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 Au paradis des échoués. [Pv Chrissy]

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Zakuro Fea
▼ Université - 4ème Année - Comité des Elèves
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Zakuro Fea


Genre : Non Binaire Lion Coq Age : 31
Adresse : 3, rue la Chance, app. 11, quartier Hiryuu, avec Lawrence E. Swanster.
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KMO
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MessageSujet: Au paradis des échoués. [Pv Chrissy]   Au paradis des échoués. [Pv Chrissy] EmptySam 16 Déc 2017 - 21:22


Au paradis des échoués.
Nous ferons voguer sur des bateaux en papier le ramassis de nos idées.





Alors que les journaux affichent une nouvelle crise financière dans la sidérurgie japonaise, j’explore des yeux le relief aplani sur papier du président de Kobe Steel, sans parvenir à m’impliquer réellement dans l’appréhension du scandale.

Les coudes sur la table, dans une découverte amusée des cheveux blancs de l’homme, j’abandonne clairement la découverte des kanji outrés que des journalistes zelés ont dressés, les uns après les autres, dans le but d’établir une vérité terrifiante qui aurait vite fait d’alarmer les ménagères. Mes doigts se perdent dans mes cheveux, et je cesse rapidement de m’intéresser au contour du nez d’Umehara Naoto. A la télévision, des babillages aiguës de journalistes me déconcentrent. En tournant les yeux, j’attrape le détail d’un cliché qui s’étale brusquement aux yeux de tous l’audimat.

Spoiler:

Sur l’écran de la télévision, la photo d’un homme aux cheveux blancs s’affiche, et mes nerfs se crispent. L’homme, dans la soixantaine, est plié en deux, dans un salut respectueux, pour une demande de pardon. Le cliché immobilise l’acte, et cette silhouette en équerre me fait mal. Du bout des doigts, en saisissant la télécommande, j’active le mute, décapitant sans vergogne les commentaires pépiants des journalistes excités, et me concentre sur la photo. La légende, affichée par le site d’information, présente l’homme comme « Honteux, Hiroya Kawasaki, PDG de Kobe Steel, s’incline devant un ministre japonais. » Atrophiée à la réalité, cette légende est tout ce que je n’aime pas de la presse, et je plisse le nez sur cette vérité tissée pour une conformité plaisante à la majorité. L’homme n’est peut-être pas honteux, l’homme avait probablement conscience de ce qu’il faisait. Mais dans ce salut officiel, dans cette acceptation de ses choix de venir plier le dos et présenter sa nuque à tous les heurts des photographes présents lors de l’instant, il subit une humiliation terrifiante.

Peu m’importe réellement que la sidérurgie japonaise ait falsifié leur rapport sur le contenu du métal, peu m’importe qu’Airbus, Nissan ou Renault se sentent lésés dans cette affaire. En cet instant, tout ce qui m’importe réellement est l’o-jigi de cet homme qui, les traits gonflés par la pesanteur de sa face qui tombe, a les yeux plissés en cette expression particulière. Ignorant William dans son rocking-chair qui me fixe, je m’approche de la télévision, afin de contempler de plus près cette expression. L’homme a l’air de souffrir, et j’ignore si c’est pour lui une réalité, ou simplement un instant capturé par la photo. J’imagine les coups de fouets qu’on dut représenter chaque crépitement de flash dans la salle. J’imagine cet homme qui plaque ses mains contre ses cuisses, et qui se plie en deux, devant le regard autoritaire du ministre en question. J’imagine les secondes qui passent, le devoir de l’homme qui se laisse prendre en photo par des journalistes internationaux, je l’imagine fermer son esprit, pour essayer de ne pas céder dans son orgueil face à la pression. En croisant les bras, je me relève doucement.
Je crois que je l’aurais décapité.

Les yeux de William rutilent une expression indéchiffrable, tandis que j’éteins la télévision. Je l’aurais décapité, rien que pour lui restituer un semblant d’honneur. Sortant mon portable de la poche, j’effectue une rapide recherche sur Google avant d’enregistrer la photo de Kawasaki dans mes dossiers. L’homme a autour du cou un badge, dont le ruban rouge passe sur sa nuque à la manière d’une trace sanglante. Mes yeux se plissent, tandis que j’attrape mon sac et mes clefs. Je lui aurais demandé de se faire seppuku. Peut-être qu’ainsi, j’aurais pu le décapiter moi-même.
Les temps changent.

D’un geste de la main, je salue William et sort de l’appartement, en fermant derrière moi.

(…)

La nuit tombe doucement, et j’explore la surface d’une ville qui s’enneige. Les empreintes de mes Docs tracent un nivelé dans l’existence de la poudreuse, que je contemple par dessus mon épaule, sur les travers des trottoirs. Les cheveux attachés, habillé peut-être un peu trop froidement, je resserre sur mes épaules les manches pâles d’un sweat-shirt. Devant moi, la silhouette d’une occidentale blonde s’aventure sur les horizons de mon avancée, et je frissonne sous le vent. Je l’imagine hollandaise, je l’imagine marchander, et les secondes qui passent me font considérer mes envies de décapitation.

Je suis une reine rouge.

