Why does my heart feels so bad ...

La main tendue, ses doigts se pliaient et dépliaient sans cesse, signe évident d'un énervement grandissant. En attendant son verre, il s'appliqua à respirer doucement, profondément, dans l'espoir de se calmer. Après tout, tout allait bien, il avait passé une soirée charmante grâce à Cammy et même si cette dernière était un mystère pour lui, il ne devait en prendre que ce qu'il y avait à prendre, c'est-à-dire, le ravissement de l'instant. Il se tiendrait disponible pour Cammy si elle avait besoin. Il fut un peu déçu de la voir accepter si vite l'invitation de ce Roi en Carton, mais après tout, il ne connaît rien de sa vie et ce serait égoïste – déplacé – de ne pas souhaiter à la demoiselle de danser avec les garçons qu'elle souhaitait.

Un coup d'œil par-dessus l'épaule … et il eut un petit rire. Elle ressemblait aux jeunes filles du XIXème, charmeuses et entourées de prétendants. Et les pauvres bougres à tenter de s'attirer leurs faveurs … Était-il un pauvre bougre lui-même ? Il ne voulait pas répondre à cette question, c'était insensé.

Et puis, ça ne serait …

- Vous ne devriez pas prendre cette coupe si vous ne savez pas réellement ce qu’elle contient.

Il avait gardé sa main tendue, en attente, sans vraiment y réfléchir. D'ailleurs, il avait presque oublié qu'il attendait un verre. Il ne comprit pas vraiment les paroles, leur sens restait bloqué quelque part entre son oreille et son esprit, car ce dernier était pris d'assaut par une armée de sentiments tous plus douloureux les uns que les autres.
Il ne respira plus, son cœur sembla s'arrêter et céder sous un poids intolérable. Le corps figé, il ne se sentait pas capable de faire face à ça … À lui.

Mais il ne maîtrisait plus rien, et avant qu'il puisse s'en rendre compte, il se tourna vers lui, lentement. Cela faisait des mois, combien vraiment il ne savait plus, qu'il ne s'était pas retrouvé aussi proche de lui. De l'avoir à portée de main ainsi déclencha une envie dévastatrice de le toucher, de le prendre contre lui … De l'embrasser, d'embrasser son visage encore et encore, d'enfouir le sien contre lui, dans son cou, dans ses cheveux, de caresser sa peau, sa bouche du bout des doigts …. Et par-dessus tout de sentir son odeur … Celle dont l'absence le faisait tant souffrir. Mais il ne pouvait pas, il n'avait pas le droit, l'avait-il déjà eu, vraiment ? Est-ce qu'une seule fois, Shiki avait été à lui ?

Le sourire poli de Shiki s'effaça rapidement. Tous deux se regardaient, un lien étonnement fort les empêchant de se détourner. Yun-Jin laissa échapper un souffle moqueur : c'était bien la première fois qu'il réussissait à faire flancher aussi vite l'écrasant masque de Shiki Katsuragi.

- S..sempai…

En une demi-seconde, Yun-Jin passa de l'envie de tenir Shiki dans ses bras au désir malsain de serrer ses mains autour de son cou, de serrer de toutes ses forces et de lui ôter la vie. Il en ferma les poings, la douleur de ses ongles dans sa chair n'étant rien à comparer à l'effort qu'il lui fallait pour ne pas lui sauter dessus … Comment osait-il encore l'appeler ainsi ? Comment osait-il tout simplement lui adresser la parole ?

Troublé par ses propres démons, Yun-Jin prit une profonde inspiration et refoula le plus dangereux au fin fond de son être. Puis, composant son visage pour paraître le moins affecté possible, il réussit enfin à lui adresser la parole.

- Tu as perdu le droit de m'appeler ainsi quand tu m'as rejeté, Katsuragi.

