The same old story, the same old song

« Yoi, pas là. Laissez un message. Biiiiip »

« Yosh c’est Wun… Sérieux t’as pas trouvé encore MOINS accueillant comme répondeur ? Enfin on s’en fout…. écoute comme on a été faire tes tests il y a à peu près un an, je me suis dit que ça pourrait être sympa d’aller fêter feu ta grippe intestinale genre… toi, moi, la réceptionniste du labo qui m’adore, au labo justement…. Nan plus sérieusement, je mets tes conseils en application un peu tard… un an plus tard quoi, mais j’aimerais aller faire un test. Du coup ça serait genre… chouette si tu pouvais m’accompagner. Tu m’aideras à remplir le questionnaire comme ça ! Enfin voilà… que tu viennes ou pas, je serai à l’hosto vers 13h. Mais si tu viens pas, y a quand même une forte chance pour que je me dégonfle au dernier moment haha. Voilà, ma vie est entre tes mains… à peu de chose près ! A plus »

Voilà, ça, c’était fait. Le message laissé sur le répondeur de Yoite était un peu fouillis mais c’était la caractéristique de Wun lorsqu’il stressait : il essayait de dissimuler son angoisse sous des couches et des couches d’ironie et de sarcasmes, racontant conneries sur conneries pour cacher le fond du message. Bon, l’idée était quand même probablement passée : il voulait faire un test, il voulait que Yoi l’accompagne. L’ironie du sort voulait que leurs rôles avaient été inversés il y a à peine un an, effectivement. A l’époque, Yoite était le stressé, Wun l’accompagnateur. Depuis, pas mal de choses avaient évolué…

Le choix de Yoi comme accompagnateur s’était fait rapidement. Bien qu’il ait confiance en Kuro, il ne voulait pas faire ce test avec lui. Pas le premier en tout cas. Il ne voulait pas voir sa tête si les résultats étaient mauvais, et il ne voulait pas lui infliger les 2 semaines d’attente dans le stress qu’imposaient ces tests complets –contrairement à ceux de Yoi qui avaient été analysés instantanément. Par la suite, lorsqu’il ferait des tests réguliers, il n’avait aucun souci avec l’idée d’y aller avec son copain, mais pour le tout premier qui suivait des années et des années de comportement à risque, il préférait y aller avec un ami qui avait déjà vécu pareille situation. Yoi était donc le candidat parfait. Bon et puis…  Wun ne comptait pas non 50 amis proches dans son entourage. A part Yoite, Ethan et Kuro, il se voyait mal embarquer quelqu’un d’autre là dedans. Kuro avait été écarté d’entrée de jeu. Quant à Ethan, le bonhomme était tellement surbooké que Wun se voyait mal débarquer dans ses petits sabots pour lui demander de l’accompagner à l’hôpital –c’était censé être lui le ‘grand frère’ dans l’histoire…

A midi et quelques le blondinet avait commencé à rassembler ses affaires pour se mettre sur le départ. Il n’était pas particulièrement ponctuel en général, mais le stress avait un effet remarquable sur lui à ce niveau. Il arriva d’ailleurs beaucoup trop en avance sur le lieu de rendez-vous, mais sans oser entrer dedans dans un premier temps. Il commença par rôder autour du laboratoire de l’hôpital comme un vautour, jusqu’à ce que le froid ait raison de lui  -c’est qu’il faisait bien frais à cette période de l’année. Et comme toujours, Wun surestimait les capacités de sa russerie –le fait d’être russe- face à l’hiver, sortant avec des manteaux rarement suffisamment chaud.

