Comfortably Numb [Terminé]

Sujet: Comfortably Numb [Terminé] Sam 14 Sep 2013 - 11:55

Le torrent dans les veines, affluant comme la folie du démon, frappant à chaque extrémité des artères. Respiration sourde, si saccadée qu'elle semble déranger les feulements de la nuit. Devoir réapprendre à respirer. Un rugissement des poumons, essayer de reprendre son souffle, encore toujours, à faire exploser les côtes. Dilatations des paupières. Le démon instigateur perforant la vie à son extrémité même, hurlant du trop plein s'injectant dans ses yeux rougeoyant en cet instant. Et en un claquement d'artère, le démon lâche prise, abandonne sa proie au confluant du monde dans lequel elle s'est perdue. Ce démon tant redouté, se relevant en réalité le seul maintien. Les paupières sont faibles de toute force. Elles s'abaissent lentement, tout comme la poitrine meurtrie par des battements trop incertains. L'apaisement trompeur finit par gagner, et le silence nocturne resurgit. Terrifiant.

Sa main alla lâchement se poser contre l'herbe humide. A ses côtés, une pochette à dessin. Et une boite. Quiconque l'ouvrirait verrait en son sein un triste assemblage de pilules diverses. Presque une de chaque sorte était ce soir dans l'organisme de la jeune fille étendue au sol. Dans la pochette à dessin se trouvait des dizaines de grandes feuilles remplies de couleurs. Sur les premières, qui semblaient les plus anciennes, on y trouvait des grandes étendues nuageuses, avec des animaux multicolores, qui marchaient en tout sens, un paysage de cascade, si réaliste qu'on avait l'impression de se trouver en présence d'une photo. Mais plus on remontait les dessins, plus ils devenaient sombres. On pouvait voir la représentation d'un démon d'un blanc de nacre, au sourire terrifiant, ouvert grand sur une gueule pleine de couleurs. Dans une mer de tempête, deux singes au masque grimaçants prenaient le thé sur la coque d'un navire échoué. Sur une autre feuille, une forêt menaçante se dressait, les arbres dansants autour d'un feu. Juste après, une feuille entièrement rouge et orange, avec des traits violents de toute part. Le dernières feuilles étaient entièrement raturées de noir. Comme si on avait voulu les effacer, les oublier. A tout jamais. Mise à part cela, rien ne pouvait permettre d'identifier la jeune fille.

Elle n'était en cet instant qu'une jeune femme allongée dans le parc. Dormait-elle ? Un passant s'approcha, et se rendit compte du contraire. Il eut la bonne idée d'appeler les secours, sauvant la rouquine d'une mort certaine. Une mort par overdose. L'ambulance s'en alla ce soir là, oubliant dans les hautes herbes la pochette à dessin, emportant ce qui semblait être une jeune fille sans identité, aux battements de cœur si irréguliers qu'elle pourrait bien ne jamais se réveiller. Dans l'ambulance, le jeune infirmier la regardait, les yeux durs. Ce n'était évidemment pas la première fois qu'il récupérait comme ça une adolescente ayant ingéré trop de médicaments. Il restait à savoir si c'était une tentative de suicide, ou juste une autre petite idiote qui avait voulu tester ses limites, plus loin, encore plus loin, et qui s'était brûlé les ailes. A voir son visage, elle ne semblait pas avoir la vingtaine. Un bien jeune âge pour décider de foutre sa vie en l'air pour planer quelques heures. L'infirmier soupira tandis qu'il manipulait les instruments qui déjà, la reliait faiblement à la vie. Si ça ne tenait qu'à lui, il débrancherait, la laisserait sur le bas-côté. Comment une société peut vouloir évoluer si elle s'embarrasse des junkies à la recherche de sensations fortes ? A peine sortie, elle rechuterait probablement.

Lorsqu'elle arriva à l'hôpital, et que l'ambulance la déchargea dans la salle des urgences, le médecin eut la chance de la reconnaître. Il l'avait vu quelques fois ces derniers temps, veiller un malade, puis l'accompagner dans sa convalescence. Elle avait dit être Ethel Keegan, la sœur de Jake Keegan. Elle semblait pourtant être une fille bien, se tenant droite tandis que son frère avait frôlé la mort. Pas une seule fois il n'aurait pu soupçonner de la trouver ici un soir, le corps au bord de la rupture. L'hôpital ayant évidemment gardé le numéro du jeune homme, il fut contacté dans les plus brefs délais, et informés que sa sœur avait été admise à l'hôpital après une overdose, et que si ses jours n'étaient plus en danger, elle allait devoir subir une intervention psychiatrique. En effet, les jours d'Ethel n'avaient jamais été compté, et aucune séquelle ne se laisserait voir. Mais elle était mineure, et prise avec dans le sang un taux de drogue suffisant pour assommer un régiment. Elle devrait donc rester deux semaines à l'hôpital, étant internée d'office en attendant son réveil, et qu'elle puisse donner plus d'informations.

Quelques heures après son arrivée à l'hôpital, et un lavage d'estomac plus tard, la rouquine s'était réveillée, avec comme seul symptôme une nausée évidente due au lavage, et une sensation de faiblesse extrême. Le médecin ne tarda pas à se montrer après son réveil.

