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 Jalousie est un mot que j'écris en rouge.

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AuteurMessage
Zakuro Fea
▼ Université - 4ème Année - Comité des Elèves
▼ Université - 4ème Année - Comité des Elèves
Zakuro Fea


Genre : Non Binaire Lion Coq Age : 31
Adresse : 3, rue la Chance, app. 11, quartier Hiryuu, avec Lawrence E. Swanster.
Compteur 1580
Multicompte(s) : Kojiro Sekigahara

KMO
                                   :

Jalousie est un mot que j �cris en rouge - Jalousie est un mot que j'écris en rouge. Empty
MessageSujet: Jalousie est un mot que j'écris en rouge.   Jalousie est un mot que j �cris en rouge - Jalousie est un mot que j'écris en rouge. EmptyMer 19 Mar 2014 - 0:50


    Cette chaise sur laquelle je m'asseyais, après cet instant d'hésitation, devint le début d'un procès dont je me faisais le juge et le tribunal à la fois. Heure d'Histoire, heure de cours lambda, mais différente de ces autres fois, puisque le professeur nous demandait de nous établir en des groupes de quatre, afin que nous analysions à plusieurs un exercice qui pour la première fois, ne m'intéressait pas. Je ne ressentais pas cet attrait à l'Histoire de d'habitude, je n'avais pas cette excitation du plongeon arrière, de l'observation de l'évolution. Pour une fois, mes yeux avaient figés un présent qui ne construisait aucun avenir digne de ce nom.
    Kojiro s'installa en face de moi, tandis que prenait place deux filles dont j'ignorais le nom. Mes yeux bleus sur son existence complètement japonaise que, trois auparavant, je lui aurais jalousé, Kojiro ignora mon regard. Il connaissait les questions qui se pressaient dans ma tête pour les avoir lues et ignoré cent fois sur son portable ou ses mails. Cette fois-ci, maintenant que l'occasion se présentait, nous savions tous les deux qu'il n'y échapperait pas. Je me laissais tout de fois le temps d'adapter à ma respiration un rythme calme, et lui offrait le luxe de sortir ses affaires et d'ouvrir son manuel. La représentation d'une poterie de l'ère Jômon ne m'émut pas.

    « Où est-il ? Pourquoi garde tu le silence ? Pourquoi ne peux-tu rien dire ? Qu'est-ce que tu caches, Kojiro ? »

    Il conserva son silence, ignorant que s'il avait parlé, s'il avait avoué, s'il m'avait révélé le pourquoi est-ce qu'il s'occupait de transmettre les devoirs à Kohaku, le pourquoi est-ce qu'il ne répondait plus à mes sms quand je le questionnais sur sa localisation, le pourquoi est-ce que je l'avais vu sortir de l'appartement dans lequel résidait Yume Namida et son colocataire silencieux, le pourquoi est-ce que je le voyais répondre à des sms avec une anxiété fébrile, qu'il cherchait à cacher lorsque je m'approchais, et bien, je l'aurai pardonné. J'aurais totalement pardonné. Considéré que c'était assez important pour que je m'efface, et que j'accepte, en connaissance de cause, de ne pas m'immiscer dans ce fait. J'aurais accepté qu'il se rende chez Yume, le soir, pour voir Chess. J'aurais accepté le fait qu'il s'enferme dans son silence, et ne m'intègre pas à ses secrets. Je l'aurais accepté, s'il m'avait prévenu. S'il m'avait fait ce signe de la main, ce sourire, cette explication, même muette, du pourquoi il me fallait arrêter de marcher, pourquoi il me fallait rester sur le bord de la route.

    Il garda le silence, et je soupirais, dans un sourire déçu.

    Tendant les doigts, je vins crocheter les branches de ses lunettes. Dans un mouvement souple, ignorant son regard porteur d'une interrogation silencieuse, je vins déposer les lunettes sur mon nez, ajustant les branches derrière mes oreilles en rejetant les mèches noires derrière mes épaules. Je lui souris.