Une fois dans la salle d’attente, il ne put retenir une légère grimace en constatant que la même réceptionniste qu’il y a un an trônait là, l’air à peu près aussi aimable que la dernière fois. Elle ne le reconnut heureusement pas, se contentant de lui donner un formulaire sans aucun commentaire. Le blondinet alla prendre place sur les mêmes places que celles sur lesquelles Yoi et lui s’étaient installés un an plus tôt, commençant distraitement à remplir les champs en attendant que le schtroumpf ne pointe le bout de son nez –en ESPERANT que le schtroumpf allait pointer le bout de son nez. Honnêtement, s’il ne venait pas, Wun n’irait pas foutre un pied dans une salle d’examen. Même s’il savait que tôt ou tard, il allait bien falloir franchir le pas. Depuis l’épisode de Noël avec Kuro, il n’avait pas cessé de se triturer les méninges au sujet des MST et autres trucs sympathiques du genre. Il fallait qu’il clarifie ça, et le plus vite possible.

Il remplit le formulaire tout en jetant des œillades du côté de l’horloge et de l’entrée, surveillant si son ami arrivait ou non.
Il était déjà content que madame la réceptionniste ne l’ait pas reconnu, car il n’avait pas la moindre envie  d’entendre ses commentaires sarcastiques. Il fallait dire que pour le reconnaître, il fallait y aller, tant le Wunjo 2013 ne ressemblait plus au Wunjo 2012. Non seulement ses cheveux avaient retrouvés leur couleur blonde, mais en plus il était passé de squelettique à mince –il fallait dire qu’avec le majordome d’Ethan qui lui refilait beaucoup trop de bouffes il ne pouvait QUE prendre du poids- et c’était sans parler de ses vêtements : la dernière fois, Yoite avait eu l’honneur de le voir dans sa tenue –ridicule- de travail, aujourd’hui, ayant pris un jour de congé, il était en civil : SON jeans, SON pull gris sombre col en V. Et ça ce n’était que parler de l’extérieur. Du reste, Wun avait aussi pas mal changé.

Son regard se posa une nouvelle fois sur l’horloge de la salle d’attente : 13h05, et pas de Yoi. Il sortit son portable de sa poche, inspectant s’il n’avait pas reçu un sms du principal intéressé. Généralement, Yoite était un type sur lequel on pouvait compter, et s’il avait un empêchement pour se rendre à l’hôpital, il lui aurait au moins envoyé un message. Bah. 5 minutes de retard ne voulaient pas nécessairement dire une absence. Patience, il fallait faire preuve de patience. Mais plus le moment fatidique approchait, moins la patience était là. Wunjo n’aurait pas dit non à une boule anti-stress dans l’immédiat. Ses yeux vairons se posèrent sur l’atroce réceptionniste, et il songea que la transformer en punching ball, à défaut, ferait un excellent anti stress aussi. Mais se faire virer d’ici par la sécurité n’était clairement pas dans son intérêt. Même si c’était une excuse commode pour ne pas avoir à faire les tests. Cela dit… une excuse pour qui ? Celui qui voulait vraiment savoir ce qu’il en était, c’était lui, au fond.

Et celui sui se bouffait lamentablement les ongles en fixant désespérément le document à remplir, c'était définitivement lui aussi ....

[Un peu court, je m'y remets petit à petit, et c'est pas simple ^^ MP si doléance !]

En voyant arriver vers lui la silhouette aux cheveux bleus, la démarche assurée, le sourire habituel aux lèvres, Wun fut tenté de se lever et de lui filer un coup de boule. C’était pas permis d’arriver avec l’assurance du conquérant alors que lui-même était au bord de la syncope. Cela dit, comme toujours, la simple vue du bleuet lui tira un sourire en coin malgré sa mauvaise humeur ambiante. Il croisa les bras sur son torse, dévisageant l’arrivant avec un air semi-boudeur, alors qu’il déserrait –enfin- ses dents :

« T’es en r’tard »

Commenta-t-il avec un sourire un brin crispé. Généralement parlant, Wun n’était pas très à cheval sur la ponctualité et donc pas franchement critique vis-à-vis des gens en retard –lui-même étant très loin d’être exemplaire sur le sujet. Mais en l’occurrence, il se rongeait les sangs depuis déjà 20 bonnes minutes, à se demander s’il fallait qu’il attende, qu’il y aille, ou qu’il rentre chez lui. Le blondinet était une boule de stress irradiante, n’importe qui aurait pu le dire au premier coup d’œil. Il regrettait d’ailleurs de ne pas avoir une boule anti stress sous la main. En attendant, c’était sa propre main qui avait morflé, meurtrie par les ongles de sa jumelle qui venaient, se plantaient, griffaient, pour passer le temps et occuper l’esprit.

