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 Never really over [Misuzu]

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Hisaka Rika
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Hisaka Rika


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MessageSujet: Never really over [Misuzu]   Never really over [Misuzu] EmptyVen 12 Juil 2019 - 23:03

« Hisaka-kun,
J’espère que tu vas bien. Je passe quelques temps à la montagne dans les environs de takayama et j’aurais bien aimé te voir, si tu as envie de passer bien sûr »

Je relis ce message LINE, et toute la conversation qui a suivi, pour la cinquième fois ce matin. Tapant nerveusement du pied en attendant l’arrivée du train sur le quai, je fais défiler le texte inlassablement, cherchant à me rassurer sur la décision que j’ai prise. Suite à nos brèves retrouvailles à Keimoo, Misuzu et moi nous étions de nouveau éloignés. Nous avons échangés quelques messages, d’abord à propos de ma veste oubliée chez elle, puis de la vidéo faite sur le musée et enfin, lors les célébrations comme nos anniversaires respectifs, Noël et le jour de l’an. En dehors de ça, ça avait été le calme plat. Il faut dire que nos derniers au revoir n’ont pas été des plus chaleureux, même s’ils restent moins douloureux que ceux qu’elle m’avait réservé il y a 10 ans de cela.
Et nous voilà au moins d’avril 2029, quasiment un an après notre rencontre imprévue.
Ce n’est qu’il y a exactement deux jours, alors que j’étais occupé à monter ma dernière vidéo, que ce message était apparu au milieu de mes innombrables autres notifications. J’étais à la fois confus et enthousiaste, sans réellement savoir quel sentiment avait le dessus sur l’autre. Alors, comme un adolescent, j’avais écrit plusieurs réponses, avant de me décider et de prétexter mon envie de réaliser une vidéo en montagne pour accepter sa demande. Il y eut ensuite quelques messages pour préciser le lieu exact de sa résidence, puis la tranche horaire vers laquelle j’arriverai. Rien depuis.

Je m’engouffre dans le train et cherche la place correspondant au numéro de mon billet. Pour ce voyage, je serai apparemment à côté d’une grand-mère, côté vitre. Une fois installé, je pose mon sac à dos sur mes genoux. Pour un week-end, je ne pense pas avoir besoin de beaucoup. Avec l’expérience, j’ai appris à n’emporter que le minimum lorsque je pars en voyage. Le seul extra que je me suis permis dans mes affaires, c’est le carnet à dessins qui avait jadis appartenu à Misuzu. Après l’avoir évoqué le soir de nos retrouvailles, j’avais été chercher le carton contenant les affaires de mes années d’étudiant chez mes parents. Plusieurs jours ont été nécessaires pour le vider. Pas qu’il était particulièrement plein physiquement, mais la charge émotionnelle liée à certains objets ont suffi à me faire perdre quelques heures à les observer, les manipuler sous tous leurs angles. Des talismans de prospérité, un gant, une balle de baseball, un pull, le carnet, des figurines en plastique ou encore un tablier, des feuilles de TD. En somme, des objets d’un quotidien qui a un jour été le mien.

(…)

Takayama, préfecture de Gifu.

Le paysage défile de plus en plus lentement sous mes yeux et je peux apercevoir la gare de Takayama à l’horizon. A côté de moi, la grand-mère s’est endormie. Je n’ai pas vraiment le cœur à la réveiller, alors je salue intérieurement la voix du chef de bord dans les haut-parleurs qui le fait à ma place.
Une fois sorti, je me sens un peu désorienté et engourdi. Il faut dire que deux heures assis sans rien faire d’autre qu’écouter de la musique n’aide pas à détendre les muscles. La zone dans laquelle je me trouve est encore relativement urbaine, mais l’endroit où s’est replié Misuzu se trouve un peu plus au nord, dans les hauteurs. Il fait encore un peu frais au milieu des montagnes au printemps, alors je me frotte mécaniquement les bras en cherchant un taxi libre.

Quelques minutes suffisent à trouver mon bonheur. Après avoir partagé l’adresse avec le chauffeur, je m’installe sur le siège passager. Durant les 25 minutes de trajet qui suivent, j’échange quelques mots avec le cinquantenaire. Depuis que je voyage, je remarque que j’ai le contact plus facile que je ne le pensais. Les gens ont souvent tendance à se livrer à moi. Cet homme, par exemple, n’a attendu que cinq minutes pour me parler de la vie difficile et solitaire qu’il mène à Takayama, depuis que sa femme est partie avec sa fille, après la perte de son emploi en ville. Il a fait une erreur en quittant la montagne lorsqu’il était jeune. Il est né dans les environs, et maintenant, la montagne, il ne la quittera jamais selon ses dires. Elle reste son premier amour, ironise-t-il alors que nous grimpons la côte à la force du moteur de sa voiture.
En retour, je lui parle un peu de moi, de ma vie de freelancer à Nagoya et de la ville. Il se moque un peu, se demandant pourquoi un citadin de ma trempe vient se perdre ici. « Je viens visiter, et rendre visite. » dis-je simplement alors que j’aperçois quelques maisons se profiler le long de la route. Loin de la ville, je redécouvre, semble-t-il, la notion d’espace personnel avec des résidences espacées de plusieurs dizaines de mètre en moyenne.  

Nous arrivons finalement à destination. Le vent souffle alors que je sors de la voiture après avoir payé le chauffeur. Je prends un instant pour balayer les alentours du regard et inspirer l’air frais, puis je me décide à avancer vers une silhouette que je connais bien. A proximité de sa supposée maison, elle porte un kimono en coton épais bleu marine, ainsi qu’un haori jaune à petits motifs plus clairs. Je ne peux m'empêcher de penser que les vêtements traditionnels collent particulièrement à son image. Sans doute a-t-elle cette forme de beauté harmonieuse qu'avaient les femmes de cette époque.
Elle ne semble pas encore avoir pris conscience de ma présence, absorbée par le jardinage. Je me rapproche, encore et encore, jusqu’à ce que le son de mes pas parvienne à ses oreilles. Je m’arrête de marcher au moment où je la vois se retourner vers moi. Une brise printanière vient caresser mes joues déjà rosies par la fraîcheur.

« Yo. »

Son visage semble exprimer du soulagement et de la surprise, comme si elle avait un instant douté que je viendrai. Elle semble cependant plus sereine que lors de notre dernière rencontre, sans doute parce que ses cernes ont l’air de s’être légèrement effacées. Que s’était-il passé, en dix mois, pour que je la retrouve ici, ce lieu que l’on pourrait qualifier de « nulle part ». Je reste planté dans le décor un moment, la fixant avec un sourire en demi-teinte, me demandant si cette fois-ci, nous allons enfin réussir à nous comprendre.
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MessageSujet: Re: Never really over [Misuzu]   Never really over [Misuzu] EmptySam 13 Juil 2019 - 0:23


