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 Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël

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2 participants
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Zakuro Fea
▼ Université - 4ème Année - Comité des Elèves
▼ Université - 4ème Année - Comité des Elèves
Zakuro Fea


Genre : Non Binaire Lion Coq Age : 30
Adresse : 3, rue la Chance, app. 11, quartier Hiryuu, avec Lawrence E. Swanster.
Compteur 1580
Multicompte(s) : Kojiro Sekigahara

KMO
                                   :

Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël Empty
MessageSujet: Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël   Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël EmptySam 15 Nov 2014 - 21:08



    Le pourpre des Torii enneigés.
    Namahage's day.




    Trente et un décembre deux mille quatre. Japon, préfecture d'Akita, péninsule d'Oga.

    Vingt heure venait de sonner, et les hurlements s'élevaient de la ville, résonnant au dessus du lac Hachiro. La fête de Namahage, la célébration du nouvel an, venait de débuter, envahissant l'esprit de la population de la ville. La neige était éclairée par les feux d'artifices et les luminaires rouges qui illuminaient la nuit. John, les pupilles dilatées dans ce monde folkorique, tenait la main de Zakuro, Nami ayant glissé son bras autour du sien. Le défilé des Namahage allait bientôt débuter, et John se sentait angoissé. Il n'avait été prévenu de l'existence de cette fête traditionnelle qu'une semaine auparavant, et quand bien même Nami avait insisté pour que Zakuro assiste à la fête, le britannique restait effrayé à l'idée des mœurs qu'il découvrait. Tout autour de lui, dans une débandade rieuse et bruyante, les enfants et les parents hurlaient que les Namahage arriveraient bientôt, et l'ambiance électrique de la ville déplaisait à l'homme. Il ne se sentait pas à l'aise dans cet univers où le mystique promettait de se noyer à la réalité : comme un homme jeté à la mer, il se sentait entravé par des liens dont il ne comprenait ni l'origine ni la signification. Les monstres et les démons japonais l'effrayaient, et l'idée que l'on puisse s'amuser à effrayer les enfants l'horripilait. Les doigts de Nami sur sa joue lui fit tourner la tête vers elle. Elle souriait, sa peau porcelaine éclairée par les lumières de la ville.

    « Il se débrouillera très bien, n'aie pas peur. »

    Murmure indistinct aux oreilles de l'enfant, Zakuro ne regardait pas ses parents. Le regard projeté devant lui, regardant un stand où se vendait des friandises, il croisait les bras sur sa poitrine, le vent rigoureux de l'hiver le faisant frissonner. Il portait ce manteau sombre, qui déplaisait à John, car ne le rendait que trop peu visible à ses yeux : il aurait aimé que Nami lui prenne son manteau bleu, mais sa femme avait refusé, considérant que la température serait trop basse pour que Zakuro puisse porter autre chose que cet effet sombre. La capuche sur son crane, cachant ses mèches longues, le garçon de onze ans piaillait d'impatience. Il voulait, se doutait John, découvrir ces démons dont lui avait parlé sa mère. La fête de Namahage était la raison même du pourquoi ils étaient montés jusqu'à Oga. Durant le voyage, ignorant l'air troublé de son mari, Nami avait raconté mille et une histoire à Zakuro à propos des démons. Fait étrange, car Nami, d'habitude, ne parlait pas beaucoup des mythes et légendes du pays duquel elle était native. Mais depuis quelques temps, elle semblait s'être instaurée dans une dynamique visant à plonger Zakuro dans ces croyances nippones. John ne savait que trop en penser ; Charles Dickens et Oscar Wilde étant des figures que Zakuro avait rapidement remplacé par les histoires de Samuraï et de montagnes enneigées. Les lèvres pincées, ses yeux bleus écarquillés sur les feux de joie qu'on allumait, Zakuro observait en silence le déroulement des fêtes.

    La soirée se déroulait bien.
    Ayant trouvé place chez un ami à Nami, le couple Fea patientait, discutant avec l'homme qui les hébergeait, Hunnou Ten'chen, tandis que ses enfants jouaient devant le sallier avec Zakuro. La demeure de l'homme était propre et traditionnelle, et John s'extasiait devant l'architecture d'une maison que le Japonais disait « simple et familiale ». Les panneaux de bois, détail qui faisait partie du quotidien des japonais, le laissait fasciné, tandis que les souvenirs des films de chambara qu'il avait déjà visionné autrefois, remontaient à son esprit, souvent dans des visualisation de scènes où les adversaires déchiraient les panneaux fragiles de bois et de papier. Hunnou avait connu Nami à la faculté, et était resté en relation avec elle, quoique John n'ait jamais entendu parlé de lui avant la semaine dernière. Un peu méfiant devant ce sourire trop jovial de l'homme, mais rassuré, quelque part, devant son comportement on ne peut plus respectueux face au couple, John avait fait, avec plaisir, la découverte des deux enfants que l'ami de sa femme avait : un petit garçon de sept ans, et une fille de douze ans. Les deux enfants avaient entraînés Zakuro dans une partie de cache-cache, en attendant l'arrivée des Namahage. John était en train de questionner Hunnou par rapport à cette fête, quand la porte d'entrée s'ouvrit à la volée, dévoilant la silhouette monstrueuse d'un être qui se précipita dans le salon en hurlant.

    « Où sont les enfants paresseux ? Où sont les enfants pleurnichards !? »

    Dans des cris de terreur, les deux enfants de Hunnou apparurent dans le salon, se précipitant vers leur père, tandis que jaillissait derrière eux un deuxième être monstrueux. John, ayant été pris de surprise, avait sursauté, et avait envisagé, une seconde, de se défendre, lorsque la main de Nami, discrète comme un songe, était venu se poser sur son épaule, lui intimant en silence de rester calme. Il reconnu ainsi, dans la pénombre des lieux, le masque gigantesque et effrayant des deux Namahage qui s'avancèrent dans la pièce de vie. John chercha Zakuro des lieux. Les deux petits, réfugiés contre leur père, étaient effrayés. L'un des deux Namahage se pencha vers eux, la masque de bois faisant hurler de terreur le petit garçon. Tendant ses bras, comme pour attraper l'enfant, le faux-démon menaçait le garçon. Hunnou ramena ses bras contre son fils, le protégeant, son visage prenant les traits de la supplication.

    « Mon fils et ma fille ne sont pas des mauvais enfants. Ils sont travailleurs, et ils savent que s'ils ne le sont pas à l'avenir, vous viendrez les emporter. Mais ils sont courageux et ils travaillent bien. Il n'y a pas besoin de les prendre ! »

    John fut alors face à un second figurant, celui qui était entré par derrière, et qui pencha son masque au dessus de lui. La résonnance de la respiration de l'acteur derrière le monstrueux faciès de bois prenait une dimension diabolique, et John, comme un enfant, se sentit terrifié face à ce jeu d'un pays qui n'était pas sien.

    « Où sont les enfants pleurnichards ? Où sont les enfants paresseux ? »

    Le Namahage secouait un énorme couteau, et avant que John n'ait pu lui répondre, la porte derrière eux s'ouvrit. Zakuro, l'air sévère, dans une imitation étrange des expressions de sa mère, poussa un feulement d'avertissement. John ignorait si cela entrait en compte, mais les deux Namahage traversèrent la pièce de vie en courant, poursuivant Zakuro. En quelques instants, il n'y eut plus de bruit, les enfants ayant cessés de pleurer. Hunnou fixait John et Nami.

    « Oho. Normalement, ils restent jusqu'à ce qu'on leur offre un repas. »
    « Que vont-ils faire à Zakuro ? »
    « Ne vous inquiétez pas. Ils vont le poursuivre, un peu, pour lui faire peur. Ensuite, ils le laisseront tranquille. Ce sont des figurants qui sont payés, et ils font simplement peur aux enfants, c'est tout. »

    John tourna ses yeux vers Nami. Elle n'avait pas l'air rassurée. Il se pencha vers elle.

    « Il va se débrouiller, non ? »

    Elle n'avait pas l'air confiante. John inspira, et récupéra lentement sa tasse de thé. Zakuro reviendrait, d'ici quelques minutes, l'air aussi bravache que d'habitude, en secouant ses mèches, trop longues, et qu'il faudrait couper un jour, en riant, en disant « Eyh, papa, je n'ai pas eu peur, tu sais ? ».  Il se laissa emporter par la conversation de Hunnou qui riait. Le repas fut prêt, et lorsque les enfants eurent mangés, et furent envoyés au lit, lorsque Hunnou proposa du thé, une fois, deux fois, puis commença à regarder avec insistance l'heure, John comprit que tout cela n'était pas normal.

    « Zakuro devrait être rentré. »

    Nami avait murmuré. John se leva, avec fureur, et sans demander son reste, se précipita à l'extérieur.

    (…)

    L'oeil poché, assis sur l'herbe, Zakuro fut retrouvé sur le Mont Kampu. Il avait les doigts en sang, et trempé de la tête au pied, il expliqua simplement qu'il était tombé dans l'eau. Il avait été incapable de retrouver le chemin, et avait marché jusqu'ici, attendant qu'on vienne le retrouver. Quand John exigea des explications, le garçon raconta comment il avait été poursuivi par les deux hommes. Il avait été frappé au visage, et avait été poursuivi jusqu'au bord du lac Hachiro, où il était tombé dans l'eau. Les hommes avaient plongés dans l'eau, et Zakuro, effrayé, avait nagé jusqu'à la rive du mieux qu'il pouvait. Les hommes avaient continué à le poursuivre au travers de la ville, et personne n'avait réagi, considérant que cela faisait parti des rituels de la fête. Il s'était alors réfugié dans un temple shinto, avant de marcher pour essayer de retrouver la ville : et il s'était retrouvé ici.

    Furieux, John avait alors effectué des démarches pour retrouver les deux figurants qui avaient éloigné son fils du foyer, mais en vain.
    Zakuro avait continué à vouloir aller aux fêtes traditionnelles.

    Les années passèrent.


    Et aujourd'hui encore , je craignais les démons.

    Quinze novembre deux mille quatorze.

    Après avoir envoyé un message à Kohaku lui indiquant que je descendais jusqu'à dans la préfecture d'Akita, j'avais posé mon téléphone sur mon bureau, et sortant de ma chambre, ne l'avait pas récupéré.

    Dans le train qui me conduisait jusqu'à Oga, le coude posé contre le rebord de la fenêtre, je regardais, au delà de mon reflet projeté contre ma rétine, la neige qui recouvrait les plans d'un Japon défilant sous mes yeux. S'arrêtant à la gare d'Hadachi, le train marqua une pause d'une demie heure. Je descendais, mon sac en besace frappant contre ma hanche. Il était quatorze heure, mais l'air gelé des lieux obstruait toute tentative de réchauffement par un soleil qu'on n’apercevait que trop peu, au delà des nuages épais. La neige avait cessé de tomber pour le moment, mais les semelles de mes Docs Martens reposaient dans ces centimètres trop hauts d'une poudreuse étalée tout autour de moi. La neige avait envahi les lieux, comme autrefois, mais après dix ans, je ne reconnaissais plus les lieux. John avait du se tenir ici, ma main entre ses doigts solides, et ses yeux bleus avaient du courir sur ces reliefs blancs que j'observais maintenant, sa taille d'adulte ayant été dépassée par les changements de mon corps depuis le 31 décembre 2004. Suivant les quelques silhouettes qui se pressaient vers la gare, je me dirigeais, en silence, vers la ville d'Akita.