« Bonjour Mademoiselle Keegan. Je ne pensais pas vous retrouver dans cet état. Vous avez été victime d'un coma léger, de 11 sur l'échelle de Glasgow, vraisemblablement dû à une surdose médicamenteuse, résultant d'une polytoxicomanie. En clair, vous avez fait une Overdose, mademoiselle. A cause de l’absorption de plusieurs drogues ou médicaments de nature différentes, qui ont conduit une réaction négative, et donc à la surdose. »

Pour l'instant, il n'apprenait pas grand chose à la jeune fille. Elle avait même étudié l'échelle de Glasgow en cours de science, un des rares où elle soit allé. A 15, le patient était conscient, à 3, il était soit mort, soit en coma extrêmement profond. Le coma léger n'était que de 10 à 14. En somme, elle avait eu de la chance. Elle ne se souvenait pas vraiment de ce qu'elle avait pu ingérer, et en quelle quantité. Mais pour tomber dans un coma à 11, il avait fallu que la quantité soit impressionnante. Elle savait qu'habituellement, une injection de morphine suffisait. Ils avaient dû le faire, même si elle ne s'en souvenait pas. Ils avaient fait un lavage d'estomac en plus... Encore faible, elle hocha la tête pour faire comprendre au médecin qu'elle saisissait correctement ce qu'il lui expliquait.

« Qui plus est, nous avons prévenu votre frère, Jake. Nous allons déterminer avec lui, et avec vous, si vous êtes accroc aux drogues. Pour cela, vous aller rester ici quelques jours, puis vous sortirez, dans ce que vous pouvez appeler une liberté conditionnelle. Vous verrez un psychologue trois fois par semaine, et il déterminera si vous avez besoin d'une aide plus importante, ou si vous pouvez continuer votre vie normalement, avec juste une aide psychologique. »

La rouquine ne s'était pas doutée une seconde que lorsqu'elle avait affirmé être la sœur de Jake, alors qu'il était lui-même admis à l'hôpital après le tremblement de terre, elle venait de retourner une précieuse information, contre elle... Ou pas tant que ça. Tant qu'elle était considérée comme Ethel Keegan, ses parents ne pourraient jamais être mit au courant. Et c'était bien la dernière chose qu'ils devaient apprendre. Il ne restait plus qu'à espérer que Jake ne fasse pas de boulette tant qu'elle ne lui aurait pas demandé l'autorisation. Une aide psychologique ne la dérangeait pas. Tant qu'ils ne la menaçait pas de la mettre dans un centre de désintoxication, elle restait plutôt sereine. Mais... Il semblait que se battre elle-même contre les drogues était la seule solution. Un centre signifiait que l'académie l'apprendrait. Là, elle n'avait qu'à appeler, se faire passer pour sa mère en disant qu'elle avait du rentrer à Tokyo pour quelques jours, et voilà. En général, cela passait sans problème, elle l'avait fait plus d'une fois.

Avec un peu de chance, Jake viendrait directement la voir, passant par la case médecin après cela. Et elle aurait le temps de lui expliquer. Pour l'instant, il ne devait absolument pas se douter que la jeune fille puisse être accroc aux drogues. Elle avait toujours été clean lorsqu'elle passait le voir, et ce n'est jamais écrit sur le front d'un toxicomane qu'il peut l'être. Après que le jeune fille ait acquiescé, et que le médecin la prévint qu'il reviendrait le lendemain dans l'après-midi, l'anglaise s'endormit, le cadran affichant pratiquement trois heures du matin, soit quatre heures après son overdose. Elle dormit du sommeil du juste, et lorsqu'elle ouvrit les yeux au petit matin, elle aperçut Jake, assit sur une chaise non loin du lit, endormit. La scène semblait déjà vue. Seulement, la jeune fille n'était pas dans le même état de faiblesse que son faux frère, quelques semaines auparavant. Son coma avait été bien moins profond, et si son cœur s'était certes arrêté, elle avait été prise à temps, et retrouvait d'ores et déjà toutes ses capacités. Se redressant, et calant son dos sur le coussin, elle sourit en regardant le jeune homme dormir paisiblement. Depuis combien de temps était-il ici ?

« ... Jake ? »

Sujet: Re: Comfortably Numb [Terminé] Dim 15 Sep 2013 - 21:55

Il devait être quoi... Peut-être minuit. Ou dans ces eaux-là, en tout cas. J. était encore dans le jardin, assis en tailleur au bord de la piscine. Pendant son séjour à l'hôpital, il avait eu du mal à récupérer de sa fatigue. Les journées consistaient à faire sa toilette, dormir, déjeuner, faire une sieste, la séance de rééducation, prendre une douche seul et dormir jusqu'au diner, pour enfin dormir toute la nuit. Depuis qu'il en était sorti, il n'avait toujours pas repris les cours. Les professeurs de la faculté lui envoyaient gentiment les cours, puisqu'il n'était tout bonnement pas encore autorisé à pouvoir y retourner. La semaine prochaine, normalement, il devrait pouvoir revenir en demi-journée, pour un premier temps. Ensuite, il reprendrait sa vie normale d'étudiant lambda. Mais, pour le moment, l'idée de ne pas avoir à affronter tous les regards des gens de l'académie, que ce soit des élèves ou du personnel encadrant, prof compris, l'arrangeait bien. Par contre, et ça il ne saurait dire pourquoi, ce qui l'énervait pas mal, il ne trouvait plus le sommeil.

Emy, qui avait enfin compris que Jake n'avait pas donné signe de vie parce qu'il avait une bonne raison et non pas parce que c'était une nouvelle lubie, lui avait même reproché de trop sourire. Encore plus qu'avant, d'après elle. J. lui ne voyait pas la différence, mais il savait pourquoi il le faisait. Et, étrangement, malgré qu'il n'aime pas l'idée que les gens puissent lire en lui, il aurait aimé que sa sœur, la femme avec qui il avait grandit et qu'il considérait comme telle, soit capable de le faire. Il aurait aimé que quelqu'un lui dise qu'il avait beau avoir des fous rires et des grands airs, qu'il pouvait mentir à qui il voulait, il souriait trop pour être heureux. Il aurait aimé qu'on lui dise qu'il faisait de la peine, mais qu'on l'aimait quand même. Il aurait aimé être remis à sa place. Parce que, même derrière son masque, ses cernes en parlaient encore. Il n'avait pas sommeil. Il avait tout. Le froid, la soif, la dalle, mais pas sommeil. Ethel, Opp's, mais pas sommeil. Son toit, sa fac, sa thune, mais pas sommeil. Il aurait aimé pouvoir l'avouer.

