Irresistible Lips

- Ah ah ! Je sais pas pourquoi, mais je m'en doutais que ça allait se terminer de cette façon ! C'était vraiment pas mal, Melle Mashimoto !

Depuis plusieurs semaines maintenant, Kim passait beaucoup de temps à la bibliothèque. Il y venait assez tard dans la journée, de façon à être bien tranquille et il en avait profité pour lier connaissance avec sa gérante, Melle Sakura Mashimoto. Une très jolie femme, aussi extravagante que timide malgré tout, elle semblait ne pas se rendre compte de ses atouts. Quoiqu'il en soit, il ne lui parlait pas pour ses formes mais plutôt parce qu'elle était quelqu'un d'exceptionnellement intéressant et elle avait toujours une petite histoire abracadabrante à lui raconter quand il venait. Il se passait tellement de choses à la bibliothèque depuis quelques mois qu'elle ne pouvait pas s'empêcher de les partager avec quelqu'un, et c'était à Kim qu'elle se confiait. Ils étaient devenus bons amis au fil du temps, des heures ensemble et même la barrière personne/étudiant était tombée rapidement. Ils s'appréciaient et se respectaient l'un et l'autre. Pourtant aujourd'hui, les choses semblaient différentes. Même si Kim venait de participer à une franche rigolade quand Melle Mashimoto lui avait raconté qu'un élève avait quasiment été assommé par un bouquin quand une des élèves était venue pour faire sa "punition", il n'avait pas pu s'empêcher de remarquer cette petite lueur de tristesse au fond de ses yeux.
Ils ne se connaissaient pas depuis longtemps, mais Kim savait un peu le genre de femme qu'était sa bibliothécaire préférée, elle était fragile, de façon démesurée, très facile à atteindre moralement et bien qu'elle soit adulte, dans sa tête, elle était restée aussi dépendante qu'une enfant et sa capacité à défendre ses arguments ne faisait pas d'elle un requin lorsqu'elle se retrouvait dans une situation délicate. Elle se faisait manger.

- Est-ce que tout va bien, Mademoiselle ?

Il avait parlé doucement, sans lui mettre la pression. Il ne voulait pas qu'elle se sente bafouée ou pudiquement atteinte, loin de là ses intentions mais il comprenait également quand quelqu'un ne voulait pas parler de ses problèmes personnels. Il en faisait souvent partie de ces gens là même si par moments, ça faisait un bien fou de se confier.
La réponse ne tarda pas à arriver... et en effet, elle n'allait pas bien du tout. Un homme dont elle était apparemment tombée amoureuse, s'était joué d'elle. A bas les clichés mais... une fois de plus. Il passa de l'autre côté de son bureau volontairement impressionnant et ancestral, et vint doucement poser une main sur son épaule. Il l'incita à venir s'asseoir sur une des chaises qui longeait la petite table qui était juste à côté. Il s'assit à côté d'elle directement et lui prit la main pour tenter de lui faire comprendre que si elle voulait se confier, il était là.

Il l'écouta parler, et lui confier ses problèmes pendant près d'une demi-heure et quand elle sécha ses larmes et qu'elle commença à se rendre compte qu'elle venait de raconter sa vie à un étudiant universitaire de 19 ans, elle devint presque aussi rouge qu'une tomate. Kim ne le lui fit pas remarquer, pas besoin de la mettre encore plus mal à l'aise, mais il lâcha sa main et détourna le regard, comme pour la laisser tranquille. Il n'avait pas donné son avis, ce n'était pas à lui de faire ça, il avait juste joué le rôle de l'éponge. Il prenait ses soucis le temps d'un instant, partageant la douleur du fardeau en deux et la rendant plus facile à oublier.
Elle se leva précipitamment, en reniflant fortement et en s'essuyant assez brutalement les yeux avec les paumes de ses mains. Kim se leva lui aussi, doucement, il voyait bien qu'elle serait ravie de rentrer chez elle, même si son 'service' n'était pas terminé.

- Peut-être puis-je t'aider à ranger ces bouquins là ?

Le tutoiement s'était installé naturellement entre eux.
Il désignait une pile immense qui traînait derrière son bureau. Elle sembla ébahie lorsqu'elle se retourna, sûrement parce qu'elle les avait oublié et qu'elle avait soudain vu en eux, une charge de travail supplémentaire. Il lui adressa un sourire compatissant et la rassura en lui disant qu'il pouvait très bien le faire. Il connaissait la bibliothèque sur le bout des doigts à force d'y venir pendant des heures et il savait à peu près où se rangeait ces bouquins. Et puis, au pire, même s'il faisait une erreur, il n'y avait pas mort d'homme. 18h approchant, la probabilité qu'elle accepte de se faire aider devint proportionnelle à son envie de partir et elle acquiesça discrètement.
Kim prit aussitôt une pile de livres et se rua parmi les étagères.
Il l'entendait taper quelques trucs sur ordinateur, comme si elle espérait que ses yeux reprendraient une allure normale si elle s'éloignait de lui. Il devait lui laisser le temps de se rendre compte d'elle-même qu'il ne dirait rien de ce qui venait de se passer. Il savait garder un secret comme personne.

Il grimpa sur une échelle amovible et s'arma à ranger les choses telles qu'il les connaissait. Il prit soin de bien faire son travail, époussetant en même temps le fin linceul gris qui perdait son temps sur le bois joliment usé de ces étagères. Il redescendit de son échelle après avoir placé deux bouquins et s'acharna à tenter de mettre le suivant qu'il avait dans les mains, une sorte de retranscription de l'histoire du Japon vu par un politicien des plus méconnus. Il y avait sûrement autant d'ouvrages inutiles ici que d'utiles mais n'était-ce pas là le principe même d'une bibliothèque ? Il en faut pour tous les goûts.

- Mais bon sang mais !

Il s'exprima en coréen, le naturel revenant au premier plan quand il sortait une phrase avec toute la spontanéité qui s'imposait. Il ne comprenait pas pourquoi ce livre ne voulait pas rentrer là où il devait être. Ça n'avait pas de sens. Il retira les bouquins qui siégeaient tranquillement près de la place vide et c'est là qu'il remarqua que dans le fond, il y avait un autre bouquin, positionné dans le sens inverse des autres mais qui rendait le rangement finalement impossible. Il l'extirpa, soudain curieux. Le livre semblait très abîmé, comme s'il avait été très souvent lu voire transporté. Il laissa tomber son rangement et même la bibliothécaire par la même occasion. Il s'assit à même la moquette, le dos contre l'étagère pour se laisser aller à la contemplation de cette découverte. Le livre portait un nom assez emblématique en soit, qui rappelait beaucoup d'autres œuvres et en même temps ouvrait la porte sur tout autre chose. Il était écrit "Inside" sur la couverture.
Kim l'ouvrit doucement. Il fut tout de suite subjugué par ce qu'il y trouva, il y avait plein d'annotations partout, des notes, des photos flouées. Il lut quelques phrases au hasard et soudain, il comprit.... il venait de tomber sur une sorte de recueil de témoignages anonymes des étudiant(e)s d'ici. C'était comme un secret transmis de classe en classe, de génération en génération, chacun y laissait sa marque de façon énigmatique, comme pour se prouver qu'au fond, à une période de leur vie, ils avaient existé. Il lut à voix haute des passages du fameux livre.

Qui aurait cru ? Faut dire que les différences sautent pas aux yeux mais finalement ... qu'est-ce que ça change ? Juste le fait que j'ai toujours vouloir croire en ... lui.

ou bien encore une autre phrase,

Ridicule ... comme si ça pouvait intéresser quelqu'un. Quand il en aura marre de se faire remarquer (même s'il peut pas vraiment se cacher), peut-être que j'irais lui faire la morale ... histoire de.

La première phrase n'était ni signée, ni illustrée, et elle était même assez incompréhensible du point de vue d'un œil neuf. C'était d'ailleurs sûrement le but recherché. Le petit caillou du petit Poucet. La deuxième par contre semblait avoir été griffonnée par un certain "P". Il serait difficile et même sûrement impossible d'en trouver le propriétaire mais c'était comme un petit indice qui te disait de venir le voir pour en comprendre le contenu.
C'est à ce moment là qu'elle arriva. Bianca le sortit de sa plongée littéraire. Il fut content de la voir, et posa sur elle, un regard chaleureux et ravi. Il lui sourit sincèrement tout en observant la façon dont elle était habillée. Elle était absolument sublime, de plus en plus belle chaque jour. Il posa son regard ailleurs pour ne pas la déstabiliser et lui fit signe de venir près d'elle avec sa main.

- Viens voir ce que j'ai trouvé Bianca. Tu vas pas me croire !

