Combien de sucre dans ton café ? [ Pv Zakuro ]

Amer. Vous savez, ce goût en bouche si particulier. J'avais bel et bien cette saveur sur ma langue, dans le creux de ma gorge, au fond de mon estomac. Je vous passerais les détails, mais tout ceci était la faute d'une tasse de café, offerte gracieusement par l'assistante sociale, passée par le secrétariat en ce début d'après-midi. Je détestais le café. Surtout noir et sans sucre. Mais je ne pouvais pas refuser, question de politesse, même si il s'agissait d'un arabica pur malt de la machine à quarante cents du couloir. Le buvant devant elle, je m'étais contenté de faire une grimace silencieuse immonde à ma collègue derrière son dos, décrivant ainsi l'état dans lequel mon estomac hurlait à la mort.

Restant avec nous papoter durant une demi-heure, c'est après cinq sourires forcés et trois « Je dois aller à la photocopieuse » qu'elle nous lâchait enfin la grappe. Remontant mes lunettes sur mon arrête nasale pour la centième fois aujourd'hui, j'avais pu retourner à mon travail, classant les dossiers de certains élèves, m'amusant comme un petit fou, tout comme les jours ou nous devions faire de la compta. Seulement, il y avait un fail dans la matrice. Un énorme beug intersidéral qui me faisait lever les yeux au ciel : qu'est-ce-que des dossiers de l'université faisaient dans nos classeurs de lycée ? Vous allez me dire que je chipote, pourtant, il fallait être un imbécile fini pour se planter dans un tel classement, les lycéens ayant un dossier JAUNE POUSSIN et les universitaires un ROSE PÉTASSE. L'excuse même du daltonisme n'était clairement pas envisageable.

Soupirant, j'avais alors mis mon nez dans les dit dossiers. Peut-être y avait-il une raison au final ? Et bien non, aucune. Pas une accroche, rien, ce pourquoi je m'empressais de prendre mon stylo pour y mettre un petit mot fort aimable au secrétariat universitaire. Des incapables. J'avais même fais une photocopie du mot fait puis des dossiers des élèves, du moins la première page pour les noms, histoire de garder ça dans l'inventaire et le leur ressortir à l'occasion : guerre de bureaux ? Presque.

« Attada Rin ; Nayuri Kitase ; Kojiro ... Kojiro ? »

Mon estomac fit alors une pirouette, mon cœur loupa un battement et pour conclure le tout, mes joues prirent une teinte rose vif. J'ouvrais alors le dossier, vérifiant le nom de famille, le cursus scolaire et la photo : il n'y avait pas de doute. Refermant le tout avec violence, j'avais jeté les dossiers sur mon bureau comme des mal-propres, essayant de reprendre mon calme et passer à autre chose. Seulement là, de suite, j'étais incapable de penser à autre chose. Me massant les tempes, je m'étais mis à injurier profondément Zakuro pour me pousser chaque jour passant à me jeter dans les bras de ce type. Reprenant mon travail, une heure c'était alors écoulée sans que je ne puisse reprendre mon sérieux, ni que mes yeux se décollent du dossier. Il fallait que je les ramène de suite de l'autre coté de l'école, sinon je ne pourrais jamais terminer ma journée sereinement.

« Je prends ma pause et j'en profite pour ramener les dossiers, à toute ! »

Je laissais ma collègue, pantoise, dossiers sous le coude, traversant les couloirs. Et je ruminais. Encore et encore. Je maudissais mon ami pour avoir réussi à me toucher d'une quelconque manière. Comme si je pouvais m'intéresser à ce type de toute façon ! On aurait dis une fille vivant ses premiers émois, la honte sérieusement. Prenant mon mal en patience, qu'elle ne fut pas ma surprise lorsque mon regard se posa sur cette silhouette si familière.

« Zaaaaaaakuro ! » J'avais gueulé, attirant ainsi son attention. Je m'étais donc avancé vers lui, il tombait vraiment à point ! « Non mais toi, j'te l'dis clairement, j'te déteste mec ! Regarde sur quoi j'suis tombé au boulot ! » Je lui tendais le dossier de Kojiro. « J'suis incapable de me concentrer maintenant ! »

Au fond, ce n'était pas une bonne chose que je lui avoue tout ça, mais c'était plus fort que moi, je devais expulser mon ressenti. Ouvrant ce qui appartenait à notre connaissance commune, je tirais une tête pas possible rien qu'à voir sa photo. Non mais voilà, sérieusement, il avait réussi à me monter la tête sur un truc dont, à la base, je n'en avais que faire ! Bravo Zack, un jour je te rendrais la pareille...

