Convocation Elena Aleksandrov

La jeune professeur d'art avait donc tourné ses talons vers le bureau du directeur. Ou plutôt ce qu'elle croyait être son bureau, voyez-vous. Elle s'arrêta devant  chaque porte, espérant y lire l'indication qu'elle cherchait. Elle se rapprochait telle une vieille dame a moitié aveugle, pour finalement soupirer et repartir dans sa quête. Elle ne savait plus combien il y avait de porte, et elle ne savait plus lesquelles elle avait déjà regarder. Alors, au bout de presque sept minutes, elle s'arrêta et se demanda si elle avait choisit la meilleure des solutions. Elle allait se dire que oui quand une ombre passa devant elle. Elle s'accrocha à la personne, et demanda tranquillement comment elle pouvait se rendre au bureau de monsieur le proviseur, dont elle avait déjà oublié le nom.

On lui indiqua une porte qu'elle avait déjà regardé, et elle se rendit compte que même lire le nom du proviseur ne lui avait pas rappeler qui il était. Elle rit intérieurement, avant d'avoir un fou rire, seule devant cette porte longuement regardé. Puis, elle passa une main dans son cou. Puis, elle frappa doucement à la porte, avant de l'ouvrir et de se retrouver en face de la secrétaire. Elle s'inclina et la salua poliment, Avant de demander si elle devait s'asseoir. La jeune femme lui présenta un siège avant de, lui sembla t-elle, prévenir le proviseur de sa venue.

Elena n'avait aucune minute d'avance, ni aucune de retard. Elle s'assit doucement, et resta silencieuse et tranquille, laissant son esprit vagabonder, sans se préoccuper plus de la secrétaire. Elle rêvait doucement, les yeux dans la vague. Elle imagina des oiseaux, de la neige et le printemps. Elle était lointaine, dans son monde. Et c'est sans doute pour cette raison qu'elle n'entendit pas qu'on l'appelait. C'est lorsque qu'une mine sévère se présenta dans son champs de vision qu'elle se réveilla, offrant un sourire chaleureux à la femme.

On lui indiquait quelque chose. Elle sourit de nouveau et regarda calmement la secrétaire reprendre sa place. Et puis elle se leva et alla se présenter à la porte. Parce que c'était de sa qu'il était question. Elle avait un rendez-vous. Mais pourquoi ? Et avec qui, déjà ?

Le visage de son rendez vous apparut, et elle ne se rappelait toujours pas ce qu'elle était venue faire ici. Elle sourit doucement, et elle entra dans la pièce sous la demande de son interlocuteur. Elle prit place sur la chaise qu'il désignait, et s'est en regardant son bureau qu'elle se rappela qui il était. Le directeur. Elle ne se souvenait pas l'avoir déjà vu. Ou peut être que si. Mais elle ne se souvenait plus de son nom. Elle se mordit les lèvres tout en tripotant son collier, avant de se rappeler qu'elle devait répondre à la question de son supérieur.

"Si cela ne dérange personne, je vais accepter cette proposition."

La jeune femme ne trouva nullement étrange qu'une personne inconnue comme monsieur Ashita connaisse sa passion pour la thé vert. Elle souriait doucement, et elle se rappela alors le patronyme de son directeur. Elle ajouta donc, après une courte pause entre sa déclaration et celle-ci.

"Monsieur Ashita."

Et elle sourit de nouveau, de toutes ses dents, comme elle en avait l'habitude. Sa bonne humeur était à toute épreuve, et elle ne voyait de toute façon pas d'épreuve ici.

Elle le regarda s'installer lui aussi, et elle ne répondit pas à son commentaire sur sa langue maternelle. Elle ne voyait pas pourquoi la conversation aurait dû se tenir en russe. Elle était ici au Japon, c'était pour y parler japonais. Si elle avait envie de parler russe, elle pouvait toujours chercher Wunjo, ou bien appeler sa mère. Ou bien même parler toute seule. Mais elle savait parler japonais, alors pourquoi s’embêter à parler une autre langue. C'était amusant. D'y avoir pensé.

La jeune femme hocha doucement la tête, presque surprise de tant de détail sur sa vie. Elle même n'y prêtait pas grande importance. Toutefois, son sourire ne disparut pas, et bien qu'elle fut encore plus surprise par la réponse de son supérieur, elle n'en laissa rien paraître et se contenta de répondre calmement.

"Et bien, après avoir compris que je me perdrais toujours régulièrement dans les locaux de cet établissement, je me suis sentie tout de suite mieux. Je ne pense pas qu'une formation puisse améliorer mon sens de l'orientation, malheureusement. Toutefois, maintenant que j'y pense, je me demandais s'il n'y n'existait pas de formation pour le club de jardinage ainsi que celui d'art. Bien que cette interrogation soit purement personnelle. J'aimerais beaucoup pouvoir approfondir mes connaissances dans ces deux domaines. Je crois aussi qu'il nous manque de moyen pour le club de jardinage, mais comme je ne suis pas experte au niveau finance, je ne suis pas sûr d'être la bonne personne pour dire cela."

La jeune femme annonçait sans réfléchir ce qui se tramait dans sa tête, ne distinguant pas l'intéressant de l'inutile. Elle prit une pause, respirant calmement, comme si son monologue ne l'avait pas du tout essoufflé, habituée qu'elle était à prendre la parole pendant des siècles.

"Ah, et puisque vous en avez fait mention, je me demandais s'il existait également des formations lorsque l'on devient professeur principal. Je m'occupe normalement de mes élèves seulement sur le plan artistique, et je dois avouer que j'ai très peu de problème avec cela, les élèves sont souvent très heureux de venir et en profite pour décompresser. Du coup, je me trouve un peu démunie lorsque je dois prendre le rôle de professeur principal. Parce que je n'ai pas du tout le même point de vue de mes élèves que les autres professeurs."