    Trouver un taxi en direction des montagnes Dewa Senzan fut chose plutôt aisée, et après avoir payé et remercié mon chauffeur, je me tournais vers les monts enneigés. Les sommets perdus dans les nuages décrochés du ciel, les chaînes montagneuses qui divisaient le Japon. Un sourire, éphémère, courut sur mes lèvres, juste avant que je ne détourne les yeux pour me remettre à marcher.

    (…)

    Le temple shinto à l'origine de mon départ de Keimoo jusqu'à Dewa Sanzan était enfoui dans la montagne. Pas assez pour qu'il soit inconnu, mais bien assez pour réclamer une à deux heure de marche dans les reliefs enneigés des montagnes. Il fallait suivre le sentier balisé, et s'élever sur l'escalier aux marches anciennes, taillées à même la roche, pour s'enfoncer dans les bois sombres d'une forêt qui s'étalait sur plusieurs kilomètres.  Il était presque dix sept heure quand je me présentais face à un moine silencieux, installé sur une souche d'arbre. Il releva les yeux sur moi, et je m'inclinais en silence. Il ferma les yeux, une demie seconde, avant de les rouvrir, ses prunelles noires glissant sur moi, sur mon sac, et sans un bruit, me désigna la gauche. Le sentier balisé s'achevait à la souche de l'arbre, remplacé dès lors par un chemin battu, la terre retourné et travaillé sur plusieurs mètres. Je remerciais en silence, par un salut, m'engageant sur le chemin.

    Le Torii émergea de la brume comme un songe.

    Mascarade silencieuse, le temps me parut brusquement ralenti. Les bruits du monde s'était dissipé en un opaque filtre de mes propres sentiments.  Comme la visualisation au ralenti de mes souvenirs, il me parut un instant que le camion fut là, face à moi, ses phares monstrueux m'éblouissant, me fonçant dessus, la gomme de ses pneus se déchirant sur le sol, dans la tentative vaine du chauffeur de ralentir son engin de métal. Je fermais les yeux, et lorsque je les rouvrais, la porte des dieux était face à moi, le rouge noyé dans le blanc d'un hiver qui s'installait sur le Japon. J'avançais.

    Le monde des cieux n'était toujours trop qu'à un pas de la temporalité des hommes.

    (...)

    Trouver une place dans le sanctuaire fut simple et silencieux. Univers en suspens, les bougies qui éclairaient les murs du temple illuminaient les ténèbres des visages déformés des statuettes des idoles.  Agenouillé devant la statue de Kannon, les mains jointes, j'avais les yeux ouverts.  Affrontement silencieux au travers des ombres, le regard de la déesse s'opposait au mien. Mes prunelles bleues contre les orbites creuses d'une représentation démoniaque, j'écoutais le rythme de mon cœur, murmure sourd de l'intérieur de mon corps, accompagné par les mouvements des flammes des bougies. Dehors, la neige s'était remise à tomber. Comme une menace sourde qui pesait sur mes épaules, je sentais cet appel de l'extérieur. Mes dernières prières, murmurées par l'âme, s'envolèrent vers les penchants métaphysiques des réalités qui se superposaient, et dans un mouvement lent, je me redressais. Les yeux des statues accompagnaient mon déplacement.

    Le temple était silencieux, et dans ma marche lente, la lune qui s'était levé éclairait à peine les lieux. Vingt heure venait de sonner.

    Suivant le rituel des lieux, j'avais troqué mes vêtements de la ville contre un yukata sombre. Mes cheveux attachés en une queue de cheval qui laissait reposer mes mèches trop longues entre mes omoplates, j'avais passé autour de mes reins l'obi noir qu'un moine m'avait tendu. Sur un murmure, il avait été accepté que je conserve mes armes, à condition de ne pas dégainer dans l'enceinte du sanctuaire. Promesse silencieuse, et accord tacite, les moines m'avaient jugés du regard, avant de disparaître.
    Je marchais, mon regard posé sur les jardins extérieurs. Rumeurs à l'extérieur du Haiden, je sortais du temple, mon regard plongeant dans la nuit. La lune était maintenant cachée par les nuages, et le brouillard soulevé noyait le monde en une chape indistincte. Les Koma-inu, les statues protectrices du temple, ressemblaient à des monstres tapis dans la neige, attendant que je me rapproche pour bondir. Dans des foulées lentes, je déchirais le silence suspect de la nuit. Les flocons de neige tombant sur mes épaules et mes cheveux tâchaient les ténèbres de mes effets, et mes yeux glissèrent sur les volutes de vapeur en suspension dans l'air.

    Il y avait cet écho qui résonnait, à des milliers d'années-lumières, dans ma tête.

    Je fis le tour, en silence, quittant le sandô, le sentier du temple. M'enfonçant dans la neige, je me dirigeais vers les arbres. Comme un appel sourd, il y avait quelque chose qui méritait d'être vu, et qui était là, quelque part. S'infiltrant contre ma peau, comme des mains qui se soulevaient de terre, la neige s'alliait au froid pour me faire frissonner. Glissant contre mes clavicules, elle tombait sur ma chair, humidifiant les muscles crispés de mon corps. Je me stoppais.

    La nuit était tombée, totalement.

    Une statuette de Kannon, recouverte à moitié par la neige, me faisait face. Le vent s'était tût, et la neige, piégée par les branches des conifères, tombait lentement, ici. Je m'approchais lentement de l'idole. Son sourire déformé par la rage martiale, elle était la déesse de la miséricorde battue par le froid et le vent. Silence. Je restais immobile, mes yeux éteints dans la contemplation de son visage gravé dans la pierre. Ma respiration tût en un mutisme de mon existence, le vent soulevait mes cheveux et déplaçait les flocons déposés sur mon visage, en une caresse gelée.Le coup explosa au milieu de la nuit, parti de nulle part. Je vins frapper la statue, renversé. Mon visage entra en collision avec la pierre, et la douleur à mon œil me fit immédiatement prendre conscience de la situation. Le sifflement dans l'air m'apprit ce que mes yeux ne pouvaient voir, et me jetant sur le côté, je me laissais tomber dans la neige, tandis qu'une lame vint frapper contre la pierre, dans un claquement à l'impact promettant ses fins mortelles. Je me relevais, avant de me rejeter en arrière, une lame fusant vers mon visage. Une lame noire, sans reflet ni lumière, quasi-invisible dans la nuit.  Ma main trouva ma garde, et dans un chuintement qui hurla au milieu du vent, ma lame se dénuda.

    Il était là, face à moi, forme indistincte sous la neige et les ombres. Il était là, son contour se détachant à peine de la réalité. Son visage gigantesque, sa respiration rendue sifflante dans sa gueule déformée.


    La neige tombait.

    (…)

    Mon téléphone.
    J'aurais du prendre mon téléphone.

    Ma respiration me faisait mal, et je voulais que Kohaku soit là. Le temple était silencieux, et je ne croisais personne. Pourquoi n'y avait-il personne ? Pourquoi fallait-il que les moines aient disparus ? Je ne courais pas, mes foulées pesant ces murmures sourds sur le bois rouge du temple. Je débouchais dans la salle des idoles, mes yeux traversant la distance, mon regard se plongeant sur le visage grimaçant de Kannon qui me faisait face.
    Il y eut un mouvement derrière moi.

    Ma lame vint se plaquer contre la gorge de la personne derrière moi.
    Les yeux plissés, le corps figé dans ce mouvement achevé une seconde avant la fin, je fixais le visage de la personne qui, à soixante chiffres près, avait manqué de voir sa tête arrachée à son cou. Le sang coulait. Le long de la lame, sur mes doigts, dans un écoulement poisseux, ce sang qui mouchetait ma peau accrochait les derniers éclats de lumière des bougies qui s'éteignaient.

    Un squelette. Pas le mien. Pas mon immatérialité. Trop de blondeur et trop d'inconnu dans le regard. Ce n'était pas lui.

    Mes lèvres s'entrouvrirent, sans que ma lame ne s'abaisse.

    « Bonsoir, professeur. »






Dernière édition par Zakuro Fea le Lun 17 Aoû 2015 - 23:48, édité 1 fois
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Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël Empty
MessageSujet: Re: Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël   Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël EmptyVen 12 Déc 2014 - 6:38

  
Tout l'automne à la fin n'est plus qu'une tisane froide. Les feuilles mortes de toutes essences macèrent dans la pluie. Pas de fermentation, de création d'alcool : il faut attendre jusqu'au printemps l'effet d'une application de compresses sur une jambe de bois.

Francis Ponge – La fin de l'automne

Finalement, la saison mélancolique s'était vite essoufflée. Judikaël ne regardait plus le ciel, juste en rentrant le soir, après le travail, depuis la fenêtre du taxi. Ou parfois, le matin, ne sachant que faire de ses jours de repos mis à part végéter devant la télévision. C'était encore ce qu'elle faisait ce matin, en buvant, comme dans la poésie de Francis Ponge, une tisane froide. Elle avait fait chauffée l'eau en se réveillant, le matin, mais le sommeil l'a fauchée, la contraignant à se rendormir jusqu'à ce que Morphée lui redonne la liberté, pour quelques heures. Et l'eau coulait froide.
Simplement vêtue d'une chemise ouverte et froissée, assise sur le rebord de la fenêtre, son corps, nu, reposant tout contre la vitre, le tableau était pathétique. Mais au cinquième étage, personne ne s'en soucierait. Simplement elle, contemplant distraitement dans le pâle reflet les courbes éteintes de son corps androgyne. Il ne la fascinait même plus. Et l'automne était déjà terminé. Pourtant, l'hiver, lui, n'avait pas commencer. Au fond, elle avait des envies de tempêtes de neiges, d'ouragans. Et la météo ne pouvait lui donner satisfaction.

Ça faisait déjà huit mois. Et rien n'avait changer.

Au placard, les résolutions de changement, de nouvelle vie, de fierté et d'ambitions. Lola partie, elle était bloquée, et entendre ce prénom à répétition dans son esprit arrivait presque à le rendre lassant. La jeune femme s'était installée pour devenir quelqu'un, avoir quelque chose dont elle pouvait être fière, accomplir. Mais elle n'avait jamais su quoi. Elle aurait pu partir, aller à Londre, ou en Amérique, retenter sa chance, mais ça se terminerait de la même manière. Elle était résignée, et parfois, quand elle lâchais prise face au sommeil, la pensée qu'elle vivait sa dernière heure lui traversait l'esprit comme une douce caresse, paisible. Et c'est toujours avec une légère amertume dans la gorge qu'elle se réveillait le matin, réalisant que rien n'avait changer. Encore.
Lasse, Judikaël se levait de son perchoir pour procéder à un énième mécanisme quotidien. S'habiller, donner à manger au chat, aller à la réception. Au cas où. Devant le miroir, elle fut confronté à nouveau à ces os saillants, ce corps malade qu'elle ne voyait qu'avec les yeux vitreux, inconscients. Cette poitrine plate, la peau tendue comme un tambour sur ses côtes, elle n'arrivait plus à la voir clairement, comme une vision lointaine, un souvenir d'avant. Elle n'y pensait plus, profitant de l'hiver approchant pour revêtir ses grands pulls camouflant aisément ses muscles fantômes.
Le chat, lui, avait bien changer depuis qu'elle l'avait trouver à Paris. À mesure qu'elle se cassait et se fragilisait, lui s'engraissait et retrouvait du poil. Ça s'expliquait facilement par le dégoût que pouvait avoir la jeune femme pour la nourriture, même celle de l'animal, qu'elle ne regardait même pas en lui servant, mettant peut-être la dose. Elle ne supportait pas de l'entendre miauler à répétition quand il réclamait sa ration, et plus d'une fois la pensée de le lancer par la fenêtre l'avait traversée, mais elle le gardait. Simplement parce qu'il était tout son monde, dans ce japon qui ne ressemblait plus tant aux rêves de grandeurs qu'elle avait avant de venir, ce pays qu'elle avait choisie pour sa mère, et qui ne faisait que renforcer son dégoût du passé, comme elle était dégoûter de tout le reste. De la vie en général. Elle n'avait fait que baver après un futur qui n'arrivera jamais.

