~ Le bal ~

Une berline s’arrêta devant l’Académie. A son bord deux personnes. Un homme, la quarantaine franchie depuis quelques années déjà, au volant. De l’extérieur on ne distinguait pas son visage à travers les parois vitrées des portières. A sa gauche, coté passager, un individu enveloppé d’une cape sombre, boutonnée par le devant, jusqu’au cou. Un masque de style vénitien, prolongé d’un bec, orné de plumes bleues en majorité, additionnée de rouge, couvrait la moitié supérieure de son visage. L’inconnu avait des cheveux longs et fins, légers et brillants, de couleur violine. La peau du visage était très pâle. En regardant de plus près, on pouvait remarquer qu’il s’agissait d’une poudre qui recouvrait l’épiderme. Les lèvres fines et tentatrices étaient recouvertes pour l’occasion d’un gloss irisé, d’un rose discret. A première vue, il était impossible de savoir si la personne qui se dirigeait vers l'allée était un homme ou une femme.

Tandis qu’il empruntait le petit chemin embelli par de sublimes pétales de roses, des flashes aveuglèrent le lycéen. Il détourna la tête. Son père le regarda s’éloigner puis redémarra son véhicule avant que des petits curieux puissent l’identifier. Chose inutile puisque hormis les amis proches de Shiki, voire de Vérité, personne ne connaissait le visage de Satori Katsuragi.

Shiki avait été prévenu de son statut de « Cupidon » par un membre du comité des élèves. Au début, il avait trouvé ça un peu embarrassant d’être mis aux enchères, tel un objet, mais comprenant que c’était pour une cause raisonnable, il avait alors accepté. Cammy lui avait parlé des difficultés que l’hôpital - dans lequel les parents de cette dernière travaillaient - rencontrait au quotidien. Il s’agissait donc d’une juste cause et il était hors de question de se défiler.

Cependant, le populaire fut tout de même surpris d’avoir été « choisi ». Il était persuadé de ne pas être suffisamment en vogue pour parvenir à faire monter les enchères. Le comité lui avait assuré que si. N’étant pas convaincu, il avait décidé de mettre les bouchées doubles ce soir. Lui qui aimait la discrétion, allait devoir se surpasser point de vue vestimentaire. Et accessoires. A sa main droite, une bague argent et ambre ornait son majeur tandis qu’une autre en argent également, sans pierre, en parait l’annulaire. La perruque était indispensable. Il avait tenté les lentilles également. Malheureusement, il ne les avait pas supportées. Heureusement, Keimoo accueillant bon nombre d’étudiant étrangers, il n’était pas le seul à avoir les yeux verts. Vu son accoutrement et l’allure qu’il allait donner, il doutait de se faire reconnaitre juste par ce détail. Côté maquillage, merci Maman Julie. S’il lui avait fallu acheter la poudre blanche, artifice spécifique pour ce domaine, en revanche le gloss lui appartenait. Shiki avait remarqué une étincelle étrange dans le regard de sa mère. Elle lui avait alors expliqué, tout en soignant l’application, que même dans ses rêves les plus fous, elle n’aurait jamais imaginé vivre ça, après avoir mis au monde trois garçons. C’est la seule chose qui lui avait fait regretter de ne pas avoir eu de fille. Shiki en avait souri. Cependant, sa fierté en avait pris un coup. Il se sentait efféminé sur l’instant. Mais il n’en laissa rien paraître. Pour faire plaisir à sa mère, pour rendre service au Comité des Élèves, pour aider l’hôpital de Keimoo, il avait décidé de jouer, pour cette soirée spéciale de Saint Valentin, le jeu de la séduction. Ce soir, il allait être ce qu’il n’était jamais dans la vie de tous les jours : provocant et provocateur. Dès qu’il ouvrirait sa cape et la rejetterait en arrière, il espèrerait que bon nombre de regards se riveraient vers lui. Quand bien même personne ne saurait qui il est en réalité...

Pour l’heure, il lui fallait passer devant quelques membres du club de journalisme ainsi que certains photographes du journal local afin d’aller tirer le nom de la jeune fille à qui il allait tenir compagnie jusqu’à la fin de la soirée. Oui parce que pour Shiki, pas le choix. Il lui faudrait rester jusqu’au bout. Il avait souvent assisté à des festivités de ce genre, mais il n’était encore jamais allé jusqu’au bout.