Il se sentait bouillir. Il aurait du être plus posé, moins agressif, mais ce n'était vraiment pas possible. Tout l'amour et toute la haine qu'il pouvait ressentir pour cette personne ne pouvaient pas lui permettre d'être serein. Les heures à passer à penser à lui, à rêver de lui, à le vouloir, à en souffrir en silence, toutes ces personnes utilisées comme substitut qui n'arrivaient pas à la cheville de Shiki … Tout ce gâchis …
Il ne pouvait pas lui pardonner. Pas comme ça.

- Quant à tes bons sentiments, je n'en veux pas. Garde-les pour ta pouliche dépressive.

Il fit un pas vers Shiki, un peu menaçant, et attrapa le bras du japonais de sa main, l'empêchant de partir. Il ne sut pas pourquoi il avait fait ça, s'imposant une torture immense avec cette proximité.

- Et tu as du culot de venir à moi ainsi alors que tu te pavanes avec elle !! Tu … Est-ce que ça t'amuse ?!

Il voulait tant de choses de la part de Shiki, son corps, sa vie, son rire … Son Amour. Et tout ça, Yun-Jin n'y avait pas droit alors que c'était la chose qu'il désirait le plus au monde. Il aurait offert sa personne sans hésiter si seulement Shiki avait voulu le laisser approcher, s'il l'avait accepté … S'il avait assumé … S'il l'avait aimé.

Se reprenant, il lâcha Shiki, faisant un pas en arrière. Quelques secondes de plus et il perdait les pédales.

Suite d’ici.

NITROGLYCERINE

C’était sûr que de dos, Yun-Jin était méconnaissable. Il avait une carrure plus forte qu’à l’époque ce qui le rendait plus grand encore qu’il ne l’est en réalité. De plus… il avait désormais les cheveux courts. Il existe une coutume au Japon qui consiste à se couper ou tondre les cheveux suite à un échec amoureux. Evidemment, Shiki était persuadé que Yun-Jin n’était pas du genre à agir comme un adolescent à peine pubère. Le Coréen avait les traits plus durs aussi, bien plus masculins. Et sa tenue de soirée renforçait cette idée. Offrir la vue d’une partie de torse à l’assemblée, c’était le summum du ridicule, il était bien placé pour le savoir. Cherchait-il à séduire à tout prix ? Etait-ce la raison pour laquelle il avait porté Logan ? Pour la faire tomber dans ses filets ? Il espérait au plus profond de lui qu’il ne s’abaisserait pas à ça. Pas Cammy. Elle avait assez souffert. Il ignore comment, mais il l’empêcherait de l’approcher d’aussi près à présent.

Shiki n’eut pas réellement conscience du flot de pensées qui lui traversait l’esprit. A vrai dire, il y eut un chamboulement de choses tourbillonnant dans sa tête à partir du moment où Yun-Jin prit à son tour la parole. Dans un premier temps, il retint « Katsuragi ». Comme une insulte. C’était la première fois qu’il l’appelait ainsi. Et le foudroya instantanément. Tout le monde l’appelait ainsi, c’était…normal. Avec Yun-Jin, ça faisait juste…mal. Encore une fois, que de la douleur face à tant de rancœur dans ce regard qu’il avait tant chéri avant.

Avant. Avant, Shiki avait 17 ans. Plus de quatre années s’étaient écoulées depuis leur première rencontre, et presque quatre années depuis… Il n’osait y penser. C’était trop pour lui. S’il avait su que ça se serait passé de cette façon, il ne l’aurait jamais approché à l’amphithéâtre. C’était un hasard au début, simplement l’histoire d’une décision qu’il n’arrivait pas à prendre. Pour son avenir. La journée « portes ouvertes » était toute trouvée. Ce fut d’autres portes qu’il ouvrit ce jour-là. Il aurait dû comprendre que la pluie battante qui tombait alors, était annonciatrice de malheurs futurs.
Il buvait du café maintenant. L’odeur du chocolat lui était insupportable et provoquait un manque insondable.