À la réception, il y avait toujours des gens différends. Il n'y avait sûrement qu'elle a vivre là depuis tant de temps. La plupart étaient de ces salarymen pressé, venant de l'autre bout du japon ou de l'étranger pour un voyage d'affaire. À force de errer dans les couloirs sans rien faire et à emprunter le téléphone, Judikaël était bien connue de l'équipe de l'hôtel, et même sous ses airs de squelette qu'elle cachait comme elle pouvait, on la saluait toujours avec un grand sourire commerciale, mais elle ne savait s'y fier, prenant ça pour une banale démarche commerciale. Ainsi, elle ne prêta pas tout de suite attention à Sayoko, la jeune femme tenant l’accueil, quand elle l'interpella :

« Mademoiselle Coda !? Vous avez du courrier ! »

Il n'y avait bien qu'eux pour encore l'appeler ''Mademoiselle''. Surprise, elle alla récupérer la lettre, sceptique. Elle s'était arrangée avec le lycée pour que tout le bordel administratif lui parvenait dans sa boîte de la salle des profs, et le directeur s'était montré très compréhensif, vu comme il est difficile de trouver un appartement dans la région de Tokyo. Aussi, c'était bien la première fois qu'elle recevait un courrier directement à l'hôtel. Elle était estampillée d'un timbre international. Un simple prénom avait été écrit sur l'enveloppe à propos du destinataire, sans adresse :

Lola

Rapidement, Judikaël s'inclina pour remercier Sayoko et couru vers sa chambre. Dans l'ascenceur, elle déchirait l'enveloppe avec ses ongles, n'y arrivant pas, elle y mettait les dents, en prenant bien soin de ne pas déchirer la lettre à l'intérieur. Enfonçant la porte ouverte avec son épaule, elle s'affaissa sur la moquette pour lire le message. Avant même de lire, les larmes lui montait aux yeux, et tombèrent à grosses gouttes sur les poils du chat intrigué dés que le premier mot lui apparut :

My dear darling,

Ce sont des jours bien sombres et des soirs bien beaux que nous avons vécue toutes les deux. J'espère que jamais ils ne seront de noirs cauchemars dans tes souvenirs, sache que pour moi, ils sont tout aussi brillants et lumineux qu'avant. C'est de la tendresse plein le cœur que je t'écris, et j'espère que si tu pleure, ce n'est pas parce qu'un poids pèse sur toi.
Je t'écris pour te dire que tu ne dois rien regretter, darling. Tout ce que tu as pu faire, pour moi ou pour toi, c'était beau, je le sais. C'est toi qui m'a appris ce qu'est le beau. J'aurais du t'écrire avant, mais la passion que j'éprouve pour toi était trop forte, je craignais de me consumer au rythme de l'encre qui se serait écoulée sur le papier. Oh sweeatheart, si tu savais comme il me coûte de devoir ordonner mes pensées à ton propos. Parfois, je me dis que c'est ma faute, que je suis allée vers toi la première, et je me souviens de tes langoureux regards, le rêve familier de notre cher ami Verlaine, et je pleure parfois sans raison quand je penses à tous tes ''je t'aime'' qui me semblent comme des rêves. Je crois que c'est pour ça que je t'écris, je t'en prie, Judikaël, dis-moi que tout ça est réel.
Je suis dans un nouveau lycée, mes parents ont déménagés. Je ne sais si je dois encore les appeler comme ça, mais je n'ai pas la prétention de les nommer autrement, ces personnes qui nous ont séparés. Contrairement à toi, la police n'a pas eu le scrupule de révéler mon nom à d'autres, ils pensent sûrement que je suis une victime. Mais si je suis victime de quelque chose, ce ne serait que de leur bêtise à tous.

My Angel, comme ils le disent, je ne suis pas adulte. Je ne suis qu'une puérile enfant, alors comprends bien que je ne veux pas t'oublier, et je ne souhaite pas que tu m'oublie. Il me serait trop douloureux de te dire de refaire ta vie sans moi, de faire ce que tu as à faire, devenir quelqu'un comme tu le disais si bien.

Je m’efforce à devenir quelqu'un de meilleur moi aussi , et comme tu le sais, je n'abandonne pas comme ça. Ah mon amour, je ferais n'importe quoi pour te retrouver. Je me suis donnée tellement de mal pour améliorer mes notes, trouver ton adresse auprès de ton frère. Je veux te revoir, quelque soit le temps que ça prendra. J'aurais bientôt mon bac tu sais, et j'apprends le japonais.
Je ne rêve plus que d'une chose, que tu répondes à mon caprice d'enfant, que tu me réponde sur le champ par de tendres mots, que je puisses garder l'espoir d'un jour revoir ton visage à nouveau.
Ne m'oublie pas, je t'en prie.

Lola, ta tendre amie.

*
À la lecture de ces mots, Judikaël n'a pu que partir. Il neigeait sur l'autoroute. Dans une pauvre voiture de location, elle roulait vers le nord, loin de Keimoo ou de Tokyo, du côté de la péninsule d'Akita. Là elle devrait trouver le village natale de feu sa mère. Là elle devrait trouver la paix.
Lire la lettre de cette amante perdue l'avait mis dans un état second. Elle avait envie de tout détruire, de tout construire, et l'évocation de la jeune fille, encore auparavant merveilleux et fantastique, éveillait en elle des sentiments contraires. Elle n'en pouvait plus, d'être ainsi accrochée à cette jeune fille qu'elle avait certes prodigieusement aimée, mais qui l'empêchait maintenant d'avancer. Elle ne voulait plus y penser, tout simplement. Juste être tranquille l'espace d'un instant.
Elle prenait soudain conscience de son état. En s'habillant à la va-vite, en s'observant dans le miroir. La jeune femme réalisait à quel point elle était maigre. À quel point son amour la tuait. Le tiraillement dans tous ses muscles, alors qu'elle n'était au volant que depuis une vingtaine de minute devenait soudain insupportable, alors qu'elle vivait sûrement avec depuis des semaines. Le chat gris dormait sur le siège passager, elle l'avait pris par réflexe, et si plus d'une fois pendant le trajet elle hésita à se jeter dans un ravin ou sur camion, sa présence l'en dissuadais.

Elle s'arrêta finalement à mi-chemin, n'en pouvant plus, et de peur que tous ses muscles se figent définitivement, la jeune femme se mit à marcher sous la neige. Elle hésita un instant à faire sortir son chat, qui sortit finalement sans crier gare. Mais contre toute attente, après un regard curieux vers la neige, il suivit gentiment sa maîtresse en bondissant. Elle l'avait délaissée, lui aussi, pendant des mois. Elle n'avait toujours penser qu'à Lola. Cet animal qui partageais sa vie n'avait même pas de nom.
La nuit tombait petit à petit. La lumière était belle, ce fut la première pensée qui lui vint en tête. Judikaël restait vaguement perdue dans ses pensées, et bien vite, elle ne fit plus attention à la marche ou à son chat. Est-ce qu'elle devait répondre à Lola ? Est-ce qu'elle devait se raccrocher à elle comme une moule à son rocher, vivre avec elle, être heureuse avec elle ? Bien sûr ! Bien sûr que oui, ce serait parfait. Retrouver la fille chocolat, celle qui d'un regard ne rendait la jeune femme plus qu'objet d'amour et de désir. Pouvoir s'endormir sur son sein chaleureux, vivre paisiblement à ses côtés au pays du soleil levant, sous la bénédiction propice de sa mère. Ce serait l'Idéal. Mais alors pourquoi elle y pensait autant ? Est-ce que ça lui convenait vraiment, à elle ? La jeune professeur savait bien qu'elle ne penserait plus qu'à elle, ne rêverait plus que d'elle, pire qu'en son absence. Que tout ne serait plus que désir et passion, que le monde entier ne compterait plus. Elle avait des élèves maintenant, des connaissances. Et est-ce qu'elle souhaitait réellement renoncer à se faire un nom dans un quelque domaine ? Devenir quelqu'un ?

Elle avait vue, depuis le début de l'année, une ribambelle d'élèves, tous différents, et leur avais parler, longuement, les avaient aidés peut-être. Et puis des médecins, des professeurs, certains la connaissait sous le nom de Joshua. Que ça paraissait lointain. Maintenant elle ne se voyait que comme un squelette vide de sens. Tous ces gens, elle leur avait parler de manière distante, car une seule chose obscurcissait ses pensées. Lola la parisienne, Lola la sulfureuse et sa dangereuse peau caramel, son regard de braise et son souffle chaud.
Il y avait Hisaka, il y avait Ueno. Il y avait Hayden Yoshida et Daniel, il y avait… Comment c'était déjà ?
Une lame surgit des ténèbres. D'abord elle ne vit que cette lame qui la figea, immobile, puis le sang qui coula de sa gorge. Elle était trop surprise pour ressentir la douleur, ça n'avait rien de réel. Juste une sentence d'un quelque dieu maudit. Il se passa quelques secondes ainsi. Combien de temps avait-elle marché ? Elle ne reconnaissait ni l'endroit ni la personne devant elle, juste une masse de cheveux noirs, puis deux yeux dans l'obscurité. Un prénom lui revenait. Zakuro.

« Bonsoir, professeur. »


Il dit ça sans baisser son arme. Avait-il réellement des envies meurtrières ? Judikaël tenta de voir ça comme une blague, mais ce regard lui en dissuada. Il faisait tout sauf rigoler. Essayant de cacher sa terreur et la sueur perlant sur son front, elle leva doucement sa main, puis se ravisa. Elle devait éviter de prendre le moindre risque. Si elle parlait, le mouvement de gorge pourrait lui couper la trachée. Elle recula très lentement, d'un demi-millimètre, et essaya de sourire au jeune homme.

« Bonsoir Zakuro. Je vois mieux ce que tu voulais dire par le sang et les larmes l'autre fois. »

Sa mémoire carburait au point de se souvenir de ces malheureux détails, même si par le sang elle avait pensée innocemment à l'hymen féminin se déchirant à une première relation et laissant sur les draps sa trace sanglante. Pas à un meurtre digne d'une tragédie shakespearienne. Néanmoins, ce n'était peut-être que son imagination, mais Judikaël vit dans le regard de Zakuro quelque chose d’apeuré, quelque chose qui dépassait son entendement. Un tremblement, peut-être, mais si infime qu'elle n'aurait pu le percevoir sans le toucher. Néanmoins, dans sa peur panique, elle ne dit rien de plus.