Le vent glissait, effleurant mes mains, dessinant des arabesques autour de moi. Journée tranquille, journée calme, et journée qui se ponctuait dans l'effort d'un claquement singulier. Un claquement au bruit inimitable, produisant une onde qui faisait vibrer l'intérieur de mon être. Sasaki plongea sur mon flanc, attaquant de front. Je reculais précipitamment, m'esclaffant sous la violence portée de son coup. Nous n'étions pas à Keimoo, et les tatamis libérés rien que pour nos ébats martiaux, nous étions dehors, sur les terrasses du dojo.

Les cheveux défaits dans l'explosion de ses mouvements, Kojiro frappait dans chacune des failles qu'offrait mon handicap. Mon bras droit immobilisé, le coude replié et maintenu contre le flanc ; Kojiro ne me laissait pas la moindre chance, sans me faire de cadeau. Son masamune de bois, -nous utilisions des bokkens pour l'entrainement-, frappait chaque zone de mon corps qu'il pouvait atteindre, et enragé par la défaite absolue que je subissais, je cherchais à l'atteindre. Kojiro, à mes yeux, était le meilleur sabreur qui soit. Je n'avais pas douté un seul instant en faisant de lui mon rival. Et aujourd'hui, avec le bras cassé, l'épaule en miette et les tendons explosés, mon bras droit complètement immobilisé, je me rendais compte à quel point il était dangereux de lui tenir tête avec un handicap d'un tel point. Au sabre, le bras était important. C'était presque risible que de le préciser. Les hanches, le dos, la quasi totalité du corps était utilisé. Mais c'était les doigts qui gérait le maintient du sabre ; le poignet et la paume qui s'occupaient de l'équilibre, et les épaules le mouvement. On ne pouvait pas pratiquer le sabre sans bras.

Le masamune vint me cueillir dans le creux des côtes. Me pliant en deux, reculé par un instinct de survie, je relevais ma lame avec fureur, projetant un regard froid sur Kojiro. Il n'était pas question d'animosité ou de haine entre nous, mais d'un combat, et des sensations qui allaient avec. Pour le coup, je savais que nous n'étions pas amis ; nous n'étions même pas Zakuro et Kojiro, mais deux adversaires s'affrontant. Mon wakizashi, dans une courbe cinglante, vint le frapper à l'épaule, remontant à sa mâchoire, et explosant contre son visage. Ce fut à son tour de reculer, la bouche en sang. Je ramenais le sabre à ma cuisse gauche, le souffle court. Trop violent. Bien trop violent. Je ne maitrisais absolument pas ma force, et c'était dangereux. C'était du n'importe quoi, cette attaque, je n'avais été absolument pas capable de maîtriser la trajectoire de mon sabre. Le sang s'écoulait de la lèvre de Kojiro, et derrière son visage calme, il y avait cette flamme démente qui brûlait dans ses yeux noirs. Je connaissais ce sentiment ; il n'avait qu'une envie, celle de m'écraser.

Et puis soudain, le feu disparu.

« Ton bras. »

Il baissa son masamune, et répéta le mouvement, lentement.

« Fluidité. Souplesse. Tu dois avoir les mêmes sensations que lorsque tu te bats avec le bras droit. Ça doit être aligné sur la même respiration. »

Il eut un sourire.

(…)

« Zaaaaaaakuro ! »

Huh. Me figeant sur place, mes affaires de douches humides dans mon sac, sur mon sabre de bois, je me retournais lentement, bousculé par un petit groupe d'élève affairé. Qui avait décidé de ruiner ma tentative de buller pour le reste de la journée, maintenant que je revenais des douches et que j'avais comptabilisé le nombre d'hématomes recouvrant la surface de mon corps ? Un coup d'oeil dans la foule me suffit à anticiper l'arrivée énervée d'un Ichibei plus qu'irrité. Soit. Qu'avais-je fait qui méritât un traitement pareil ? Pendant une demie seconde, avant qu'il ne me rejoigne, j'envisageais m'enfuir discrètement, pour ne pas être rattrapé. Rejetant les mèches brunes en arrière, haussant un sourcil, je laissais venir Ichibei jusqu'à moi, souriant malgré moi de le voir aussi énervé.

« Non mais toi, j'te l'dis clairement, j'te déteste mec ! Regarde sur quoi j'suis tombé au boulot ! »

Ce que cela avait l'air atroce. Gloussant, j'attrapais le dossier que me tendait Ichibei. Et puis, l'illumination, au vu de la gueule d'enfant sage de Sasaki Kojiro. Ah, oui, évidemment … Leu jeu irritant, amusant, d'une création de sentiment, d'une étude d'humain. Je souriais, animal carnassier, devant ce jeu qui prenait une ampleur des plus consistante, des plus amusantes. Certes. Ce ne serait peut-être plus aussi drôle, à la longue, mais … Je relevais mes yeux sur Ichibei, en lui souriant cruellement.