Il entra dans l’immense salle et fut émerveillé par les décors. Ça sentait merveilleusement bon et l’atmosphère était déjà chaude… Shiki ouvrit enfin sa cape qu’il balança sur ses épaules. En dessous, une simple veste de fourrure noire, synthétique évidemment, partait de ses bras, juste au dessous des épaules et se fermait en V au niveau de…son nombril. Il ne portait rien en dessous - hormis un collier fantaisie - laissant son torse à moitié nu. Il n’y avait qu’au club de natation dont il était le vice-président, qu’on pouvait apercevoir sont corps ainsi exposé et mirer un torse finement musclé. Rien de très extravagant, juste athlétique. Fins pectoraux, fins abdominaux. Le pantalon de velours qui recouvrait ses jambes était de couleur violine, assorti à la perruque qu’il portait. Aux pieds, une paire de botte pointue en similicuir, vernie qui montait jusqu’aux genoux, rehaussée d’un petit talon.

Voici donc le moment de tirer un nom.
Roulement de tambour et….

Ce soir, je serai la plus belle
Pour aller danser,
Danser.
Pour mieux évincer toutes celles
Que tu as aimées..

Et oui. Pour une fois, Kodaa ferait une effort pour danser et se faire beau. Mais le plus beau masqué surtout. Ben oui parce que non seulement il doit aller au bal et ne pas boire en vue du nouveau directeur qui parait-il est redoutable, et y aller masqué et déguisé. Tout un programme qui s'adressait là pour cette soirée qui s'annonçait.. Mémorable. Il avait choisit, pour faire simple mais horriblement sexy, un grand tissu bleu nuit qui donnerait une impression de grande robe de mage, avec la capuche, les grandes manches et surtout la grande taille qui ne donnerait absolument aucun indice à son cavalier ou sa cavalière. Et pour le masque? Un masque blanc dont l'espace pour les yeux était étroit, pour ne pas qu'on reconnaisse ses yeux. Et le trou pour la bouche?! Non il n'y en avait pas, ca changeait du traditionnel masque percé là où il faut pour respirer et pour voir.. Un très beau masque. Pour amplifier le tout, les gants blancs. Certes il avaient de longs ongles rouges au bout, mais comme ca on ne saurait pas s'il s'agit d'un homme ou d'une femme. Ah ah ah ah! Diabolique.
Aussi, pour cet évènement, Kodaa devrait oublier ses rayures, ses chaines, ses lunettes, et même ses cigarettes. Enfin ça non. Impossible. Et puis s'il venait à les oublier, il en prendrait à d'autres. Oui, les cigarettes c'est pas ce qu'il manque en soirée et dans l'académie en général.. Vu tous ces gens qui se détruisaient la santé.. C'était aussi le cas pour Kodaa évidemment (¬¬").

Une fois habillé, ou plutôt masqué et déguisé, pour ce soir particulier, il s'en alla, sortant de ce qui lui servait de chambre à l'académie. Le fête se déroulait dans la salle prévue à cet effet, juste à l'extérieur. Comme d'habitude il y avait quelques groupies, qui ne participaient pas au bal qui avaient assister à la préparation de Kodaa. On n'était plus à ça près avec elles.. Il sortit prenant soin de ne pas marcher sur sa longue robe de mage avec ses geta. Lorsqu'il marchait ça faisait un doux bruit, fort agréable. Il arriva devant la porte de la salle des fêtes. Alala tout ce rose et tous ces cœurs.. Écœurants. Mais le rouge et le blanc sauvaient la chose. Il entra. De gentils mots, de partout partout. Étonnant. Il fut accueillit comme un roi. Comme le futur roi de la soirée. Il était roi, il le serait ce soir. Déjà, Lun l'avait forcé à être un "Cupidon". Donc, ce soir, Kodaa offrirait de l'amour, beaucoup d'amour. Quoique.. Et tou cela pour quoi?! De l'argent, évidemment. Il faudrait le gagner le Kodaa..