Mais cette voix… et surtout cet accent. Il avait faiblit depuis le temps. Mais il était toujours une belle mélodie à écouter, malgré le venin fusant dans les paroles du Coréen. Il ne s’en rendit pas compte sur le coup. Shiki réalisa la proximité d’avec Yun-Jin lorsqu’il sentit la poigne de ce dernier sur son avant-bras. Le Japonais ne comprenait pas. Il ne comprenait rien. Et encore une impression de déjà-vu lorsque l’Intello parla d’amusement. Pensait-il vraiment qu’il était lui-même capable d’aller le trouver de la sorte et de jouer la carte de la candeur tant de temps après la rupture ? Yun-Jin se rendait-il compte qu’il était devenu méconnaissable, et effrayant ?
Oui, c’était exactement le mot : effrayant. Robuste et menaçant, Yun-Jin impressionnait. Shiki en avait eu le souffle coupé. Il le réalisait maintenant, qu’il lui faisait peur. C’est pourquoi il détourna le regard qu’il savait bien trop transparent de crainte. En effet, Yun-Jin pouvait se targuer d’avoir la capacité de voir en lui comme dans un livre, lui qu’il avait à maintes reprises eu l’opportunité de le voir sous bien des attraits, mental comme physique. Personne d’autre que Yun-Jin ne le connaissait si bien et pourtant, en trois ans depuis qu’il l’avait quitté… l’ex-populaire avait aussi changé. Ce n’était pas physique chez lui, bien qu’il ait 21 ans désormais et qu’il était un homme à part entière. Quoique, côté physique, il avait perdu en masse. Il avait même beaucoup maigri. A force de raser les murs et de côtoyer l’ombre des projecteurs, il en était devenu une et il avait dépéri. Mais bien sûr, avec quelques sourires par ci et par là, personne ne s’en était rendu compte. Pas même Lun. Pas même Saki. Et c’était très bien ainsi. Il ne voulait pas inquiéter ses amis. Alors il fuyait encore, et sans cesse. Jusqu’à devenir invisible. Jusqu’au séisme. Invisible et impuissant face à la Mort qu’il n’avait pas rencontré ni vu, contrairement à Saki, il avait eu l’idée de flirter avec elle par la pensée tandis qu’il offrait son sang à son petit frère. La faiblesse qu’il avait alors ressentie comme un sentiment de pureté, de rédemption, lui avait plu et pour un peu, il avait bien eu envie de se donner un peu plus. Et puis, cette idée absurde lui était vite passée. Pas de rédemption, sans sacrifice, sans supplice, sans douleur.

Tant de sentiments qui passèrent en Shiki comme s’il était actuellement en train de perdre la vie. Le plus étrange, c’est qu’il se sentait déjà mort, depuis presque quatre ans. Et en ce 25 décembre 2013, Yun-Jin venait de le tuer une deuxième fois. Pour autant, la vie n’en avait pas fini avec lui, Shiki lui-même, n’en avait pas fini avec son propre esprit. Il devait continuer à souffrir aussi. Jusqu’à ce que son corps trépasse à son tour. La Mort & L’Amor, pourquoi faut-il que ces deux mots soient aussi proches ? N’est-il question que de phonétique, réellement ?