Mais personne ne semblait s'en rendre compte.

C'est dans cette même situation que son portable sonna. Il était aux environs de minuit et il hésita à décrocher, se demandant simplement qui pouvait bien chercher à le joindre à une heure aussi tardive. Il regarda le petit écran en noir et blanc - J. devait posséder le portable le plus ancestrale de toute la galaxie - et ne reconnut pas le numéro qui s'y affichait. Si c'était quelqu'un qui voulait lui faire une mauvaise blague, celle de vous appeler dans la nuit pour rigoler avec les keupins, le téléphone n'aurait pas été visible... Il finit par décrocher, juste avant que l'appel soit refusé, puisqu'il n'avait même pas de messagerie. Il se contenta d'un espèce de meuglement dans l'appareil, puis il fronça les sourcils aux dires de l'urgentiste. Ethel. Sa sœur. Lavage d'estomac. Comas. Drogue. trop d'information pour J. qui se précipitait déjà à l'intérieur de la villa, bientôt ralenti par le fait qu'il ne pourrait venir la voir qu'à partir de l'heure de visite matinale. Il grogna, raccrocha sans écouter la fin et se laissa tomber dans le canapé. Le reste de la nuit se passa à regarder le plafond, sans même jamais changer de position.

Une heure avant le grand départ pour l'hôpital, il sauta sous la douche et se prépara rapidement. Il fit le trajet en bus, sentant le contrecoup de sa nuit blanche faire déjà son effet. Il se refusait à dormir, tant qu'il ne l'aurait pas vue. Il quitta pas la route des yeux pendant le trajet, jusqu'à descendre du transport en commun, se précipitant vers l'accueil. Il annonça le nom de la rouquine, après quoi l'infirmière voulut à tout prix le préparer psychologiquement. Il coupa court à tout ça, lui prenant le registre posé devant elle, pour voir le numéro de la chambre, prétextant qu'il se foutait de tout le reste. Elle ne l'arrêta pas, le regardant partir vers la chambre de sa sœur d'infortune. Il n'avait même pas été étonné quand il avait été appelé pour elle, ayant très bien retenu la bévue cette fois.

Il arriva, tout essoufflé, dans la chambre d'Ethel. Quand il constata qu'elle dormait à point fermé, il se laisse mollement tomber dans le fauteuil en face de son lit. Il la fixa longuement, tantôt paniqué par la vision troublante qu'il avait devant lui - les cheveux roux, les draps blancs, le sommeil de plomb... tout pour lui rappeler sa mère - tantôt inquiet de son état, même si on avait tenté par deux fois de le rassurer. Il finit par piquer du nez, sans s'en rendre compte, et puis Morphée vint finalement le cueillir, pour l'emmener au pays des songes. Lieu qu'il n'avait pas visité depuis trop longtemps.

Quand il entendit son prénom, Jake fronça les sourcils, retroussant rapidement le nez. Bien qu'il ne soit dit qu'une fois, il arriva à s'extirper du sommeil profond dans lequel il s'était plongé moins de deux heures plus tôt. Il se frotta les yeux, maudissant cette voix, jusqu'à ce qu'il réalise que c'était celle de la jeune fille. Il posa son regard fatigué sur elle et sourit, heureux de la voir enfin réveillé. Il se leva et s'approcha d'elle, tirant vers le lit une chaise qui trainait là. Il posa sa main sur sa joue, l'observant comme si elle venait de se réveiller après des jours et des jours de comas, pour finalement ôter quelques mèches de ses cheveux de devant son visage. Il n'avait pas cessé de sourire, trop heureux de voir qu'elle se portait bien mieux que lui à son propre réveil, malgré qu'elle ait du être bien sécouée.

Bonjour, la belle.

Il ficha la paix à son visage, allant chercher sa main pour la serrer dans la sienne, sans la quitter des yeux. Il caressa sa peau du pouce, les forçant tous les deux à garder le silence, jusqu'à ce qu'il le brise de lui-même, perdant un peu son sourire.

Ecoute, je ne juge pas... Je ne sais pas pourquoi, ni comment... Je te demanderai aucune promesse, ni aucun engagement... Je ne veux même t'obliger à me dire ce que tu y trouves... Je voudrais juste savoir si ça vaut le coup ?

Il inspira longuement, essayant de ne pas se défiler. Parce que lui demander tout ça, c'était un peu comme se livrer lui-même. Lui faire comprendre qu'il en avait vraiment quelque chose à faire, mais qu'il ne voulait rien lui imposer, par crainte de la perdre. Si elle arrivait à lire entre les lignes, elle comprendrait bien plus que ce qu'il avait bien voulu laisser entendre. Mais fallait-il encore qu'elle soit en état de le faire et il comptait sur ce fait tangent pour se couvrir.

Sujet: Re: Comfortably Numb [Terminé] Lun 16 Sep 2013 - 13:54

« Jake... »

Cette fois-ci, elle prononçait son prénom non plus pour le réveiller, mais parce qu'un larme avait déjà commencé à naître au coin de son œil. Pas parce qu'elle était triste. Pas pour elle en tout cas. Au final, elle avait toujours su à quoi s'attendre en consommant autant de drogue. Mais parce qu'elle s'était réveillée, et que quelqu'un était là, à s'inquiéter pour elle. Dans l'esprit de la rouquine, elle se réveillait toujours seule, lorsqu'elle imaginait un séjour à l'hôpital. Avec personne d'autre que les médecins pour venir la voir. Il y a peu, elle avait baissé les bras, s'était dit que si jamais cela devait arriver, elle partirait de Keimoo, partirait dans un centre adapté, peut-être en Angleterre, s'avouerait vaincue face à sa mère et fuirait tout cela. Mais Jake était là, ce matin. Et dans les fragments de son sourire, elle pouvait y voir du soulagement. Dans ses sourcils froncés, de l'inquiétude. Aucune trace de jugement cependant, ou de déception. Les seules choses qu'elle avait jamais capté dans les yeux maternels. Ethel serra doucement la main du jeune homme, pour le remercier d'être là, et de ne pas avoir fuit en comprenant que la jeune fille était en proie à un cauchemar onirique qui l'avait rattrapée, et faillit la tuer.