Il lui laissa le temps de s'asseoir près de lui et toussota légèrement de la savoir si près de lui. Il n'y avait sûrement personne d'autre à part eux et la gérante, dans cette immense bibliothèque et finalement, cette petite rencontre tardive avait quelque chose de très romantique, même s'ils se connaissaient depuis plusieurs semaines et qu'ils semblaient avoir dépassé le stade des premières discussions gênantes. Elle restait quelqu'un d'unique à ses yeux et il appréciait toujours de passer un moment avec elle, même si elle prenait rarement le temps de le prévenir à chaque fois qu'elle débarquait. Elle savait toujours où le trouver malgré qu'il ne lui l'ai pas dit et ce petit côté "paparazzi" chez elle, la rendait absolument craquante.

- Regarde ce livre. Ce sont des phrases que des étudiants ont écrit un jour ou l'autre. Ils parlent de ce qu'ils ressentent, de celui ou celle qu'ils aiment. C'est un vrai trésor !

Il se retourna vers elle, tout guilleret. Il savait déjà d'avance que Bianca serait ravie elle aussi de cette découverte. Elle était quelqu'un qui s'intéressait à tout et d'une façon si pleine d'entrain qu'il était impossible de la détester ou de lui en vouloir. Elle respirait la fraîcheur et la gentillesse à des kilomètres. Il n'avait pas rencontré de fille aussi agréable qu'elle depuis qu'il était arrivé au Japon. Elle n'était pas japonaise d'ailleurs, mais française et cette petite différence physique là rendait plus belle que jamais. Kim ne se lassait pas de l'écouter baragouiner dans sa propre langue, c'était un vrai régal pour les oreilles et il aurait vraiment apprécié savoir parler cette langue avec elle. Pour l'instant, il n'avait retenu que le "bonjour" et d'après le rire cristallin que Bianca avait eut ce jour là, il était évident que son accent était exécrable !

Il se concentra de nouveau sur l'instant présent et plongea son regard dans le sien, en mimant un air malin et manipulateur.

- Tu veux écrire quelque chose, toi aussi ?

Fin d’après-midi…
Bianca se hâta dans le dédale des couloirs de l’Université. Elle essayait de ne pas trop se faire remarquer. Le plus difficile n’était pas d’avancer rapidement sur une paire de talons mais de faire le moins de bruit possible. Heureusement à cette heure-ci beaucoup d’élèves étaient déjà chez eux ou dans leurs chambres, le personnel était donc moins vigilant aux allers et venues de ces derniers. Si elle ne voulait croiser personne et surtout ne pas rencontre un surveillant c’est parce qu’elle n’avait rien à faire ici. Pire encore, elle ne portait pas une tenue digne du règlement. En même temps, les chemisiers commençaient un peu à l’oppresser à force d’en porter. Pas mal de choses jouaient en sa défaveur à y repenser. Elle ne voulait pas se faire attraper, n’ayant pas vraiment envie de passer son temps en retenue, après tout elle avait déjà reçu un avertissement par courrier. C’est justement celui-ci qui l’avait poussé à enfreindre quelques règles…


Le début de sa journée débuta tout simplement et banalement par ses cours. Ce matin là, comme beaucoup d’autres elle était venue en bus. Sa matinée se déroula normalement, elle avait suivi tous ses cours. Tous théoriques, ce qui n’était pas toujours sa tasse de thé. Mais elle comprenait qu’elle ne pourrait pas faire du sport h24 et 7 jours sur 7. De plus l’Université préparait les étudiants de ce cursus à divers métiers éventuels autre que le sportif pur et dur. Comme professeur, ou conseiller particulier. C’était une bonne chose même si Bianca avait parfois un peu de mal à tout assimilé. A midi elle sortit de son dernier cours, elle avait choisit de rentrer chez elle plutôt que d’aller manger à la cafétéria. Ayant toute son après-midi de libre, la jeune femme préféra en profiter directement chez elle. La plupart de ses camarades avaient fais le même choix. Elle poussa les portes de l’amphithéâtre et se dirigea vers le hall puis enfin vers la sortie et les grilles du campus de Keimoo.

Elle alla jusqu’aux arrêts de bus qui se trouvaient juste en face et elle se posa sur un banc en attendant celui qu’elle prendrait. Elle chercha dans son sac un ticket qu’elle n’avait pas déjà utilisé avant de prendre des écouteurs et son téléphone. Au bout de dix minutes le bus arriva. Elle grimpa dedans accompagnée de plusieurs personnes. Elle alla s’asseoir côté vitre, le temps passait plus vite quand elle pouvait observer ce qui se tramait dehors. Le bus de 12h23 longeait tout le complexe de Keimoo, puis il filait vers le centre ville avec de nombreux arrêts : Les centres commerciaux, les hôtels, le cinéma et ainsi de suite. Par chance il traversait ensuite le Quartier Hiryuu mais l’arrêt de la Rue de la Chance n’était pas le premier. Ce n’est que vingt minutes plus tard qu’elle se retrouva dans cette rue à marcher vers le numéro 1. Elle rangea son portable et le reste dans son sac avant d’arriver chez elle.

Elle ouvrit le portail, prenant soin de le refermer derrière elle. Bianca entra et fut surprise mais contente d’entendre du bruit, elle retira ses chaussures et passa la tête dans la cuisine. Sa mère était en train de faire la vaisselle, elles se saluaient, la jeune femme allant l’embrasser. Elle prétexta être fatiguée et ne rien vouloir manger. Cependant elle ouvrit discrètement le réfrigérateur, saisissant une canette et une pâtisserie que son père avait préparé qui trainait par là. Elle accourut dans le couloir jusqu’à sa chambre. Sa mère n’était pas particulièrement stricte ou sévère ou du genre manger sain et équilibré mais Bianca suivait un régime bien spécifique à cause de sa pratique du sport à haut niveau. Et ça, ça ennuyait la jeune femme qui était d’une gourmandise singulière. Donc de temps en temps, elle se permettait un petit écart sans prévenir personne. C’était comme quand elle sortait, elle n’avait pas le droit à l’alcool mais elle ne buvait de rare fois. Pour le moment ça ne lui avait jamais fait de tord. Peut être parce que justement elle n’en abusait pas.

Elle mangea, assise à son bureau, le dos callé dans le dossier et ses pieds sur le meuble de bois. Et après ce déjeuner improvisé, elle alla tirer les rideaux et s’affala dans son lit. Sur le ventre, la tête dans l’oreiller, elle s'engouffra alors dans la couette à la manière d’un asticot ou d’un chenille, enfin de quelques choses qui rampait et sans de l’aide de bras. Elle s’endormit quasiment aussitôt. Les heures passaient et finalement elle ouvrit d’elle même les yeux et sortit la tête de son coussin. Elle mit l’une de ses mains sur son front puis cligna un peu des yeux. Elle n’avait pas prévu ça dans son programme, peut être parce qu’elle n’en avait pas vraiment aussi. Bianca regarda l’heure avant d’entendre la voix de sa mère s’adresser à elle depuis l’entrée. Elle se leva sans trop comprendre ce qu’on lui demandait. Pas très bien réveillée encore, elle la rejoignait sans faire d’histoire, juste en passant ses mains dans ses cheveux pour les recoiffer. Sa mère souriait à sa vue puis lui donna une lettre cachetée de l’Université puis elle lui demanda de récupérer sa pile de vêtement sur la table de la salle à manger.

