₪ Académie Keimoo ₪

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 Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage

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MessageSujet: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyMer 31 Aoû 2011 - 18:41

    Suite de : Hellish Night

    NB : N'étant pas une habituée de la chose, ce n'est pas évident de faire des retours en arrière sans risquer les incohérences, alors j'espère que mon post est clair. Autrement, je tâcherai de le retravailler.

    ***

    L’effervescence des centres commerciaux fut un lot de consolation inestimable pour Myra Jefferson. Distraite et peu disposée à s’investir dans la recherche d’un lit confortable pour son nouvel habitat, elle était constamment tournée vers un passé proche. Il n’avait pas été des plus agréables, car rien ne s’était passé comme elle l’avait espéré. Pourtant, la journée avait démarré sous de bons auspices. Aucun conflit à l’horizon entre elle et l’adulte qui l’accompagnait, et un programme bien consistant pour la dissuader de penser à des choses peu raisonnables. Elle n’avait aucune minute vouée à l’ennui et à des réflexions métaphysiques, mais engloutie par la mécanique ahurissante d’une routine chamboulée, elle s’était faite dépasser par les évènements. Plantée devant l’industrie des lits, elle soupira et tenta désespérément de faire un choix. Pour commencer, devait-elle opter pour une ou deux places ? Dans la mesure où elle ne pourrait sûrement pas amener ses aventures d’un soir chez Renna, elle se focalisa sur les une place. Mais, d’un autre côté, elle avait envie d’un peu d’espace, car elle en avait assez de passer ses nuits dans une cage à lapin, comme c’était le cas au sein de l’académie Keimoo. Déambulant entre les rangées du magasin, elle s’accrochait désespérément au présent, qui avait tôt fait de se suspendre pour la ramener quelques heures en arrière. En effet, après avoir quitté l’appartement de mademoiselle Johnson, il s’était passé pas mal de choses, et nous les énumèrerons brièvement, tout en en précisant les conséquences néfastes.

    Après avoir confirmé les clauses du règlement concernant le projet de tutorat, les deux jeunes femmes avaient passé presque deux heures entières à cavaler, entre le garage où Renna récupéra son véhicule, l’académie ainsi que l’appartement du père de Mademoiselle Jefferson. Soucieuse de retrouver la majeure partie de ses affaires, elle avait traîné son professeur dans tous les endroits possibles et imaginables. Elle n’était même pas sûre d’avoir tout ramené, mais ce fut un soulagement de disposer d’un moyen de locomotion. Lorsqu’elles se rendirent à l’académie, Myra reprit possession de cette fameuse valise qui l’accompagnait lors de son retour fracassant, chaque année, au sein des dortoirs de Keimoo. Elle s’occupa de débarrasser sa chambre de ses quelques effets personnels, et après avoir bouclé le tout, annonça à son acolyte qu’elles allaient devoir effectuer un saut chez son père, où elle devrait pouvoir compléter sa garde-robe. Après avoir évalué l’espace que lui offrait la pièce gracieusement offerte par son enseignante, elle en avait conclu qu’elle pourrait largement se doter de tout ce dont elle souhaitait, sans être inquiète de la place que cela prendrait. C’était un peu comme si elle inaugurait sa première chambre étudiante, sauf qu’elle n’aurait pas la même indépendance dans la mesure où elle était sous la responsabilité d’une adulte. Par conséquent, elle put retrouver son cher et tendre ordinateur portable, son matériel de couture, et quelques souvenirs qui l’aideraient à tenir le coup en cas de profonde morosité. Elle fut tentée de récupérer en douce le stock de cigarettes entassé dans un tiroir près de son lit, mais raya directement cette idée de son esprit. Le plus important, c’était de jouer le jeu. Elle devait faire ses preuves, et à moins de s’attirer les foudres de sa tutrice, elle avait tout intérêt à se tenir à carreau.

    Suite à leur escale chez les Jefferson, direction les centres commerciaux. Les voilà qui se retrouvaient l’une à côté de l’autre dans une voiture, raisonnablement conduite par mademoiselle Johnson. Son étudiante ne pipait pas un mot, tandis que la radio n’avait pas été allumée. Un calme à la fois religieux et oppressant s’était instauré, car quelques péripéties s’étaient déroulées au cours de leur visite à l’appartement de monsieur Jefferson. Car pour cause, elle l’avait croisé, et il lui avait incidemment rappelé qu’elle n’avait pas le droit de mener son existence comme bon lui semblait, considérant sa demeure comme un hôtel. La confrontation avait été plutôt houleuse, et Renna y avait été impliquée, malgré elle. Tout se serait parfaitement bien passé, s’il n’avait pas osé ramener une autre femme dans son appartement, où elle logeait tout de même lorsqu’elle avait besoin de se ressourcer. Si en temps normal, elle l’acceptait sans broncher, son humeur massacrante de ces derniers jours l’avait rattrapée, et incitée à aboyer sur ce qui lui servait de père. Lorsqu’elles avaient pénétré dans le vestibule de son antre familial, des affaires traînaient de part et d’autres, et des sous-vêtements féminins qui n’étaient pas les siens, s’étaient égarés aux quatre coins du foyer. Excédée de constater que son paternel n’en faisait qu’à sa tête, elle l’avait débusqué dans les bras d’une femme à l’apparence quelconque, et aux formes peu plantureuses. Si encore il avait eu la délicatesse d’en trouver une qui soit un minimum raffinée, elle ne lui en aurait pas tenu autant rigueur. Cependant, probablement embarrassée par la présence de son professeur de mathématiques, elle avait cru bon de l’agresser verbalement, tandis que lui avait répondu par des soupirs dans un premier temps, puis par des reproches acerbes dans un second temps. Sois un peu plus raisonnable, lui disait-il. Tu n’es pas la dernière lorsqu’il s’agit de ramener n’importe qui sous ton propre toit, alors que tu ne connais pas ladite personne depuis plus de deux heures. Moi, je suis un adulte, clamait-il haut et fort sous l’air ahuri de sa progéniture. Et contrairement à toi, avait-il cru bon d’ajouter, j’ai parfaitement le droit de butiner comme bon me semble, car j’ai conscience de ce que cela représente. Lorsqu’il raisonnait ainsi, elle avait l’impression d’entendre un piètre adolescent qui s’octroyait tous les droits, au détriment de l’intégrité d’autrui. Alors bien sûr, on conviendra que cette querelle n’était pourtant pas si atroce que cela, mais monsieur Jefferson n’avait eu aucun tact, lorsqu’il avait ardemment prétendu qu’elle se comportait comme sa mère, avec ce même traditionalisme qu’elle s’était efforcée de fuir. Cette comparaison eut le don de faire exploser la jouvencelle, qui était devenue limite incontrôlable.

    Cette petite parcelle de leur altercation avait été la goutte qui avait fait déborder le vase. Et maintenant qu’elle se retrouvait seule en présence de son enseignante, elle n’osait pas prononcer un seul mot. Clairement, elle se sentait humiliée, et elle avait la désagréable sensation d’avoir été mise à nu. Ainsi, elle fit comme si de rien n’était, elles n’eurent aucune discussion digne de ce nom, et ce n’était pas comme si son enseignante l’avait incitée à la confidence. Bien au contraire, lorsqu’elles s’enfuirent de l’appartement, Renna s’était contentée de la suivre, en l’aidant éventuellement à porter quelques unes de ses affaires. Myra marchait d’un pas décidé, arborant une moue boudeuse, pinçant ses lèvres, contractant la mâchoire, et susurrant des jurons incompréhensibles à intervalles irréguliers.

    - Mademoiselle Johnson, que pensez-vous de celui-ci ?

    Retour dans le présent. Dans le magasin destiné au sommeil, elle pointa du doigt un lit simple, ni trop moderne, ni trop quelconque. Il comportait quelques touches d’originalité dans sa forme, et avait un aspect plutôt jeune qui pourrait convenir à la demoiselle. Cependant, encore fallait-il que Renna soit d’accord pour inclure au sein de sa maison, un objet qu’elle n’avait pas véritablement choisi. S’avançant en direction du produit, Myra se laissa tomber de tout son poids sur son matelas, plutôt ferme. Les bras écartés, elle fixa rêveusement le haut plafond, parsemé de spots aux lumières criardes. Subitement, elle se redressa, et s’amusant à rebondir légèrement sur le matelas, elle haussa des épaules et attendit que son enseignante impose son premier avis.

    - Vous avez des critères de sélection pour ce genre de choses ? Mine de rien, je ne suis pas très inspirée. Je vais avoir besoin de votre bon goût.

    En effet, le cœur n’était pas à l’aménagement de son cocon temporaire, mais à la résolution des quelques soucis survenus avec son père. Si ses duels intemporels avec sa mère étaient une source de divertissement, il s’agissait d’une torture lente et impitoyable lorsque son père était impliqué. Elle le considérait comme un modèle depuis toujours, mais il lui sembla que cette admiration se fanait, au profit de reproches qu’elle lui trouvait dans les moindres circonstances.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyMer 31 Aoû 2011 - 19:54

    « Bonjour et bienvenu au-- »
    « Au Sommeil de Morphée, oui on sait. Contrairement à ce que vous pourriez croire mademoiselle, nous avons des yeux pour voir le nom de votre magasin écrit en lettres surdimensionnées à l'entrée. Nous avons aussi des yeux pour voir ce nom sur toutes les étiquettes et pancartes en magasin. »
    « Ah eu... Oui. Est-ce que je pourrais vous ai-- »
    « Non, nous n'avons pas besoin de votre aide. »
    « Oh eu... Je vous laisse faire le to-- »
    « Oui merci. »

    Sans un regard en arrière, Renna poussa doucement le dos de son étudiante pour la diriger dans une allée transversale. Une veine bleuté semblait joliment trembler sur la tempe de son front, menaçant d'éclater dans les prochaines secondes. La vendeuse qui venait de se faire si injustement attaquée de mauvaise humeur resta un moment en plan à jeter un regard mauvais aux jeunes dames qui s'éloignaient, se demandant si franchement elle était assez payée pour endurer ce genre d'attitude. Son regard alla se perdre sur le visage d'un caissier un peu plus loin, qui croisa ses yeux et lui fit un joli sourire. Elle rougit et sourit à son tour avant de conclure que oui, son salaire était assez élevé pour endurer n'importe quel client mécontent, tant et aussi longtemps que Derek faisait partit du personnel du magasin. Renna fut, évidemment, tout sauf alerte à cette interaction entre la jeune fille et le jeune homme, trop occupée qu'elle était par sa mauvaise humeur et la jolie migraine qui l'accompagnait. De toute façon, rien de bien charmant n'aurait su sortit de sa bouche si elle avait été spectatrice à l'échange de sourire. Elle aurait sans doute pesté contre le manque de professionnalisme du personnel du magasin et demandé à voir le manager d'un air maussade, ce qui n'aurait sans doute pas du tout aidé son humeur présente. La question était la suivante : qu'est-ce qui avait bien pu rendre melle Johnson si maussade ? Après tout la journée avait si bien commencée, il était si rare qu'elle soit en présence de melle Jefferson quelques minutes sans qu'elle n'explose ou qu'une dispute n'éclate entre elles deux, alors que ce matin là elles avaient réussis à s'entendre. Elle avait même osé faire une blague, chose des plus inusitées d'autant plus que Myra était sans doute la seule personne au monde qui pouvait maintenant confirmer que melle iceberg avait bel et bien un sens de l'humour. Alors que s'était-il passé ? Qu'est-ce qui avait au juste brisé cette trêve, ce semblant de bonne humeur ? Ce n'était pas, contrairement à ce que l'on aurait pu croire, de la faute de melle Jefferson. Ne soyez pas si surpris voyons, l'étudiante arrivait à se tenir tranquille parfois et bien qu'elle soit l'obsession de Renna et une constante source d'agacement pour la dame, elle ne devait pas toujours être élue coupable quand la dame avait une humeur à tout casser. Non, Myra n'en était pas la cause. La cause de la mauvaise humeur de Renna se trouvait en se moment dans l'appartement qu'elles venaient de quitter hâtivement, vraisemblablement entre les cuisses chaudes de la jeune femme dans laquelle elles l'avaient laissé. Il s'agissait du paternel de Myra Jefferson en personne. Et il fallait l'avouer, question premières impressions celle-ci s'était plutôt mal déroulée.

    Non, il ne fallait pas repenser à ce bon à rien. Renna s'obstina à se changer les idées, comme elle s'était obstinée à se changer les idées depuis maintenant une bonne demie heure sans résultat. Si elle s'écoutait à l'instant, elle serait en train de flanquer un bon coup de pied dans la pile de matelas étiquetés à plusieurs centaines de yens sans plus tarder, au diable le risque qu'il y avait d'abimer ses chaussures de cuir. Elle serra inconsciemment les doigts sur l'épaule de son étudiante qu'elle tenait toujours depuis qu'elle avait poussé délicatement Myra vers le couloir et, s'en rendant compte, relâcha la pression en offrant à la jeune femme un regard désolé. Après quoi, la jeune dame feignit de s'intéresser à la description d'une base de lit de bois foncé quand en fait elle ne devinait même pas les mots. Ses sourcils froncés et son air ennuyé le prouvait bien. Il fallait l'avouer, magasiner pour un lit était quelque chose d'assez ennuyant, mais personne ne pouvait réellement être contrarié en lisant une simple pancarte inoffensive. Non, Renna repensait malgré elle aux événements de quelques minutes plus tôt. C'est avec un soupir qu'elle posa une main sur son front, cédant à l'appel de sa mémoire. Tout avait semblé pour le mieux au tout début, elles avaient visité l'académie sans embûches quand l'enseignante s'était attendue à devoir endurer la rencontre avec les amies de son invitée qui poseraient sans nuls doute des tonnes de questions. Elle ne s'était souvenue qu'il n'y avait plus de cours pour le reste de l'été qu'en notant l'aspect désert des lieux une fois sur place. Ses lunettes de soleil sur le nez et la main au volant de sa voiture rouge, elle avant attendu quelques instants le retoiur de son étudiante, puis décidé de l'accompagner dans ses efforts de transport, se sentant légèrement ridicule de rester inactive quand melle Jefferson faisait tant d'efforts. Ce fut ensuite que les choses se gâtèrent, quand Renna joua les taxis jusqu'à l'appartement du père de son invitée. Elle ne s'était pas attendue à tomber sur une telle décharge. Déjà en entrant, l'enseignante avait eu envie de ressortir. Le premier regard effaré sur une paire de sous-vêtements de dentelle de mauvais goût l'avait convaincue que ceci n'était pas le lieu pour vivre. Elle-même obsédée par la propreté et l'hygiène, fut complètement sidérée devant le bordel de l'appartement. Pendant bien des secondes, elle avait été si occupée à se choquer devant chaque traînerie, chaque déchet et chaque tache qu'elle ne remarqua pas tout de suite que le paternel de melle Jefferson était bien présent dans l'endroit. Renna commença tranquillement à monter dans une colère et une désapprobation immense en constatant l'état des lieux. Elle qui n,avait connu que propreté et espace, se voyait scandalisée devant ce trou miteux et sale. sans doute n'était-il pas si pire que cela lui semblait, mais l'enseignante avait vécu toute son existence dans un univers riche. Cette vision d'horreur la choquait horriblement. Elle pouvait comprendre le désir du paternel d'avoir de la compagnie féminine, mais de les laisser étendre leurs possessions intimes sur la surface de son espace vital ainsi ?! Quand Renna entretenait de la compagnie et qu'une malencontreuse jeune fille laissait tomber ne serait-ce qu'un tube de rouge à lèvres sur son comptoir, elle avait vite fait de la rabrouer. Ici, tout n'était que soutifs, slips, maquillage, pommades et même confettis brillants. Et tandis que Myra s'engueulait joliement avec son paternel, Renna fit lentement le tour du logis, ses yeux gardant leur aspect agrandit tout le long de ses observations.

    Ce fut quand elle vit la salle de bain que l'enseignante tira sa conclusion : Personne ne méritait de vivre dans ce trou. Il fallait vite qu'elle sorte melle Jefferson de cet environnement avant qu'elle n'en ressorte scandalisée à vie. La colère et l'indignation qui s'étaient montrés dans la jeune dame étaient maintenant à fleur de sa peau et n'attendaient qu'une toute petite provocation pour s'échapper de toutes les pores de sa peau blanche. La petite provocation se montra bien vite, quand Renna rejoignit le groupe dans le salon et qu'elle remarqua enfin la présence de l'homme sur le divan, entre les cuisses d'une pauvre jeune fille qui semblait bien gênée de voir ses attributs présentés d'une façon si indigne devant des étrangers. L'enseignante n'écouta qu'à moitié les propos tellement elle fut occupée à être complètement scandalisée par l'apparence du père de son invitée. Celui-ci ne possédait donc aucun savoir vivre, de s'adonner ainsi à des actes sexuels au beau milieu du salon et à en juger par les multiples condoms utilisés sur le sol, il ne connaissait pas non plus l'usage d'une corbeille. Renna avait finit par pincer les lèvres. De par ses souvenirs brumeux d'adolescence, elle se rappelait avoir vu cet homme bien plus propre et souriant apporter les vivres le soir chez lui, dans l'appartement voisin. Toujours le monstre aux yeux verts avait accueillit son gentil papa de sourires et d'amour. Était-ce là cet homme si important aux yeux de son étudiante ? Les mots commencèrent lentement à faire leur place dans l'esprit de l'enseignante et elle fut d'autant plus choquée par les propos blessants du paternel. Toujours elle resta spectatrice, fulminant intérieurement sans rien laisser paraître, ses bras pendant inutilement le long de son corps. L'enseignante se rappelait mentalement que ceci n'était pas de ses affaires et qu'il ne servait à rien de faire une scène. Du coup, quand Myra prit la fuite en la sommant de venir, elle s'était exécuté et avait machinalement ouvert la portière à son étudiante. C'est une fois que celle-ci se referma qu'elle hésita sur le trottoir. Myra lui posa une question, mais elle ne l'entendit pas. Elle se contenta de lui demander de l'attendre, puis retourna dans l'appartement d'un pas vif. Si le paternel n'eut pas le réflexe de prendre la fuite en entendant le martèlement de talons, c'est qu'il ne connaissait pas assez bien melle Johnson.

    Quand elle ressortit de l'appartement, Renna avait été un tantinet plus calme et satisfaite. Elle avait entré dans sa voiture et attendu quelques instants, fixant droit devant. De son rétroviseur elle avait pu voir la silhouette fuyante de la jeune fille qu'elle avait elle-même chassé de l'appartement avec ses fringues dans ses bras avant de lancer son sermon sur le paternel médusé devant sa réapparition. Sans un mot, elle s'était dirigé vers le centre commercial, où elles étaient maintenant toutes les deux. Renna se refusait de se souvenir de ce qu'elle avait dit au paternel, sachant que cela ne ferait que la faire bouillonner encore d'avantage. À la place, elle tourna la tête vers Myra et la regarda sauter sur le matelas d'un air enfantin si charmant. Un léger sourire décora ses lèvres à cet instant et elle se demanda comment diable un père pouvait abandonner une telle créature. Myra Jefferson était une perle dans un océan de détritus et même son père ne le voyait pas. C'était presque triste. Pour répondre à ses mots, Renna s'approcha et analysa le lit qu'elle trouva franchement raisonnable, mais elle fronça tout de même les sourcils. Ses yeux cherchèrent un moment aux alentours, puis tombèrent sur une version plus large du même modèle.


    « Ne seriez vous pas plus confortable dans un lit de cette taille ? Voyez comme c'est le même modèle que le simple, mais en plus grand. »

    Renna attendit quelques instants, sa main caressant le bois doux. Elle se souvint dans un moment de lucidité avoir jeté par la fenêtre du logis le contenu d'une boîte d'articles honteux qu'elle avait ramassé avec des gants de caoutchouc, incluant des slips, des bouteilles vides et ce genre de choses. Elle ne doutait pas une seule seconde que Myra l'ait vu faire de sa voiture, puisque la fenêtre avait fait face à la rue. Elle se souvenait aussi des protestations du paternel quant à ses agissements et de son expression de surprise quand elle lui avait lancé ses quatre vérités au visage d'un ton frigide et sec. L'enseignante n'avait pas l'habitude d'agir impulsivement, mais cette fois-ci elle avait décidément choisit de sortir de ses gonds. se remémorer ses actes causa à sa main se se serrer sur le bois. Elle prit une grande respiration et se retourna vers son étudiante avec un air plus calme.

    « Cette chambre sera la vôtre, je n'ai donc pas réellement de préférence, tant et aussi longtemps que vous choisissez quelque chose de raisonnable. Je tâcherai de vous donner mon avis, mais je souhaite réellement que ce soit votre chambre avec vos goûts et non les miens. Pour faciliter... la transition. »
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyMer 31 Aoû 2011 - 21:23

    Myra sourit légèrement à l’entente des dernières paroles de son enseignante. Elle se laissa porter par son opinion personnelle, et jaugea scrupuleusement le lit qu’elle désigna. En effet, il s’agissait du même modèle qui avait attiré la demoiselle, avec une taille un peu plus conséquente. Il semblait douillet, confortable, et tout à fait adéquat pour une jeune fille de son âge, qui avait un besoin insatiable d’avoir suffisamment d’espace vital. Elle n’était plus une enfant, elle avait le droit de faire des choix, surtout lorsqu’on lui en laissait volontairement l’opportunité. Pour une fois, elle pouvait imposer son avis sans être jugée sur ses critères de préférence, et elle pouvait se permettre quelques fantaisies afin que la transition entre l’appartement de son père et celui de Renna se déroule dans les meilleures conditions. Quand elle y repensait, elle avait honte. Sans savoir que son professeure avait connu de loin la famille Jefferson, Myra pourrait lui raconter qu’à l’époque, il n’était pas comme ça. Lewis Jefferson était un homme distingué, plutôt fier de sa vie, autant sentimentale que professionnelle. Il avait deux filles qui se distinguaient aisément par leurs personnalités opposées, mais il s’efforçait de les aimer également. Cependant, Myra avait toujours eu ce petit quelque chose en plus, qui l’avait convaincu de la magie de l’hérédité. Elle était véritablement de sa trempe, elle avait cette même ambition malencontreusement égarée au fil des années. En même temps que les projets gigantesques de la fillette s’estompaient au fil de soirées trop excessives, son père se targuait d’être un homme indépendant. Il avait conscience de ses atouts physiques, et en profitait allègrement, sans se demander si cela n’affecterait pas son enfant d’une façon ou une autre. En devenant une adolescente accomplie, Myra avait appris à respecter sa vie privée, sauf qu’il en venait à empiéter sur son propre bonheur. Désormais, sa seconde maison n’était plus vraiment la sienne, puisque de parfaites étrangères la monopolisaient jour après jour. Et lorsqu’elle s’essayait à débattre sur le sujet avec son père, il la rabrouait en prétendant qu’elle n’avait qu’à retourner à l’académie Keimoo si elle n’était pas satisfaite de son existence ici. Jusqu’à présent, nul n’avait pris connaissance des conditions particulières dans lesquelles elle subsistait, mais après mûre réflexion, sa manière de vivre pouvait tout aussi bien expliquer sa façon d’agir, d’appréhender l’avenir.

    Avec beaucoup d’intérêt, elle prit finalement ses aises sur le lit montré par Renna, et en testa également le matelas. Elle y mit tout son poids, puis s’assit sur son bord, et y fit rebondir son séant en s’amusant de son élasticité, comme précédemment. Elle ne souhaitait pas jeter son dévolu sur le premier produit, mais garda celui-ci en réserve.

    - Je ne préfère pas me précipiter dans mon choix, mais pour l’instant, je suis bien partante pour prendre celui-ci.

    Entre deux eaux, elle se souvenait petit à petit de ce qu’il s’était passé auparavant. Elle prenait à peine conscience des minces contacts corporels établis entre elle et son enseignante qui, en pénétrant dans le magasin, avait posé une main à la fois ferme et rassurante sur son épaule. Son étreinte avait été plutôt féroce, mais s’apercevant de sa maladresse, elle s’était empressée de la retirer. Pourtant, cet infime lien qui venait de se créer, avait conforté Myra dans l’idée que la situation n’était pas aussi désespérée. Par ailleurs, elle se demanda ce qui avait bien pu se passer entre elle et son père, une fois qu’elles avaient quitté l’appartement ensemble. Elle se rappela qu’elle lui avait sommé d’attendre sagement sur place, dans la voiture. Elle l’avait vue s’en retourner d’un pas assuré vers la bâtisse où logeait monsieur Jefferson. Leur entretien n’avait pas duré bien longtemps, mais il avait suffi à ébranler la douce partie de jambes en l’air de Monsieur, qui forcément, avait dû tomber des nus en voyant cette furie défendre sa fille corps et âme. D’ailleurs, en fin de compte, il ne savait pas ce qui les unissait exactement. Il avait cru comprendre qu’elles se connaissaient plus ou moins, et à travers les paroles abjectes que cette femme lui avait assenées, il avait deviné un besoin maladif de protéger sa propre fille. Ceci dit, il serait très surprenant que Myra tolère une figure adulte la dominant perpétuellement, puisqu’elle avait toujours revendiqué sa liberté ainsi que son je-m’en-foutisme. Elle n’avait jamais cessé de cracher délibérément sur les personnes plus âgées qui, sous prétexte qu’elles vivaient depuis plus longtemps, s’octroyaient des droits qu’elle ne trouvait pas légitimes. Elle partait du principe que l’âge n’était qu’un nombre, et que si le temps imparti jusqu’à présent n’avait pas été exploité comme il le fallait, alors, le fait d’être plus vieux n’aidait pas pour autant. Un vieillard plafonnant ses soixante ans, pouvait être bien plus idiot qu’un jouvenceau de vingt ans. Si malgré ses expériences considérables, il n’avait tiré aucune leçon à appliquer systématiquement, alors il ne pouvait avoir évolué. En contrepartie, si le gamin de vingt ans prenait soin de considérer toutes les critiques ainsi que toutes les expériences négatives endurées jusqu’à présent, alors il pourrait acquérir bien plus de maturité qu’un homme ayant gardé des œillères tout au long de sa vie.

    La Rebelle aux yeux verdoyants faussa compagnie au premier lit qui avait attisé son engouement. Escortée par Renna, elle explorait l’ensemble des rayons, et avait tendance à infliger des vents monumentaux aux vendeurs qui tentaient de l’attirer vers un produit bien plus alléchant. S’il y avait une chose qui l’agaçait au plus haut point, c’était les techniques de manipulation que certains commerçants exploitaient, afin de détourner les clients de leurs objectifs premiers. C’était de cette façon qu’en entrant dans un magasin avec l’intention d’acheter une bricole, l’on se retrouvait avec dix mille achats portés à bout de bras. Quand bien même si la fortune de Renna était conséquente, Myra ne voulait pas perdre de vue le fait qu’elle n’était pas chez elle, et qu’abuser de ses ressources serait indigne d’elle. Il y avait tout de même certains principes inculqués par sa mère qui lui étaient restés, et qu’elle suivait inconsciemment à la lettre. Cependant, après que ses états d’âme se soient calmés en la silencieuse présence de son enseignante, voilà que son Blackberry se mit à vibrer dans la poche droite de son pantalon. Lorsqu’elle l’en extirpa, elle en observa l’écran et vit le numéro de son père s’y afficher. Il n’était pas en train de l’appeler, il n’avait fait que lui envoyer un misérable SMS.

      Myra, il faut que l’on ait une sérieuse discussion toi et moi, à propos de cette femme qui s’est permise de foutre le bordel dans mon appartement. Rappelle-moi quand tu seras calmée. Papa.


    Comme il le faisait exprès, il prenait soin de signer son message. C’était une façon comme une autre de lui mettre la pression. Ceci signifiait clairement qu’elle lui devait des éclaircissements sur la présente situation, et ce, dans les plus brefs délais. Exténuée et inapte à débattre cent ans sur la même chose, elle ferma expressément le texto et remit son téléphone dans sa poche. En l’observant méticuleusement, n’importe qui aurait distingué une certaine anxiété. La contrariété arquait ses sourcils et donnait naissance à quelques plis entre eux, et sur son front. Ses yeux clignaient frénétiquement comme pour empêcher des larmes d’y perler, et les lèvres pincées, elle déglutissait plusieurs fois en une fraction de secondes. Clairement, elle était tracassée par cette histoire, et craignait que les paroles de son enseignante aient été aussi déplaisantes et dédaigneuses que celles qu’elle lui avait adressées auparavant. Feignant l’indifférence, elle poursuivit son expédition parmi les lits, et s’aventura sur l’un d’entre eux, moins spacieux que le précédent mais plus élaboré esthétiquement. Elle faillit faire totalement abstraction du texto récemment envoyé par son père, lorsqu’une seconde vibration naquit dans sa poche. Elle y enfouit une main tremblante, et en consultant son Blackberry, elle eut le malheur de constater qu’il lui avait envoyé un autre SMS, avec une connotation bien différente.

      Reviens s’il te plaît, je m’inquiète.


    Attendant que mademoiselle Johnson revienne près d’elle, Myra élabora mentalement une réponse susceptible d’apaiser les tensions. Cependant, elle avait juste envie de composer un message cinglant, dans lequel toute sa rancœur et son amertume s’étendraient en long, en large, et en travers. Renna entretenait une distance raisonnable par rapport à ses problèmes personnels. Tandis qu’elle et son père se disputaient comme des forcenés, elle avait gardé un silence implacable, jusqu’à se réintroduire soudainement dans l’appartement de monsieur Jefferson. En vue de la détresse contenue dans le texto de son père, elle se demanda si les douces et délicates paroles de son enseignante n’y étaient pas pour quelque chose, dans ce ton subitement mielleux et rassurant.

    - Je sais que ce n’est pas le moment et encore moins l’endroit, mais je peux savoir ce que vous avez dit à mon père ? Apparemment, il s’est passé de drôles de trucs lorsque vous êtes retournée dans son appartement. Il vient de m’envoyer deux textos. Est-ce que vous lui avez expliqué pour le projet de tutorat ?

    L’effervescence du magasin rendit la scène moins tendue que ce qu’elle aurait pu être dans un autre contexte. Effectuant une pause agréable sur l’un des antres de Morphée, elle fut presque tentée de s’assoupir ici même, afin de se réfugier dans des songes aux frontières invisibles, où tout serait emprunt de facilité et de gaieté. Le regard émeraude de la jouvencelle fixa intensément le visage glacial de son interlocutrice qui, apparemment, avait quelques scoops à lui transmettre. A moins que ce soit le fruit de son imagination, elle pressentait qu’elle avait des choses passionnantes à lui narrer.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyJeu 1 Sep 2011 - 2:57

    L'enseignante laissa les tests de son étudiante la distraire de sa mauvaise humeur, presqu'amusée devant l'innocence qui semblait transpirer de ses gestes méticuleux. Elle écouta les paroles et hocha la tête d'un signe bref de son approbation, continuant de suivre muettement son invitée sans passer de commentaires. À dire vrai elle n'était pas vraiment présente dans la scène du moment. Mine de rien les derniers événements l'avaient plutôt marqué et elle avait bien du mal à se ressaisir. Non pas qu'elle ait pété un câble injustement ou haussé le ton devant cet indigne paternel, seulement il était rare pour elle que de se mettre ainsi en spectacle et ce au nom d'une impulsion idiote. Parce qu'au final, elle n'était ni la mère ni l'amante de Myra et donc sa réaction avait été des plus poussée. Elle doutait qu'une enseignante autre que sa personne aurait fait autant pour une autre élève. Il fallait admettre quand même que Renna était reconnu pour son jugement implacable et péjoratif des gens et son sens critique. Elle était aussi reconnu de part et d'autres pour sa tendance à dire les mots trop crûment, sans les mâcher et sans se préoccuper de leur impact. Disons simplement que la délicatesse n'était pas dans ses cordes. La jeune dame n'aimait pas mincir les mots, quand elle avait une chose à dire elle le disait tout simplement et au diable les conséquences. Si la personne cible n'arrivait pas à gérer ses mots, alors c'est qu'elle avait eu raison de la considérer idiote en premier lieu, voilà comment était son jugement. Mais il n'arrivait pas souvent à l'enseignante de passer des sermons aux gens quand ils n'avaient pas de lien direct avec sa personne. Elle soupçonnait son obsession malsaine pour la jeune femme qui résidait maintenant temporairement avec elle d'avoir eu une main forte sur ce coup là. Néanmoins elle ne regrettait pas ses mots. La colère les avait fait sortir sèchement et froidement, certes, mais tout ce qu'elle avait dit à cet homme avait été juste, tout du moins selon elle. Une personne sainte d'esprit n'aurait pas non plus pu la considérer comme une folle à lier parce qu'elle avait lancé ces paroles, parce qu'après tout ses dires avaient été durs, mais véridicts et fondés. Malgré tout ce savoir, la dame avait du mal à passer à autre chose. Il lui semblait presque ridicule que de se forcer à magasiner pour un lit dans son état actuel, mais retourner dans son studio pour y broyer du noir ne semblait pas non plus la plus brillante des idées. Du coup, elle continuait à suivre son étudiante sans piper mot, la regardant à peine tester les matelas. Ce qui l'inquiétait surtout, c'était la réaction qu'aurait Myra quand elle raconterait le genre de trucs qu'elle avait balancé à la tête de son paternel.