«J'ai honte... Je ne voulais pas que tu me vois comme ça un jour. Que tu saches... »

Il avait ses secrets, elle aussi. Et le voir ici penché sur elle, la contemplant en position de faiblesse qu'elle haïssait était la dernière chose qu'elle avait voulu. Et qu'elle l'accepte ou non, en cet instant, la rouquine avait plus que besoin de son ami. Pas seulement parce qu'il lui faudrait prendre l'identité d'Ethel Keegan une dernière fois, mais parce que s'il n'avait pas été là, c'est sa mère qui se serait tenu à sa place, les valises d'Ethel au fond de la chambre, prête à partir loin, pour la jeter dans un centre adapté. Elle aurait probablement eu des mots durs. Des « Tu me déçois. » ou des « Pourquoi me fais-tu ça ? » Tous ces mots qu'elle avait prononcé des centaines de fois au téléphone, lorsqu'elle apprenait qu'Ethel séchait les cours ou s'amusait à défier l'autorité de l'Académie. Mais peut-être que face à cette scène, la rouquine aurait eu le courage de dire ce qu'elle fuyait depuis des années. Maman. C'était un appel à l'aide, depuis tout ce temps. Et tu ne l'as pas entendu.

Mais voir Jake ici la confortait dans une chose. Une chose qu'elle se refusait à penser, parce que cela semblait bien trop dur à mettre en œuvre. Si l'anglaise voulait que sa mère soit fière d'elle, il fallait en valoir la peine. Arrêter ça, se remettre à aller en cours plus régulièrement, et faire oublier à sa mère le fait qu'elle n'avait jamais voulu d'enfant, pour lui montrer qu'une progéniture peut ne pas qu'être une source d'ennuis. Et surtout. Surtout. Elle refusait d'inquiéter encore une fois celui qui se tenait en cet instant face à elle. Le médecin lui avait demander de veiller sur lui, de veiller à ce qu'il ne craquer pas après son séjour à l'hôpital, et les efforts qu'il faisait pour ne rien laisser paraître. Comment pouvait-elle honorer cette promesse si elle se retrouvait à l'hôpital, inquiétant Jake au beau milieu de la nuit ?

« Je ne sais plus si ça en vaut la peine... Je suppose qu'à un moment, ça en valait la peine... Mais maintenant... »

Mais se rendre compte de ça était bien beau. La drogue avait été son quotidien pendant des années. Depuis son entrée au lycée. Et la jeune fille était pratiquement à l'université. Pouvait-elle décider du jour au lendemain que cette partie de sa vie était terminée ? Et la peinture ? Peindre était depuis longtemps maintenant synonyme de drogue. Lorsqu'elle était en panne d'inspiration, la jeune fille en consommait, même un petit peu, et recommençait la danse frénétique de son pinceau. Se sevrer était-il annonciateur d'une page blanche millénaire ? C'était bien le seul truc qui pouvait la faire reprendre. Ethel sans peinture n'était rien. Elle avait besoin de créer pour exister, même si elle était la seule à comprendre ce qu'elle couchait sur papier. La rouquine n'était douée en rien d'autre. Elle chantait comme une patate asthmatique, dansait comme un poireau amidonné et écrivait comme un pied gauche aveugle. Certes, elle lisait énormément, malgré ce que les autres pouvaient en penser. Mais pouvoir réciter le Cid ou Don Quichotte n'allait pas la mener bien loin. L'indécis laisse geler sa soupe de l'assiette à la bouche. Et si on lui enlevait la peinture, Ethel n'était qu'une montagne d'indécision et de vallons creux.

La rouquine cligna des yeux. Elle devait extraire les pensées négative. Dans l'instant, Jake était là, lui tenait la main. Et il semblait aussi troublé qu'elle par la situation. Alors la jeune fille se redressa, doucement, et tira avec tendresse sur le bras de son ami pour l'attirer contre elle, et l'enlacer. Un contact qui ne dura que quelques secondes, mais demeurait un exploit extraordinaire pour l'handicapé sociale que représentait Ethel. Au final, elle rompit le contact, sans violence, et éloigna un peu son visage du sien, le regardant dans les yeux.

« Toi, ça va ? »

Changement total de sujet, ouais ouais. Mais au final, elle était plus inquiète pour Jake qu'elle ne l'acceptait. C'était lui qui avait passé de longues journées dans le coma, et des journées d'autant plus longue, éveillé, à l'hôpital. Si tout allait bien, Ethel sortirait dans quelques jours, et ne tirerait pas de vraie séquelle de l'accident qu'elle s'était provoqué à elle-même. Mais Jake ? Supportait-il la greffe ? S'était-il remit ? A voir ses yeux, elle en doutait. Il avait l'air fatigué, et pas seulement parce qu'elle était à l'hôpital. Il semblait y avoir autre chose, quelque chose de plus profond, que le médecin avait prévenu. Et qu'évidemment, il ne dévoilerait pas comme ça.