De retour dans sa chambre, les bras pleins de linges surplombés d’une enveloppe, elle se changea avant d’en prendre connaissance. Elle prit le premier habit qui lui tombait sous la main. Une simple robe noire à manches longues, mais très près du corps dont la coupure lisse lui tombait un peu au dessus des genoux. Puis elle prit la lettre entre ses doigts et découvrit son contenu. Elle palissait, elle avait complètement oublié le livre qu’elle avait emprunté à la bibliothèque. La lettre était daté de trois jours, et lui demandait de bien vouloir rapporter le livre dans un délai de deux jours après réception… Soit aujourd’hui. Elle ne soupira même pas, elle prit juste un sac et y jeta son porte-monnaie et son téléphone avant de chercher le bouquin dans toute sa chambre qui n’était pas très bien rangée, tout en se questionnant sur comment cette lettre avait-elle pu se perdre… Une fois trouvée, elle sortit de la pièce et couru dans l’entrée, prenant les premières chaussures qui venaient, mauvaise idée car elle enfila une paire de talons, pas toujours pratique. Elle s’enroula dans une grosse écharpe en laine blanche sagement posée. Elle apposa sa main sur la poignée et ajouta assez fort pour que sa mère entende depuis le salon où elle repassait tranquillement :

« Maman, je retourne à l’Université, je reviens mais je sais pas trop quand ! J’ai mon portable ! »

Sa mère laissa son fer et s’avança vers l’entrée tout en répondant à son tour en français :

« Bianca, Bianca fais moins de bruit s'il te plait, ton père dors… Alors… »

Elle ne prit pas la peine de finir sa phrase en voyant que sa fille avait déjà claqué la porte. Elle ne s’inquiéta pas pour elle mais plus pour son mari qui essayait de se reposer avant de retourner travailler. Il était Boulanger-Pâtissier, avec des horaires difficiles, inversées, comme il partait dans la nuit il dormait dans l’après-midi. Pendant ce temps, Bianca accourait dans les rues pour ne pas louper le dernier bus direct pour l’Université qui passait dans 5 minutes. Elle arriva à temps sac sur l’épaule et manuscrit sous le bras, soulagée bien qu’un peu frigorifiée. Dans la précipitation elle n’avait pas prit son manteau, mais elle se rassura en se disant qu’elle n’avait pas longtemps à passer à l’extérieur…


Fin d’après-midi…
C’est comme ça qu’elle s’était retrouvée ici. La nuit était déjà tombée mais elle était déjà à l’abri de l’obscurité et du froid dans la bibliothèque. Bianca chercha la bibliothécaire du regard, elle était à son bureau. Elle s’approcha puis l’interpella, lui tendit le livre ainsi que la relance. Elle s’excusa à plusieurs reprises de son oubli. La bibliothécaire lui adressa un sourire apaisant, c’était une jolie femme dont la douceur calma l’adolescente, qui signait alors un papier de retour puis qui s’éloigna. Bianca pensait à rentrer chez elle, en faisant un petit détour par les tables de la pièce mais il en fut décidé autrement. Elle se stoppa dans ses pas en sentant un regard sur elle. Curieuse, elle baissa un peu la tête pour en trouver la source. Elle sentit alors son cœur battre dans sa poitrine sous l’emprise de cette rencontre. Elle resta là un instant, laissant un sourire se dessiner sur ses fines lèvres sans même qu’elle ne s’en rendre compte. Il lui fit alors signe de venir jusqu’à lui. Elle s’exécuta dans la seconde qui suivait, sautant sur l’occasion de passer du temps avec lui.

Elle s’avança doucement, puis s’installa en silence près du Coréen. Kim était une personne qu’elle appréciait énormément, même s’ils se connaissaient que depuis quelques semaines. Elle ne savait pas trop pourquoi mais elle aimait être en sa présence. D’ailleurs, elle la cherchait régulièrement mais ils ne se croisaient pas souvent, alors par moment Bianca forçait un peu les choses en allant à sa rencontre. Elle s’était sûrement attachée à lui, voir entichée du jeune homme dont le charme ne la laissait vraiment pas insensible. Si elle ne lui avait jamais avoué directement, elle restait dans la subtilité de ses regards, de ses gestes et ses mots qu’elle avait pour lui. Loin d’être timide ou craintive, elle ne voulait pas précipiter les choses c’est tout. Pour certaines choses, il était préférable de prendre le temps. Elle l’écouta attentivement et détacha enfin ses grands yeux des siens pour se plonger des le recueil qu’il tenait entre ses mains. Elle garda un sourire sur ses lèvres en lisant quelques phrases qui se succédaient sur cette page.

Deux longues mèches ondulées tombaient de part et d’autre de ses joues, c’était rare de la voir avec les cheveux détachés à l’Université puisque le règlement stipulait qu’il fallait les attacher. Ses cheveux avaient une certaine ampleur, du volume dans ses boucles qui tombaient le long de son dos et qui lui donnaient des allures de poupée. Ça lui allait bien, le reste de son visage était également encadré par son écharpe imposante. Elle l’aimait bien, cette écharpe faite de grosses mailles avec ses pompons aux extrémités, dans laquelle elle pouvait se protéger de l’ambiance glaciale hivernale en y enfouissant ses traits. Elle releva la tête quand il l’interpella de nouveau. Savourant une telle proximité, elle le laissa plonger dans son regard, observant l’étincelle malicieuse qui grandissait dans ses prunelles. Bianca ria légèrement, il ne fallait pas oublier qu’il était dans une bibliothèque, puis haussa les épaules en ajoutant :

« Pourquoi pas oui. Mais je n’ai rien pour écrire. »

Elle laissa ses iris glisser le long des courbes du jeune homme et remarqua rapidement qu’à part des livres, il n’y avait pas grand-chose d’autres autour d’eux. Pas de sac de cours à l’horizon, pas de trousse nomade non plus. Elle poursuivit, amusée :

« Visiblement, toi non plus. Mais je peux me tromper..»



Spoiler:

Chacune des phrases sur ce bouquin semblaient avoir été écrites part une personne différente, et au vu de l'usure du bouquin, certaines devaient être apposées sur ces pages depuis des années même s'il avait sûrement dû passer de main en main depuis plusieurs générations.
Kim avait l'impression d'avoir mis la main sur quelque chose d'unique, de secret et de particulièrement intriguant. Sur le coup, même si Banca s'y intéressait également, elle n'avait pas l'air de se rendre compte de sa valeur ou de son contenu. C'était là tout le patrimoine académique des étudiants avant eux, ça valait de l'or ! Il parcouru encore quelques pages et s'attarda sur une phrase qui lui sautait aux yeux.

J'suis homo... Putain, j'suis homo...

C'était une sorte de journal intime public. Il avait cette particularité rassurante d'être anonyme, personne ne pouvait réellement savoir qui avait écrit ces phrases. Il n'y avait ni date, ni signature en général et c'était justement ce qui le rendait si mystérieux et frustrant.
Peut-être que plusieurs personnes avaient trouvé là le seul moyen d'exprimer certaines de leurs émotions qui leur était impossible de révéler au grand jour.

Au haussement d'épaules de sa demoiselle, il fut gentiment contrarié et afficha un air faussement déçu. Elle ne semblait pas partager son excitation et il avait bien du mal à comprendre pourquoi, puisque lui, il se retenait de ne pas lire ce livre du début à la fin. Il baissa la tête et répondit, en tentant une approche de psychologie inversée...

- Boh... si tu n'as pas envie, faut pas te forcer, hein. Et puis, à la base, c'est anonyme, je ne devrais pas savoir qui l'écrit.

Il espérait qu'elle changerait d'avis en croyant l'avoir un peu vexé. Elle était tellement conciliante et à l'écoute des autres, qu'elle se ferait sûrement avoir. Ou alors, elle jouerait à son jeu et lui renverrait la balle jusqu'à l'épuisement.

- En tout cas, moi je vais écrire quelque chose !

Il avait dit cette phrase d'une façon tellement spontanée, qu'il avait sûrement parlé un peu trop fort dans la bibliothèque, qui était actuellement silencieuse comme la mort. Mais peu importe, la gérante ne lui dirait rien, elle l'appréciait trop pour ça, et elle devait sûrement avoir autre chose en tête à ce moment là, de toute façon.
Il regarda vite fait autour de lui pour constater à son tour qu'il n'avait effectivement, absolument rien pour écrire. Ce n'était pas dans son habitude de venir étudier ici sans prendre ses affaires, mais cette fois-ci, il avait oublié. Peut-être pensait-il à autre chose, ou alors il avait prévu de venir uniquement pour discuter, il ne s'en rappelait plus et ça ne l'interpella pas spécialement longtemps.

Il posa le journal sur les jambes fines et blanches de Bianca et se releva avec facilité, en lui adressant un sourire de complicité.

- Ça va s'arranger, bouge pas, je reviens !

Il laissa Bianca entre les étagères, entourée de bouquins poussiéreux et tous plus inintéressants les uns que les autres, aux yeux de la plupart des pensionnaires. Il se dirigea vers le bureau de la gérante, elle était toujours là mais elle s'apprêtait à partir. Il demanda poliment s'ils devaient faire pareil de leur côté, mais elle assura que non, en prétextant qu'elle lui faisait totalement confiance et que de toute façon, elle pouvait partir tranquille en laissant la porte ouverte derrière elle, parce que c'était bien le dernier endroit qui serait braqué par des étudiants ici. Il s'amusa de sa remarque et lui souhaita bonne soirée, en espérant qu'elle se remette de ses émotions.
Il la regarda fermer la porte derrière elle, et s'acharna à trouver de quoi écrire. Il n'y avait pas grand chose sur le bureau à part une montagne de paperasses et de cartes de prêt. Il tenta d'ouvrir plusieurs tiroirs mais ils étaient fermés à clef, alors il fouilla dans les étagères derrière lui et il trouva enfin de quoi écrire. Un crayon à papier. La mine était franchement abîmée mais ça lui suffirait pour gribouiller quelque chose de lisible.

