Et nos pas nous amenèrent ici ~

Aucun de nous deux n’avait fumé. Moi, parce que je n’en avais pas envie, et Shaöne parce qu’il n’avait pas pu. Fumer dans la galerie du centre commercial était tout simplement interdit. Nous discutâmes un moment, à propos de la suite de la soirée, qui ne faisait que commencer. Ma proposition lui convenait. Nos pas allèrent donc nous guider où bon leur semblera, pourvu que nous ne restions pas dans le centre commercial, qui n’allait pas tarder à fermer. Je ne tenais pas à finir enfermée toute une nuit à l’intérieur.

Une fois hors du centre commercial, Shaöne fuma sa clope, et moi, je n’avais toujours pas envie de fumer. Nous marchâmes côte à côte pendant un moment, et, vingt minutes plus tard, je pris conscience des lieux en disant à mon compagnon :



Non pas que je voulais faire un détour à la maison, mais nos pas nous avait guidé non loin de chez moi. Je savais que la plage n’était qu’à quelques mètres de chez moi, alors, sans un mot, nous reprîmes notre marche et, dix minutes plus tard, nous étions arrivés à destination.

Je pris le temps de m’étirer quelques secondes avant de retirer mes sabots, et les gardant à la main, je commençai par poser mon pied droit dans le sable fin, qui se révéla être froid. Normal à cette heure-ci, et pourtant, il ne faisait pas encore nuit. Ce qui voulait dire… que nous allions voir le soleil se coucher. La classe.

Ce fut à mon tour de sortir mon paquet de clope pour m’en allumer une. J’en avais envie cette fois. Prenant le bras de Shaöne de ma main libre, je l’entraînai avec moi vers le bord. J’avais hâte de savoir si l’eau était bonne…

Bien sûr, il n’y avait aucune surprise : elle était aussi froide que le sable. Je me retournai vers Shaöne pour lui lancer :



Moi, dingue ? Sans aucun doute. Quitte à être malade après, j’étais branchée pour me baigner dans l’eau froide, même s’il ne s’agissait pas d’un bain de minuit… puisqu’il n’était pas encore minuit. Mais la soirée ne faisait que commencer…

J’étais médusée. Shaöne avait retiré ses fringues en gardant uniquement son caleçon, et il avait plongé dans l’eau sans m’attendre.

Ce fut à son tour de lancer le défi. Comme si j’allais refuser. Je m’écriai en bougonnant :


Non mais sans déconner. Moi qui voulais me mettre à l’eau la première, c’était raté. Je me vengerais.

Ce fut à mon tour de retirer mon ensemble marin : la longue jupe et la veste, que je posai délicatement sur le sable fin. Je tenais à ces fringues. Mon T-shirt blanc, je le jetai à côté. Je n’y tenais pas particulièrement, j’en avais plein. Je détachai mes cheveux à mon tour. Ils avaient eu le temps de sécher, mais ils ne vont pas le rester longtemps.

Seuls mes sous-vêtements en dentelle, de couleur noire, me couvrait. Si Shaöne était anti dentelle… je l’emmerdais. On n’était pas là pour juger l’autre, et encore moins pour flirter. Ce n’était pas vraiment le but.

C’était une situation assez étrange. Je crois que notre relation a changé, ce n’est plus trop comme avant. Moi, la flic qui ne faisait que lui courir après pour l’engueuler sans jamais l’arrêter à cause de son skate, j’étais devenue… presque une amie depuis ce soir.

Une chose est sûre : si demain, il recommençait ses conneries, adieu la gentille Nana et bonjour la flic. Peut-être que là, il aura droit à un petit séjour en cellule, histoire de lui rafraîchir les idées.

Ce n’était vraiment pas le moment de penser à ça. Il m’attendait, dans cette eau froide et salée, je n’allais pas le faire attendre plus longtemps. Il allait finir par me traiter de froussarde, et j’avais très envie de me baigner.

Je ne me fis donc plus désirer, et me dirigea à mon tour vers le bord. Lorsque mes pieds furent dans l’eau, je m’avançai en prenant soin de ne pas trop me rapprocher de Shaöne. Je ne tenais pas à ce qu’il m’arrose, je n’étais pas encore habituée à l’eau. Je n’étais pas folle au point de plonger comme il l’avait fait, ça non. Je préférais prendre mon temps, mais j’avais oublié un détail : j’étais de nouveau dans ma période perte de poids sans savoir pourquoi, et cette fois, ça se voit. On ne m’a encore jamais fait de remarque, mais là… comme il fait encore jour, et si Shaöne faisait attention à ce genre de détail ou qu’il remarquait ce détail qui tue, il n’allait pas manquer de me taquiner. A moins qu’il ne me fasse des reproches ou qu’il s’inquiète pour ma santé. Là, je crois que ce serait pire que la taquinerie, je n’allais pas aimer ça.