    Cette inquiétude causa à son regard de rejoindre le visage de la dite étudiante, ce qui lui fit découvrir que celle-ci s'était arrêtée et fixait d'un air neutre son Blackberry. Renna détailla le visage et nota les agissements de la jeune femme quand celle-ci tâcha de reprendre ses activités en ignorant le message. Myra avait été affectée par ce qu'elle avait lut et vraisemblablement il s'était agit d'un message du paternel en question. Renna releva les yeux, gênée de devoir faire face à tant d'émotions vulnérables chez son invitée. Elle ne connaissait pas le protocole de ce genre de situation. Donnez lui de la colère, de la joie et même de l'agacement et elle saurait comment réagir, mais donnez lui de la tristesse, de la confusion et de la peine et la voilà bafouée. Cherchant une façon de laisser Myra tranquille tout en ignorant son soudain besoin de la rassurer, Renna lui tourna le dos pour fixer pensivement une structure de lit, feignant de l'observer quand en fait sa tête n'était pas du tout à ça. Elle continuait toujours de ne pas regretter ses paroles et espérait sincèrement que Myra n'allait pas lui demandait qu'elles fassent demi-tour. Elle n'avait aucunement envie de refaire face à cet homme et pensait sincèrement que la jeune femme devrait le laisser mariner dans ses regrets pour quelques jours, histoire de se venger un peu de sa négligence. Mais Renna était une personne rancunière, peut-être que le monstre aux yeux verts ne l'était pas et désirerait retourner voir son père. Après tout à ses dires, elle ne nourrissait aucun amour pour sa mère et donc devait être proche, logiquement, de l'homme. Renna n'avait jamais connu ce lien qui unissait parent et enfant. Elle ne détestait pas ses parents, non loin de là, mais la famille Johnson était frigide dans son amour. La jeune dame était fière de ses parents et lorsqu'ils se voyaient, par de rares occasions, ils avaient un souper familial tranquille et silencieux. Cela lui convenait. Mais elle connaissait assez la psychologie humaine pour savoir que la plupart des gens n'étaient pas comme elle. Bien souvent par le passé elle avait qualifié ce lien familial de faiblesse et avait rit des gens esclaves de cette faiblesse, mais la vérité était qu'elle ne trouvait pas ce genre de lien risible. Elle ne le comprenait pas, certes, mais elle l'enviait. Pas qu'elle l'avouerait un jour, non. Pas qu'elle en avait réellement de besoin non plus.

    L'enseignante se retourna à moitié, pour remarquer que la jeune femme qui l'accompagnée était de nouveau prostrée devant son Blackberry. Renna savait ce que cela signifiait. Elle pouvait deviner les questions dans le regard de Myra avant même qu'elle ne laisse sa demande sortir de ses lèvres pulpeuses. D'ailleurs, quand les mots fusèrent dans le silence, Renna fixa longuement la jeune femme sans réagir d'un poil. La douce musique commercial envahit l'espace entre elles deux tandis que l'enseignante cherchait les mots pour relater ses agissements. Elle finit par soupirer et se laisser choir élégamment sur l'un des lits, retirant ses lunettes pour jouer avec les branches de ses doigts blancs et fins, fixant le sol.


    « Ce que j'ai dit à votre père n'est pas réellement important. »

    Elle joua encore un peu avec les mots dans son esprit avant de les laisser s'exprimer, puis remit ses lunettes sur son nez et prit un ton un peu plus convaincu, plantant son regard gris bleuté sur le visage de son invitée.

    « J'ai commencé par lui révéler mon identité. Je lui ai dis que j'étais votre enseignante et que pendant bien des mois je me suis questionnée sur les raisons de la chute de vos notes et de votre attitude déplorable durant les heures de cours. J'ai ensuite ajouté que votre attitude me semblait puérile, surtout que je dénotait en vous un potentiel de grandeur infini. Je lui ai dit ensuite... Qu'en le voyait j'arrivais mieux à comprendre pourquoi une jeune femme qui avait tant de promesse se laissait aller de la sorte. »

    Renna n'avait pas été gênée de ses aveux, après tout il s'agissait de la pure vérité. Si Myra voulait le nier, à sa guise. L'enseignante ne révélait pas ses paroles pour se faire accepter, elle les révélait parce que l'étudiante le lui avait demandé et parce qu'elle croyait bon que la jeune femme comprenne sa pensée. Après une petite pause, elle continua toujours sur le même ton :

    « Je lui ai dit qu'il devrait avoir honte. Que cet endroit qu'il appelait logis n'était pas un endroit pour aider ses enfants à s'épanouir et encore moins le lieu adéquat pour développer une relation saine entre père et fille. Je lui ai dit que vous méritiez mieux qu'un père négligeant qui n'était jamais là pour vous écouter ou vous tenir compagnie. Puis je lui ai donné un cours d'hygiène en débarrassant son piètre salon de tous ces déchets et j'ai jeté ces déchets par la fenêtre. Il s'est mit à me lancer des indignations et à me demander pour qui je me prenait. Je l'ai ignoré, bien entendu. »

    La jeune dame regarda d'un oeil mauvais une autre cliente qui s'était arrêté pour écouter leur conversation discrètement. La dame sursauta avant de rougir de s'être fait prendre sur le fait et de prendre la poudre d'escampette. Il fut plus difficile après cet interlude pour l'enseignante de reprendre le fil de son discours, mais elle fit de son mieux, poussant un autre soupir.

    « Je l'ai informé de l'état catastrophique de vos notes scolaires et de mon intention d'agir en tant que tuteur durant tout l'été. Il sait aussi que vous vivrez chez moi, puisque j'ai fait un point d'honneur de lui rappeler que bien que vous ne nourrissiez aucun amour pour ma personne, il serait préférable pour vous de vivre dans mon studio que dans ce trou qu'il appelle maison. J'ai été je crois... Très directe sur ce que je pensais de son hygiène et de sa personne. Je crois que c'est tout. Oh, je lui ai aussi dit que s'il souhaitait sauver votre relation, il devrait bien vite se faire pousser une paire de testicules, les habiter et tâcher d'arrêter de jouer les geignards parce que c'était franchement pathétique et qu'au final, c'était plus vous qui s'occupiez de lui plutôt que le contraire. Je crois qu'avant de sortir en claquant la porte j'ai fait le commentaire qu'il devrait arrêter de vous dire qu'il était plus grand et plus mature quand clairement il était encore un enfant idiot qui avait vraisemblablement besoin d'une couche culotte. »

    Le regard de l'enseignante n'avait pas une seule fois quitté le visage de la jeune femme durant son discours. Encore maintenant qu'il est terminé, elle continua de fixer Myra sans laisser ses émotions paraître sur ses traits, attendant bien sagement une réaction de sa part. Voyant que le silence s'étirait, elle arqua un sourcil et ajouta :

    « J'ai peut-être oublié un ou deux commentaire désobligeants, mais je crois que c'est tout. Votre curiosité est-elle satisfaite à présent ? Si oui, j'aimerai que vous me disiez ce que vous pensez de ce matelas, je suis assise dessus depuis un moment et je n'ai pu m'empêcher de remarquer qu'il était des plus confortable. »

    Son invitation lancée, elle attendit que son invitée réagisse tout en la regardant intensivement. Pour une fois, elle semblait moins froide qu'à son habitude. Certes son ton avait été neutre et presque désabusé, comme à son habitude, mais il y avait ce je-ne-sais-quoi dans son attitude qui lui donnait des airs presque sincères.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyJeu 1 Sep 2011 - 21:14

    La douce musique commerciale que l’on pouvait aussi assimiler à une grotesque mélodie d’ascenseur, meubla aisément le silence qui s’ensuivit, peu après que Myra ait formulé sa demande. Soudainement, le temps semblait s’être glacé, tandis que les yeux émeraudes de la Rebelle se suspendaient à celles plus pincées et fines de son interlocutrice. Elle espérait y voir éclore des paroles empruntes de sincérité et d’encouragement, qui ne susciteraient en rien son inquiétude ainsi que son mécontentement. Elle se doutait que Renna n’avait pas été tendre avec son paternel, mais elle savait que ce n’était pas une mauvaise chose en soi. Etant donné que ses propres tentatives de conversation n’avaient pas fonctionné, être confronté à un jugement extérieur et donc plus objectif, avait dû secouer les bases immorales de son père qui devait sûrement s’en mordre les doigts. Le regret était l’un des rares sentiments qui le poussaient à se surpasser, surtout lorsqu’il s’agissait de son enfant. Contrairement à Lauren, Myra devait être constamment rassurée, valorisée, et encadrée d’une certaine façon. Mais il fallait la prendre avec des pincettes, car elle était capable de s’envoler à tir d’ailes au moindre faux pas. Renna avait déjà fait l’objet d’une telle situation, et s’apprêtant à en subir les conséquences durant les semaines à venir, elle commençait à comprendre le fonctionnement de son étudiante. Comme elle avait pu le suggérer, Myra s’accrochait ardemment à son père, car il était l’unique attache qu’il lui restait. A moins d’être capable de se débarrasser de certains sentiments, il lui paraissait inconcevable de rompre ce lien autrefois si fort et tenace. Il ne s’agissait pas d’une simple connaissance croisée dans les couloirs d’un lycée ou sur les bancs d’un amphithéâtre. Son père n’était pas n’importe qui à ses yeux, il avait une valeur incommensurable. Il traînait dans son sillage une carrière irréprochable, et de son point de vue personnel, il n’y avait pas homme plus admirable et persévérant que lui. Cependant, depuis qu’il avait rompu cette douloureuse étreinte avec son ex-femme, il abusait excessivement de sa liberté, en tant que célibataire endurci. Parfois, Myra se prenait à vouloir retrouver une vie de famille un peu plus conventionnelle, qui n’exigerait pas autant de self-control et de concessions de sa part. Après tout, Renna avait bien raison sur un point. Vu que Lewis Jefferson était incapable de prendre soin de lui, c’était sa fille qui prenait la relève en ce qui concernait les fioritures envahissantes du quotidien.

    De prime abord, lorsque l’enseignante de mathématiques prétendit qu’un tel règlement de compte n’avait aucune importance, Myra fut presque déçue de remarquer qu’elle se dégonflait. Ou alors, elle cherchait à la préserver d’éventuelles révélations blessantes, qui l’englueraient dans un maelstrom d’idées noires. Puis, l’adulte se ravisa et parvint à dévoiler les faits, les uns après les autres, prenant une profonde inspiration et manipulant la monture de ses lunettes parfaitement lustrées. Toujours confortablement avachie sur le matelas d’un des modèles, la Rebelle l’écouta sans l’interrompre. Quelques clients se plaignirent de ne pas pouvoir se projeter sur les produits parce que deux intruses les monopolisaient. Les snobant magistralement, les deux protagonistes poursuivirent leurs échanges tacites ou verbaux. Renna s’épancha sur les observations qu’elle avait pu faire de l’environnement de Myra, et émit pas mal d’espoirs sur ses capacités cachées. Si elle décortiquait son opinion, elle en déduirait que d’après son schéma, son père était l’unique fautif de ses lacunes. Dans des conditions de vie aussi caduques que celles-ci, il n’était pas évident pour un enfant de se consacrer pleinement à ses études. Même si Lewis s’entêtait à prétendre qu’elle n’avait pas à s’en faire, Myra avait cerné ses imperfections, et tentaient de les parer en prenant sous sa responsabilité des choses qui n’auraient pas dû l’être. Parallèlement, tandis qu’elle se noyait dans les vestiges d’une dynastie ruinée, elle fit l’expérience des fêtes arrosées, des voyages acides qui lui permirent de se déconnecter de la réalité, et ainsi de prendre de la distance avec les difficultés incluses. Comme les effets n’en étaient que plus savoureux et bénéfiques, elle avait fini par ériger des barrières entre celle qu’elle aurait pu être, et celle qu’elle se devait d’être afin de se protéger de tout ce qui la blessait inconsciemment. Toutefois, n’était-ce qu’une question de non-dits et de conflit intérieur irrésolu ? Ou est-ce que des facteurs extérieurs pouvaient être insidieusement associés à un tel tableau ?

    - Maintenant que j’ai votre version des faits, je ne sais pas si je dois me sentir touchée ou tout bonnement satisfaite face à ce que vous venez de faire. Je sais que vous n’avez pas été motivée par une banale envie de me défendre, vous n’avez fait que relever des observations à partir desquelles vous avez établi des hypothèses. D’autant que j’étais en train de me crêper le chignon avec mon père, ce qui vous a fait suggérer qu’il était le responsable de mes chutes scolaires, en partie parce qu’il ne m’a pas offert l’affection ou devrais-je dire l’attention que j’aurais pu quémander indépendamment de ma charmante conscience. Mais n’oubliez pas que je suis toujours en possession de mon libre-arbitre. Mon père n’est pas la Bête Noire, il n’est pas la cause de ce que je suis aujourd’hui. J’admets qu’il n’est pas parfait, et il me met à bout, à force de ramener n’importe qui à la maison. Mais comme je n’ai pas été docile avec lui, il a toutes les raisons du monde de m’en vouloir pour certaines choses. Vous avez assisté à une querelle au cours de laquelle ont ressurgi des problèmes que nous avions passé sous silence, par souci de ne pas froisser l’autre. J’en conviens, la communication n’est pas notre fort, et s’il y a bien une chose que j’ai obtenu de lui, c’est ma capacité à me voiler ma face.

    Quoiqu’il en soit, elle ignorait pourquoi elle déblatérait de telles idioties. Elles perdaient un temps inestimable en verbosités, alors qu’il leur fallait choisir un lit ainsi qu’un matelas à la qualité irréprochable pour la demoiselle. Prenant conscience de ses paroles inutiles et pompeuses, elle s’empressa de se remettre sur pieds. Elle se demandait encore ce qu’elle pourrait bien répondre aux textos de son père, mais réalisant qu’il lui fallait établir des priorités à partir de maintenant, elle opta pour l’option ouvertement proposée par Renna, à savoir de se mettre d’accord sur ce fichu arche de sommeil. Ni une ni deux, elle lui fit signe de se focaliser sur le matelas qu’elle venait de remarquer, et qu’elle testa à sa manière en le tâtant de l’extrémité de ses doigts. Faisant de même en y mettant tout son poids, Myra opina fermement, signifiant que son avis rejoignait celui de l’adulte.

    - Je pense que ce matelas, avec le lit que nous venons de voir, ferait très bien l’affaire. Qu’est-ce que vous en pensez ? Avec une telle qualité, je pourrai ramener autant de plans cul que je le souhaite. J’espère que votre appartement est bien insonorisé.

    Avant que Renna puisse répondre quoique ce soit à cette gentille provocation, Myra s’empressa d’interpeller une vendeuse qui passait par là. Il s’agissait de celle qui avait eu la mauvaise idée de saluer cordialement son professeur. Cette dernière lui avait répondu comme une vermine, et ce fut plus ou moins remontée contre ces ravissantes clientes, qu’elle accepta de les renseigner pour le transport des articles. Plantée devant l’enseignante, elle attendit que soient formulées d’éventuelles injonctions, tandis que Myra profita de cette légère diversion pour répondre brièvement à son père. Elle lui assura que tout allait pour le mieux, et qu’elle prendrait le temps de l’appeler lorsqu’elle reviendrait à l’appartement de son enseignante. Elle sourit en écrivant de tels propos, et reçut pour réponse des mots doucereux trahissant la désolation ainsi que la déception de son paternel. S’il croyait la revoir régulièrement après ce qu’il s’était passé, il pouvait se mettre un doigt dans l’œil. Aussi surprenant que cela puisse paraître, elle était beaucoup mieux chez mademoiselle Johnson, et se promit d’être la plus discrète possible en dehors de leurs innombrables séances de tutorat. De surcroît, cette affaire l’avait tellement exténuée qu’elle eut une soudaine envie de se poser dans un café, ou dans un quelconque endroit où elle pourrait savourer une boisson chaude. Revenant auprès de Renna, elle attendit que sa conversation tantôt houleuse tantôt formelle avec la vendeuse se dénoue.

    Son regard vagabondait dans les environs, et ce fut malencontreusement qu’elle croisa celui d’un visage très familier. Plissant les yeux et fronçant les sourcils, elle prit l’excellente initiative de reculer vivement et de disparaître du champ de vision de l’adulte, tandis que cette dernière complotait avec la commerçante. Le monde était beaucoup trop petit pour s’y sentir en sécurité, surtout lorsque l’on avait des choses à se reprocher, ou encore pire, à dissimuler. Cette fois-ci, la chance ne serait pas de son côté, car l’individu dont il était question l’avait également identifiée, et venait de pénétrer dans l’industrie du lit où il lui tint la grappe dans l’un des rayons principaux. Il ne s’agissait pas de n’importe qui, puisque le fameux garnement faisait partie de ceux qui avaient assisté au kidnapping de Myra. Il se souvenait encore de cette furie répondant au nom de mademoiselle Johnson. Il la revoyait agripper sa camarade par le col, tout en la traînant derrière elle telle une loque.

    - Hé Myra ! Quelle grande surprise ! s’exclama-t-il.
    - Qu’est-ce que tu fais ici, Kenichi ?
    - Je décuve en errant ici et là dans la ville de Keimoo. Ca a l’air de te poser un problème.
    - Pas spécialement, nia-t-elle catégoriquement.
    - La soirée s’est finie d’une drôle de façon pour toi en tout cas. Il y a des rumeurs qui courent sur le sujet. Comme quoi, Miss Johnson s’est enfermée avec toi dans sa salle de cours pour te torturer dans d’atroces souffrances. Cette femme est totalement tordue de toute évidence. Elle ne perd pas une occasion d’emmerder son monde.
    - Si tu le dis.
    - Alors, que s’est-il passé en fin de compte ?
    - Elle m’a remonté les bretelles comme tout enseignant qui se respecte. Tu sais comment ils sont avec moi depuis le temps. Une fessée morale par-ci, une fessée morale par-là.
    - D’ailleurs, c’est pas elle qu’on voit là-bas ?

    La tension monta d’un cran. Myra s’empressa de prendre le contrôle de la situation. Elle et Renna dans un même magasin ne pouvait pas être une simple coïncidence. Certes, beaucoup de personnes faisant partie de l’académie se rejoignaient ici à l’occasion de sorties entre amis. Mais vu la grandeur des centres commerciaux, il était peu probable de se croiser, surtout à une telle heure où les clients pullulaient un peu partout.

    - Je crois que tu hallucines légèrement, et puis, cette personne est de dos. Simple coïncidence.
    - T’as raison, je suis totalement déchiré de la veille de toute manière. Mais fais gaffe à toi. C’est pas mes affaires, mais par rapport à hier, ça cancane pas mal sur ton compte. Et sur celui de notre chère prof de mathématiques. Les murs ont des oreilles, surtout au sein de notre prestigieuse académie.

    Un sourire énigmatique fendit les lèvres de son camarade, qui daigna enfin lui fausser compagnie. En effet, le groupe de vermines qui l’accompagnait ne tarda pas à le rappeler à l’ordre. Trop affairés à explorer des boutiques autres que celles où l’on vendait des lits, ils ramenèrent Kenichi sur le droit chemin. Seule avec ses angoisses et ses pensées, Myra retrouva l’usage de ses poumons en évacuant le surplus de tension fraîchement accumulée, dans un souffle bruyant. Blanche comme un linge, elle se surprit à trembler légèrement, tandis que la découverte du pot-aux-roses n'était pas passée loin. Question de dignité, elle n'avait pas spécialement envie que ses nombreuses connaissances soient au courant de l'étrange accord qu'elle venait de passer avec Renna. Toujours fébrile, elle attendit que son camarade soit définitivement avalé par la foule, avant de se rapprocher de l’adulte, d’un pas peu avenant.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptySam 3 Sep 2011 - 15:01

    L’enseignante écouta patiemment les propos de la jeune femme qui lui tenait compagnie, le regard assombrit par ses pensées. Elle aurait voulut répliquer que, bien sûr, Myra n’était qu’aveuglée par son affection pour son père totalement illogique mais sous entendue de par les liens familiaux qui les unissaient et que c’était seulement pour cette raison qu’elle voulait lui enlever tout blâme, mais décida de se taire. Ses jugements logiques et raides lui attiraient souvent seulement des reproches ou de la froideur et elle se doutait bien que c’était ce dont elle avait le moins de besoin à cet instant précis. Au moins la jouvencelle admettait bien que son père était pour une infime partie de son comportement parfois incorrigible, c’était un début même s’il était maigre. Renna n’était pas assez naïve pour tout ficher sur le dos de l’homme non plus, elle savait que de faire ce genre de chose inacceptable était le moyen parfait afin de s’exempter de toute responsabilité. C’était d’ailleurs un comportement qu’elle méprisait plus que tout. En fuyant ainsi les conséquences de ses actes on ne faisait que remettre à plus tard l’inévitable et il fallait bien admettre que c’était une manière stupide d’agir et même de raisonner. Du coup, légèrement outrée que son étudiante ait pu mal comprendre ses propos, elle eut le réflexe de pincer les lèvres et de froncer les sourcils, cherchant à la reprendre, mais attendit quelques instants qu’elle termine ses dires. Laissant une pause raisonnable avant d’entamer sa correction, la jeune dame répondit :

    « Je comprends que vous ayez une relation privilégiée avec votre père melle Jefferson, mais cela n'excuse tout de même pas ses agissements. Je suis peut-être un pauvre juge du comportement que devrait avoir un parent, mais je suis tout de même convaincue qu'un père digne de ce nom devrait penser à autre qu'à son nombril. »

    Ce point fait, elle retourna bien vite au réel sujet de son agacement d'un ton un peu plus sérieux :

    Ne vous méprenez pas, melle Jefferson, mon intention n’était pas de mettre tout le blâme sur les épaules de votre père, ce serait des plus idiots de ma part et j’espère que vous avez assez de respect pour ma personne pour me donner plus de valeur que ça. Je sais qu’une partie de votre comportement provient tout simplement de votre personne, de votre personnalité et de vos expériences de vie. Je me doute aussi que votre mère a quelque chose à voir dans cette histoire, mais je sais surtout que la principale cause de la chute de vos notes n’est due qu’à vous-même. Pourquoi croyez-vous que je suis si dure avec vous durant les cours ? De vous voir ainsi vous tuer à petit feu n’est pas quelque chose que j’apprécie. »

    Ceci dit, elle tourna bien vite son attention sur les lits et freignit de s’en intéresser bien plus que de réalité, histoire de cacher un peu ses traits après ce discours un peu trop long à son goût. Renna avait encore un mal fou à s’habituer à faire ce genre d’aveux. Déjà de dire à Myra qu’elle considérait que la jeune femme avait un potentiel fou n’était pas habituel pour elle. La jeune dame préférait cacher son admiration pour ses étudiants afin que ceux-ci ne se sentent pas privilégiés ou supérieurs aux autres. Elle avait aussi remarqué que les jeunes prenaient souvent ce genre d’admiration pour une sécurité et arrêtaient de donner les efforts requis. En forçant ses élèves à se pousser dans le dos et à donner plus que leur maximum, la dame obtenait de bien meilleurs résultats. Certains la qualifiaient de tortionnaire et de dure à cuire, mais en fait elle faisait tout ceci pour le bien de ses étudiants. Il fallait dire aussi qu’il était des plus rares que quelqu’un attrape l’attention de la jeune dame, si difficile elle était sur les pauvres jeunes. Souvent, elle s’était même demandée si son attention envers mademoiselle Jefferson n’avait pas été simplement tirée de son obsession un peu trop persistante pour la jouvencelle qui ne faisait qu’augmenter avec le temps, à son plus grand désarroi. C’était sans doute la raison même de son dur traitement de la jeune femme. En se convainquant qu’elle détestait Myra, Renna se protégeait ainsi le cœur et s’assurait de ne pas se faire blesser d’un refus. Elle se protégeait également de l’inconnu et s’empêchait de commettre des erreurs en entrant sur un terrain inconnu. Il lui venait parfaitement à l’esprit que cette haine qu’elle avait fabriqué afin de se voiler la face n’était pas réelle et que si elle creusait plus profond elle découvrirait aisément de l’intérêt, voir même de la joie à découvrir cet être qu’elle qualifiait de monstre aux yeux verts. Elle découvrirait aussi que les efforts qu’elle faisait pour rester civile et rendre cette histoire de tutorat plus tolérable pour elles deux était déjà un pas vers une direction dangereuse pour ses précieux boucliers.

    Poussant un soupir et jetant un coup d’œil vers la jouvencelle qui était présentement en train de tester la fermeté du matelas où elle était assise comme demandé, l’enseignante détailla pour la énième fois ses traits avant de porter son attention autre part. Il devait être interdit de passer autant de temps à observer les autres, c’était franchement pas saint et elle était plus que certaine que se devait être illégal dans certains pays. Renna entendit ensuite les propos et hocha la tête en signe d’approbation, notant rapidement la présence d’une vendeuse dans les parages. Elle se leva et se rapprocha de la jeune femme avant de se rendre compte qu’il s’agissait de la jeune femme avec laquelle elle avait été plus que rude quelques instants auparavant. Cette réalisation la fit s’arrêter quelques instants, puis haussant mentalement les épaules elle continua son chemin.


    « Excusez-moi mademoiselle. »
    « Oui ? En quoi puis-je vous—Oh. C’est… C’est vous. »

    Le sourcil gauche arqué et l’air d’inviter la jeune femme à changer son attitude à cause de son identité, Renna attendit la suite de cette affirmation. Elle eut presqu’envie de répondre : ‘Oui, c’est moi’ d’un ton condescendant, mais se retint de justesse, jugeant que si elle voulait de l’aide il lui faudrait un minimum de civilité. Bien que cela lui coûtait beaucoup, d’autant plus que son humeur n’était pas bien meilleure que quelques minutes auparavant. Renna n’aimait pas les vendeuses souriantes et elle les aimait encore moins quand elle était de mauvais poil. Pas de bol pour… Sakura, comme l’indiquait son badge d’employée. La vendeuse sembla chercher ses mots pendant quelques instants, perdant son sourire avant de le retrouver.

    « En quoi puis-je vous aidez madame ? »
    « Je voudrais savoir s’il était possible d’acheter ce matelas, mais de le mettre sur la base de lit là-bas près de l’entrée. J’aimerais également savoir s’il était possible de changer la couleur du bois. Bien entendu, j’aimerais connaître les prix. »
    « Oui à toutes vos questions ! Voyez comme nous sommes gêner- »
    « Épargnez-moi vos blagues prémâchées mademoiselle, j’ai autre chose à faire. »
    « Oh je eu.. Je comprends. Laissez-moi... Aller chercher mon catalogue de prix. »

    Il s’ensuivit un joli ballet de dialogues et de frustrations diverses qui composent l’interaction client-vendeur habituelle. Renna était si concentrée à être méticuleuse et généralement invivable avec la pauvre vendeuse qu’elle ne remarqua même pas le départ de la jeune femme d’à côté d’elle. C’était dire sur sa distraction, quand le moindre des gestes de l’étudiante était pour elle la plus grande des fascinations. L’enseignante avait la réputation d’être très difficile et pointilleuse en matière de meubles, de couleurs et de vêtements. Devenue cliente particulière de plusieurs boutiques, on la reconnaissait aisément. Les vendeuses étaient venues à comprendre que quand Renna M. Johnson était dans le magasin, elle ne ressortirait que plusieurs heures plus tard, laissant derrière elle une vagues de dames et messieurs exténués et secoués, mais également qu’elle n’aurait certainement pas les mains vides. Certes, elle était difficile et sévère dans ses goûts, mais elle ne faisait jamais perdre le temps des autres. Malheureusement pour la pauvre Sakura qui courrait maintenant partout sous les ordres de l’enseignante blonde à talons hauts, elle n’était pas habituée à ses manies et donc aurait voulut mourir en ce moment précis. Le truc aussi c’est qu’elle n’avait pas du tout compris comment agir avec melle Johnson. On ne tentait pas d’être aimablr avec la professeur, on ne tentait pas non plus de parler de promotions ou de rabais. Tout du moins on ne faisait pas ces choses quand on ne voulait pas recevoir des regards noirs et de commentaires désobligeants. La vérité était que Renna méprisait le système capitalisme et les manipulations que trop évidentes que les gens tentaient d’user sur elle pour lui faire acheter des trucs inutiles. La meilleure façon de survivre à une séance de magasinage avec Renna comme cliente, était d’écouter ses demandes sans piper mot sauf quand elle demandait une information. Oh et être compétent. Au bout de plusieurs minutes, Renna savait tout ce qu’il y avait à savoir sur la base de lit et le matelas. Les composantes, les grandeurs exactes, le noms des designeurs, le pays d’origine, l’usine fabriquante et bien d’autres choses encore. Sakura était estomaquée et tenait bien droite au beau milieu d’un corridor où Renna l’avait laissée, choquée du travail qu’elle avait du faire et ce pour une seule cliente.

    Maintenant satisfaite de ses trouvailles, l’enseignante chercha des yeux Myra et se rendit soudainement compte que la jeune femme avait disparu depuis un moment déjà. Enfin elle la vit réapparaître et attendit qu’elle soit assez proche pour dire d’un ton très terre-à-terre :


    « Ils offrent la base dans toutes les couleurs de bois et je connais quelqu’un qui peut la peindre et la vernir pour donner un look laqué. Le matelas s’offre également dans toutes les tailles et si l’on achète deux oreillers l’ont aura un rabais de-- Mademoiselle Jefferson, est-ce que tout va bien ? »

    Renna continua de fixer étroitement son élève, aillant arrêté son discours après avoir remarqué qu’elle était des plus pâles. Elle attendit une réponse avant de continuer sa tirade.


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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptySam 3 Sep 2011 - 23:14

    Lorsque la langue de Renna se déliait, il n’émanait que des répliques acerbes ou vindicatives à l’encontre de la pauvre vendeuse. Répondant au doux prénom de Sakura, elle dut soumettre ses bons et loyaux services à une visiteuse particulièrement exigeante et soucieuse d’acquérir des produits de qualité. Elle la questionna sur bon nombre de détails superflus pour beaucoup, mais indispensables de son point de vue personnel. Myra n’osa pas la déranger pendant ses négociations. A dire vrai, elle était bien trop déboussolée et inquiète pour l’enquiquiner d’une quelconque façon, en la hélant comme s’il s’agissait d’un animal et non d’un être humain. Prochainement, elle bénirait peut-être le destin d’avoir mis cette femme sur son chemin, mais présentement, elle redoutait les conséquences de ce qu’elles étaient en train de faire. Qu’on se le dise, elles n’accomplissaient rien d’illégal ou d’immoral, mais l’assurance de la jeune Rebelle venait de prendre un coup. L’arrivée en fanfare de Kenichi n’avait fait qu’attiser une angoisse qui, à défaut de demeurer latente, devint dangereusement persistante. Elle croissait et se répandait en elle comme un poison, commandant le moindre de ses faits et gestes. Les membres tremblotants et son cœur manquant plus d’un battement, elle regardait autour d’elle. Instinctivement, elle cherchait à savoir si elles n’étaient pas exposées à des regards indiscrets, capables d’alimenter les pires rumeurs sur leur compte. Dorénavant, elle manifestait l’envie de progresser et d’améliorer ses conditions d’avenir, et à peine avait-elle commencé à nouer un lien avec son enseignante, que celui-ci lui évoqua horreur et hostilité. L’apparition de son camarade de classe ne faisait que la conforter dans l’idée qu’outre le projet de tutorat, il ne pouvait y avoir de sentiments allant au-delà de ce que pouvait ressentir une élève pour son professeur. Le mépris de son autorité et la constance de son entêtement devaient rester intacts, afin que rien ni personne ne puisse soupçonner quoique ce soit. Heureusement que les vacances estivales étaient là pour leur éviter de se confronter jour après jour au reste de l’académie Keimoo, car elle restait intimement convaincue que certains de ses amis ne verraient pas cette association d’un bon œil. Par-dessus le marché, elle savait les esprits si mal tournés, qu’elle imaginait tout et n’importe quoi.

    Autour d’elle, le monde vacillait, les silhouettes se confondaient, et le brouhaha imperturbable du magasin lui octroya une migraine effroyable. Elle avait besoin de prendre une grosse bouffée d’air frais, afin que toute cette tension inutile s’amenuise. Cependant, ne voulant pas contrarier les projets de mademoiselle Johnson, elle tenta de faire bonne figure en recouvrant un minimum de contenance. Lentement mais sûrement, elle inspira et expira à intervalles réguliers. Petit à petit, elle reprenait des couleurs. Elle s’humecta les lèvres pour en camoufler la brusque sécheresse, et cligna frénétiquement des yeux pour signifier à son interlocutrice qu’elle était fraîche et disponible pour répondre à toutes ses questions. Elle n’avait pas envie de l’alarmer pour ça, d’autant qu’elle trouverait bien le moyen de lui dire qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. Après tout, Kenichi n’avait découvert aucun scoop, et à moins d’avoir rusé, ce qui n’était pas dans ses habitudes, il était impossible pour lui d’avoir fait le rapprochement. La foule avait été une alliée de taille, pour parer à sa curiosité parfois malsaine et démesurée. Elle avait pu contourner la source du problème, mais ce ne serait pas aussi aisé tous les jours. Pour vivre heureux, il fallait parfois rester caché, mais il ne fallait pas exagérer en se comportant comme si elle avait réellement quelque chose à se reprocher.

    Consciente qu’elle s’en faisait pour trois fois rien et que son professeur commençait sincèrement à s’interroger, elle s’empressa de secouer la tête. De cette façon, elle chassa toute pensée néfaste de son esprit, et se concentra sur des choses bien plus gaies et enthousiasmantes. D’après les dires de Renna, le magasin disposait d’une base pour les lits de toutes les couleurs de bois existantes. Par ailleurs, elle proposa les services d’une connaissance capable de donner une seconde vie à ce meuble. Elle lui expliqua ensuite que le magasin faisait des rabais dans certaines circonstances, puis elle s’immobilisa comme si le temps s’était arrêté, et que seul Myra détenait le sablier capable de modifier le cours des choses. Si elle pouvait retourner ce fameux sablier, elle serait en mesure d'anticiper la venue de Kenichi, et elle aurait la pertinence de lui tenir sagement la conversation, sans favoriser la suspicion. Seulement, si chacun raisonnait comme elle, on ne finirait pas de s’en mordre les doigts après avoir fait un choix, qui aurait pu être autre si on avait eu un peu plus de jugeote. Cette fois-ci, elle avait été dépassée par les évènements. Un facteur hors norme que l’on appelle le hasard, avait eu l’indélicatesse de frapper à sa porte et de s’introduire sur scène, mettant nos deux protagonistes sous les feux ardents des projecteurs.