Une pensée absurde lui traversa l'esprit : Il est où le chat ?
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MessageSujet: Re: Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël   Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël EmptyMar 30 Déc 2014 - 2:23


    « Je ne sais pas où je suis.
    Je ne sais pas qui je suis.
    15/11/XX »


    Le retour à la réalité était impossible. Soit je lui tranchais la tête immédiatement, soit je prenais l'élan d'une respiration pour la faire disparaître. Car elle ne pouvait être là, elle ne pouvait être face à moi, pas plus que ce qui venait de se passer ne pouvait avoir lieu. Le déni était terrible, l'acceptation l'était d'autant plus. Je ne pouvais pas accepter. Je ne pouvais pas accepter ce qui venait d'avoir lieu pas plus que je ne pouvais accepter l'idée que mes yeux m'aient trompés. Pas seulement mes yeux, pas seulement mon cerveau : mon corps tout entier et les traces sur mes doigts et sur mon sabre. Les traces laissées dans la neige et le cri qui avait résonné dans la nuit. C'était une porte de trop qui s'ouvrait, et que j'avais poussé à bout : là où les charnières n'auraient plus rien retenu. Mon souffle se précipita, et l'idée d'achever le travail commencé fit pulser mon sang en une révulsion à la réalité. Je n'acceptais pas cet abandon à moi-même. Je n'acceptais pas cette définition apposée, cette imposition d'un château de sable venu s'ériger sur le sable de ma vie. Je n'étais pas … je n'étais pas … - non.

    Et le souvenir de Kohaku. Comme une résilience au goût du sang, à la saveur de la réalité, son regard en mémoire, et ses doigts tendus sur mes pensées.

    Kohaku -

    Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas imaginer ce qui s'était passé si tu n'étais pas là pour justifier. J'avais promis, je me l'étais juré : je ne manipulerai pas, je ne me l'approprierai pas. L'humanité serait ce concept au dessus duquel je m’élèverais, sans jamais chercher à faire autre chose qu'à décrire les vérités, et à entrechoquer les réalités. Mais tu n'étais pas là, et ce qui venait d'avoir lieu ne flirtait en rien avec l'humanité. Mon esprit engagé en un acharnement cognitif, un besoin vital de compréhension ; une aversion à la résignation. Je chutais. J'avais l'impression de chuter.


    De l'adoration. De l'adoration en sursaut qui me donnait envie de voir tressauter le temps, se figer en des spasmes douloureux qui le crisperait en ces secondes éternelles que je pourrais passer avec toi. Il me faudrait une dimension à exploiter, un univers tout entier dans lequel tu serais mon unique centre d'attention. Toi, rien que toi, tes cheveux, tes yeux de démons, ceux que tu tenais à me cacher la première fois ; à colorer sous un rouge qui t'allait si bien, si bien, mais que je voulais dénuder pour y apposer mon regard, pour que tu te noies dans ce bleu que tu tenais à m'arracher. Ce rouge qui t'allait si bien, et que je faisais naître sur ta peau quant mes doigts pressaient ton corps, et quand tu serrais tes bras, tes mâchoires et tes hanches contre mon être. Une nudité de mon âme, pour un avalement complet de la tienne. Ce serait de l'adoration, un désir viscéral de te voir murmurer mon nom, de te voir me regarder. Ce serait de l'adoration, un désir sans moule, incapable d'être uniforme, qui frémirait au creux de nos mains. Si tu tendais les doigts, si tu écoutais, si tu apposais ta bouche sur me respiration, il y aurait cette liaison qui ferait que tu entendrais chacun des mots que je penserais pour toi. Et tu répondrais, peut-être par le silence, à ces questions qui sont nées dès l'instant où tu as fait partie de ma vie. Ces questions en saccade qui se cachent et que parfois, avec une once de moquerie, tu soulèves du rebord de l'ongle, pour me les placarder sous les yeux, comme pour témoigner de mes faiblesses. Là où je me suis étrangement promis d'être le corps et d'être la lame, sans pour autant me dénuer de mon intellect et de ma critique, tu es resté cette boussole de l'esprit, ce chemin que je remontais sans jamais le craindre, sans jamais le défier.

    L'éclat magnétique de tes prunelles, Kohaku, serait toujours le centre de mon intérêt, de mon attention. Ce serait de l'adoration, ce serait la finition minutieuse de ma passion, de ma fascination. Qu'ils placent les mots « morbide » ou « idiot » dessus, j'essuierais les plâtres de ce que j'aurais à supporter, car les limites de leur compréhension seraient les échelons de mon essor. Je ne m'envolerais pas loin, je n'étendrais pas mes motivations ailleurs. Tu resterais, indubitablement, cet épieu dans mon cœur, dans ma tête. Ce serait de l'adoration. Et je hurlerais, tu sais ? Je hurlerais, de douleur, de frustration, je hurlerais ton nom si tu venais à manquer. Tu m'as offert un monde, j'en serais incapable d'en assurer la réécriture si je ne pouvais plus me faire ton ombre. Je n'ai pas besoin du soleil ni de la moindre lumière si tu n'es pas à portée de doigts. Laisse moi te regarder, laisse moi te garder, et reste avec moi, ne t'éloigne pas.

    Je serais le ciel. Je serais là où tu pourras me retrouver. Je serais au dessus de l'humanité, sans jamais la manipuler, sans jamais me l'approprier. Je serais ce que tu voudras que je sois. Je promets même de l'être déjà. Mais ne t'éloigne pas. Laisse tes doigts entre les miens, laisse tes yeux se refermer quand les miens seraient ouverts sur ton entièreté.

    Et mon cœur battait lourd, le souvenir de tes doigts sur mon épaule, sur mes tendons, près de mon cou, dans cette salle de bain où l'instant, si matériel, si physique, n'avait été que trop éphémère, que trop court, accroché à ce souffle, mon prénom entre tes lèvres. Tous mes muscles crispés, et l'instant suspendu, tes lèvres proches des miennes, et tes yeux perdus. L'instant transcendé. Les vapeurs d'une eau chaude, en spirale, tes cheveux contre ma joue, mon front, tes paupières à demi abaissées, et tes ongles qui tiraient.

    Ce serait de l'adoration. Des moments où le doute n'existe pas, des instants où la douleur s'effacerait sous le moindre de tes sourires. Tes lèvres et leurs courbes manuscrites : les syllabes silencieuses des mots que tu viendrais apposer dans mes mèches, ces mèches trop longues, chargées d'histoire et de récits que nous pouvions écrire à deux.  Avec de la boue et de la vase, des couleurs et de la mascarade, avec des chats, avec des creepy flowers, avec nos doigts, avec nos lèvres.

    Ne t'éloigne pas.

    Tu es tellement pour moi. Tu es tellement tout ce que je ne suis pas, ce que je ne serais pas, ce que je n'ai pas besoin d'être, mais je ne peux pas vivre sans toi, je ne peux pas vivre si tu n'es plus là où son mes yeux, si mes doigts ne te touchent plus. Je peux être une muraille ou je peux être un océan tout entier, je peux être une armure ou je peux être une armée. Mais je ne suis rien si tu n'es pas là. Je ne suis rien si tu ne me regarde plus, si tu ne prononces plus mon nom. Je ne suis vraiment plus rien sans toi.

    « Kohaku . . . »

    La blessure, immonde, de l'avoir cru perdu, de l'avoir cru disparu, sous une matérialité ignoble, en août 2013. La sensation de retournement complet de mon être, comme un gant ; arraché, détruit sur lui-même, à vif, et palpitant dans la douleur qui se refusait le néant d'une agonie : pour appréciation plus masochiste encore de la souffrance, de la disparition. Je me souvenais de mon hurlement comme je me souvenais des battements de mon cœur. La dimension cataclysmique d'une existence qui perdait tout son sens, toute raison de vie envoyée au caniveau. Je me perdais tellement, sans toi.

    « Kohaku, j'ai besoin … »

    Mon souffle précipité, la neige venue se poser sur mes paupières comme les doigts livides de l'individu dont je réclamais la présence, la réalité revint, acceptée, avec résignation. Mes doigts glissèrent, les phalanges relâchées, et la lame, comme un couteau qui tombe, - je refermais les poings, l'équilibre de l'arme restaurée. Mais j'abaissais, néanmoins, l'épaule, et la lame s'arracha à sa froide proximité à la gorge de la jeune femme.

    Si je te cachais en moi, tu ne disparaitrais jamais, n’est-ce pas ?

    Non, Kohaku. Je ne disparaîtrais jamais.

    « Je viens de ….  ... »

    Le temps d'une inhalation, d'un sourire.
    Reprendre pied. Maîtriser.

    « Je viens de faire du mal à quelque chose qui me ressemblait. »

    La neige tombait.
    Le sang, contre mon arcade aussi, et le silence s'était glissé : fourreau rejeté d'une lame déjà mise à nue, mais qui veut se faire invisible. L'air été charrié d'une odeur de concentration des corps, et je me souvenais m'être immobilisé, la lame en position défensive, pas offensive. Je n'étais pas là pour tuer ; on ne tuait pas dans l'enceinte d'un temple. Le respect était absolu.
    Pas assez pour mes propres croyances. Les instants avaient duré des secondes. Morceaux de temps qui défilaient à toute vitesse ; et contre la statue de Kanon, il y avait une petite fleur de mon sang, près de son œil, né de mon arcade éclatée.

    La femme avait posé une question. Je n'avais pas répondu. Je pliais les genoux, jusqu'à ce que mes rotules viennent effleurer le sol, mes doigts venant coucher la lame contre le parquet. Délester ma paume du poids de l'arme me fit me sentir nu. Désœuvrée, je restais immobile, dans la posture déchue d'une absence totale d'assurance en l'instant à venir. Presque un salut. Presque un dogeza. L'idée m'arracha un rire, bref. Juste avant que, lentement, je ne me penche vers le sol, mes doigts venant se plaquer avec force sur mon visage, pour taire le hurlement de rage qui vrombit hors de ma gorge.

    Tout change, succombe à la folie de l’immatérialité . . . mais, on peut quand même tout recréer en mieux. C’sûr que si tu te laisses abattre . . . Pour ma part, je préférerais être le seul rônin du monde que de voir sombrer dans l’oubli. Si ça me tenait à cœur, mais bon. . . Je m’en fiche, à vrai dire, du passé. Ce qui compte c’est le présent. Alors. . . c’est ton problème. Ton tourment.

    Mes doigts s'abaissèrent. Mon calme s'éleva en ce voile tranquille qui tuait les efforts d'une haine cherchant à me submerger. Le stoïcisme était ce qui, généralement, me faisait le plus défaut.
    Pas l'adoration. Un rire, léger, moqueur.

    « Le sang ? Oh, ça n'avait rien à voir. C'était une métaphore. »

    De l'adoration.

    « Ce soir là, au moins, - »

    Je relevais mes yeux sur elle, mes lèvres étirées en un sourire.

    « - je l'avais pour moi, et je n'étais pas un petit imbécile incapable de gérer ses émotions. »

    Les dents dévoilés en une grimace mi-sourire mi-rictus, je crispais mes doigts sur mes hanches. C'était sans doute un mensonge car j'avais pleuré de fatigue, « ce soir là ». J'avais pleuré de fatigue quand il m'avait pris, ses doigts se glissant contre les élastiques de mes pantalons, ses ongles venant effleurer la peau de mon ventre. J'avais pleuré, tant j'étais épuisé, et il avait séché mes larmes dans ses baisers. L'instant, merveilleusement trop long, avait duré, encore et encore, et mon sourire s'estompa, remplacé par un calme devenu parfait. Je m'offrais ainsi le luxe de quelques secondes froides, avant de me relever lentement.

