Travaille ton swing [Nikolaï]

23 heures, j'avais tout préparé. Le sac de sport battait doucement contre mon flanc, veillant à ce qu'il ne fasse pas trop de bruit dans les couloirs plongés dans le noir du lycée. Veste de cuir et sweat, je m'étais habillé sombrement pour ce soir, de plus, des gants tout aussi sombres enveloppaient mes mains.

J'avais acheté tout le nécessaire plus tôt dans l'après-midi, une batte de golf démontable, de nombreuses balles ainsi que quelques tees. Cette idée avait germé alors que je me perdais dans Keimoo, étant plus jeune j'avais aimé les parties jouées avec mon père, l'un des rares moments où je me sentais appartenir à la même famille que cet homme. Mes swings n'étaient pas parfaits, mais suffisamment puissants et droits pour avoir pu apprécier la sensation de voir partir la balle au loin. La sentir décoller tandis que nous, nous restons au sol.

J'arrivais au toit du bâtiment du lycée, je poussais la porte, ouverte. Aussitôt, un vent froid mais agréable m'assaillit. L'air de la nuit emplie mes poumons, cet air différent de celui du jour. Froid mais berçant, relaxant même. Je bloquais sommairement la porte avec un bout de bois.

Je m'allumais une cigarette, progressant vers le bord du bâtiment, des grilles protégeaient le bord mais avec la bonne distance et le bon club, un lob devrait suffire à passer outre ces barrières.

Je plaçais le tees vers le centre du toit, entre deux plaques du sol. Je déposais mon sac, évaluant la direction à prendre pour toucher ma cible. Satisfait, je me relevais, appréciant le goût du tabac un instant avant de sortir mon club, de tester son équilibre puis de me baisser, déposer la balle sur son perchoir, comme un oiseau attendant son envol.

Je reste là, accroupie un moment, goûtant l'instant. Je me dis qu'il manque quelque chose, alors je décide de retirer ma veste, puis mon sweat, et le T-shirt, laissant l'alouette, mon alouette, respirer l'air du dehors. Je n'avais pas l'occasion de la sortir, et depuis mon arrivé à Keimoo, celle-ci n'avait pas eu l'occasion de goûter l'air du dehors.

Je pouvais désormais apprécier complètement l'instant, me laisser aller. J'armais mon bras, ma hanche. Puis me lança, mon bras, ma hanche, mon être, étaient cette balle que je devais lancer vers le ciel. Je devais partir moi aussi, loin là haut.
La balle décrivit une courbe parfaite, passant les gardes-fous d'une bonne hauteur, s'écrasant bien plus loin sur le parking de l'Académie.

Manqué.

Une quinte de toux légère, me fit me retourner, je n'étais pas seul sur toit. Je luis tendis mon club sans me poser de questions.

Il a probablement les traces du clavier incrustées sur le front. C’est certain même, puisque sur trois bonnes pages se suivent des combinaisons de lettres qui ne forment pas de mots. Sa bouche est pâteuse, sa gorge est sèche. Il s’est endormi là, comme une merde.
Nikolaï se frotte un œil, puis le second. Le jeune russe se redresse, supprime les trois pages inutiles puis baille. Dans ses chaussures, il décrispe les orteils d’un pied, puis le second.
Il se frotte à nouveau un œil de la main gauche, tendis que sa main droite vient sauvegarder son avancement de la soirée.
Il sort de son état léthargique, pour se réveiller sur ce son. La lenteur de son corps n’a d’égale que la lenteur de l’intro de cette chanson. Il ferme gentiment son ordinateur à la pomme, et baille. Pour ensuite essuyer un petit filet de bave au coin de sa bouche en un coup de manche expert.
Durant ses longues minutes, il n’avait pas pensé. Non. Son corps agissait de façon tout à fait mécanique, si bien qu’il ne s’était pas rendu compte d’avoir rangé son ordinateur dans son sac sans l’éteindre. La langue pâteuse, il était maintenant parti en direction des toilettes pour aller boire un coup d’eau.  Quelle salope, cette pâteuse.  
‘You say one for the treble, two for the time.’

Lorsqu’il regarde par la fenêtre des sanitaires du dernier étage du bâtiment dans lequel il se trouvait, il se rendit enfin compte que la nuit était tombée. Jusqu'à lors il ne s’était pas demandé quelle heure il était. [23:02]
Après tout il n’avait croisé personne dans les couloirs.  Les sols étaient immaculés. Il régnait une atmosphère de mort dans le bâtiment. Pas un son. Pas un son ? Attendez, mais si.
Quelque chose vient de la cage d’escaliers. Un petit bruit.
Nikolaï n’avait pas réfléchi jusque là, et c’est bien pour ça qu’il décide d’aller voir.
Etrange. Un mec seul dans un couloir d’un bâtiment vide. Pas une seule lumière exceptée celle des loupiottes de sécurité qui marquent les sorties de secours. Il s’engage dans la cage d’escaliers, puis écoute à nouveau. [Pok] Il jette un œil en baissant la tête sur le colimason carré des escaliers dont il ne voit pas la fin. [BLANG] Il jette un œil en haut cette fois, en direction de la porte ouverte qui donnait sur les toits. Il s’aventure donc, à monter les marches.
Entre-temps il avait sorti une clope. Pas même à l’extérieur qu’elle était déjà allumée.
'On dirait le scénar d’un film d’horreur de catégorie B.' Le russe sourit à cette pensée alors qu’il met un pied dehors.

Il voit un truc, sur le rebord du toit.
Il hausse un sourcil, puis le second.
Il tire sur sa clope. Plisse les yeux. Il est toujours fatigué.
Et la seule chose qu’il trouve à faire alors, c’est d’écraser sa clope et tousser. – Histoire de s’annoncer. -

‘Un club de golf ? Oh, quelle bonne idée. Film d’horreur de série B. Un homme torse-nu sur un toit affirmant son swing sur des têtes de chatons pas tout à fait morts avant de tendre l’arme de son crime à sa prochaine victime.’ Nikolaï sourit à nouveau à l’une de ses nombreuses pensées. Le Russe pose alors son sac . Il n’avait absolument rien compris à la phrase, il espérait simplement qu’il ne lui avait pas annoncé qu’il allait ensuite le tuer, ou dieu sait quoi d’autre. , s’empare du club par la tête, plaquant sa main contre la face, il sourit à nouveau dans le noir.
Ce club est un fer, et les fers ont toujours étés les clubs favoris de Nikolaï qui observe maintenant l’objet de manufacture douteuse. Le russe hausse les épaules, remercie d’un signe de tête son nouveau partenaire de jeu et lâcher deux mots. «  Tee ? – Ball ? » En espérant que celui-ci comprenne l’anglais.
Ce qui s’avérait être exact. L’homme face à Nikolaï lui tendis de quoi placer son jeu ce qu’il fit, lentement toujours.  

Il se place, prenant un bon grip sur le club, il venait à son tour prendre ses marques afin de tenter d’avoir le meilleur coup possible. Nikolaï a toujours été bon au golf. Pas d’une excellence remarquable, mais franchement pas mauvais. Une fois avoir jeté un dernier coup d’œil au jeune homme face à lui, Nikolaï, alla frapper la balle, qui fila plus vite que son œil ne parvint à la suivre. Il attendit quelques secondes et tendit l’oreille en lâchant rapidement de son anglais teinté de russe. «J’espère que ça ne tombera sur personne.» Le Russe de pu rien entendre, ricana faiblement, sourit à nouveau, puis tendit le club à son acolyte, et sa main libre aussi.