Je chassais ces pensées de mon esprit : à mon avis, il s’en foutait complètement et n’avait pas eu le temps de voir cette minceur puisqu’en à peine cinq minutes, l’eau m’arrivait déjà au nombril. Je n’eus qu’à mettre les mains dans le liquide froid pour me mouiller la nuque, puis je plongeai à mon tour pour m’éloigner encore plus du bord. J’aimais bien nager presque au fond de l’eau, et si je ne bougeais pas, j’allais finir en glaçon c’était obligé.

Je refis surface, et en observant Shaöne, je remarquai qu’il avait les cheveux longs, lui aussi. Je n’avais même pas fait attention tout à l’heure. J’avais tellement l’habitude de le voir avec ses cheveux attachés…


Je replongeai ensuite dans l’eau, et me rapprochant de lui, je refis surface juste en face de lui. Je lui fis un grand sourire avant de me jeter sur lui. Je tentais de lui faire perdre l’équilibre, pour me venger de tout à l’heure. C’est moi qui voulais me mettre à l’eau la première, mais là, je le sentais un peu mal puisqu’il était juste un peu, voire même beaucoup plus fort que moi…

Ce n’était pas pratique ? Sur un skate, d’accord mais sinon ? Mes cheveux ne me posaient pas de problème, je les détachai quand je voulais. Les filles étaient sans doute plus habituées à s’occuper de leur crinière que les garçons, mais il y avait des exceptions. Quant à se les couper… il en était hors de question. Là, j’étais bien d’accord avec lui. Je tenais à mes crins blonds, surtout à leur longueur. Personne n’a le droit de tailler dedans. Ma frange, d’accord, le reste non.

Je ne sais pas si Shaöne fit exprès de couler (c’est le terme exact, parce que tomber… c’était limite), parce que je n’eus presque aucun mal à le faire. D’ailleurs, j’en avais été surprise, mais j’étais bien contente de mon coup.

Malheureusement, à peine après avoir refait surface, il se vengea. Je l’aurais un jour, je l’aurais. Je ne voyais pas pourquoi il se vengeait, et en plus, il m’avait aspergé d’eau avec ses cheveux en refaisant surface. A croire qu’il faisait exprès pour me mettre hors de moi. Sa question me fit sourire.

Il reprenait mon expression. Et j’avais l’impression qu’il me cherchait. Hé bien, il allait me trouver. Sauf que moi, je ne tenais pas à jouer avec mes cheveux. J’aspergeai son visage de cette eau froide et salée avant de plonger, et je m’éloignai en nageant. Oui, oui, je prenais la fuite parce que je ne faisais pas le poids contre lui.

Non seulement il avait deux ans de plus que moi, mais en plus, il était bien plus grand et musclé. Je n’étais pas très musclée, moi. Ce n’était peut-être qu’un jeu, un simple jeu. Sauf que, je n’étais pas sûre qu’il fasse attention à moi. Il pouvait très bien me blesser sans le vouloir, si on continuait de s’amuser comme des gamins dans l’eau.

Perdue dans mes pensées, je ne me rendais pas compte que j’étais en train de m’éloigner un peu trop de lui. Ce n’était pourtant pas faute d’avoir refait surface de temps à autre pour reprendre mon souffle. Au bout de quelques instants, je cessai de nager pour regarder derrière moi. Je ne voyais plus Shaöne. J’étais presque sûre que ça ne faisait pas dix minutes que je nageai. Il me jouait un tour, c’était obligé.


Non, ce n’était plus Shaöne. Ce Sha m’avait échappé. Mais qu’est-ce qu’il foutait ? Il comptait me refaire couler ? Je regardai tout autour de moi pour constater qu’il y avait des bancs de sable. Ceci voulait dire que c’était marée basse. Comment ne pas m’en être aperçue avant ? On avait tous les deux couru pour atteindre l’eau, on n’avait pas fait attention à la distance. Et, je n’étais pas très loin d’un banc de sable, alors en attendant, je nageai dans sa direction. Je m’installai en tailleur sur le sable froid. Je ne voyais toujours pas mon compagnon, mais j’avais cessé de le chercher des yeux. Il y avait autre chose qui attirait mon attention : un crabe qui se dirigeait vers moi. Fort heureusement, il s’agissait d’un petit crabe. Je n’aimais pas trop ces trucs-là, ça me faisait penser aux araignées. Pourtant, je tendis la main pour l’attraper et je l’approchai de mon visage pour le contempler. Une chance qu’il faisait encore jour, parce que je crois bien que j’aurais eu du mal à regagner la rive seule. En parlant de jour, voilà qu’il y avait une ombre près de moi, et redressant la tête, je vis Shaöne.