Traçant l’angle d’un virage, je bifurque dans une ruelle. Ni chat ni itinérant ne vienne perturber le calme du lieu, et en allant m’installer près d’un recoin à poubelles, je me réfugies, accroupi, dans la pénombre qu’offre la protection d’un déchargeur. Dans mon sac, le contenu provenant du laboratoire de chimie de l’aile ouest du département scientifique de l’académie s’étale, protégé par du papier-bulle. Attrapant le serum et les toxines, je mordille mes lèvres, mes pensées enroulées autour de la nuque de Kawasaki. C’est presque dommage que je ne puisse me rendre à Kobe, dans le département directorial.

(…)

Adossé contre la façade d’un restaurant, ignorant le froid en réprimant des frissons, j’attends. Les passants sont rares, en particulier dans ce coin de rue, et j’en viens à considérer que je n’aurais probablement pas assez de chance si je reste ici. Mon écran de téléphone n’affiche aucun sms, aucun appel manqué, et j’en déduis que j’ai la soirée libre. En me dirigeant vers les alentours de l’université, je repère les allées plus sombres Un scooter, conduit par un jeune livreur de pizza passe devant moi. Un chat miaule, une grand-mère referme les volets de son appartement situé au quatrième étage d’un bloc minable. J’observe, en silence, la peau frigorifiée, crispée au dessus de mes muscles.

Une enfant, probablement une lycéenne, passe à côté de moi, sans me jeter un coup d’oeil. Elle ne m’a peut-être pas, elle n’a peut-être pas estimé que j’étais un détail important dans son environnement. L’éclat trop clair de ses cheveux me fait penser à la femme que j’ai vu plus tôt dans la soirée, et un sursaut dans mon ventre développe un instinct viscéral. Je la suis, sans savoir pourquoi je la choisis. L’aiguille dans ma main, j’attends une complète isolation autour de nous, m’assure qu’il n’y ait pas de témoins, avant de la rattraper sans un bruit.

Sans même avoir besoin de la toucher, j’enfonce l’aiguille en dessous de sa carotide.

(…)

La nuit est silencieuse, et je porte l’enfant comme un amant porterait sa maîtresse fatiguée, endormie. Les gens ne s’étonnent pas, et je murmure des mots doux, simplement pour ne pas attirer l’attention. La marche est courte, et je parviens à ma ruelle, rendez-vous de calme et de solitude, où dans un premier lieu, je la dépose au sol. Elle est peut-être étudiante à l’université, maintenant que je la regarde de plus proche. Étrangère, occidentale, elle joue ce rôle mental d’Hollandaise que je pourrais lui attribuer. Dans sa gorge, la perforation est irrité, et a laissé une petite marque. Éventuellement, je songe, il faudra qu’elle nettoie la plaie. En attendant, je passe une compresse sur la petite plaie, et observe autour de moi. La plaque d’égout est soulevée, dessoudée de ses gonds. Pour descendre, il faudra que je porte la fille sur mon épaule.
Le téléphone et le reste de ses affaires sont abandonnés à la surface.

(…)

Les gestes s’effectuent, précautionneusement, et alors que je referme la plaque d’égout au dessus de nous, un gémissement de la fille m’apprend qu’elle se réveille lentement. Je referme le scellement en glissant la clef dans ma poche, avant de sauter des échelons pour revenir me glisser près du mur. Dans le noir, sans me voir, j’ai presque l’impression d’être un animal prêt à bondir. Je passe mes mains sur ma face, et soupire. Et pourtant.

J’attends maintenant qu’elle se réveille. Allongé, dans les fragrances organiques des lieux, il s’agit maintenant de contempler sa réaction. Mes traits adoptent une expression lasse, épuisée par trop de tentatives vaines à essayer de m’échapper. Je ne sais pas, pas plus qu’elle, ce que nous faisons là.

« Yo ... »




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Chrissy O'Connor
♣ Université - 2ème année
Chrissy O'Connor


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KMO
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MessageSujet: Re: Au paradis des échoués. [Pv Chrissy]   Au paradis des échoués. [Pv Chrissy] EmptySam 10 Fév 2018 - 21:45

Il était près de 19H lorsque Chrissy regagna sa chambre. Bien qu’elle eut fini ses cours trois bonnes heures plus tôt, elle était restée en salle de danse. Travaillant ses tours, ses sauts, ses réceptions, toujours plus. Elle en avait aussi profité pour danser comme elle le voulait, avec ses musiques, ses pas, ses émotions, ses codes et au diable l’académie ! Chrissy se disait parfois que sa professeur de ballet s’arracherait les cheveux si elle voyait la jeune femme danser en dehors des cours.

Dans son ensemble, la journée s’était plutôt bien passée mais la jeune écossaise ressentait le besoin de sortir, de s’évader des quatre murs de sa chambre universitaire. Sans doute les vieilles habitudes qu’elle avait à Édimbourg qui avaient la vie dure. Elle se rappelait surtout la rencontre qu’elle avait fait quelques jours auparavant. Elle se demandait si le musicien serait à nouveau là cette nuit, dans la vieille usine, avec sa guitare. Elle espérait que oui. Elle avait tellement aimé danser ainsi sous la neige dans ce lieu chargé d’histoire et en compagnie d’un homme qui vivait son art un peu comme elle vivait sa danse.