    « Ça va aller. D'ici quelques temps, j'arrêterais d'avoir aussi peur du sang. »

    Une pause.

    « Après-coup, j'entends. »

    (...)

    Accalmie.
    L'océan s'était tût, se faisait identique à un chien qui ferme à moitié les yeux, pour taire le grondement menaçant qu'il avait préalablement laisser déborder hors de ses babines. Il y avait assurément un endroit dans mon cœur où l'océan saignait dans le ciel.

    J'avais récupéré ma lame sur le sol, et ayant conduit Judikaël au travers du temple, je m'étonnais de ne croiser, encore une fois, personne sur ma route. Du bout des lèvres, retournant vers l'extérieur, je m'adressais à Judikaël qui marchait près de moi.

    « Professeur, avez-vous vu les moines ? »

    Mes yeux glissèrent sur les nudités des ténèbres, aucun détails ne venant accrocher les territoires lisses du temples évidé. J'arrêtais de marcher, l'entrée du temple face à nous : la neige s'étant remise à tomber.
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MessageSujet: Re: Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël   Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël EmptyMar 13 Jan 2015 - 6:36

Il se passa de longs, très longs instants, qui pourtant n'avaient dû exister que quelques fébriles secondes, où les yeux de Zakuro semblèrent passer par des dizaines d'émotions, dans la démence la plus totale. Judikaël, figée, ne faisait plus rien, ne risquait plus.
Elle eut quelques pensées stupides, pour son chat, et pour d'autres. Le souvenir du CPE du lycée lui revint en mémoire. Elle s'était rendue à ses funérailles, quelques jours plus tôt, et, en quelque sorte, elle y avait réalisée la brieveté de la vie, sa fragilité face au reste du monde. Elle, dans sa misérable existence, était vivante. Sans muscles ni volonté, elle existait encore sur cette terre par un miracle incongru. Emprise de mélancolie poétique et tiraillée par la faim de Lola, le monde comme un carrousel qu'elle n'a pas saisi, elle qui avait passée sa vie à observer, Judikaël avait voulue vivre. Elle ne saurait dire si à cet instant, c'était toujours le cas. Dans le doute, elle ne fit rien, faisant bien attention à ne pas se jeter d'elle-même sur la lame tendue, dans un accès de folie ou un simple faux-mouvement.
Le jeune homme face à elle, elle mit bien des instants avant de clairement le distinguer dans l'obscurité. Ses longs cheveux noirs, comme un voile derrière son crâne, venaient se poser par mèches sur son visage blafard. Il regardait successivement la terre ou le ciel, et elle le regardait faire. Il prononça un nom, un prénom ou un mot inconnu, lourd de sens à ses lèvres, et le psalmodiait sans fin. Comme quelque chose qui le ramenait à la terre, un mot seulement qui le maintenait en vie sur cette planète. Un remède pour sa folie, quelque chose qui lui rendait son humanité. Alors, sans savoir, elle le regardait.
Son souffle s’accéléra soudain, et la neige tombant dans ses cheveux vint comme illuminer son regard. Kohaku, être inconnu pouvant être autant humain qu'élément, immatériel comme dangereusement réel, semblait avoir fait ce qu'il avait à faire, et par quelques flocons, il, ou elle, vint relâcher la tension, comme des spasmes, qui secouaient le jeune homme, qui baissa légèrement sa lame. Judikaël ne fit rien.

« Je viens de faire du mal à quelque chose qui me ressemblait. »

Un aveu qui ne fut accueilli que par le silence. Cette phrase ne sonnait pas de manière naturelle, et le professeur attendait la suite. Avec ses longs cheveux noirs et son vêtement de cérémonie blanc, elle eut une pensée amusante, peut-être avait-il tué Hanako-san, le démon des toilettes ? Ou bien n'importe quel fantôme du folklore japonais. Ça paraissait presque crédible comme ça, et ça l'apaisa quelque peu. Sans un geste, sans un mot, elle continuait d'observer Zakuro. Ses yeux commençaient à s'habituer à l'obscurité, et la neige aidant par sa clarté, Judikaël distinguait davantage les détails. Il était blessé à l'arcade sourcilière, et le sang pas encore tout à fait sécher, coulait près de son œil, cherchant à s'infiltrer sous sa paupière. Ses vêtements, mis à part ça, étaient couverts du liquide poisseux, mais comme elle le craignait, ça ne semblait pas venir de lui.

Quelque chose qui lui ressemblait.
Tout ce que lui inspirait l'être face à elle, c'était la crainte.
Qui dans un accès de folie, en fonction de ce que lui dictait la neige tombant sur son front, pourrait mettre fin à son existence.
Stressée, la jeune femme rêveuse prêta attention aux nuages afin de penser à autre chose. Les mains toujours dans les poches, elle leva les yeux au ciel, puisque là devait se trouver l'origine de toute cette mascarade. Tout ce qu'elle voyait était le noir. Le noir d'une nuit sans lune. Dans cette position, elle offrait sa gorge au jeune homme, le regard tourné vers les cieux. Alors elle implorait simplement la clémence de ce dieu Kohaku de lui laisser la vie sauve, la laisser choisir et devenir. Face à elle, Zakuro réagit enfin à l'évocation de sa métaphore de leur dernière rencontre :

« Le sang ? Oh, ça n'avait rien à voir. C'était une métaphore. »

Tout laissait désormais à croire le contraire. Lentement, prenant bien son temps pour être sûre de ne pas esquisser un mouvement trop brusque, la jeune femme baissa le crâne pour observer en face le jeune homme. Il paraissait soudain apaisé, au point de sourire au professeur :

« Ce soir là, au moins, je l'avais pour moi, et je n'étais pas un petit imbécile incapable de gérer ses émotions. »

Plus il parlait, plus la jeune femme ne pouvait s'empêcher de conclure que Kohaku était mort, une victime du dangereux Zakuro. Cette appellation la fit rire intérieurement en pensant à leur première rencontre, à sa façon de lui avoir dévoilé sa chambre et ses métaphores alors qu'ils venaient tout juste de se rencontrer. À sa façon de l'avoir directement confronté aux toilettes des hommes, et à sa façon, le premier, de l'avoir appelé Joshua. Pourquoi d'ailleurs ? Simple erreur de prononciation ? Ou est-ce que cela avait un quelque rapport avec ce Kohaku, qui représentait pour elle davantage une divinité inaccessible qu'un véritable humain de chair et de sang. Elle se souvint aussi, dans la chambre, de l'évocation d'un quelque partenaire masculin. Judikaël se souvenait encore de son soulagement de rencontrer quelqu'un dont elle se sentait proche mentalement. Quelqu'un qui peut-être, aurait pu la comprendre, quand tout son monde se résumait à une jeune fille chocolat qui hantait tous ses jours et toutes ses nuits. Par quelque chose qui avec le recul, paraissait totalement absurde, comme son orientation sexuelle, elle arrivait à se sentir proche de lui.
Néanmoins, il lui semblait que ce n'était plus le cas. Trop de choses avaient changées.

Finalement, peut-être à bout de fatigue, Zakuro s'affaissa au sol, réduisant définitivement la menace que représentait sa lame. Et enfin, la jeune femme pu saisir sa gorge à deux mains, soulagée, et se permettre de respirer bruyamment. Les yeux fermés, elle récupérai difficilement les brides d'air frais qu'elle avait l'impression de ne pas avoir pu absorber depuis une éternité, et c'était comme avalée de la neige. Lui, semblait apaisé, et elle ne cessait de se répéter : « Je suis vivante. Je suis vivante. Je suis vivante. » Mais lui aussi, et ça sonnait comme une menace. Alors, elle ne détournai pas les yeux de son regard qu'il avait tourné vers elle, en souriant de manière crispé, et l'écoutait en silence :

« Ça va aller. D'ici quelques temps, j'arrêterais d'avoir aussi peur du sang. Après coup j'entends. »

Elle avait du mal à comprendre les paroles du jeune homme et encore plus à leur accorder du crédit. En réfléchissant posément, ce « ce soir là je l'avais pour moi » semblait être la clé du problème. Kohaku était mort. Il lui ressemblait et… Zakuro l'avait tué ? La réponse lui semblait claire à présent, et un frisson glacial lui traversa tous les membres. Toutes ces phrases sonnaient faux. Il aimait cet homme, c'était une évidence. Sans faire un geste, toujours figée dans sa position crispée, penchée vers la neige, cherchant à retrouver son souffle court, elle prononça du bout des lèvres, craignant la réaction de l'homme :

« Mes sincères condoléances. »

Soudain, elle sentit un frottement contre son mollet. Un gros chat gris bleu se frottait à sa jambe, visiblement heureux que ses poils trop longs ne traînaient plus dans les moutons de poussières mais plutôt dans la poudreuse. Souriante, elle se pencha sur lui, ce compagnon qui n'avait même pas de nom, pour le caresser, et il ronronnait de plus belle. Bah, ce n'était pas si grave au final.
Elle ne savait pas trop quel réflexe naturel ou non l'avait poussé à continuer soudain sa route vers le temple. Peut-être que d'un point de vue psychologique c'est une manière de renier ce qui s'était passé, ou alors elle ne réaliserait pas tout de suite. Quelque chose comme ça. Qu'il doit être ennuyant de faire de la psycho et de ne pas pouvoir découvrir ça tout seul. Une chanson qu'elle ne reconnaissait pas lui trottait dans la tête tandis qu'elle cherchait un poème traitant de la neige ou des chats pleins de poussières. En essayant de marcher vite, peut-être cherchait elle simplement à s'éloigner de Zakuro. Néanmoins, en voulant sourire à l'absurdité qu'elle voulait oubliée, tous les muscles de son visages se raidirent, et elle préféra ne rien tenter, soudain consciente de la violente vérité, de peur que les os de son visage se craquellent. Alors c'est en silence que Zakuro la rattrapait et allait se faufiler jusqu'au temple, courant presque sur le chemin, la lame à la main. Elle ne saurait dire si ce tableau était davantage horrifique ou pathétique, un squelette, un fantôme et un chat mouillé de neige, se dirigeant la nuit vers le même temple japonais visiblement abandonné, n'ayant croisés personne sur le chemin. Zakuro, semblant oublier la précédente entrevue, l'interrogea :

« Professeur, avez-vous vu les moines ? »

Elle se sentait légèrement énervée envers lui, ayant l'impression qu'il se fichait d'elle en l'appelant professeur dans un moment comme celui-ci, mais se contrôla à la vue de la lame, et en se souvenant qu'il venait tout juste de tuer son amant. Elle aurait presque de la compassion pour lui, y revoyant les amours sulfureux de Verlaine et Rimbaud.

« Je ne penses pas qu'il y en aura à cette heure-ci. À vrai dire, j'en sais rien. Je savais même pas qu'il y avait des moines au Japon »

Et si tu veux mon avis, il vaut mieux pas que quelqu'un te voie dans cet état.
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MessageSujet: Re: Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël   Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël EmptyMar 10 Fév 2015 - 14:55


    Il serait faux de croire qu'un bushi ne vit que dans une seule dimension.
    Anonyme. Heures et dates inconnues.




    (...)