« J'aurais du passer te voir ces derniers jours, excuse-moi... »

Même si elle ne se pardonnerait pas à elle-même. La vérité était qu'elle n'avait pas eu envie de déranger le jeune homme. Et que surtout, depuis dix jours, elle avait commencé à consommer bien plus que d'habitude. Et ne voulait pas que Jake la voit comme ça. Habituellement, elle consommait régulièrement, mais pas de dose exorbitantes. Depuis peu, si. Sans comprendre vraiment pourquoi, et cela l'avait amenée à l'overdose. Elle avait passé ses nuits à peindre, ses journées à dessiner. Dormant à peine, consommant fébrilement pour tenir la cadence et peindre toujours plus. Mais elle aurait du dire stop, se sevrer, et trouver la force d'aller voir Jake. Elle avait eu peur de déranger, à chaque fois. Et n'ayant pas son numéro, elle ne pouvait l'appeler auparavant pour vérifier qu'elle pouvait passer. La jeune anglaise se disait qu'à présent, il voyait peut-être tous ses anciens amis, son colocataire, et qu'elle était sortie de son esprit. Le voir la ce matin lui montrait qu'encore une fois, elle s'était trompée.

Sujet: Re: Comfortably Numb [Terminé] Lun 16 Sep 2013 - 15:02

Quelques jours plus tôt, il lui avait fait la promesse sous-entendue qu'il n'irait pas chercher plus loin quand il verrait qu'elle éludait les questions ou qu'elle essayait volontairement de changer de sujet. Il savait qu'il lui avait dit qu'il ne ferait plus d'investigations personnelles en tapant là où ça faisait mal. Et, aux vues de l'état de la jeune fille, il était raisonnable qu'il s'en tienne à sa parole. Mais, c'était plus fort que lui, il voulait savoir. Même s'il lui avait dit le contraire, il voulait savoir pourquoi elle avait commencé, pourquoi elle avait recommencé. Depuis quand, avec qui, comment et où. Si ça lui apportait une chose équivalente à la vie qu'elle détruisait petit à petit. Il aurait voulu lui demander tout ça. Et il allait le faire, tant pis pour les grands mots qu'il lui avait dit à sa propre sortie de l'hôpital et tant pis si ça renfermait la gamine un peu dans sa bulle. Parce que, merde ! il était inquiet et il n'arrivait décidemment pas à comprendre pourquoi. Intérieurement, ça le foutait hors de lui, même si, en cet instant, il n'en montrait encore rien, toujours souriant.

Ce n'est pas ça que je retiendrai de toi, tu sais...

Et c'était vrai : J. ne se souviendrait pas de cette position de faiblesse dans laquelle elle se trouvait, pas plus qu'autre chose. Ce n'est pas l'image qui lui viendrait en premier à l'esprit, quand il penserait à la rouquine. Ce n'était pas ça qu'il avait envie de retenir d'elle.

La suite de ce qu'elle lui dit lui fit perdre son sourire qu'il voulait jusque-là rassurant. Un jour, ça en a valu la peine ? Vraiment ? Défoncer son cerveau, niquer ses veines, endormir ses réflexes organiques, neutraliser tout réflexe possible... Ca en valait la peine ? Détruire son corps et, au degré où en était la gamine, sa vie, pour pouvoir planer quelques heures, ça en valait la peine ? Il leva les yeux au ciel, ne cherchant pas à se cacher. Il avait promis de ne pas juger et il ne le faisait pas. Le sentiment qui le submergeait depuis qu'elle avait ouvert les yeux et qu'elle avait commencé à lui parler, c'était l'incompréhension. Une sorte de trou noir dans son esprit qui l'empêchait d'avoir une réponse au déferlement de questions qu'il avalait. Et elle semblait maintenant vouloir les éviter, elle aussi, puisqu'elle détournait le sujet sur J.

Il posa son regard sur elle, gardant le silence, se refusant à répondre à la question qu'elle venait tout juste de lui poser. A ses excuses, il se contenta d'un haussement d'épaule. Finalement, il se releva, pour s'éloigner vers la fenêtre, regardant au-dehors. La ville commençait tout juste à se relever de la catastrophe qu'elle avait subit plus d'un mois auparavant. Même si les travaux de réorganisation avait commencé rapidement, ce n'était que depuis quelques jours que tout semblait reprendre forme. Les rues commençaient même à se repeupler, à redevenir chantante. De ce que les professeurs avaient pu lui dire, quand il les contactait pour prendre ses cours, les étudiants et les lycéens de l'académie étaient de plus en plus nombreux à revenir quotidiennement en cours. Lui y compris. Mais il n'y faisait pas réellement attention. Suivre un cours lui demandait déjà bien trop de concentration pour qu'il se laisse disperser à savoir combien ils étaient à l'école ce matin-même. Il croisa les bras et soupira.

Ca a un lien avec tes parents ? Tu as essayé de noyer ton chagrin dans la drogue, en te disant que ce serait plus simple comme ça ? Si tu te foutais des œillères, tu verrais moins à quel point ils ne t'aiment pas ?

Il fronça les sourcils, son regard à présent attiré par un gamin qui courait dans les bras de son père ou de son oncle, riant aux éclats. Joli portrait, en comparaison avec l'ambiance glaciale qu'il venait de jeter dans la pièce où ils se trouvaient. Il passa une main dans ses cheveux, les nouant en queue de cheval. Il garda la touffe dans une main, cherchant dans sa poche de quoi les attacher. Un élastique plus tard, il se tourna de nouveau vers Ethel, rivant sur elle un regard implacable. Il ne voulait rien laisser paraître : ni déception, ni jugement, ni colère, ni regret... Rien de tout cela, puisque ce n'était toujours aucun de ses sentiments qui l'animait et encore cette incompréhension dérangeante.

Ou c'est parce que, en temps qu'artiste, tu ne vaux rien sans un p'tit shoot ? Tu n'es pas capable de t'exprimer quand tu n'es pas complètement pétée ? Tes dessins et tes peintures ne sont rien tant que tu ne t'es pas enfilé un bon rail ?