Il se retourna un peu brusquement pour revenir vers Bianca, et dans la précipitation, il fit tomber toute une pile de papiers qui traînait là sur le côté du bureau. Elle n'était vraiment pas dans son assiette Mademoiselle Mashimoto, ce n'était pas du tout son genre de partir en n'ayant rien rangé. Il était encore bon pour tout ramasser. Il porta le crayon à sa bouche en le mordillant légèrement et ramassa les feuilles blanches parterre.
Inconsciemment, ses yeux volèrent quelques mots au passage, des bribes, des extraits. Incompréhensibles, pour la plupart, ils avaient surtout lien avec de la littérature et des informations sur les prêts des livres en cours. Mais un des papiers attira son attention. C'était une feuille qui avait été imprimée, et dessus, on pouvait lire une sorte de conversation Internet entre deux personnes, au moins. Il s'attarda quelques instants dessus, puis il releva la tête, un peu gêné. C'était une conversation assez personnelle, qui n'avait franchement rien à faire ici. Il ne savait pas qui étaient les deux personnes concernées mais il était clair que ce papier n'aurait pas dû se trouver ici. Il le plia en plusieurs morceaux et se flagella intérieurement d'avoir -malgré lui- fouiné dans les affaires de la bibliothécaire.

Il glissa le papier dans sa poche et retourna l'air de rien, crayon entre les dents, vers Bianca qui l'attendait patiemment. Il retira le crayon de sa bouche et se rassit près d'elle, frôlant son visage avec ses cheveux, involontairement.

- Désolé, j'ai traîné, j'ai fais tomber plein de feuilles ! Voilà, j'ai un crayon !

Il le montra, tout fier. Il se mit alors à réfléchir à ce qu'il pourrait écrire. Et pourquoi pas ne pas profiter de cette occasion pour tenter d'impressionner son amie avec des mots français ?
Il ne savait pas les prononcer mais il les avait vu écrits, et c'était très facile pour lui de les retranscrire. Il continua de faire mine de réfléchir et après avoir attendu quelques instants, il lui adressa un sourire carnassier et malicieux et il reprit le cahier sur ses jambes pour écrire quelque chose, tout en lui cachant ce qu'il faisait pour qu'elle ait une surprise plus importante.

Quelques secondes plus tard, il le lui rendait, avec une tête qui en disait long. Il avait l'attitude du gars qui avait fait une bêtise ou qui avait écrit quelque chose de comique. Lui qui venait de dire que ça aurait dû être anonyme, il remettait en cause directement le "pouvoir" du journal, et il l'utilisait pour s'amuser. Diantre... où était le mal ?
Sur le bouquin, Bianca pouvait lire : Tu es vraiment très jolie.

Il attendait avec impatience qu'elle réagisse à ce qu'il avait écrit. Il aurait aimé voir sa peau blanche devenir rouge de plaisir et de gêne. Il jouait avec elle, il usait de son charme pour la rendre plus fragile, mais aussi plus naturelle. Depuis qu'ils se connaissaient, il n'avait jamais pu l'impressionner, ou la "dominer", elle était toujours au courant, toujours là avant lui, toujours de meilleure humeur que lui. Elle était très difficile à déstabiliser, et pourtant il avait essayé ! Sans forcément se rendre compte de ce qu'il pouvait provoquer chez elle, d'ailleurs...

- A ton tour ? demanda-t-il, avec une moue de bisounours qu'elle ne pourrait pas refuser sous peine de le vexer éternellement. Il lui tendit le crayon en espérant qu'elle le prendrait avec entrain. Oh merde, j'ai mordu dedans, c'est vrai !

Il essuya le crayon pour la forme et le lui tendit de nouveau. Il croisa ses deux mains entre ses jambes, assis en tailleur et il attendit. Finalement... à cet instant, c'était le seul à être un peu déstabilisé.

Ses yeux s’étaient lentement détachés des traits du Coréen. Bianca regardait sagement le livre qu’il tenait entre ses mains. Elle l’observa longuement, si d’apparence sa couverture se fondait parfaitement parmi les autres livres, elle remarqua qu’il était tout de même un peu usé. Conséquence possible de son épaisseur qui attirait les plus curieux, de son contenu que plusieurs personnes sollicitaient. Effet du temps qui passait, et qu’à son fil chacun y ajoutait ces mots. Elle le trouvait de plus en plus intéressant. Poussée par sa curiosité, l’envie de découvrir. Elle se demanda à la vue de toutes ses pages, quelles motivations pouvait-on avoir à écrire dans ce livre ? Pour quelles raisons finalement ? Ce manuscrit ressemblait à une sorte de journal intime c’est vrai. Elle faisait rapidement le rapprochement, sauf que ce dernier serait public et surtout collectif sur fond anonyme. En même temps cela lui aurait semblé malsain de lire un journal signé qui aurait été personnel pour une personne qui n’aurait jamais voulu qu’on tombe dessus. La jeune femme n’avait jamais tenu ce genre de livre à confessions.

Cependant en parcourant ces phrases, elle comprenait qu’on puisse vouloir s’y révéler. Son attention pour le livre était telle qu’elle ne vit pas l’air faiblement contrarié de Kim à la suite, de ce qu’elle avait pu lui dire concernant une éventualité d’y annoter quelque chose sur son papier. Elle releva la tête lorsqu’il s’adressa à elle. Soudain elle trouvait qu’il semblait un peu frustré. Peut être par son comportement léger comparé à l’intérêt qu’il portait à ce qu’il avait trouvé. Même si elle était toute aussi intéressée que lui mais avec plus de réserve l’idée qu’elle puisse le décevoir la gêna. Elle culpabilisa sans même se douter qu’il s’agissait de l’effet recherché et qu’il avait pu la manipuler avec autant de facilité. Bianca figea son regard à hauteur de ses beaux yeux foncés, sans pouvoir ajouter quoi que ce soit, elle se mordit légèrement la lèvre inférieure. Elle chercha un moyen de se rattraper mais il ne lui laissa pas le temps de rebondir à sa rhétorique. En vérité, elle n’avait pas encore réfléchit à ce qu’elle aurait pu avouer sur feuille. Mais elle allait devoir s’y confronter vu la détermination de son interlocuteur.

Pas le temps de lui formuler une potentielle réponse, il avait reprit la parole. L’informant qu’il était bien résolu à écrire quelque chose contrairement à son indécision. Pas le temps de se demander ce qu’il allait écrire, il lui laissa le livre sur les bras. Enfin plutôt sur ses jambes croisées l’une sur l’autre sur toute la longueur de l’allée, entre deux rayons de bibliothèque. Elle le contempla, le regardant faire bien silencieusement. Elle se perdit dans son sourire, qui l’amusait à cet instant. Son naturel et sa spontanéité lui plaisaient énormément. Mais il la laissa simplement là, entourée de livres et encadrée par le bois où ils étaient disposés. Seule, mais pour combien de temps ? Il était parti dans une direction qui lui était inconnue. Il avait complétement disparu de son champs de vision et elle n’entendait même plus ses pas qui s’étaient éloignés petit à petit. Elle se doutait qu’il l’avait quitté pour aller chercher de quoi écrire. Peut être que son sac était posé sur l’une de table d’étude qui se trouvait de l’autre côté de la pièce. Ou alors il allait peut être l’emprunter à la bibliothécaire qui semblait faire des heures supplémentaires. Elle avait été surprise de la trouver à cette heure, assez tardive quand même.

Maintenant elle avait tout le loisir de se pencher sur le livre qui la couvrait. Sans trop se soucier de ce que Kim pouvait faire, elle espérait juste qu’il revienne bientôt vers sa personne. Elle tourna une première page et laissa ses prunelles glisser sur les différentes écritures. Elle semblait comme absorbée par ce qu’elle découvrait, faisait abstraction de tout ce qui pouvait se passer autour d’elle. Les sons parvenaient difficilement à ses oreilles, vu qu’elle n’y prêtait aucune attention. Elle posa ses mains sur le livre et continua sa lecture, baissant sa tête vers l’ouvrage. Ses cheveux tombaient de part et d’autre de ses joues et ondulaient le long de son buste, ses mèches les encadraient tous les deux, les coupant de l’extérieur. Il y avait un peu de tout niveau révélations, bien que le thème des sentiments revenaient souvent. Certaines choses étaient écrites avec souplesse, d’autre avec gravité. Le tout était écrit en japonais, elle n’était pas encore tombée sur une calligraphie occidentale. Elle fronça doucement les sourcils devant un paragraphe relatant un amour à sens unique. Elle ne savait pas si cela fut écrit par une jeune femme ou un jeune homme. Elle retrouva la même écriture à la page qui suivait.