Au commentaire final de Yoite, Wun produisit un son assez semblable à un grognement, avant de rouler sa feuille et de l’utiliser pour asséner un coup gentillet sur la tête du schtroumpf.

« T’façon, personne va lire ces conneries… »

Du moins, il l’espérait. C’était sans doute lié à son passé, mais Wun n’aimait pas donner des informations sur lui à des inconnus. Et même si, franchement dit, donner son groupe sanguin ne représentait pas une grosse menace pour son identité, le moins il en disait, mieux il se sentait. Bon et puis, il fallait bien l’avouer, au delà de devoir révéler des choses sur lui, c’était surtout la raison pour laquelle il était ici qui lui nouait l’estomac. Il savait qu’une fois les résultats en mains, il serait soulagé. Dans un cas comme dans l’autre. Il valait mieux savoir que douter, même si c’était une mauvaise nouvelle qui l’attendait. Au moins, s’il était positif au test, il pourrait peut être encore faire quelque chose pour limiter les dégats pour lui, et surtout pour Kuro.

Et puisque ce dernier tombait justement dans ses pensées, Wun repensa au commentaire de Yoi –concernant son copain, pas son écriture dégueulasse, et il essaya de contenir le sourire absolument niais qui naissait sur ses lèvres à l’évocation –même pas nominale- de son petit ami. Ce fut un échec cuisant, la seconde qui suivait, le sourire béat avait conquis son visage, lui donnant un air délicieusement stupide.

« Possible, pour le sérieux »

Répondit-il, ce qui, au vue de sa tronche, était un grand ‘oui’. Mais s’il ne contrôlait clairement plus ses expressions, sa langue arrivait toujours à détourner la vérité, sans grande plausibilité ceci dit.

« Ca et le fait qu’on l’a fait sans capote »

Ajouta-t-il, d’un air un peu moins radieux. Non parce que c’était un peu la base de tous ses soucis… Certes, tôt ou tard il aurait fallu faire ce fichu test –déjà parce que bon, les préservatifs, c’est bien sympathique, mais c’est aussi chiants- mais là les festivités de Noël avaient un peu précipité cette nécessité. A y reréfléchir Wun se sentait con de ne pas avoir été plus précautionneux. D’un autre côté, il y a des moments où on a autre chose en tête… Qu’importe, il était trop tard, ce qui était fait était fait. La meilleure chose à faire aujourd’hui était encore ce pour quoi il était venu : faire un test.
Ce n’est qu’en sentant quelques regards se tourner ou se lever vers lui qu’il réalisa qu’il n’avait pas suffisamment baissé le ton. Il fallait dire que depuis qu’il avait débarqué, un silence morbide régnait dans la salle, alors même en chuchotant, sa phrase ne serait sûrement pas passée inaperçu.

Retenant un soupir, il reserra sa main sur son formulaire, froissant la feuille à force de la tordre dans tous les sens, reportant son attention sur Yoite, ignorant leurs voisins indignés. Il ne les reverrait probablement jamais de toute façon.
Promenant son regard bleu sur son ami, il haussa un sourcil suspicieux, penchant la tête sur le côté alors qu’il le dévisageais.

« Tu pourrais au moins faire semblant d’être hyper-inquiet non ? »

ronchonna-t-il, mais c’était plus pour le simple plaisir de râler après Yoi que par réel agacement. D’ailleurs l’ombre de sourire planant sur ses lèvres montrait clairement qu’il n’était pas réellement de mauvais poil. Au contraire, il était plutôt soulagé que cheveux bleus soient venus lui tenir compagnie. Et puis, il fallait bien dire que si Wunjo avait une liste de défauts assez longue, il n’était certainement pas envieux : être aigri parce que ses amis étaient heureux ce n’était pas son genre… Par contre, ça le rendait diablement curieux, ce genre de comportement.