    La douleur à ma tempe s'estompait, et me relevant lentement, j'étudiais autour de moi. Le sang près de mon œil avait coagulé, et celui sur la statue de Kanon s'était asséché en une tâche sombre, qui recouvrait le visage de la déesse terrible. M'agenouillant, je vins frotter du bout des doigts contre la joue de pierre, mais le sang ne disparaissait pas. Je me relevais, rangeant mon sabre dans son fourreau, et apposant mes mains contre mes mâchoires, cherchais à rétablir les repères de mon esprit encore embrumé. La neige avait fait disparaître toute trace de mon adversaire, celui-ci ayant préféré me laisser, sonné, me rétablir seul contre la statue. Le sabre m'était resté en main. J'avais senti, à l'impact, l'explosion d'une lame. Un coup d'oeil rapide m'avait suffit à vérifier l'état de ma lame. Ce n'était pas mon arme qui avait explosé. Malgré la neige, près du socle en pierre de la statue, des morceaux éparses d'acier, que je ramassais maintenant du bout des doigts, avant d'être secouée par un long frisson. La tempête avait cessée, remplacée par une chute de neige lente. J'inspirais. Mes vêtements étaient trempés, imbibés par l'humidité, et mes cheveux défaits sur mes épaules. L'élastique avait du se rompre durant le combat. Le vent, dans un long murmure, tourbillonna autour de moi, et rangeant le sabre à ma ceinture, je m'inclinais lentement devant la statue. Avant de me relever, les yeux fouillant la nuit.

    J'avais un fantôme à retrouver.

    (…)

    Le temple était silencieux, et évidé de toute lueur. Les pas verrouillés sur une démarche glissée, j'évaluais le long de la charpente biaisée des toits antérieurs et seconds. J'avais conscience qu'escalader un sanctuaire shinto n'était pas la meilleure des choses à faire, mais pour être rônin, bushi, et avoir suivi un enseignement de déplacement shinobi, il fallait considérer que, actuellement, je tenais peu compte des usages pieux des lieux. La chasse aux yokaï se passerait assurément de tout emmerdement d'excommunion. Me glissant par dessus les poutres qui finalisaient les extrêminés boisées, je me laissais glisser le long des tuiles. Dans mon mouvement, la neige s'en alla avec moi, tombant finalement jusqu'au sol, tandis que je reprenais ma marche sur les côtés du toit. Où et comment un esprit maîtrisait-il l'art du sabre ? Encore, il s'agissait d'une manière de parler, puisque son sabre avait explosé contre le mien. Néanmoins, je restais sur mes gardes quant au fait qu'il était en mesure de camoufler sa présence : je ne l'avais ni entendu ni senti approcher. Comme un serpent qui glisse dans le dos, il avait plongé sur moi, et je ne l'avais senti qu'à cause du vent. Je m'abaissais, trempant les manches de mon kimono noir dans la neige. Comment étais-je supposé trouver un fantôme capable de se faire assassin ? Je me relevais, soupirant, pour me diriger vers la poutre qui me faisait face. La vue d'un moine, assis en tailleur, sur le toit du hon-do me fit sursauter. Pourtant, alors que le bonze avait les yeux fermés, il souriait. Sans avoir besoin de m'en étonner vraiment, je devinais que le moine m'avait vu arriver depuis le début. Je dépassais la poutre, envoyant encore de la neige tomber au sol, m'approchant de lui.

    « Excusez-moi. »

    Il ouvrit les yeux, et la bouche, dans un sourire digne d'un enfant. Malgré son âge avancé, et sa peau brune parcheminée, il avait l'air considérablement en forme.

    « Ce n'est rien. »
    « Je ne m'attendais pas à trouver un autre casse-cou sur les toits, de nuit, sous la neige, murmurais-je. Je vous ai dérangé ? »
    « Par vraiment, répondit-il. Je pensais simplement que vous mettriez un peu plus de temps à venir. »

    Je ne répondis pas, m'installant à côté de lui. Il était orienté de manière à regarder la forêt, et je tournais mon regards vers les sapins sempiternels, cherchant à deviner ce qu'il pouvait observer de là. Les arbres, peut-être. La forêt. Le vent. Il reprit doucement parole.

    « Vous cherchiez votre fantôme sur les toits ? »
    « Oh. »

    Je cillais.

    « Euh. Non. Je cherchais … à le surprendre, en me déplaçant par les toits. »
    « C'est assurément ce que vous faites, se mit à rire le vieux moine. Assurément. »
    « Pourquoi est-ce que des yokaï s'approchent-ils d'un sanctuaire de Kanon ? »
    « Pourquoi ne le feraient-ils pas ? »

    Nous étions sur l'hisashi du temple, et jetant un coup d'oeil en bas, il me crut percevoir des bruits de discussions. Le vieil homme eut un léger mouvement de tête.

    « Ah. »


    Je savais ce qu'il sous-entendait, et en me relevant avec une lenteur souple, je m'approchais en silence du rebord du toit. Je ne fus pas surpris de noter qu'un autre moine, assis dans les branches, était apparu, face à moi. Un yokaï était un surplus d'énergie dont les vibrations étaient perceptibles. Et au Japon, pays des fantômes d'entre deux heures, il aurait été idiot de ne pas considérer ces existences fébriles. Les moines étaient là pour lui. Mais, rancunier, je refusais de ne pas m'en occuper. Le moine dans l'arbre, beaucoup plus jeune, me faisait des signes. Des mains, il mimait l'action de marcher, deux fois. Il y avait deux personnes qui marchaient, en dessous. Je hochais la tête, avant de me saisir des accroches laquées des tuiles. La glissade serait brève, mais le choc beaucoup plus tenace. Le moine dans les arbres faisait un décompte avec ses doigts. 5. 4. 3. à deux, j'inspirais. Puis plongeais.
    Pour atterrir, dans un nuage de neige, au milieu d'un couloir, face à un couple étrangement assorti. Un géant et le professeur Coda. Le géant qui, il me fallut une seconde pour le réaliser, était mon parfait double. J'eus un sourire.

    « Yo. »

    Mon sabre se fit courbe silencieuse, et dans un revers qui frappa l'immatériel, décapita le faux-moi. L'être, illusion ou hallucination, disparut comme un brouillard emporté par le vent, et rangeant mon sabre dans son fourreau, je dédaignais un bref instant Judikaël pour me diriger vers l'alcôve de bois. Le moine, toujours dans l'arbre, souriait. Je désignais la neige.

    « Désolé ! Je nettoierais. »

    Il parut rire, avant de disparaître, s'enfonçant à la recherche d'une autre branche. Je me détournais, concentrant mon attention sur Judikaël.

    « Bonsoir. Qu'est-ce que vous faites là ? »

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MessageSujet: Re: Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël   Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël EmptyMer 25 Fév 2015 - 6:59

Zakuro ne répondait plus à la jeune femme, elle se sentait désormais étrangère à la situation. L'homme était toujours dans un état second, dans ses pensées les plus intimes, à errer sous la neige. Désormais Judikaël n'avait plus de soucis à voir dans l'obscurité, et si la situation avait été tout autre, elle aurait apprécié le contraste de couleur blanc et noir qu'il formait. Blanc de neige et de vêtements, blanc du silence et de la chute imminente. Car pour elle il devait y en avoir une, trop de tension accumulée, une explosion était à préparer. Noir des yeux, des cheveux et de la terreur. Noir de Lola qui se superposait sur ses pensées, comme d'habitude. À cet instant pourtant, la présence de la fille Chocolat lui semblait étrangère, et la jeune prof avait le sentiment qu'elle devrait rester ici, qu'autre chose s'était passé et allait accaparer ses pensées.

Le jeune homme ne fit pas attention à elle, pas un instant. Elle eut une envie de partir, de courir à sa voiture et de rentrer à l'hôtel, de prévenir la police peut-être ? Oh que ce serait amusant, elle qui haïssait cet ordre établi qui lui avait pris Lola, plus que tout, elle irait leur livrer un criminel, un vrai. Et bien quoi ? Elle n'avait rien fait de grave, elle avait aimé. Lui avait tué. Mais si elle n'a fait qu'aimé, peut-être que lui n'aura rien, lui continuera de vivre, et elle n'est plus qu'un fantôme de professeur depuis bientôt… Un an. Après avoir inspecté une statue d'où s'échappait une odeur caractéristique de fer et de sang froid, Zakuro se dirigea sur le chemin vers le temple. Avec toute la folie qu'il lui restait, le professeur le suivi sans un mot. Elle semblait être invisible pour lui. Est-ce qu'un fantôme peut faire du mal à un fantôme ?

Judikaël eut un mouvement de recul à l'entrée du temple shinto. Ces endroits la mettait mal à l'aise, tout simplement parce qu'elle ne connaissait rien des coutumes d'aucunes religions. Ça avait toujours été un sujet qu'elle détestait, prenant les instances religieuses pour des rapias profitant de la crédulité des populations, des manipulateurs. Sûrement gardait-elle ce genre de pensées parce qu'elle même, crédule et sensible, avait peur de se tourner vers ce genre de choses. Aussi, elle n'avait jamais cherchée à se renseigner ou à comprendre le sujet de la religion, elle avait juste fait en sorte de s'en tenir éloignée. Déjà, lors de l'enterrement du conseiller d'éducation du lycée, elle n'avait pas osée rentrer dans le temple, ne connaissant pas les rites, ayant peur de faire une bêtise. Au vu de la situation quelque peu extrême, elle se résigna à entrer tout de même avant de remarquer que son voisin n'en avait plus l'envie. Contournant les poutres, Zakuro dévia de l'entrée et partit plus loin sans jeter le moindre regard à la jeune femme.

Silencieusement, elle le suivait, à demi-consciente de l'absurdité de la situation. Sa vision se troublait légèrement, des frissons commençait à la parcourir. Enfin, elle prenait conscience du froid. Tout son corps se contracta, et tout son corps c'est pas grand-chose. Par réflexe, elle se tint les épaules pour ne pas le laisser s'effondrer, sans cesser de suivre fébrilement l'homme, sans savoir pourquoi elle faisait ça, où allaient-t-ils et combien de temps pourrait-elle encore tenir ainsi.
Comme pour la soutenir, le jeune homme ralentit pour se mettre à sa hauteur. Judikaël leva difficilement la tête pour l'observer, lui si grand. Il avait un air pâle et un sourire mélancolique.
Il s'arrêta enfin, et se pencha sur elle. Surprise, frigorifiée et fatiguée, elle le laissa saisir sa main et y déposer un baiser.

« Au revoir professeur. 
-… Pourquoi tu dis ça ? »

En un quart de seconde, plusieurs événements se succédèrent sans laisser le temps à la femme redevenue gamine de comprendre ce qui se passait. Une explosion de neige se dispersa en un nuage blanc devant elle. Un deuxième Zakuro, en son centre, venait de descendre du toit. Blasée et agacée par la situation, persuadée d'avoir affaire à une plaisanterie, la jeune femme tenta de ne pas faire attention à lui, et hésita à s'arrêter ou à continuer de marcher vers nul part. Il souriait, et ce sourire la poussa à s'arrêter tout de même en souriant à l'élève. Elle s'attendait à un grand rire, quelque chose comme ça, des élèves sortant du temple et descendant des arbres pour se moquer d'elle et de ses réactions crédules, lui expliquant les trucages utilisés pour le faux-sang.