L’avait-il aimé ? C'était tellement évident. Oui. Au point de s’en damner. De les damner tous les deux. Comment Yun-Jin pouvait ne serait-ce qu’imaginer que Shiki s’amuserait avec lui ? C’était une notion qu’il ne connaissait pas ; l’amusement. Il n’y avait pas eu droit. Pas même dans son enfance. Le jeu, le fun…sont des entités qui lui sont encore inconnues. Tout n’est que façade depuis toujours.
Il ne pouvait pas. Il n’avait pas le droit de l’aimer. L’un est nitrate, l’autre glycérine. Une malédiction.
Et le contact fut ainsi rompu sans que Shiki ne prononçât pour autant le moindre mot. La réaction, le comportement de Yun-Jin…étaient justifiés. De même que sa méchanceté, même si Shiki ne tolérait pas la façon que le Coréen avait de traiter Saki alors qu’il ignorait tout d’elle, de son parcours, de sa fragilité. De plus, elle ne lui forçait pas la main alors qu’il avait compris depuis longtemps les sentiments qu’elle nourrissait à son égard. Cependant, lui, n’était pas sûr. Il ne lui avait fait aucune promesse et pourtant, elle l’attendait. Ils n’en avaient même pas discuté. Quoiqu’il en soit, il se sentait l’envie irrépressible de…se rebeller. Pourquoi devait-il être celui qui s’en prend plein la gueule ? Etre le seul à subir cette scène de jalousie de mauvais goût ? A peine cette pensée le traversait qu’elle prit le chemin de ses lèvres.

- Je ne t’avais pas reconnu. Quoiqu’il en soit, tu es mal placé pour critiquer, à en juger ton exhibition vestimentaire et ta complaisance à te montrer si ‘proche’ d’une demoiselle aussi convenable, en public. Sois assuré qu’on ne parlera que de vous deux demain et du tort que tu lui auras causé. Aux yeux des autres, aux yeux d’elle-même. Tu ne te rends pas compte de ton pouvoir de séduction. Logan en pince pour toi, c’est évident. Personne n’a jamais réussi à l’approcher de si près, si longtemps. Pas même son propre ami, Swanster.

Oui, Cammy avait peut-être été sur son petit nuage ce soir, mais demain, ce serait la popularité exacerbée qui viendrait à elle, avec tous ses inconvénients. Et Shiki sait de quoi il parle pour l’avoir lui-même vécu. Il se tourne alors vers le buffet et s’empara de la coupe qui était initialement destiné à Yun-Jin.

Enfin, comme si d’un seul coup il se réveillait, ou plutôt, après avoir repositionné convenablement le masque invisible qu’il avait eu l’audace de se briser face à l’assaut du regard de ‘son ex’, il lui révéla, d’une certaine manière, que lui aussi, était différent.

- Une dernière chose. Ne reparlez plus jamais d’Ôsen de cette façon. Vous ne la connaissez pas, je vous interdis de la juger.

Ainsi, il porta la coupe à ses lèvres, qu’il vida d’une traite. De l’alcool, pour oublier. Pour oublier le feu que Yun-Jin provoque encore en lui. S’il n’était pas Japonais… Si seulement.

Cette conversation n’aurait jamais au lieu.

-

Je ne t’avais pas reconnu. Quoiqu’il en soit, tu es mal placé pour critiquer, à en juger ton exhibition vestimentaire et ta complaisance à te montrer si ‘proche’ d’une demoiselle aussi convenable, en public. Sois assuré qu’on ne parlera que de vous deux demain et du tort que tu lui auras causé. Aux yeux des autres, aux yeux d’elle-même. Tu ne te rends pas compte de ton pouvoir de séduction. Logan en pince pour toi, c’est évident. Personne n’a jamais réussi à l’approcher de si près, si longtemps. Pas même son propre ami, Swanster.

Décidément, sa tenue n'aura plu à personne ce soir. Il assuma cette critique de front, ayant déjà reçue le même genre de Cammy. Et il ravala une réplique, considérant que les deux personnes à l'origine de ces critiques avait une définition très rigide du concept d'amusement.

Au fur et à mesure, les mots prenaient sens. Par politesse, il le laissa finir, mais rien qu'à la fin de la première phrase il avait envie de lui couper la parole. Il se contenta d'un :

- J'hallucine...