    - Je vais parfaitement bien. C’est la foule qui me met dans cet état, je me fatigue très rapidement dans les lieux publics. J’ai l’impression d’étouffer mais ça ira mieux lorsque nous sortirons du magasin.

    Ce mensonge était parfaitement incohérent, étant donné qu’elle fréquentait assidûment des fêtes, où les gens étaient collés serrés dans une salle parfois trop petite pour les faire entrer dans leur totalité. Tardivement, elle entrevit le manque de logique de sa réplique, et espéra du fond du cœur que Renna n’irait pas chercher midi à quatorze heures. D’un autre côté, il ne serait pas surprenant qu’elle aille mettre le doigt sur un détail aussi infime, car elle avait un esprit bien trop vif pour se faire duper de la sorte. Elle était enseignante. Par conséquent, elle était toujours confrontée à des visages qui essayaient de lui mentir sur un devoir non-fait, ou qui s’amusaient à la provoquer en ravalant pourtant leur appréhension. A force, elle avait sûrement appris à capter des signes très révélateurs qui lui évitaient de perdre son temps, en attendant que le principal concerné daigne cracher le morceau. Et tandis qu’elle prenait racine devant l’adulte, la demoiselle aux yeux verts tenta de trouver une autre excuse un peu plus potable, mais elle comprit que ce ne serait pas la meilleure façon de paraître crédible. Ce qui venait de se produire n’avait aucune importance. Ce qui comptait, c’était sa réussite scolaire, et l’éveil de son esprit qui ne demandait qu’à être davantage instruit. Motivée par cette perspective, elle bomba légèrement la poitrine, et incita Renna à poursuivre le discours qu’elle avait entamé.

    - Et donc vous dites que le magasin fait un rabais lorsque l’on achète deux oreillers en plus du matelas. C’est une affaire intéressante. Et de combien serait ce rabais justement ? Je pense que nous devrions sauter sur l’occasion. Tout à l’heure, j’ai aussi entraperçu le rayon où ils proposent plusieurs parures de lits correspondant à des dimensions bien précises. Si on se décide maintenant sur le modèle que l’on va prendre, autant se procurer ça dans la foulée, qu’est-ce que vous en pensez ?

    Elle attendit que Renna formule sa réponse. Puis, elle tourna les talons dans le but de rejoindre ce fameux rayon où plusieurs parures de lits étaient préalablement emballées et mises à disposition d’éventuels clients intéressés. Ses yeux les parcoururent l’une après l’autre, et se stoppèrent sur un tissu plutôt coloré, dont les motifs abstraits lui rappelaient les écharpes qu’elle cousait quelques fois pendant ses séances au club. Elle songeait à avoir une touche de gaieté dans sa chambre, afin que les journées moroses se transforment en espoirs vivaces. Etant donné que ce serait elle l’heureuse habitante de cet antre décoré sur mesure, autant se faire plaisir en y ajoutant une grande parcelle de sa personnalité. Le regard pétillant d’envie et de satisfaction, elle finit par pointer la parure du doigt tandis que Renna venait dans sa direction. Elle manifesta clairement son contentement face à ce produit, et fouina les étalages dans l’espoir d’y trouver les dimensions adéquates. Lorsqu’elle mit enfin la main sur l’objet tant convoité, elle poussa un soupir de soulagement, et se demanda s’il existait des oreillers assortis. Inutile de préciser qu’elle entreprenait tout ceci pour oublier les petits tracas naissants. Outre sa querelle avec son père, et l’intrusion inopportune de Kenichi, elles passaient une journée tout à fait normale, ponctuée par des confidences palpitantes l’une sur l’autre. Myra retint que l’opinion de Renna n’était pas à prendre à la légère, et que si elle faisait tout ceci pour elle, ce n’était pas uniquement par pitié ou par flatterie, mais parce qu’elles en tireraient un profit réciproque.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyDim 4 Sep 2011 - 16:50

    L'enseignante avait arrêté sa tirade quand enfin son regard avait su capter les ondes de malaise et de légère panique qui émanaient de son étudiante. Elle avait un sixième sens pour ce genre de choses, soit déceler les émotions sous cutanée des élèves. Il avait fallut qu'elle développe ce sens après tout, un professeur digne de ce nom devait être capable de voir au delà des moues de ses étudiants et des divers mensonges qu'ils tentaient de lui faire gober. Renna avait cru remarquer depuis le temps que les jeunes gens avaient tendance à croire le personnel enseignant malhabile du côté intellectuel, ce qui était totalement illogique et ne manquait pas de la faire rire chaque fois qu'elle revoyait un exemple de cette remarque. Ils se croyaient souvent tous plus malins qu'elle, à jouer les martyrs et les âmes en peines, sortant même la carte de la larme lorsqu'en venait le besoin. La jeune dame ne pouvait tout simplement plus compter le nombre d'étudiants lui ayant sortit l'excuse d'une grand-mère décédée récemment pour excuser leurs devoirs non faits ou encore un examen manqué. Le plus drôle, c'est que certains s'amusaient à sortir cette excuse trois fois au courant de l'année et Renna doutait fort qu'une personne puisse posséder trois grands-mères, à moins de venir d'une famille bien compliquée. Qui plus est, le fait qu'elles meurent toutes en même temps et exactement le jour des examens était des plus louches. Bref, avec le temps l'enseignante avait développé un sens très fin du mensonge et des signes imperceptibles qui l'identifiait. Même avant son expérience en tant que professeur, Renna avait toujours eu un talent pour comprendre les non- dits et les choses cachées derrière des mensonges. Il lui arrivait très souvent de rire des efforts pathétiques des autres pour cacher une faiblesse ou un secret et à se demander comment diable certaines personnes se faisaient duper par de telles choses. Ce sixième sens en ce moment s'agitait dangereusement dans un signe clair que quelque chose de louche se tramait dans le coin de Myra Jefferson. Notamment, le fait qu'elle ne la regardait pas en face en parlant et qu'elle semblait hésiter sur ses mots, cherchant rapidement une solution pour cacher son malaise. Bien sûr, la raison qu'elle donna était elle aussi bien ridicule et aurait pu en elle-même l'aviser du mensonge. Au lieu de souligner le mensonge à voix haute et de lui en demander la raison, Renna haussa lentement le sourcil droit tout en continuant de fixer la jeune femme sans piper mot. Son air soudainement presque sévère aurait convié à n'importe qui qu'elle n'avait pas été dupée et que bientôt un commentaire désobligeant enfreindrait le barrage de ses lèvres pincées. Curieusement cette fois, la jeune dame se contenta simplement de fixer longuement son étudiante comme pour lui faire comprendre qu'elle avait comprit que sa raison avait été une façade, mais ne passa aucun commentaire. Elle eut même la délicatesse de ne pas poser de questions et d'accepter le changement de sujet pas du tout subtil sans d'autres artifices.

    « C'est une bonne idée, je vous suis. »

    Les mots ne possédaient ni malice, ni sarcasme ni encore moins de condescendance. Ils étaient juste là, posés négligemment, tandis que l'enseignante suivait effectivement son étudiante en direction des parures de tissus sans d'autre commentaire. Il était certes étonnant de voir Renna agir de la sorte, d'autant plus qu'elle était reconnu pour nourrir une aversion sévère pour le mensonge. Était-ce à cause de leur entente qui ne tenait qu'à un seul petit fil ? Avait-elle voulut sauver leur contrat en se taisant ? Oui et non. En fait, si l'enseignante n'aimait pas le mensonge, elle pouvait comprendre sa nécessitée. Tout le monde avait des secrets, c'était bien reconnu et un secret de par sa définition est quelque chose que l'on ne veut pas que les autres découvrent. Elle avait conscience qu'elle n'était ni l'amie ni une quelconque connaissance de Myra et que donc elle n'avait, en tout logique, aucun droit sur sa personne. L'étudiante avait droit à sa vie privée et si elle ne souhaitait pas lui confier ce qui la tracassait, c'était bien son droit en tant qu'être humain. Renna elle-même détestait que l'on tente d'entraver son intimité et nourrissait une aversion encore plus poussée que celle du mensonge envers les gens trop curieux. Au lieu d'utiliser le mensonge pour cacher ses propres secrets, elle usait de l'acide et de la condescendance, un outil tout aussi puissant mais curieusement beaucoup moins apprécié de la population en général. C'était d'ailleurs un point qui ne manquait pas de la faire s'exclaffer quand elle y pensait bien. Les humains clamaient haut et fort qu'ils désiraient une vie honnête et exempte d'hypocrisie, quand ils préféraient se mentir plutôt que d'être trop directes. C'était d'un risible...

    Mais donc, la dame comprenait que Myra ne voulait pas parler de son trouble et respectueusement se retirait le droit d'en demander d'avantage. Si la jeune femme voulait plus tard lui confier les raisons de son malaise, elle serait heureuse de l'écouter, mais pour le moment considérait la chose comme passée. Tout du moins, l'étudiante devait avoir compris que le mensonge avait été débusqué et non apprécié, mais qu'elle en comprenait la raison et qu'elle n'insisterait pas plus avant. Elle espérait seulement que la communication télépathique était dans les cordes de Myra ou alors qu'elle arriverait à capter tout ceci dans son regard et son haussement de sourcil, une chose quelque peu malaisée, il fallait bien l'admettre. L'enseignante suivit donc comme promis son étudiante dans les rayures de parures, jetant un oeil distrait sur les modèles et sourcillant devant certaines couleurs trop vivantes. L'enseignante avait tendance à ne pas apprécier le surplus de coloration et les motifs trop joyeux, au lieu d'égayer son esprit cela ne faisait que la rendre maussade. À croire que Renna était vraiment quelqu'un d'hors norme, pour ainsi défier les lois du client. Elle remarqua que son invitée s'était arrêtée devant une parure convenable et observa elle aussi le motif de goût. Après l'avoir soigneusement inspecté au peigne fin, passant des doigts apparemment experts sur le tissus et testant le tout de son regard, elle hocha la tête avec approbation sans piper mot et releva les yeux pour remarquer que Myra n'était plus à ses côtés. Son regard chercha les allées adjacentes où elle devina la jeune femme brandissant triomphalement la parure de tissus emballée. L'enseignante alla la rejoindre, prenant au passage deux coussins dont la couleur irait, à son avis, à merveille avec le modèle que la jeune femme avait daigné choisir. La rejoignant et remarquant qu'elle semblait chercher quelque chose, elle présenta les cousins avec une expression ouverte.


    « Je ne crois pas qu'il existe de coussins assortis à ce modèle, mais de toute façon je pense que ce serait abuser du motif. Il y a plusieurs coussins unis qui pourrait faire ressortir l'une ou l'autre des couleurs du motif que vous aimez, qu'en pensez-vous ? »

    Renna remarqua sans vraiment le vouloir que malgré le fait que le mensonge était passé et qu'elles étaient passé à autre chose, Myra ne semblait pas totalement sortie de son sentiment de malaise. Elle hésita un moment, ne sachant trop comment agir face à cette complication. D'un côté elle aurait voulut continuer de prétendre comme si rien n'arrivait d'anormal et ainsi sauvegarder la vie privée de son étudiante, mais de l'autre si la chose la dérangeait à ce point peut-être devait-elle insister. L'enseignante n'avait jamais été dans ce genre de situation auparavant. C'était sans doute surprenant pour quiconque d'être si confuse devant un comportement humain des plus ordinaires, mais il ne fallait surtout pas oublier que la jeune dame n'avait pas beaucoup d'amis et qu'elle n'interagissait pas souvent avec autrui. Ou alors si elle le faisait ce n'était pas dans un but agréable ou sociable, mais plutôt dans un univers sombre. Renna parlait avec les gens pour les critiquer, les insulter, leur reprocher quelque chose ou leur dire de se mêler de ce qui les regardait au lieu de lui poser des questions stupides. Il lui arrivait parfois d'être courtoise et polie, quand elle commandait un café notamment ou qu'elle était de très bonne humeur, mais jamais encore elle avait du jongler avec une personne ayant des soucis. Il lui semblait que peut-être il convenait de dire quelque chose pour rassurer un tant soit peu l'étudiante, mais quand elle se décidait à le faire elle avait la malencontreuse réalisation qu'elle n'avait aucune idée de quoi dire. Finalement, frustrée de se retrouver dans une telle impasse, elle finit par pousser un soupir et réfléchir. Elle avait entendu de nombreuses fois que lorsque l'on se demandait comment agir avec quelqu'un, il fallait se mettre à la place de l'individu en question et réfléchir à ce que l'on préférerait nous-même si l'on se sentait comme notre vis-à-vis. Comment voudrait-elle qu'une autre personne réagisse si elle était dans cette situation ? Vraisemblablement elle serait frustrée et grincheuse et aurait simplement envie qu'on lui fiche la paix, ce qui ne l'aidait pas du tout à cet instant précis. Voyons... Soudain, cela la frappa de plein fouet. Quand elle se sentait ennuyée ou contrariée, Renna aimait faire un tour dans un restaurant ou un café tranquille histoire de se changer les idées. Sur le coup, elle hésita quelque peu, sachant qu'il faudrait bien qu'elles commencent leur contrat si elles voulaient avancer mais... Était-ce réellement conseillé que d'étudier dans une telle ambiance ? Et puis mine de rien, en faisant ces emplettes ensemble, Renna avait eu la nette impression qu'elles apprenaient toutes deux à comprendre l'autre et ses limites. L'enseignante avait aussi remarqué qu'ainsi elles s'arrachaient moins les cheveux et semblaient plus calmes en compagnie de l'autre. Peut-être que leur première journée devrait se faire en douceur... ? Prenant sa décision, l'enseignante descendit doucement ses mains contenant les coussins et demanda sur un ton presque doux :

    « Mademoiselle Jefferson, en vue des événements de la journée et de l'heure qui se fait tardive... Je me demandais si cela vous conviendrait que l'on aille manger dans un restaurant du coin après en avoir terminé ici. Je crois que de commencer à étudier si tard en après-midi serait bien inutile et... Et bien que vous tentez de le cacher, je devine aisément que quelque chose vous distrait, ce qui n'aidera pas votre concentration. Donc voici ce que je propose : nous terminons ici l'achat de votre lit et des accessoires requis pour votre chambre, puis direction le restaurant et ensuite l'on passera le reste de la soirée à vous installer dans votre nouvelle chambre. Par contre, il faudra que vous me fassiez la promesse que demain sera une journée consacrée à l'étude. Qu'en pensez-vous ? »

    Elle attendit quelques instants que la jeune femme lui fournisse une réponse, puis songea que peut-être elle devrait lui laisser du temps pour y songer et attrapa une vendeuse au passage, différente de la pauvre Sakura pour lui demander quelques informations sur la jolie parure en attendant que Myra réfléchisse à son offre. Le tout terminé, la vendeuse quitta les lieux avec la parure en mains vers la caisse et la promesse qu'elle aurait les informations sur la base de bois d'ici peu. Renna se retourna à nouveau vers la jeune femme et lui demanda :

    « En attendant, il faudra quand même en finir avec ce lit. Maintenant que nous avons la parure, quelle couleur pensez-vous qu'il serait bon de prendre la base de bois ? Personnellement j'opterai pour une couleur de bois naturelle, soit foncé soit pâle. Je voulais vous dire plus tôt aussi que si vous le désirez, nous pouvons aisément repeindre les murs. La peinture de cette pièce était là quand je me suis installée et je n'ai pas d'affection particulière pour la teinte. Le seul réel élément qui ne peut pas changer est le plancher de bois qui, je vous rappelle, est brun foncé. »
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyDim 4 Sep 2011 - 19:53

    Renna avait raison de rester sur ses positions, quand bien même si le mensonge de son étudiante pouvait être reniflé à des kilomètres à la ronde. Il y avait des sujets sensibles qui ne s’abordaient pas en claquant des doigts, car ils amplifiaient des sentiments désagréables que l’être concerné subissait silencieusement. Dans le cas présent, Myra n’avait pas envie de remettre toutes ses contrariétés sur le tapis, car elle pensait s’être trop donnée en spectacle, pour une première journée passée ensemble. Son père avait été une péripétie de taille, mais elle percevait ce conflit positivement, puisqu’il avait permis à son enseignante de mieux la cerner, et d’entreprendre une approche plus subtile vis-à-vis de son élève. C’était bien connu, un esprit jeune était vif, mais aussi plein de complexité et de contradictions propres à l’humanité. Il butinait de doute en doute, s’affairait à accorder trop de considération à des choses superflues voire insignifiantes, et ne savait pas toujours établir ses priorités. Ainsi, si la Rebelle aurait pu s’abstenir de déballer ses problèmes familiaux, elle pouvait en revanche prendre l’excellente initiative de confier à Renna tout ce qu’elle avait entendu de la bouche de Kenichi. Il s’agissait de sa réputation en tant que professeur et donc, en tant qu’employée d’un établissement scolaire aussi prestigieux d’apparence que pour son enseignement. Elle avait le droit de savoir à quel point ça jasait sur son dos. Des langues venimeuses risqueraient de se délier à son encontre, sous prétexte qu’elle avait souhaité faire preuve de professionnalisme et de compassion. Mais totalement dépassée par ses tumultes affectifs, la jouvencelle ne pipa aucun mot sur la question, et se consacra exclusivement à leurs investigations actuelles. Elle ne tarda pas à comprendre que l’adulte avait perçu son mensonge, mais ne releva rien. Elle lui fit confiance quant au fait de ne pas la harceler lorsque quelque chose la taraudait. Sensiblement, elle avait saisi le bénéfice du silence, tout en se faisant complice de l’esquive d’un problème qu’elles allaient pourtant devoir affronter ensemble. Pour l’heure, la teneur de leur relation n’était pas compromettante, mais tout n’était qu’une question d’apparence dans notre société, et il suffisait d’un maigre quiproquo ou d’un « fourchement » de langue accidentel pour soulever une polémique et alimenter des débats. La foule se pourlècherait les babines, à la recherche de potins exposés délibérément dans un journal, conçu pour assouvir la curiosité des plus influençables. D’ailleurs, Myra avait récemment entendu parler de cette personne qui s’amusait à colporter des ragots sur le réseau Keimoo. Lorsqu’elle avait hasardeusement cliqué sur le lien, elle avait assisté à de véritables révoltes dans les commentaires. Certains individus raffolaient de ce genre de choses, tandis que d’autres trouvaient cela immoral, car l’être humain se voyait ainsi dépourvu de son intimité.

    Pour en revenir à leurs emplettes, Myra apprit qu’aucun coussin assorti à la parure de lit n’existait. Quelque peu désarmée par cette révélation, elle se fit conseiller par son professeure. Elle opta pour le choix de coussins à la couleur unie, afin de contraster avec l’aspect trop clinquant du dessus. Approuvant totalement cette astuce purement esthétique, la Rebelle alla se procurer deux coussins douillets mais de couleurs différentes. L’un serait rouge bordeaux, tandis que l’autre serait d’un jaune doux et pâle, presque beige. De cette manière, il y avait un rappel des deux coloris principaux de la parure, parmi des motifs moins majoritaires. Satisfaite de ses trouvailles, elle les observa les unes après les autres, et se projeta à nouveau dans la pièce prêtée par Renna. Le résultat serait sûrement très concluant, à l’image de sa personnalité partagée entre joie excessive et morosité assommante. Au moins, elle ne serait pas dépaysée, et se sentirait comme chez elle. Pendant deux mois, il lui faudrait s’adapter à son nouvel environnement, et jusqu’à présent, elle s’en sortait plutôt bien. Il ne lui restait plus qu’à assimiler parfaitement le fonctionnement psychologique de son enseignante, après quoi elle serait parée à triompher de toutes ses difficultés scolaires. Cependant, elle était gênée de constater que Renna pouvait lire en elle avec une facilité déconcertante. Lorsqu’elle ouvrit une nouvelle fois la bouche pour lui confier ses pressentiments, de légères rougeurs colorèrent les joues de Myra. L’espace d’un instant, elle avait cru que son jeu pitoyable d’actrice ferait l’affaire, mais ses mimiques ne trompaient pas. Elles ne faisaient que la trahir un peu plus, comme lorsque sa voix tremblotait tandis que la tristesse la prenait à la gorge et lui retournait l’estomac. Malgré elle, l’anxiété générée par sa conversation avec Kenichi se manifestait somatiquement, ce qui la contraignit à se rendre à l’évidence. Mais alors qu’elle aurait pu cracher le morceau, elle ravala ses mots et fut à la fois enchantée et rebutée par l’invitation de son enseignante. En effet, après une journée aussi mouvementée que celle-ci, elle lui proposait d’aller manger dans un restaurant. Myra ne s’attendait pas à ce qu’elle l’emmène dans un petit pub assidûment fréquenté avec ses potes. Elle visualisait plutôt un lieu chic et soigné, dont le personnel serait tiré à quatre épingles, et la nourriture très savoureuse. Elle craignait de devoir s’adonner à des mondanités auxquelles on ne l’avait jamais habituée. Déjà que son éducation était bancale, elle se voyait mal s’introduire soudainement dans un univers de strass et de paillettes, où la bonne franquette faisait place à un raffinement et une beauté irréprochables. Par politesse, elle n’émit aucune contestation, et laissa un mince sourire éclore sur ses lèvres.

    - C’est un très joli programme. Je n’y vois absolument aucun inconvénient. Et je vous promets que demain sera un jour studieux.

    Et puis, elle aurait un grand moment de trêve avant d’entamer les choses sérieuses. Ce ne serait pas ce soir que Renna la tiendrait en laisse, les fesses clouées sur une chaise, en face d’un bureau parsemé de livres de mathématiques et de bien d’autres matières où elle avait lamentablement échoué. L’air poissonneux et les traits tirés, elle bâilla discrètement en mettant sa main devant la bouche, et suivit les déplacements de son professeur. Elle l’incita à faire un choix quant à la couleur du bois dont son lit serait fait, et la peinture que Renna souhaitait également refaire. Pesant le pour et le contre, et assimilant parfaitement les ultimes informations qu’elle lui transmit, elle imagina l’envergure du projet, et médita sur l’allure qu’elle pourrait lui octroyer.

    - J’opterais bien pour une couleur de bois naturelle assez foncée histoire de rappeler celle du plancher. En contrepartie, je pencherais pour des teintes plutôt pâles et lumineuses pour la peinture des murs. Quelque chose qui embellirait le tout, et donnerait un ensemble épuré. Mais en ce qui concerne les murs, nous pourrions faire cela dans les jours à venir, à moins que ce soit vraiment urgent. Je trouve qu’investir dans un lit, sa parure et tout ce qui s’ensuit est largement suffisant pour aujourd’hui, mais après, c’est comme vous voulez. Je ne veux pas abuser non plus.

    Dès que tout fut clarifié, le processus s’accéléra, et elles ne tardèrent pas à se retrouver vomies par l’entrée du magasin. Myra fut soulagée de rejoindre une masse de chair humaine compacte et en perpétuel mouvement. Elle observa les commerçants qui conseillaient leurs clients, ceux qui s’ennuyaient derrière leur caisse par manque de monde, et les autres, qui s’impatientaient en guettant la fin de leur dure journée de travail. L’horrible musique purement commerciale était entrecoupée par une voix robotique mais sensuelle, annonçant la proche arrivée de soldes, ou de promotions exclusives à ne pas rater. Les talons des jeunes filles en fleur claquaient contre un sol souillé au fil du temps, des hommes en costard prenaient un café pendant leur pause, tandis que des mères au foyer bataillaient avec des bambins gémissants et pleurant jusqu’à se déshydrater. Il y avait une multitude de portraits que l’on pouvait brosser dans les moindres détails, et Myra appréciait cette effervescence que rien ne pouvait freiner, hormis la tombée de la nuit accompagnant la fermeture de la majeure partie des commerces. Les bras occupés par une partie des achats qu’elles venaient de faire, elle supposa que Renna comptait tout déposer dans la voiture, pour ensuite l’emmener au restaurant. Concernant la structure du lit, ce serait une autre histoire. Des bras supplémentaires ne seraient pas de refus. Heureusement, une douce soirée s’annonçait, et elle aspirait à en profiter allègrement, afin d’oublier ce pour quoi elle aurait pu maudire ses actuelles conditions.

    - Bien, maintenant que nous sommes chargées comme des ânes, nous pourrons peut-être respirer après cette après-midi très mouvementée. Vous avez déjà une idée d’où vous pourriez m’emmener ?
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyLun 5 Sep 2011 - 5:25

    Si l'on avait dit à cet instant précis à Renna que celle qui l'accompagnait lui soupçonnait quelques pouvoirs d'empathie bien enfouis au plus profond de son âme, elle aurait certes été estomaquée et plus qu'insultée. En effet, même si ce fait pourrait choquer bien des gens, il existe sur cette petite planète nommée terre des individus qui n'aiment pas être vus comme de bons samaritains prêts à tout pour aider son prochain. Contrairement à la croyance populaire que ce genre de personnage était le modèle à suivre de tous et celui que les gens admiraient, Renna méprisait cette image plus que tout. Elle savait qu'au fond, les gens étaient profiteurs et mesquins, mais surtout munis d'une seule et simple arme : la stupidité. À quoi bon être gentille avec de tels êtres ? Et puis l'enseignante ne croyait pas à la gentillesse pure et simple. Elle n'avait vu dans sa vie que de maigres exemples de pures mères Thérésa et ainsi savait que derrière chaque sourire se cachait du profit normalement. de toute façon, Renna préférait la solitude à l'encadrement et la meilleure façon de se garantir cette solitude était de ne pas être populaire et donc de ne pas être gentille. Heureusement, elle était des plus douée dans l'art de se faire mépriser par autrui, c'était un art qu'elle maniait bien malgré le fait qu'elle ne l'usait pas réellement consciemment. L'enseignante était simplement elle-même dans ses plus profonds détails, n'épargnant à l'oeil nu aucun de ses défauts et n'offrant aucune excuse pour ces dits défauts. Mais si elle aurait été si estomaquée par le fait que son étudiante la croyait empathique, tout du moins sur son cas personnel, c'était surtout parce qu'elle ne possédait aucune once d'empathie dans son corps si féminin. Non pas que l'empathie soit une mauvaise chose, du moins chez les autres, seulement Renna n'en avait pas et s'en passait sans problème. Elle avait usé de logique pour déduire les réactions de son étudiante, de la logique et de la simple observation élémentaire. Cela pouvait certes être confondu à de l'empathie quand on la connaissait peu. La vérité était que la jeune dame avait passé sa vie à l'écart des autres, ainsi elle eut tout le loisir d'observer sans être épiée le comportement humain et de l'analyser. Parce qu'analyser et trouver des réponses scientifiques à tout problème était l'un des passes-temps favoris de la jeune dame, ça et bien entendu mépriser l'idiotie des gens ordinaires. C'était en développant cette capacité à l'observation qu'elle était arrivée si aisément à deviner ce que ressentait la jeune femme. Il fallait aussi avouer que Myra n'était pas spécialement douée dans le domaine de la neutralité, ses émotions s'affichant clairement sur son visage aux traits fins comme du noir sur du papier blanc. Toujours est-il que si elle n'était pas empathique, elle n'était pas non plus télépathique et du coup ne pu évidemment pas deviner la surprise et l'embarras que la jeune femme avait ressentit quand elle avait compris que son mensonge était tombé à plat. Tout du moins elle devina l'embarras en notant la légère rougeur nouvellement apparue sur les joues de la jeune femme. Elle écouta la courte réponse en observant son invitée du coin de l'oeil, pinçant légèrement les lèvres, elle-même embarrassée mais pour une toute autre raison.

    Renna se demandait d'où lui provenait cette nouvelle envie de faire plaisir à Myra et de ne pas l'harceler, de lui laisser de l'espace. Cette situation comment franchement à l'agacer au fur et à mesure qu'elle évoluait et faisait boule de neige. Depuis qu'elle avait adhéré à cette fichue condition de contrôler sa froideur et son tempérament général d'inquisitrice, elle avait un mal fou à ne pas franchir la ligne fine entre amabilité et neutralité. L'on aurait dit que ces étranges émotions qu'elle avait toujours ressenties pour son fameux monstre aux yeux verts avaient profité de cette condition pour excuser leur envie de se montrer sous un meilleur jour aux yeux de la jeune femme. Mais à quelle fin ? Pour que celle-ci l'apprécie un tant soi peu ? Cette pensée provoqua sur le visage de l'enseignante, une bien visible grimace grincheuse, grimace qui la caractérisait à merveille et qui généralement passait le message à ses étudiants qu'ils allaient passer un sale quart d'heure s'ils lui adressaient la parole. Toute cette confusion, tout ce trouble, c'était exactement la raison pour laquelle elle avait fait le choix arbitraire de détester la jeune femme malgré le fait que celle-ci n'avait rien accomplit afin de mériter cette haine, excepter vivre. C'était plus facile de détester quelque chose que d'accepter des sentiments inconnus et franchement insistants. Malgré toutes les tentatives de la jeune dame pour les écrabouiller à grands coups de talons, ils persistaient à l'ennuyer sans cesse. Renna aurait voulut analyser ces sentiments à la loupe, trouver une faille et les éliminer une fois pour toute, tirant un trait sur cette embarrassante histoire d'obsession une bonne fois pour toute. Malheureusement elle en était parfaitement incapable, et donc la raison de toute cette confusion redevenait évidente. L'enseignante n'aimait pas ce nouveau comportement qu'elle prenait avec son élève. Elle agissait presque comme une mère et cette réalisation lui coûtait beaucoup. Le pire dans tout ça était qu'elle faisait le tout sans réellement s'en rendre compte et une fois qu'elle réalisait ce qu'elle venait de dire ou de faire, il était trop tard pour s'empêcher de commettre un autre acte presque gentil. le plus amusant, c'est qu'elle ne pouvait pas réellement agir autrement puisque sinon toute cette histoire de tutorat s'écroulait parce qu'elle avait fait entrave aux conditions. Une personne avec plus d'humour aurait sans doute rit grassement à l'ironie de toute cette situation, malheureusement l'enseignante n'était pas une personne à qui l'humour venait aisément.

    Se secouant énergiquement la tête de toute idée agaçante, l'enseignante fit le choix de balayer ses doutes et sa frustration pour l'instant et de suivre le flot. Après tout cela ne serait pas bien malin de gâcher tout le chemin que les deux jeunes femmes avaient parcouru rien que par pure révolte. Ce serait même parfaitement enfantin de sa part et son ego s'y refusait catégoriquement, même si en contre partie cela signifiait qu'elle devait être aimable avec mademoiselle Jefferson. Non que d'être aimable avec la demoiselle était désagréable, non là était justement tout le fruit du problème, c'était presque plaisant et cela lui donnait envie de recommencer. Une bien dangereuse combinaison qu'elle redoutait plus que tout. gardant un oeil sur ses dangereuses pensées, Renna écouta les paroles de son étudiante en se rammenant de force au temps présent et aux songes sur le prochain lit de la demoiselle. Elle fronça les sourcils, signe qu'elle était concentrée et hocha la tête avec approbation à la fin des dires de la jeune femme avant d'ajouter sur le même ton neutre-presque-doux qu'elle avait employé toute la journée :


    « J'approuve pour les couleurs du bois et du mur, faisons ainsi. Pour ce qui est d'abuser... »

    Renna songea un instant. Il était vrai que de refaire la chambre en entière n'était pas réellement nécessaire et que cette histoire de couleur, de style et de décors allait presque trop loin, mais l'enseignante se trouvait une envie très pressante de changer la pièce pour de bon maintenant qu'elle y était. À présent qu'elle en avait le courage, elle souhaitait tout faire en un coup pour ne pas hésiter à continuer plus tard. Du coup, elle fixa à nouveau son étudiante et d'un balaiement évasif de la main elle ajouta :

    « Ne vous en faites pas pour ça. J'avais déjà l'intention auparavant de changer totalement cette chambre et vos idées me conviennent parfaitement, tant qu'à changer quelques éléments je préfère tout faire d'un seul coup. Si vous vous inquiétez pour les coûts, je vous rassure tout de suite que nous aurions très bien pu choisir une boutique bien plus chères que le coup total n'aurait pas entravé le quart de mes fonds. Ne vous inquiétez donc plus pour tout ça, si je vous dit que vous pouvez lâcher votre créativité et votre envie, alors ne posez pas de questions et faites-le. Je... »

    La dame hésita une, puis deux secondes. Si elle continuait sur cette lancée, elle allait bientôt faire une autre blague et cela donnerait deux en une seule journée. Myra méritait-elle de découvrir qu'elle avait un sens de l'humour ? Décidant de se risquer, elle continua, sourcil arqué :

    « Comme vous le savez si bien, je ne suis pas de ceux qui proposent de telles choses quand je ne le pense pas réellement. Vous le saurez tout de suite si je ne suis pas d'accord. Je serais bruyante, je vous le promet. »

    Cette promesse solennelle faite, la jeune dame se remise à chercher la jeune dame qui les avait aidées un peu plus tôt, la deuxième puisque la première ne l'avait pas bien impressionnée. Elle se remit alors à l'oeuvre, commandant d'un ton impérial leurs différents choix et observant d'un regard critique les employés grouiller telles des fourmis dans toutes les directions, cherchant les paquets demandés avec solicitude. Quelques minutes de brèves discussions avec la vendeuse et Renna avait réussit à organiser une livraison à domicile, une installation et même un service de peinte de mur. Elle avait également réussit à solliciter le personnel afin qu'il vide la pièce de son contenu pour les peintres et fait signé un papier au gérant pour qu'il se soumettre à payer le prix si jamais l'un de ses effets personnels disparaissait soudainement après la venue des livreurs. ceci organisé et les détails bouclés, elle sortit magiquement la carte qui rendrait toutes ces décisions possibles, la glissa dans la fente, entra son code et quitta la jeune vendeuse sans un remerciement, consultant sa facture et la fourrant soigneusement dans son porte-monnaie une fois qu'elle en eut terminé. Satisfaite et maintenant de retour aux côtés de la jeune femme, Renna eut à peine le temps d'entendre ses paroles que deux jeunes hommes se présentaient pour retirer des mains de Myra les paquets soigneusement choisis. Apparemment le gérant avait insisté auprès des deux jeunes hommes sur le fait que Renna venait d'acheter un nombre d'articles considérable, ce qui méritait un sourire chaleureux et un : 'bonne soirée' enjoué. L'enseignante les regarda partir avec un air presque dédaigneux, notant à soi-même de ne plus jamais remettre les pieds dans la boutique.

