds comme les fils d’or de l’histoire. On peut les tresser, les tisser et s’y accrocher. Le plus souvent, ils sont cachés. Papa, il est comme Peau d’Âne. Il n’aime pas se promener avec une robe d’or. Il préfère qu’on ne le remarque pas. Parce qu’il dit que son métier ne le permet pas. »

    Comme une résonance à mes pensées, lesquelles avaient presque manqué de s'oublier, l'axiome relatif aux contes de fées me revint en tête, et je jetais un sourire sur Judith, laquelle se faisait ainsi complice, sans le savoir, d'un développement de pensées. Cet homme correspondait sans défaut à l'isotopie des contes de fées ; surtout si ceux-ci avaient été préalablement étudiées par Bettelheim auparavant. Marv en Peau d'Âne me laissait une idée douce-amère en tête, et je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il aurait joué un rôle crédible dans une histoire relatant son propre parcours emprincessé.

    Je n'avais en revanche jamais envisagé que lun puisse faire un métier dans lequel ses cheveux détachés puisse poser problème. J'avais conscience de la complication qu'offrait le fait d'avoir les cheveux longs pour un homme dans une société aux diktäts strict du travail qu'imposait le Japon, mais de manière subjective, j'avais peut-être envisagé lun comme un individu ne répondant pas à la demande sociale. Mes yeux accrochèrent le mouvement de la petite fille qui se penchait. Comme une poupée que l'on bouscule, en se basculant toute seule, elle projetait son regard vers un extérieur qui m'échappait. Comme un réflexe avare, un peu mécanique et triste, je l'imitais, sans parvenir à voir ce qu'elle pouvait avoir attrapé des yeux. Cela me fit un peu l'impression d'un oiseau envolé, que l'on regarde trop tard. Ne restait que la branche secouée d'une vibration s’atténuant.


    « Si vous pouviez ne faire qu’un vœu … Ce serait quoi, monsieur ? »

    L'oiseau s'était envolé, assurément. Pourtant, j'eus dans la poitrine un plongeon lourd. Des sensations inverses, mes phalanges se crispant, et je me raidissais un peu, attaqué dans mon intimité. Puis la récupération d'un calme, et la contemplation penaude de mon attitude d'auto-défense. Il n'y avait pas d'agression pas plus qu'il n'y avait de violation, et je tordais la bouche dans une moue réflexive, tâchant de trouver une réponse rapide à cette question.

    Je ne savais pas vraiment, songeais-je. Modifiant ma position seiza pour glisser mes jambes sur le côté, je soulevais la main, pour ramener en arrière mes mèches. Je ne sais pas, répéta mon esprit, dans un écho amplifié par le doute installé en vue du constat de cette incapacité à répondre immédiatement.

    Laissant défiler les éléments de ma vie ayant eu un impact particulier sur mon quotidien récent, je me laissais porter sur cette recherche de la réponse. Chess, son visage, les courbes de ses lèvres, de sa gorge, Objö et les éclats encrés de ses ailes, Valentine et Mademoiselle Sonoko. Je fermais les yeux, prenant la pause d'un instant dilaté, pour sourire.

    « Probablement cesser de m'inquiéter pour le nombre de sachets de thé disponibles dans le Salon. Et toi ? »


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MessageSujet: Re: Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun]   Des nuages colorés se sont perdus ce matin. [Lun] EmptyMer 9 Déc 2015 - 11:12


Quel est le destin des enfants qui grandissent comme des plantes dans un jardin abandonné. Donnaient-ils des belles fleurs, des arbres solides ou des mauvaises herbes qu'on tachera d'essayer d'arracher dès qu'elles commenceront à empiéter sur le jardin d'à coté.
Judith et Philip Marv avaient-ils le moindre avenir dans ce monde où ils avaient déjà vu tellement d'horreurs. Ils étaient dans l'âge où on apprend que ce qui forme la réalité est composé par de nombreux mensonges. Mentir ou voler, ils l'avaient tenté plus jeunes. Manipuler, aussi, sans en avoir conscience. Aujourd'hui, ils en avaient conscience. Quand ils volaient, mentaient ou manipulaient, ils savaient que c'était mal. Ils faisaient le choix de le faire.
Aujourd'hui, ils avaient conscience que le père noël n'existait pas, que les lapins de pacques non plus et que probablement la fée des dents aussi.

Parfois, Judith tombait sur une téléfilm à la télévision. Les enfants y semblaient crédules. Ils croyaient encore à des tas de fantaisie. Elle était encore trop jeune pour se demander si c'était la télévision qui imaginait des enfants n'existant pas ou si les enfants de maintenant apprenaient trop rapidement ce qu'était la vie réelle. Depuis peu, même les images du journal télévisé l'interpellaient. Avant, elle n'y faisait pas attention quand son père ou son grand-père le regardait. Elle était plus occupée à regarder les belles images ou à jouer avec son frère. Elle ne voyait même pas qu'il était différent des autres enfants.
Aujourd'hui, elle se posait des questions. Sur la politique, sur la guerre, sur les enfants mourants de faim, sur les religions, sur les terroristes. Cela ne l'empêchait pas d'aimer Violetta, de collectionner les cartes Pokemons et de connaître par coeur la chanson de la Reine des Neiges que ce soit la version anglaise ou japonaise. Elle avait une facilité à s'inquiéter de mourir et à avoir l'impression d'être éternelle, à avoir peur de tout et à ne rien craindre et à passer de la mort d'une personne à un combat pokemon dans le dernier épisode vu à la télévision.