Cette fois-ci, il était sujet de tromperie. Tout cela, laissa la française perplexe. Elle se redressa et replaça sa frange du bout des doigts. Cela lui faisait réfléchir à sa propre situation, se posant la question sincère de ses sentiments profonds, de ce qu’elle pouvait réellement ressentir. Bianca fut tiré de ses pensées par le retour de Kim. Il accourut jusqu’à elle puis il se rassit à ses côtés, la frôlant sans même le faire exprès. Elle sentit un frisson la traverser, la sillonnant sur toute la longueur de son dos. Il lui expliqua pourquoi il avait mit autant de temps, il avait fait tomber des feuilles. Elle ne voyait pas de quoi il parlait, mais il l’amusa. Il lui montrait aussi fièrement le crayon qu’il avait déniché. Elle lui souriait une nouvelle fois. Kim fit mine de réfléchir, qu’allait-il écrire ? Elle ne le quitta pas du regard, le jeune homme lui reprit alors le cahier. Le replaçant sur ses jambes et le calant sûrement pour pouvoir écrire. Il semblait avoir trouver et il se voila désormais comme pour lui cacher ce qu’il allait faire. Après quelques secondes, il reporta son regard et ses gestes vers la jeune femme.

Kim lui redonna le livre, elle prit le temps de l’observer, lui et son petit air espiègle, amusé de la situation. Il semblait même attendre quelque chose. Finalement Bianca détacha ses yeux de ses courbes et lu ce qui était écrit sur une page auparavant vide. Elle fut agréablement surprise de voir dans un premier temps une écriture qui lui était familière, loin de tous ces symboles orientaux. Elle ne lui connaissait pas ce talent, cette faculté à écrire en Français. Kim était parfois étonnant, un fin sourire se dessina sur ses lèvres alors qu’elle s’attardait sur ce qu’il avait noté. Son sourire grandissant, elle lui jeta un regard malicieux. Il lui fit une petite moue, à laquelle elle ne pourrait pas rien refuser. Alors qu’elle allait saisir le crayon qu’il lui tendait, il le lui reprit en ajoutant qu’il l’avait mordillé. Il l’essuya, histoire de dire qu’il l’avait fait, mais elle n’était pas sûre que ça changeait grand chose, elle laissa échapper un rire d’entres ses lèvres tout en l’observant faire, soucieux. La jeune femme prenait donc le crayon et ajouta :

« Bien sur que je vais écrire quelque chose ! »

Phrase pleine d’entrain, même si elle ne savait pas trop quoi y mettre. Elle le scruta, il paraissait tout sage ainsi, assis en tailleur et ses mains sur ses jambes. Elle lui demanda, sans pour autant avoir l’espoir de gagner un peu de temps :

« J’ignorais que tu savais écrire en Français. Où as-tu appris ? »

Elle était curieuse de savoir d’où il tirait son apprentissage de la langue. Mais Bianca ne revenait pas de suite sur ce qu’il avait écrit car elle ne voulait pas se montrer déstabiliser ou en état de faiblesse, même si elle craquait totalement pour lui, elle se contenait. Loin d’être impolie, elle le remercia comme il se devait :

« Et merci pour le compliment. »

Ses yeux la trahissaient peut être à cet instant, elle resta là immobile, à figer son regard dans le sien pour presque y plonger. Elle sentait son cœur battre plus rapidement dans sa poitrine, avant même de se mettre à rougir, elle tourna la tête. Se replongeant dans le livre, qui pour le coup lui rendait bien service. Elle le remonta un peu et posa l’extrémité du crayon sur la page du manuscrit, la mine prête à marquer le papier. Mais pour le moment, elle réfléchissait... Devrait-elle se montrer aussi joueuse que lui ?

Comme si le temps s'était arrêté lorsqu'elle lui avait assuré qu'elle écrirait quelque chose, Kim restait là, immobile et impassible, à contempler son amie qui se tenait juste à côté de lui. Son regard se perdait sur son visage si délicieux et ses courbes si finement dessinées et discrètes, elle semblait plus fragile encore qu'une feuille de papier et pourtant telle qu'il la connaissait, il savait qu'elle n'était pas la dernière à rendre les coups, façon de parler. Elle était forte, bien plus forte que lui peut-être par moments bien qu'il mettait énormément du sien pour pouvoir gérer certaines personnes de son entourage.

En pensant ça, son esprit divagua vers Ethan.... Aah Ethan. Un beau salopard. Voilà ce que ressentait sincèrement Kim s'il devait résumer son ami. La route sinueuse qu'ils avaient emprunté tous les deux pour devenir plus proches avait été parsemée d'embûches et vraiment, il avait semblé difficile parfois -voire impossible- d'imaginer qu'ils auraient réussi à s'entendre. Bien que leurs niveaux intellectuels étaient à peu près équivalents, ils avaient tous les deux une façon tellement opposée de gérer leur vie et même de la vivre que Kim n'avait pas pu s'empêcher à plusieurs reprises de rappeler à son ami qu'il était insouciant, loin d'être délicat, et même beaucoup trop flambeur. Il prenait trop les choses à la légère... ça lui jouerait des tours.

Kim était quelqu'un de beaucoup plus posé, il aimait s'amuser, certes, Ô certes mais pas si ça impliquait de créer un fossé entre lui et quelqu'un d'autre ou même de démontrer à quel point, il était riche ou intelligent. Il n'aimait pas se sentir obligé de prouver quelque chose. Les gens devaient l'accepter tel qu'il était puisque lui faisait pareil de son côté.
Et certaines personnes comme Bianca provoquaient chez lui, -bien au-delà d'un simple intérêt physique-, une réaction chimique inattendue qui le berçait de douces illusions avant d'avoir des réponses concrètes. C'était un sentiment pareil à une passion dévorante. Chaque jour qui passait la rendait plus belle intérieurement à ses yeux, elle s'épanouissait, elle grandissait, se livrait et se cachait tout en même temp, contrôlant précisément la dose d'elle-même qu'elle souhaitait lui transmettre.
Il savait ce qu'il ressentait vis à vis d'elle, à ce moment précis mais n'était-ce pas dû à la magie des lieux ? De cette intimité sur commande qui s'était installée pour eux ?

Ses lèvres bougeaient lentement alors qu'elle se demandait comment il avait apprit le français, il était heureux de l'avoir impressionné, il sentait son égo se gonfler un peu plus sans prendre la grosse tête, il était juste heureux d'avoir réussi là où il avait laissé des plumes auparavant.
Bianca était un vrai défi pour lui et il s'amusait à dépasser ses limites pour lui plaire.
La partie était-elle gagnée depuis longtemps, cependant ?
Pas forcément... il en parlait pas là d'amour mais bien de désir de plaire et d'être estimé pour sa personne.

Leurs regards restèrent longtemps l'un dans l'autre sans qu'aucun des deux ne parle. La tension était à son maximum et quelque chose d'électrique s'était installé là, sans prévenir. Il avait vu cette petite étincelle dans ses yeux qui l'avait intrigué.
Il y avait... un petit truc. Mais avant même qu'il puisse mettre le doigt dessus, elle tourna la tête, elle semblait gênée. Il s'en amusa en souriant discrètement. L'idée n'était pas de la blesser, mais bien de... la rendre folle...de lui ? Peut-être.

Il détourna également le regard pour lui laisser le temps de reprendre ses esprits et de respirer un peu. Il croisa les mains derrière sa tête pour remettre ses idées en place afin de lui répondre. Elle le faisait remonter un peu loin dans son parcours, là...

- Mmh le français ? Je ne l'ai pas vraiment appris en fait ; sinon je saurais l'écrire, mais je t'entends souvent le parler, tu sais Bianca... malgré toi, je pense. Quand tu te cognes, quand tu es agacée, ou que tu te sens seule, ta langue te revient naturellement. C'est vraiment adorable cette façon que tu as de prononcer cette partie si unique de toi. Je pourrais t'écouter toute la journée !