Je reportai mon attention sur le crabe, qui m’observait sans bouger. Il pouvait partir, je n’avais fait que le poser au creux de ma main, mais non. J’espérais qu’il ne m’avait pas adopté, parce que je ne tenais pas à le ramener chez moi… Je finis par le tendre à Shaöne :


S’il pensait que je l’avais tué, il se trompait. Il était bel et bien vivant, ça se voyait, mais je n’avais pas envie de le garder plus longtemps dans ma main. J’aurais pu le reposer sur le sable, mais non. Lorsqu’il le prit, le crabe ne bougea pas plus. On aurait dit qu’il voulait rester avec nous. Bizarre.

Nous étions tous les deux retournés au bord de l’eau, après s’être perdu de vue un bon moment. Je l’avais interrompu dans ses propos, lorsqu’il me retrouva enfin à son tour, en l’incitant à prendre le crabe. Mais, je répondis tout de même :


Pour moi, le crabe que j’avais trouvé n’avait pas l’air d’avoir peur de nous. Pour Shaöne, c’était sans doute différent. Il confirma en me parlant après avoir pris le crabe, et je répondis à cela :


Il comptait garder le crabe ? Il était sérieux ?


Il devrait plutôt le remettre à la mer, mais il semblait décidé à le ramener chez lui. Je le vis ensuite rejoindre ses affaires pour prendre son paquet de cigarettes. Il comptait fumer ? Visiblement oui. Mais pas que, puisqu’il mit le crabe à l’intérieur de l’emballage de clope après l’avoir rempli d’eau froide et salée. A mon avis, il n’allait pas faire long feu, puisque ça fuyait… un peu.


Il me posa deux questions. Je pris le temps de réfléchir un bref instant avant de répondre :


Je précisai rapidement :


Ce qui sous-entendait qu’on allait pas se quitter tout de suite, si jamais ça l’inquiétait, il n’y avait pas matière à s’inquiéter pour ça. Quant à sa dernière question…


Surtout dans les cheveux. J’avais l’impression qu’ils étaient archi secs, de la vraie paille, ou du foin au choix. Et, qui disait douche, disait forcément aller chez l’un, ou l’autre. Ce n’était pas à cette heure-là que nous allions trouver un magasin d’ouvert pour acheter un aquarium, si Shaöne n’en avait pas un chez lui, comme il l’avait si bien dit, on allait avoir du mal… et je n’avais pas souvenir d’en avoir un à la maison. On pouvait toujours passer chez moi pour vérifier, au cas où.


Je me souvins que ma petite sœur avait une petite tortue à un moment, et on l’avait mise dans un aquarium. Si on l’avait conservé… le crabe serait à l’abri et bien mieux placé. La tortue de ma sœur étant morte depuis un moment, l’aquarium ne servait plus à rien. Il devait être quelque part dans le grenier, et j’en profiterais pour prendre une bonne douche. Ensuite… soit on retournerait à la plage chercher de l’eau de mer pour remplir l’aquarium, soit on allait faire une halte chez Shaöne pour qu’il prenne une douche lui aussi, au choix.

Je pris le bras de Shaöne pour l’entraîner, lorsque nous quittâmes la plage. Nous étions passé devant chez moi à l’aller, mais je ne m’étais pas arrêtée pour montrer à mon compagnon où j’habitais, donc il ne connaissait pas ma maison, ou plutôt la demeure familiale. Je ne vivais pas seule. Je me contentai de répondre par un hochement de la tête à sa question avant de dire :


Je lui montrai d’un geste vague de la main, l’autre bout du chemin où nous étions en train de marcher. Je précisais :


Et puis, Shaöne m’annonça qu’il pensait aller chez lui pour faire comme moi : prendre une bonne douche afin d’ôter tout ce sable et tout ce seul, qui collait à la peau… ainsi qu’aux cheveux. Sa question me fit sourire, toutefois, je n’y répondis pas tout de suite. J’empruntai plusieurs rues, pour faire un léger détour rien que pour lui montrer deux ou trois choses que j’aimais bien, comme une sacrée baraque, et au moment où il voulut continuer tout droit, je tirai sur son bras pour tourner à gauche.

Nous arrivâmes bientôt devant chez moi. Après avoir atteint le grand portail blanc, nous avancèrent au milieu de l’allée composée uniquement de petits cailloux couleur sable. Avant d’atteindre Ensuite, il y eut le garage face à nous, mais je préférais tourner à gauche. Cela menait presque directement à la porte d’entrée et c’est exactement ce que je voulais. Je posai mon index sur la sonnette, le laissant quelques secondes dessus, histoire que ça fasse bien effet.

