Moving on

Debout, au milieu de ma chambre. J’éponge la sueur perlant sur mon front. Foutue chaleur. Les rayons du soleil couchant tapent sur la vitre, teintant la pièce d’une lumière orangée. Les vacances d’été viennent de commencer. A quelques mètres de mon lit, ma valise grande ouverte n’attend qu’à être remplie de vêtements qui trônent encore paresseusement de mon armoire.

Je soupire.

Il est déjà plus de vingt heures. Mon estomac gronde car je n’ai pas encore mangé. J’ai faim, mais je ne sais pas si je suis capable d’avaler quoique ce soit. Depuis ce matin, c’est un peu comme si j’avais une boule coincée au fond de ma gorge.

Après une dizaine de minutes de lutte avec moi-même, je parviens à m’extirper du lit et rejoindre le couloir désert. Pas qu’il fut particulièrement animé habituellement, mais je ne peux m’empêcher de le trouver douloureusement vide. En marchant, je passe mes doigts sur le mur, comme pour m’imprégner de la structure de la maison. Je m’arrête un instant devant les escaliers que je descends lentement.

Au rez-de-chaussée, les lumières sont éteintes. Je traverse le salon où seule une boule de poils m’attend sur le canapé. Je souris et m’approche du chat pour le caresser. Aussitôt, Tsuki se met à ronronner, mais il finit lui aussi par s’endormir après quelques gratouilles.

J’arrive dans la cuisine où je me lave rapidement les mains avant de me diriger vers le frigo. Celui-ci ne contient qu’une brique de boisson lactée et deux bouteilles d’eau. Naoko est sans doute partie manger à l’extérieur avec Haru. Etant resté toute la journée dans ma chambre, je n’ai pas vu le temps passer et j’ai raté l’occasion de passer notre dernière soirée ensemble.

Enfin, j’imagine que c’est pas plus mal comme ça.

Je prends mes clés, un peu d’argent liquide et enfile un masque sur mon visage avant de me diriger vers l’extérieur. L’air est encore chaud, mais respirable. Sur ma route, je croise quelques familles se dirigeant vers la ville pour le festival annuel et les feux d’artifice. Je pourrais les suivre pour me remplir le ventre de takoyakis, mais je ne suis pas d’humeur très festive.

Les lampadaires s’allument alors que je ne suis plus qu’à quelques mètres du konbini. Je réponds machinalement d’un signe de tête lorsque le caissier du 7/11 me salue, et me dirige vers le premier frigo où je ne trouve que deux onigiris qui se battent en duel sur l’étalage. Je fais la moue sous mon masque, mais ce n’est pas comme si j’avais le choix.

Une fois passé en caisse, je me retrouve à l’extérieur du magasin sans trop savoir où aller. J’avais tout planifié jusqu’à cet instant, mais que faire désormais. L’idée de passer la soirée tout seul sur le canapé en mangeant des onigiris m’aurait sans doute parue très séduisante un autre soir, mais à cet instant, elle me semble juste déprimante.

Planté au milieu de la rue, je tente de me réfugier sur mon téléphone en essayant de me convaincre que j’ai quelque chose d’intéressant à regarder. Pourtant, je n’y trouve que des stories de mes anciens camarades de classe relatant leurs exploits au festival ou encore des vidéos de leurs super soirées entre amis.
Durant une fraction de seconde, je songe à envoyer un message à Satoshi, mais je me résigne en secouant la tête. Il est sûrement au festival avec Misuzu. Je ne voudrais pas les déranger cette année encore. Et puis, qu’aurais-je à lui dire ?

Mes pas finissent par m’entraîner sur la plage où, pour une fois, il n’y a pas de Beach Party. Je mets une dizaine de minutes à trouver un spot tranquille, près des rochers, où je peux manger sans être dérangé. Je retire mon masque et entame mon premier onigiri à la prune. Il me paraît un peu amer, mais meilleur que ce que je pensais.
Les minutes défilent, se transformant en heure, que je partage en alternant entre divers réseaux sociaux. Puis, soudain, un éclat dans le ciel. Je lève les yeux et aperçois l’explosion de couleurs illuminant la ville. Dès lors, les feux d’artifice s’enchaînent de plus en plus vite, donnant l’impression qu’ils ne s’arrêteront jamais, mais la cadence finit par inévitablement ralentir, jusqu’à nous laisser dans le silence.

Brrr…Brrr
Les vibrations de mon téléphone me font redescendre sur terre.

De : Yuuko Rika
Message : Je viendrai te chercher demain à 9h30. C’est bon pour toi ?

Je grimace en repensant à la valise que je n’ai pas encore faite, et aux cartons remplis de souvenirs que je n’ai pas encore fermés. Mais oui, à part ça, je suis prêt. Je me redresse et m’étire, puis jette un dernier regard en face. De l’autre côté de la rive, les lumières de la ville dégoulinent sur la mer, déformés par la houle et la réfraction.

Mon téléphone encore en main, je n’ai qu’à le déverrouiller pour prendre une photo. Je croyais être prêt.
En admirant le résultat, je me dis qu’il y a des villes dont on ne sait pas si on les aime jusqu’à ce qu’on soit sur le point de les quitter. Je crois que Keimoo en fait partie.