« C’est les bons souvenirs de l’hôpital qui te mettent dans cet état ? Tu irradies la bonne humeur… »

C’était amené avec des gros sabots –la subtilité, Wun, ça ne lui réussissait pas franchement-, mais la question indirecte était là : qu’est-ce qui te met de si bonne humeur ? Pas que le schtroumpf passe sa vie à se lamenter, loin de là, mais le blondinet semblait détecter une jovialité toute particulière chez son ami aujourd’hui. Ce qui avait d’ailleurs le bienfait de lui changer les idées : tant qu’il parlait de ça, il ne parlait pas du test. Et comme Wunjo n’était pas franchement doué pour les conversations de salon, le beau temps, les couleurs des murs, tout ça, il fallait au moins une discussion intéressante pour lui occuper l’esprit.

Il déserra lentement ses doigts, réalisant qu’il avait maltraité la feuille, venant agripper ses doigts sur son jeans cette fois-ci. Il crevait de chaud, tout en réalisant qu’il faisait plutôt frais dans la salle d’attente trop ventilée. Il espérait que Yoite avait une histoire sympa à lui raconter, il en avait franchement besoin là tout de suite. De ça ou d’un verre de vodka. Mais il n’était pas certain que ce dernier soit franchement recommandé avant un test sanguin….

Wun le zieuta alors qu’il qu’il était en train de se recoiffer avec ce petit sourire de celui qui se sent surpuissant, voire invincible.

« Nan. Occuper les stressés comme moi c’est ton boulot mec, pas celui d’une feuille »

Répondit-il du tac au tac, enfonçant son index dans la bidoche de Yoite juste histoire de le rappeler à l’ordre –et de l’embêter, comme toujours. Il avait au moins trois bonnes raisons de le faire : de un, le schtroumpf était en retard, de deux, il était ultra stressé et avait besoin d’évacuer, de trois… qui aime bien châtie bien –excuse facile, mais pratique. Et puis comme ça il arrêterait sa séance coiffure.

Au moins, le sujet suivant, à savoir son copain, lui amena un court réconfort. Mais Yoi ne semblait pas exactement du même avis concernant la vie amoureuse de son pote. Son commentaire lui tira un petit rire, tant il avait l’impression de s’entendre parler il y a quelques années. Il secoua la tête, amusé, l’ombre d’un sourire encore sur ces lèvres.

« Ouais enfin ça va quoi… c’pas comme si j’avais l’anneau autour du doigt non plus ! »

A peine eut-il dit ça qu’il pensa immédiatement à Ethan, fiancé, sur le point de se marier. Rien que d’y songer, il prenait un coup de vieux. Ca arrivait à tout le monde, ce genre de sentiment, lorsque tous vos amis autour de vous commencent à se marier, à avoir des enfants… Mais là, c’était encore différent. Après tout, Ethan était plus jeune que lui, il ne l’aurait pas imaginé marié aussi vite. Qu’il soit casé avant Wun, ça ne le choquait pas, le blondinet ayant longtemps, très longtemps, été un éternel incasable. C’était plus… l’idée de se marier si jeune qui le gênait.
Il hocha la tête, dégageant une mèche blonde de son front et chassant au passage ses pensées, reportant son attention sur cheveux bleus assis comme un sac à côté de lui.

