[Nori] « Home, Sweet Home »

Une épaisse buée sortait de ses lèvres à la moindre respiration. Malgré le froid de fin d’hivers, Natsu n’avait pas pu se résigner à porter une veste : Courir lui donnait beaucoup trop chaud. En T-shirt, le jeune homme termina sa course devant le bâtiment des dortoirs, attendant quelques secondes pour reprendre son chemin. Depuis combien de temps était-il parti ? Le temps semblait tout bonnement s’arrêter. Un bref regard sur sa montre lui indiqua que 22h approchait. Le temps de rentrer.

Le dortoir était vide, le couloir silencieux. Avant de rentrer dans la chambre et ne désirant pas inonder la pièce de l’odeur de sa transpiration, l’adolescent se rendit aux douches. Commune… C’était tellement stressant. Parfois, Natsu ne voulait pas se laver, pas tant qu’il y avait quelqu’un à l’intérieur. Même si personne ne le voyait, le fait qu’une autre personne soit présente entravait tous ses mouvements. Il attendait alors parfois un temps inimaginable uniquement pour pouvoir prendre une douche de cinq petites minutes. Dix s’il fallait qu’il se lave les cheveux.
La vie au pensionnat n’était pas si terrible que cela. Certes, Natsu ne parlait à personne et passait une année en solitaire, mais au moins il était tranquille. Le silence était un peu devenu son meilleur ami et il avait pu agrandir sa collection de connaissance à l’aide de la bibliothèque de l’établissement. Inutile de préciser que tout allait pour le mieux, dans le meilleur des mondes. Mira, sa sœur aînée, lui avait par ailleurs fait des gâteaux qu’il comptait bien déguster avec appétit dès son retour dans la chambre.

Après une douche qui fut donc rapide -personne ne se trouvait dans les locaux-, Natsu enfila ce qui lui servait de pyjama : un jogging noir et un débardeur gris avant de se rendre jusqu’à la porte 204 en espérant que son camarade de chambre ne l’ait pas verrouillé. Le jeune Nagakawa avait lui-même tendance à fermer la porte à double, voir à triple tours, de peur de se faire voler ou agresser dans la nuit. Sait-on jamais, quelqu’un pourrait avoir une folle envie de voler le livre collector de Sartres qu’il possédait !  Fort heureusement, la chambre était ouverte et Natsu pu observer attentivement son côté de la pièce.

Bordélique, c’était le mot qui convenait le mieux à son côté. Trop distrait, Natsu ne rangeait que rarement ses vêtements. Il n’y pensait guère à vrai dire. Les chemises de cours s’étalaient mollement sur ses bouquins, ses stylos mâchouillaient jonchés le sol et très peu le bureau, sur lequel était par ailleurs posé la boite de fondant au chocolat offert par son aînée. Malgré son bordel apocalyptique, le fils Nagakawa n’empiété nullement sur l’espace dédié à son camarade de chambre. C’était comme si un mur invisible marquait un arrêt net entre les deux côtés de la pièce.

« Je suis rentré » Lança-t-il doucement en arrangeant les mèches humides de sa chevelure et en posant ses vêtements de sport sur sa chaise de bureau.  

Natsu n’avait pas trop à s’en faire de la propreté de son côté de la pièce. Après tout Nori était tout aussi bordélique que lui, mais à sa manière. Le jeune Nakagawa faisait attention à ne pas poser un regard trop insistant sur les affaires de son camarade de chambre, ne désirant pas le mettre mal à l’aise ou autre. C’était la première fois qu’il partageait une chambre avec quelqu’un qui acceptait de lui parler normalement.
Les premiers jours de la vie commune, Natsu avait tenté de cacher ses yeux. Mais hormis en mettant un bandeau sur ces derniers, il se révéla impossible de cacher ses grandes pupilles bleues. Tous les mettait en avant : La lampe de chevet allumait jusqu’à tard, la lumière du jour se glissant par la fenêtre. Il avait bien essayé de vivre la tête baissée mais étant maladroit, il ne cessait de se cogner à tout va et sa boite crânienne commençait sérieusement à ressentir les méfaits des coups. Alors qu’importe si Nori voyait ses yeux, il ne serait pas le premier et, ne connaissant guère son histoire, il ne pouvait le juger… N’est-ce-pas ?

Alors qu’il posait sa serviette de bain sur le lit, la voix de son colocataire retentit et il sentit une main se poser sur son épaule. Main qui le fit légèrement sursauté. Il était presque persuadé que Nori allait dormir et surement était-ce le cas… Il avait dû le réveiller en balançant son « je suis rentré ». Quel idiot il faisait. Aucun savoir vivre. D’ailleurs Natsu n’avait même pas vu le jeune homme se lever. Ou il était aveugle ou il ne faisait vraiment attention à rien. L’adolescent s’auto-désespéré.
La remarque sur la température fit tilter le brun. Froid ? C’était vrai qu’il avait froid. Il avait cette sale manie de ne pas s’essuyer correctement et de se croire invincible… C’était sans doute pour cela qu’il tombait souvent malade. Le jeune Nakagawa observa l’avant de ses bras pour y découvrir des signes de chair de poule causait par la fraicheur de la pièce.