Après un long moment à éviter le contact, à tenter de jouer la distance en espérant que les questions qui avaient surgies lors de leur dernière entrevue disparaissent d’elles mêmes, Misuzu avait fini par prendre son courage à deux mains et envoyer un message à Hisaka. C’était assez étrange de lui proposer de se voir alors qu’ils n’échangeaient que des messages de politesse depuis des mois, mais finalement, ça n’était pas aussi bizarre que cette sorte de silence dans lequel ils s’étaient, l’un et l’autre emmurés. Après leur rencontre fortuite, les choses étaient allées de mal en pis pour la jeune femme, sa santé s’était détériorée, tant physiquement que mentalement,  elle avait fait l’erreur stupide de s’isoler encore plus, et finalement une énième menace des yakuza avait été la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase. Entre l’épuisement, la malnutrition, et sa sanité au bord de la rupture, elle avait finalement eut une crise d’angoisse, plus impressionnante que les autres, et surtout dans un lieu public. Ainsi, elle avait fini à l’hôpital. Alors qu’elle les pressait pour connaître le meilleur traitement et retourner travailler le plus vite possible, la réponse des médecins avait été sans appel. Un retour au calme, l’air pur, une alimentation saine, et du repos. En bref, un séjour de plusieurs mois au moins loin de keimoo à profiter de la nature japonaise et à se remplumer. Finalement, ce séjour d’abord forcé lui avait fait du bien. Tellement, qu’elle avait fini par prendre la décision de proposer à Hisaka de se voir. Dans l’optique, à l’origine du moins, de discuter avec lui de ce qui s’était passé. Dix ans auparavant, mais aussi il y avait quelques mois de ça. Bon, elle n’était pas du tout sûre d’arriver à le confronter réellement, mais au moins il avait accepté de venir. Et elle s’était sentie un peu soulagée, encore plus lorsqu’elle avait entendu ses pas et sa voix alors qu’elle était occupée à retirer les mauvaises herbes du carré de pois mange-tout qu’elle faisait pousser devant sa maison. « Yo. »

Elle s’était retournée peut être une seconde avant qu’il ne parle, son pas sur les dalles en pierre ayant alerté la jeune femme. Il se tenait là, égal à lui même, n'ayant comme la dernière fois presque pas changé, et elle s’était sentie rassurée. Il était vraiment venu. Elle était contente de le voir, encore plus que ce qu’elle avait pensé. Elle posa sa main sur son genou pour se relever, son kimono ne la gênant pas plus que ça, maintenant qu’elle avait repris l’habitude. Elle remit du bout du doigt une mèche dans son chignon un peu défait et frotta ses mains l’une contre l’autre pour les débarrasser de la terre qui les couvrait. « Hisaka-kun. » Elle sourit, ses yeux se plissant légèrement. « Je suis contente de te voir. » Il s’approcha un peu plus pour arriver à sa hauteur. « Moi aussi, ça faisait… Un moment. » Pas vraiment, se dit-elle. Ils étaient restés presque dix ans sans se voir. Il marqua une pause et elle suivit son regard qui allait se poser sur la maison derrière elle. « C’est ici que tu habites maintenant ? » l’interroga-t-il. Elle s’inclina légèrement, un peu gênée néanmoins. « Désolée de ne pas avoir davantage pris de tes nouvelles. » Elle se tourna légèrement pour mieux voir la maison, un peu rêveusement. « Depuis quelques temps, oui. » Elle marqua une légère pause. « Et peut être pour encore quelques temps. » Ça au moins, c’était de l’information précise. Il regardait toujours la maison, puis ses iris basculèrent vers la japonaise. « L’air de la montagne t’a fait du bien, on dirait, » remarqua-t-il. Effectivement, elle dormait, elle mangeait, elle avait repris du poids et avait moins de cernes, elle prenait le soleil comme les légères tâches de rousseur sur son nez et ses pommettes l’indiquaient. Elle sourit encore un peu plus, ses yeux devenant deux fentes brillantes dans son visage. « J’ai l’impression d’avoir rajeuni de dix ans ! » S’exclama-t-elle d’une voix néanmoins toujours douce. Il eut un sourire nostalgique mais se reprit rapidement. Il désigna alors son sac à dos. « Je pose ça à l’intérieur et tu me fais un peu visiter ? » Elle hocha la tête et se pencha pour ramasser la passoire dans laquelle elle avait déposé une large quantité de pois mange-tout, qu’elle avait récolté avant de commencer le désherbage. Elle se releva et se dirigea vers la maison, indiquant à Hisaka de la suivre d’un geste de la main. Il la suivit en silence, seul le bruit des getas en bois de la jeune femme sonnant sur les dalles faisant office de bande son pour leur petite troupe. Elle les retira pour se faufiler dans l’interstice entre la vitre coulissante et le mur, forçant un peu sur ladite vitre, vieille et un peu têtue. Il profita du temps qu’elle mettait à ouvrir la vitre pour enlever ses chaussures, puis se releva, attrapant son sac, et désigna la vitre. « Elle est toujours aussi capricieuse ? » Misuzu mit un coup de la paume de la main sur le bois de la porte coulissante, et celle-ci finit par s’ouvrir en grand, puis elle se tourna vers Hisaka. « C’est une vieille maison, » dit-elle pour toute réponse.

Il hocha la tête et suivit la jeune femme à l’intérieur. Elle traversa le couloir et ouvrit une porte shoji donnant sur la pièce principale, qui était aménagée de manière traditionnelle, avec des tatamis, un kotatsu, et un futon encore ouvert sur le sol. Un peu gênée d’avoir oublié le fameux futon et se dépêcha de le replier pour le ranger dans l’un des placards aménagés dans les murs. « Désolée… J’ai pris l’habitude d’être seule, » s’excusa-t-elle. Il haussa les épaules. « J’ai pas fait mon lit chez moi non plus. »  Elle pencha un peu la tête. « Ici c’est pas pareil. À part la cuisine, il n’y a qu’une pièce principale pour tout faire. Je ne peux pas laisser les choses traîner quand j’ai un invité, c’est malpoli. » Hisaka cligna plusieurs fois des yeux. « Mh. Si tu le dis. » Il s’étira. « Tu sais que ça ne m’a jamais vraiment dérangé les affaires qui traînent. » Misuzu s’apprêtait à répondre, mais il sembla traversé par un éclair de lucidité. « Oh, en parlant de ça. » Il posa son sac à dos au sol, ouvrit la fermeture éclair et sortit le vieux carnet à dessin dont ils avaient parlé la fois précédente. Elle était surprise qu’il y ait repensé. Il passa sa main dessus comme pour enlever une couche de poussière inexistante, et se rapprocha d’elle pour le lui tendre. « Tiens. Il était chez mes parents. » Comme on en avait parlé la dernière fois, j’ai eu… Il inspire en cherchant ses mots. « J’ai eu envie de le revoir, par nostalgie, tout ça. » Elle prit le carnet et l’observa un instant avant de l’ouvrir, ses doigts traçant certaines des lignes des croquis réalisés bien des années auparavant, puis elle eut un sourire dou et énigmatique. « C’est drôle, que tu aies ramené ça. » Elle se dirigea vers le kotatsu, et récupéra en dessous de la couverture un carnet aux larges dimensions, qu’elle tendit au jeune homme. « Je me suis un peu remise à dessiner. »  
if you are too tired to speak, sit next to me for i, too, am fluent in silence.
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MessageSujet: Re: Never really over [Misuzu]   Never really over [Misuzu] EmptyDim 14 Juil 2019 - 0:01

Le fait de la voir se raccrocher à une activité artistique fait émerger en moi en étrange sentiment de soulagement dont l’origine m’est inconnue. Je feuillette le nouveau carnet à dessins de Misuzu, comparant ses croquis actuels avec ceux que d’il y a dix ans. Les traits et les objets d’étude semblent avoir changés, mais je n’y connais pas grand-chose en dessin et à l’art en général, alors je ne peux pas émettre de vraie critique. Ainsi, je me contente de lui adresser un petit sourire en coin et des encouragements pour la suite.

« Ca va, t’as pas trop perdu la main. »

Je referme le carnet et lui tends pour qu’elle le reprenne. Elle a un petit rire en me remerciant, le même rire que celui de la Misuzu étudiante que j’ai connue. Comme Ulysse apercevant la terre après un long voyage, il m’est assez étrangement agréable de retrouver des choses familières au milieu de nulle part.