Il retourna vers l'entrée de la chambre, fermant complètement la porte et tirant les rideaux, après avoir offert un sourire radieux à l'infirmière, pour qu'elle ne se pose pas de questions. Quand il revint vers la rousse, par contre, c'était de nouveau son air austère qu'il avait peint sur son visage. Il resta debout, près du lit, ne la lâchant plus des yeux.

Ou les deux, sûrement. D'abord tu as voulu traiter le premier mal et puis c'est le second qui t'a fait continuer...

Cette conclusion était pour lui-même, parce qu'ils savaient très bien, l'un comme l'autre, qu'il tapait dans le mille. S'il disait tout ça, c'était uniquement pour que quelqu'un la confronte à ses problèmes, dans un endroit et dans une situation où elle ne pourrait pas les fuir. Ici, il n'y avait pas de drogues et pas d'issues. Et puis, il voulait la faire réagir, il voulait qu'elle le déteste, juste pendant cet instant. Qu'elle lui crache tout à la gueule et il espérait que ça lui foutrait le déclic suffisant pour qu'elle réalise. Qu'elle réalise qu'elle valait bien mieux que ce que tout ça valait ! Alors il prit appui d'un bras sur le lit, se penchant un peu sur elle, noyant son regard dans le sien, essayant de la dissuader de le fuir.

Tu penses sincèrement que c'est en te repoudrant la face que tu pourras ne pas la perdre confrontée au reste du monde ou tu fais semblant d'être conne ?!

A aucun moment il n'avait ne serait-ce qu'hausser le ton. Il avait même été assez doux dans sa façon de parler, un peu comme... S'il la prenait en pitié.

Sujet: Re: Comfortably Numb [Terminé] Mer 2 Oct 2013 - 16:27

En voyant Jake perdre son sourire si vite, la rouquine se dit qu'elle aurait peut-être dû garder cela pour elle. Cacher que oui, à un moment, tout cela en avait valu la peine, parce qu'elle était restée en vie grâce à cela. Vivre grâce à quelque chose qui vous tuait... Voilà une bien belle ironie. Mais au fond d'elle, Ethel avait toujours su que le danger était là, et elle l'embrassait chaque jour, l'accueillait en son sein sans la moindre retenue. Parce que le danger, il la faisait se sentir vivante. Il faisait tomber les barrières et lui permettait d'apprendre ce que jamais elle n'aurait supposé. Alors oui, elle avait fait des erreurs. Mais aux yeux de qui ? D'une autorité obsolète, trop étriqué par les conventions. Ce n'était pas la drogue qui l'avait consumée, c'était la peur du jugement dernier lorsqu'elle avouerait cela. Et ce jugement semblait bien être arrivé, à en voir le ton sévère et sec qu'employait le jeune homme. On avait beau sentir qu'il ne voulait pas donner l'impression de la juger, ses paroles allaient bien trop à l'encontre de ce qu'il avait dit quelques jours auparavant.

Elle soupira, le laissant continuer son sermon, visiblement tant lancé qu'il ne saisissait même pas la limite. Là où il aurait dû s'arrêter. Il ressemblait à présent à tous ces coups de fils maternels, qui viraient au rouge quelques secondes à peine après le premier bip. Des mots forts, mais creux et inutiles. Parce qu'elle ne raisonnait pas comme ça. Elle n'allait pas baisser la tête et dire oui oui. Ou peut-être si, mais simplement pour se débarrasser du moment. Les flammes. Il fallait qu'elle se brûle pour comprendre que le feu était dangereux, qu'elle se noie pour apprendre qu'on ne peut rester sous l'eau à stagner. Elle s'était noyée, brûlée, blessée. Et peu à peu, elle avait apprit. Mais les mots de ses proches, qui se voulaient instigateur de son bien-être n'avait jamais aidé. Ce que prononçait Jake à l'instant ne servait plus à rien. Elle s'était brûlée, ou plutôt, elle avait testé les limites, défoncé les barrières comme un bélier fou. Et s'était blessée. Toutes ces campagnes informatives, ces adultes prévenants n'avait servit à rien. La drogue ne lui apparaissait pas comme un mal, puisqu'elle ne lui en avait jamais fait. Couchée ainsi sur son lit d'hôpital, elle comprenait déjà.

Jake rompait simplement sa promesse, croyant peut-être l'aider, la secouer. Mais on ne secoue pas une huître si on espère voir à l'intérieur. Ou alors il faudra forcer le passage. Et ce n'est jamais bon. Voulait-il la dévorer vivante ? Ouvrir ses entrailles pour découvrir ce qu'il s'y cache, et comprendre. Comprendre. C'était peut-être ça. Il ne comprenait pas tout à fait. Ou alors il croyait trop comprendre, et l'un comme l'autre était nocif. La rouquine regarda Jake, droit dans les yeux. Et sourit, d'un air apaisé.

« Tu sais déjà parfaitement que tout ce que tu dis est vrai. Pourquoi poser encore la question ? »

Pour entendre sûrement un oui Jake, tu as raison. Peut-être pour se rassurer en disant qu'il faisait quelque chose de bien, qu'il essayait de réveiller quelqu'un qui semblait perdue. Mais jamais elle n'avait été perdue. Comme l'a si bien dit un philosophe félin, si on ne sait pas où l'on va, le chemin qu'on prend pour y arriver importe peu. Et c'était exactement ça. La rouquine n'avait jamais eu de ligne de conduite toute tracée. Elle expérimentait, de ci de là , se trompait parfois, voir tombait de haut. Mais elle considérait cela comme une expérience. Cette expérience là aurait pu lui coûter la vie, et lui coûterait certainement assez cher ces prochains jours, elle le sentait rien qu'à la faiblesse de ses bras qui tardaient à bouger quand elle le voulait.