Elle prit un air ennuyé, car il était vrai qu'elle s'était retrouvée face à des situations embarrassantes. Elle n'avait quasiment aucun problème avec ses élèves, et elle avait donc eut de mauvaises surprises en discutant avec les autres professeurs. Elle n'arrivait pas à voir autrement ses élèves, et elle était donc souvent vu comme une prof laxiste et peu exigeante. Ce qu'elle n'était pas. Elle était sérieusement impliquée dans les travaux de ses élèves, et lorsqu'on lui parlait d'un problème, elle allait directement voir la personne concernée. Toutefois, elle n'utilisait pas d'attaque frontale comme la plupart des profs. Elle parlait plutôt tranquillement avec l'élève, pour comprendre son comportement. Le problème était que cela lui prenait beaucoup de temps, et qu'elle n'était pas psychologue. Et puis, parfois, elle rencontrait du vent.

"Sinon, oui, professionnellement parlant, je suis vraiment épanouie ! J'en apprends tout les jours, vous savez, ses enfants sont une source incroyable de surprise et de talent. Vraiment incroyable."

Imperfections. Erreurs. Mauvais professeur. Elle avait l'impression que tout lui était adressé, comme s'il lui disait qu'elle n'était qu'une petite fille sans aucun talent. Elle avait l'impression d'avoir son père devant elle, salissant sans remord ce qu'elle aimait. Sauf qu'elle connaissait la douceur et l'amour que lui portait son père. Le directeur n'avait pas ce genre de prétention. Il était seulement froid et désagréable. Très bien. Elle s'en contenterait.

"Je crois que vous faites erreur, monsieur. Il est vrai que je semble fragile et naïve, mais je ne tolère aucun débordement dans mes cours et je fais mon travail le plus sérieusement du monde. J'essaye de trouver un bon climat dans mes classes, et je n'hésite jamais à être sévère. Il est vrai que je n'aime pas cela, mais je pense qu'il le faut parfois."

La jeune femme souriait doucement, consciente de ce qui ce passait enfin, devant elle. Ce n'était pas simplement un rendez-vous sympathique ou le directeur demanderait gentiment si tel ou tel professeur allait bien, s'intégrait bien ou elle ne savait quoi. Non, c'était bien plus tordu que cela. Il cherchait simplement à asseoir son autorité, tout en se débarrassant du corps enseignant ne faisant pas partie de sa restreinte admission. En gros, si elle ne rentrait pas dans son moule de professeur, elle était virée. Cela ne l'effrayait pas. Elle n'avait pas besoin de compliment voilé sur son caractère, de menace doucereuse. Elena connaissait sa valeur.

"J'ai tout mis en œuvre afin d'être irréprochable. C'est vrai que je me perd facilement et qu'il m'arrive d'oublier la plupart de mes rendez-vous, mais je me connais et je sais donc comment éviter ce genre de chose. Lorsque mes élèves me prennent pour une cruche sans cervelle, je leur rappel sans difficulté que ce n'est pas le cas. Ce n'est pas parce que je semble fragile et maladroite que je laisse les autres me marcher dessus, monsieur le directeur."

La jeune femme changea doucement de position, et sans cesser de sourire, elle dit simplement ce qu'elle avait sur le cœur.

"Je ne pense pas faire d'erreurs dans ma façon d'enseigner. Si vous n’êtes pas sûr de mes qualités parce que vous pensez que je suis aussi fantaisiste en dehors de mon travail que dans mon travail scolaire, dans ce cas, je vous invite à venir à l'un de mes cours. Je suis sûr que vous en apprendrez beaucoup."

Et elle n'était pas agressive. Simplement persuasive. Elle détestait qu'on lui reproche des choses qu'elle savait injuste. Elena avait très vite compris certaines choses dans la vie. Comme le fait qu'être trop gentille facilité les débordements. Et ses élèves avaient vite compris que derrière le sourire et l'attitude très douce et maternelle d'Elena se cachait un glaçon sévère et froid lorsque l'on parlait respect et règlementation.

Le directeur et la professeur d'art parlèrent longuement, bien plus longtemps que la plupart des autres personnes. Le directeur reprochant à la jeune femme d'avoir une posture professionnelle frivole et pas assez stricte. Il ne l'épargna guère malgré ses tentatives pour essayer d'être diplomate dans ses propos. L'homme sembla assez mécontent de son entretien. Il avait blessé le professeur sans parvenir à lui faire entendre raison : était-il dans le tort ou le juste en l'accusant d'être trop légère dans sa manière d'agir et de risquer de se faire dévorer par les élèves. Seul l'avenir lui dirait si son jugement avait été bon ou mauvais. 

Quelques mois plus tard, le professeur d'art reçu une lettre du professeur : 

"Mademoiselle Aleksandrov,
Pourriez-vous convaincre les élèves suivant de participer à une campagne de prévention contre l'usage de la drogue et de l'alcool en allant leur demander ? Il s'agit de messieurs Aaron Fernandez, Eden Indentshi, Jin Ikeda, John Stephens, Sora Kumori, Lewis McAlister, Minto Aohime, Sei Niimura. Vous formerez des binômes de deux ou trois que vous surveillerez. Merci de vous assurer qu'aucun débordement n'est lieu.
Vous me ferrez un rapport avant la fin de l'année 2013 sur ces différentes campagnes de prévention.

Cordialement,

M. ASHITA Shiori"