    « Est-ce que tu penses que de cette manière, je lui plairais plus, si je te ressemble ? »

    Kojiro blêmit. Les deux filles à nos côtés cessèrent leur conversation, leur intérêt portés sur nous, avec une misérable absence de gêne dans leur attitude espionne. Sans leur accorder pourtant la moindre importance, Kojiro s'avança lentement au dessus de la table, ses doigts venant se poser à plat sur la surface de son bureau, les mèches noires balayant ses joues, comme les miennes effleuraient mes mâchoires. Je déposais ma paume contre ma joue, dans une moue presque ennuyée, avant de le contempler, en gardant le silence, pendant quelques instants. Il me fixait dans l'attente d'une suite, m'offrant de par ses yeux cette invitation inconsciente à le déversement de ce venin que je voulais lui enfoncer dans les veines. Alors, doucement, j'eus ce sourire triste. Mes doigts se crispèrent, et derrière les verres de ses lunettes, mes yeux trouvèrent les siens, ma voix se fit murmure.

    « Est-ce que tu ne cherches pas ta sœur, dans son visage ? »

    Atémi de mot, atémi de syllabes, mon attaque fut frontale.
    Il vint m'exploser son poing entre les deux yeux. Le choc, la violence me fit tomber en arrière, la chaise basculant et m'entrainant avec elle, mon dos venant claquer avec l'assise contre le sol. Secondes figées, secondes de stupeur, secondes durant lesquelles il y eut cette digue mentale qui se brisa, et qui me fit me relever lentement. Lentement. Mouvements mesurés, pour me remettre debout, et surplomber sa rage avec la mienne. L'idée de répondre à son coup, l'idée d'effectuer un écho à ce sang qui coulait sur mes paupières et noyait au bleu un rouge qui résonnait de ses instincts primaires, l'idée de lui faire mal en
    J'inspirais profondément. D'un balaiement de la main, chassais de mon nez les lunettes explosées et les éclats de verre griffant ma peau, faisant saigner le bleu. Un mépris. Un mépris coléreux, profond, et froid, qui me fit le regarder de haut.

    « C'est mal, tu sais ? Il est à moi. »

    Dans un rire sauvage, Kojiro contourna la table qui représentait l'unique obstacle matériel entre nous, sans porter attention à ces gens qui avaient maintenant rivés leur attention sur notre affrontement. Animal moqueur, ses yeux lançant à ma figure ce regard qu'il n'offrait jamais à son quotidien, Kojiro vint se planter devant moi, et dédaignant avec un mépris absolu les quelques centimètres qui me permettaient de l'observer de haut, tordit sa bouche dans une mimique moqueuse, son regard plongeant à un statut condescendant. Tout son être se mettait soudait à exprimer cette pitié tendre, cette espèce de complaisance qu'il pouvait brusquement ressentir à l'idée de s'adresser à moi comme si j'étais un enfant.

    « T'es un idiot, Zakuro. Tu penses vraiment que je cherche à te piquer - … »

    Immédiatement, je l'interrompais.

    « Je ne pense pas, Kojiro. Je constate. Tu es un voleur. Un trompeur, à qui il manque quelque chose, alors tu vas le chercher là tu peux le récupérer. Tu sais quoi ? Je te plains sincèrement d'être aussi faible. »

    Il me renversa, frappant mes chevilles dans un fauchage qui me fit frapper le sol sèchement avec mon épaule, sans espoir de rétablissement. Mais ses doigts crochetèrent mes épaules, m'immobilisant contre le sol, avec cette redoutable impression qu'il voulut me transmettre : celle de m'écraser. Alors je constatais : moi au sol, lui me dominant. Et c'était comme ça depuis le début, finalement : il m'avait renversé pour être debout là où je n'y étais plus. Constat qui me fit mal. Constat qui me fit abaisser mes yeux sur ses poignets.

    J'avais envie de pleurer ou de hurler. Je ne savais plus trop où se trouvait la logique de mes sentiments. Alors, ne pas se trahir. Conserver, avec finesse, ce visage calme, puisque mon cœur se faisait indécis.