    « Eh bien, tout est organisé, la chambre devrait être peinte à notre retour. Je crains par contre que vous ne devriez pas dormir dans la chambre cette nuit, au risque de vous asphyxier sur les vapeurs chimiques de la peinture. Puisque vous semblez mal à l'aise à l'idée de remeubler toute la chambre, je me satisferais d'un nouveau lit et d'une nouvelle peinture et il vous faudra vous faire aux meubles déjà présents. Ils sont de très bonne qualité, si cela peut vous rassurer. Pour ce qui est du restaurant... »

    L'enseignante réfléchit un instant ou deux sur les possibilités et conclut mentalement que deux choix s'offraient à elle. Contrairement à ce que Myra s'attendait sans doute de sa part, Renna n'aimait pas particulièrement les restaurants pompeux où des serveurs snobs reniflaient devant une tenue moins chic qu'une robe de soirée. Elle n'aimait pas les restaurants malpropres et de basse qualité non plus, bien entendu, mais elle avait un goût particulier pour ce genre de chose. La mine réflexive, elle dit lentement à celle qui l'accompagnait :

    « Cela dépend de votre préférence, mais je connais deux endroits bien dans le coin. Il y a un restaurant japonais authentique où les cuisiniers cuisent le repas devant public, ce qui est assez divertissant. Par contre si vous n'êtes pas encore habituée aux baguettes chinoises je crois que nous devrions laisser tomber. Ensuite, il y a un bistro français à décors vieillot aussi. Ne vous en faites pas, ces deux restaurants sont exemptes de clientèle pompeuse et de tenues de soirée. »
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyLun 5 Sep 2011 - 17:36

    Renna avait bien planifié son coup en ce qui concernait l’achat et la livraison du produit à son domicile. Elle avait pris soin de signer une décharge avec les principaux responsables, et après avoir assujetti une bonne partie du personnel, elle avait disposé des lieux, emplie d’un immense sentiment de satisfaction. Elle pouvait aisément le ressentir, car ses moindres faits et gestes étaient méticuleux et calculés. Avec la force de l’habitude, Myra venait à s’interroger sur la réelle spontanéité de ses faits et gestes. A ses yeux, la majeure partie des personnes qui s’efforçaient d’avoir le contrôle sur tout et n’importe quoi camouflaient tant bien que mal des faiblesses. Elles colmataient les failles de leur personnalité pour que nul ne puisse leur marcher sur les pieds. Paradoxalement, la jouvencelle aux yeux verts pressentait que c’était là la réelle nature de son enseignante, mais elle se demandait si l’on pouvait être heureux dans un tel concours de circonstances, où la magie du hasard était abolie au profit d’une maîtrise perpétuelle. Est-ce qu’elle avait déjà songé à se laisser aller, à s’octroyer le temps de vivre sans se poser de questions sur l’éternelle et l’inéluctable stupidité du genre humain ? Il arrivait à la jeune Rebelle de la visualiser dans des scènes où l’intensité des émotions serait si grande, que même une femme de son envergure ne pourrait pas les surmonter. Elle serait contrainte de s’y soustraire et d’agir en conséquences, parce qu’elle était humaine après tout, et qu’en dépit de son libre-arbitre irréprochable, certains évènements ne pouvaient être anticipés. Naturellement, Renna avait le droit de jouir pleinement de sa gymnastique intellectuelle, mais entre la mentalité, l’instruction et l’existence affective, il y avait une marge conséquente. La Rebelle pensait qu’il était impossible de ne pas faillir à un moment ou un autre, à force de guetter constamment les réactions d’autrui. Après, elle se trompait sûrement en prétendant que l’adulte possédait d’innombrables points faibles qu’elle se gardait bien d’exposer au monde entier, mais il fallait admettre que ce n’était pas évident de cautionner une absence totale d’empathie voire de sentiments. Au fond, elle persistait dans l’idéalisation de son être, en restant convaincue que ses desseins n’étaient pas uniquement là pour son propre intérêt, mais aussi pour celui des autres. Jusqu’à présent, elle se plantait totalement, mais elle sombrait dans une ignorance qui ne l’aiderait pas à éclaircir davantage ce mystère.

    Mademoiselle Johnson se montra très insistante sur la refonte totale de la chambre. Elle tenait à ce que la rénovation se fasse dans les plus brefs délais, afin qu’elle n’ait plus à y penser par la suite. Myra fut surprise par son engouement pour un tel projet, et elle fut même tentée de croire qu’elle souhaitait expédier l’affaire, par souci de chasser certains fantômes qui auraient pu subsister dans les recoins de cette pièce. Fatiguée de chercher la petite bête dans le moindre de ses propos, Myra finit par hisser le drapeau blanc et soupira longuement, tandis qu’elle se fit retirer les paquets portés à bout de bras. Le gérant du magasin de lits avait tenu à bichonner ces deux clientes qui, après avoir vidé une bonne partie de leur budget, pouvaient bien bénéficier de quelques privilèges. Peu sensible à ce genre de choses, elle n’y vit qu’un intérêt purement commercial. Elle s’arma d’une indifférence quasiment imperturbable, avant d’écouter les diverses propositions de Renna. Elle lui soumit deux idées qui n’étaient pas des moindres. Soit elles se rendaient dans un restaurant typiquement asiatique, dont le charme résidait dans la préparation des mets sous les yeux de leurs consommateurs, soit elles savoureraient des spécialités françaises, ce qui attisa la curiosité de la demoiselle. Depuis le temps qu’elle vivait dans ce pays, elle avait une vague idée de ce qu’un restaurant japonais pouvait servir, et c’était peu dire. Quant aux saveurs en provenance de l’Europe, il y avait longtemps qu’elle ne s’en était plus délectée, par manque de moyens et de compagnie. Son père, débordé tantôt par sa profession tantôt par ses innombrables aventures sexuelles, n’avait jamais trouvé l’opportunité de l’emmener déguster autre chose que des plats surgelés. Par conséquent, depuis qu’elle avait foulé les terres nippones pour la première fois, ce serait une exclusivité dont elle devrait se montrer digne. Rassurée de savoir qu’elle ne serait pas obligée de se tirer à quatre épingles pour être un minimum présentable, elle expira un bon coup avant de lui soumettre son verdict.

    - Je suis largement habituée aux baguettes chinoises. Je pense que renouer avec des couverts normaux me feraient le plus grand bien, et je n’ai jamais goûté la cuisine française. J’aimerais beaucoup tester. Pour moi, le choix était vite vu !

    Maintenant que le plus gros de la besogne venait d’être effectué, Myra réalisa que grâce aux initiatives de son professeur, il ne leur restait plus qu’à savourer un plat raffiné et gastronomique apte à ravir leurs papilles gustatives ainsi que leurs estomacs. Le sien émettait déjà ses borborygmes, et ce fut intriguée par un tel signal qu’elle en vint à consulter sa montre. La fin de l’après-midi était déjà entamée, ce qui signifiait que l’étape du restaurant n’était pas si lointaine que cela. Pour une raison qu’elle ne parvenait pas à identifier, la nervosité s’entichait de son être et la faisait frissonner de temps à autres. Elle ne réussissait pas à se calmer malgré les paroles à la fois rassurantes et formelles de son professeur. Elle craignait de croiser la route d’une énième connaissance, qui lui reprocherait vivement ses roucoulements intempestifs avec cette femme méprisable et exécrable. Elle serait obligée de s’épancher sur le pourquoi du comment, et ce serait un refrain injurieux et interminable que scanderaient toutes ses relations amicales. Autant dire qu’elle dramatisait la situation, mais la brève apparition de Kenichi n’était pas encore sortie de son esprit. Elle se la repassait en boucle, et loin de pouvoir garder cela pour elle indéfiniment, elle prit la sage décision de cracher le morceau lorsqu’elles seraient attablées en tête à tête. Entre l’entrée et le plat de consistance, elle vomirait toutes ses contrariétés, et ce serait libérée de son grief qu’elle pourrait poursuivre son bonhomme de chemin, sans craindre un quelconque imprévu. Si seulement elle avait travaillé assidûment dès le début, elle ne se serait pas retrouvée ainsi sur la sellette, contrainte de s’adapter à un mode de vie différent de celui connu jusqu’à maintenant. Lentement mais sûrement, elle payait de sa paresse et de son insouciance. Mais d’un autre côté, elle pensait que cette expérience de vie lui apporterait pas mal de choses, et contribuerait à une évolution rapidement effective de sa personnalité, et de son sens des responsabilités. Elle continuait de plaindre Renna et se lamentait en sachant que quelques heures les séparaient du dîner.

    Lorsque ce fut l’heure de se rendre au dit restaurant, les impressions de Myra furent assez neutres. L’enseigne émettait ses premières lueurs du soir, tandis que quelques clients avaient déjà pris place dans la salle principale. Des serveurs plutôt dynamiques répondaient expressément aux demandes de leurs consommateurs, tandis que les cuisiniers devaient suer comme ce n’était pas permis derrière leurs fourneaux. A en juger par l’activité du restaurant, il devait plutôt bien marcher, ce qui confirmait les dires assez élogieux de Renna. Si elle l’avait recommandé spontanément, ce ne devait pas être par hasard, et sûre de goûter à des plats de qualités, Myra ne tarda pas à s’imprégner d’une ambiance un peu vieillotte mais conviviale. Peu après qu’elles aient dépassé l’entrée de l’établissement, un homme élégamment vêtu, aux traits occidentaux et à la voix doucereuse les accueillit et leur demanda si elles avaient une réservation. Comme d’habitude, mademoiselle Johnson prit les devants, et Myra se laissa docilement guider.

    - Ils devraient changer les nappes de leurs tables, je les trouve affreuses et démodées.

    Cette unique réplique s’échappa de sa bouche, après que le serveur les ait installées à une table ni trop isolée, ni trop proche des autres clients. Ne supportant pas les conversations laconiques, elle préférait parler pour ne rien dire, en considérant attentivement les lieux. Ainsi, ses doigts coururent sur le pied du verre à vin, sur la fourchette, le couteau et la cuillère à soupe préalablement disposés. Elle croisa gracieusement ses jambes sous la table, et appuyant ses coudes sur son bord, ce qui, au passage, était assez impoli, elle s’intrigua devant les différences notables entre les individus occupant actuellement les lieux. Des personnes de tous horizons fréquentaient ce restaurant, et elle en détailla l’allure et les manières avec curiosité, de ses grands yeux verdoyants. Puis, se défaisant de ses diverses pensées, elle revint dans le présent et fixant Renna, elle demanda innocemment :

    - Dites, étant donné que nous allons vivre sous le même toit, est-ce que je peux vous appeler Renna, tout simplement ? Je me vois mal vous faire des courbettes alors que vous me verrez dans les instants les plus dégradants de ma vie, comme lorsque je me lève le matin avec les cheveux en pétards par exemple. Oh, ne vous en faites pas, je continuerai de me comporter respectueusement à votre égard, mais Renna, c'est beaucoup plus pratique, même si ça peut paraître un tantinet familier.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyLun 5 Sep 2011 - 18:58

    L'affirmation de son étudiante comme quoi elle était étrangère à la cuisine française ne la surprit pas du tout. S'il y avait bien une chose qu'elle avait compris en passant son adolescence aux États-Unis, c'était que les américains avaient un mal fou à reconnaître la bonne gastronomie et à se nourrir convenablement. Elle se souvenait encore de sa colocataire de chambre à l'université qui persistait à engloutir des gallons de macaroni au fromage en boîte simplement parce que cela entravait un peu moins son porte-monnaie. Renna avait toujours été de ceux cherchant à bien se nourrir et à satisfaire son estomac, bien qu'elle redoutait le surplus d'aliments riches ou sucrés. Son goût allait dans les aliments frais et les goûts simples mais recherchés. L'enseignante ressentait une curieuse satisfaction en sachant qu'elle allait faire découvrir à son étudiante une cuisine reconnue mondialement pour son excellence.

    « Soit, direction le cordon bleu alors. Suivez-moi. »

    C'est ainsi que les deux jeunes femmes se mirent à marcher en direction du bistro, quittant sans regrets le magasin et ses vendeurs souriants. En traversant les corridors du centre d'achats, Renna devint rapidement songeuse. La jeune dame avait pour habitude de se perdre dans ses pensées et d'ainsi oublier un peu de se connecter avec la réalité. Lorsqu'une telle chose arrivait, elle marchait automatiquement sans réellement noter son entourage et revenait à elle-même seulement quand elle était arrivée à destination, demeurant toujours surprise lorsque ceci arrivait, n'ayant même pas remarqué qu'elle s'était déplacée. Ce n'était pas qu'elle était distraite ou simplement lunatique, en fait il s'agissait d'une habileté qu'elle avait développé pour tuer le temps. Étant petite et contrainte de demeurer dans l'appartement luxueux de ses parents sans possibilité de sortir prendre l'air, Renna avait du s'inventer des occupations et apprendre à se divertir de ses pensées. Cette habitude lui était maintenant si familière qu'il était des plus difficile de s'en défaire. D'ailleurs c'était sans nul doute grâce à ce genre de réflexe qu'elle arrivait si aisément à demeurer seule sans souffrir du manque social que la plupart des gens ressentaient quand ils demeuraient trop longtemps emprisonnés avec eux-mêmes. D'ailleurs il était venu à l'esprit de la jeune dame plusieurs fois que de telles habitudes étaient aisément oubliées si on ne faisait pas attention ou que l'on était présentée avec une alternative supérieure. Renna évitait aisément cette tangente en demeurant seule et en refusant la compagnie d'autrui, mais maintenant qu'elle était forcée de partager son espace vital avec melle Jefferson elle souffrait de la peur constante qu'elle s'habituerait à avoir la jeune femme à ses côtés et perdrait l'envie de demeurer seule. Cette soudaine dépendance qui se créerait sans son consentement ni sa volonté augmentait d'autant plus la frustration que la dame ressentait envers toute cette situation. D'ailleurs cette frustration commençait légèrement à atteindre un surplus peu souvent atteint. L'enseignante avait prit l'habitude de se vider de ses émotions négatives au moment même où elle les ressentait, se garantissant ainsi en permanence un sentiment de bien-être nécessaire à sa concentration et à sa tranquillité d'esprit. Maintenant qu'elle se voyait contrainte de refouler ces dites émotions négatives, elle se voyait perturbée par l'espace qu'elles pouvaient occuper dans son être. Bientôt il lui faudrait fuir et se calmer afin de rendre le tout plus supportable. Une chance que pour le moment tout demeurait sous contrôle, espérons simplement que melle Jefferson reste tranquille.

    Bien sûr, la professeur avait secrètement envie que cette situation demeure aussi plaisante et continue d'évoluer afin que les deux jeunes femmes se rapprochent, mais l'ennui était que son mécanisme de défense contre tout rapprochement refusait d'accepter ce genre de faiblesse. Elle gérait comme elle pouvait ce nouveau développement, le faisant sans doute bien maladroitement. La pauvre Myra allait sans doute en voir de toutes les couleurs le temps que son être s'habitue à sa présence constante et à la présence de sentiments intrus chez l'enseignante. La chose qui aiderait sans doute la transition le plus était l'orgueil de la jeune dame qui persistait à l'empêcher de piquer des crises de nerfs sans raison, jugeant qu'un tel comportement serait inacceptable pour une femme de son envergure. Après une marche considérable à travers les dédales du super marché et une attente insupportable devant les portes causée par la sortie d'une famille bruyante de japonais dépassés par le nombre d'enfants à gérer et le nombre de paquets à transporter, les deux nouvelles colocataires forcées parcoururent le trottoir en direction de l'aire de restauration extérieure un peu plus loin. Renna profita de cette marche extérieure pour faire le plein d'air frais. Elle ferma d'ailleurs les paupières et prit une grande respiration, diminuant ainsi le taux de mauvaise humeur qui grimpait dangereusement à mesure que cette journée passait. Plus que quelques heures et elle serait chez elle avec un bon roman comme compagnon, entre ses draps. Elle persista à se planter cette pensée dans son esprit et c'est avec une certaine satisfaction qu'elle remarqua le taux d'agacement descendre un tant soit peu à l'intérieur de son être bouillonnant. Enfin, enfin elles franchirent le pas de la porte du restaurant, où un serveur bien habillé leur proposa une table convenable. L'enseignante avait conclut une fois qu'elles étaient assises, qu'elle pourrait gérer cette soirée avec aisance et avait donc légèrement baissé sa garde. Puis fusa le commentaire de la jouvencelle qui l'accompagnait. Pendant quelques secondes elle fixa la jeune femme sans réagir, puis son regard parcourut les dites nappes apparemment détestable à l'oeil de son invitée. Elle demeura pensive quelques instants, refusant de montrer sa surprise sur son visage. La vérité était qu'elle-même avait remarqué la laideur des dites nappes et avait même fait le commentaire au gérant du restaurant dans un manque de gêne complet. Sa frustration avait été légèrement plus poussée quand à son retour au restaurant un autre ensemble de nappes encore plus hideux que le précédent avait remplacé la sélection. Bien entendu, jugeant l'effort futile, elle n'avait pas noté le changement. Si la nourriture et l'ambiance n'avait pas été si agréable, cela ferait longtemps qu'elle aurait retiré le restaurant de sa liste d'endroits favoris. Mais il était rare de trouver un bistro calme et propice à la tranquillité au Japon et donc elle avait choisit d'ignorer les nappes affreuses et le décors généralement cliché de France, avec les portraits de tour Eiffel et les cartes du monde vieillotes affichées sur les murs. Se retournant vers la jeune femme, elle se saisit du menu et se permit un bref mot en lui offrant un regard presque complice, sa frustration clairement visible dans son regard.


    « Certes. »

    Ses yeux de glace parcoururent les choix distraitement, son esprit maintenant occupé à nouveau à calmer les flammes de son agacement qui avaient recommencé rapidement à dangereusement roussir les limites de son endurance. Ce n'était pas la faute de l'étudiante à coup sûr, elle avait simplement rappelé à l'enseignante une cause constante de frustration chez la jeune dame en l'image de ces fichues nappes. Choisissant un vin rouge qu'elle affectionnait particulièrement et un repas, elle referma le menu, croisa les jambes et joignit les mains sur la surface d'un autre exemple de nappe hideuse. Ce fut sur une certaine stupeur qu'elle remarqua alors que les coudes de melle Jefferson étaient malencontreusement posés sur la table dans une position désinvolte. Renna hésita une, puis deux secondes. Elle se ravisa de faire tout commentaire, mais pinça les lèvres dans un signe clair de désapprobation. Ce geste malpolis avait rappelé cruellement et dans un seul instant que son invitée n'était pas un être bien élevé et irréprochable. Pour Renna qui avait été élevée dans un univers austère où le savoir-vivre et les bonnes manières étaient très importants, un simple geste de coudes sur la surface de la table était difficile à ignorer. D'autant plus que l'enseignante n'avait connu de ses parents qu'une éducation rigide sur le savoir-vivre et que donc ce genre de règles était très important pour elle. Ses yeux se fixèrent encore quelques secondes sur les coudes qui la défiaient de dire quelque chose, puis elle décida fermement de ne rien noter, se forçant à regarder ailleurs.

    « Je ne connais pas vos goûts en matière de breuvage, mais je vais commander du vin rouge. Préférez-vous vous commander votre propre verre où est-ce que je prends une bouteille ? »

    Son ton avait possédé la même neutralité qu'elle utilisait à son habitude, mais la légère douceur qui s'était imprégnée dans ses précédentes paroles au courant de la journée avait disparu complètement. C'était déjà surprenant qu'elle ait subsisté si longuement chez l'enseignante si peu habituée à afficher autre chose que de la désapprobation. Jusqu'à date, tout était sous contrôle. Elle ne s'était pas habituée à ce qu'une telle chose fasse flancher le contrôle sévère qu'elle maintenait sur sa frustration grandissante, mais la gaffe avait été réparée et maintenant elle était calme. Tout du moins c'était ce qu'elle tâchait de se faire croire, la réalité était bien différente. L'accumulation de réserve et l'agacement qu'elle ressentait face à son emprisonnement avec melle Jefferson ne pouvait pas se faire nier existence pour toujours, malheureusement. Bien que cet emprisonnement devenait de plus en plus agréable pour la jeune dame. Accepter une telle chose serait capituler et céder à son obsession, ce qui était tout bonnement inacceptable, tout comme d'accepter que Myra Jefferson avait plus de valeur pour elle qu'une simple étudiante à problèmes. Et là, le commentaire fusa des lèvres de l'élève, celui qui gâcha tous les efforts de la dame pour se maintenir. Elle fit une demande qui rendit Renna vulnérable et la prit totalement par surprise. Jamais encore on lui avait demandé la permission d'utiliser son prénom pour lui adresser la parole. Elle n'avait pas bâtit de défense contre une telle requête, tout bonnement parce qu'elle n'avait jamais calculé que c'était une possibilité. Sur le coup de la surprise, elle haussa les sourcils et cligna un moment des yeux, son expression ouverte et montrant clairement ses émotions pendant plusieurs fractions de secondes. Puis, réalisant qu'elle avait lâché son bouclier, elle s'empressa de tout remettre en place et de tâcher de se reprendre activement. Son dos devint soudainement très droit et son expression se transforma très distinctement en celle que pourrait posséder une statue au visage peu sympathique. Son regard redevint totalement de glace et perdit toute trace de bonté qu'il avait pu développer depuis qu'elle connaissait mieux son élève. Son ton fut des plus secs.

    « Non mademoiselle Jefferson, vous ne pouvez pas m'interpeler par mon prénom. Je suis votre aînée et votre enseignante, tâchez au moins de me montrer un tant soit peu de respect si vous en êtes même capable. »

    Sa réaction avait sans doute été excessive, mais la combinaison de la surprise et de l'accumulation de frustration n'avait pu que créer ce résultat dévastateur. Il fallait aussi savoir que PERSONNE n'appellerait l'enseignante par son prénom, ni sa mère, ni son père, si ses collègues et encore moins ses étudiants. Sa mère l'appelait Maria de son second prénom, tout comme son père et elle jugeait cette appellation la leur. La seule personne qui avait appelé Renna par son prénom, avait été sa nounou. En se remémorant le doux visage souriant et la voix tendre, l'enseignante ressentit un caractéristique pincement à son coeur. La dame n'avait pas longtemps été sa nounou, ses parents changeant souvent, mais elle avait ressentit un attachement inusité pour elle et ses manières plus maternelles que celles de sa propre mère. Cet attachement n'avait causé que de la douleur à la dame et avait causé son endurcissement aux attachements, histoire de ne plus avoir à souffrir autant. La seule autre personne qui avait utilisé son prénom avait été Yuki, la prostituée qui avait été tuée si récemment et qui avait causé à Renna cette incapacité à s'approcher de la chambre d'invitée. Elle la surnommait 'Ren-chan' avec son doux sourire. Mais sinon, personne. De se faire demander ce rapprochement intime par melle Jefferson l'avait profondément décontenancée, comme le montrait clairement sa difficulté à regagner son air neutre. Il était aisé de deviner devant ses paroles acides et son comportement que la jeune femme avait touché à un rare point faible chez la dame et Renna lui en voulait d'avoir marqué ce point. Finalement, Renna souhaitant se venger de cette atteinte à son contrôle, elle ajouta sur le même ton frigide :

    « Retirez vos coudes de sur la table, mademoiselle Jefferson. Je sais que vous vous en contrefichez, mais il s'agit d'une offense au savoir vivre. »
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyMar 6 Sep 2011 - 16:04

    Depuis que le monstre aux yeux verts avait vu le jour pour la première fois de son existence, aucun repas de famille ne s’était passé dans les règles de l’art. Pour certains, un bon dîner se faisait autour d’un mets succulent où tout le monde bavardait joyeusement et partageait les anecdotes insolites de la journée. D’autres opteraient plutôt pour un silence religieux, après des prières tacites adressées à une divinité qui n’avait strictement aucune influence sur le monde entier, soit parce qu’elle était trop bien perchée sur son petit nuage pour écouter ces pauvres mortels, soit parce qu’elle subsistait uniquement dans les méandres de notre imagination. Puis, il y avait ceux qui se débattaient de toutes leurs forces pour faire en sorte qu’une fille et sa mère ne se tapent pas dessus entre le plat de consistance et le dessert, car l’une des deux avait eu le malheur de soulever une question qui faisait débat. De cette façon, on pouvait dire que Myra avait rarement connu des repas aussi tendus et austères que celui-ci, où aucune mauvaise manière ne serait tolérée par mademoiselle Johnson. Avec nostalgie et mélancolie, la jouvencelle au teint halé se remémora les insultes et les reproches cinglants qui fusaient entre elle et sa tendre génitrice. Souvent, sa grande sœur s’interposait pour que la catastrophe soit évitée, et moins régulièrement, Lewis, en tant que bon chef de famille, entreprenait d’apaiser les tensions entre ces furies enragées. Son flegmatisme après une dure journée de travail le rendait amorphe et inutile, quand il s’agissait de tempérer les émotions de son prochain. Il avait toujours eu un penchant individualiste, propre à notre société où la loi du chacun pour soi régnait en maître. Lorsqu’il ne passait pas le plus clair de son temps à défendre passivement les principes de sa femme, il recevait en pleine face les supplications de sa petite fille, qui cherchait à l’attendrir par maints stratagèmes. Au bout d’un moment, il en avait eu ras le bol, avait claqué la porte en laissant sa famille pantoise, les bras ballants, et l’air ahuri. Lauren avait senti venir la sentence, et ne fut pas surprise d’apprendre que son père demandait le divorce quelques semaines plus tard. Les incohérences de son épouse, et les caprices intarissables de sa plus jeune fille le mettaient secrètement hors de lui, et l’empêchaient de mener à bien sa vie professionnelle. En contrepartie, il regrettait d’infliger ceci à Lauren, mais il savait qu’elle saurait se débrouiller en temps voulu. Après tout, elle n’avait pas été la dernière pour fuir le foyer en se mariant avec le premier venu, trouvant comme prétexte qu’il était riche et ambitieux, ce qui la dispensait de faire des études. Outre le bonheur qu’elle avait apporté à sa mère en agissant ainsi, elle s’était rabaissée à un niveau tel qu’elle encourageait désormais sa cadette à prendre son avenir en mains. Dépendre entièrement d’un homme n’était pas ce qu’il y avait de plus épanouissant, et connaissant son goût excessif pour la Liberté et l’Autonomie, elle lui déconseilla fortement cette alternative.

    Malgré les avertissements de son aînée, Myra était toujours sur la sellette. Elle jouait avec le feu, et endossait le rôle d’un funambule narguant le vide sous ses pieds, en menaçant de chuter à n’importe quel moment. Certains de ses camarades prétendaient que son charme résidait dans le fait qu’elle était constamment au bord du gouffre. Elle persistait dans un équilibre instable. Il y avait des fois où tout allait comme elle le souhaitait, et il n’y avait rien ni personne qu’elle pouvait blâmer, et d’autres où c’était le drame, où ses larmes se mélangeaient à un alcool fort gobé insouciamment lors d’une soirée arrosée. Elle était impulsive, et elle n’apprendrait à doser ses pulsions qu’en présence d’un être capable de la dominer. Renna était le dompteur idéal en quelque sorte, mais avant de faire naître un soupçon de sagesse et de docilité chez la demoiselle, il lui faudrait être patiente, ce qui n’était pas une mince affaire lorsque l’on s’appelait mademoiselle Johnson.

    - Le vin rouge me convient parfaitement.

    Pour l’instant, tout se déroulait à merveille. Elles avaient pris place dans ce restaurant aux couleurs ternes mais apaisantes, où la tradition française s’imprégnait dans un décor extérieur éminemment asiatique. Continuant de caresser rêveusement les couverts, Myra avait pris un risque en demandant à l’adulte si elle pouvait l’appeler par son prénom. Au fond, elle connaissait déjà la réponse, mais dans un infime espoir, elle avait cru utile d’émettre cette suggestion. Elle n’avait pas vraiment conscience du chamboulement que cela avait provoqué chez Renna, mais elle perçut un vague changement d’expression sur son visage. En une fraction de secondes, le masque glacial qu’elle était parvenue à briser se réinstalla, et se dotant d’une solennité déstabilisante, l’enseignante insinua qu’elle n’était pas son amie. De ce fait, une telle appellation n’avait pas lieu d’être, ce qui fut un peu dérangeant pour Myra. Elle se surprit même à être vexée, et dans un élan de frustration, elle refusa de se soustraire à son ultime injonction. Ses coudes resteraient là où ils se trouvaient actuellement. Comme elle venait de le souligner, il n’y avait aucun lien justifiant une quelconque autorité sur elle. Du moins, le lien qui les unissait n’était pas suffisamment maternel pour qu’elle puisse oser la réprimander sur de telles choses. On l’aura compris, non seulement la Rebelle était de mauvaise foi, mais par-dessus le marché, elle pouvait être très idiote. La fougue de la jeunesse ne pouvait être mise en cause dans le cas actuel des choses. Car il n’y avait que la fierté mal placée de la demoiselle pour offrir une interprétation précise à ses agissements. Juste pour le plaisir d’embêter son interlocutrice, elle lui désobéirait, jusqu’à complet assouvissement de sa vengeance. Quel dommage que la journée ait si bien commencé pour s’achever sur un gros différend ! Elles auraient pu poursuivre cette douce soirée dans l’allégresse et la plénitude, en parfaite communion entre elles et leur environnement. Malheureusement, cette impertinente en avait décidé autrement, et loin de se laisser marcher sur les pieds alors qu’elle était clairement en position de faiblesse, elle prononça sur un ton mesquin :

    - Comme vous venez de le dire, je me contrefiche du savoir-vivre, et je me fiche encore plus de ce que les gens peuvent penser. Ce ne sont pas deux misérables coudes posés sur le rebord d’une table qui vont changer quoique ce soit. Et je suppose que ça n’ébranlera pas non plus votre petit confort. Vu que vous êtes si haut perchée sur votre piédestal, rien ni personne ne peut vous atteindre. Alors contentez-vous d’y rester juchée, et de me foutre la paix, s’il vous plaît. Je suis fatiguée.

    Histoire d’aggraver son cas, elle avança davantage ses coudes sur la table, en appuyant son menton entre ses deux paumes. Peu après le largage des hostilités, un serveur s’occupa d’apporter une carafe d’eau ainsi que du vin rouge. Ce dernier était très frais, et sa couleur évoquait la royauté et la noblesse de cette boisson, pour laquelle certains se passionnaient, répondant au nom d’amateurs ou d’œnologue confirmés. Déjà fatiguée par toutes ces mondanités qui n’en étaient pas tant, Myra décida de se servir un premier fond de vin rouge. Elle espérait que la désinhibition s’opérerait et améliorerait son humeur. L’ombre menaçante de Renna planait perpétuellement au-dessus d’elle, mais elle ne se fit pas démonter par son emprise, et usa délibérément de son libre-arbitre. Avalant le vin par petites gorgées successives, elle l’acheva en étouffant deux ou trois éructations dans les tréfonds de sa gorge. Reposant le verre à sa place initiale, elle s’appropria la carte que le serveur vint leur apporter, tout en leur décrivant le plat que le restaurant mettait à l’honneur pendant une semaine. Insensible aux délices déblatérés par l’homme aux traits occidentaux, Myra émit un long soupir très expressif, avant de se cacher derrière sa carte de plats. Arquant les sourcils, elle fut confrontée à des termes typiquement culinaires, et à des appellations pompeuses et imagées qui ne lui évoquaient strictement rien.

    - Je dois aller aux toilettes, choisissez pour moi, s’il vous plaît.

    Cette affirmation était à demi-fausse. Certes, elle avait un besoin pressant de se rendre en de tels lieux, mais ce besoin n’était aucunement biologique, il était surtout psychologique. Prenons cette initiative comme une fuite, car c’était réellement ça. Plutôt que d’endurer longuement les regards narquois de son vis-à-vis, elle avait préféré se faire toute petite l’espace de quelques minutes. Rivant ses yeux sur le sol, elle heurta accidentellement l’un des serveurs, et manqua de le faire trébucher avec les plats qu’il portait. Des clients d’un certain âge la hélèrent et lui ordonnèrent de mieux se tenir, tandis que d’autres pouffaient bêtement en se cachant derrière leurs menus. La politesse n’était pas une valeur sûre pour tout le monde, et loin d’être à sa place, la jouvencelle se terra dans l’une des cabines de toilettes. Elle en abaissa la cuvette ainsi que le battant, et s’y laissa choir de tout son poids. Elle ramena ses jambes contre sa poitrine, et les enlaça de ses bras. Nous tenons également à préciser que les propos suivants risquent de heurter la sensibilité des plus jeunes.

    - Putain, merde, saloperie. Cette femme me fait profondément chier. Et puis toutes ces courbettes, plus jamais. Si seulement je pouvais fumer une clope, mais non, elle me fait boire du vin rouge à la place. J'aurais dû m'enfuir quand c'était encore possible, je serais allée dans un de mes bars fétiches, et je me serais bourrée la gueule à outrance. C'est vraiment trop cruel. Oh mais naturellement, je vais passer pour une ingrate puisque Madame a eu l'impressionnante générosité de m'offrir un endroit où dormir. Ma parole, j'aurais mieux fait de servir de pâture au destin qui se serait chargé de me faire expulser de cet établissement. Et puis pourquoi je m'énerve moi ? Ce n'est qu'une snobinarde, un point c'est tout.