La tourmente de sentiments enflait dangereusement. S'y ajoutait maintenant de l'amertume, de la rébellion face aux propos du japonais. Le fait que Shiki lui fasse la morale était plutôt attendu, c'est un donneur de leçons, mais pour ce qui est du sujet, ce dernier se ridiculisait. Shiki grand maître de la séduction.
Aveuglé par sa colère, Yun-Jin ne s'était même pas rendu compte du changement physique de Shiki. Il ne prêtait qu'un vague intérêt aux rumeurs quant au comportement du japonais. Pour lui, il y aura de la vraie rébellion quand il assumera ce qu'il est. S'il n'était pas si assujetti par ses émotions, peut-être pourrait-il voir que c'était le signe que Shiki filait un mauvais coton, mais c'était trop lui en demander.

- Une dernière chose. Ne reparlez plus jamais d’Ôsen de cette façon. Vous ne la connaissez pas, je vous interdis de la juger.

Ce ton si formel était si prévisible, si transparent. Mais Yun-Jin ne le laissera pas s'en tirer comme ça, pas cette fois. Il ne relève pas le geste, c'est trop immature, que voulait-il prouver en buvant ce verre ?

- Non mais toi par contre, je te connais par coeur. Tu pourras mettre autant de masques que tu veux, je saurais tous les reconnaître. Tu ne te rends même pas compte que tu les aimes, tes masques, tous, ta politesse, ta prétendue droiture, ton air de sainte nitouche... Et celui dont tu te sers là maintenant pour m'affronter.

Son corps entier parlait avec lui, pour appuyer ses dires, ses mains voltigeaient, pointaient du doigt, vennaient effleurer Shiki dans un désir de pénétrer la coquille fêlée que Shiki porte.

- Tu trouves ma tenue à la limite de l'obscène, n'est-ce pas ? Tu ne pourrais pas assumer ton corps comme ça en public, tu ne sais pas ce que c'est de te lâcher, de s'assumer comme je le fais. Ou bien est-ce parce que j'offre à tous ce que tu désires et que tu as rejeté ? Hm ? dit-il avec un sourire charmeur.

Ses doigts déboutonnèrent l'ultime attache de sa veste et il fit mine de l'enlever tout entière.

- Non ? Ah tu préfères sans doute qu'on aille faire ça dans un coin, cachés de tous...

La rancoeur remonta d'un seul coup. C'était bien le problème central entre eux, la plus grosse différence. Yun-Jin avait envie de dire au monde entier que Shiki et lui s'aimaient, que Shiki lui appartenait, tandis que le japonais ne lui cédait qu'une relation cachée, voire reniée. Yun-Jin continua sa verve, reboutonnant un peu sa veste pour ne pas incommoder encore plus sa Sainteté.

- Et qu'est-ce que ça peut te faire si je drague Logan ? Tu me crois capable de lui faire du mal ? Est-ce que tu t'aveugles à ce point à mon sujet ? C'est comme ça dans ta tête tordue ? C'est moi le méchant de l'histoire ? Tss, j'imagine que ça doit l'être, moi, l'étranger, l'inverti qui t'a séduit et qui t'as traîné dans la boue. Laisse-moi te dire une chose, tu ne comprends pas les gens, tu es trop centré sur ta petite personne pour espérer pouvoir les comprendre : Cammy n'en pince pas pour moi, elle a juste besoin de quelqu'un qui s'intéresse à elle, qui lui donne de l'affection, de l'amour qui lui offre une intimité et un confort pour qu'elle se sente à nouveau elle-même. Je parie que, comme moi, elle a du tomber sur des connards qui ont joué avec ses sentiments, dit-il visant clairement Shiki dans ses propos.

Yun-Jin n'avait plus conscience de l'endroit où il se trouvait, des gens autour d'eux... Le barrage avait cédé et, désormais, toute cette peine qu'il conservait en lui depuis des mois, des années, se déversait en un flot continu.