Mon regard suit la trentenaire poser son carnet à côté d’un ordinateur. J’imagine qu’elle ne peut pas complètement se déconnecter de son travail. Elle fait ensuite un mouvement de mains pour désigner la pièce qu’elle présente comme la pièce principale, puis se dirige de nouveau vers le couloir où elle fait coulisser une porte qu’elle traverse. Je la suis en silence tandis qu’elle me montre la cuisine, située à un niveau inférieur. De temps à autre, je bouge la tête afin de lui signaler que j’ai entendu et compris le message qu’elle veut me faire passer.

« Là c’est la cuisine. »

Je fais un rapide état des lieux en balayant la pièce du regard. La pièce et le mobilier semblent vraiment très anciens. Le sol est en béton et les meubles en bois. L’évier en pierre, rempli de légumes que je ne peux pas distinguer clairement, me paraît également immense.
Misuzu retourne sur ses pas pour faire coulisser une autre porte pour me montrer la salle de bain au carrelage blanc uni.  Je prends quelques secondes pour examiner les lieux. La disposition de la pièce ainsi que la baignoire ne ressemblent à rien de ce que j’ai pu voir de toute ma vie, même chez mes grands-parents.

« Ca a un charme assez rustique. »

Ai-je articulé, toujours impressionné par la vétusté des lieux. Je tourne ensuite mon visage vers celui de la conservatrice du musée qui a, entre temps, repris la parole.

« Ca me rappelle un peu la maison de mes grands-parents dans la préfecture de Chiba. »

Si j’avais plus ou moins connu les parents de la jeune femme, nous n’avions jamais beaucoup parlé de sa famille plus éloignée, ses grands-parents en faisant partie. J’ignorais donc qu’elle avait déjà vécu dans ce cadre.

« Mes grands-parents du côté de ma mère habitaient aussi à Nagoya. Je suis un pur citadin. »

Je souris et fais quelques pas en arrière pour retourner dans la cuisine. Dans mon enfance, la nature la plus sauvage à laquelle j’étais confrontée était celle des parcs urbains où toute la flore est régulée par l’Homme. Un contraste avec ce qu’a pu connaître Misuzu, donc.
« Je crois que la campagne me manquait. » marmonne l’employée du musée de Keimoo, en me rejoignant dans la cuisine.

« Tu es bien, à Nagoya ? Parfois je me dis que j’aurais dû quitter Keimoo en finissant mes études. »

Comme par réflexe, je hausse les épaules. La question ne se pose plus trop maintenant que je suis installé depuis plusieurs années. Je mène enfin une vie stable auprès de mes parents qui sont partis officiellement à la retraite, et je profite de chaque instant où je peux voir ma sœur et ma nièce.

« Ma famille est là-bas, mon appartement est confortable, c’est l’essentiel. »

Du coin de l’œil, j’inspecte les légumes placés dans l’évier. Navets, têtes de fougère, boutons de pétasite et pousses de bambou. On peut dire qu’elle a la main verte, si c’est bien qu’elle qui a tout cultivé.

« J’ai habité un an à Kyoto avec ma sœur après avoir quitté Keimoo. Elle finissait sa thèse là-bas. »

Ai-je poursuivi en me remémorant de mon déménagement express, presque incognito, de la ville dans laquelle j’avais passé une dizaine d’années de ma vie. Je me souviens avoir été soulagé de partir enfin, de recommencer quelque chose de nouveau. La réalité m’avait rapidement rattrapé et j’ai bien sûr connu des instants de solitude, à regretter les moments passés avec Satoshi, Naoko et…Misuzu, du coup. Mais les événements se sont vite enchaînés, et le temps nous avait déjà trop éloignés pour tenter de reconstruire quelque chose. Au final, cette amertume parfumée de douceur m’a fait prendre conscience qu’il y a des occasions uniques dans la vie, et qu’on finit toujours par les regretter si on ne les saisit pas. Et cela semble d’autant plus vrai pour les relations humaines. Misuzu avait peut-être voulu saisir cette chance, par le passé.

« Là où on se sent bien, c’est là où il y a les gens auxquels on tient. Si tu es restée à Keimoo, tu avais sûrement tes propres raisons j’imagine. »

Elle hausse les épaules à son tour.

« Pas vraiment. Je sais pas pourquoi je suis restée. J’ai travaillé comme secrétaire dans une entreprise de photocopieuse. J’ai détesté ce travail, j’ai sérieusement envisagé de demander à mes parents de m’arranger un mariage. »

J’éclate spontanément de rire face à cette déclaration, pour le moins, inattendue. Je peux à peine m’imaginer dans quelle détresse elle devait se trouver pour proposer le mariage arrangé à ses parents.

« Sérieux ? »

Un soupir pour me calmer plus tard, je me râcle la gorge et me ressaisis. Je suppose que, pour rétablir l’équilibre entre nous, je dois moi aussi aborder une anecdote sur le sujet épineux qu’est ma vie sentimentale.

« De mon côté, ma mère était vachement déçue quand je lui ai dit que je n’allais pas me marier avec une fille de mon ancien travail. »

Elle reprend.

« Après j’ai trouvé un poste au musée, mais franchement j’étais prête à tout pour quitter ce travail. Et puis, ça m’aurait évité d’être encore seule à trente ans. »

Elle penche un peu la tête, comme si elle ne comprenait pas ma décision (ce qui semble être le cas).

« Pourquoi tu t’es pas marié avec elle. »

A mon tour, je la dévisage légèrement. Pourquoi ? J’avoue n’y avoir jamais réfléchi. Mais a-t-on besoin de raisons pour ne pas vouloir se marier ?

« Je … Je ne sais pas ? J’en avais pas envie, je suppose. »

Nous n’étions, à la base, sortis ensemble que parce que nos collègues trouvaient que nous faisions la paire. Elle, comme moi, avions fini par céder à la pression du groupe, ainsi qu’à toutes les opportunités qu’ils nous donnaient pour que l’on finisse souvent seuls ensemble, aux mêmes horaires. Je me gratte l’arrière de la tête en repensant à tous ces instants, ces fragments de vie que Misuzu et moi devons rattraper l'un chez l'autre.

« Et puis c’est pas si grave. Au moins, on est deux à être célibataires à 30 ans. »

On devrait peut-être former un club, ou autre chose, pour être solidaire l’un envers l’autre. Elle hoche la tête et me lance un « Je comprends. » qui met fin à ce volet de notre discussion. Elle part ensuite rapidement dans le couloir pour récupérer la passoire qu’elle tenait en main quand je suis arrivé en taxi, celle-ci contient des pois gourmands. La conservatrice me demande alors :

« Tu as faim ? J’allais me mettre à préparer le déjeuner.
- Ouais, je commence à avoir un petit creux. Tu veux de l’aide ? »

Misuzu hoche la tête, avant me donner les instructions pour la suite. Nos discussions m'ont un peu ouvert l'appétit.

« Il faudrait allumer le grill dehors pour les pousses de bambou. Tu penses pouvoir le faire ? »

Si c’est un appareil électrique, je suppose que je devrais me débrouiller. Je réponds donc à l’affirmative.

« Ca devrait être dans mes cordes. Montre-moi juste où aller. »

Dis-je alors qu’elle sort une bande de coton bleu clair, et attache ses manches d’un mouvement rapide, formaté par l’habitude. Elle ouvre ensuite la porte de la cuisine qui donne directement sur l’extérieur. Je peux alors admirer la bête en métal qu’elle désigne vaguement du doigt. A côté, se trouvent un fagot de bois et un seau en métal contenant du charbon. Je comprends mieux pourquoi elle m’a demandé si je pensais pouvoir le faire.