Il se mit à rire, parfois quand il s'entendait parler, il était absolument cucu-la-praline. Sa gentillesse accouplée à sa générosité lui avait parfois fait perdre un peu de virilité aux yeux de ses camarades de classe masculins mais il savait se rattraper en sport ou même en leur racontant des blagues un peu coquines. Il ne se permettait pas de se composer une personnalité pour plaire aux autres mais il souhaitait seulement un juste milieu.
La multitude de jeunes demoiselles qui s'étaient retrouvées à son bras témoignait aussi de sa virilité, et peut-être aussi de son côté léger, par moments alors qu'il n'en était rien.
Il n'était pas tombé amoureux à chaque fois, bien sûr que non puisque la plupart des petites amies qu'il avait eu, s'étaient arrangées pour tirer leur épingle du jeu. La côte de Kim était en hausse et sortir avec lui -et même seulement s'afficher avec lui- suffisait à certaines pour se composer un nouveau cercles d'ami(e)s. Cercle pas forcément basé sur la confiance et la vérité mais c'était pas ce qu'elles recherchaient.

Certaines avaient peut-être été sérieuses mais là, c'est lui qui avait merdé... à chaque fois. Il ne savait pas s'il était prêt à s'attacher, à s'impliquer ou pas. Du coup, pour éviter de répondre à la question, il mettait tout ça de côté... petite amie, comprise. Et régulièrement, la fille en question, délaissée, s'en allait tête haute.
Il n'était un gentleman qu'à 50%. Sans pour autant être un sale con le reste du temps. Il était juste un peu maladroit, ou distant... volontairement.

- Ne te cache pas de moi, Bianca...

Sa main s'était redressée pour se porter près du visage de Bianca. Il n'avait pas été brusque, il avait juste glisser ses doigts le long de ses cheveux pour les mettre derrière son oreille. Il voulait la voir, la contempler, bien qu'elle ne le souhaitait peut-être pas à ce moment là, mais c'est justement dans les moments où on est déstabilisés qu'on est si magnifiques.
Il n'avait pas envie de remettre sa main près de lui. Cette tendresse rendait accroc et il avait envie de caresser son visage, sa peau si blanche mais si follement attirante. Il passa sa langue sur ses lèvres pour les hydrater un peu, il sentait les battements de son coeur s'accélérer au fur et à mesure des pensées qui s'insinuaient en lui. Il imaginait plusieurs scènes, et dans son esprit il laissait libre cours à ses pulsions.
Il passa sa main doucement au niveau de son menton pour tourner son visage vers lui, son pouce glissa le long de sa lèvre inférieure, elle était telle une poupée de porcelaine et il se demandait s'il avait le droit de s'imposer à elle, comme il le faisait. Il avait envie de l'embrasser, bien qu'il ne le voyait que comme une amie habituellement et qu'il n'était même pas sûr de répondre à ses attentes.... qu'il ignorait d'ailleurs.

Il plongea son regard dans le sien, espérant y trouver la réponse qu'il cherchait, mais Bianca semblait totalement déconnectée. Sûrement inquiète et peut-être effrayée. S'il le brusquait, la perdrait-il ? Il ne voulait pas... elle l'intéressait, elle lui plaisait, il s'amusait avec elle, il aimait passer du temps en sa compagnie. Prendre le risque de tenter une nouvelle expérience plus intime avec elle en valait-il le coup ?
Quoiqu'il en soit, c'était trop tard. Avec ce geste sur sa lèvre, il avait été trop loin pour que tout redevienne comme avant, entre eux. Mais il préférait qu'elle décide d'elle-même. Il ne ferait pas quelque chose qu'il pourrait trop regretter par la suite.

Il se racla la gorge en même temps qu'il laissa son visage à l'abandon en ramenant sa main auprès de lui. Il se sentait un peu coupable à cet instant. Il n'aurait pas dû faire ça.

- Excuse-moi, Bianca. Je... je sais pas vraiment pourquoi j'ai fais ça. Enfin... je sais pas si je veux le savoir...

Ou comment casser l'ambiance...
Finalement, rien ne s'était passé comme prévu. Il n'avait pas terminé son explication mais l'un comme l'autre étaient largement passés à autre chose depuis le temps.
Il sentait l'adrénaline retomber en même temps que son corps devenait froid. Il espérait qu'elle prendrait clairement les choses en main pour chasser cette gêne. Maintenant, à voir si elle décidait de se retirer ou de s'imposer à son tour...
L'un comme l'autre, il se laisserait sûrement faire...

Vraiment ?

Bianca était sortie de l’étreinte qu’elle partageait avec le livre qui dissimulait une partie de ses traits. Sans pour autant se tourner vers Kim, elle releva délicatement la tête, inspirant longuement. Ses yeux bruns roulaient discrètement vers le jeune homme qui s’adressait à elle. Il lui apporta une explication à sa question. Elle fut surprise de sa réponse dans un premier temps, elle ne s’attendait pas vraiment à ces mots. Mais dans l’instant suivant elle trouvait ça assez cohérent et logique. La jeune femme était tout de même étonnée de cette faculté qu’il avait eue, Kim était quelqu’un d’attentif. C’était plaisant de savoir qu’il l’écoutait réellement, tout comme le fait qu’il lui porte cette attention. Elle ne s’en était jamais rendue compte jusqu’à présent. Cependant cette phrase souleva quelque chose d’autre en elle. Elle n’avait pas conscience d’avoir pu autant parler français en sa compagnie. Elle se replongea dans ses souvenirs, essayant de se remémorer bien des moments qu’ils avaient passés ensembles. Elle ne pouvait pas trop s’y attarder, car elle ne voulait pas laisser Kim de côté et paraitre un peu trop dans les nuages. Dans le fil de ses pensées, elle n’avait pu que constater sa spontanéité.

Heureusement Kim trouvait ça, adorable allant même jusqu’à lui dire qu’il pourrait l’écouter toute la journée. Ce qui la fit sourire, elle était rassurée de voir que cela n’avait pas eu d’effet négatif entre eux. En même temps Kim n’était pas du genre à se laisser aller dans l’incompréhension, il était même passer outre pour apprendre quelques petites choses, c’était un bon début. Après tout cela aurait pu agacer, de l’entendre baragouiner en français par instants qui avec le temps étaient de moins en moins nombreux. Pouvait-on vraiment lui reprocher ça ? Elle n’en était pas sûre, après tout, elle était arrivée au Japon depuis peu, tellement peu par rapport à la France qui l’avait vu grandir. Si elle arrivait cependant à gérer en japonais, c’est vrai que le naturel revenait au galop, trop vite face à certaines situations. C’était toujours plus simple, cette facilité à s’exprimer dans sa langue maternelle au lieu de chercher comment formuler son ressenti dans une langue qui vous était étrangère jusqu’à présent. Peut-être qu’elle avait aussi peur d’oublier. Oublier d’où elle venait, son pays natal et son dialecte. Quand cela lui traversa l’esprit, elle trouva ça idiot, vraiment stupide. Non, ce genre de choses ne s’effaçait pas comme ça. Elle ferma les yeux et laissa sa tête basculer sur le bois d’une des nombreuses étagères qui meublaient la bibliothèque et qui supportaient une masse importante de manuscrit.

C’est fou tout ce qui peut vous passer par la tête en quelques secondes. Elle ouvrit doucement les yeux, restant dans cette position. Enfin, avant que Kim l’interpelle, en entendant sa voix parvienne jusqu’à elle. Bianca se tourna instantanément vers lui, son prénom animant les lèvres du Coréen dans un ton particulier. Au même moment, elle sentit ses doigts se faufiler dans sa chevelure, pour replacer l’une de ses mèches derrière son oreille. Son cœur manqua d’un premier battement devant une telle proximité qui commençait à s’installer entre eux. Un peu déstabilisée, elle était restée immobile, tout semblait s’être figé autour de leurs personnes, comme si le temps ne s’écoulait plus dans son sablier. Mais ce n’est que quand il passa sa main délicatement sous son menton pour relever un peu plus ses traits et qu’il emprisonna son visage de ses doigts, qu’elle comprit sa faiblesse et l’ampleur de l’emprise qu’il pouvait avoir sur sa personne. Son pouce glissa doucement sur sa lèvre inférieure, elle ne le quitta pas du regard, ses yeux de biche qui se perdaient. Elle avait l’impression que son sang bouillonnait de l’intérieur, une montagne de scénario s’esquissaient face à cette scène digne d’un beau tableau, ou d’un cadre de cinéma. La beauté des lieux, l’ambiance de l’endroit y était surement aussi pour quelque chose.

