Pink Water

Hey toi dans la glace. Toi qui me regarde avec cet air paumé d’enfant perdu. Reprends un peu du poil de la bête! T’es un tueur, tu l’as oublié?! Tu as été capable des pires atrocités sans même hausser le sourcil et là tu te sens mal pour avoir avoué une vérité sur toi? Allons, t’es plus fort que ça. C’est pas toi ça Akim!! On dirait que t’as vu un fantôme là! C’est ça tu me nargues en fait! La situation t’échappe totalement et tu figes parce que tu n’y es pas habitué…. Tu as laissé quelqu’un d’autre prendre les rênes et là tu te prends l’effet papillon en plein dans la gueule et ça fait mal.

-T’es qu’un sale con Akim Kovatchev et t’es en train de creuser ta tombe, regardes-toi!!

Un murmure m’a échappé. Voilà que je me parle à moi-même maintenant. Bon, je l’ai toujours fait, mais à voix haute, quand Ivory peut m’entendre, alors là, ça fait pas très sain d’esprit. J’ai toujours su que j’étais un peu fou, qui le serait pas pour faire la vie que j’ai, mais là ça vient de m’éclater en plein visage. Je ferme le robinet d’eau froide et je passe une main dans mes cheveux, et c’est là que je le vois. Il m’a suivi. J’aurais pourtant cru qu’il aurait pris peur et pris ses jambes à son cou. Surtout après ce que je lui ai fait subir…mais non, il est là, à me regarder d’un air inquiet. Je secoue la tête d’un air froissé, peut-être pour le décourager de s’approcher plus, ou pour me protéger. Je ne sais plus. Et il en fait qu’à sa tête parce qu’il pose une main sur mon épaule. Je fronce les sourcils, prêt à en démordre pour qu’il me laisse tranquille. Et pourtant il ne bronche pas. Il n’a plus peur de moi? De facto, à voir ma tête, je ne fais plus vraiment peur à personne… Je grogne un peu tout en ne le lâchant pas des yeux dans le reflet du miroir. Non, Ivory, c’est pas le moment. Je regrette déjà mes mots, l’aveu que j’ai fait. La boîte de Pandore que j’ai osé ouvrir. Je voudrais revenir en arrière et rire à tes questions pour ridiculiser le fait que tu puisses penser à une telle chose. Chasser cette idée du revers de la main et passer à autre chose, comme je l’ai toujours fait. Oublier encore une fois qui je suis réellement. Tenter d’être quelqu’un d’autre l’espace d’un moment, comme lorsque je suis avec toi. Mais il est trop tard, je l’ai dit. Je n’ai pas raconté ma vie, mais j’en ai dit assez pour que tu comprennes ce qui se passe dans ma vie. Que tu comprennes pourquoi je fuis la plupart du temps, pourquoi je ne t’ai pas appelé. Que tu comprennes….MERDE!! Tu devrais fuir à toutes jambes si tu as compris Ivory que je suis un mec dangereux et qu’il ne faut pas se tenir avec moi. Même Wunjo l’a compris. Qu’est-ce qui cloche chez toi?

-…

Je veux l’avertir. Lui dire de faire attention à ce qu’il va faire. Et pourtant, les mots ne peuvent franchir la barrière de mes lèvres. Je suis comme hypnotisé par son reflet dans le miroir comme un insecte par la lumière. Il va lentement, sûrement par peur de me faire fuir et il a raison. Je devrais piquer une colère terrible et me barrer, d’ailleurs je me de-mande pourquoi je l’ai pas encore fait, mais j’en suis incapable. Il n’a pas appris avec la violence de tout-à-l ’heure que je peux être incontrôlable? C’est dangereux pour lui de rester ici. Je suis une bombe sur pattes et personne encore n’a été capable de me désamorcer, personne ne….

Il me fait quoi là?!?!? Il a ouvert les lèvres et approche de mon oreille….mais il ne parle pas… Je sais pas à quoi il joue, mais si c’est pour me subjuguer pour me clouer le bec, et ben ça fonctionne à merveille. Qu’est-ce que tu fous Ivory?!? Tu n’as même pas ton blackberry près pour que je puisse lire. Ou alors tu veux que je lise sur tes lèvres? À force, je suis rendu un pro dans le domaine. Je pourrais remporter la médaille d….

-Akim.

Mes yeux deviennent ronds comme des assiettes…. J’ai pas rêvé là. Ivory a vraiment prononcé mon nom! En vrai! Je l’ai pas imaginé quand même. Un murmure, mais tellement rempli de sens que j’en ai des frissons. Je me demande même si ma mâchoire ne s’est pas décroché sous le choc.

-Ivory….tu…tu as

Mais il ne me laisse pas le temps de discuter. Il vient me prendre le visage et je n’ai pas le choix de délaisser son reflet pour le regarder en face. Je dois avoir l’air vraiment con avec ma bouche entrouverte et mes yeux ronds et pourtant il n’en fait pas de cas. Il m’embrasse. Mais pas comme un baiser pour me faire taire. Pas un baiser qui mène au sexe, comme nous avons l’habitude d’avoir. Non, c’est…différent. En fait, je crois que c’est la première fois qu’on me donne un baiser aussi…significatif. Et là, il me colle. SIMPLEMENT. Je veux dire, il ne fait pas sa chienne pour que je le prenne, non, un vrai de vrai câlin. Et moi je suis tout crispé. J’y peux rien, je suis pas habitué à ce genre de câlin. Et lentement, très lentement, je me détends. Ce sont les doigts dans mes cheveux qui ont enclenché le mécanisme. Un soupire passe même mes lèvres alors que je ferme les yeux avec violence pour le serrer contre moi. Un tas d’émotion bouillent en moi que j’essaie de refréner mais j’en suis incapable. C’est trop pour moi.

-Ivory…

Tu peux pas savoir comme tu me fais du bien. J’arrive juste pas à comprendre ce qui se passe présentement, mais s’il te plaît, pars pas. Reste….j’ai tellement besoin de toi. J’ai besoin que tu me tiennes encore dans tes bras pour me mon-trer comme je suis important pour toi, comme ça. Mes mains le serrent un peu plus et remonte dans son dos. Puis, j’ouvre les yeux. Je bouge un peu la tête pour poser mon front contre le sien et je lui souris doucement.

-Thank you….

Moi aussi j’ai murmuré. Ces mots peuvent sembler insignifiants, mais ils sont lourds de sens pour moi. Je le remercie, pour tout. D’être là, d’être resté, de me toucher, de me comprendre, de m’avoir fait confiance assez pour me parler… Je frotte mon front contre le sien et mes lèvres viennent effleurer les siennes tout doucement. Je veux m’excuser… à ma façon.

-Il y a quelqu’un ici?!

Je soupire contre ses lèvres et me redresse. Évidemment, on ne peut pas être tranquille. Je le rassure d’un sourire et quitte la chaleur de ses bras pour aller vers la porte. Ha ouais…j’avais oublié ce petit détail de la chambre bordélique, tout comme le couloir. Et la tête de l’agent de sécurité dans l’embrasure de la porte me le rappelle que trop bien. C'est le temps de ramasser les pots cassés...