    Et, murmurer, du bout des lèvres, mes yeux dans les siens, cette phrase. Dernière porte voilant mes angoisses, dernière murailles contenant mes doutes. La murmurer, m'ouvrir à lui, pour tout laisser éclater dans ma poitrine. La douleur avec.

    « Ça te plaît, au moins, quand il te baise ? »

    Dans ses yeux, la tristesse infinie me frappa avec la force de ses poings. Quoiqu'immobile au dessus de moi, il me sembla que son silence m'agitait, me secouait avec plus de violence que ce qu'il venait de m'offrir jusqu'à présent. Sa tristesse s'écoulait jusqu'à mon cœur comme une résonance coupable, comme un hurlement fautif qui assécha ma gorge, et flétrit mon cœur. Toutes les hésitations se dissipèrent, noyées sous le poids de ce regard qu'il fit tomber sur moi, et dans l'inertie d'un couperet qu'il se chargea de m'offrir, je le condamnais. Ainsi, il trahissait. Il avouait ce crime dont je martelais l'existence par ma propre jalousie. Voilà, c'était comme ça. Les pièces d'un puzzle assemblées en cette vérité que j'avais crains, et qui me saignait de l'intérieur, sans promesse de guérison.

    « Je... »
    « Tais-toi. »

    J'avais fermé les yeux, pour ne plus avoir à regarder les siens. J'avais fermé les yeux pour regarder à l'intérieur de moi-même, et constater. Et ce que je voyais n'avais plus rien d'incertain ou de trouble. Je ne doutais plus, maintenant. Les choses étaient claires, et je n'avais plus envie de faire l'effort d'essayer de comprendre, de rechercher un compromis ; un terrain qui nous aurait satisfait. Je n'avais plus la force de conserver l'équilibre entre le bien et le mal, de conserver l'équilibre tout court. Je faisais simplement le choix de tout arrêter, de tout abandonner, parce que je n'en pouvais plus. Parce que ce que je voyais à l'intérieur de moi n'avaient plus aucune barrière, n'avaient plus de limites, et que le sang hurlait à l'effusion. Parce que la haine s'était soulevée, et que les monstres qui rampaient autrefois, grouillaient désormais dans ma cervelle, déchirant sous mes tempes, clamant ce besoin d'être libéré. Je rouvrais les yeux, et lu sur la bouche de Kojiro des mots d'excuses, des mots d'explications qui étaient en train de glisser dans sa gorge, pour venir fleurir sur ses lèvres. Ma main vint s'y accrocher. Mes doigts contre sa gorge. Avec force, avec volonté. Ne parle-plus. Ne dis plus rien, plus jamais. Ne prononce surtout pas ce que tu veux que j'entende. Mes épaules s'arrachèrent du sol, et dans un roulement sur le sol, je le fis basculer, emportant dans mon mouvement les mots que je tuais, qui sortirent de sa bouche sous la forme de grognements. Mes ongles déchirèrent la membrane fine de son cou, mes doigts trahissant les frissons qui couraient mon corps secoué par ce désir de le faire disparaître. Comprenant mes idées, comprenant cette vague noire qui se soulevait dans mon esprit, Kojiro ouvrit les yeux, avec un air stupéfait.
    Il écarquilla les yeux, et dans ses pupilles dilatées, j'y lu toute la résonance de son être. Celle là même qui le faisait pouvoir aller toucher celui qui était immatériel.

    Je te déteste.