« Sois donc pas jaloux, petit schtroumpf, tu sais que j’ai toujours du temps pour jouer ton conseiller en séduction »

Ajouta-t-il, lui adressant un sourire taquin, presque gentiment moqueur.
Cela dit, humour ou pas humour, Wun grimaça au commentaire suivant de Yoi, manifestant sa contrariété à l’idée se faire remonter les bretelles par son ami, mais il n'objecta pas sur le sujet de sa connerie, puisque c'était somme toute assez vrai.
Il crut cependant intelligent de justifier sa soit disant imprudence :

« C'est plutôt mon ancien comportement qui pose problème, je me tiens à carreau maintenant... Enfin sauf à Noël là… »

Après tout l’erreur était humaine… elle était juste plus embêtante lorsque potentiellement mortelle, on oubliait souvent de le dire. Qu’importe : ce qui était fait était fait, pour sûr après cette épreuve le blondinet ferait attention pour éviter d’avoir à se retrouver dans une situation similaire à l’avenir. Quelque part, se dire qu’il allait peut être payer maintenant pour des années de comportement débile l’ennuyait un peu.

En attendant, rien ne servait de s’inquiéter à outrance ou d’essayer de prévoir le futur, ce dernier viendrait bien assez vite. Le blond décida de détourner le sujet vers quelque chose de plus sympathique, et pour cela il comptait sur l’aide de Yoite. Son petit récit eut le bienfait de ramener un peu de bonne humeur dans l’air et Wun ne put retenir son sourire en voyant son pote l’extravagant exposer son corps portant les restes de sa soirée aux yeux de tous. Y avait pas à dire, niveau absence totale de pudeur ces deux là s'étaient vraiment bien trouvés. Ils pourraient presque faire une compétition. Et comme ils étaient au Japon, il n'en fallait probablement pas plus pour offusquer leurs voisins. Wun était d'ailleurs plutôt surpris que le personnel de l'hôpital ne leur ait pas encore fait de remarque. Ils devaient probablement se dire que jouer la carte de l’ignorance paierait mieux.

La proposition saugrenue de cheveux bleus le ramena à leur conversation et Wun ne put retenir un petit ricanement, et ce malgré le stress qui le rongeait comme un chien affamé.

« Tu partages tes plan cul toi ? Quelle générosité ! Y a pas à dire je sais choisir mes amis ! »

Cela dit, il y a un an à peine, un peu plus maintenant, Wun aurait tout à fait été capable de « prêter » ses aventures d’un soir. Après tout, c’est un peu le principe de l’aventure d’un soir : pas d’attachement affectif, donc aucun problème à ce qu’il aille voir ailleurs –et s’il était un bon coup, pourquoi ne pas passer la bonne adresse aux copains ?
Mais ça, bien sur, c’était avant. Maintenant qu’il était en couple, il était juste hors de question de prêter Kuro à quique ce soit. Depuis qu’il était avec lui, Wunjo s’était découvert un côté jaloux qu’il ne se soupçonnait pas. Il fallait aussi dire qu’il n’avait pas tant l’occasion d’être jaloux avant –à part avec Akim, bien sur.

Mais si on y pensait bien, ce n’était pas a proprement dit Kuro qui avait stoppé sa folie lubrique. Lorsque les deux tourtereaux s’étaient mis en couple, Wunjo avait déjà fait abstinence depuis 6 bon mois –et c’était un véritable exploit pour lui à l’époque. Les deux personnes qui avaient réfreiné ses besoins irrépressibles de luxure n’étaient autre que Yoi lui-même, avec son histoire de test, et Ellen, ou plutôt le départ d’Ellen, qui l’avait plongé dans une dépression dévastatrice –suffisamment dévastatrice pour lui couper toute envie de batifoler, ce qui n’était pas peu dire quand on connaissait l’oiseau.

La voix du schtroumpf le tira de ses considérations et Wun sursauta, le poussant un peu hâtivement pour voir les dégats commis sur sa feuille, soupirant de soulagement en constatant qu’il n’avait pas réellement dessiné de penis sur sa feuille. Attrapant vivement le formulaire, il le roula sur lui-même pour venir asséner un bon coup sur le crâne de Yoi, une nouvelle fois.

« Putain, t’es con ! »

Lâcha-t-il, même si son petit sourire en coin nuançait un peu ses propos. Il coinça le formulaire dans a poche pour freiner les pulsions créatrices de son ami et lâcha un petit soupir.