Ayant déposé la clé de la salle de danse dans le casier de sa professeur, Chrissy passa rapidement par sa chambre pour prendre des affaires de rechange, serviette et gel douche et fila aux sanitaires. Elle ne resta pas longtemps sous la douche, si elle voulait s’éclipser il fallait qu’elle le fasse avant la fermeture des portes de l’académie, soit avant 20H. Ce qui lui laissait moins d’une heure pour se doucher, se préparer, prendre quelques affaires et sortir. Une fois sortie de la douche, la demoiselle enfila un jean noir et un pull bleu ciel, histoire de se fondre un peu plus dans le paysage. La dernière fois qu’elle était allée au quartier Bougu, elle était toute de blanc vêtue et ne passait pas vraiment inaperçue, vu la sécurité du quartier, elle avait eu de la chance qu’il ne lui soit rien arrivé. Elle chaussa ses bottines, noires elles aussi, pas besoin de talons cette fois-ci elle ne prévoyait aucunement de faire un saut par la case bar ou boîte de nuit, donc aucune raison de paraître plus grande ou plus âgée. Chrissy passa ensuite par sa chambre où elle enfourna quelques affaires pour le lendemain dans son sac en polochon. Elle mit son manteau blanc, elle ne pourrait malheureusement pas faire plus discret c’était le seul qu’elle avait pour l’hiver. Il faudrait qu’elle pense à en acheter un autre, d’une couleur plus sombre. La jeune écossaise brossa sa chevelure blonde aux reflets roux, laissant ses cheveux tomber en cascade sur ses épaules et dans son dos. Puis elle rabattit sa capuche et sortit discrètement de l’académie, veillant à ne croiser personne dans les couloirs.

Une fois dehors, Chrissy entreprit de retrouver son chemin jusqu’au quartier Bougu. Elle avait un sens de l’orientation vraiment douteux et dû s’y reprendre à trois fois, avec un peu d’aide GPS, pour être sur la bonne route. Alors qu’elle marchait, il s’était mis à neiger et la demoiselle avait enlevé sa capuche. Elle voulait profiter de la neige et de la fraîcheur des flocons qui tombaient délicatement autour d’elle. La musique dans les oreilles, elle s’imaginait déjà dans l’ancienne usine, dansant sous les cristaux blancs en compagnie du musicien de la dernière fois. Son pas était lent, léger, elle ne faisait pas vraiment attention à ce qui l’entourait, un peu dans la lune, ou complètement pour ainsi dire. Lorsqu’elle arriva dans le fameux quartier, son pas se fit plus pressant, elle ne voulait pas s’attarder plus que nécessaire dans les rues sombres. La vieille usine était à présent à portée de vue, Chrissy sentit une vive douleur dans son cou et ce fut le noir.

Ce n’est que quelques minutes ou quelques heures plus tard - Chrissy n’avait aucune idée du temps qui s’était écoulé - qu’elle reprit connaissance. Elle ne se souvenait de rien. Quand avait-elle perdu connaissance ? Elle se souvenait de sa journée, d’avoir prit sa douche, d’être sortie, elle se souvenait qu’il neigeait, elle se souvenait avoir arpenté les rues du quartier Bougu et vu l’usine désaffectée où elle se rendait puis plus rien...

La première chose qu’elle remarqua fut qu’elle était manifestement étendue sur le sol, la seconde fut l’odeur nauséabonde qui lui fit froncer le nez en signe de dégoût. La jeune écossaise prit appui sur la surface rigide sur laquelle elle était allongée pour se redresser. Une fois assise, elle ouvrit les yeux puis les referma aussitôt. La tête lui tournait. Elle essaya de respirer calmement et passa une main dans son cou sans comprendre lorsqu’elle sentit le picotement de la petite plaie. Elle ouvrit à nouveau les yeux et regarda autour d’elle, essayant désespérément de saisir comment elle avait atterrit dans les égouts.

_ Mo dia…dé tha… ? (Mon dieu...Qu’est-ce que...)

_Yo…

Chrissy sursauta et eu un mouvement de recul qui l’accula contre le mur lorsqu’elle comprit qu’elle n’était pas seule. Elle plissa les yeux pour que ceux-ci s’habituent à l’obscurité de l’endroit et laissa tomber son gaélique natal pour repasser au japonais local bien que les mots se bousculaient et se mélangeaient dans sa tête.

_ Qui êtes-vous… ? Est-ce que c’est vous qui… ? Pourquoi sommes-nous ici ? Qu’est-ce que… ?

La demoiselle parlait vite et sa douce voix tremblait autant que son corps tant et si bien qu’elle n’arrivait même pas à finir ses phrases. Et bien qu’elle s’efforçait de rester calme, un irrépressible sentiment de panique s’était emparé d’elle. Ce n’était déjà guère rassurant de se retrouver dans les égouts contre son gré, ça l’était d’autant moins qu’elle y était avec un parfait inconnu.
HRP:
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