« Il semblerait… Je n’avais pas fait attention. » Lâcha-t-il en se grattant l’arrière de la tête, légèrement gêné. « J’espère que je ne t’ai pas réveillé. J’aurais dû rentrer plus doucement et ne pas annoncer mon arrivée comme un idiot. Pardon. »

C’était embarrassant. Il ne voulait surtout pas déranger son colocataire avec sa présence indésirable. Natsu posa un regard sur la main qu’avait posé Nori sur son épaule. Ne désirant pas avoir l’air désagréable en s’éloignant, il se contenta de montrer la boite de gâteau posé sur le bureau.

« Ma sœur a fait des gâteaux, si tu es intéressé. Ce sont des fondants au chocolat. Je crois… Je n’ai pas ouvert… Ce sont peut-être des cakes aux légumes… »

Par pitié non. Il détestait les légumes. Légumes et gâteaux ne devaient surtout pas être mélangé. Qui s’était un jour dit que le divin et l’enfer devait s’associer pour créer des cakes aux légumes ? Cette personne devait être folle ou extrêmement malade.

Natsu avait toujours été amusé par la façon de se vêtir de son camarade de chambre. C’était original. Bien que fortement débraillé en permanence, le jeune Nakagawa ne portait rien d’extravagant. Il était la simplicité même en ce qui concernait les vêtements. Beaucoup trop casse-tête de sortir du lot. C’était bien trop fatiguant. A la demande de son colocataire, l’adolescent alla fermer la porte. Etant prêt du placard, il attrapa une veste qu’il alla poser sur les épaules de Nori. Sans un mot. Après tout le jeune brun semblait être à la limite de la crise d’hypothermie. Ce n’était pas quelque chose qu’il pouvait permettre. Le pauvre. Natsu l’avait sans doute réveillé.

« A l’entente de ta voix, j’ai plutôt l’impression que tu étais dans les étoiles. » Lança t’il en faisant craquer sa nuque. Natsu n’était pas très bavard. Les premiers jours de son arrivée, le fait d’avoir un colocataire l’avait presque fait fuir définitivement chez sa tante. Néanmoins, il était agréable d’avoir une certaine présence dans la chambre. Ne plus être totalement seul, même si peu de mots étaient échangés, ça changer la vie. Bien évidemment, la coexistence n’était pas toujours simple entre les deux bordéliques, mais ils avaient fini par s’y faire.

Natsu laissa Nori se servir en le regardant avec curiosité. D’un côté il valait finalement mieux que quelqu’un tente l’expérience avec lui. La sœur du jeune homme aimait … s’essayer à des choses pour le moins étranges. Mais qui n’était pas étrange dans la famille Nakagawa ? Natsu lui-même semblait tout droit sorti d’un autre univers avec sa maladresse improbable et abusive.
Le jeune homme arqua un sourcil à l’entente de la réponse de Nori. « Chocolat… Légume ? ». Il avait déjà entendu parler de ces étranges pratiques qui consistaient à mélanger du sucré à du salé de façon limite aléatoire, mais là c’était un record. Sans un bruit, Natsu s’approcha, attrapa la boite de gâteau et s’en alla verser le contenu par la fenêtre. Une fois la boite vide, il se rendit jusqu’à la poubelle de la pièce pour la jeter.

« Je dirais qu’ils étaient délicieux. » Lâcha le jeune homme dans un demi-sourire en tendant une bouteille d’eau à Nori. « Tiens, pour t’enlever le sale goût que tu dois avoir dans la bouche. »

Dès qu’il eut pris la bouteille, Natsu se laissa tomber sur son lit. Ayant ouvert la fenêtre un court instant, l’adolescent avait bien sentit le froid lui mordre la peau. Autant dire que cela ne lui avait pas vraiment fait du bien. Ses poils, sur ses avant-bras se hérissaient à cause des frissons qu’il cachait à la perfection. Dans peu de temps il se glisserait sous les draps, donc il n’avait pas à s’en faire. D’autant plus qu’il avait posé sur les épaules de Nori sa seule et unique veste, sans aucun regret bien sûr. On lui avait toujours appris à faire attention aux autres… enfin il l’avait appris seul dans les livres. Qu’importe. C’était ce que faisaient les grands héros de romans : ils faisaient passer autrui avant eux sans rien demander en contre-partie. Pendant quelques secondes, Natsu contempla le plafond à travers ses mèches qui cachaient ses yeux bleus. Des millions de choses lui traversèrent l’esprit avant qu’il ne se redresse sur ses coudes.

« Tu n’as pas mangé ce soir ? »

Il était beaucoup trop tard pour se rendre à la cafétaria, mais Natsu devait bien avoir quelque chose à donner à Nori. Maintenant qu’il y pensait, contrairement à lui son colocataire ne grignotait pas dans la chambre. Enfin… il ne l’avait jamais vu faire en tout cas.