« J’ai tellement pas envie de le faire »

Confessa-t-il, même s’il n’avait probablement pas besoin de le dire pour que Yoite ne le sache, tant son attitude de gamin capricieux trahissait son ressenti. Au fond, dans cette salle d’attente, pas grand monde ne devait être enchanté de sa présence ici, mais c’était la bonne chose à faire, au fond, il le savait.

« En plus il faudra attendre une dizaine de jours pour les résultats »

Grommela-t-il. Au fond, c’était surtout cette attente, l’attente post-test, l’attente des résultats, qui le terrifiait. Il ne savait même pas comment il allait cohabiter avec Kuro pendant 10 longs jours sans lui cracher le morceau –et il ne voulait pas lui cracher le morceau tant qu’il n’avait pas les résultats, inutile de le faire angoisser lui aussi. Il enviait un peu Yoite dont les résultats du test avaient été immédiats. Mais son test était bien plus complet et demandait donc d’avantages d’analyse qui malheureusement ne pouvaient pas être faites dans l’immédiat. Il lui faudrait donc faire preuve de patience, même si ça n’était clairement pas son fort. Il ne savait même pas ce qu’il pouvait faire pour tuer le temps et s’occuper l’esprit pendant 10 jours. Il était presque tenté d’aller s’enfermer dans un cabanon, loin de tout et tout le monde, et de s’abrutir avec des drogues ou des somnifères pour ne surtout pas avoir à penser. Mais c’était probablement un peu excessif…

« Ca te dit pas un roadtrip de 10 jours non ? »

Ajouta-t-il, préférant le prendre sur le ton de l’humour et de la plaisanterie plutôt que de se lamenter d’avantage sur son sort.
L’idée de se barrer avec juste une voiture –et probablement une bouteille d’alcool pour le chanceux qui ne conduisait pas- était quelque part séduisante, quoique probablement irréalisable. Et pour ce genre d’extravagance, quoi de mieux que l’ami le plus jem’enfoutiste ?

Au fond, c'était par pur hasard que les deux énergumènes avaient fini par être amis. S'ils s'étaient rencontrés dans d'autres circonstances, au fond, il y avait fort à parier qu'ils auraient fini par être des coups d'un soir. En tout cas, Yoi était tout à fait le genre de Wun -si tant est qu'il ait un 'genre'. Ça ne voulait pas dire que l'inverse était vrai mais ça faisait déjà la moitié du boulot. Quoiqu'il en soit, Wun n'avait pas perdu au change : il n'avait jamais vraiment galéré pour se trouver des histoires sans lendemain, alors que des amis... C'était une autre histoire. Ces derniers étaient pour sur plus rares et précieux.

« Monsieur Dan Ebels ? »

Wun redressa le nez à l’entente de son faux patronyme. L’infirmière était venue le chercher pour procéder à la prise de sang. Il se leva, serrant entre ses doigts la feuille d’information. Avant de traîner les pieds comme s’il allait à la potence jusqu’à la demoiselle et de disparaître dans une des salles disponibles, il se retourna vers Yoi, lâchant d’un ton sarcastique :

« Tu viens même pas me tenir la main ? Lâcheur va ! »

Il était vrai que Wunjo n’avait jamais présenté Kuro à ses amis et inversement. Ni son Don Juan ni ses amis ne s’en étaient plaints ouvertement, alors ça ne l’avait pas franchement poussé à organiser une rencontre. Ce n’était pas qu’il avait honte de Kuro ou de Yoite ou d’Ethan, loin de là, le problème était autre : Wun avait peur que par mégarde Yoi ou Ethan ne lâche une information compromettante sur lui. Kuro savait déjà qu’il avait changé de nom et qu’il avait des fréquentations bizarres, mais ses connaissances s’arrêtaient là. Il avait un peu peur que dans le dynamisme de la conversation quelque chose leur échappe. C’était grosso modo ce qui le retenait, mais il savait que tôt ou tard, il allait falloir remédier à cette situation, surtout si les choses devenaient plus sérieuses avec le rouquin.