D'un revers, le jeune homme lança un coup de sabre. Réagissant au quart de tour, elle s'écarta maladroitement et fini par tomber le postérieur dans la neige. En moins d'une seconde, elle était trempée de sueur, et n'avait plus aucune envie de sourire ou de plaisanter. Non, ça n'avait rien d'une blague. Elle était incrédule néanmoins : avait-il réellement tenté de la tuer ? Ou juste de lui faire peur ? Le Zakuro a son côté avait disparu.

« Bonsoir. Qu'est-ce que vous faites là ? »

Sa réplique l'agaçait. C'était la troisième fois qu'il la saluait. Judikaël se releva aussi sec, hésitant entre rire de lui ou le craindre. La solution la plus safe aurait sûrement été de repartir sans poser de questions. Mais cet enchevêtrement de choses, Lola, le temple, le sang, le sabre, ce sourire idiot, lui donnait juste envie de lui foutre une claque.

« Tu te fous de moi ? »

Après tout, peut-être était-il réellement fou. Il y a quelques minutes, elle ne doutait pas un seul instant qu'il avait assassiné quelqu'un. Était-ce le cas au final ? À la réflexion, n'avait-elle pas aperçue un cadavre derrière la statue ? Hésitante, elle fit un pas vers Zakuro, essayant de le toiser, bien qu'elle ne soit pas aussi grande que lui et posa une main sur la sienne, celle tenant le sabre. Elle appliqua une certaine force dessus, ou du moins celle qu'elle pouvait fournir avec ses muscles atrophiés, pour l'arrêter si il tentait de trancher sa gorge. Il avait la main crispée, elle n'hésita alors plus à poser sa question, qui ressemblait davantage à une affirmation.

« Zakuro, tu as tué quelqu'un. »
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MessageSujet: Re: Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël   Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël EmptyMar 21 Avr 2015 - 12:34


    “If you can't understand it without an explanation,
    you can't understand it with an explanation.” 1Q84




    Elle était irritée. Une irritation qui me surprit, tandis que je resserrais la sageo près de ma hanche, fouillant son visage de mes yeux, sans parvenir à déterminer exactement quelle pouvait être la cause précise de cette irritation que je percevais comme un bourdonnement désagréable. Elle entrouvrit les lèvres, ses mèches folles agitées par le vent nocturne.

    « Tu te fous de moi ? »

    Je perdis mon sourire, croisant brusquement les bras sur ma poitrine, pour la contempler d'un calme froid, le vent se taisant, allié intime à mon humeur bouleversée. Elle rouvrit la bouche, cette fois pour asséner le constat d'une réalité humaine, trop humaine. D'abord mon prénom, puis le jugement fatal, japonais, d'une conscience définitivement arbitraire. Dans les mots clâmés, il y avait plus de violence que l'acte en lui-même. Je fermais les yeux, pour retenir un soupir las.

    « Naturellement. »

    Les rouvrait, cette fois, accompagnant mon regard par une expression irascible, les bras toujours croisés.

    « Et ? Cela vous effraie t-il ? Vous ressemblez à une petite fille en colère. Vous n'aviez pas compris depuis le début qu'il y a certains actes qui vont dépasser les mandats occidentaux, et que ce genre de pensée ne se pratique pas ici ? Nous sommes au Japon, réveillez-vous. Le paysage vous paraît peut-être constant, mais ça a changé. »

    Des dimensions. Des dimensions en rafale sur lesquelles les couches de la même couleur se succèdent.

    « Nous n'appartenons pas vraiment à la réalité. C'est juste que vous ne vous êtes pas rendu compte du changement. Ne venez pas me taper sur le système avec ça. »

    Et me détournant, je tapais du pied dans le monticules de poussière que le spectre avait laissé sur le sol, pour l'envoyer valser en des spires brumeuses. Agacé, je haussais les épaules.

    « Désolé pour vous si vous pensiez que ce serait une petite soirée calme. Vous n'avez qu'à rentrer chez vous et attendre que ça passe. Les distorsions sont à subir ou affronter, c'est vous qui voyez. »

    Ah, une dernière chose. Je soupirais, me retournant une fois de plus vers elle.

    « Encore un détail : vous avez à la main le genre de trace que laisse une lame. Je ne vous ai même pas touché avec mon sabre, puisqu'il est rangé. Vous voyez. Tout est une question de lecture. »

    Tournant les talons, je m'écartais, déterminé à sortir de cette bulle parallèle.
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MessageSujet: Re: Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël   Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël EmptyMer 22 Avr 2015 - 11:19

Judikaël écoutait le jeune homme sans rien dire, pétrifiée par la peur et la colère. Quelque part il avait raison, elle n'était qu'une petite fille à la vision étriquée incapable de remarquer le moindre changement dans son univers, alors que tout changeait autour d'elle en permanence. Et ce paysage. Évidemment qu'il n'était pas comme celui de l'occident. De quoi voulait-il parler en évoquant l'occident ? Elle n'avait pas conscience d'être en proie à quelques illusions, Zakuro avait tué quelqu'un, et c'était une chose aussi évidente que la neige qui finissait de tomber. Est-ce qu'il faisait directement référence à sa quasi-condamnation injuste quelques années plus tôt, en France ? Être démasquée était le cadet de ses soucis maintenant. L'évocation douloureuse de Lola en cet instant précis lui parut trop brutale, si brutale qu'elle préférait largement se confronter à un tueur qu'à cette vérité là. La colère explosa alors, colère qui peut-être n'attendait que cet événement pour ce manifester :

« Tu penses que tout change avec les continents ?! Qu'un crime comme le tien peut être impuni quand moi je risque la prison pour avoir été dans le même lit qu'une gamine bien plus consciente que moi de ce qu'elle faisait ?! Ouais je vois rien, ouais je comprends rien, mais ne me dis pas que toi, si ! »


Cette année qu'elle avait passé à errer sur les routes de Bretagne en Provence en faisant de l'autostop, c'était la mélancolie qui l'avait conduit, et jamais la colère ne l'avait effleuré, si ce n'est contre elle-même. Toute sa vie, elle s'était agacée contre elle, à s'en lacérer le ventre, à en cesser de s'alimenter, à s'en vider les entrailles. Il fallait que ça sorte.

« Au lycée, et tout à l'heure, et tout le temps en fait, tu parles de Joshua. Regarde-toi, t'es paumé sans lui. Et est-ce qu'il existe au moins ?! Je l'ai jamais vu avec toi, et tu jures que par lui. C'est lui ta réalité ? »

Le géant s'apprêtait à partir. Elle ne voulait pas qu'il ait le dernier mot, qu'elle accepte d'avoir tord, de n'être, comme il l'insinuait, une petite fille aveugle perdue dans le pays des merveilles, à ne pas voir ces distorsions dont il parle. Elle l'attrapa par le vêtement pour le tourner vers elle, agrippant de toute ses forces. Forces qui ne se traduisirent que par un tremblement frénétique de tous ses muscles trop faibles. Les larmes lui montèrent aux yeux :

« Personne l'a vu ta réalité ! Tu t'es perdu tout seul ! Et ça te fait faire n'importe quoi. Je comprends même pas ce qu'on fout là ! Tu peux pas m'emmener là-dedans. »

Relâchant la pression dans son poing, la jeune femme resta immobile, tremblante, au bord des larmes. Elle se sentait ridicule. Tout son délire avec ce pseudonyme, cet homme qu'elle voulait devenir, cette force qu'elle voulait acquérir. Elle avait réellement l'impression que c'était Zakuro qui l'avait nommée ainsi, qui l'avait rebaptisée à son arrivée sur la planète Keimoo. Furieuse contre elle-même, Zakuro devenait alors la source de tous ses problèmes, qu'elle reportait sur lui, à demi-consciente de ce qu'elle faisait.

« Je ne veux pas d'une petite soirée calme. J'aimerais bien avoir un peu de bordel, c'est trop rangée. Mais pas comme ça, je peux pas. J'ai même pas de forces dans les bras. Je suis faite pour les bureaux et la solitude. Elle était tout mon chaos, et tu vois comme je me suis trompée. Mais je suis née comme… Non. Je suis pas comme ça.»


La jeune femme soupira, un peu lasse de tout ça. Quand elle était jeune, son roman préféré c'était ''Sur la Route'', de Jack Kerouac. L'aventure, l'intuition, la liberté, elle ne souhaitait que ça. Mais la seule fois où elle avait pris la route, elle en gardait d'amères souvenirs. Elle aurait aimé le crier, qu'elle voulait être forte, qu'il avait tord, qu'elle pouvait avoir le monde si elle tendait le bras. Mais elle ne pouvait que se taire. Hurler, ce n'était pas pour elle, c'était pour Kerouac, c'était pour Zakuro, c'était Joshua, c'était pour les autres.

« Désolée. Tu as raison. Je suis comme ça. »
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MessageSujet: Re: Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël   Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël EmptyVen 24 Avr 2015 - 13:54

    « Tu penses que tout change avec les continents ?! Qu'un crime comme le tien peut être impuni quand moi je risque la prison pour avoir été dans le même lit qu'une gamine bien plus consciente que moi de ce qu'elle faisait ?! Ouais je vois rien, ouais je comprends rien, mais ne me dis pas que toi, si ! »

    Les muscles se détendent, la colère se dissipe, emportée en un coup de vent qui vient éradiquer la tension nerveuse, tandis qu'il se fige, à contempler sans le voir le grand vide d'un paysage trop enneigé. On le murmurait à tous ceux qui voulaient écouter, pourtant. Les torii étaient des portes, et qui empruntait ces portes changeait, irrémédiablement. Les passages des dieux n'étaient jamais sans conséquences, et la gorge de Zakuro se serre. Il imagine la scène, les deux corps qui se mêlent bien plus encore que cette nuit et cette neige. Un blanc et un noir qui se fondent dans une illumination au satori resplendissant. Il n'y avait pas eu d'avoir de boddhisattva dans le jugement humain qu'elle écriait. Dans ces vibrations de colère-là, il ressent toute la rage, la frustration, et pourtant, elle ne l'exhibe seulement qu'en surface, et il imagine sans mal à quel point elle s'est immergée. Il inspire. Elle hurle.

    « Au lycée, et tout à l'heure, et tout le temps en fait, tu parles de Joshua. Regarde-toi, t'es paumé sans lui. Et est-ce qu'il existe au moins ?! Je l'ai jamais vu avec toi, et tu jures que par lui. C'est lui ta réalité ? »

    Il se retourne, cette fois, et ses yeux sont empreints d'un calme gelé. Elle n'écoutera pas s'il répond maintenant, et il reste là, à la fixer terriblement, les phalanges serrées en une pression dantesque de ses os qui se défoncent eux-même, dans une superposition des forces qui parcourent tout son corps. La question qui laisse imaginer un possible, possible rien qu'humain, au définitions organiques, lui arrache un frisson. Imaginer que Joshua n'existe pas relève de cette tranche comique d'une réalité absurde, morbide. Couperait-on l'univers en deux ? En serait-on capable, humains ? En serait-on véritablement capable ? A imaginer, seulement, car si cela était possible, le ciel n'existerait même plus.