- Cammy n'a pas besoin d'un bellâtre pour une nuit, elle a besoin de quelqu'un de solide, capable de lui donner son coeur et son être et je ne peux pas être celui-là quand bien même je le voudrais parce que j'ai déjà donné tout ça, dit-il en posant sa main sur sa poitrine, là où c'était douloureux, à une personne qui les a brisés. Et cette personne ose venir me faire la morale ??! Mais va au diable, Shiki !

Il avait presque crié cette dernière phrase. Le volume et le ton de sa voix le suppriment. Son corps interrompit son flot de paroles pour reprendre sa respiration. Il ne se sentait pas bien, pas bien, du tout. Son corps entier se tendait sous la pression et s'il ne se reprenait pas bientôt, il allait devenir violent. Il avait tellement envie de lui casser la gueule, de lui faire mal, de lui faire ressentir la douleur que sa haine dévorante lui infligeait.
Il souhaitait lui dire encore tellement de choses, lui faire comprendre à quel point son absence était insupportable, qu'il crevait de s'endormir contre lui, dans son odeur, qu'il donnerait tellement pour le serrer dans ses bras... Mais ça ne pouvait pas sortir... Trop avait déjà été dit. Il fit un pas en arrière, se détournant de Shiki, rompant le contact avec lui. Il se passa une main dans les cheveux, soupirant. Cette tirade le laissait dans un état émotionnel d'une intensité presque insoutenable. Il empoigna un verre qu'il vida d'une traite, la chaleur de l'alcool n'ayant pas l'effet calmant escompté.

Sujet: Re: Why does my heart feels so bad ... Mar 16 Sep 2014 - 11:24

La dernière coupe était de trop. Les mélanges sont mauvais c’est bien connu, et Shiki ne supporte pas les bulles. Le bruit de la musique, le brouhaha de la fête, les cancans des jalouses de l’élection de Cammy en tant que Reine, Cammy qui défilait tout feu tout flamme, les mèches dépareillées hors de leur cachette de tissu... Si seulement Shiki avait son courage. Il ne pouvait même pas faire front aux attaques de Yun-Jin sans esquisser un regard autour de lui. Yun-Jin et ses grands gestes, Yun-Jin et ses grands airs de ce celui qui n’a rien à cacher et qui se fiche éperdument de ce qu’on peut bien penser de lui. Il n’avait pas le droit de lui manquer autant de respect, lui qui le connaissait si bien, qui le connaissait par cœur en effet… Mais encore aujourd’hui, l’intello-populaire ne savait toujours pas le comprendre.

Ils étaient tous les deux fautifs. Shiki ne l’avait pas quitté. Shiki l’avait fui. En bon lâche qu’il était, il n’avait jamais réussi à faire face à tant de pression, à tant de sentiments dont il ignorait tout. Maladroit jusqu’au bout de ses sentiments qu’il ne savait réguler. Comment pouvait-il ne serait-ce que trouver un équilibre dans de tels sables mouvants ? Et au lieu de l’en extirper, Yun-Jin l’y avait poussé plus profondément. Shiki n’avait jamais su trouver les mots pour le lui faire comprendre et quand bien même il y était parvenu, est-ce que Yun-Jin aurait accepté de se laisser distancer ?

« - Non ? Ah tu préfères sans doute qu'on aille faire ça dans un coin, cachés de tous... »

Shiki planta sur Yun-Jin un regard assombri par la colère. Il ne se rendit pas compte qu’il refermait le poing, prêt à dégainer. Blessé dans son amour-propre, la honte le couvrait tout entier. Mâchoire serrée, il prit une forte inspiration en détaillant les traits tout aussi furieux du Coréen. Voilà où ils en étaient alors. Cette conversation qui devait, comme ne devait pas, avoir lieux. Que serait-il passé s’ils s’étaient retrouvés en privé ? Shiki perdit la notion du temps et de l’espace, l’alcool embuait son esprit et laissait remonter à la surface d’un bloc tout ce qu’il avait cherché à refouler. Il ne parlait pas, mais écoutait. Yun-Jin avait toujours été un grand bavard, un expert du relationnel.
Son exact opposé. Il devait donc avoir raison en l’accusant d’être égocentrique. Comme il lui était facile d’exprimer ses sentiments en employant Cammy comme métaphore. Pauvre Cammy…