En attendant, ce n’était pas Yoite qui semblait avoir spécialement foi dans leur couple à en croire par son commentaire sur

« Pas « ce type », Kuro. Et je te rappelle que, contrairement à toi, je commence à me faire vieux, vaut mieux me caser tant que je vaux encore quelque chose sur le marché »

Répliqua-t-il, in sourire accroché aux lèvres, ignorant volontairement ou non l'allusion au fait qu'il ne se voyait pas avec Kuro et sautant directement à l'idée de retourner s'amuser avec Yoi. Évidemment, il plaisantait en disant ceci, mais ce qui était néanmoins vrai, c'était la différence d'âge des deux garçons. Le schtroumpf allait en effet avoir 22 ans en juin, alors que l'aîné courrait sur ses 27 en août. Une bagatelle qui se remarquait parfois tout de même. Pas que Wun ait gagné en sagesse depuis ses 22 ans, mais les années passant le sentiment de "j'ai rien fait de ma vie" se faisait plus oppressant. Le blondinet avait réussi à calmer cette aspiration à l'épanouissement en quittant la mafia et en se trouvant un job. La partie "couple" n'avait pas été planifiée par contre. Après l'histoire avec Ellen le russe était à 2 doigts de renoncer à toute vie sentimentale et à devenir moine. Mais deux doigts étant deux doigts, il ne l'avait pas fait, et maintenant qu'il était avec Kuro, il ne regrettait absolument pas de ne pas être allé s'isoler dans un monastère paumé au milieu de nulle part.

En voyant le schtroumpf passer en mode remontrances, Wun joua la carte « grand sourire de gamin » qui marchait admirablement bien sur la plupart des gens, espérant que ça coupe l’envie à son ami de se la jouer Jiminy Cricket.

« Tu sais j’ai déjà mauvaise conscience, pas besoin de jouer le petit ange sur mon épaule... Surtout que toi un ange.... Humpf aussi »

Déclara-t-il, lui donnant un coup d’épaule amical au passage pour essayer de rétablir un peu de bonne humeur dans les rangs. Rien ne servait de se morfondre tant que les résultats n’étaient pas là. Il serait déjà bien assez temps de tirer une tronche de six pieds d’long si les nouvelles étaient mauvaises.

Plus facile à dire qu’à faire cela dit, et Yoi semblait au fond tout aussi sur les nerfs que le russe lui-même, ou en tout cas c’était ce que son air révolté à l’annonce des 10 jours laissait croire. De manière totalement inattendue, cheveux bleus se mit à bouder,  se contentant de répondre au blondinet par des soupirs agacés. Venant écraser son index dans la joue de Yoite pour le tirer de sa bouderie –drôle de méthode, il fallait bien l’avouer- il esquissa un autre sourire.

« Fais pas cette tête schtroumpfosore, ça va passer vite 10 jours »

Ok, Wun n’en pensait pas un mot. il se voyait déjà se ronger les sangs pendant ces 10 jours, à la limite d'inscrire des petits bâtonnets sur les murs de son appartement en attendant les résultats -cela risquait un peu d'attirer l'attention de ses visiteurs cela dit. Ce qui se résumait plus ou moins à Kuro -qui n'avait toujours pas emménager chez lui- puisque Ethan refusait de mettre les pieds dans le cagibi qui lui faisait office de logement et que Yoi était déjà au courant.

L'infirmière interrompit les réflexions de Wun et les ronchonneries silencieuses de Yoite et le blondinet en profita pour plaisanter à nouveau, ne désespérant pas de dérider le schtroumpf grognon. Il n'était pas sur de comprendre exactement pourquoi des deux c'était cheveux bleus qui semblaient le moins bien gérer l'incertain de la situation mais il n'avait pas du tout envie de soulever un sujet  brûlant aujourd'hui.

Il esquissa un sourire, se retenant presque de rire, en entendant l'atroce surnom, et il se laissa docilement prendre la main, bien trop soulagé que Yoi retrouve son punch habituel.