« Ah oui. »

Je souffle du nez en l’observant fouiller un tiroir un instant, pour en sortir un paquet d’allumettes qu’elle me tend. N’ayant jamais eu affaire avec ce genre de matériel, je préfère faire valider les étapes auprès de la professionnelle avant de commettre l’irréparable.

« Donc, je mets du bambou en dessous, puis je fous le feu. C’est le plan ? »

Son visage prend aussitôt un air amusé alors qu’elle me reprend les allumettes des mains.

« Je vais l’allumer je crois. Tu n’auras qu’à surveiller. »

Je me demande si elle répète cette manœuvre tous les jours, ne serait-ce que pour réchauffer ses aliments. Je crois me souvenir d’une cuisinière au gaz dans la cuisine, mais je ne sais pas si elle fonctionne. A moitié dans mes pensées, je l’observe allumer le grill avec aisance, tout en me racontant des histoires de son enfance.

« Je faisais ça tout le temps quand j’étais petite. J’ai juste eu à retrouver les gestes. Mais c’est pas facile si on a pas l’habitude. »

Au fond de moi, je retiens un « Merci de me rassurer », mais je me contente de refaire allusion à nos années d’étude à Keimoo.

« On ne faisait pas ça, au club de cuisine de Keimoo. »

Elle évente un peu le feu, avec un air tout aussi distrait et nostalgique que le mien. Le club de cuisine était vraiment équipé de tout ce qu’il y avait de plus moderne pour l’époque. A la base, je n’étais pas tant passionné par la cuisine, mais j’avais fini par apprécier pâtisser là-bas.

« Ca me manque parfois ces années-là. Pas toi ? »

Je réfléchis un instant, balayant la fumée naissante du foyer d’un mouvement de main continu. Ma vie actuelle est bien plus stable et le futur me paraît moins anxiogène si je ne prends en compte que mon confort personnel. Cependant…

« C’était une autre époque. Je ne dirais pas que ça me manque, mais oui, il y a eu de très bons moments. Heureusement, il y a les photos, les vidéos, et puis nous. Nous, on est encore là pour témoigner que tous ces instants nous appartiennent. »

Une vague de chaleur parcourt mon corps. Je prends une grande inspiration, puis souffle. Ma voix recouvre temporairement le crépitement du feu qui commence à monter.

« Et puis, il nous reste encore le futur. »


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MessageSujet: Re: Never really over [Misuzu]   Never really over [Misuzu] EmptyMer 17 Juil 2019 - 23:09


Misuzu resta silencieuse à éventer les braises pendant un moment, son visage de profil par rapport à Hisaka, concentrée sur le mouvement de l’éventail. À part sa main qui bougeait au niveau du poignet, elle était immobile comme une statue. Ce ne fut qu’après une longue minute environ qu’elle se remit en mouvement avec un soupir. « Tu as raison, » dit-elle d’une voix plutôt basse. Il lui sourit. « En dehors de ce qui concerne le musée, il y a des choses que tu aimerais faire dans l’avenir ? » Elle réfléchit. Elle ne savait pas vraiment. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas eu à se poser ce genre de questions. Elle se tourna légèrement vers lui, pensive. « Voyager, j’imagine. Je n’ai pas quitté le japon depuis presque quinze ans. » La dernière fois, c’était lorsqu’elle était allée en Europe avec ses parents. Rien depuis, pas même un voyage d’entreprise. Elle s’était contentée des aller-retour entre Keimoo et Tokyo et de l’occasionnel weekend dans une région différente du Japon pour assister à divers mariages. Sans jamais en profiter cependant. Elle ajouta donc « Voyager même dans le Japon, d’ailleurs. Aller à Okinawa peut être, ou au nord. » Oui, ça pourrait être bien. Etre venue à la campagne lui permettait de reprendre contact avec ce qu’elle aimait, ce qu’elle voulait. Toutes ces choses qu’elle avait perdues de vue. « Paris, ça te tenterait ? » interrogea-t-il, « Il y a plein de musées, je pense que tu aimerais. » Elle sourit et hocha la tête. « Je n’y suis pas retournée depuis mon adolescente, mais j’y ai des souvenirs fantastiques. » « J’y suis jamais allé, » répondit-il, « mais ma sœur a déjà visité quand elle faisait son master en Europe. » Il fit quelque pas, regardant l’horizon. « Mais bon, ici c’est pas mal aussi. » Elle pencha légèrement la tête, ses yeux suivant néanmoins Hisaka alors qu’elle continuait à éventer le feu. « Où est-ce qu’elle a étudié ? » Elle hocha la tête. « Ça me fait du bien d’être ici. C’est calme. » Son expression était redevenue un peu plus pensive. « À Kiev, puis à Berlin, » expliqua-t-il. Il jeta un coup d’œil vers le feu qui était bien monté.

Elle se leva d’un seul mouvement et tendit l’éventail à Hisaka tandis que les flammes baissaient légèrement. « Continue à éventer, je reviens. » Elle entra dans la maison avant de revenir avec des pousses de bambou encore légèrement terreuses disposées dans un plat qu’elle posa sur le sol. Elle s’accroupit de nouveau et prit deux pousses pour les poser sur la grille. « Voilà. Il faut juste garder le feu pas trop haut, quelques petites flammes suffisent largement. Quand l’enveloppe commence à se craqueler, tu peux retourner la pousse. » Il s’exécuta et éventa doucement le feu. « Ça sent bon. » Elle sourit, et lui posa doucement la main sur l’épaule pour se relever de nouveau, un contact physique discret mais qui avait néanmoins de l’importance pour elle. « Je vais préparer le reste. D’accord ? » Il plissa légèrement les yeux, et hocha la tête pour marquer son approbation. Elle rentra, et se mit au travail. La pâte à tempura était prête et elle la sortit du frigo où elle l’avait entreposée. Elle sortit également une mandoline et entreprit de tailler les navets en tranches très fines, qu’elle disposa dans un plat avec du shiso finement ciselé et une sauce à base de shoyu et de vinaigre noir. Les navets printaniers comme ceux-là pouvaient aisément être dégustés crus sans même les peler. Il suffisait de bien nettoyer la peau et le tour était joué. Elle fit revenir légèrement les pois gourmands puis les ajouta au riz qui était dans le cuiseur. Enfin, elle entreprit de faire la tempura de fanes de navets, de bourgeons de pétasite, de tête de fougères et de carottes finement taillées en julienne, ce qui lui prit certainement le plus de temps. Néanmoins, la préparation qu’elle avait mis en place en amont l’avait grandement aidée et elle n’eut besoin que d’une grosse vingtaine de minutes pour tout faire, jonglant entre les poêles d’une main experte. Elle mit tout en place sur la table avec une théière fumante et des tasses, puis retourna à l’extérieur avec une pince en bois et récupéra les pousses de bambou qu’elle remit dans le plat, souriant à Hisaka. »Le reste est prêt, si tu veux venir. » Il se leva. « J’arrive. » Ils se dirigèrent tous deux à l’intérieur, et elle posa le plat pour éplucher les pousses de bambou d’une main experte, les faisant un peu sauter pour ne pas se brûler les doigts. Elle les disposa dans une assiette et indiqua à son invité de la suivre jusqu’au salon. Il s’assit à table et joignit les paumes des mains alors qu’elle s’asseyait à son tour après avoir posé les pousses sur la table. « Itadakimasu, » dit-il avant de leur servir le thé. « Itadakimasu, » prononça-t-elle à son tour. Elle but une gorgée de thé et prit une pièce de chaque légume frit. Elle trempa une tête de fougère dans la sauce à tempura et croqua dedans, la pâte autour du légume croustillant particulièrement. Il prit un peu de tout, goûta, puis déclara « Je crois que les carottes sont mes préférées. » Il se resservit. « Merci pour ce repas en tout cas. » Elle sourit en rougissant légèrement. « Tu remercieras Watanabe-san, les carottes viennent de son jardin. » Elle même n’en faisait pas pousser. Il sembla confus. « Eh ? Tu parles de toi à la troisième personne ? » Elle rit. « Non, Watanabe-san, l’artisan qui fait les couteaux que je t’avais montré dans l’exposition. Son nom s’écrit de la manière traditionnelle, avec les caractères de voisinage et traverser. » Quant à elle, son nom s’écrivait d’une manière un peu moins habituelle, puisque c’était avec les caractères harmonie, rizière, et ragoût. « Oh, je vois. » Il rit à son tour, puis sirota une gorgée de thé.