    Mes doigts abandonnèrent sa gorge, son immobilisation, et mon épaule se souleva. Plus d'inspiration, d'expiration, plus d'équilibre, plus de rythme. Rien. Le noir. Le noir complet. Mon épaule s'abaissa, mon poing plâtré plongea. Je frappais. Je frappais dans le but de démolir. Il poussa un hurlement strident, et son corps se contorsionna pour se libérer du mien. Le nom du monde était souffrance. On me volait ce que je ne voulais pas retenir autrement que par mon regard, ce que je voulais libre, ce que je savais parfait. On me volait ce qui ne devait m'être caché, on me rendait aveugle, couvrant la terre d'une possessivité qui ne lui appartenait pas. Dans mon corps, dans mes tripes, un courage qui m'abandonnait, mes forces fuyant, ma volonté disparaissant, écrasée, tuée. Alors il fallait que je démolisse, il fallait que tout se casse, que le monde se brise comme l'hirondelle brisait le ciel. Le plâtre se fit éclabousser de rouge, et Kojiro vint frapper fort dans mon visage, pour se libérer. J'eus ce mouvement de recul. Ce mouvement d'abandon, de désespoir, de non-envie, de dégoût contre tout. Ce plus rien. Plus rien du tout.
    Mais enragé, retour de flamme impromptu, il se jeta sur moi.

    La suite est un mélange de rouge et de noir. De cris, de fureurs, de tables qu'on écarte, de menaces que le professeur éructent mais que plus personne n'écoute, du monde qui tombe, qui tombe comme tombe le poing de Kojiro sur ma face, et je frappe, et je roule, et je tombe, et je mords, et je rage. La suite est un mélange de plus rien, de souvenirs qui s'échappent comme ce sang qui coule hors de mes lèvres, des siennes, de son nez, de mon arcade, de ma jalousie, de ma torpeur éveillée et de ce cauchemar dans lequel je n'arrive pas à me sortir. Si je le touchais assez, si je réussissais à refermer mes doigts sur lui, arriverais-je à lui dire ? Qu'il est à moi, et qu'il n'a plus le droit d'y toucher ? La suite est une ribambelle de jambes autour de nous, de visages déformés par des expressions grotesque, des yeux de Kojiro, de mon corps irradiant une chaleur à s'évanouir, des craquements d'os, des secondes qui ne défilent plus, stoppées dans cet instant où j'ai décidé de le frapper. Et ces garçons qui, finalement, après une seconde d'hésitation, se jettent sur nous, pour s'interposer. Une cheville crochetées, des épaules tirées en arrière, des voix qui se pressent et explosent à mon oreille, et on nous arrache l'un à l'autre, sous les cris excités de la classe entière. Le professeur est une boite à vagissement, mais je ne comprends plus ce qu'il dit, l'intérieur de ma tête abritant un vacarme qui me réduit au silence. Kojiro, maintenu par trois garçons, hurle dans ma direction.

    « Je vais le tuer ! Je vais le tuer ! »

    (…)

    Claudiquant, mes pas craquant la surface d'une neige en train de fondre et salie par la pollution, je marchais en silence, mes doigts crispés contre mon épaule endolorie. Crachant un souffle glacé qui se teintait du goût et de la couleur du sang, la buée fuyait ma bouche, dans des expirations sifflantes. Les yeux levés vers le ciel, je veillais à l'évolution de la course des nuages gris et lourds qui s’amoncelaient au dessus de la ville. Il allait pleuvoir. Et j'avais mal. Sous le plâtre devenu inutile, un élancement électrifiait mes os fracturés, mordant mes muscles à chaque foulées. Dans le grincement porté par le vent, un portique de square accrocha mon attention, et se fit en quelques secondes l'objectif définissant ma trajectoire. A pas lents, hésitant en vue du refus de ma hanche à engager des mouvements droits, j'allais dans le square, poussant le portique en ignorant le couinement du métal gelé. Un banc, comme rédempteur, était à ma gauche, et j'allais m'y asseoir, détendant mes jambes, calant mes omoplates dans le creux du bois, et relevais mon visage vers le ciel.

    Pensées tourbillonnantes, elles s'envolèrent pour aller perforer les nuages. Et dans leur aigreur, leur violence et leur noirceur, les nuages furent troués, et la pluie vint tomber contre le banc, contre ma poitrine, contre mon visage. Pour m'abriter, je levais le bras, et vint déposer celui-ci sur mon nez, cachant mes yeux.
    Je ne sais pas, à ce moment là, dans quel sens tomba la pluie, et quel ciel se mit à pleurer.

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