    « Personne l'a vu ta réalité ! Tu t'es perdu tout seul ! Et ça te fait faire n'importe quoi. Je comprends même pas ce qu'on fout là ! Tu peux pas m'emmener là-dedans. »

    Grotesque, songe t-il. Absurde. Mais il ne relève pas. A la place, il la regarde s'escrimer dans cette toile d'araignée qu'elle a érigée autour de son propre corps, de son propre esprit. C'est une toile qui ne date pas de ce soir. C'est une toile qu'elle traîne avec elle, et qu'elle a soulevée autour de son propre corps, pour s'empêtrer par elle-même à l'intérieur de ce qu'elle voulu prendre pour un cocon de soie. Il n'y a pas d'harmonie dans le statut de victime du passé, et Zakuro l'observe, en se rendant compte du monde qui les sépare. Il sait où est son gouffre à lui, et il sait exactement combien de pas il lui faudrait pour tomber. Mais il ne veut pas le faire, car cela ne servirait à rien tant qu'il est vivant, tant qu'il se bat. Il pose les yeux sur ceux emplis de colère de la jeune femme qui lui fait face. Il pourrait le lui dire. Il pourrait tendre les bras. Il inspire. Il choisit de le faire. Il choisit de faire un pas en avant, parce qu'il décide brusquement qu'il ne peut pas la perdre comme ça.

    « Je ne veux pas d'une petite soirée calme. J'aimerais bien avoir un peu de bordel, c'est trop rangée. Mais pas comme ça, je peux pas. J'ai même pas de forces dans les bras. Je suis faite pour les bureaux et la solitude. Elle était tout mon chaos, et tu vois comme je me suis trompée. Mais je suis née comme… Non. Je suis pas comme ça.»

    Il n'écoute pas vraiment. Il sait que s'il l'écoute, les mots qu'elle vient de dire vont lui paraître tellement stupides qu'il risquerait de se mettre en colère pour ça.

    « Désolée. Tu as raison. Je suis comme ça. »

    Il la saisit, avec douceur l'empoigne, et vient la serrer contre sa poitrine.

    « C'est bon. »

    Les humains ne devraient pas pleurer pour rien. Vraiment pas. Il resserre son étreinte.

    « La vie n'est pas une ligne, c'est une erreur de considérer qu'il y a des « comme ça » ou des « pas comme ça ». Tout change, tout se transforme, et il ne faut pas considérer les mots de Lavoisier comme relatifs uniquement à la physique. L'humanité se transcende elle-même, professeur, et vous ne devriez pas vous laisser abattre comme ça. Je suis désolé d'avoir pu vous effrayer ou vous mettre en colère. Je suis désolé que vous ayez du souffrir par rapport à l'amour, et je suis désolé que cela vous fasse encore si mal aujourd'hui. Je suis vraiment désolé, j'ai l'impression de m'être mal conduit, ce n'était vraiment pas le but. »

    Il ne s'attendait pas à ce qu'elle le suive si loin sous la neige, sous les torii. Elle ne devait pas être là. Il est responsable de cette humanité autour de lui, de ses interactions avec les autres, et cela a été une erreur que de ne pas s'assurer de la sécurité de la jeune femme.

    « Ne dites pas que vous êtes « comme ça ». Vous êtes en vie, si vous voulez changer, vous n'avez qu'à le faire, il faut arrêter de croire qu'il existe des limites ou des obstacles. Ce ne sont que des illusions. Relevez les yeux, regardez droit devant vous. »

    Il la lâche, doucement, ses mains quittant ses épaules, ses yeux trouvant le regard de la jeune femme, et il soupire doucement.

    « Vous pouvez le faire ? »

    La neige a arrêté de tomber, à l'extérieur, et l'on entend au loin la circulation des voitures.

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Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël Empty
MessageSujet: Re: Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël   Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël EmptySam 25 Avr 2015 - 11:31

La surprise immobilisa la jeune femme, qui laissa envelopper par les bras du géant.

« C'est bon. »

Comme un père affectueux qui calme sa fille, Judikaël se blottit contre son torse, et loin de se calmer, se mit à sangloter de plus belle, comme l'enfant qu'elle était à cet instant. Cette parole tendre résonnait à ses oreilles comme une invitation à relâcher tout ce qu'elle avait contenue jusque là. Elle qui croyait que ses joues resteraient sèche à jamais, écouta à demi-consciente les mots de cet homme donc les cheveux dégoulinait de son crâne jusqu'au dos de la jeune femme, se sentant protégée du mal du monde sous un épais rideau noir.

« La vie n'est pas une ligne, c'est une erreur de considérer qu'il y a des « comme ça » ou des « pas comme ça ». Tout change, tout se transforme, et il ne faut pas considérer les mots de Lavoisier comme relatifs uniquement à la physique. L'humanité se transcende elle-même, professeur, et vous ne devriez pas vous laisser abattre comme ça. Je suis désolé d'avoir pu vous effrayer ou vous mettre en colère. Je suis désolé que vous ayez du souffrir par rapport à l'amour, et je suis désolé que cela vous fasse encore si mal aujourd'hui. Je suis vraiment désolé, j'ai l'impression de m'être mal conduit, ce n'était vraiment pas le but. »

Mais pourquoi t'excuses-tu donc, Zakuro ? Pourquoi appelles-tu professeur celle qui entre tes bras redevint si frêle, si petite ? Elle retint ses sanglots de son mieux, mais continuait de s’agripper contre son kimono blanc, qui n'avait plus aucune tâche de sang. Le rideau noir était tomber sur les scènes qui lui agitaient l'esprit. Tout était bien terminé, tout s'était dispersé dans la neige, aussi vite que les larmes du professeur, se mêlant à l'épais manteau en formant de minuscules cratères aussitôt recouverts. Il était bien loin de s'être mal conduit, elle qui avait insulté son amour à Joshua, il l'avait plutôt aidé à réaliser ce qu'il se passait dans son univers. Et ça, ça ne resterait pas dans l'empire de la neige. Ça, elle l'emporterait dans sa tombe, comme le clap de fin sur l'histoire de Lola.

« Ne dites pas que vous êtes « comme ça ». Vous êtes en vie, si vous voulez changer, vous n'avez qu'à le faire, il faut arrêter de croire qu'il existe des limites ou des obstacles. Ce ne sont que des illusions. Relevez les yeux, regardez droit devant vous. »

Elle, n'avait que des obstacles. Elle, n'avait pas la force de continuer ou d'avancer. Elle, resterait dans la neige, comme une partie d'Elle était restée devant le temple à la mort du conseiller d'éducation qu'elle n'avait pas connue. Mais Ille, Joshua la fluette, saura changer, s'ille le souhaite. Elle reprenait espoir et se releva pour faire face à Zakuro. Elle se sentait légèrement gênée par la situation, mais les Torii l'avait menée là où la honte n'avait plus sa place. Elle avait en tête des milliers d'airs qu'elle voulait jouer, qu'elle voulait danser. Le chaos retrouvait sa place, et l'inspiration toute entière se jetait en son esprit, jusqu'à provoquer des frémissements au bout de ses doigts.

« Vous pouvez le faire ? »

Elle acquiesça de la tête. Ses joues étaient redevenues sèches. Elle se sentait de déplacer des montagnes, de recouvrir le monde du sien. Elle redressa le dos, essayant de toiser au moins mentalement le grand Zakuro, et dans un air de défi, répondit :

« Oui. »

Elle ne le prononça pas, mais ses yeux dans les siens le défiait de faire de même. Elle le connaissait encore peu, mais Zakuro pouvait lui aussi se hisser au toit du monde plutôt que sur le toit des temples. En magicien, en serial-killer ou en danseur de cabaret, il avait toute la puissance de la jeunesse entre ses poings, et le pouvoir de tirer un trait noir sur les esprits pas assez encombrés.

« Merci. »
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Zakuro Fea
▼ Université - 4ème Année - Comité des Elèves
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Genre : Non Binaire Lion Coq Age : 30
Adresse : 3, rue la Chance, app. 11, quartier Hiryuu, avec Lawrence E. Swanster.
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MessageSujet: Re: Le pourpre des Torii enneigés. | Judikaël   Le pourpre des Torii enneigés.  | Judikaël EmptyDim 31 Mai 2015 - 21:47

    Il y a une universalité dans l'étreinte qui s'éteindra avec la vie. Que ce soit pour l'homme ou l'animal, ou pour l'arbre et les algues, le fait d'étreindre est ce contact qui ne se rompt jamais que trop tôt. Quand Judikaël se blottit contre lui, les doigts de Zakuro se referment entre eux, pour presser un peu plus contre le vêtement de la jeune femme, et le haut de ses poignets, recepteurs dermiques trop sensibles pour le guerrier qu'il a cru être,  effleurent les mèches courtes, trop blondes, trop claires, qui le fait se sentir un peu coupable. Il ne rompt pas l'étreinte, elle pleure, et il n'ose sourire qu'à moitié. L'idée est de ne jamais manipuler l'humanité, et de ne jamais se l'approprier. Les yeux de Zakuro bercent les effluves de rêveries dont Joshua lui a murmuré le rythme, sous un jour de pluie et de sang. Les lèvres pâles de l'autre tracent dans ses souvenirs des mots qui marquent son esprit, renouvelés en une morsure plus brûlante que jamais. Il voudrait prendre sa moto, rouler à en perdre la notion du temps, trouver les bras minces de Kohaku, et s'y abandonner, jusqu'à ne plus ressentir le poids de son corps. Pourtant, tandis que Judikaël pleure contre sa poitrine, il sait qu'il s'est donné le rôle de protecteur, et à la serrer dans ses bras, il cherche à assurer cette identité défensive pour la jeune femme. Le rôle de héros ne lui a jamais vraiment convenu, et il s'écarte, tout doucement, par un pas en arrière qui à ses yeux vaut bien une crevasse entière. La professeur a les yeux mouillés, et Zakuro détourne le regard, comme pour s'intéresser au parquet rossignol du temple. Il la questionne, elle répond. Un oui aux airs de défi qui lui arrache l'esquisse d'un soulèvement de sa comissure. Sourire pointu, fantôme de ses pensées, et Zakuro se sent satisfait. Un chat, dans son esprit, matérialisation trop sentimentale de son cœur éprouvé se met à ronronner, et quand la femme le remercie, penchant pour ses vices japonaises, il s'incline, devenu respectueux, trop humain, diraient certains.

    Il la conduira à l'extérieur, l'abritant du vent et de la neige, lesquels se sont calmés, mais qui couvrent néanmoins leurs traces par un soulèvement organisé des éléments. Il trouvera un taxi, et ils monteront dedans tous les deux, lui en posant le coude sur le rebord de la fenêtre, pour voir danser des figures que les flacons viendront exploser contre la vitre de la voiture roulante dans la nuit. Il s'imaginera des formes, des corps, des cheveux fouettés et des yeux aux paupières étirés. Il fermera les yeux, se concentrant sur la tiédeur partielle de l'intérieur de l'habitacle, en se disant qu'il aurait préféré rouler sur sa Honda. Quand la voiture s'arrêtera devant l'hôtel, Judikaël sortira, et disparaîtra derrière les verrières éclairées du bâtiment. Zakuro descendra au quartier Hiryuu, paiera le chauffeur, et regardera les phares du taxi disparaître au travers de la chute de neige. Il restera là, trop grand, trop lourd, avec des cheveux trop longs, les joues et le nez rougis par le froid. Il frissonnera, avant de venir s'adosser contre la façade de son immeuble, et là, il sortira le portable de sa poche, sans s'en étonner. Il composera un numéro qu'il connaît par cœur, et les lèvres rêches, gercées par les battues du vent, il murmurera à Kohaku Joshua combien il l'aime, même si celui-ci ne décroche pas.


clos
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