Misuzu quant à elle mangeait avec pas mal d’entrain. Ce retour aux sources et à la nature lui faisait du bien. En se regardant dans le miroir un ou deux jours auparavant, elle avait pu constater qu’elle s’était un peu remplumée. Il fit une pause de son côté, la regardant manger, et elle mit une seconde avant de redresser la tête à son tour, alors qu’il affichait un sourire nostalgique. « Ça me rappelle quand tu me préparais un bento, à la fac. » Elle hocha la tête. Finalement, il n’avait manqué à leur relation que le nom, car à part ça ils avaient vraiment fonctionné comme s’ils étaient un couple. « C’est des bons souvenirs. Tu lavais toujours la boite avant de la ramener, » répondit-elle. « J’espère que je te l’avais rendue avant notre… rupture. En tout cas, je ne l’ai pas trouvée dans mon carton. » Il attrapa un légum frit avec ses baguettes. « En dehors du carnet, il y avait aussi un pull à toi, je crois. Mais euh, je n’ai pas pensé à te le ramener. » Elle réfléchit un instant. « Je pense que oui. Mais je ne sais pas où elle peut être. C’est probable qu’elle ait brûlé avec le reste. » Après une seconde de silence, elle s’anima de nouveau. « Ah oui ! » Elle se leva et sortit de la pièce un instant, récupérant la veste qu’il avait oublié chez elle et qui était accrochée dans le couloir. « J’ai ça à te rendre. » Elle l’avait emmenée, à vrai dire elle s’était raccrochée à cette veste comme à une bouée alors que toute sa vie partait à vaut-l’eau. Comme le symbole de bons souvenirs, comme le symbole que peut être, il y avait encore des bonnes choses à se rappeler. Il prit la veste et la posa à côté de lui. « Je ne l’oublierai pas cette fois-ci. » Elle n’osa pas dire que ça ne la dérangerait pas qu’il l’oublie. Il continuait à manger distraitement sa tempura de légumes. « Je ne m’attendais pas à ce que tu l’aies ramenée ici. » « Elle est pas perdue de toute façon, » dit elle d’une voix douce. Elle sembla un peu confuse voire légèrement gênée pendant un instant. Le fait qu’il amène la question sur le tapis la mettait un peu en porte à faux. « Euh… je sais pas. Ça m’a paru naturel. » Elle resta silencieuse un instant, attrapant des navets et les faisant croquer entre ses dents. Et puis, elle prit son courage à deux mains. « Non, en fait. Je l’ai amenée parce que je l’avais tout le temps avec moi. » Elle se sentait rougir. « J’avais besoin de quelque chose pour me rassurer, je crois. »  
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MessageSujet: Re: Never really over [Misuzu]   Never really over [Misuzu] EmptyMar 23 Juil 2019 - 17:59

A 33 ans, j’aurais pensé être prêt à toutes les situations, j’aurais pensé être immunisé contre la vague de chaleur qui envahit mon corps et fait accélérer les battements de mon cœur, mais il n’en est rien. Est-ce qu’il y a quelque chose que je dois dire ou faire dans ces circonstances ?

« Je vois. »

Sont les seuls mots que je parviens à articuler face à la déclaration de Misuzu. Un instant de silence suit, un instant qui me semble être l’éternité, mais qui n’a probablement duré que 30 secondes. La trentenaire n’ayant pas l’air très motivée à reprendre la parole, je prends mon courage à deux mains et rompt le silence assourdissant qui nous entoure.

« Si…Si tu en as encore besoin, tu peux la garder. »

Et voilà que je me mets à bégayer comme le dernier des adolescents face à la fille qu’il espère séduire. « Non, ça va. » me répond-t-elle après un autre long moment de silence. Je n’ose pas vraiment lui demander pourquoi elle a eu besoin de se sentir rassurée, sachant que le simple fait de l’évoquer semble avoir créé une sorte de tension entre nous. « Merci. » finit-elle par dire simplement, sans préciser pourquoi elle me remercie. Je l’observe ensuite prendre sa tasse en main, et boire une gorgée de thé comme pour se donner contenance. Je fais de même pour me laisser le temps de réfléchir à ce que je peux dire ou faire pour rompre le malaise.
Puis, en reposant ma tasse sur la table, mes iris croisent accidentellement ceux de Misuzu. Je me sens alors comme obligé de parler.

« Je… »

Ai-je commencé sans avoir la moindre idée de comment continuer cette phrase. Il me faut quelque chose qui me fasse me lever et quitter la pièce, sans que ce soit trop évident. Pas les toilettes, donc.

« Je vais t’aider à débarrasser, si tu as fini. »

Mes joues picotent désagréablement tandis que je me lève. Misuzu, de son côté, semble absorbée par le fond de sa tasse et ne prête vraisemblablement pas trop d’attention à ce que je viens de dire. Ce n’est qu’une dizaine de secondes plus tard qu’elle a l’air de se réveiller d’un songe. « Ah. Euh. Oui. »
Elle se met debout à son tour, bien plus maladroitement que tout à l’heure. J’hésite un moment à lui proposer mon aide pour la soutenir, mais je me résigne en me disant que ça ne ferait que renforcer le malaise. Après m’être assuré qu’elle peut correctement marcher, j’attrape les plats vide et les ramènes dans la cuisine en silence. Les bruits de vaisselle derrière moi m’indiquent qu’elle fait de même. Nous restons ainsi un bon moment. Ce n’est qu’une fois dans la cuisine, que les plats sont posés sur un plan de travail, que la jeune femme trouve la force de m’adresser des excuses.

« Désolée si…désolée si je t’ai gêné. »

Un souffle, un soupir s’échappe d’entre mes lèvres.

« C’est…C’est pas grave. »

Dis-je en me tournant vers elle pour l’observer. Un sourire timide se dessine sur mon visage.

« Je m’y attendais juste pas. Enfin. Tu as été sincère. Ca m’a fait plaisir. »

Qu’est-ce qui m’a fait plaisir exactement ? Je suis moi-même confus à ce propos, alors je ne pourrais pas être plus précis avec elle. Au-delà du fait d’être sincère, je dois avouer que le fait qu’elle ait pensé à moi pour se rassurer ne m’a pas laissé indifférent. Alors, étais-je simplement flatté ? ou est-ce qu’il y avait quelque chose d’autre, un sentiment plus profond que je n’arrive pas à exprimer.
Un fin sourire apparaît sur les lèvres de la conservatrice du musée.