Nous n’attendîmes pas longtemps, puisque mon père nous ouvrit la porte. Il ne semblait ni fatigué, ni sur le point de dormir. Il était pourtant vingt-trois heures, ou dans ces eaux-là. Il salua Shaöne et ne s’attarda pas : il retourna dans le salon. Je laissai mon compagnon entrer dans le vestibule, et franchissant le seuil à mon tour, je refermai la porte derrière moi. Je le repris par le bras pour l’entraîner directement dans le grenier, à l’étage, tout au bout du couloir. Inutile de s’attarder sur la beauté des lieux, on avait autre chose à faire. J’ouvris la porte du grenier, appuya sur un interrupteur pour allumer, histoire d’y voir plus clair, puis je dis à Shaöne :


Je lui indiquai un coin de la pièce avant de déclarer :


Je n’attendis pas sa réponse : je tournai les talons et me dirigea vers la salle de bains. J’étais pressée d’ôter tout ce sable et ce sel de mer. Après une douche rapide, j’enfilai des vêtements propres : sous-vêtements blancs, robe mi-longue bleue et… mes sabots blancs. Cette fois, je pris le temps de sécher mes cheveux, juste pour éviter de choper la crève en ressortant dehors, puis je rejoignis Shaöne, qui n’avait pas bougé. Il était toujours dans le grenier. Je m’emparai de l’aquarium, qu’il tenait dans ses mains, sans dire un mot, puis nous quittâmes le grenier. Je descendis la première pour aller dans la cuisine, et il me suivit. J’avais soif, je me fis donc un café au lait, sucré. Je n’oubliai pas Shaöne, je lui demandai ce qu’il voulait pour le servir à son tour.

Ma sœur débarqua à ce moment-là pour me demander un chocolat chaud. Le hasard faisait bien les choses, mais moi… je déposai un bol, la brique de lait que j’avais laissé sur la table, la boîte de chocolat et une cuillère près du micro-onde :


Une fois mon bol vide, puisque j’avais carrément pris un bol, je le déposai dans l’évier et je m’adressai à Shaöne :


Lui aussi, il voulait faire une halte chez lui. Ensuite, nous n’aurions plus qu’à retourner à la plage pour remplir l’aquarium et… et quoi au fait ? Faire le nid du crabe et partir pour aller où ? Rentrer chacun chez soi peut-être.

Nous étions sortis de chez moi, puis, une fois sur le trottoir, je me retournai vers mon compagnon pour lui demander :


Je ne savais pas du tout où Shaöne vivait. On allait savoir où l’autre logeait, si ce n’était pas génial ça. Le plus important ce soir était de s’occuper du crabe avant qu’il ne rende l’âme…

Je servis un café noir, sucré, à mon compagnon. On ne mit pas longtemps à boire nos boissons chaudes, avant de quitter la demeure familiale qui était la mienne. A la remarque de Shaöne, je répliquai en souriant :


Je m’emparai de la main du jeune homme avant de me mettre à courir vers la plage. Il ne fallait pas que le crabe meurt. On avait trop tardé, le paquet de clopes n’avait pratiquement plus une seule goutte d’eau de la mer. Je ralenti brusquement en disant à Shaöne :


Je m’emparai de l’aquarium, retira mes sabots et courut dans le sable fin. J’arrêtai ma course lorsque mes pieds furent dans l’eau glaciale. Je plongeai l’aquarium dans l’eau salée, quelques algues malignes se glissèrent en même temps à l’intérieur de l’objet tant convoité, mais je ne cherchai pas à les retirer. Peut-être que le crabe allait les apprécier. Je rejoignis ensuite mon compagnon et lui tendis l’aquarium, à moitié rempli d’eau. Il n’avait plus qu’à poser le crabe, le plus délicatement possible, et le tour sera joué.


Je me calma lorsque Shaöne mit le crabe dans l’aquarium. On n’avait plus qu’à aller chez lui, afin qu’il prenne une bonne douche à son tour. Je songeais à une chose : ça n’aurait pas été vraiment de ma faute si le crabe aurait rendu l’âme, m’enfin… il était sain et sauf à présent. Je m’exclamai :


J'avais gardé l'aquarium, puisque je ne l'avais tendu à mon compagnon uniquement pour qu'il mette le crustacé à l'intérieur. Je pouvais très bien le porter, il n'était pas très lourd. Je lui dis ensuite :



S'il m'avait dit où il vivait, j'avais complètement oublié, trop préoccupée par le crabe, qui était sauvé à présent. Je tentais de rassembler mes souvenirs pour me remémorer les paroles du jeune homme mais non, rien ne me revint à l'esprit. J'hésitais un moment avant de lui demander :