    Ces paroles dites à voix haute dans des toilettes qui n’étaient peut-être pas totalement déserts, Myra prit sa tête à deux mains et se massa les tempes, en priant pour qu’ainsi sa souffrance devienne plus supportable. Rester calme. Ne pas craquer. Ne pas se faire trahir tandis qu’une personne venait de pénétrer dans la pièce, tournant en rond en cherchant visiblement quelqu’un ou quelque chose. Fait chier. Si seulement elle pouvait se fumer une bonne cigarette. Ca tomberait à pic. Elle se relâcherait complètement et pourrait enfin faire abstraction des sarcasmes agaçants de l'adulte qui, pourtant, avait fait d'énormes efforts jusqu'à présent. Le manque s'immisça parmi les noires pensées de son esprit, et elle eut envie de s'arracher les cheveux jusqu'à ne plus rien avoir sur le caillou.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyMar 6 Sep 2011 - 23:11

    Il arrivait rarement à Renna de ressentir de la culpabilité. Ai-je écrit rarement ? Milles pardon, je voudrais me corriger pour inscrire 'jamais', c'est bien plus d'actualité. Et donc elle n'était pas nécessairement armée pour anticiper cette émotion et l'accepter comme ordinaire. Son organisme était habitué à ce que tous ses actes et toutes ses paroles sortent de son corps et qu'il n'en entende plus jamais parler. C'est sans doute pour tout ceci qu'elle fut momentanément confuse devant l'apparition d'une pointe de regret face à son attitude quand la jeune femme se leva prestement de sa chaise et annonça d'un air contrarié qu'elle allait visiter les salles de bain. Elle aurait voulut annoncer qu'elle se ficher incidemment d'où Myra allait et qu'elle pouvait bien se rendre chez le diable si elle le désirait, mais compris rapidement qu'une telle réplique ne la mènerait nulle part et pressa les lèvres pour l'empêcher de s'échapper. Il y avait un moment déjà qu'elle avait comprit que de tout simplement lâcher sa frustration sur la pauvre Myra ne ferait qu'envenimer leur étrange lien et finir par le rompre sans plus d'efforts. C'est donc avec une certaine impuissance qu'elle regarda son étudiante s'éloigner de leur table, observant sa progression vers les toilettes sans afficher aucune émotion sur son visage. Le serveur qui avait entamé la description des plats d'un ton enjoué et polis avait stoppé ses explications pour regarder, lui aussi, Myra Jefferson s'en aller. C'était après tout une démarche digne d'être observée qui ne fut gâchée que par le fait que l'étudiante ne regardait pas réellement où elle s'en allait. Ce qui causa bien entendu sa collision avec le pauvre serveur, qui outré de s'être fait interrompre dans ses tâches si importantes, se mit à réprimander sévèrement en japonais la jouvencelle. D'ailleurs les clients semblaient d'accord avec lui et Renna regarda d'un air médusé le restaurant se monter contre la pauvre étudiante qui les ignora pour se réfugier dans les toilettes. Leur réaction causa en Renna une petite colère. D'ailleurs, elle jeta des regards méprisants aux clients des autres tables qui continuaient de maugréer contre les jeunes d'aujourd'hui et d'insulter la jeune femme qui n'était plus des leurs. Si quelques secondes plus tôt elle aurait été des plus satisfaite que quelqu'un d'autre sache reconnaître la vérité sur la jeune femme, maintenant elle avait envie de défendre Myra. C'était cette pulsion même qui avait causé à la jeune dame de regarder tour à tour les clients du restaurant d'un air désobligeant jusqu'à ce que ceux-ci remarquent son regard et se sentent tout petits dans leurs chaussures. cela fait, elle réalisa ce qu'elle venait de faire au juste et poussa un soupir dramatique tout en enfonçant son visage dans ses paumes, cherchant à raviver sa peau de frottements énergétiques et furieux de main. Voyant qu'elle n'avait rien accomplit du tout sinon augmenter le timbre de sa migraine, elle reposa ses mains sur la table et se reposa contre son dossier de chaise, remarquant enfin que le serveur la fixait d'un air questionneur et que son sourcil levé montrait bien son agacement à devoir ainsi attendre. Elle le fixa longuement jusqu'à ce que le sourcil baisse et, satisfaire d'avoir infligé le malaise chez l'homme, elle dit d'un ton encore plus glacial :

    « Nous avons besoin de quelques minutes pour choisir. »

    L’homme sembla comprendre le message, si l’on pouvait en juger par le mouvement nerveux que sa langue effectua en passant sur ses lèvres minces avant qu’un sourire maladroit ne s’affiche sur son visage tandis qu’il répondit qu’il n’y avait aucun problème et qu’il reviendrait plus tard. Le regardant partir avec une certaine pointe de dédain, la jeune femme regretta son choix de venir dans ce restaurant précis. La vérité était que la jeune femme n’était pas une de ces aristocrates pincées qui préféraient manger dans des endroits de haute qualité seulement pour bien paraître. Elle choisissait ses restaurants selon la qualité de la nourriture, la propreté et la tranquillité. Le fait qu’elles soient tombées ce soir là sur un restaurant plus uppé était par pure chance et hazard, mais tout de même Renna regrettait son choix. Elle aurait du comprendre que Myra n’était pas de celles qui aimait se conformer à des règles d’étiquette et que ce genre d’endroit n’était pas le mieux pour elle. Son esprit n’était pas encore habituée à considérer les sentiments d’autrui, du coup en choisissant le cordon bleu elle avait usé de logique simplement, assumant que c’était la meilleure solution puisqu’elles étaient à côté. Étant habituée à ce genre de comportement de la part de serveurs et de clientèle, elle n’avait pas calculé qu’un tel environnement pouvait être étouffant pour quelqu’un comme son étudiante. Agacée d'être à nouveau perturbée par des émotions qu'elle n'avait pas l'habitude de ressentir, Renna s'appuya de ses coudes sur la table dans une claire contradiction de ce qu'elle avait reproché à son étudiante pour enfouir son visage dans ses mains et pousser un soupir lourd de ressentiments. Elle commençait très franchement à en avoir plus que marre de cette situation et des choses qu'elle lui faisait ressentir contre son gré. Mais en fait, ce qui la frustrait le plus dans tout ça c'était justement ses propres réactions aux émotions étranges. Sur un coup de tête elle décida de faire le point et de redresser tout ceci avant qu'un résultat désastreux, comme par exemple ce qui venait tout juste de se passer se produise. Voici donc la conclusion de sa fameuse remise en question mentale :

      BILAN DE LA SITUATION MYRA :
      1. La présence de Myra Jefferson dans ma vie cause en moi une grande frustration due au fait que des émotions extra-terrestres s'installent en ma personne quand elle est tout près contre mon gré.
      2. Je devient irritable facilement contre Myra pour déverser cette dite frustration causée par ces dites émotions extra-terrestres.
      3. J'ai décidé en toute connaissance de cause de détester Myra afin de m'en éloigner et d'empêcher mes soudaines pulsions à prendre possession de mon corps.
      4. Je suis forcée d'endurer la présence de Myra à mes côtés 24h sur 24 à cause de cette histoire de tutorat, ce qui rend le fait de la détester superflu puisque je n'ai plus de raison valable de le faire étant donné que sa présence est garantie de toute façon.
      5. J'aimerai explorer ces nouvelles émotions maintenant qu'elles ne me semblent plus si offensives, mais malheureusement mes efforts de haine ont rendus la relation entre Myra et moi des plus ardues.
      6. J'ai un mal fou à laisser mes pulsions dicter mes actes, peu habituée à être aimable et j'ai l'impression de me montrer vulnérable en me laissant aller ce qui est inacceptable.
      7. Je suis encore plus frustrée parce que je n'arrive pas à me laisser pousser par mes pulsions, ce qui rend mon taux de frustration beaucoup trop élevé et me fait faire des choses innommables.
      8. Myra ne veut rien savoir de ma personne parce que je l'ai traité auparavant comme une moins que rien et qu'elle rejète l'autorité en général, ce qui rend la situation encore plus difficile à redresser.
      9. Quand tout semble aller trop bien, je réalise que ce n'est pas logique et finit par regâcher toute l'affaire.
      10. En bref : Y'EN A MARRE.
      SOLUTION ? Arrêter de me frustrer pour des conneries, accepter le fait que Myra est... Spéciale et ravaler mon ego.


    Résolue et pinçant les lèvres, Renna posa une main à plat sur la table dans un geste décisif et releva le regard vers la porte de la salle de bain. Bon. La soirée avait été gâchée par son caractère, elle pouvait l'admettre maintenant. Comment réparer les pots cassés ? En faisant quelque chose que Renna avait encore du mal à faire, cesser d'agir en parfaite enfoirée assez longtemps pour écouter la petite voix gentille qui résidait dans son coeur et aller s'excuser à son étudiante. Son orgueil frétilla de malaise et vociféra ses objections à une oreille sourde, mais cela ne l'empêcha certes pas de continuer son manège. Elle était encore frustrée et légèrement colérique, il était vrai, et elle allait faire ses excuses principalement parce qu'elle voulait faire marcher cette histoire de tutorat et non par un réel sentiment de désolation ce qui d'avance ne faisait pas bonne figure. L'enseignante se leva donc de sa table, les yeux fixés sur la porte de la salle de bain et s'avança d'un pas vif teinté de par son impatience actuelle. La seule chose qui la fit s'arrêter dans ses pas, fut une remarque que son oreille gauche capta. Une dame était en train de critiquer les agissements de l'étudiante qui venait de fuir vers les toilettes d'un ton pompeux à son accompagnatrice qui persistait à hocher la tête en signe d'approbation en sirotant une tasse de thé. Renna aurait normalement continué son chemin sans piper mot, seulement la nature de la conversation la choqua grandement. La dame semblait impliquer que la jeune femme n'avait pas l'air d'avoir sa place parmi les bonnes gens du restaurant et que donc elle devait avoir tiré cette faveur de son acompagnatrice en échange de... services. Agacée par leurs propos et décidant que de défouler sa frustration sur elles plutôt que sur Myra serait une bonne chose, elle fit un bref détour vers leur table avant d'aller s'excuser à son élève, le regard lançant des éclairs.


    « Non mais franchement, un tel comportement dans un établissement respectable ! Je me demande bien ce qu'une vagabonde comme elle fiche ici tout d'abord, sans doute qu'elle a usé de son charme pour que cette femme qui l'accompagne décide de la prendre en pitié. Que c'est honteux ! Moi je vous dit que-- »
    « Saviez-vous, madame, que non seulement vous êtes malpolie en parlant ainsi de gens que vous ne connaissez aucunement, mais qu'en plus vous confirmez que seule une éducation piètre aurait pu vous inculquer de telles valeurs morales en vous montrant ainsi en spectacle. La jeune femme que vous vous plaisez à ridiculiser est cent milles fois plus intelligente que vous, d'autant plus que le plongeant de votre décolleté me suggère que c'est plutôt vous qui cherche la charité en exhibant votre corps et qu'ainsi de lui attribuer vos vices est une bien mauvaise chose. Bonne soirée. »

    L'esprit plus léger après cette confrontation, Renna ne prit même pas la peine d'attendre une quelconque réaction de la dame qu'elle venait d'insulter. Celle-ci avait prit un teint livide et affiché des yeux ronds tandis qu'elle parlait, maintenant elle se contentait de cligner des yeux en balbutiant des mots incompréhensible, cherchant à se reprendre en fixant la dame qui venait de l'insulter grandement. L'enseignante franchit enfin le pas de la porte de la salle de bain juste au moment adéquat pour entendre les propos vociférés avec une certaine violence de Myra. Elle avait ouvert la bouche pour parler, mais s'était ravisée, décidant à la place d'écouter en penchant la tête sur le côté, restant devant la porte d'entrée comme statufiée. Contrairement à ce que la plupart des gens pensait, Renna n'était pas insensible totalement aux mots des autres. Il y avait en elle cette partie fragile qui se blessait quand une personne pour qui elle portait une quelconque affection n'appréciait pas sa personne. C'était quelque chose qu'elle commençait à réaliser maintenant que Myra faisait partie de ces gens peu nombreux et qu'elle lui avait fait quelques peu mal avec ses mots. Longtemps le silence régna dans la salle de bain tandis que Renna cherchait à reprendre contenance. Il n'y a pas si longtemps, elle aurait rétorqué avec des mots durs pour blesser Myra à son tour et se venger, se prouver qu'elle était encore en contrôle de la situation. Maintenant, elle ne savait plus trop quoi faire en fait. L'enseignante avait décidé de plus faire confiance à ces sentiments bizarres qui l'envahissaient quand Myra était concernée et donc se trouvait en terrain inconnus. Pour la première fois, elle tâcha de voir cette situation sous l'oeil de Myra. Ce qu'elle trouva ne lui fit pas bien plaisir. Elle pouvait comprendre que l'étudiante se sentait en prison dans cette situation et que ce n'était pas un sentiment agréable. Certes, elle n'aidait pas beaucoup en la dénigrant sans cesse. Prenant la décision de tenter de redresser tout ceci, Renna s'approcha du cabinet occupé, hésita, pour toqua doucement à la porte.

    « Melle Jefferson, j'aimerai... M'excuser pour mes mots. Il y a quelques... Quelques sujets sensibles pour moi et par inadvertance vous avez choisis l'un d'eux et... Et je déteste que l'on découvre ce genre de fai... faiblesse. »

    Il était très difficile, voir presqu'impossible pour Renna de laisser sortir ces mots. Elle dut déglutir de nombreuses fois afin de ne pas céder à la tentation de les ravaler et prit une grande respiration avant de continuer sur un ton plus stable :

    « Je sais que cette situation n'est pas facile pour vous tout comme elle ne l'est pas pour moi. Je n'ai jamais prétendu être la plus apte à vous aider, j'ai un caractère difficile à apprivoiser. Mais... Mais contrairement à ce que vous pensez de moi, j'ai votre réussite à coeur, ce qui devrait vous garantir que je ne fait pas tout ça dans l'espoir de vous voir échouer votre vie. Pouvons-nous... Parler de tout ceci calmement ? Et préférablement dans un endroit plus adapté ? »

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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyMer 7 Sep 2011 - 20:42

    Myra continuait de grommeler des jurons incompréhensibles. Les lèvres pressées contre ses avant-bras enlaçant ses genoux, elle se focalisa ensuite sur les bruits de pas qui tournaient en rond. De prime abord, elle ne reconnut pas directement le claquement des talons de Renna. Elle croyait, à tort, qu’elle la laisserait se morfondre et se calmer, jusqu’à avoir envie de retourner à table pour poursuivre la soirée comme il se doit. Au fond, la jouvencelle aux yeux verts se sentait coupable de ne pas avoir pu contenir ses émotions. Cependant, elle n’avait pas une capacité d’adaptation irréprochable contrairement à d’autres personnes. Lorsqu’on lui imposait trente six mille choses à la fois, elle devenait chèvre, et manquait cruellement de tact. Elle pouvait commettre des actes inconsidérés, sans s’apercevoir qu’elle pouvait blesser son prochain. Maintenant qu’elle avait plus ou moins cerné son enseignante, elle restait sur des préjugés, et s’imaginait que toutes ses insultes ne l’atteindraient pas. Elle usait d’un vocabulaire aussi incongru qu’irrespectueux lorsqu’elle n’était pas en sa présence, et elle s’efforçait d’être la plus mielleuse possible lorsqu’elle lui adressait la parole, par souci de ne pas la conforter dans l’idée qu’elle n’était qu’une jeune fille écervelée. Pour parler clairement, elle endossait le rôle de la parfaite hypocrite, dépourvue de vergogne et de considération pour l’humanité d’autrui. Après n’avoir vu en mademoiselle Johnson qu’une personne sans cœur et intransigeante, elle apprendrait que derrière un masque pouvaient se dissimiler d’innombrables qualités. Sur le long terme, en côtoyant une personne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, on modifiait radicalement son opinion. Ainsi, après être passée pour une incorrigible ivrogne, Myra avait l’image d’une enfant constamment abandonnée, qui avait besoin d’être recadrée afin qu’elle puisse s’épanouir correctement. Sans doute, Renna n’avait jamais imaginé agir ainsi à l’égard du monstre aux yeux verts, mais étant donné ses comportements incohérents voire incompréhensibles, elle avait tout intérêt à y aller avec des pincettes, si elle ne souhaitait pas ébranler leur projet de tutorat. Sa réussite devait être immédiate et irréprochable, si elle ne voulait pas être fichue à la porte de l’académie Keimoo. Par ailleurs, c’était l’avenir de mademoiselle Jefferson qui était en jeu. Malheureusement, loin de s’en soucier pour le moment, la principale concernée ne faisait que taper mentalement des poings, tandis que les allers-retours au sein des toilettes n’en finissaient pas. Toutefois, il y persistait toujours les incessants claquements de talons.

    Ignorant l’impact de son précédent soliloque sur l’état d’esprit de sa tutrice, elle émit un long soupir, lorsque la voix de l’adulte s’éleva. Le silence bruyant fut radicalement interrompu, et l’esprit plus alerte, Myra crut déceler une pointe de tristesse et de culpabilité dans le ton emprunté par Renna. Alors, euh, techniquement, c’était improbable. La perspective de voir poindre une once d’opprobre en la personne de mademoiselle Johnson était délirante. Mais plus elle se concentrait sur les variantes de son discours, plus elle parvenait à concevoir le contraire. Cessant de se replier sur elle-même, la Rebelle déplia ses jambes et se releva, adossée contre la porte de la cabine. Tête baissée, elle fixait intensément le bout de ses chaussures, sans être certaine qu’il s’agissait de la bonne conduite à tenir. Une telle conversation impliquait une confrontation qu’elle fuyait lamentablement, en se cloîtrant dans des toilettes publiques. C’était absolument pathétique, mais par fierté mal placée, elle s’engluait dans son ignorance et s’abreuvait des excuses de son enseignante. Il fut une époque où elle aurait jubilé en entendant de telles paroles s’extirper de la bouche d’un adulte. Mais dans le cas actuel des choses, elle ne réussissait pas à s’en réjouir. Elle surprit une pointe d’amertume s’insinuer dans les failles béantes de son cœur, tandis qu’une multitude de pensées péjoratives virevoltaient dans son esprit. Ne fais pas ça, lui disait sa conscience. Accorde-lui ton pardon, car en restant butée, tu risques de profondément le regretter. Elle vient de te le dire, elle ne compte que sur ta bonne volonté pour que ce projet marche. Qu’est-ce que ça te coûte après tout ? Tu respectes ta part du marché, elle t’octroie toutes les méthodes de travail nécessaires, et vous n’en parlez plus. Vos chemins se sépareront de la même façon qu’ils se sont trouvés, et lorsque tu auras obtenu des notes honorables, tu n’auras même pas eu l’impression d’avoir soulevé des montagnes. Avec un peu de bonne foi et de sincérité, on parvient à tout, et ce n’est certainement pas en lui tournant cruellement le dos que tu te rendras service. Bien au contraire, tu cours à ta perte.

    A ce moment précis, Myra aurait aimé marteler sa conscience. Il n’en resterait qu’une bouillie visqueuse, et à sa surface giraient toutes ses conceptions de la liberté, de l’indépendance et des responsabilités. Puis elle se ravisa, et accepta d’écouter ses murmures inquisiteurs. Faisant indirectement face à son adversaire, elle parvint à se replier et à hisser le drapeau blanc. La hache de guerre n’était pas enterrée pour autant, mais elle jugea préférable de faire une trêve. Au départ, c’était elle qui se l’était jouée provocante, en rouvrant des blessures étroitement liées au vécu de Renna. Par conséquent, elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. Ce n’était pas à l’adulte de s’auto-flageller en prenant des initiatives qui n’étaient pas réellement les siennes. En tant que cadette de la situation, c’était à Myra de prendre les devants, et ainsi de montrer qu’elle pouvait être jeune et raisonnable. L’un n’allait pas toujours sans l’autre contrairement à ce que l’on pouvait s’imaginer. La professeure de mathématiques avait tout de même le privilège de connaître un esprit ouvert, qui ne s’imposait aucune limite, et acceptait quelques fois de voir plus loin que le bout de son nez. Ces réflexions faites, Myra se décida à rompre les barrières brutalement érigées entre elles.

    - Ne vous excusez pas. Vous avez voulu m’emmener dans un endroit cool, et je n’ai pas su apprécier vos intentions à leur juste valeur. C’est plutôt à moi de faire profil bas, et d’admettre que mon attitude était ingrate. J’suis vraiment désolée. Mais il est clair que vous êtes allée un peu trop loin en me corrigeant sur des détails qui, de mon point de vue, ne regardent que moi. Je sais que mon éducation est à refaire sur certains points, mais ne rendez pas les choses plus compliquées. J’ai conscience des difficultés que cela représente pour vous. Mais nous sommes deux dans cette galère, et si ça peut nous éviter le pire, je veux bien déployer quelques efforts.

    Elle crut que de telles paroles écorcheraient sa langue, mais ce ne fut pas le cas. Elle se sentit étrangement soulagée à la suite de ses déclarations. Elle était comme débarrassée d’un poids supplémentaire, après que Renna ait pris connaissance de ses nombreux problèmes personnels. Agréablement stupéfaite par les conséquences de la vérité, elle en déduisit que l’honnêteté pouvait aussi être porteuse de liberté, ce qui était une notion fondamentale à ses yeux. Ainsi, après que Renna lui ait gentiment sommé d’aller parler dans un endroit plus approprié, Myra acquiesça vivement et daigna sortir de la cabine, le regard confus, et la mine déconfite. Elle eut tendance à rentrer ses épaules dans un élan d’extrême humilité, tout en n’osant pas affronter les yeux perçants et calculateurs de son vis-à-vis. De temps à autres, les dames qui passaient pour satisfaire leurs besoins biologiques les fixaient, en leur faisant comprendre que ce n’était pas un lieu pour régler des comptes. En effet, des toilettes publiques n’assuraient pas les meilleures conditions.

    - Vous… souhaitez continuer le dîner ici ? Parce que j’ai la forte impression que la clientèle ne nous verra pas d’un très bon œil désormais. Quand j’y pense, j’ai vraiment été idiote, mais je suppose que c’est le contrecoup de tout ce qu’il s’est passé aujourd’hui. Ca a été une journée très mouvementée. Et puis, j’ai aussi quelque chose d’important à vous avouer. Mais pas ici.

    Elle faisait allusion à ce qu’il s’était passé avec Kenichi. Depuis le temps qu’elle cherchait à cracher le morceau, elle n’était toujours pas parvenue à se défaire de ce terrible secret. Son ampleur n’était pas si atroce que cela, mais sachant ce qu’il impliquait, Myra avait envie de le vomir vite fait bien fait. Quant à leur réputation au sein du restaurant français, elle fut remarquable lorsqu’elles sortirent des toilettes. En effet, la dame qui avait réceptionné un commentaire acerbe de la part de Renna, toisa cette dernière avec mépris, tout en grommelant des injures non identifiées. Myra ne préféra pas leur donner suite, bien que ce ne soit pas l’envie qui lui manquait, et prit tout de même la peine de reprendre un peu de vin rouge. On était une ivrogne, ou on ne l’était pas. C’était tout un art qui ne s’expliquait pas. Il se pratiquait au fil des cuites, des nuits d’ivresse passées en compagnie de partenaires sexuels éphémères, tandis que chaque minute consumée dans leurs bras se soldait par une jouissance indécente.

    - Bon, cette fois-ci, c’est moi qui prends les décisions si vous me le permettez.

    A dire vrai, elle n’avait absolument aucune idée d’où elles pourraient aller. Entre les restaurants japonais pompeux servant d’attrape-touristes, et ceux beaucoup plus rudimentaires, elle ne savait pas trop sur quel choix s’arrêter. Finalement, après cinq petites minutes de marche intensive dans les environs des centres commerciaux, elles atterrirent sur une enseigne plutôt colorée. Ses lueurs criardes mais chaleureuses attirèrent la Rebelle, qui s’empressa de traverser la rue pour en rejoindre l’accotement. Collant d’abord son nez contre la vitre, elle aperçut, de l’autre côté, des tables pour la plupart occupées. Elle en vit quelques unes de libres, et espéra que les réservations ne soient pas indispensables pour avoir sa place dans ce charmant établissement. Lorsqu’elles en foulèrent le plancher, un énième serveur japonais cette fois-ci, les salua sincèrement avant de leur proposer une table placée entre deux.

    - C’est un peu plus modeste, mais au moins, il n’y a pas de nappe démodée et de snobinards impénitents.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyMer 7 Sep 2011 - 21:48

    Renna aurait souhaité pouvoir, dans son soudain état de vulnérabilité, avoir un quelconque contact avec Myra. Sa aurait très bien pu être un simple regard, un frôlement de doigts ou même un bref apperçu du coin de l'oeil, elle souhaitait simplement s'assurer que ses mots avaient été entendus et compris, d'autant plus qu'elle souffrait durement de ne pas pouvoir tenter de deviner les pensées de la jeune femme en analysant ses réactions. C'est sans doute ce soudain désir irrationnel qui fit bouger sa main droite vers la porte. Il fallait dire aussi qu'ayant soulevé la main pour cogner doucement à la dite porte, cette dite main était déjà en bon chemin pour rester à sa place. Elle avait demeuré en l'air durant les paroles hésitantes de la jeune dame, ne sachant trop où se mettre à dire vrai. Les mouvements habituels de Renna n'avaient plus aucune valeur maintenant qu'elle tentait d'écouter différentes parties de son esprit et du coup ses membres avaient un mal fou à s'adapter et à trouver comment réagir. L'on aurait dit que son cerveau était si accaparé par la tâche de changer sa perception qu'il n'avait tout simplement plus le temps ni la patience de dire aux parties du corps de Renna les agissements convenables. Du coup, le corps si habitué à une discipline rigides se trouvaient bien penauds face à cette nouveauté et ne prenaient pas très bien leur nouvelle liberté. Tels des animaux élevés au zoo soudainement libérés dans la savane contre leur gré par des naturalistes clamant les protéger, ils demeurèrent figés, ébahis devant ce nouveau monde. C'est sans doute cette nouvelle liberté qui convainquit la main d'écouter cette pulsion qu'elle ressentait de se laisser tomber contre la surface de la porte tout doucement, le bout de ses doigts effleurant la dureté froide de l'objet en question. Ce mince contact froid la rassura quelques instants et elle eut la décence de se reprendre légèrement en main, redressant son doigt et armant d'acier son regard qui commençait dangereusement à ressembler à du beurre fondu. Son front résista un instant la même pulsion de se laisser tomber contre la porte, mais il ne le fit pas très longtemps. D'un geste hésitant, Renna appuya sa tête contre le pan froid et ferma légèrement les yeux, laissant une mince fente encore entrouverte, cherchant à ressentir la présence de Myra ainsi de ce contact inhumain. ce qu'elle ne savait pas, c'était que melle Jefferson se trouvait en ce moment adossée à la dite porte et que du coup elles formaient une bien jolie image vue de haut. Une image presque romantique, bien que cette notion aurait sans aucun doute scandalisé la pauvre enseignante qui aurait certes eut le réflexe instantané de s'arracher à la porte en réalisant ses gestes impulsifs. Il était surprenant de voir la jeune femme s'évader dans un tel acte, puisque normalement tout ce qu'elle aurait pu penser en touchant à cette porte était le nombre impressionnant de microbes et de bactéries qui s'étaient installés sur sa surface et comment elle les ramassait tous en ne faisant que l'effleurer. Son obsession de la propreté l'aurait sans doute ensuite poussée à s'enduir les mains de désinfectant tandis qu'elle tuerait allègrement les microbes avec un regard presque fanatique, frottant avec insistance pour bannir les corps étrangers indésirables.

    Qu'elle ne pense pas à tout ceci à cet instant précis était bien un signe qu'elle avait baissé sa garde et ses boucliers sans vraiment s'en rendre compte. C'était aussi un signe que Myra était beaucoup plus importante pour elle que ce qu'elle était prête à admettre à soi-même. Malheureusement, il faudrait des années d'études en psychologie et de fréquentation de la jeune dame pour se rendre compte de ce fait. Même là, il aurait fallut qu'elle puisse être témoin à la scène pour s'en apercevoir et était un peu gênée par la présence de la porte entre leurs deux enveloppes charnelles. Les soudaines paroles brisant l'intimité soudaine de la situation surprit grandement la jeune dame qui sursauta et comme électrocutée vivement, retira sa main et son front de la porte. Pendant quelques secondes elle fut totalement incapable d'enregistrer correctement les paroles de la jeune femme, un fait inacceptable qui ne manqua pas d'assombrir son regard qui redevenait tranquillement de glace tandis qu'elle reprenait ses esprits et remettait en place les barrières qui la protégeait de l'extérieur. Apparemment se laisser un peu trop aller dans ses émotions n'était pas spécialement la meilleure chose pour l'instant. Tout du moins pas pour le moment, quand elle était mal armée pour se défendre et bien comprendre ses faits et gestes. Renna attendit plusieurs minutes, puis constatant qu'elle était à nouveau en contrôle d'elle-même, relâcha quelques peu la pression et se permit un petit moment de silence avant de réfléchir aux paroles de son étudiante qui, enfin, se faisaient sentir dans sa mémoire. Elle fronça légèrement les sourcils aux excuses de la jeune femme avant d'hocher la tête d'un signe bref d'approbation, heureuse de voir que Myra était capable d'avouer ses tords, elle aussi, une chose que Renna n'aurait pas soupçonné chez elle quelques jours plus tôt. Elle écouta le reste du discours et finit par se frotter les tempes en soupirant . Voilà que sa venait, une critique sur un point qu'elle avait du mal à corriger. Renna avait toujours eu cette habitude mauvaise de juger les gens par ses propres critères et de ne pas leur laisser d'excuses ou de chance pour se racheter. Elle faisait ceci souvent inconsciemment et n'avait pas développé l'habitude de s'en empêcher, ne jugeant pas l'effort nécessaire. Ce n'était quand même pas la première fois que quelqu'un lui faisait ce commentaire et donc elle fut prête à le recevoir. Après plusieurs secondes, elle répondit sur un ton toujours ouvert :


    « J'ai cette habitude de critiquer et de juger les gens. C'est quelque chose qui me vient automatiquement, je l'avoue. Cependant... Cependant si sa peut rendre les choses plus aisées entre nous, je ferai un effort pour retenir mes commentaires. Sachez seulement que se sera difficile. Je suis aucunement adepte dans l'art de la délicatesse et je sais rarement taire des mots trop rudes. Si un ou deux m'échappent, rappelez-vous s'il-vous plaît que ce n'est pas intentionnellement et que bien souvent je les dit que pour vous donner des conseils pour vous améliorer. Maladroitement, certes, mais au moins j'ai de bonnes intentions. Du moins... Lorsque mes mots sont dirrigés vers vous. Autrement, la plupart des insultes qui sortent de ma bouche quand d'autres sont concernés ne sont pas réellement faites pour conseiller, mais plutôt... Pour insulter. »

    La logique et la sincérité des mots avait légèrement tourné à l'humour sur la fin et Renna se surprenait de voir à quel point il était facile de laisser filtrer ce genre de blagues sans réellement le vouloir. Elle avait toujours eu un humour riche et mordant, mais presque jamais elle n'avait eu l'opportunité d'en faire usage en communiquant avec autrui, les jugeant soit trop stupides pour en comprendre les subtilités ou alors juste indignes de son attention. Puis, melle Jefferson s'extirpa de sa cage avec un air clairement gêné. Renna n'avait qu'à bien comprendre le langage corporel pour arriver à cette conclusion plus que logique, tout était inscrit dans le regard baissé et les épaules relevées. Pendant plusieurs secondes, elle fut des plus heureuses d'avoir eut le réflexe de se détacher de la porte avant que Myra n'ait la bonne idée d'ouvrir le pan froid. Le résultat autrement aurait sans doute été catastrophique. L'image ridicule causa à Renna un haussement de sourcil sarcastique tandis qu'elle fixait le sommet de la tête de son vis-à-vis avec un air songeur. Les prochaines paroles de la jeune femme firent à nouveau soupirer la jeune dame qui afficha un regard d'acier à la mention de la clientèle et du restaurant. Non, pas question qu'elles restent là à endurer cette atmosphère lourde et ces gens idiots. Il était évident qu'il leur faudrait trouver un lieu plus adéquat pour leur discussion, d'autant plus que l'enseignante n'avait nulle envie de demeurer dans un lieu qui rendait la jeune femme à ce point mal à l'aise. Elle crut bon de commenter sur les autres paroles, néanmoins.