« Et moi ça m’a fait plaisir que tu viennes. »

Je hoche la tête, classant cet interlude, définitivement. Après avoir inspecté l’évier, j’attrape un chiffon et commence à nettoyer un plat. Du coin de l’œil, je la vois ranger une partie de la nourriture. Ce n’est que lorsque j’arrive au 2e récipient qu’elle s’interrompt, reste immobile une seconde, avant de reprendre la parole.

« Est-ce que…je me disais qu’on pourrait aller se balader cet après-midi ? Que je te montre les environs. Si tu veux bien sûr. »

N’était-ce pas pour ça que je suis venu, officiellement ? Tout en continuant le nettoyage, je lui réponds.

« Pourquoi pas. Tu me présenteras à Watanabe-san ? »

J’aimerais bien lui proposer de faire une vidéo sur son métier étant donné que l’exposition sur ses couteaux avait passionné les férus d’histoire. Il faut aussi que je pense à le remercier pour les carottes de ce midi. « Bien sûr, si tu veux. » répond-t-elle avec sérénité.
En ayant fini avec la vaisselle, je cherche une serviette du regard. La jeune femme, ne comprenant visiblement pas mes intentions, me lance un regard interrogateur. Je lui demande alors si elle a une serviette ou si je dois laisser égoutter. Elle laisse échapper un « Ah ! », puis part à la recherche d’un chiffon.

« Tiens. Merci de ton aide. »

Me dit-elle après m’avoir tendu le morceau de tissu. J’essuie rapidement la vaisselle, puis mes propres mains avant de me tourner vers elle pour savoir s’il y a encore des choses à faire avant qu’on aille se balader.

« Je ne pense pas. Je vais peut-être juste me changer. »

Nous revenons vers la pièce principale où je m’asseois à la même place que tout à l’heure. Je penche légèrement la tête pour l’observer, l’air pensif.

« Ca te va bien les vêtements comme ça d’ailleurs. »

Elle me remercie en prenant quelques couleurs, avant de détourner les yeux assez rapidement. Ce n’est pas tous les jours que nous avons l’occasion de mettre des vêtements traditionnels en ville. Je ne me souviens pas avoir déjà vu Misuzu en yukata, à l’époque, mais ma mémoire me fait peut-être défaut.
La trentenaire file dans la salle de bain pour se changer, me laissant un instant pour surfer sur les réseaux sociaux. Lorsqu’elle revient, elle porte un pantalon gris foncé en lin qui va en se resserrant de plus en plus vers le bas, et un t-shirt tout simple rentré dans le pantalon de couleur blanche. Dessus elle a remis son Haori. Ses cheveux sont détachés et ils lui arrivent aux épaules. « Je suis prête. » dit-elle en souriant légèrement.
Je me lève, prend ma caméra et me met à son niveau, prêt à la suivre.



La balade dure deux bonnes heures durant lesquelles je filme et photographie la nature pendant que Misuzu me raconte l’histoire des lieux remarquables et les légendes locales qui leur sont associés. J’apprends également que les fermes et les champs produisent différentes cultures qui permettent à Takayama d’avoir des choses à récolter chaque saison. Et que serait une sortie avec l’ancienne étudiante en art, sans aborder la nourriture et les spécialités culinaires de la région. Un vent de nostalgie souffle un instant alors que nous empruntons le chemin du retour. En observant la jeune femme marcher devant moi et me conter des histoires, je me surprends à me demander ce qu’aurait été ma vie, aujourd’hui, si nos chemins ne s’étaient jamais séparés.

Nous passons devant une vieille maison au potager luxuriant, la maison de Watanabe-san indique Misuzu. Elle s’avance vers la maison d’un pas tranquille, en me précisant qu’elle ne sait pas s’il est à l’intérieur ou s’il est à la forge. Je la suis, toujours impressionné par tout ce qui se trouve dans le jardin. « Oiiii, Watanabe-san » s’écrie la conservatrice avec un entrain qui restera sans réponse. Il est sûrement à la forge me dit-elle en tournant la tête vers moi. Elle pointe ensuite du doigt un filet de fumée un peu plus loin. Maintenant qu’elle le dit. Je me demande comment je ne m’en suis pas aperçu plus tôt.
Après quelques minutes de marche, nous apercevons finalement Watanabe-san, occupé à ranger du matériel. Il ne se redresse qu’au moment où je le salue en m’inclinant. Son visage, noirci par la suie, semble s’illuminer à la vue de Misuzu. J’imagine qu’être voisin implique une relation de proximité lorsqu’on habite dans un endroit un peu perdu comme celui-ci.

Les deux Watanabe échangent rapidement d’un ton familier, avant que mon hôte se décide à me présenter comme son invité. Le vieil homme hoche la tête d’un air entendu, se rapproche de moi pour lui tapoter l’épaule. Je n’ai pas vraiment l’habitude que les gens soient aussi tactiles à la première rencontre, mais j’imagine que c’est culturel.

« J’ai entendu parler de vous. »

Dit-il d’une voix tranquille en souriant.

« Ah ? Misuzu vous a dit que j’ai fait une vidéo sur les couteaux, j’imagine. »

Je lui rends son sourire tandi qu’il hoche la tête sereinement et me confirme mes dires. « Oui c’est ça. La vidéo. » ajoute la jeune femme.

« En tout cas, c’est un honneur de vous rencontrer. Si jamais vous souhaitez qu’on fasse une petite interview sur votre parcours, n’hésitez pas. »

Je marque une pause. Il y avait autre chose que je devais lui dire, n’est-ce pas ?

« Oh, et les carottes de votre jardin sont délicieuses. »

Le sourire de Watanabe-san s’amplifie de telle façon que je vois désormais ses dents un peu tordues.

« Ah, merci. On a eu une bonne récolte cette année. Micchan m’a bien aidé. Et pour l’interview…pourquoi pas. »

Micchan. Ce surnom me fait légèrement sourire, mais je ne relève pas et reste professionnel en lui proposant de se voir dès qu’il a terminé son travail. J’aurais aimé lui proposer une autre date, mais étant donné que je ne suis là que pour le week-end, cela me semble un peu compris.

« Rien de t’empêche de rester un peu plus. »

Fait remarquer la jeune femme après avoir invité Watanabe-san manger des mochis dans la soirée. Je suis un peu surpris par sa proposition car j’avoue ne pas y avoir pensé plus tôt.

« Je regarderai tout à l’heure si j’ai des choses urgentes à faire à Nagoya. »

Dis-je simplement alors que l’artisan se remet au travail. Je me tourne une dernière fois vers lui pour confirmer le rendez-vous, ce qu’il fait en hochant la tête, juste avant de retourner souffler dans sa forge. Misuzu lui adresse un petit signe de la main, puis pince ma moche pour m’inviter à me suivre. Elle semble en bien meilleur état émotionnel que tout à l’heure, me dis-je en m’exécutant. En chemin, je sifflote un air que Misuzu reconnaît plutôt rapidement. Je réfléchis un moment à la provenance de cette chanson. Où est-ce que j’ai bien pu la connaître ?

« Elle passait, à l’époque. Cosmic explorer, je crois ? »

Je ne suis plus exactement sûr du titre, mais ma réponse semble satisfaire l’ancienne étudiante en art, qui plisse les yeux, puis les réouvre. Elle adorait cette chanson, me dit-elle. Je continue de siffler en regardant le ciel au dessus de la ligne d’horizon. Inconsciemment, j’ai l’impression que je le savais, qu’elle aimait cette musique.
Alors que nous arrivons devant sa maison, je l’entends fredonner d’une voix peu assurée. Elle s’arrête au moment où nous pénétrons dans son jardin. Elle a quelques choses à y faire, dit-elle.