« Tu arrives trop tard, Jake. Avec tes grandes paroles moralisatrices. Mais tu sais quoi ? Je ne regrette pas. Pas la moindre petite chose. »

Elle soupira à nouveau, légèrement triste de ce qui venait de se passer. Elle avait donné sa confiance à un inconnu. Chose qu'elle ne faisait jamais. Elle, qui fuyait tout contact, qu'il soit physique ou non, qui restait toujours sur ses gardes, avait un jour baissé tout ça, et fait confiance à Jake. Et il venait, en quelques phrases mal choisies, de rompre tout ça. Parce qu'il avait prit en cet instant le droit de lui faire du mal. Il n'était pas stupide, il comprenait que ce n'était ni le lieu ni l'instant pour un sermon de ce genre. Mais il venait quand même de le faire. Et avec ça, de perdre ce qu'Ethel lui avait donné trop rapidement.

Son regard alla un instant se perdre contre la fenêtre, refusant de regarder encore Jake. Ce n'était pas de la colère ou de la fuite. Simplement, elle ne voulait plus l'avoir dans son champ de vision une seconde de plus. Aucune haine ou rancœur n'animait son cœur, mais en cet instant elle voulait juste fermer les yeux, et se reposer. Ne plus penser à ce qui venait de se passer. Il était évident que le jeune homme savait où pointer pour faire mal. Mais il ne venait pas seulement de mettre son doigt dessus, il avait également prit un couteau, et enfoncé tout ça jusqu'au fond des entrailles de la jeune fille, comme si cela lui procurait un malin plaisir à voir la figure de quelqu'un qui l'appréciait se décomposer. Et souffrir.

« Tu as fini ? »

Et elle reposa son regard sur Jake. Un regard dur, froid.

Sujet: Re: Comfortably Numb [Terminé] Jeu 3 Oct 2013 - 14:42

Un frisson. Ce fut simplement un léger frisson qui dévala vitesse grand V son échine pour se perdre à la frontière de son jeans, quelques part entre ses reins. A la réponse qui lui fut donnée, il cligna simplement des yeux, une unique fois, unique témoin d'un moindre choc. Lui qui avait voulu déclarer la guerre se retrouvait face à une gamine qui paraissait d'un calme à toute épreuve. C'est cette air qu'elle avait sur le visage qui éclaira instantanément la lanterne de Jake : elle avait fait une overdose. Peut-être que, dans le gymnase, cette tirade lui aurait valu un déferlement de cris et de coups, mais c'était il y a des mois et entre temps elle avait faillit y passer. Le déclic qu'il voulait lui imposer résidait certainement déjà dans cette foutue hospitalisation. Alors, il recula. Sans la quitter des yeux, il se redressa lentement, parut vaciller et transforma cette plausible perte d'équilibre en recul délibéré, faisant un pas en arrière.

Si ces paroles avaient un rôle moralisateur, il était bien le dernier à être au courant. Faire de grand discours pour apprendre la vie à une autre personne n'avait jamais été son truc. Il se foutait bien trop de savoir si les autres en avaient quelque chose à faire et puis surtout il se moquait suffisamment du monde qui l'entourait pour ne pas s'attarder sur le sort de quelqu'un en particulier. Sauf quelques cas d'exception, qui se résumait à trois personnes, dont deux très récentes. L'unique but de son comportement était de comprendre. Quand il remuait un couteau dans une plaie, quand il enfonçait le clou, quand il devenait le fossoyeur qui creuse la tombe de celui qu'il poussait bout, ça avait toujours été pour satisfaire une curiosité personnelle : savoir pourquoi les gens en étaient arrivés là et pourquoi ils étaient ce qu'ils étaient. Leurs motivations, leurs déceptions, leurs rejets, leurs exclusions... Mais jamais il n'avait cherché à leur apporter des réponses à leurs plausibles questions. Pouvoir répondre aux siennes étaient déjà suffisant pour son bien-être.

Elle ne regrettait pas ? Jake cligna de nouveau des yeux, sous une seconde onde de choc. Pour se redonner une certaine contenance, il tourna la tête de côté, regardant un point fixe et invisible qui serait plaqué sur le mur, comme par magie. Il déglutit, réfugia une main dans la poche avant de son jeans, l'autre faisant un rapide détour sur sa cicatrice, la grattant mollement à travers le tissu, pour finalement imiter sa consœur. Il put reporter son attention sur elle quand elle en fit de même et le regard qu'elle posait sur lui entraina un déclic. Les rôles et les tendances s'inversaient et il n'aimait pas ça. Pas du tout. Il la fixa un moment, gardant le silence, puisque la réponse qu'il pouvait donner à sa question lui semblait superflue.

Bien sûr que non, tu le sais bien. Mais puisque tu préfères qu'il en soit ainsi, disons que j'ai fini.

Il tendit les bras, les mains toujours dans les poches, ce qui baissa un peu son jeans et le força à remonter les épaules. Mimique d'enfant qui ne sait plus trop quoi faire, ni quoi dire. La défense typique du "oui, mais..." n'ayant pas sa place ici. Il pinça ses lèvres, inspirant longuement. Le jour où il allait craquer... Il le sentait venir et ce n'était pas un moment aussi lointain, à en croire sa gorge qui se serrait. Il finit par les humecter et son regard se jeta sur la fenêtre, farouche, sans qu'il ne puisse bouger de place.

Tu es visiblement plus forte que ce je pensais.

Il avait tord et il le savait. Il lui mentait et il détestait ça. Il ne quitta pas la fenêtre des yeux, faufilant une main sur sa propre joue, pour finalement la planquer sur sa nuque, douloureuse à avoir dormi assis. Il imposa une nouvelle fois un silence, mais pour la première fois il était mal à l'aise.

Je vais signer tes papiers de sortie.