    « Ne vous en faites pas, je peux comprendre. Si j'avais eu une telle... Discussion avec mon père, je serais certes de mauvaise humeur. Quoi que ne possédant pas ce genre de relation avec mon paternel, je suis peut-être mal placée pour me mettre à votre place. Sinon, je suis d'accord pour le changement de restaurant. Celui-ci est bien plus décevant que ce dont je me rappelait. »

    Ayant à peine quelques secondes pour se demander d'où diable provenait ce soudain désir de réassurer la jeune femme, Renna fut confrontée à la fin du discours qui attisa sa curiosité. Quelque chose à lui avouer ? Son coeur fit un bond déraisonnable qui attira le courroux de son côté réaliste et pessimiste qui le ramena rapidement à l'ordre. Après tout, Myra ne pouvait tout simplement pas vouloir lui faire CE genre d'aveux. Elle considérait certainement son enseignante comme une dame asexuée juste bonne à prononcer sermon et remontrance, espérer autre chose était ridicule. D'autant plus qu'elle n'était pas censée espérer autre chose, simplement parce que de telles émotions lui étaient interdites. S'extirpant donc des toilettes, les deux jeunes femmes se dirigèrent vers la sortie et silencieusement Renna paya la bouteille de vin à peine entamée et l'emmena avec elle sous les yeux surpris du serveur qui n'eut même pas le temps de piper mot. L'enseignante ignora avec insistance les regards courroucés de celle qu'elle avait insulté, souhaitant ainsi augmenter son taux d'humiliation et réussissant sans grand peine. Les deux jeunes femmes marchèrent en silence dans les rues et pour une fois Renna ne fut nullement outrée de ne pas avoir de destination précise en tête. Elle savoura simplement la présence de son étudiante à ses côtés et l'absence d'ondes négatives entre elles deux, soupirant d'aise. Lorsque celle-ci suggéra qu'elle serait celle qui choisirait cette fois, elle arqua un sourcil, mais ne passa aucun commentaire, contente de se laisser guider. Au point où elle en était, Myra aurait pu la traîner dans un bar malfamé qu'elle n'aurait même pas été outrée. Elles entrèrent donc dans le choix de la demoiselle et Renna observa le décors moins pincé avec approbation. Elle-même marginale de nature, les couleurs chatoyantes et l'aspect original de l'endroit lui convenait parfaitement. Une fois assises, Renna tourna son attention sur melle Jefferson assise en face d'elle et écouta assidument les paroles. Elle hésita quelques instants, puis arqua un sourcil et dit d'un ton presque joueur :

    « Certes. »

    Elle attendit quelques instants que l'impact du mot répété et l'humour derrière le sens atteigne Myra, puis ajouta avec un air plus sérieux d'un ton rassurant :

    « Vous savez melle Jefferson, je trouve que vous avez bon goût. C'est un endroit charmant. Mais j'ai commencé à comprendre ce fait en vous en voyant avec quel art vous avez su choisir les éléments de votre nouvelle chambre. Ne vous en faites pas pour moi, je m'adapte aisément à bon nombre de lieux. Je crois même que je vous surprendrais sur ce fait. »

    Sur ces derniers mots bourrés de double sens et un dernier regard humoristique, elle se réfugia derrière son menu pour choisir son repas et laisser la jouvencelle digérer le fait que melle Johnson avait un sens de l'humour.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyVen 9 Sep 2011 - 11:40

    La première réponse de Renna ne surprit pas Myra. Elle avait remarqué depuis longtemps qu’elle n’avait aucun tact pour dire les choses, et si l’honnêteté pouvait apporter un semblant de soulagement, elle pouvait aussi être à double tranchant. Elle pouvait blesser l’autre, ce qui n’était pas une conséquence à prendre à la légère. Jusqu’à présent, Myra n’avait vu en cela qu’une offense que son enseignante prenait un malin plaisir à perpétuer. Cependant, en comprenant qu’elle n’y pouvait rien car cela faisait partie intégrante de sa nature, elle eut presque envie de l’excuser. Cela dit, elle ne s’exécuta pas pour autant, puisque l’adulte admit que ce ne devait pas être plaisant tout le temps de se faire dire ses quatre vérités. Mais consciente des efforts qu’elle avait déployés jusqu’à présent pour être la plus agréable possible, l’élève se montra indulgente. Elle ne voulait pas anéantir tout ce qu’elle avait entrepris jusqu’à présent, et puis ce caprice n’avait aucune raison d’être à proprement parlé. Il était excusable à cause de ce qu’il s’était passé tout au long de la journée, mais ce n’était pas une raison suffisante pour considérer Renna comme un punching ball, et lui infliger tous les états d’âmes possibles et imaginables. Et finalement, après qu’elles aient réglé ce premier point ensemble, la Rebelle aux yeux verts hocha simplement la tête, avant d’écouter ses propos suivants. Pour son plus grand étonnement, elle tombait d’accord avec elle sur la qualité du restaurant français. Son accueil et son ambiance n’étaient décidément pas irréprochables, et loin de vouloir pourrir ici pendant des heures, elle accepta de suivre son étudiante dans les venelles nippones, où elles jetèrent leur dévolu sur la jolie enseigne que voici. Après avoir pris place à l’une de ses tables, dépourvues de nappes démodées, Myra se concerta avec elle-même dans ses pensées, et admit avoir apprécié la logique et la sincérité de Renna. Au moins, il ne risquerait pas d’y avoir des non-dits, susceptibles de rompre définitivement le lien qui les unissait. Elle savait que ne pas être un minimum honnête pouvait engendrer des situations catastrophiques. C’était un peu ce qui avait eu lieu entre son père et son ex-femme. Ils ne communiquaient pas, ou se contentaient de s’insulter silencieusement en se fixant en chiens de faïence. Il n’y avait aucune osmose quelqu’elle soit, car ils n’avaient pas connaissance de ce qui permettait à un couple de tenir, et d’entretenir sa flamme.

    Elle fut brutalement extirpée de ses pensées, lorsque Renna émit quelques compliments sincères sur un ton humoristique. Elle valorisa le bon goût de mademoiselle Jefferson pour les choses simples et légèrement décalées, qui n’étaient pourtant pas dénuées de beauté. Flattée par ses éloges, elle la remercia en esquissant un mince sourire, qui eut tôt fait de s’évanouir. La spontanéité de son enseignante l’intrigua quelque peu, mais elle se résigna à méditer inlassablement sur la question. En effet, peu après les paroles bienfaitrices de son professeur, le serveur qui les avait récemment accueillis vint leur apporter un apéritif. Il s’agissait de petites bouchées d’omelette roulée, à la saveur orgasmique, à en juger par l’expression extatique de mademoiselle Jefferson. S’accaparant l’une de ces formidables bouchées, elle émit un léger gémissement de bonheur. Quand elle avait un mets raffiné à sa disposition, sa gourmandise excessive se manifestait et ne connaissait aucune limite. Elle dut se retenir afin qu’il en reste un peu pour Renna. Puis, s’apercevant qu’elles n’avaient entamé aucune conversation, elle songea à lui expliquer pourquoi elle s’était sentie mal lorsqu’elles étaient au magasin de lits. Avalant une ultime bouchée dont elle se délecta avec jouissance, elle prit une profonde inspiration avant de laisser s’exprimer ses principales contrariétés.

    - Vous vous souvenez de quand nous étions au magasin de lits. A un moment donné, j’avais un comportement plutôt inhabituel. D’ailleurs, vous l’avez très bien remarqué. En fait, c’est parce que j’ai fait une rencontre disons inopinée, tandis que vous étiez en train de discuter avec la vendeuse. Et à ce moment là, je me suis souvenue que notre situation n’est pas anodine, et qu’elle peut être mal interprétée par certaines personnes, si jamais elles nous voyaient ensemble en train de nous balader en ville, admettons.

    Elle ignorait si l’adulte comprenait où est-ce qu’elle voulait en venir. Mais le principal, c’était de lui expliquer clairement ce qu’elle en pensait, avant de lui laisser l’occasion d’imposer son avis sur le sujet. Ce n’était pas si délicat que ça à aborder, mais par anticipation, elle préférait lui soumettre toutes ses impressions, par souci d’être aussi honnête que ce qu’elle l’avait été avec elle jusqu’à présent. C’était le moins qu’elle puisse faire, après tout ce qu’elle lui avait fait subir. Entre cette séance de torture psychologique dans sa salle de mathématiques, cette nuit affreuse passée à gérer son ivresse, et cette matinée spéciale où elles avaient commencé à échafauder leur projet, on pouvait dire que ces derniers jours avaient été très mouvementés. Et puis, il y eut cet éclair de lucidité qui illumina l’esprit de Myra, et lui rappela que tout pouvait avoir une multitude de sens. Fréquemment, les gens ne s’embêtaient pas à distinguer le vrai du faux. Une rumeur consistait à déformer un énoncé principal de personne en personne, pour qu’il n’en reste finalement qu’un infime pourcentage de vérité. Pour en avoir lancé quelques unes au cours de sa scolarité, la Rebelle avait une brève idée des proportions que ça pouvait prendre. Et en aucun cas elle ne devait laisser ceci se produire, car ce n’était pas uniquement sa réputation qui était concernée, mais aussi le poste de sa tutrice.

    - Sans tourner autour du pot, je vous dirais que j’ai rencontré un garçon de l’académie. Si encore c’était n’importe quel garçon, ça passerait tout seul, mais il se trouve que celui-ci, prénommé Kenichi, était présent lors de la soirée où vous m’avez kidnappée. Du coup, il m’a interrogé sur la tournure des évènements, et il m’a fait comprendre que certains ragots circulent sur ce qu’il s’est réellement passé ce soir-là, entre vous et moi. Je n’ai pas voulu lui demander d’approfondir ses déclarations, mais j’ai bien saisi le caractère salace de ses propos, vous voyez.

    Elle marqua une pause. Le serveur revint à la rescousse et leur apporta une carafe d’eau. Il leur demanda si l’apéritif s’était bien passé, et leur tendit un menu pour décider de l’entrée, du plat de consistance, et du dessert qu’elles désiraient. Il leur laissa une vingtaine de minutes pour se décider, et alla s’occuper des autres clients pendant ce temps. Un léger brouhaha s’élevait, tandis que de nouvelles personnes arrivaient. Apparemment, le restaurant avait une bonne réputation, puisque certains habitués semblaient le considérer comme leur seconde maison. Pour preuve, une petite famille souriante et très à l’aise vint s’attabler près de nos protagonistes. Ne s’en préoccupant pas davantage, Myra entreprit de poursuivre son discours :

    - Et en fait, je vous bénis d’avoir été si absorbée par votre conversation avec la vendeuse à ce moment là, parce qu’en une fraction de secondes, il a cru vous avoir reconnue de loin, mais j’ai nié en bloc, et lui ai rappelé qu’il était totalement défoncé de la veille. D’ailleurs, vus ses yeux éjectés de sang, je crois qu’il a un peu abusé sur l’herbe hier soir.

    Elle gloussa en se souvenant de la mine défaite de son camarade, et se servit un peu d’eau qu’elle but goulûment. Reposant fermement son verre sur la table, elle prit soin de ne pas poser ses coudes sur les bords. Cette fois-ci, elle tâcherait d’être un minimum correcte. Elle tenait beaucoup à cet endroit, et elle ne souhaitait pas s’en faire éjecter comme ça avait été quasiment le cas au restaurant français. Elle était bien trop attachée à ses petites habitudes, pour être contrainte de les modifier juste pour une histoire de politesse. Habituellement, elle ne faisait aucun scandale en de tels lieux, mais il fallait croire que la présence de Renna la dépossédait de ses moyens.

    - Enfin bon, j’ai réussi à esquiver plus ou moins subtilement les révélations embarrassantes. Je ne veux pas dramatiser non plus. Mais, je crois qu’il nous faudra être plus vigilantes à l’avenir. Je sais que le directeur est au courant pour cette histoire de tutorat, mais les détails sur l’organisation de ce projet ne regardent que nous. Et je ne veux pas que ma réputation de dévergondée se retourne fatalement contre moi, et vous fasse chuter par la même occasion.

    Elle espéra que Renna comprendrait l’objectif de cette initiative. Se taisant définitivement, elle s’empara du menu et se dissimula derrière des noms de spécialités japonaises. Au moins, ça lui parlait un peu plus que les plats français, dont les intitulés lui avaient octroyé un formidable mal de tête. Apaisée par l’évacuation directe de ses tracas, il ne lui restait plus qu’à recueillir les opinions de son enseignante. Elle pria pour qu’elle sache se montrer à la fois formelle et rassurante dans ses paroles, quand bien même si elle était la principale cible de tous ses ragots. Elle ne devait pas y être insensible, et elle avait sûrement dû en découvrir plusieurs à son insu. Mais désormais, est-ce qu’ils ne deviendraient pas plus compromettants ?
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptySam 10 Sep 2011 - 3:59

    Nouveau milieu ? Check. Excuses prononcées ? Check. Tentative d'humour ? Check. Atmosphère détendue ? ... Presque check. Renna se permit un regard discret au dessus de sa carte de menu vers son invitée- ou devrais-je plutôt préciser colocataire -, quelques peu confuse devant l'air distrait que celle-ci affichait. L'enseignante avait pensé naïvement qu'un changement d'environnement et quelques mots échangés ramèneraient les choses à l'ordre, apparemment elle s'était trompée. Myra était clairement en train de mijoter dans sa jolie tête de lourds tracas qui l'empêchaient de réellement se concentrer sur le moment présent. Renna aurait souhaité lui demander d'identifier ces dits tracas, le problème était qu'elle ne savait pas réellement comment s'y prendre. La jeune dame était assez nouvelle à toute cette histoire de socialisme. Elle tentait lentement mais sûrement de s'habituer à interagir avec autre chose que son ordinateur, ses bouquins ou son stylo, mais c'était quelque chose de très difficile à faire. Heureusement, étant une personne déterminée et possédant une tête aussi dur que le roc elle se refusait de chanceler alors qu'elle venait de prendre la décision de donner une chance à ce drôle de lien qui avait toujours uni les deux jeunes femmes. Seulement, Renna n'avait jamais réellement adoré cette sensation étrange de ne pas être en contrôle de toute situation et elle sentait bien ce contrôle glisser entre ses doigts comme de l'eau. L'enseignante reposa vite fait son regard sur la carte des repas quand l'étudiante releva les yeux vers elle, histoire de maladroitement masquer son observation de sa personne. Cet acte badaud la piqua au vif, d'autant plus qu'elle n'était jamais aussi démonstrative ou maladroite normalement. Une grande respiration et l'apparition d'un serveur souriant l'empêcha de laisser la frustration envahir son être, une excellente chose. Le serveur effectua son manège avec ma fois bien du style et réussit à ne pas tomber sur les nerfs de l'enseignante, un exploit dont il aurait été certes fier s'il avait d'abord connu Renna, sa réputation et ce qui était en jeu s'il n'avait pas réussit à l'impressionner. Une fois l'homme repartit avec la promesse de leur faire goûter une entrée plus que succulente, Renna du se confronter encore une fois à son dur problème : comment demander à son élève ce qui la tracassait. D'après ce qu'elle avait pu comprendre de ses observations, ce n'était pas une mince affaire que d'encourager ce genre de confessions chez les gens et pourtant bien souvent c'était nécessaire. Il y avait des règles à ce genre de choses, règles que la jeune dame ne connaissait pas. Renna détestait ne pas connaître quelque chose. Elle voulait tout faire à la perfection dès le premier essai et devenait bien vite frustrée quand elle ne réussissait pas. De ne pas réellement savoir comment aborder ce genre de sujet ne faisait qu'aggraver son mal de tête qui pointait à l'horizon depuis qu'elle avait noté l'air troublé de son étudiante.

    Avant même qu'elle ne puisse faire une tentative invitant à la confession, le serveur souriant revint avec son trophée qu'il brandissait tel un maître sur un plateau. Il déposa les omelettes sur la table, leur informa qu'il leur restait une vingtaine de minutes pour choisir leur repas et repartit d'où il était entré, toujours aussi souriant. Renna fixa son dos quelques secondes en clignant des yeux, cherchant à comprendre pourquoi cet homme ne lui déplaisait pas et finit par réaliser que c'était parce que contrairement au trois quart de la race humaine, il était un des rares cas qui arrivait à sourire sans que ce soit un faux sourire. Elle tourna bien vite son attention sur la table par contre, quand un curieux son qui titilla ses sens se fit entendre de l'autre côté, où Myra était assise. Renna observa avec un certain malaise le visage soudain prit d'une expression paradisiaque qui lui faisait face et dut prendre quelques secondes pour se reprendre et comprendre que cette expression était due aux omelettes. Pendant un moment Renna avait été si subjuguée par le son ressemblant si cruellement à un gémissement et par le visage prit de passion qu'elle avait perdu contenance. Heureusement, son masque était revenu bien vite en place avant que les paupières de la jeune femme ne s'ouvrent à nouveau sur le monde. Déglutissant avec une certaine lenteur, Renna ne lâcha pas Myra des yeux et sentit distinctement son mal de tête devenir plus intense. Cette soirée allait mal se terminer. Elle le sentait. Décidant de ne pas laisser Myra se questionner sur son regard inquisiteur, elle embrocha une omelette avec sa fourchette et l'observa quelques secondes avec un air critique avant de la manger avec un peu plus de tenue que son étudiante. Renna analysa le goût dans sa bouche, son côté cuisinier se faisant sentir, et afficha une certaine expression agréablement surprise en arquant les sourcils, mâchant avec lenteur. Sa bouchée termina, elle se permit un petit commentaire sans réellement regarder melle Jefferson.


    « Si j'en juge par cette entrée, le repas s'annonce splendide. »

    La réplique tomba un peu mollement dans le silence, mais Renna n'avait su trouver mieux et avait commencé à sentir que l'atmosphère avait besoin d'être détendu ne serait-ce qu'un peu. Ce qu'elle ignorait, c'était que Myra était si préoccupée par ses prochains aveux qu'elle ne remarquait même pas la dite atmosphère et quand fait il n'y avait qu'elle pour s'en préoccuper. Se maudissant de se trouver sans mot et quelque peu confuse alors qu'elle ne l'était jamais, melle Johnson alla distraitement porter sa fourchette au milieu de l'assiette d'entrée et fut surprise par le bruit du métal heurtant la porcelaine. Cela lui prit quelques secondes avant de réaliser que l'assiette était vide et qu'elle embrochait de l'air. Quelques peu embarrassée, elle s'empressa de poser son ustensile et de replonger son regard vers le menu, les lèvres pincées. Puis vinrent enfin les aveux. Renna fut d'abord surprise par le ton qu'employait Myra pour lui adresser ses propos, si surprise qu'elle se prit à changer la direction de son regard vers son visage. Elle remarqua tout de suite le regard fuyant les les manies nerveuses, ce qui provoqua en elle un retrait immédiat de toute irritation et atténua légèrement son mal de tête. L'enseignante se concentra sur les mots et sur leur signification, captant bien l'importance de la situation. Les débuts de l'aveux lui firent froncer légèrement les sourcils tandis que ses soupçons comme quoi la jeune femme avait connu un changement d'attitude dans le magasin de lits étaient apparemment justes. Elle attendit patiemment la suite, profitant de la pause dans le discours pour croiser les doigts sur la surface de la table. Ils arrivèrent et causèrent bien vite une drôle de réaction à son sourcil droit qui se releva dans une claire expression d'intrigue. Kenichi ? Oui, elle savait qui était ce personnage, elle l'avait eu un jour dans un de ses cours. Le jeune homme était bien entendu sans aucune importance à ses yeux, un bon à rien qui ne pensait qu'aux ragots et à l'alcool. Mais quand melle Jefferson lui indiqua qu'il avait été présent lors de son kidnapping improvisé, son importance augmenta drastiquement. Renna n'était pas fière de son comportement de la veille. Elle avait agit sous la colère et la frustration sans réellement penser aux conséquences, non que de vulgaires ragots lui fassent la moindre peur, seulement elle n'avait pas agit très professionnellement. Bon d'accord, sa réaction avait été tout ce qu'il y avait d'impulsif et rien de très recherché. Par contre, comme l'enseignante avait l'habitude de se ficher comme d'une vieille chaussette trouée de ce que les gens pensaient d'elle, elle n'avait pas réfléchit à deux fois avant de mettre son plan en action. Il fallait dire également qu'à ce moment là, elle ne se serait jamais douté qu'elle finirait par partager son studio avec melle Jefferson, la pensée même ne lui aurait jamais traversé l'esprit une seule petite seconde. Même que si quelqu'un lui avait dit par le passé que cela arriverait, elle aurait probablement considéré cette personne comme le plus profond des abrutis avant de lui lancer un de ses fameux regards condescendants.

    Bref, elle demeura sérieuse et silencieuse tandis qu'une autre pause un peu gênée s'installa et elle attendit les prochains mots, son sixième sens lui disant que le monologue n'était pas encore terminé. Elle ne fut pas déçue. Lorsque les paroles finales tombèrent et que Myra décida de se camoufler derrière son menu, Renna avait les yeux rivés sur la nappe colorée, sourcils froncés et expression des plus pensive. Contrairement à melle Jefferson, cette situation ne l'alarmait guère. Elle trouvait presque risible que ce Kenichi machin pense que d'utiliser une telle rumeur serait un bon moyen de chantage contre elles deux, puisque pour elle ce genre de ragot lui passait dix pieds par dessus la tête. Encore une fois elle tenta de se mettre dans la peau de Myra pour comprendre, mais cela ne l'aida qu'à moitié. D'un autre côté, elle pouvait également comprendre comment la peur d'une telle rumeur pourrait nuire à leur nouvelle entente. Si Myra pensait sans cesse aux yeux des autres sur elles, alors la vie allait devenir de plus en plus compliquée et difficile. Dès que les dames allaient sortir, l'étudiante serait stressée et se demanderait sans cesse si quelqu'un qu'elle connaissait était dans les parages. Renna aurait sans doute usé d'un ton des plus sec pour dire son point en parlant, mais elle tenta de respirer et de se calmer légèrement afin que ses mots soient plus doux. Du coup quand elle parla, ce fut sur un ton raisonnable.


    « Melle Jefferson. Je peux comprendre qu'une telle chose vous ai surpris, après tout notre entente est toute récente et vous n'avez pas encore considéré tous les éléments qui s'y rattachaient. Mais si vous vous inquiétez pour moi, je vous assure que c'est inutile. Je me fiche pas mal de ce que l'on dit de moi, comme vous avez du le remarquer par le passé. Je ne fais rien de mal, comme vous ne faites rien de mal. Si ces... Collègues décident d'y voir autre chose, c'est leur problème et non le nôtre. »

    Contrairement à ce que Myra avait sans doute pensé, l'enseignante avait capté le sous entendu dès l'instant où elle avait commencé à se confier. Renna était une femme sexuelle, bien que l'on ne lui attribuait pas cette qualité à moins d'avoir été témoin de ce côté de sa personne et captait très aisément ce genre de chose. Le fait qu'elle avait encore été troublée par le gémissement de délice de Myra avait encore plus accentué son sixième sens sur la question. D'ailleurs elle se permit un léger regard en coin vers la silhouette de la jeune femme réfugiée derrière son menu, notant l'aspect tendu de ses épaules. Pendant quelques secondes, elle se demanda si... Si ce serait même possible qu'un jour cette melle Jefferson la voit autrement que comme son enseignante asexuée. Elle se rendit vite compte de l'aspect ridicule de cette pensée et se remit à parler, prenant une posture plus droite.

    « En tout les cas, si cela peut vous faire plaisir, je ne crois pas que nous aurons à sortir de mon studio bien souvent durant notre arrangement. Lorsque nous aurons à le faire se sera assurément séparément. Dans l'éventualité que le besoin de sortir l'une avec l'une arrive, je vous promet de vous mener dans des endroits où vos amis et camarades de classe n'auraient jamais même l'idée de visiter. Ça vous va comme ça ? »

    Elle attendit une quelconque réaction, les doigts toujours joint sur la table.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyDim 18 Sep 2011 - 14:11

    Les serveurs entamaient une valse gracieuse et maîtrisée, au rythme des plats que les cuisiniers finissaient de préparer. La douce effervescence du restaurant poursuivait son œuvre, emplissant le silence avec sa joie, sa bonne humeur et sa convivialité. Après avoir émis les quelques révélations qui l’avaient longuement tracassée, Myra se focalisa sur les tintements des couverts, les conversations des autres clients, et le rire des enfants de la table voisine. Elle était préoccupée par ce que Renna pourrait bien penser de ce qu’elle venait de lui dire. Peut-être qu’elle n’en ferait pas une affaire d’état contrairement à elle, mais à travers cette initiative, la Rebelle avait juste souhaité exprimer ses impressions avec sincérité. Contrairement à ses camarades, elle ne percevait aucune relation malsaine entre elles, seulement une confiance qu’elles peinaient à instaurer, mais qui constituerait un pilier efficace. Elle ne voulait pas l’alarmer ou lui faire comprendre que son comportement envers elle n’était pas conventionnel, car jusqu’à présent, elle avait été tout à fait correcte. Mais être hébergé chez une adulte dont on ne connaissait rien était, aux yeux de la jeune fille, une situation inhabituelle, dont n’importe qui soulignerait les étrangetés. Sans être au courant de ce qui se tramait réellement dans les pensées de son enseignante, Myra se souciait de son image, parce qu’elle s’était toujours évertuée à paraître pour ce qu’elle n’était pas. Dans son envie de liberté, elle s’était toutefois imposé des contraintes, en s’enfermant dans des stéréotypes. Elle avait cru que ce serait la meilleure façon de revendiquer son indépendance, que de se comporter aussi bêtement que ses semblables. Cependant, au fur et à mesure qu’elle apprenait à cerner son interlocutrice, elle comprenait qu’il existait d’autres façons de faire ses preuves dans le monde. Etudier d’arrache-pied par exemple, serait un premier combat qui, une fois remporté, lui apporterait sûrement une grande satisfaction. Mais admettre ses erreurs et ouvrir les yeux sur la réalité n’était pas un exercice dans lequel la Rebelle excellait.

    Renna ne tarda pas à s’exprimer sur ce qu’elle ressentait, autant sur les atouts culinaires du restaurant, que sur les confidences de son élève. Contrairement à ce que Myra avait pu voir auparavant, l’adulte semblait paisible, tranquille, et peut-être un tantinet bienveillante. Il y avait toujours cette apparente froideur qui la caractérisait et dessinait ses traits durs et austères, mais elle appréhendait la situation d’une façon bien différente de la veille. En tout cas, la perspective d’être mise à nue par la majeure partie des élèves de Keimoo ne la dérangeait pas plus que ça. Elle n’était aucunement froissée par l’idée que quelqu’un puisse imaginer quelque chose de louche derrière leur relation. Elle partait du principe que les autres pouvaient dire ce que bon leur semblait. Après tout, il était très difficile de les faire changer d’avis, une fois qu’ils étaient convaincus d’avoir raison. Se battre pour faire triompher la vérité ne rimait pas à grand-chose, car l’être humain était stupide de nature. Il prenait un malin plaisir à salir l’image de son prochain par mille et un stratagèmes, mais quand il s’agissait de se remettre en question et d’enterrer la hache de guerre, il n’y avait plus personne. Ce que Myra craignait par-dessus tout, c’était la méchanceté gratuite. Elle en avait souvent été la victime, même si elle méritait fréquemment d’être injuriée et rouée de coups. Il n’y avait qu’à se souvenir du nombre de fois où elle avait passé une nuit torride avec des jouvenceaux dont le cœur était déjà pris. Elle s’était régulièrement retrouvée au milieu de conflits sentimentaux, qu’elle avait vite fait de fuir après avoir pris son pied. Du coup, elle fut un peu étonnée par la légèreté perçue dans les mots de Renna. Elle n’était vraiment pas contrariée par les éléments énumérés par son élève, et se contenta de la rassurer en lui disant que si jamais elles devaient effectuer une sortie ensemble, elle prendrait soin de l’emmener dans un lieu sûr, que peu de jeunes connaissaient. De légères rougeurs colorèrent les joues de la demoiselle, qui ne s’était pas attendu à une telle attitude de sa part. Elle l’avait plutôt imaginée en train de s’exciter sur sa chaise, les sourcils froncés, les lèvres pincées et la mâchoire très contractée. Mais ça n’avait pas été le cas, elle avait gardé un self-control tout à fait admirable.

    - Ca me va mais cela dit, ça me dérange pas que l’on aille en ville ensemble. Donc si un jour vous avez envie, proposez toujours. Et puis, avec ce que vous faites pour moi, je vais être amenée à vous rendre l’ascenseur d’une façon ou une autre, alors bon.

    Manifester sa gratitude était un principe que Myra tenait à appliquer. Cependant, il était essentiel de rappeler qu’au départ, Renna ne faisait pas cela par volonté mais par obligation. Son poste était sur la sellette, et en tant que professeure, elle ne faisait que son devoir. Mais mademoiselle Jefferson était encore embarrassée par toutes ses intentions. Elle avait l’impression d’être perpétuellement assistée. Ainsi, après avoir montré les crocs parce qu’elle refusait catégoriquement d’être instruite par cette femme, elle fit profil bas en se taisant sur le champ. Passant une langue gourmande sur ses lèvres, elle chercha un plat susceptible d’attiser son appétit. L’entrée avait plutôt bien rempli son estomac, surtout qu’elle avait presque tout mangé. Et tandis que ses yeux parcouraient la carte avec curiosité, le serveur revint pour s’assurer que tout se passait à merveille. Lorsqu’il demanda si ça avait été pour l’entrée, il leur proposa de choisir directement leur plat de résistance. Se grattant le menton du bout de son index, Myra finit par jeter son dévolu sur un plat :

    - Ce sera un bœuf sauté au saké pour moi.

    Une fois que le choix de Renna fut prononcé, l’homme au visage bienveillant et au sourire affable les débarrassa des couverts inutiles, et partit transmettre la commande aux cuisiniers. S’assurant que ses coudes ne soient pas appuyés sur le rebord de la table, Myra préféra simplement poser les mains sur ses cuisses. Ses doigts s’entrelaçaient nerveusement, et son regard d’émeraude vagabondait aux quatre coins de la salle. Elle ne savait pas quel sujet aborder, elle se sentait un peu coupable d’avoir tué la bonne ambiance qui aurait pu s’installer, si elle n’avait pas parlé de choses fâcheuses. Se triturant la cervelle, elle croisa à nouveau le regard indifférent de son enseignante. Elle inspira profondément avant de se lancer au hasard dans une nouvelle conversation.

    - Avant d’enseigner à Keimoo vous avez été ailleurs pour votre profession ?

    Plutôt que de s’élancer sur un terrain glissant, elle préférait parler de choses un peu plus générales comme le parcours professionnel de mademoiselle Johnson. Généralement, personne ne rechignait pour en discuter, et puis Myra était curieuse de savoir combien de classes elle avait dû traumatiser avant d’arriver à l’académie. Sa discipline stricte ainsi que ses enseignements complexes avaient dû en surprendre plus d’un, au point que beaucoup garderaient en tête le souvenir de cette femme à l’allure raffinée et irréprochable, à l’attitude dédaigneuse et aux paroles cinglantes. En visualisant les visages effrayés de la majeure partie de ses victimes, la jeune Rebelle eut envie de s’esclaffer, mais se ravisa en réalisant que ce ne serait pas respectueux de sa part. Finalement, elle racla bruyamment de la gorge pour étouffer cette soudaine crise d’hilarité, et appréhenda les éventuelles explications de son vis-à-vis. Mais alors que le calme plat revenait à la rescousse, un petit être pas plus haut que trois pommes échappa à la surveillance de ses parents en pleine discussion. Prononçant diverses onomatopées totalement incompréhensibles, il s’approcha instinctivement de la chaise de Renna. Ses grands yeux avides de nouvelles découvertes fixaient étrangement l’adulte. Sautillant sur ses petons, il paraissait fasciné par la beauté glaciale de mademoiselle Johnson, tandis que Myra, venant de l’apercevoir, eut encore envie de rire à gorge déployée. La situation prêtait à sourire car ne connaissant pas encore suffisamment son professeure, elle se demanda comment elle réagissait en de telles circonstances. Ainsi, portant discrètement sa main à ses lèvres pour s’empêcher de glousser, la Rebelle observa sans piper mot.

    - On dirait que vous avez un fan ! lâcha-t-elle avant d’avoir pu retenir une telle réplique.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyMar 20 Sep 2011 - 20:28

    La réponse de la jeune femme sembla momentanément à Renna des plus contradictoires. Après tout ce temps passé à se tracasser sur des rumeurs à son sujet et aux apparences que pourraient facilement prendre leur relation tortueuse aux yeux d'autrui, elle acceptait bien vite d'être vue en compagnie de son enseignante et ce en public. D'ailleurs, la dite enseignante se permit un léger haussement de sourcil, ne quittant pas son étudiante des yeux un instant, tâchant de scruter les profondeurs de son esprit. Il lui semblait des plus illogique qu'une chose qui lui ai titillé la tête si longtemps et si intensément, nécessitant même qu'elle en parle à son enseignante, soit si vite devenue banale. Peut-être était-ce simplement parce que Renna avait encore bien du mal à saisir les réactions humaines ? Après tout, il était fort probable qu'il y avait une variante qui lui échappait dans cette situation. Elle décida de réexaminer les faits et découvrit quelque chose qui la troubla un moment. La raison pour laquelle Myra faisait si peu d'encas de l'éventualité qu'elles aient à se balader en ville était sans nul doute due au fait qu'elle se sentait vraisemblablement idiote de se tracasser pour ce genre de chose. Était-ce là ce qu'il y avait à comprendre de ce soudain changement d'attitude ? Ou alors était-ce tout simplement parce que Myra ne voulait pas poser encore plus de poids sur ses épaules. Bien que du point de vue de l'enseignante, ce poids était nécessaire et de rigueur. Dans le cerveau de cette jolie blonde glaciale, il se tramait cette magnifique logique : Myra Jefferson était une élève plus jeune qu'elle qui n'avait pas les bienfaits de l'expérience de son côté afin de pouvoir gérer cette situation avec la maturité requise. Du coup, il était de son devoir de jouer les adultes grandies et d'accepter de porter plus de responsabilités. Sans doute que si cette logique était exposée à voix haute, Myra se prendrait des envies de renverser la table et de quitter rageusement le restaurant, peu importerait le fait qu'elle n'avait pas les clefs de la voiture et que la marche de l'endroit jusqu'au studio était plutôt impensable. Voir impossible. Le fait était que pour l'enseignante, ce jugement était des plus ordinaires. Il fallait dire aussi qu'il était logique et tangible, bien que certains jeunes gens grimaçaient quand on le leur communiquait. Bref, Renna posa ses mains jointes sur sa bouche et fixa la nappe ma fois très joliment décorée de couleurs chatoyantes, cherchant ses prochains mots avec précaution. C'est qu'elle était allée trop loin sur le bon chemin pour se faire arrêter par si un petit obstacle comme des mots mal choisis.

    « Je suis... reconnaissante de cette concession de votre part, melle Jefferson. Seulement... Seulement j'aimerai vous rappeler que cette entente est mutuelle et que donc afin qu'elle fonctionne, nous devons avoir une part égale de satisfaction. Si vous êtes mal à l'aise avec le fait que l'on puisse vous voir avec ma personne, alors il est mieux pour tous que nous prenons nos précautions afin que la situation n'ait pas à se produire. »

    Elle prit quelques secondes pour hausser le regard vers l'invitée et laissa une petite pause s'installer tandis qu'elle cherchait à nouveau ses mots.