Il l’avait prit de court, par surprise. Kim était vraiment mais alors vraiment imprévisible, plus ça allait et plus il la surprenait. Une chance quand son cœur de sportive ne la lâche pas face à ces émotions fortes, elle était entrainée à supporter l’adrénaline mais il l’avait fragilisé, tellement docile entre ses doigts, une véritable poupée de chaire. Bianca se perdait dans ses sentiments, pour tout dire, elle hésitait. La jeune femme ne savait plus ce qu’elle désirait. Elle ne doutait pas de ce qu’elle pouvait ressentir pour Kim, mais elle ne savait pas si c’était réciproque, elle était confronté au pire scénario, une vérité à double tranchant. Prendre le risque d’aller plus loin sans possibilité d’un retour ? Ils étaient bien ainsi, mais ne serait-ce pas encore mieux s’ils poussaient un peu plus leur relation ? Finalement, c’est lui qui entreprit de faire machine arrière. Il se détacha de ses courbes, elle était un peu déçue c’est vrai qu’il ne soit pas aller au bout de son geste, mais elle le comprenait. Il s’excusa, essayant plus ou moins de se justifier sans pour autant y arriver. Bianca soupira légèrement, reprenant plus sa respiration qu’autre chose. Elle se replaça contre le bois massif, imposant et solide, tout ce qu’elle pouvait être en temps normal. Mais elle se reprenait vite, en voyant un écart se creuser entre eux, ce qu’elle redoutait par dessus tout. La gêne qui s’immisçait petit à petit, elle voulait arrêter ça avant que ça devienne vraiment catastrophique.

Bon, maintenant il fallait trouver quelque chose à faire, histoire de reprendre tout en main. Que devait-elle faire ? Qu’allait-elle faire ? Il fallait qu’elle se décide, que choisir… Elle aurait pu lui sauter au cou, passer ses doigts sur sa nuque, l’attirer vers son corps, l’embrasser en laissant ses ongles manucurés frôler sa peau. Elle eue un frisson mais elle trouvait cette option peut-être un peu trop directe et précipité pour Kim. C’était risqué d’agir ainsi mais ça lui ressemblait. Elle se rapprocha de lui, s’y collant presque. Non pas dans le but de le mettre mal à l’aise avec ce qui c’était passé, mais elle lui donna un petit coup d’épaule dans le bras, histoire qu’il se ressaisisse en ajoutant, un sourire sur sa petite bouche :

« Aller, c’est bon. Te mets pas dans des états pareils pour ça. »

Casser ce silence qui devenait pesant avait été une excellente idée et elle s’en félicita intérieurement. Pour la suite, le livre qu’elle avait sur les genoux la guida. Si elle voulait mettre les choses au clair entre eux, elle devrait le faire avec délicatesse, tact et ruse. Comme ils avaient l’habitude de jouer et de s’en amuser.

« J’ai une idée ! »

Elle se parlait plus pour elle même mais elle espérait aussi piquer la curiosité et l’intérêt de Kim. D’ailleurs sans même voir si ce dernier la suivait dans son plan, elle poursuivait :

« Je vais écrire quelque chose dans le livre... »

Ce qu’elle fit en même temps que son monologue, bien sûr en cachant ce qu’elle marquait au jeune homme. C’était trop facile sinon.

« ...Maintenant, je vais aller le cacher. Et tu vas devoir le retrouver pour savoir ce que j’y ai noté. »

Il ne résisterait pas, enfin c’est ce qu’elle souhaitait sinon tout allait tomber à l’eau. Mais elle saurait faire preuve de patience pour arriver à ses fins. Bianca ne lui laissa même pas le temps de lui répondre, d’exprimer un refus ou de rentrer dans son jeu. Elle se leva et prit le livre entre ses bras et avança dans l’allée de la bibliothèque où ils trouvaient. Toute sa silhouette se mouvait agilement, ses cheveux cascadaient aux creux de ses reins, se soulevant sous ses pas. Elle s’arrêta à l’un des nombreux carrefours de bouquins. La jeune femme se tourna qu’à deux tiers vers Kim, le recueil serré contre sa poitrine. Son sourire s’était étendu sur ses lèvres fines, et son regard malicieux le surplombait. Son allure était sensuelle, espiègle et elle s’amusa à lui lancer :

« Enfin ce n’est pas comme si je te laissais le choix. »

Elle ria légèrement avant de disparaître de son champ de vision, s’aventurant de le dédale des rayons de la bibliothèque. Tout en s’éloignait de lui, elle rajouta quelque chose à voix assez haute pour qu’il puisse l’entendre et qui sait, suivre sa trace :

« Mais je te promets d’être bonne joueuse et de te donner des indices. »

Maintenant, il ne restait plus qu’à voir s’il accepterait cette invitation..

Un sourire soulagé et vraiment amusé se dessina sur les lèvres de Kim quand elle lui lança une boutade sur son attitude. Oui il était gêné, vraiment. Il avait surtout eut peur de la froisser, voire de perdre un peu de cette amitié particulière qu'il y'avait entre eux. Tout à fait le genre d'amitié qui menait droit à une relation plus intime mais tant que c'était pas fait, le doute d'un refus ne pouvait s'effacer et c'était ça qui rendait le tout encore plus excitant.
Il sentit un lourd fardeau se retirer de ses épaules, quand il vit son amie reprendre le contrôle et relancer le dialogue. Il était comme bloqué, dans son cercle de complexité, toujours à peser le pour et le contre de ses idées et de ses actions avant de prendre une décision. Il ne faisait que rarement les choses juste parce qu'il en avait envie, il les faisait parce que c'était nécessaire ou utile. Sa vie ressemblait bien plus à une longue quête plutôt qu'à parcours tranquille.

Il vit Bianca prendre complètement les rennes de la situation et engager elle-même un petit jeu. Il se sentit regonflé à bloc par cette attitude et même particulièrement friand de ce genre de petite chasse... parce que bien évidemment il allait jouer, mais il n'était pas dit qu'il chercherait seulement le précieux manuscrit.
Il se leva de toute sa hauteur, prenant le temps de remettre sa chemise en ordre et de se frotter les mains l'une contre l'autre pour chasser la désagréable impression de moquette sur ses doigts.

- Je suis vraiment curieux de savoir ce que tu as bien pu écrire, tu sais Bianca...

Il ne la voyait déjà plus mais il entendait son rire cristallin et ses pas parmi les différents rayons. Le problème de cette Académie, c'était qu'elle était huppée et plutôt immense... les rayons étaient interminables et il mettrait une éternité à retrouver ce bouquin s'il le cherchait sérieusement.
Il opta pour une autre solution. Il chercherait Bianca, la trouverait et la ferait parler en usant de ses charmes.
Il secoua la tête en masquant son sourire... Ses pulsions commençaient à le trahir, et la réaction qu'elle avait eu tout à l'heure avant que sa main ne quitte son visage l'avait plutôt conforté dans la direction à prendre. Il lui plaisait.

- Bien, commençons par un indice, tu veux bien ? Mmh par exemple... dans quel rayon... parce que y'en a des dizaines !

En disant ça, il commença à marcher, un peu désorienté. Il ne savait plus du tout où elle pouvait être, et même s'il connaissait cet endroit comme sa poche, il était un peu déboussolé. Il parcourut les rayons à la verticale, histoire de couvrir plus de terrains. Il n'entendait plus de bruit, peut-être s'était-elle arrêtée ? Il en doutait... La connaissant, elle devait être en train de l'épier d'un regard malicieux, prête à bondir sur lui pour lui foutre la trouille de sa vie. Sauf que... dans une chasse, il y'a toujours un chasseur et une proie... mais qui avait dit que Kim serait la proie ?

- Vraiment, tu ne veux pas m'aider ? Je suis complètement perdu, Bianca !

Il entra dans l'un des rayons où elle n'était pas, et s'appliqua à faire de moins en moins de bruit lui aussi, il marchait à pas feutrés et veillait bien à regarder partout autour de lui. La bibliothèque semblait vide de toute âme, son coeur se remit à prendre un peu de vitesse, il s'y prenait facilement à ce genre de jeu.

Il traversa rayon par rayon, s'attendant toujours à tomber sur une Bianca occupée à regarder au travers des bouquins pour l'apercevoir.
Ce n'est que lorsqu'il atteignit le rayon des civilisations étrangères qu'il aperçut un bout de sa robe noire. Il arrivait derrière elle.
Il se stoppa un instant, l'excitation de la victoire était si forte que sa concentration en prenait un coup et il avait peur de faire un faux pas, ou une petite exclamation qui le trahirait. Il souffla quelques instants, et se promit de l'attraper tout en douceur pour ne pas la faire mourir d'une crise cardiaque dans ses bras. La pose serait romantique mais le drame trop présent. Ses mains étaient légèrement moites et un léger mal de crâne vint toquer à son front, il avait mit trop d'énergie à lui courir après, mais il ne regrettait rien.