Un murmure lui vient aux oreilles : « Ils se disputent la Reine on dirait… », « Ah bah putain, je suis pas le seul à vouloir me la faire ! Hahaha! »

Shiki détourna son regard de Yun-Jin vers celui qui avait prononcé ces derniers mots jusqu’à se dérober complètement du Coréen. D’une main, il attrapa le malotru par le col de sa chemise, les nerfs à fleur de peau. Et c’était vers cet imbécile qu’il se défoula.

- Retire tes paroles.
« Ohé ! Mais ça va pas, Katsuragi ! Je plaisantais ! Je te la laisse !»

Le jeune homme semblait plus surpris qu’effrayé. Fallait dire aussi que la carrure de Shiki n’avait rien d’impressionnant. Extérieurement, la scène devait même être risible. Mais dans la tête du Japonais, flottait encore les paroles de son père, Satori. « Il est temps que tu te comportes en homme, mon fils ! »

- Retire tes paroles.
« Oh la la c’est bon, je m’excuse p’tain !»

Shiki le lâcha, laissant l’individu s’en aller en réajustant sa chemise tout en lui envoyant de façon clairement audible pour ceux qui se trouvaient à proximité une injure simple « Sale con… », que Shiki ignora sans grand mal. Il se fichait pas mal de l’opinion des inconnus, tant qu’il était le seul concerné. Il ne supportait pas qu’on s’en prenne à ses proches, et c’était la raison pour laquelle il se laissait facilement engueuler par Yun-Jin pour la simple raison qu’il regrettait le mal qu’il lui avait fait. Pour autant… « Va au diable, Shiki ! » résonnait encore à ses oreilles. C’était tout ce qu’il méritait après tout. Seulement… C’était quelque chose qu’il ne pouvait se permettre. Il se tourna à nouveau vers Yun-Jin une fois que ce dernier eut vidé son verre et s’approcha de lui, toute colère envolée.

- Que j’aille au diable, Han Yun-Jin ? Vers ce serpent tentateur, si habile avec les mots ?

Il étira un petit sourire nostalgique. Le visage proche du sien, il le bifurqua pour glisser ses lèvres à proximité de l’oreille du Coréen. Un simple murmure.

- J’ai déjà donné il y a quatre ans… senpai. C’est au-dessus de mes forces.

Il recula lentement, glissant la main droite vers l’emplacement de son estomac qui lui envoyait un signal d’alarme, tout en s’autorisant un dernier regard vers Yun-Jin. Ça aurait été tellement plus facile s’il était né femme, ou Français. La tendresse qu’il exprimait depuis quelques secondes ne l’aurait pas fait souffrir. Il déglutit avec difficulté, puis s’en retourna vers le bar où il demanda simplement un grand verre d’eau.

Sujet: Re: Why does my heart feels so bad ... Ven 26 Sep 2014 - 20:13

La chaleur se répandait depuis son estomac, lourde, étouffante. Et d’un seul coup, la vie autour de lui reprit son cours. Il se rendit compte qu’il y avait des gens, qu’ils n’étaient pas seuls. Cette vérité prit tout son relief quand Shiki se détourna de lui et agressa quelqu’un d’autre, il ne savait pas qui. Yun-Jin fut très étonné, choqué même, d’une telle démonstration de violence chez Shiki. D’une telle démonstration de sentiments tout court à vrai dire.

Il n’arrivait pas à en tirer de conclusion. Yun-Jin se noyait dans ses sentiments. L’envie primaire qu’il décelait était de se lancer dans la bagarre lui aussi. Oui … Se battre avec Shiki … Ou avec quelqu’un d’autre. Laisser sa colère s’exprimer mieux que ça, apaiser ce bouillonnement qui le faisait frémir.
Hurler.