Arrivé dans la salle de torture, il prit place sur le siège qui lui était destiné, les mains un peu moites, ne lâchant pas pour autant la main de son ami.
Honnêtement, Wun n'avait pas peur de l'intraveineuse en tant que telle, il s'était déjà lui-même fait des intraveineuses. Mais le blond avait ce que n'importe quel psy aurait appelé des "trust issues". Faire l'intra lui même : aucun souci. En revanche, laisser une pure inconnue la lui faire, ça l'angoissait. C'était aussi ça la culture mafieuse : ne compter que sur soi-même, donc se soigner tout seul. Il avait une fois laissé quelqu'un s'occuper de ses blessures, et cet imbécile d'infirmier scolaire l'avait laissé griller sur la plage par temps caniculaire. Des mois après, le blondinet ne lui avait toujours pas pardonné... Après c'était peut être juste leurs tempéraments qui faisaient que dés qu'ils se voyaient -pas si souvent heureusement pour eux-ils avaient une irrésistible envie de se pourrir.

Il leva le nez vers Yoite, refusant de regarder sa torsionaire, forçant un petit sourire. Il lui était reconnaissant de l'avoir accompagné et de lui tenir la main comme on le ferait à un gosse apeuré mais il ne fallait certainement pas compter sur lui pour formuler cette gratitude oralement.

La question de Yoite détourna son attention de la prise de sang et l'infirmière en profita pour planter l'aiguille. Wun sursauta un peu sous la surprise mais ça n'avait pas vraiment fait mal. Restait à remplir les divers tubes de sang, et le blondinet préféra tourner toute son attention vers le rebelle à ses côtés.

« Non, je lui dirai quand j'aurai les résultats. Pas envie de l'inquiéter inutilement pendant 10 jours... J'pensais lui dire que j'avais pas mal de boulot pour éviter de trop le voir... Pour éviter la tentation, comme tu dis »

Répondit-il dans un sourire. D'autant que si lui même pouvait à peu près se contrôler, Kuro, qui ignorait la situation, pouvait bien avoir la très mauvaise idée de le chauffer, et de ce côté là Wun ne faisait pas preuve d'une très grande résistance...

Le temps de dire ça, l'infirmière n'avait toujours pas fini sa besogne, à croire qu'elle comptait le vider de son sang. Penchant la tête sur le cote, un bras immobilisé par la prise de sang l'autre par Yoite, un sourire taquin se dessina sur ses lèvres.

« Tu dis ça pour me consoler de me faire martyriser ou bien t'es sérieux ? Parce que moi je suis carrément partant. »

Demanda-t-il songeant qu'un week-end end entre potes serait VRAIMENT bienvenu. D'autant qu'il n'avait pas pris de réelles vacances depuis l'onsen 1 an plus tôt. A part Noël chez la famille de Kuro mais rencontrer ses parents l'avait tellement stresser qu'il ne s'était pas franchement détendu.

« Voilà c'est fini »

Déclara finalement l'infirmière au moment où elle retirait l'aiguille, collant un petit coton à la place à l'aide d'un sparadrap.

« Vous aurez les résultats dans 10 jours par la poste à l'adresse indiquée sur votre fiche d'informations »

Ce que Wun savait déjà, aussi se contenta-t-il d'hocher la tête en la remerciant du bout des lèvres. En quittant la salle avec Yoite, il aurait aimé se dire que le pire était passé mais il savait que ce n'était pas le cas. Chassant ses idées noires, il se tourna vers son accompagnateur préféré.

« Je sais pas toi, mais moi j'ai la dalle »

En  même temps, c'était une sensation courante après avoir été défaussé de pas mal de sang. Wun ne savait pas si Yoi avait pris le temps de se prendre un petit déj avant de venir, mais lui était prêt à s’enfourguer une platrée de bacon, œufs, fromage, n’importe quoi. De quoi faire exploser son cholestérol, mais avant de se soucier de ce dernier, il attendrait d’avoir déjà les résultats de son test.