« Si tu avais envie de rester, il y a une randonnée dans le coin que je t’aurais bien proposé de faire ensemble. Ca te dirait ? »

Ah oui, la prolongation du séjour. Je consulte rapidement mon planning sur mon téléphone et constate que je n’ai rien de très urgent à faire lundi. Ou plutôt, rien que j’ai plus envie de faire qu’une randonnée. « Pourquoi pas. » est ma réponse finale. Je repense cependant à mon sac dans lequel je n’ai emporté que le strict minimum.

« Par contre, je n’aurais pas assez de vêtements jusqu’à lundi. Tu fais la lessive à la main ici je suppose ? »

Elle met un instant à répondre qu’elle ou Watanabe-san sont sûrement en mesure de me prêter des affaires. Je hoche la tête et lance un « D’accord alors. », n’ayant plus de raison de contester son invitation. En la voyant travailler dans le potager, je me sens un peu inutile. J’aimerais lui proposer mon aide, mais je n’ai jamais eu la main verte ni un sens particulier de la débrouillardise. Il n’y a qu’à voir ce qu’il s’est passé avec le grill ce midi. En l’état, la seule chose que je peux lui proposer, c’est faire du thé, et c’est donc ce que je fais.

« On attend Watanabe-san pour les mochis. »

Précise-t-elle alors que je retourne à l’intérieur pour faire chauffer l’eau et préparer le thé. Quand je reviens, deux tasses en main, Misuzu est encore attelée aux tâches de jardinage pour lesquelles elle semble se passionner. N’ayant pas le cœur à l’interrompre, je me contente de m’asseoir devant la porte et poser la tasse de mon hôte devant moi. Je reste ainsi un long moment, à la regarder travailler les terres dans ses vêtements mi-modernes, mi-traditionnels. Pendant un instant, je me sens connecté à sa vie qu’elle mène ici depuis quelques mois, la réalité de son quotidien. Prendre soin de la terre et de ses proches. Est-ce l’authenticité que j’avais perdue de vue ?

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MessageSujet: Re: Never really over [Misuzu]   Never really over [Misuzu] EmptyJeu 15 Aoû 2019 - 0:03


Après une vingtaine de minutes de jardinage, Misuzu essuya du revers de la main son front sur lequel perlait une goutte de sueur, et vint s’asseoir à côté d’Hisaka avec un soupir. Une trace poussiéreuse ornait sa joue et elle attrapa sa tasse distraitement, buvant une gorgée du thé déjà légèrement refroidi. « Mmh. Merci. » Il regarda distraitement les plantations dans le jardin et le potager. « Tu fais ça tous les jours ? » Interrogea-t-il et elle hocha quasi-imperceptiblement la tête. « Quasiment oui. » Il prit une gorgée de thé. « Tu pourras m’apprendre un peu, si je reste ? » Donc il avait envie de rester, manifestement. Cette pensée provoqua un sourire doux sur le visage de la jeune femme alors qu’elle répondait : « Bien sûr ! avec plaisir. C’est très facile tu verras. » Il hocha la tête, reposant ensuite son regard vers le jardin. Il aperçut une silhouette un peu plus loin et plissa les yeux. « C’est Watanabe-san ? » Elle regarda à son tour dans la même direction, lâchant Hisaka des yeux, et plissa les paupières. La silhouette leva un bras et un « oiiiiii » sourd lui parvint. Elle hocha la tête. « Hn. C’est lui. » Puis elle s’écria à son tour en faisant signe au vieil homme « OIIIII » Hisaka fit un signe de la main discret, moins volubile peut être parce qu’il vivait en ville où on ne s’interpellait pas familièrement comme ça. Etonnamment, Misuzu oubliait toujours très rapidement ses manières de citadine. Ca avait toujours été le cas. Elle se leva, et se prit les pieds dans son pantalon, ou peut être dans une touffe d’herbe, elle n’était pas totalement sûre, et manqua de tomber, retrouvant de justesse son équilibre. Du coin de l’œil elle vit Hisaka faire un vague geste avec les mains comme s’il voulait la rattraper, mais de là où il était ça aurait été bien difficile. « Woah, ça va aller ? » Demanda-t-il, se levant à son tour pour se diriger vers elle. Elle leva son index et son majeur dans un signe de victoire, un sourire éclairant son visage néanmoins légèrement rouge de honte. « Daijoobu ! » Il la fixa, légèrement inquiet, mais s’arrêta alors que Watanabe n’était plus qu’à quelques mètres d’eux. « Vous avez fait vite ! » S’exclama le vlogger alors que Misuzu et Watanabe-san échangeaient un regard complice. La jeune femme supposa que le vieil artisan avait en fait fini rapidement son travail en cours, son goût des sucreries étant, à son âge, une faiblesse qu’il reconnaissait aisément.

Hisaka se tourna vers la trentenaire, l’interrogeant. « Je suppose qu’on va à l’intérieur ? » Elle haussa les épaules. « Comme vous voulez. On peut rester ici si vous préférez. » Elle grimpa jusque dans la maison. « Installez vous où vous voulez, je vais chercher les mochis. » Elle se dirigea ainsi vers la cuisine, récupérant les fameuses sucreries, avant de retourner vers la pièce principale où elle trouva les deux hommes, Watanabe-san assis près du kotatsu, et Hisaka en train de chercher quelque chose dans son sac. Misuzu déposa le plat de mochi plutôt généreux sur la table basse. Il y en avait des verts, des beiges, des blancs, et même quelques-uns un peu roses. Ils étaient tous un peu différents, et certains un peu plus volumineux, parce qu’il s’agissait non pas de mochi simplement fourrés à l’anko, mais de daifuku. Elle s’assit en seiza et Watanabe-san lui adressa un sourire chaleureux. « Ah, arigatou, Micchan. » Elle hocha la tête, et sortit de la manche de son haori trois paires de baguettes qu’elle disposa sur la table. En temps normal elle mangeait les mochi à la main, mais là c’était un contexte un peu différent. Hisaka changea la batterie de sa caméra et revint vers la table ? Il jeta un coup d’œil aux mochi avant de s’asseoir, posant un mini-trépied entre l’artisan et lui. « Vous voulez montrer votre visage ou vous préférez que je m’arrête à votre torse ? » Misuzu se décala légèrement pour ne pas être dans le champ de la caméra. Watanabe-san, quant à lui, haussa les épaules. « Le visage ça ne me dérange pas. » La jeune femme s’étonna qu’il ne blague pas. Avec elle, il n’arrêtait pas de faire de l’humour. Peut être parce qu’avec le temps, ils avaient fini par développer une relation d’amis intimes. Il était clair que la vieil homme avait fini par la prendre d’affection, et le sentiment était réciproque. Il s’installa un peu plus confortablement, Hisaka réajusta le trépied, lança la vidéo, et attendit quelques secondes avant de commencer. Il semblait un peu hésitant, peut être n’était-il pas habitué à ce genre d’exercice. Misuzu avait pourtant déjà vu des interviews sur sa chaîne, mais elle supposa que c’était l’improvisation qui était plus difficile. Elle se contenta donc d’attraper un mochi et de le manger en silence, se faisant simplement observatrice.