    « Et puis, vous ne me devez rien. J'ai choisis de vous rendre service, c'est vrai, mais notez bien que tout ce que j'ai décidé de faire jusqu'à présent avait aussi des bénéfices pour ma personne. En vous permettant de vivre chez moi, je vous garde aussi à portée de main et je me facilite la tâche de vous surveiller pour m'assurer que vous respectez votre part du marché. En devenant votre tuteur, je m'assures de ne pas perdre mon travail. Finalement la seule réelle chose que j'ai fait pour vous qui pourrait, en apparences, vous paraître sans avantages pour ma personne est l'ameublement de votre prochaine chambre. »

    Son ton de voix baissa d'un cran tandis qu'elle laissait glisser des yeux gris vers la table, fronçant légèrement les sourcils.

    « Ce que vous ignorez... C'est qu'en décorant cette pièce, je me rends service à moi-même. Vous m'avez permis de chasser un vieux fantôme qui n'avait plus sa place dans ma vie en me donnant la motivation requise pour changer votre future chambre. Si on considère tout ceci... C'est plutôt moi qui vous est redevable. »

    Son ton des plus cryptique méritait sans doute plus amples explications, malheureusement ou heureusement dépendaient du point de vue adopté, le serveur refit son entrée et interrompit la conversation. Renna leva les yeux vers l'homme, son masque à nouveau bien en place. Elle était éternellement reconnaissante au serveur d'avoir réapparut à un moment si adapté, car bien qu'elle savait que ce dit fantôme chassé allait bientôt devoir être abordé, l'enseignante était bien heureuse de remettre les confessions à plus tard. Après tout, Myra s'était bien forcée pour lui confier ses tracas, il était logique de supposer qu'elle attendrait la même courtoisie de l'adulte. Malheureusement Renna n'était pas très douée dans l'art de se mettre à nu, pardonnez bien sûr le double sens. Elle n'était pas confortable à l'idée de confier ses ennuis et refusait catégoriquement de laisser quiconque connaître ses faiblesses. C'était même une chose impensable et elle trouvait ridicule les gens qui se laissaient aller sans vergogne au premier passant venu. Le regard haut, la dame commanda son repas, soit du poisson grillé sur riz vapeur accompagné de sauce japonaise et de poivrons rouges, et observa le serveur tandis qu'il retournait à sa cuisine d'un pas déterminé. Puis, vint le malaise. Renna adorait normalement le silence, mais celui-ci lui déplaisait parce qu'il était emplit d'attentes, attentes qu'elle offre elle aussi ses tracas à la jeune femme. Se refusant cette éventualité, elle se servit tranquillement un verre de vin de riz sans regarder son interlocutrice, résignée à laisser le malaise se répandre entre elles deux. Heureusement, Myra était assez intelligente pour admettre qu'une telle chose serait de mauvais goût et fit les premiers pas pour introduire un nouveau sujet de conversation. Renna approcha son verre de ses lèvres et se câla bien contre sa chaise, arquant un sourcil à la question. Elle pesa le pour et le contre et se demanda un instant comment réagir à la demande sans laisser passer trop d'informations sur sa vie qui pourrait poser le doute dans l'esprit de la jeune femme. Après tout, Renna s'était juré que jamais elle ne laisserait melle Jefferson découvrir qu'elles avaient été voisines durant presque toute son enfance. Choisissant ses propos avec précaution, elle se mit à parler sur un ton lent et neutre.

    « Figurez-vous que mon arrivée au Japon est encore très... Récente. Avant de venir ici, je travaillais dans une école américaine en tant que professeur de mathématiques, comme je le fais ici. Dans mes temps libres, j'effectuais des recherches scientifiques dans un laboratoire universitaire. La vérité est que les études en enseignement son très extensives et que point de vue expérience, je suis assez nouvelle dans le métier. Vous vouliez savoir autre chose ? »

    Elle bu une gorgée de son vin avec classe, continuant de toiser la jeune femme avec un sourcil haussé. Dans une autre situation, ce genre de regard aurait presque eu l'air séducteur, sans doute était-ce du au fait que Renna s'amusait légèrement de la situation et de ses réponses presqu'évasives. Elle aimait aussi attendre de voir les prochains agissements de la jeune femme. La déesse de la chance avait vraisemblablement décidé que Renna ne serait pas permise d'être à son aise ce soir là. Il était difficile autrement d'expliquer ce qui arriva ensuite. Il était de notoriété publique que Renna Maria Johnson avait une aversion particulière pour les enfants. En effet, lorsque ses camarades de classe universitaire rêvaient de jolies maisons dans la campagne, d'un mari attentionné et d'une ribambelle de jolis bambins joufflus, Renna rêvait d'un métier tranquille et solitaire qui lui permettrait d'avoir des aventures multiples avec des femmes différentes et exotiques. Elle tournait en dérision toute femme qui avait l’audace de lui confier ses espoirs futurs et choquait les gens avec sa froideur à l’égard des jeunes. Certains pensaient même à tord qu’elle exagérait les fais afin de se rendre intéressante, mais plus tard elle fit ses preuves dès qu’un enfant fut dans les parages. La vérité était qu’elle ne savait pas comment agir avec ces vermines. Elle n’arrivait pas non plus à comprendre pourquoi ils étaient si adorés par les gens en général. Elle les voyait comme des êtres hypocrites, manipulateurs et gâtés qui ne méritaient pas la moindre attention. De plus ils étaient constamment sales, avaient les mains collantes et s’amusaient à expulser de leurs petits corps d’impressionnantes quantités de liquides visqueux et variés. Bref, quand le gamin décida qu’il était bon de fixer de ses yeux ahurits la charmante melle Johnson, il eut le bonheur de ne pas se faire remarquer tout de suite. Non, il fallut que la dame enregistre la remarque de son vis-à-vis pour qu’elle réalise qu’elle avait un parasite proche de sa personne. Elle laissa un regard dédaigneu croiser la créature avant d’hausser un sourcil, ses doigts crispés sur son verre.

    « Je le constate. »

    Tout regard meurtrier n’eut malheureusement aucun effet sur le petit être qui continua de la fixer bêtement en suçant son pouce. Renna consacra quelques secondes à se dégoûter de la salive qui coulait de la bouche en cœur et froissa le nez avant de prendre une attitude plus négative. Son regard toisa la salle, cherchant la provenance de l’être. Elle remarqua aisément que la famille concernée était bien trop occupée pour réaliser qu’il lui manquait un membre. Elle reporta donc son attention sur le mioche.

    « Aller ouste petite peste, va faire quelque chose d’utile. »

    La créature refusa cathégoriquement d’arrêter de la fixer pour son plus grand agacement et après quelques minutes furieuses de fixage intensif, elle poussa un soupir avant de retourner à son verre de vin, déterminée à ignorer l’être jusqu’à ce qu’il comprenne le message et déguerpisse dans un coin loin de sa personne. Elle se refusa également de regarder le visage de Myra qui allait sans doute être des plus amusés à cet instant, chose qu’elle n’avait pas envie de voir. Puis, voyant que leurs assiettes s’en venaient au bout du bras du serveur souriant, elle relâcha un tant soit peu la tension dans ses épaules, se soulageant de savoir qu’elle allait pouvoir se concentrer sur son repas au lieu de devoir souffrir le regard du gamin. Les prochaines minutes mériteraient d’être jouées au ralenti. L’on verrait alors encore mieux comment, voyant les jambes galbées de pantalons rouge vin, le mioche s’agrippa au tissu avec un gloussement ravi ce qui fit perdre l’équilibre au serveur qui, dans un réflexe tout à fait naturel, échappa le contenu de son cabaret sur la table et par la même occasion sur une enseignante surprise. Le tableau silencieux resta en plan dans la même position, sans le moindre changement, le serveur fixant d’un air scandalisé son désastre et Renna regardant l’état de sa blousse bleu poudre badigeonnée de sauce japonaise, de riz et de poivrons. Le seul bruit dans le restaurant, fut les gazouillements de l’enfant qui tenait toujours la jambe du serveur. Ce qui brisa la scène, fut une exclamation horrifiée quelque part dans la salle tandis qu'une mère effarée s'avançait pour se saisir du bras de son enfant, les lèvres serrées et les yeux grands ouverts. Quand elle daigna adresser la parole à Renna, l'enseignante ne prit pas la peine de la regarder.

    « Je vous demande pardon madame, je n'avais pas vu qu'il s'était éloigné de la table, c'est un gentil garçon, il est juste très énergétique et et- Mon dieu, une si jolie blouse, gâchée... Je suis plutôt douée pour faire partir des taches, je pourrais sans problème vous nettoyer ça, il faudrait juste que vous me donniez votre -- bien sûr par maintenant comme vous la porter, ce serait un peu embarrassant que de... Je suis vraiment désolée. Shen ! Vilain garçon ! »
    « Nah ! Shen veut pantalon doux-doux ! »
    « Sa suffit maintenant Shen, maman va perdre patience, lâche la jambe du monsieur ! »

    Dans un spectacle effarant de crise et de vociférations enfantines, la mère traîna son garçon de peine et de misère vers sa table où ses frères et soeurs observaient le tout avec des airs mornes. Renna les regarda partir sans afficher d'émotion. Son manque de réaction dans cette situation était des plus... Inquiétants. Lentement, elle tourna son attention sur Myra. La jeune femme semblait elle aussi avoir été victime du désastre, à en juger par l'état de son chandail et de ses cheveux. Le silence se perpétua encore quelques secondes, ponctué par le regard embarrassé du serveur qui cherchait les mots pour excuser ce désastre. Ils ne viennent jamais facilement dans ce genre de situation.

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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptySam 8 Oct 2011 - 1:09

    Myra crut comprendre que Renna, comme beaucoup d’êtres humains, devait supporter la présence constante de fantômes, appartenant à un passé qu’elle ne pouvait pas renier éternellement. La jeune fille pressentit une certaine fragilité dans ces propos, que son enseignante s’efforça peut-être de ne pas montrer, à moins que ce ne soit qu’une fausse impression. Il était tellement difficile de la cerner, que Myra ne savait parfois plus où donner de la tête. Elle comparait l’esprit de son professeure à un labyrinthe, où s’orienter tenait de l’exploit intellectuel. Non seulement son cerveau avait été trop souvent alcoolisé pour être efficace, mais par-dessus le marché, il était embrouillé par des affects qu’elle n’avait jamais expérimentés. Elle était là, en face d’une femme qui lui avait presque fait le sermon d’arranger son avenir, à condition qu’elle y mette un peu du sien. Sa situation était assez bancale, car sa volonté était au diapason de sa sagesse, à savoir très moindre. Néanmoins, depuis le temps qu’elles apprenaient à se connaître et à se supporter, la jouvencelle était parvenue à recouvrer un semblant de fierté et de dignité. Il lui avait été insufflé par cette tortionnaire qui, d’apparence totalement asexuelle, cachait pourtant son petit jeu. Myra n’avait pas encore connaissance de la plupart de ses facettes, et ses aprioris étaient colossaux. Elle se forçait à les assassiner pour pouvoir accepter n’importe quelle révélation, mais la portée de ce qui l’attendait pouvait être bien plus puissante que ce à quoi elle s’était attendue. En fait, elle était dans un flou total, elle errait sur un terrain vague et brumeux, où quelques silhouettes semblaient se dessiner lentement pour lui indiquer le chemin. Elle craignait de trop en savoir, mais en même temps, tous ces mystères l’intriguaient, et lorsque Renna évoquait furtivement son passé comme elle était en train de le faire, la Rebelle aurait aimé s’immiscer dans son esprit pour en explorer les moindres parcelles. Finalement, c’était peut-être mieux comme ça. Toutes les vérités n’étaient pas bonnes à dires, mais la curiosité était une chose qu’elle ne pouvait freiner. L’étouffer reviendrait à renoncer à sa Liberté, et quand bien même si cette dernière était un artefact compte tenu du fonctionnement de notre société, elle s’y accrochait ardemment. C’était presque une façon de se donner de la contenance, en faisant comme si elle défendait des convictions qui lui étaient réellement propres. Quand on faisait le point, il n’en était rien, mais cette douce illusion la berçait depuis sa tendre enfance. La faute à son père qui avait toujours symbolisé l’indépendance à ses yeux, celle-là même qui allait lui permettre de s’imposer comme une figure authentique et de caractère. Et tout ça pour dire que la lueur de gratitude perçue dans le regard de Renna fut comme un miracle que Myra aurait aimé immortaliser. Elle planta ses yeux émeraudes dans les siens, et s’abreuva de cet étrange sentiment qui naquit chez son interlocutrice. Discrètement, elle avala sa salive non sans complication, et se concentra tant bien que mal sur la suite de la conversation.

    Renna lui exposa brièvement son curriculum vitae. Elle lui expliqua qu’elle avait d’abord exercé sa profession en Amérique, et qu’elle s’était acoquinée avec le domaine de la recherche scientifique. Mademoiselle Jefferson fut à demi impressionnée par ce qu’elle venait de lui révéler. Elle s’était toujours doutée que sa douance pour ce genre de choses avait porté ses fruits par le passé, et elle l’imaginait parfaitement dans le rôle de la laborantine consciencieuse et passionnée. C’était une manière comme une autre de combler certains aspects de son existence peu réjouissants. Myra, elle, se contentait de papillonner de relation en relation, tout en s’enivrant avec du Martini Bianco ou une simple coupe de rosé avalée goulûment. Elle ne fonctionnait pas sur les mêmes principes qu’elle, et il était hors de question de s’adonner à des activités un tantinet profondes pour espérer se changer les idées. Cependant, elle admit que c’était une meilleure idée, que celles pour lesquelles il lui avait toujours fallu opter, par souci de respecter inconsciemment une norme. Quel paradoxe elle faisait quand on y pensait ! C’était assez pathétique, et elle ouvrait progressivement les yeux sur les erreurs qu’elle avait commises. Aujourd’hui encore, elle grandissait, bien qu’elle ait acquis la majorité au regard de certains pays. Il était vrai qu’elle était encore loin de se comporter comme une adulte, mais mieux valait tard que jamais. Pour l’heure, elle entretenait une discussion tout à fait conventionnelle avec Renna, sans craindre qu’une personne de l’Académie les surprenne ensemble. Encore que le doute pouvait toujours s’installer, mais ses précédents propos l’avaient tranquillisée. La sérénité ne dominerait pas longtemps, mais elle était plus ou moins présente. C’était le principal. Et quant à l’effervescence du restaurant, elle était toujours plus prenante. Les clients faisaient tinter leurs couverts, les éclats de rire se multipliaient aux quatre coins de la salle de réception, et les enfants rendaient leurs parents dingues en reniant des desserts ardemment réclamés.

    La suite, on la connaissait. Le chérubin continuait de fixer Renna avec ses grands yeux. Il paraissait fasciné par ce visage féminin, à qui il souriait spontanément, sans se douter de l’incidence de son approche. Il était à l’apogée de l’insouciance, et Myra lui enviait presque cette méconnaissance des contrariétés propre à un âge plus avancé. Elle regrettait amèrement cette époque, mais après mûre réflexion, se félicitait d’avoir grandi comme elle l’avait fait. Certes, elle n’avait pas bénéficié d’une éducation très stable à cause de sa situation familiale, mais cet éclatement lui avait permis de découvrir de nouveaux horizons. Si rien ne s’était passé ainsi, à l’heure qu’il est, elle serait peut-être mariée à un homme qui lui aurait déjà fait deux voire quatre enfants, qu’elle s’évertuerait à dresser comme des animaux pendant que le mâle s’occupait de ramener des sous à la maison. Un tableau bien triste et dénué de toute modernité, qui aurait eu le don de la pousser au suicide. Mais c’était essentiellement ce que sa mère avait souhaité, et elle l’avait obtenu à travers Lauren, qui avait failli s’en mordre les doigts. Cependant, comme tout mouton qui se respectait, elle s’était conforté dans ce que son époux lui apportait, et se satisfaisait d’être une femme au foyer respectable, ce que Myra n’aurait jamais accepté. Bien sûr que c’était un choix pour certaines, mais une telle situation n’était acceptable que si les deux partis avaient choisi de leur plein gré. On ne pouvait pas dire que sa grande sœur ait fait preuve de libre-arbitre, car la moindre décision avait été conditionnée par celles indirectement prises pour elle par sa mère. De ce fait, elle n’était pas épanouie, et elle priait pour que sa cadette, outre ses excès, sache se forger autrement qu’à travers l’Autre.

    - Oh mais il veut juste faire connaissance, vous savez. Ce n’est pas méchant !

    Ses paroles passèrent totalement inaperçues car Renna était vraisemblablement perturbée par la présence de ce petit être. De ses yeux globuleux, il dévorait le visage austère de l’enseignante, qui parut soulagée par l’arrivée des plats. Malheureusement, rien ne se déroula comme elle l’avait escompté, puisque le monstre fit encore des siennes, en s’agrippant farouchement au pantalon du serveur. Ce dernier, déconcentré dans son ouvrage, lâcha machinalement ses plats, surpris par l’approche audacieuse du bambin. Aussitôt, le visage de Myra se décomposa tandis qu’un mets plein de sauce ne tarda pas à se déverser sur une partie de sa longue et lisse crinière noire d’ébène, ainsi que sur le chandail généreusement prêté par Renna. Cette dernière ne fut pas en reste, puisque son haut fut également marqué par de charmantes auréoles, laissant présager une réaction très mauvaise de sa part. Chose très surprenante, bien que dépassée par les évènements, elle n’avait pas encore explosé de rage. Par conséquent, Myra crut bon de choisir ce moment pour lui venir en aide. En ce qui la concernait, elle avait l’habitude de recevoir des substances graisseuses sur ses vêtements, car les nombreuses fêtes organisées dans les villas de quelques uns de ses fortunés amis, finissaient en jeux totalement saugrenus, motivés par une prise d’alcool un peu trop conséquente. S’appropriant la situation avec un self-control plus qu’admirable, elle répondit aux protestations tacites de son accompagnatrice en se levant fébrilement. Elle s’empara de sa serviette qui avait étrangement échappé à toutes ces péripéties, l’approcha du visage de Renna. Son intention était saine, elle souhaitait juste la débarrasser des quelques éclaboussures ayant atterri sur ses joues et plus particulièrement sur son front.

    - Laissez-moi vous nettoyer ça.

    Puis, se repassant la scène en boucle, elle se mordilla la lèvre inférieure et finit par éclater de rire. La désinvolture ainsi que la badinerie étaient les maîtres mots pour qualifier ce rire d’une puissance telle qu’il aurait pu faire vibrer les murs. La moue colérique de son professeure était trop risible, et la façon dont ses traits se durcissaient, contrastait avec sa prestance ayant égaré toute crédibilité.

    - Je suis vraiment désolée, mais vous vous y êtes vraiment prise comme un manche. Les enfants ne sont pas votre fort, apparemment.

    Elle tenta vainement de calmer son hilarité sous l’air ébahi du serveur. Encore sonné par ce qui s’était produit, il ne tarda pas à être sermonné par son patron. Ce dernier n’ayant pas assisté à la totalité de la mésaventure, se montra très intransigeant, et ordonna à son employé d’aller dans les cuisines. Probablement allait-il se faire remonter les bretelles, victime de l’innocence d’un enfant. Quant à ses clientes, il s’inclina très respectueusement et se déclara vraiment navré par la tournure des évènements. Tandis que Renna n’avait toujours pas donné suite à ses réactions, Myra l’écouta attentivement et hocha systématiquement la tête au fil de ses propositions. L’embarras était omniprésent, et le pauvre homme ne savait pas sur quel pied danser. En tant que propriétaire d’un établissement, les circonstances étaient inacceptables à ses yeux. Mais la soirée n’était pas terminée pour autant, et peut-être que les choses iraient en s’arrangeant. Cela ne dépendait pas réellement de la Rebelle. Après tout, ce n’était pas elle qui ferait chauffer la carte bleue à l’issue de ce repas, mais en vue de l’apathie flagrante de mademoiselle Johnson, elle jugea préférable de prendre temporairement les décisions à sa place.

    - Mesdames, je ne sais pas quoi vous dire. Naturellement, ce genre de choses peut arriver tous les jours, mais le fait que ce soit tombé sur vous est tout à fait désolant. Afin de vous dédommager, je vous propose de réduire de moitié le tarif inscrit sur votre prochaine addition, ou la maison peut très bien vous offrir le dessert si vous le souhaitez. Je tiens à ce que vous gardiez un bon souvenir de votre dîner ici, malgré ces imprévus déplorables.

    Le gérant se défendait comme il le pouvait. Pendant son discours, ses mains se frottaient frénétiquement l’une contre l’autre. La mâchoire serrée et les lèvres pincées, il finit par fermer sa bouche et guetter la réponse de mademoiselle Johnson. S’étant éloignée d’elle afin de retourner à sa place, Myra tenta d’extirper l’adulte de son état amorphe.

    - Je ne veux pas décider à votre place, mais je trouve que nous faire quand même payer cinquante pourcent de la note après s’être fait saucer les cheveux, c’est pas terrible. Je pense qu’on aurait eu tout intérêt à manger tranquillement chez vous, vous en pensez quoi ?

    Le temps semblait s’être suspendu. Quelques groupes de personnes relancèrent leurs conversations mais jetaient des coups d’œil furtifs en direction du gérant et des deux clientes. Certains critiquèrent ouvertement le culot de Myra, tandis que d’autres trouvaient son raisonnement tout à fait justifié. Quoiqu’il en soit, si elles devaient passer le restant de leur soirée trempées et malodorantes, Renna serait sûrement la première à voir cela d’un très mauvais œil.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptySam 8 Oct 2011 - 2:14

    Les murs tremblaient, le plancher frémissaient, les meubles couinaient, toute la pièce semblait retenir son souffle tandis qu'une madame Johnson fulminait silencieusement d'une rage de plus en plus grandissante. Son regard maintenant fait de marbre solide n'avait toujours pas quitté le visage embarrassé du serveur qui semblait trop perdu dans sa stupeur pour remarquer qu'il lançait des airs ahuris à celle qu'il venait de badigeonner généreusement de sauce japonaise. En regardant la dame, il aurait été aisé de se surprendre devant ses apparences clames, neutres. Après un tel incident, la plupart des gens normaux auraient explosé sans doute et vociféré des injures, mais l'enseignante restait curieusement complètement immobile. D'ailleurs certains clients murmuraient entre eux de cette même bizarrerie et jetaient des regards furtifs vers la jeune femme, cherchant à comprendre sa réaction. Ce n'est qu'en regardant plus avant son langage corporel qu'il devenait clair que sa réaction était tout sauf calme. Il n'y avait pas un seul de ses muscles qui n'était pas tendu à souhait. Son corps tremblait dangereusement, menaçant d'exploser en milliards de petits morceaux là, au beau milieu du restaurant. Ses mains étaient crispées en poings serrés, enfonçant bien cruellement les ongles parfaitement manucurés dans la peau blanche. Mais l'endroit où la réaction silencieuse était sans aucun doute la plus aisée à deviner, c'était sur le visage de la dame lui-même. Les yeux surtout, montraient clairement de par leur couleur à quel point la jeune femme était mécontente. Sa bouche était clairement pincée, ses joues serrées et ses sourcils lentement se fronçaient. Telle une bombe à retardement, les chiffres lentement s'écoulaient et le temps était presqu'à court. Bientôt, oui très bientôt une explosion mémorable se produirait, mais une explosion frigide, coulante de sarcasme et humiliante. Oui, Renna Maria Johnson allait très bientôt donner à son cher public, une prestation mémorable qui allait rester sans doute à jamais gravée dans la mémoire de tous ceux qui en seraient témoins. Lentement, des réalisations entre coupées par la colère s'affichaient dans son esprit fulminant. De la sauce, qu'elle se disait avec insistance. Il y a de la sauce sur ta blouse. De. La. Sauce. Cette première réalisation causa un tic au coin de son oeil gauche tandis qu'elle laissait place à la prochaine, tout aussi impardonnable. Du poisson, qu'elle persista à se dire presque sifflant de rage, Tu as du poisson dans les cheveux. Dans. Les. Cheveux. Renna ne respirait presque plus, tellement il était difficile de maintenant sa colère froide et noire. Puis, un élément vint momentanément troubler son état d'esprit. Myra Jefferson.

    Renna la remarqua parce qu'elle s'était levée avec précipitation pour se diriger vers sa personne et que le mouvement l'avait légèrement surprise. L'enseignante, prise au dépourvu par ce soudain mouvement, perdit un peu de sa colère avant que ses yeux ne tombent sur le gâchis qui parcourait également la silhouette de son étudiante. Son regard s'assombrit à nouveau dangereusement, mais ce qui finalement fut le comble, la goute qui fit déborder le vase, fut quand elle remarqua que les magnifiques cheveux de la jeune femme étaient gâchés par une mixture repoussante de sauce et de riz. Là, fut le comble. Ses cheveux, son esprit lui siffla avec insistance, Ses. Cheveux. Ses si magnifiques cheveux que tu admires tant. Gâchés. Gâchés ! Les derniers mots qu'elle se dit avant d'exploser furent ceux-ci : Elle a de la sauce dans ses cheveux. L'enseignante entrouvrit les lèvres pour déverser le flot de sa colère, ses yeux scintillant de rage. Le pauvre serveur allait y goûter.


    « Sombre idi- »

    Presque. Renna avait presque eut droit de déverser le torrent de magma brulant de son indignation sur le pauvre serveur qui maintenant était livide devant son erreur impardonnable. Presque, parce que Myra Jefferson l'interrompit dans l'exécution de sa dite colère. Comment ? Avec de simples mots, 5 pour être plus exact. Des mots accompagnés d'un geste qui surprirent à un point tel l'enseignante qu'elle perdit le fil de ses paroles et cessa simplement de parler, battant momentanément des cils avec surprise en sentant la douce caresse d'une serviette de table contre sa joue. Pendant bien des secondes, Renna fut complètement et résolument bafouée. Jamais encore on avait pu constater une telle surprise sur les traits durs de l'enseignante. Myra avait bel et bien réussit un exploit total et complet, bien qu'elle l'ignorerait sans doute toute sa vie. La dame se mit à fixer avec un certain ahurissement son élève tandisqu'elle s'affairait à la tâche importante de retirer toute trace de sauce sur son visage auparavant immaculé. Elle détailla ses traits concentrés, ses yeux émeraudes baissés sur son front à présent et sa bouche pincée. Quelque chose d'autre la troublait, autre que le geste lui-même mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Son esprit était encore bien trop surpris par ce qui venait de se produire, par l'audace inusitée de l'étudiante pour enregistrer de sa vitesse naturelle les choses qui se produisaient autour de l'enseignante. Renna continua donc bêtement de fixer mademoiselle Jefferson sans piper mot, son visage d'habitude si impassif montrant clairement sa confusion actuelle. Puis, le second élément troublant devint clair pour elle : c'était la proximité de la jeune femme avec sa personne. Lentement, elle se rendait compte que jamais auparavant Myra avait été si près d'elle et de son propre grès. Jamais Renna n'avait pu observer les traits de la jeune femme d'aussi proche, jamais elle ne s'en était donné le droit. Et alors qu'inconsciemment elle avait si longtemps nourrit le désir de le faire, voilà que mademoiselle Jefferson lui offrait cette occasion sur un plateau d'argent de sa propre volonté. Sans vraiment s'en rendre compte, Renna observa les traits goulûment. Elle détailla le visage si féminin, la peau bronzée, les traits fins sans l'amertume qui généralement accompagnait ce genre de réaction de sa part. Son esprit était encore trop choqué par ce qui venait de se produire pour réellement réaliser ce qu'elle faisait et donc elle pu donner libre cours à ses envies voraces de plus d'informations sur son obsession. Myra était magnifique, tout simplement magnifique. Et comme pour ajouter encore plus de certitude à ces mots, la jeune femme se mit à rire.

    Ce nouvel événement inattendu provoqua en Renna plusieurs battements de cils, encore, avant qu'elle ne puisse savourer la joie pure qui se trahissait sur les traits de l'élève. Sans réellement s'en rendre compte, l'enseignante avait laissé glissé entre ses doigts sa colère en totalité. Jamais encore cela ne lui était arrivée, d'être si surprise par quelque chose qu'elle en perdait tous ses moyens. L'expérience fut presqu'effrayante pour son esprit logique. Après l'avoir éblouie par sa beauté et ses sourires, Myra tenta de pardonner son éclat d'hilarité. Renna ne trouva à répondre à ses excuses que ceci :


    « Je... Non... Les enfants ne sont... C'est à dire qu'effectivement les enfants ne sont pas... »

    Un moment historique venait de se produire. Renna Maria Johnson venait de perdre tous ses moyens, même sa contenance à cause d'un simple rire. Ceci était certes incroyable et nouveau, inédit même. L'enseignante fut tellement surprise de ses propres paroles insensés qu'elle se tut d'elle-même et continua de fixer la jeune femme d'un air illisible, mais pourtant si emplit d'émotions. Il était rare, non impossible de voir la dame si expressive, si décontenancée. Elle ne réalisait pas encore jusqu'à quel point ses émotions étaient visibles sur son visage et lorsqu'une telle réalisation effleurerait son esprit confu, sa rage serait sans nul doute des plus terribles. Mais à l'instant même, elle était bien trop occupée à tenter de récupérer ses sens et sa crédibilité. Ce qu'elle eut l'occasion de faire quand le serveur se fit rabrouer par le gérant du restaurant. Lentement, et avec le plus de discrétion possible, la dame reprit contrôle d'elle-même, replaçant un masque de neutralité sur son visage en camouflant son geste d'un mouvement feint pour replacer ses cheveux. Elle prit subtilement une grande respiration, se secoua mentalement et rabroua cette partie d'elle-même qui avait si aisément craqué sous la pression. De sorte que quand enfin le gérant se mit à faire ses excuses penaudes, elle ressemblait bien plus à elle-même. Son regard, maintenant beaucoup plus neutre, se fixa sur celui du gérant sans réagir. Il ne se tourna pas vers Myra quand celle-ci lui adressa la parole et une fois que le silence s'empara des lieux et que tous retinrent leur souffle, enfin elle put analyser pleinement la situation. Sa colère s'était totalement envolée. Maintenant et à son plus grand étonnement, elle se fichait éperdument d'être si copieusement badigeonnée et salie, elle qui voyait l'hygiène comme une chose capitale de la vie. Ce fait ne manquait pas de la secouer et pendant un instant, elle dut feindre de devoir replacer ses lunettes pour ne pas montrer encore une fois de a faiblesse. Enfin, elle reposa son attention sur l'homme, n'ayant toujours pas regardé la jeune femme et pu lui adresser la parole de son ton ordinaire.

    « Ce n'était vraisemblablement pas de votre faute, un simple incident, rien de plus. J'accepte votre offre de rabais. Maintenant si vous pouviez nous ramener nos repas, se serait bien aimable à vous. »

    L'homme, qui s'était vraisemblablement attendu à des remontrances et des mécontentements, battit un moment des paupières sans réagir pendant un instant. Puis, il s'inclina de nombreuses fois et remercia les deux jeunes dames de leur compréhension, le soulagement bien apparent dans sa contenance. Pendant un instant, Renna sentit des regards surpris sur sa personne et dut se retenir de lancer des regards noirs dans tous les coins de la pièce. Une fois l'homme parti, ses sens retrouvés et ses émotions en contrôle, Renna se trouva fort malaisée par la présence de Myra. Elle se sentait humiliée d'avoir ainsi perdu le contrôle sur ses réactions et montré une expression aussi vulnérable à la jeune femme, non même elle en était positivement mortifiée. Incapable de le supporter plus longtemps, elle se leva abruptement et tout sans regarder la jeune femme, dit précipitamment :

    « Veuillez m'excuser, melle Jefferson. Je vais à la salle de bain, histoire de me... Rendre plus présentable. »

    C'est donc à grandes enjambées qu'elle traversa le restaurant, la honte pesant sur ses épaules comme un immense rocher impardonnable.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptySam 8 Oct 2011 - 11:52

    Le geste de Myra avait été d’une spontanéité parfaite. Si parfaite qu’elle ne se doutait même pas de la surprise qu’il engendrerait chez son professeur. Son initiative lui avait paru tout à fait naturelle. Lorsqu’une personne était en difficulté, celui ou celle qui l’accompagne se devait de la calmer, de la consoler, et d’arranger les choses afin d’apaiser les tensions. C’était une réaction tout à fait légitime, et n’importe qui dirait que son acte témoignait d’un dévouement certain et incommensurable. Méticuleusement, la Rebelle avait ôté chaque tâche altérant la beauté de Renna en y tamponnant délicatement sa serviette. Elle avait presque pris un malin plaisir à lui prouver qu’elle pouvait aussi prendre des initiatives, dans le but d’entreprendre des choses positives, et qui ne se rattachaient pas à un besoin inextinguible d’embêter son monde. Outre ses innombrables excès, la jouvencelle était pleine de mansuétude et d’attention, quand bien même si ça écorcherait sa langue de l’admettre. L’actuelle position de Renna lui avait presque fait de la peine, car il était évident selon elle, que son enseignante était dépossédée de ses moyens. Ses muscles s’étaient puissamment contractés dans l’attente d’une réponse verbale de sa part, et avant que les mots fassent leur effet, le corps s’exprimait via les subtilités de sa posture. Je dirais même plus que les expressions faciales du professeure étaient fascinantes, parce qu’elles animaient ses traits d’une manière intense et époustouflante. Puis, tandis que Myra s’appliquait au nettoyage de sa peau blafarde, tout se détendit radicalement chez l’adulte, comme une tempête subitement repoussée par le souffle imbattable de Zéphyr. Les spectateurs de la scène ne comprenaient sans doute pas ce qui se passait actuellement entre les deux jeunes femmes, et tant mieux, car les réactions ambivalentes de Renna pouvaient porter à confusion. Et en dehors de cet échange silencieux par la suite interrompu par la réplique hésitante de Mademoiselle Johnson, le directeur du restaurant attendait toujours une réponse claire de sa part. Il lui fallait agir et vite, afin que l’établissement puisse répondre correctement à ses attentes. Quel gâchis d’avoir commandé un repas dont elles n’avaient même pas pu goûter la sauce autrement qu’avec leurs vêtements ! D’après la décision de son accompagnatrice, Myra en déduisit qu’elle ne souhaitait pas écourter la soirée à cause d’une telle maladresse. Et toujours en proie à un embarras bien perceptible, elle faussa compagnie à une élève quelque peu intriguée par son attitude. En la suivant silencieusement du regard, mademoiselle Jefferson la vit s’engouffrer dans les toilettes du restaurant. Pendant ce temps, deux serveurs s’allièrent pour modifier les couverts de la table ayant pâti de l’accident. Ils demandèrent à se faire pardonner plusieurs fois pour le dérangement, et un jeune apprenti n’hésita pas à s’affairer au repouponnage de la jouvencelle. Apparemment charmé par son regard verdoyant, il se proposa de lui ôter les vilaines tâches de son accoutrement. Le voyant venir à des kilomètres à la ronde, elle arbora une moue faussement offusquée, et le congédia gentiment en l’informant qu’elle pouvait le faire toute seule.