A l'école, bien entendu, elle en parlait avec ses amis, parfois – mais rarement, avec son maître. Il n'était pas enclin à comprendre les questions qui se bousculaient dans sa tête. Ce n'était pas une table ronde l'école, où chacun est libre de s'exprimer. C'était un chef, le maître, et des élèves face à lui l'écoutant et recevant l'information. Judith s'exprimait par la peinture, par la lecture, par l'écriture dans son journal intime. Elle aimait s'imaginer des mondes parfaits et y croyaient parfois. Le reste du temps, sa tête était une dystopie où elle craignait que le monde des adultes ne lui conviennent pas. Elle se sentait pourtant plus adultes qu'enfants. Elle n'aimait pas qu'on la compare à un bébé ou qu'on pense qu'elle ne peut pas faire les choses du fait de son âge. Qu'on lui interdise les gros ciseaux, de se balader seule ou avec son frère uniquement, de jouer avec les chiens à se rouler par terre de peur qu'elle se fasse mordre. Elle n'aimait pas les interdits et ne les comprenait pas.

Philip en avait eu assez de la conversation. Il avait voulu partir, elle avait répondu qu'elle aurait voulu un autre chien mais que son papa ne voulait pas. Elle avait dit ça, comme elle aurait dit n'importe quoi d'autres. Ils étaient partis, ensuite. Rapidement. Elle avait laissé de l'argent sur la table, pour payer ses consommations.

En sortant, elle avait téléphoné à son papa. Mais il n'avait pas répondu.

Judith était rentrée, elle avait fait chauffé de l'eau pour faire des pâtes instantanées à elle et à son frère. Ils s'étaient installés tous les deux devants la télévision. Judith avait soupiré.

« Tu penses à quoi ? » Avait demandé Philip avec cette curiosité dans les yeux qui rappelaient tant ceux de sa mère autrefois.

« Je me disais que c'était étrange, quand même, le monde. »

« Pourquoi ? » Avait dit le petit garçon, à nouveau.

« Je sais pas. » Avait-elle répondu.

Ils avaient continué de regarder le dessins animés, les cadavres des petits bols en plastiques instantanés abandonnés avec d'autres sur la table basse. Puis Philip avait repris :

« Tu crois que Papa rentrera bientôt ? »

Judith avait haussé des épaules, avant de sourire rassurante. « Bien sur ! »

Ils s'étaient endormi, elle l'avait réveillé dans la matinée, l'avait fait se presser. Ils avaient manqué de rater leurs bus, étaient arrivés à l'heure à l'école. Judith avait oublié de préparer le repas de Philip et le sien. Il vola dans celui d'un camarade qui en avait trop, elle en reçu de la part de ses amis.

Le soir, ils se rejoignirent à la maison. Ils firent leurs devoirs, tranquillement, mangèrent de nouveaux ramens à un goût différent. Le lendemain fut identique à cette routine, sauf que Judith acheta des gâteaux pour le désert et n'oublia pas le repas du midi.

Les jours s’enchaînèrent et le week-end arriva.

Ils avaient terminé leurs devoirs et s'ennuyaient à la maison. Philip hésita, puis demanda soudainement à aller voir le chat du salon de thé. Parce que ça lui était passé dans la tête. Ils n'avaient rien de mieux à faire, alors la petite fille accepta. Ils prirent le bus, marchèrent dans la rue, poussèrent la porte et vinrent s'installer sur une table, près à commander des gâteaux et un bon thé. Un chocolat chaud, pour Philip, car le temps s'y prêtait.

Philip aimait bien le salon de thé, mais il s'ennuyait vite. Il n'aimait pas parler avec des inconnus, et venir ici pour la deuxième fois lui semblait encore inconnu. Il n'aimait pas parler aux autres. Il était partisan de ne jamais faire ce qu'on ne veut pas. Un jour, peut-être qu'il se sentirait plus à l'aise. Pour l'instant, il ne l'était pas vraiment. Mais il aimait les chats, et il voulait voir le chat.

Le reste du monde ne l’intéressait pas.

Ils s'étaient habillés tous deux avec un jean, un tee-shirt et un pull pokemon, pas le même toutefois. Celui de Judith était jaune et comportait un pichu. Celui de Philip était noir et comportait un magirêve.

La discussion pouvait reprendre, comme-ci la semaine ne s'était passée.

Des vêtements différents, quelques jours en plus, et peu d’événements pouvant changer une personnalité.

« Dites, monsieur ... »

« Pourquoi vous vous inquiétez pour le nombre de sachets de thé ? »
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