L'espace d'une seconde, il posa de nouveau son regard sur elle. Il réussit enfin à bouger et se dirigea vers la porte de sortie, ouvrant les rideaux qu'il avait fermé juste avant, prenant soin de ne pas croiser le regard de l'infirmière à son bureau.

Tu sais...

Il hésita un instant, marqua donc un temps de pause et un profond soupir lui échappa finalement. Il eut un rire jaune, un peu nerveux et jeta un regard par-dessus son épaule à la rouquine, sa main cherchant déjà la poignée de la porte.

J'ai juste eu peur. J'ai peut-être plus besoin de toi que l'inverse. Penser que tu aurais pu disparaître m'a fait carrément flipper. Toi, tu ne regrettes peut-être rien de tout ça, mais moi...

Nouveau silence, nouveau soupir, plus bref. Il tourna la tête vers la vitre, commençant à installer son habituel sourire sur ses lèvres, pour effacer l'inquiétude curieuse qui naissait sur le visage de la jeune infirmière. Sourire qui jurait pour la première fois avec ce qu'il ressentait. Il actionna la poignée de la porte, mais ne l'ouvrit pas tout de suite, achevant brièvement son idée dans un murmure :

J'aurais fait quoi, sans toi ?

Il ne lui laissa pas le temps de répondre, ouvrant la porte et s'engouffrant déjà dehors. Il s'arrêta, regarda Ethel et lui sourit, plus sincère, avant de refermer derrière lui. Sans attendre, il se dirigea vers le bureau juste en face, son air le plus naturel sur le visage et signa tous les papiers nécessaires à la sortie de sa sœur, s'engageant à être son garant, pour lui éviter une plausible cure de désintoxication. Son kiné vint à sa rencontre, lui posa quelques questions, se plaignant de ne toujours pas l'avoir vu depuis qu'il était "libre". Jake s'excusa sur le fait qu'il ne pouvait pas rester aujourd'hui et s'étonna que le type lui donne son numéro de portable personnel, réclamant qu'il l'appelle, même juste pour boire un café. En glissant la carte de visite dans la poche arrière de son jeans, il se dirigea vers l'ascenseur, sans avoir accorder un seul regard à la junkie dans son lit. Une fois à l'intérieur, il couvrit ses yeux d'une main et commença à s'auto-flageller en silence, torturant ses pauvres lèvres au passage.

Sujet: Re: Comfortably Numb [Terminé] Jeu 3 Oct 2013 - 20:25

Elle regarda le visage de Jake se transformer en statue de marbre. Et elle partagea son frisson. Mais pour une raison différente. La peur de le voir baisser la tête, ou les épaules, et franchir le seuil de cette pièce sans un mot. Pas parce qu'elle craignait qu'il ne signe pas les papiers. A ce moment là, c'était bien la dernière de ses inquiétudes. Elle se sentait même d'assumer, même si elle savait bien que face au téléphone ou à l'oeil inquisiteur du médecin, elle perdrait toute contenance. Non. Elle craignait qu'il s'en aille, tout simplement. Déçu et ne cherchant même plus à se demander comment elle allait. Au final. A quoi tenaient-ils ? Des ébauches de discussions, toujours à esquiver l'autre. Et pourtant... La rouquine sentait qu'elle tenait à lui. Sans expliquer pourquoi. Ils avaient tissés un lien, lorsqu'elle s'était précipitée pour le voir, embrigadé dans son coma. Mais maintenant qu'il l'avait vue, elle aussi dans un lit, la boucle n'était-elle pas bouclée ? Jake. Reste. S'il te plait. Ces mots, elle ne les formula pas. Elle n'eut même pas la force de parler, baissant la tête lorsqu'il sembla lui ouvrir son cœur, encore une fois. L'instant de force précédent, où elle aurait pu tout assumer, tout expliquer, tout dire, tout comprendre, était passé. Cette conviction était pourtant née, et restait en elle, mais en regardant Jake en cette instant, elle se sentait perdue de cette force.

Mais pourquoi, sentait-elle que le plus mal des deux n'était pas celle qui était couchée sur ce lit ? Planté là comme un bonhomme de bois, où l'on aurait taillé un sourire de faussaire, Jake tentait en vain de faire bonne figure. Ou ne tentait presque plus. Certes, Ethel n'était pas le plus observateur des êtres. Mais elle savait reconnaître une contraction du corps, un pincement des lèvres, une main qui se ferme. Elle ne l'aidait pas. Peut-être même qu'elle l'enfonçait, qu'avec cette histoire d'overdose, elle avait prit un grand marteau et tapé sans relâche sur la tête de Jake, l'enfonçant dans sa propre noirceur encore et encore.

Et il partit. Ethel ne prononça pas un mot, le regardant fermer la porte, fixant cette sortie pendant de longues minutes. Puis elle finit par se mordre la lèvre, échouant son corps sur les oreillers. Et tout doucement, elle ferma les yeux, laissant une larme couler sur sa joue. L'infirmière revint bien vite, et elle observa le brouillard dans lequel cette dernière déambulait et parlait. La rouquine ne saisissait pas tout. Quelques jours. Elle serait libre. Psychologues. Repos. Surveillance ? D'accord.
Cependant, elle se reconnecta immédiatement lorsque l'infirmière, dans son babillage lointain, évoqua son « frère ». Il avait donc signé les papiers. Étrangement, elle ne se sentait que plus mal. Il lui avait offert sa liberté, mais était partit sans lui laisser la chance de dire un mot, bien qu'elle n'aurait probablement rien prononcé de plus. La honte grandit dans le corps malingre de la jeune rousse. Pourquoi lui avoir fait subir ça ? Lui avoir balancé une vérité qui semblait due, alors qu'il ne demandait qu'à comprendre. Elle avait été stupide, tout bonnement.

Elle ferma les yeux, et s'endormit.

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