Hisaka débuta donc son interview. « Aujourd’hui, nous sommes en présence de Watanabe-san, l’artisan des couteaux du vlog au musée de Keimoo. Si vous avez un trou de mémoire, un lien vers la vidéo se trouve ici. » Il marqua une pause. « Bonjour Watanabe-san. Merci pour le temps que vous m’accordez aujourd’hui, malgré votre travail à la forge. Pouvez vous nous parler un peu de votre parcours de vie ? » Watanabe se gratta le menton un instant, ses doigts rugueux crissant sur son début de barbe. Il finit par répondre d’une voix tranquille. « Eto… J’ai grandi à Osaka. Déjà au lycée je savais que je voulais faire des couteaux. Enfin, d’abord je voulais fabriquer des sabres. Je regardais beaucoup de vieux films de samurai et je voulais fabriquer des katana similaires à ceux du cinéma. Finalement en grandissant, je me suis rendu compte que faire des couteaux bénéficierait à une communauté plus large. » Il marqua une pause, ses doigts tripotant un instant le bois du kotatsu. « Alors après le lycée, je suis parti pour trouver un maître qui me prendrait en apprentissage, et depuis je fais des couteaux. » Misuzu connaissait le reste de l’histoire. En arrivant ici, il ne lui avait pas fallu longtemps pour rencontrer une jeune femme, se marier, et il avait mis toute son énergie dans son travail, soutenu par sa jeune épouse, jusqu’à ce que son maître lui confie la charge de reprendre son affaire, ce qu’il avait fait un peu plus tard. Pendant que le vieil homme parlait Hisaka avait hoché la tête plusieurs fois, pour montrer qu’il suivait. « Avez-vous, vous-même, eu des apprentis ? Aujourd’hui, en 2029, les artisans comme vous se font de plus en plus rare. » Watanabe-san répondit, et continua à répondre d’un ton tranquille aux questions posées par le jeune homme. Misuzu, elle, laissa son esprit dériver. Elle connaissait déjà les réponses à la plupart de ces questions. Son regard vagabonda, s’aventurant à l’extérieur, détaillant le paysage, puis revenant examiner le visage des deux hommes qui se tenaient de part et d’autre de la table, ses iris observant les lignes, les traits qui définissaient leurs expressions. Elle s’attarda sur Hisaka. Il n’avait vraiment pas tellement changé depuis cette époque-là. Elle détourna le regard, s’efforçant de se concentrer sur autre chose. Alors qu’il ne restait presque plus de mochi dans le plat, l’interview prit fin. Watanabe-san alluma une cigarette. Misuzu se leva, et en récupéra une à son tour dans une boîte avant de revenir s’asseoir. Elle poussa le plat de mochi du bout du doigt. « Ojichan, Hic-Hisaka-san, finissez les mochi. Il n’en reste que deux. » Elle prit une bouffée de sa cigarette pour se donner contenance. Elle avait, encore, failli laisser échapper un ‘Hicchan.’ Ignorant du brouhaha mental qui se déroulait dans la boîte crânienne de la jeune femme, il se leva. « Je vais ranger la caméra d’abord. » Il ne retint pas un bâillement, et marcha en direction de son sac. Il plaça ses affaires dans les bons étuis, et revint. Il bâilla une nouvelle fois. Misuzu et Watanbe-san échangèrent quelques mots sur les récoltes, les voisins alentours, les dernières nouvelles, d’un ton tranquille, leurs propos entrecoupés de silence, et pendant ce temps il semblait que le trentenaire avait de plus en plus de mal à rester éveiller. Cela fit sourire intérieurement la jeune femme. Elle aussi, en arrivant ici, au milieu de tout ce vert, avait passé les premiers jours, voire les premières semaines, à dormir. Elle n’avait quasiment fait que ça. C’est ce qui finit par arriver inévitablement à Hisaka, et il sombra dans le sommeil, les bras posés sur la table, la tête inclinée vers le bas. Les deux comparses encore éveillés fumèrent deux cigarettes de plus chacun, et finalement, malgré l’insistance de Misuzu pour qu’il reste dîner, Watanabe-san finit par s’éclipser. Après qu’il soit parti, la jeune femme mit un châle sur les épaules du freelancer, prit un moment pour dessiner, et enfin s’attella à la préparation du dîner.

La jeune femme finit par prendre le temps de verser tout le riz qu’on lui avait livré dans une grande boite en plastique transparent. Il y en avait au moins pour une quinzaine de kilos, néanmoins elle souleva le container de ses bras moins chétifs qu’il n’en avaient l’air et le déplaça jusqu’à la pièce principale. Il y avait déjà un moment qu’elle avait arrêté de garder le riz sous l’évier, lieu bien trop humide. Elle avait noué ses manches pour qu’elle ne la gêne pas, s’était changée, passant de nouveau un kimono ainsi qu’un tablier afin d’éviter de se tâcher en préparant le dîner. D’abord, elle ne vit pas Hisaka, et finit par l’apercevoir, couché au sol, le châle toujours plus ou moins autour de lui, et elle ne put s’empêcher d’avoir un léger sursaut. Une fois sa contenance retrouvée, elle s’adressa à lui. « Ah, tu es réveillé. Tu veux un thé ? » Elle se tourna, s’agenouillant, et posa la boite de riz dans l’un des placard aménagés dans les murs. Il lui adressa un sourire en s’étirant. « Je veux bien oui. » Il devait avoir mal au cou, mais elle n’avait pas osé le déranger. « La dernière fois que j’en ai vu une comme ça, j’étais au collège. Ma mère préparait mon bentô et celui de ma sœur. » Misuzu mit un instant à comprendre qu’il parlait de l’énorme boite à riz. Un air nostalgique illumina le visage du jeune homme tandis qu’il se redressait, lui donnant une expression qui attendrit la japonaise. Un vague sourire flottait sur son visage mais son expression était, elle, nostalgique, à l’instar de celle de son ami. Après un instant elle reprit contact avec la réalité. « On pourra en faire pour aller randonner, si tu veux. J’aime bien faire des bento. J’en fais depuis ma dernière année de lycée… » Elle se ravisa. « Enfin, j’en faisais. » Il hocha la tête. « Oui, je m’en souviens. Tu m’en faisais, avant. » Il se traîna difficilement vers son sac comme pour y chercher quelque chose, mais s’interrompit. « Je voulais t’amener une bouteille de saké, mais j’ai dû l’oublier chez moi. » Elle remit une mèche derrière son oreille, sourit, et rougit imperceptiblement. « Ah, c’est pas grave. C’est gentil d’y avoir pensé, déjà. » Néanmoins, cela lui rappela à elle qu’elle avait quelque chose à lui donner. « Ah ! » Elle fouilla dans un des placards et en sortit une boite en bois assez simple, qu’elle lui tendit. « J’ai quelque chose pour toi aussi. » Il l’attrapa et la tourna entre ses mains pour essayer de deviner ce qu’il y avait dedans. Il finit néanmoins par l’ouvrir, et y découvrit un couteau d’artisan fabriqué par Watanabe san lui-même. « Oh ! » S’exclama-t-il avec surprise. « C’est Watanabe san qui l’a fait ? Il l’a sorti quand je me suis endormi ? » Son visage prit une expression légèrement penaude et Misuzu décida de s’expliquer. « C’est bien Watanabe-san qui l’a fait. Mais c’est un cadeau. De ma part. » Elle pointa son index vers son nez, puis vers le jeune homme. « Pour toi. » Elle se sentit tout à coup un peu gênée. « C’est parce que c’est grâce à ces couteaux qu’on s’est retrouvés, un peu. Enfin, en fait, c’est grâce à ta visite au musée, donc c’est un peu le hasard, mais… » Elle se sentait rougir. « Mais voilà. C’est pour toi. »
 
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