« J'suis incapable de me concentrer maintenant ! »
« Vraiment ? Sasaki, mon cœur, tu troubles Ichibei. »

Les cheveux remontés sur sa nuque fragile, Kojiro s'était glissé dans le dos d'Ichibei, revenant des douches, avec un peu de retard sur moi, ses yeux dénudé du port habituel des lunettes ; ce qui lui offrait ce regard un peu halluciné. Il dévisagea Ichibei en silence, le saluant poliment, avant de retourner ses yeux vers moi.

« Pourquoi ? »

Ok, je m'excitais pour peu. Mais j'aurais vraiment aimé vous y voir vous, avoir un ami qui arrive à vous monter la tête sur quelqu'un, si bien que, même si vous n'éprouvez rien pour cette dites personne, vous en arrivez à rougir rien qu'à la prononciation de son nom : je n'étais clairement pas amoureux, mais du coup j'avais quand même pris la peine de me pencher sur Kojiro de plus près et apprécier son physique, sa façon d'être, un peu plus que la normale. Ça avait le don de me foutre en rogne, tout comme me rendre niais au possible, voir complètement timide. Ainsi donc ma pseudo-colère envers Zakuro était justifiée, même si je serais incapable de m'exprimer correctement quant à mon ressenti actuel.

« Vraiment ? Sasaki, mon cœur, tu troubles Ichibei. »

Mon cœur loupa un battement, je ne pouvais pas le nier. Pire encore lorsque mon regard croisa celui de notre interlocuteur commun, que j'aurais plus damner d'avoir un corps pareil, un visage pareil, bref, tout ce qu'il faut ou il faut pour qu'un mec tel quel puisse rentrer dans une de mes catégories de choix. Le pire fut bien la question suivie, un "pourquoi" dont mon cerveau n'avait pas réussi a imprimer la provenance exacte : j'étais déjà près à virer de l'oeil tellement j'étais gêné. Zakuro gagnait déjà la partie qui venait à peine de débuter, c'était donc loin, très loin d'être à mon avantage. Mais il fallait que je me reprenne et que de toute manière, je dise la vérité. Même en morse s'il le fallait.

« Pour rien. » Que j'étais lâche. « S'juste Zak qui arrive à me faire apprécier ton...physique. » Bordel, j'avais vraiment dis ça ? « Pas qu'avant je te trouvais moche hein !!! »

Si vous n'aviez jamais vu un pingouin danser la salsa avec une paire d'escarpin à talon aiguille de quinze centimètre...et bien sachez que là, c'était tout comme. Lâchant un soupire tout en fermant les yeux, pour me rassurer que je n'avais pas dis ça réellement, le brouhaha ambiant me fit revenir à la réalité rapidement, jetant mon regard sur le bras de Zak, avec la forte, très forte et désagréable envie de le faire hurler de douleur pour me mettre dans une situation aussi...ridicule.

« J'espère que tu lui as fais mal en salle Kojiro, histoire qu'il crie suffisamment pour ne plus avoir de voix et déblatérer des conneries aussi démesurées que l'ego des populaires ! »

Au fond, Zakuro était mon ami, un des rares, si ce n'était mon meilleur ami dans l'enceinte de l'établissement...et en dehors aussi après réflexion : mais parfois, il arrivait de souhaiter tout le malheur du monde à ses potes histoire de les remettre dans le droit chemin. Peut-être me trompais-je après tout, j'avais plus une thérapie à faire sur ma belle gueule que sur la sienne, mais c'était toujours plus facile de jeter la pierre aux autres...Mais passons, je n'avais pas eu l'occasion de voir Zak depuis quelques jours et le voir dans cet état...m'interpellait tout de même un peu : j'lui avais envoyé un sms de bonne année, vu que nous n'avions pas tout à fait passer la soirée ensemble, mais il était vrai aussi que je n'avais pas eu de retour.*

« Humpf...sinon, il t'es arrivé quoi là ? S'pas beau à voir. »

Je faisais genre j'en avais rien à faire, mais à le regarder du plus près, toutes ses marques n'avaient rien d'anodin, je pâlissais presque à vu d'oeil en réalisant l'ampleur de son état physique. Je savais qu'il arrivait à se foutre dans des situations plus comiques que dangereuse, mais là, c'était tout de même limite...


HRP : *Arrête moi si je me trompe, ça fait pas des semaines que Zak est dans cet état xD ?