    L’attention des autres clients finit par se détourner radicalement de leur table. Bientôt, le brouhaha reprit de plus belle, et l’ensemble du personnel s’attela à nouveau à son dur labeur. Le serveur qui s’était précédemment occupé d’elle revint à la charge, plus penaud que jamais. La queue entre les jambes, il annonça à Myra que les plats qu’elles avaient commandés étaient à nouveau en cours de préparation, et qu’ils ne devraient plus tarder. L’esquisse d’un sourire permit à la jeune femme de le rassurer, avant de le voir repartir auprès des cuisiniers. Pendant l’absence de Renna, la Rebelle réadopta ses mauvaises habitudes en appuyant ses coudes sur le rebord de la table. Elle avait une furieuse envie de cigarette pour décompresser. Elle avait l’impression qu’une éternité s’était écoulée depuis la dernière. Décidément, ces restrictions seraient bien éprouvantes. D’ailleurs, machinalement, elle observa l’ensemble des clients pour remarquer qu’un homme, situé près d’une fenêtre entrouverte, fumait une cigarette pour accompagner son café. L’envie augmenta en flèche et épiant le proche retour de Renna, elle s’empressa de quitter sa table pour prendre d’assaut celui du parfait inconnu. En la voyant arriver avec ses jolis cheveux saucés et son haut tâché, il lui adressa un sourire empli de compassion. Elle profita de ce soupçon d’humanité pour lui demander une cigarette. Il répondit affirmativement, et fouilla dans les poches de sa veste. Il en extirpa un paquet qui suscita un vif engouement chez la demoiselle. Lorsqu’il lui tendit l’un de ces bâtonnets fins et procurateurs d’un plaisir quotidien, les yeux de la Rebelle étincelèrent. Puis, portant la drogue douce à ses lèvres, elle quémanda du feu à l’homme et vit la flamme de son briquet lécher l’extrémité de la cigarette, avant d’en consumer doucement le corps rigide.

    - Je vous remercie infiniment, Monsieur !

    L’homme hocha franchement la tête en la gratifiant d’un sourire paisible. Elle retourna auprès de sa table, et se laissa tomber lourdement sur sa chaise. Elle inspira puissamment avant de recracher un épais nuage de fumée. On s’empressa de lui amener un cendrier et en dépit des règles de savoir-vivre stipulant que fumer dans un lieu public pouvait être désagréable pour certaines personnes, nul ne lui en tint rigueur. Après tout, c’était elle qui avait subi des évènements déplaisants. Par conséquent, elle avait tout à fait le droit de s’octroyer ce petit privilège. Les lèvres en avant, un mince filet de fumée s’en échappait sensuellement, avant de s’évanouir dans l’atmosphère. Une odeur propre au tabac se répandit bientôt, et vint s’additionner malencontreusement à la senteur beaucoup moins réjouissante d’une sauce imprégnée dans un tissu. Myra n’avait cure de ce détail, car elle éprouvait un besoin insatiable de trouver un soupçon d’allégresse à la situation. Et par-dessus le marché, Renna n’était toujours pas revenue de sa séance de beauté, ce qui était assez étrange. Jetant plusieurs coups d’œil furtifs en direction des toilettes, mademoiselle Jefferson finit par s’impatienter. Tapant du pied droit, elle finit par se lever en repoussant fermement sa chaise à l’aide de ses mollets. Elle attira l’attention par son teint basané et sa démarche décidée, et s’inquiéta à peine de savoir ses affaires à la portée de n’importe qui. Sa curiosité était juste galvanisée par l’étrange réaction de Renna qu’elle n’avait pas réussi à identifier. En pénétrant dans les toilettes, elle se trouva nez à nez avec une jeune bourgeoise à l’air hautain et à la tenue prestigieuse. En apercevant les tâches jaunâtres sur son chandail, elle lui rit au nez, et la snoba magistralement en la poussant de son chemin. Un bref coup d’épaule suffit à ébranler la bonne humeur de Myra, qui faillit l’apostropher avec cette même grossièreté qui la caractérisait, lorsqu’elle avait son mot à dire. Cependant, actuellement, la présence de Renna non loin de là faisait toute la différence.

    - Vous vous en sortez, Mademoiselle Johnson ? Vous savez, j’ai eu le temps de fumer une cigarette derrière votre dos. Je m’inquiétais alors je suis venue voir si tout allait bien. D’après ce que j’ai compris, tous ces évènements vous ont un peu prise au dépourvu.

    Son enseignante n’avait encore émis aucune réponse. La cigarette de Myra trônait toujours entre son index et son majeur. Elle la coinça une dernière fois entre ses lèvres, tandis que la taille de son corps avait déjà considérablement diminué. Du coup, sans se soucier de ce que pourrait penser autrui, elle écrasa sa cigarette sur le rebord du lavabo, et en jeta le corps déformé dans la poubelle initialement destinée au papier servant à se sécher les mains.

    - Mais bon, ça fait partie du jeu. Et puis, en fin de compte, je la trouve vraiment chouette cette soirée. On aura des choses à raconter.

    Le regard perçant de la jouvencelle s’apprêtait à sonder les moindres réactions de son interlocutrice. Les bras croisés sur sa poitrine, et le corps stoïque, elle cherchait à se convaincre de son parfait contrôle de la situation. Elle avait presque trouvé vexante, la manière dont Renna avait dernièrement fui son regard avant de trouver refuge dans ces fichus toilettes. Etait-ce le coup de la serviette qui l’avait déboussolée à ce point, ou son élève avait-elle dit quelque chose dont elle-même ne soupçonnait pas les horribles conséquences ? Myra n’était pas venue jusqu’à elle uniquement dans le but de connaître l’avancement de son nettoyage express, mais aussi pour prendre la température, savoir dans quel état d’esprit elle se situait exactement. Elles allaient se côtoyer pendant plusieurs semaines, alors au lieu de passer son temps à nier l’évidence, autant y travailler progressivement. La posture de Mademoiselle Jefferson trahissait cette attente. Cette dernière pouvait être longue, courte, ou ni l’un ni l’autre que ça ne lui ferait rien. Elle était décidée à élucider les quelques mystères dissimulées derrière le visage sévère de son professeur.

    - Si vous avez encore besoin d'aide, vous me le dites.

    A ces mots, elle ne put s'empêcher de glousser en repensant à la mine déconfite de Renna. Puis, le silence revint à la rescousse et elle guetta.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptySam 8 Oct 2011 - 14:55

    La porte de la salle de bain se ferma lentement derrière une enseignante dans un état presqu'inusité qui resta momentanément immobile devant l'entrée. Son visage était inscrutable, presque vide, comme si quelqu'un était venu effacer de ses traits toute expression respectable. Ses bras étaient toujours mollement situés de chaque côté de son corps raide, comme s'ils ne savaient pas réellement quoi faire à cet instant précis. L'enseignante aurait certes du se déplacer, après tout elle se trouvait au beau milieu du passage et une personne moins tolérante aurait pu se plaindre d'entrer en collision avec la dame en voulant simplement utiliser les toilettes. L'ennui s'était que dans son état, Renna était bien loin de pouvoir penser à autre chose qu'à sa récente humiliation publique. Déjà que de norme elle se fichait pas mal des autres, à cet instant elle était tout à fait incapable de se permettre la moindre empathie. Heureusement, ce genre de situation ne se produisit pas, lui évitant de devoir affronter une éventuelle cliente en colère. D'ailleurs, elle fut chanceuse puisqu'elle trouva les salles de bains solitaires. Il y aurait très bien pu y avoir une cliente affairée à ses besoins dans la pièce plutôt spacieuse et Renna n'était pas du tout dans l'état d'esprit requis pour gérer avec la présence d'une dame dans le même espace que sa personne en ce moment. Lentement, elle sortit de sa stupeur et marcha jusqu'aux lavabos, les talons de ses souliers martelant la céramique dans un son plutôt imposant. Lorsqu'enfin elle fut face aux lavabos, elle appuya ses mains sur le rebord du comptoir et baissa la tête afin de ne pas avoir à faire face à sa silhouette dans le large miroir. Ses doigts se crispèrent sur la surface froide et elle les observa d'un air presque méthodique, son visage toujours aussi neutre d'expression. Doucement, ses traits se détendirent et elle laissa le masque s'effondrer, libérant son visage. Maintenant qu'elle était seule, elle pouvait se permettre cette vulnérabilité, pouvait accepter de laisser un peu de répit à ses émotions. D'après son expérience, quelques secondes suffisaient, ensuite elle pouvait revêtir son masque sans peine et on n'y verrait que du feu. Mais à cet instant, une chose étrange, inhabituelle se produisit quand elle laissa le masque glisser dans le vague. Ses sentiments la saisirent captive et elle ne put se libérer, malgré ses efforts. Ses traits montrèrent clairement son embarras, sa honte à s'être montrée si vulnérable, si émotive devant mademoiselle Jefferson. Il y avait aussi, à peine devinable au coin de ses yeux, une trace de peur.

    Renna n'était rien sans le contrôle de fer qu'elle maintenait sur ses émotions. Ce contrôle était ce qui lui donnait le droit de se sentir supérieure aux autres, c'était sa vie, son existence même. Sans pouvoir cacher le moindre de ses sentiments aux autres, elle affichait sa faiblesse et ceci était tout simplement inacceptable. Ses doigts se crispèrent un peu plus sur le rebord du comptoir et elle pinça les lèvres dans un air mécontent. Sa silhouette trembla un instant et lentement, elle leva les yeux vers le miroir. Ce qu'elle y découvrit n'améliora pas du tout son état. Elle fut même choquée de découvrir sa peine et son humiliation si clairement visibles sur son doux visage. Habituée de noter un masque frigide, un mur insondable, cette vision l'effraya et elle posa une main tremblante sur sa joue, ses lèvres s'entrouvrant silencieusement. Pourquoi ? Pourquoi une simple fille comme Myra Jefferson pouvait ainsi l'affecter ? Depuis sa naissance, ce monstre aux yeux verts n'avait fait que la déstabiliser encore et encore, produisant en elle des réactions tout simplement inacceptable sans le moindre effort. Renna était frustrée, non dégoûté de son incapacité totale à se protéger contre la jeune femme. Si cela continuait ainsi, Myra allait découvrir ce qui se cachait sous les couches de glace, le faire si aisément et jamais Renna ne serait capable de s'admirer. Montrer ses émotions était pour l'enseignante quelque chose de tabou et jamais elle ne voulait se rabaisser à ce niveau. Elle devait continuer de paraître froide, distante. C'était le seul moyen qu'elle avait de se protéger des autres et elle ne voulait pas que l'on s'approche de sa personne, c'était bien trop inconnu, un terrain glissant. L'enseignante était prudente, elle savait que de se laisser aller à son manque social, que d'écouter cette partie vulnérable de son être causerait sa perte. Les autres étaient imprévisibles, ils pourraient lui faire du mal, lui arracher son calme, sa sereinité. Elle n'était pas prête à faire face à un tel danger. Pourtant... Pourtant il y avait cette petite voix en elle qui persistait à se faire entendre, qui clamait qu'elle voulait se rapprocher de Myra, lui montrer qu'il y avait autrement en elle qu'un être sans pitié et si froid. Sans réellement le réaliser, elle avait fait des efforts pour paraître moins dure, pour se laisser bercer par la confiance, pour oublier sa peur paralysante d'autrui. Parce que bien qu'elle disait avec fierté qu'elle n'avait besoin de personne, que les autres étaient tous des idiots, la vérité était qu'un humain ne pouvait pas survivre seul. Renna n'était pas prête à accepter cette logique, pas prête à y céder, à crouler sous ses désirs qu'elle considérait faible. Non, jamais elle ne laisserait une telle chose se produire. Tout du moins, sa peur continuait d'y croire, qu'elle pourrait vaincre cette envie de contact humain.

    Ayant reprit légèrement contrôle sur elle-même, elle entreprit de tourner le robinet d'eau froide et de machinalement nettoyer les dégâts, son visage tentant désespérément de vaincre la vulnérabilité qui persistait à transparaître sur ses traits. Elle frotta furieusement ses bras, son chandail, souhaitant ainsi retirer toute marque de son moment de faiblesse. Renna espérait seulement que Myra n'avait pas compris ce qui s'était passé, qu'elle n'avait pas réussit à deviner que si son enseignante avait agit si maladroitement, c'était parce qu'elle lui avait fait perdre tous ses moyens. Et comment ? En essuyant ses joues avec une serviette, en enfreignant une règle non-dite, en se rapprochant bien trop près de sa personne. En permettant à l'esprit assoiffé de Renna, une vue bien plus détaillée de sa personne qu'elle ne se serait permit d'avoir. Cette seule pensée fit rage dans l'esprit de la dame tandis qu'elle se mit à redoubler d'effort pour frotter encore plus puissamment son bras, ignorant la rougeur que celui-ci prenait. Puis, une dame eut la malheureuse idée d'entrer. Renna releva subitement les yeux vers le miroir pour observer la fautive qui se dirigeait vers une stalle, sans réagir à sa présence. Intolérable. La pauvre dame allait recevoir son courroux, puisque Renna avait à le déverser.


    « Où est-ce que vous croyez aller comme ça ? »
    « Pardon ? »
    « Ah. Parce que vous êtes sourde en plus. Ou est-ce de l'idiotie ? Je vous ai demandé où vous croyiez aller comme ça. »
    « Je... Ne suis pas certaine de... »
    « Bien sûr que non, vous n'êtes pas certaine de, votre esprit est bien trop petit pour comprendre. »
    « Mais je... Je ne veux qu'utiliser les... »
    « Eh bien revenez plus tard, bien plus tard, si vous savez ce qui est bon pour vous. »

    La dame battit un moment des cils, une puis deux fois, avant de lentement revenir vers la sortie, les yeux grands ouverts devant sa surprise. Naturellement, elle avait été bien trop surprise par sa réaction pour agir comme elle l'aurait normalement fait. Tout du moins c'est ce qu'elle persista à se dire tandis qu'elle retournait à sa table. Sa présence avait permit à Renna de déverser son trop plein d'émotions et maintenant qu'elle était partie, l'enseignante pu enfin noter un cessement dans les tremblements de ses membres et respira un bon coup, fermant les yeux. Remerciant cette pauvre dame qui n'allait probablement jamais plus utiliser les toilettes de ce restaurant, elle reprit contrôle d'elle-même, lentement, si lentement. Sa panique laissa place au calme et si elle était toujours bouleversée par les événements, maintenant elle pouvait mieux les comprendre, les accepter et vivre avec. Depuis longtemps elle avait comprit que mademoiselle Jefferson produisait en elle des réactions incontrôlables et qu'il serait bête de s'en vouloir pour cela, mais encore son organisme combattait cette réalisation farouchement. Ce n'était pas pour rien, après tout, qu'elle avait décidé en toute connaissance de cause de détester la jeune femme, malgré le fait qu'elle ne méritait sans doute pas une telle haine. La dame poussa un soupir et retira ses lunettes pour les poser sur le comptoir avant d'à nouveau observer ses traits. Elle se demanda ce qui avait bien pu traverser l'esprit de Myra quand elle avait essuyé les joues et le front de son enseignante de si près, sans doute rien de notable. Il était légèrement frustrant de savoir qu'un geste anodin qui n'avait rien coûté à celle qui l'avait entamé avait si profondément troublée melle Johnson. En fixant ainsi son visage, elle se rappelait des traits de l'élève, concentrés sur leur tâche, si magnifiques, si près. Elle avait voulut effleurer la peau bronzée, connaître la douceur des traits, plonger ses yeux dans les siens. Toutes ces envies l'avaient si profondément choquée, qu'elle n'avait su comment gérer la situation autrement qu'en relâchant son masque. Chose inacceptable. Soudain, une autre dame entra dans la salle de bain et s'arrêta sur le pas de la porte, montrant clairement une surprise face à la présence de Renna dans les lieux. Son regard dédaigneux toisa la silhouette de l'enseignante couverte de sauce et elle haussa un sourcil avant de glousser méchamment.

    « Mon dieu, mais quel gâchis ! Vous êtes couverte de sauce madame. »

    Cette réplique sarcastique fit tiller l'enseignante et si elle avait maintenant son être sous son contrôle, elle ne pouvait tout de même pas laisser glisser. Son regard tourna lentement vers la nouvelle venue et avec un air glacial qui lui allait si bien, elle parcourut la silhouette de la nouvelle venue. Une fois cela fait, elle arqua elle-même un sourcil avant de dire sur un ton condescendant :

    « Oui, c'est bien malheureux. Heureusement, en vous regardant, je note que si ma personne est évidemment couverte de sauce, ce n'est qu'un état temporaire alors que le votre sera permanent. Qu'avez-vous à répliquer à cette vérité, ma très chère dame ? »

    Apparemment, cette réplique la prit au dépourvu. Elle passa plusieurs secondes à toiser Renna d'un air surpris, puis se reprit et haussa le nez avant de prononcer un 'hmpf' sonore et de se tourner vers la sortie. Au même instant, quelqu'un d'autre tenter d'entrer et les deux dames entrèrent en collision. Renna s'attendait presqu'à une réplique cinglante, mais elle ne nota que des rires méprisants avant que la jeune femme détestable ne s'en aille enfin. L'enseignante s'était détournée de la dame impolie après sa réplique et donc ne remarqua pas tout de suite la présence de mademoiselle Jefferson dans les lieux. Elle ne nota cette dite présence que lorsque l'étudiante cru bon de lui adresser la parole. Reconnaissant tout de suite la voix si adorée, Renna se tendit d'un bloc et son regard revint au miroir pour s'assurer qu'elle n'hallucinait pas. Mais non, c'était bien le regard inquisiteur de melle Jefferson qu'elle pouvait devenir sur la surface métallique. Longuement, le silence régna tandis qu'elle tâchait d'éliminer toute trace d'émotion sur son visage, le son seul occupant la pièce, celui du robinet déversant son eau en face de l'enseignante. La dame observa Myra tandis qu'elle écrasait sa cigarette sur le comptoir et lui parlait à nouveau, elle la suivit des yeux quand elle alla jeter son bien dans la poubelle et demeura encore sans voix pendant quelques instants. Puis, sortant de sa torpeur, elle se remit à tâcher de faire partir les traces de sauce de sa blouse, évitant le regard de la demoiselle.

    « Des choses à raconter ? Certes, si vous le dites. Toute fois, je doute que de raconter un tel événement puisse m'être bénéfique, même si j'avais quelqu'un à qui le raconter en premier lieu. Non, je crois que je vais vous laisser la joie de relater cette histoire à qui bon vous semble, vous en tirerez sans doute bien plus de bonheur que moi. »

    Le ton n'avait pas été, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, condescendant. Il avait été neutre, presque léger et doux, le nouveau ton que l'enseignante prenait maintenant quand elle s'adressait à Myra Jefferson. Elle se maudit quand même mentalement d'avoir laissé paraître dans ses propos, une certaine amertume et vulnérabilité. Quand même, l'étudiante n'avait pas besoin de savoir qu'elle n'avait pas réellement d'amis ni de connaissances proches. Et puis selon ses mots, n'importe qui aurait cru comprendre qu'elle était déçue de ce fait, alors que c'était tout le contraire. Renna continua de tenter de retirer les traces de sauce, bien qu'elle commençait à réaliser qu'elle avait fait tout ce qu'elle avait pu et que les dites traces n'allaient pas se retirer à présent. Le fait que ses vêtements soient gâchés ne la peinait pas plus que ça. Il ne s'agissait pas de sa blouse préférée et avec son argent, elle pouvait bien s'en acheter cinq autre sans embûche. Ce qui la mettait dans cet état, c'était sans conteste la présence de l'étudiante et elle se maudissait de se sentir ainsi. Son regard chercha la surface du miroir pour trouver la silhouette frêle à nouveau, mais redescendit vite fait quand elle remarqua que melle Jefferson la fixait intensément. Incapable de faire face à ce regard, elle fronça les sourcils et continua à frotter sa blouse sans faire de commentaire. Puis, l'autre réplique fusa dans l'air, le surprenant légèrement. Et vint le rire. Ce rire provoqua en elle un léger frisson qui la troubla hautement. Renna finit par soupirer et cesser de frotter sa blouse. Elle se retourna vers la jeune femme, fixant le sol, pianotant nerveusement sur la surface du comptoir.

    « ... Non c'est bon, je crois avoir retiré tout ce que je pouvais. »

    Enfin, les yeux bleus timides se relevèrent vers ceux émeraudes et farouches de son étudiante et pendant un instant, elle la fixa sans réagir autrement. Puis, sortant de sa transe, elle remarqua l'état de la jeune femme toujours badigeonnée de sauce.

    « C'est plutôt de votre cas, qu'il faudrait se préoccuper. »

    Avant de pouvoir s'en raviser, elle se saisit d'un morceau de papier pour essuyer les mains, l'humecta, ferma le robinet et s'approcha de mademoiselle Jefferson pour essuyer délicatement les taches de sauce encore présentes sur le bout de son nez et sur son front, son coeur battant légèrement plus vite, son regard refusant de lui faire face. Elle refusa catégoriquement de faire le lien avec le précédent geste de la jeune femme et celui qu'elle effectuait à l'instant même.
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MessageSujet: Re: Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage   Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage EmptyDim 9 Oct 2011 - 12:49

    Mademoiselle Johnson semblait particulièrement perturbée. Myra occupait discrètement l’espace des toilettes pour dames, en se terrant dans un coin sans oser bouger d’un pouce. Les bras croisés sur sa poitrine, elle avait guetté les réactions de son enseignante avec gourmandise et curiosité, comme si de cela dépendaient pas mal de choses. Dans un coin de son esprit, elle devait sûrement ruminer et ressasser l’accident sans pour autant exprimer ouvertement ce qu’elle ressentait. Sans que mademoiselle Jefferson n’en sache quoique ce soit, Renna prenait doublement sur elle afin de ne pas se trahir, et de ne pas être la cible de son étudiante. Elle avait tout à fait raison, car l’attrait de la Rebelle pour les révélations croustillantes était incommensurable, pourvu que les potins en question ne l’atteignent pas directement. Elle avait toujours une oreille qui traînait où il ne fallait pas, et indépendamment de sa volonté, elle apprenait des faits qui la laissaient sans voix, égayaient sa journée, ou éveillaient son tempérament anti-conventionnel. Dans tous les cas, elle avait cette faculté d’être impliquée plus ou moins dans des histoires qui ne la regardaient pas. Au sein de l’académie, il y avait de quoi se sustenter en la matière, car ça ne manquait pas de mésaventures et de conflits en tout genre, que ce soit entre deux élèves ou plus largement entre deux groupes. Les duels faisaient rage, et les arguments que chacun mettait sur un piédestal valaient parfois le coup d’œil. Il suffisait de s’arranger pour être de l’autre côté de la scène. N’être que spectatrice garantissait de ne pas être prise au dépourvu par une triste histoire dans laquelle elle n’aurait jamais dû mettre sa patte. En ce qui concernait les états d’âme de Renna, elle n’irait pas raconter à n’importe qui leurs péripéties communes. En fait, elle avait plus sous-entendu cela dans l’intention de la taquiner. Elle ne comptait pas concrétiser une telle initiative, car ce serait un pur suicide. Son principal intérêt était de ne pas se faire remarquer comme étant la disciple d’une femme que beaucoup méprisaient pour son sérieux, son dédain et son mépris à l’encontre de l’Humanité. En même temps, tandis qu’elle apprenait à vivre en sa présence, elle avait cru comprendre que ses faiblesses étaient omniprésentes. Comme chaque Homme sur cette Terre, mademoiselle Johnson n’était pas infaillible, et c’était parce qu’elle le savait pertinemment qu’elle se comportait de la sorte. Après, restait à savoir quelle était cette faiblesse qui la faisait ployer sous une force inconnue.

    Le ton employé avait été doux et dépourvu d’une quelconque autorité. Elle lui exposait ses impressions avec un calme si exacerbé, que Myra se demandait si cela durerait éternellement. On ne pouvait pas demander à l’Autre de se transformer du jour au lendemain. Il y avait des paroles, des gestes et des émotions qui appartenaient au domaine de l’incontrôlable. Renna en faisait actuellement les frais, elle se triturait la cervelle depuis des années dans l’espoir de freiner ce qu’elle pouvait éprouver pour mademoiselle Jefferson. En contrepartie, cette dernière se sentait si peu concernée par la chose, qu’elle s’en trouvait tracassée par les divers changements observés dans l’attitude de son professeur. Le souci rencontré lorsque l’on côtoyait plus longuement quelqu’un, c’était que l’on mémorisait certaines de ses habitudes ainsi qu’une bonne partie de ses manies. Puis, lorsque l’on avait finalisé ce dictionnaire mental de connaissances, on en venait à les relier entre elles, dans le but de comprendre inconsciemment ou non le comportement humain. C’était un peu ce qui était en train de se dérouler, hormis que Myra n’avait pas la lucidité et le taux de concentration nécessaires pour se fier pleinement à ces indices. Or, si Renna avait eu le malheur d’atterrir sur une personne pleine d’empathie et deux fois plus observatrice, peut-être aurait-elle fini par comprendre, sans pour autant connaître le véritable fond de sa pensée. Pour l’instant, la Rebelle ne savait pas distinguer les différents états émotionnels de son professeur. Pour résumer les choses simplement, elle ne la connaissait pas encore sur le bout des doigts, et probablement n’allait-elle jamais la connaître vraiment. Il était déjà compliqué de se cerner soi-même, alors quand il s’agissait de se lancer dans la compréhension de son prochain, la tâche était plus ardue et exigeait des compétences parfois remarquables. Malgré ses lacunes, Myra avait bien compris que Renna fuyait toujours son regard. Lorsqu’elle n’était pas concentrée dans le nettoyage de ses tâches, elle s’appuyait nerveusement sur le lavabo, et y faisait pianoter ses doigts. A en juger par sa posture, elle n’était vraiment pas à l’aise, et mettant ça sur le compte de cette journée mouvementée, mademoiselle Jefferson haussa innocemment les épaules. Sa naïveté pouvait aussi prendre des proportions égales à sa tendance pour la débauche et l’indiscrétion. Par ailleurs, elle n’avait pas envie de se lancer dans de sempiternelles confidences, car leurs mets n’allaient pas tarder à être servis, si elle en croyait ce que lui avait dit le serveur. Leurs sacs à mains étaient restés à la portée de n’importe qui, et si l’envie prenait à quelqu’un de récolter un butin conséquent, il n’aurait qu’à enfouir ses mains dans les affaires de l’enseignante.

    Plongée dans ses réflexions, l’étudiante en fut brusquement extirpée lorsque Renna s’empressa de prendre un morceau de papier, afin de la débarrasser de toutes ses tâches. Au même moment, une femme pénétra dans les toilettes et s’approcha à son tour des lavabos. Dégainant sa trousse de maquillage, elle se refit une petite beauté. Elle n’avait pas un visage très élégant. Son menton pointu, ses joues émaciées et ses yeux de cocker n’arrangeaient pas son cas, en particulier lorsqu’ils étaient cernés d’un noir profond. Cependant, convaincue de sa magnificence, elle s’affaira à corriger les petits défauts de son ouvrage, sans se douter que son arrivée imprévisible troublerait Myra. En effet, alors que le tissu emprunté par Renna continuait de caresser les pourtours de son visage, les yeux de la demoiselle rencontrèrent les siens. Leur bleu profond ainsi que leur froideur transcendantale lui arrachèrent des frissons, et donnèrent naissance à un acte impulsif. Violemment, le monstre aux yeux verts s’empara du mouchoir en question, sans demander son reste. En une fraction de secondes, l’objet concerné avait disparu des mains de l’enseignante. Peut-être qu’elle ne comprendrait pas, peut-être donnerait-elle une interprétation péjorative à cet acte. Dans tous les cas, Myra n’avait pas supporté l’idée qu’une parfaite étrangère puisse assister à un geste aussi intime entre elles. Pourtant, il était identique à celui qu’elle avait entrepris pour tranquilliser Renna lors de l’accident, mais l’ambiance actuelle du moment, ainsi que le silence lourd de sens avait suffi à ébranler sa tranquillité d’esprit. Baissant à son tour les yeux, elle s’arrangea pour que son interlocutrice ne soit pas témoin de son effroi. Elle tenta vainement de le déguiser en agacement.

    - Ca suffit, je vais me débrouiller. Je suis une grande fille.

    L’énergie expulsée dans le timbre de sa voix la surprit. Un soupçon de colère avait affleuré à la surface, et alors que la discrétion aurait dû être sa priorité, la femme au faciès squelettique s’immobilisa soudainement. Elle se pencha tantôt en avant, tantôt en arrière pour essayer de comprendre ce qu’elles fabriquaient exactement. Plantée devant elle, Renna lui dissimulait une bonne partie de la scène, et évita ainsi à Myra d’être prise pour une folle. De toute façon, c’était dit, elle ne pouvait pas retourner en arrière, et elle n’aurait qu’à en assumer les conséquences en parfaite adulte. Ces pensées auraient pu la rassurer, mais elles eurent l’effet contraire. Elle appréhendait le retour de mademoiselle Johnson, et se retourna le cerveau dans le but de deviner comment elle allait vivre les circonstances. Peu après sa réplique teintée de ressentiment, Myra avait l’impression que son cœur allait exploser dans sa poitrine, y répandant son lot de tracas et de contradictions. Sa température corporelle augmenta à grande vitesse, et bientôt, de légères rougeurs colorèrent puis sublimèrent sa peau mate en se concentrant sur ses joues. Submergée par la gêne, elle se mordilla la lèvre inférieure, et avec très peu d’assurance, elle contourna Renna pour humecter à nouveau le mouchoir. Elle s’en appropria un deuxième, puis un troisième, et avec un peu de savon, parvint à limiter les dégâts sur ses vêtements. Les tâches étaient toujours là, mais leurs nuances se fondaient un peu mieux dans les coloris initiaux de son chandail. Reprenant peu à peu le contrôle de son corps et de son esprit, Myra releva franchement ses yeux en direction de sa tutrice, et lui recommanda de ne pas rester là :

    - Vous savez, avant que je vienne, les plats commençaient déjà à se préparer en cuisine, donc je pense que ça serait bien qu’une de nous retourne en salle. Et puis, vous savez, une petite partie de nos affaires est restée près de la table, sans surveillance, donc…

    L’agacement était toujours là, et elle s’en voulut affreusement. Elle aurait aimé ne pas être aussi craintive et burlesque, dans sa façon d’appréhender une situation qui n’était pas si contraignante que cela. Ce n’était pas le fait d’être prise en charge par une adulte qui la tracassait, mais celui d’être prise en charge par Renna en personne. En dehors des cours où elles se querellaient comme des forcenées, la jeune fille ne s’était jamais posé autant de questions sur son propre compte. Bien sûr elle était intimidée, mais peut-être qu’il y avait autre chose. Et cette chose, elle ne pouvait pas la définir au stade de leur relation. Et de toute évidence, ce n’était que pour un ou deux mois. Avec un peu de chance, ses sentiments resteraient constants dans leur ambigüité, et elle n’aurait pas à le regretter.

    - Et puis qu’est-ce que vous regardez vous ? Occupez-vous de vos affaires, merci !

    Un voile de stupeur et de confusion se posa sur le visage de la femme squelettique. Outrée par ses propos, elle grommela des jurons incompréhensibles avant de ranger expressément ses affaires. Elle jeta un dernier regard lourd de sens à Myra, qui le lui rendit en triple en manquant de lui tirer la langue. Cependant, ça aurait pu lui ôter toute crédibilité. Par conséquent, elle n’en fit rien, et se satisfit du départ réjouissant de cet être indésirable. Achevant de peaufiner son apparence en domptant les mèches rebelles de sa longue chevelure, elle s’inspecta une dernière fois en pivotant sur elle-même, et convint que ce serait largement suffisant. Lorsqu’elle rejoignit leur table quelques secondes plus tard, les assiettes venaient tout juste d’être posées. Un léger nuage de fumée s’échappait encore de la viande, et annonça une dégustation particulièrement appréciable. Ne se faisant pas prier, le monstre aux yeux verdoyants s’attabla, déposa gracieusement sa serviette sur ses cuisses, et s’empara lestement de ses couverts. A l’aide de sa fourchette, elle emporta quelques grains de riz et les enfourna dans sa bouche. Le Bonheur fut au rendez-vous, puisqu’elle retrouva aussitôt le sourire.

    - Après l’effort, le réconfort !

    Ce fut l’unique phrase qui lui vint à l’esprit. Elle espéra qu’elle saurait combler le blanc fraîchement instauré avec son enseignante.
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