Ou le coincer quelque part et le forcer à dire ce qu’il avait envie d’entendre.
Aime-moi. Reviens-moi ! AIME-MOI !

Le visage de Shiki ressemblait beaucoup plus aux traits que Yun-Jin avait l’habitude de voir maintenant que la colère n’y était plus. Ça ne le calma pas pour autant.
Plutôt, ce sont les mots qui percèrent.

- Que j’aille au diable, Han Yun-Jin ? Vers ce serpent tentateur, si habile avec les mots ?

Son cœur courait vers sa mort, à mesure que Shiki s’approchait. Quel serpent ? Lui ? Non, ne t’approche pas … Son nom, son nom prononcé par cette bouche … ‘Sempaï’ il n’en voulait plus, mais son nom … Il voulait encore l’entendre, dans toutes les gammes, sur tous les accords, hais-moi Shiki, hais-moi mais ne te détourne pas de moi !

Les mots, si habile ? Il n’en avait plus à présent, il ne pouvait plus dire quoi que ce soit, quelqu’un parlait, quelqu’un dont chaque mot pesait plus que tous les joyaux du monde.
Il était si proche, Yun-Jin réussit à tendre la main vers lui, il voulait le toucher, tellement, l’atteindre.
Au sourire, il sentit juste une fêlure, un tout petit ravin courant sur l’organe sanguin.
Au murmure, la crevasse s’élargit et son souffle tomba dans ce gouffre noir.

- J’ai déjà donné il y a quatre ans… senpai. C’est au-dessus de mes forces.

Ses doigts avaient effleuré le tissu. Mais il n’eut pas la force de les refermer, ni de faire quoi que ce soit. Shiki avait pénétré sa peau, douloureusement, envahi ses muscles, rampé sur ses os, remplaçant son sang, remplaçant son oxygène, il s’était traîné jusqu’aux profondeurs de son être, y avait planté des ronces.
Et maintenant, il se retirait, arrachant les racines avec violence, il le mettait à terre.

Il le quittait encore.

Aime-moi. Ne t’en va pas. J’ai besoin de toi, Shiki, s’il te plaît, je t’en prie, je t’en supplie, reviens.

La respiration courte, Yun-Jin mit longtemps avant de relever le visage. Il fallait qu’il sorte. Il fallait qu’il sorte vite, de cet endroit où il se noyait. Trop de gens, pas assez d’air, trop de rires, trop de bruit. Il se retint de justesse à une table, discrètement, et, toute volonté abandonnée, c’est en automate qu’il se dirigea vers la sortie, la main devant la bouche.

Comme coincé sous les draps, sans trouver la sortie, il sentit monter la panique. Ça le prenait à la gorge, le laissait en état de choc, il n’avait jamais connu tel affolement. Quand enfin il sortir à l’air libre, faisant irruption dans une atmosphère froide, il inspira aussi profondément qu’il put. Ses petits pas mirent le plus de distance possible entre lui et la salle, entre lui et tout le monde, entre lui et S-

Son corps entier lui faisait mal, ses jambes se vidaient de leur force, ses poumons agonisaient écrasé contre ses côtes … Penché, appuyé sur ses genoux, il laissa cette compression le dévorer en entier. Il n’y avait rien à faire.

Encore un ou deux pas, parmi les voitures du parking, au dessus, un espace infini, noir, glacial, qui ne pouvait pas se sentir plus seul que lui maintenant. En dessous, une myriade de petits cailloux scellés pour toujours dans cette masse grise. Devant …

Devant lui, il n’y a que le néant. Aussi s’arrête-t-il de marcher et tombe à genoux.

» The Heart of Saturday Night
» I can't lock my true heart once more [PV Koga]