Il avança doucement, tout doucement reluquant avec malice ses mollets fins et si blancs, remontant au niveau du derrière de ses genoux, puis passant sur sa robe noire, longeant sensuellement la courbe de ses fesses, jusqu'aux hanches, puis son dos chatouillé de son énorme écharpe blanche et de ses cheveux si doux. Il se trouvait juste derrière elle maintenant, et franchement, il ne savait pas comment s'y prendre pour ne pas la faire hurler de frayeur. Il devait faire vite, mais pas brutalement. Il avait envie de toussoter pour se donner une contenance mais ça gâcherait tout. Aussi, il se jeta à l'eau espérant ne pas être trop maladroit. Il se rapprocha au maximum d'elle sans la toucher et utilisa sa main gauche pour lui attraper le bras gauche et la retourner vers lui.

- J'ai pas trouvé le bouquin, mais je crois que j'ai trouvé mieux !

Il la retourna complètement pour la coller contre l'étagère derrière elle et se coller à elle pour la bloquer, sans réaliser tout de suite qu'il les mettait dans une situation encore plus délicate que tout à l'heure.
Il affichait un sourire de vainqueur, si content de lui qu'il mériterait de tomber à la renverse pour dégonfler ce petit ego qui prenait un peu trop de place.

- Excuse-moi si je t'ai fais peur, Bianca, je... et c'est à ce moment là, lorsqu'il chercha son regard qu'il se rendit compte à quel point il était près d'elle. Il stoppa net son discours ; là il ne contrôlait plus rien du tout. Son cœur manqua un battement lui aussi, et il perdit son sourire. L'inquiétude et le stress s'était emparé de son visage. Puis, brusquement, il se détendit. Il réalisa.

Elle lui plaisait.

Il était content d'être dans cette position avec elle, il était ravi de pouvoir détailler les moindres parcelles de son visage, content de sentir son souffle sur sa peau et son corps presque plaqué sur le sien, il était conscient que son regard ne cillait pas lorsqu'il le plongeait dans le sien. Il avait comprit. Il lâcha les bras de sa dulcinée, qu'il tenait sans force pour la bloquer, et sa main vint de nouveau récupérer l'étreinte qu'il avait rompu tout à l'heure, sa joue. Il accentua sa caresse avec plus de tendresse que précédemment, dans ce silence romantique. Tout son corps se rapprocha encore d'elle, leurs visages n'étaient plus qu'à une dizaine de centimètres, et c'était les plus durs à franchir. Il savait que c'était trop tard de toute façon, il avait été trop tactile, trop démonstratif pour pouvoir dire qu'elle ne "représentait" rien pour lui, alors quoiqu'il fasse, il devait le faire, point.

Il chercha une dernière fois dans son regard s'il y détectait de la peur, ou du doute mais il n'en vit pas, ou alors il ne sut pas le lire.
Il esquissa un léger sourire, sachant déjà ce qui allait se passer, et puis il pencha sa tête vers elle, doucement, tout doucement, jusqu'à ne plus pouvoir distinguer son visage, il ferma les yeux et parcourut les derniers centimètres qui le séparait de sa chair.
Lorsqu'il posa ses lèvres sur les siennes, il regretta de ne pas l'avoir fait plus tôt. Elles étaient douces comme des draps de soie. Le contact lui administra une dose colossale de frisson dans tout le corps, c'était bien plus qu'un simple baiser, c'était du désir refoulé, une véritable excitation. Son autre main profita de cette étreinte pour se glisser dans son dos, pudiquement. Il ne la forçait pas, il ne faisait que la rapprocher de lui, encore et encore, comme s'il voulait qu'elle se fonde en lui pour ne plus jamais cesser ce baiser.
Il sentit une chaleur sur ses joues, et son souffle devint plus rauque. Il manquait légèrement d'air, il n'avait guère le choix de tout arrêter.

Il décolla ses lèvres de celles de Bianca, mais ne s'éloigna pas trop de son visage, il voulait tellement qu'elle reste près de lui qu'il lui était difficile de reculer. Au fond, il avait un peu peur qu'elle ne soit pas du même avis que lui, alors il retardait l'échéance autant que possible. Il frotta tendrement sa joue contre la sienne avant d'assumer ses choix et de reculer doucement. Les contours de son visage furent de nouveaux visibles alors il s'arrêta. Son regard cherchait à s'enfuir au début mais il prit son courage à deux mains et la fixa. Il ne voulait pas la mettre mal à l'aise, alors il esquissa un sourire à demi-moqueur et à demi-gêné. Ils avaient le don de tout tourner à la dérision tous les deux, mais était-ce vraiment la solution cette fois-ci ?

- Et maintenant, j'ai le droit de savoir ce que tu as écris dans le bouquin ?

Il sourit sincèrement, tentant de lui faire comprendre que si elle ne souhaitait pas continuer sur ce terrain là avec lui, elle n'aurait qu'à poursuivre la blague et il oublierait... enfin en théorie.
Après tout, c'était tout le contraire de ce qu'il avait en tête en ce moment...

Kim avait la très nette impression d'être complètement fiévreux. Une chaleur constante qui partait du bas de son ventre et qui remontait son corps pour finir sur son visage. Il n'avait pas la peau qui rougissait facilement sinon il serait sûrement écarlate avec toute cette pression qu'il s'était lui-même imposée. Le contact charnel était rompu mais un autre lien s'était tissé entre eux. Bianca acceptait ce que lui offrait Kim.

Désormais... ils sortaient ensemble.

Au début, il eut du mal à s'empêcher de penser qu'il avait encore une autre petite amie et qu'il se ferait charrier comme pour les autres mais Bianca c'était différent, elle était la seule qui représentait vraiment quelque chose pour lui parce qu'elle n'avait rien demandé. Les autres femmes avaient été très claires dans leurs intentions à son égard, et soit elles avaient supplié Kim de leur accorder un rendez-vous, soit elles avaient prit l'initiative de le mettre dans leur lit pour les plus échaudées. Mais c'était le coréen qui avait embrassé Bianca et pas l'inverse, et pour la première fois, il sentait qu'il y'avait quelque chose de différent. Il ressentait un petit pincement au coeur lorsqu'il posait ses yeux sur ses lèvres, ou que ses doigts s'entremêlaient dans ses cheveux. Il la désirait, à cet instant précis. Cette pulsion animale et si libératrice.

Bianca fut touchante dans sa réaction. Sa gestuelle parlait pour elle, elle était heureuse et comblée si Kim comprenait bien. Pas gênée par la proximité qui s'était installée, la demoiselle en profitait même pour toucher son dos de ses doigts, accentuant la pulsion de Kim à l'allonger parterre sur la moquette pour la faire sienne. Mais il n'aurait jamais fait une chose pareille. Il n'était pas du genre à penser qu'une relation sérieuse ne commence pas par une coucherie du premier soir, il en avait déjà fait l'expérience alors il n'avait pas trop d'objections à passer à l'étape suivante mais ce n'était pas du tout intime comme endroit et il aurait surtout l'impression de n'être qu'une bête qui ne sait pas se retenir. Il se concentra intérieurement pour chasser ses pensées malsaines mais logiques et se laissa aller à un sourire quand Bianca le tira un peu en avant pour qu'il se rapproche d'elle, du haut de sa tour.

Il allait lui répondre qu'il y'avait sûrement mieux à faire là tout de suite que de chercher le bouquin mais c'est à cet instant qu'un bruit retentit dans la bibliothèque. Un bruit sourd. Soit quelque chose était tombé, soit quelqu'un venait d'entrer ou de fermer la porte à clef ? Kim ne possédait pas le double des clefs, mais Melle Mashimoto lui avait assuré de partir quand il voulait en laissant la porte ouverte derrière lui... avait-elle changé d'avis, ou alors c'était toute autre chose ? Une femme de ménage ? Un couple d'amoureux transi... again ?

Il roula des yeux à la nouvelle question de Bianca et se mordit un peu la lèvre comme s'il avait quelque chose à se reprocher.

- Plus ou moins oui. La bibliothécaire m'a autorisé à rester parce qu'elle sait que j'aime cet endroit mais ça n'a rien d'une autorisation officielle.

Il avait chuchoté comme un gamin prit en faute. Il n'aurait pas aimé être prit en flagrant délit de câlin par un surveillant. L'Académie devait être quasiment vide maintenant, et il était clair qu'ils ne devraient plus être là. Il jeta un oeil distrait à son montre qui affichait plus de 19h et pencha la tête sur le côté pour tenter d'apercevoir quelque chose au niveau du couloir des différents rayons. Il ne voyait personne mais ça ne signifiait pas non plus qu'ils étaient encore seuls.

Il reporta son attention sur Bianca et gigota un peu ses doigts entortillés avec ceux de sa nouvelle petite compagne. Il sourit et effleura son front de ses lèvres. Il ferma les yeux et descendit machinalement, emporté par la passion toute dévorante qui l'animait désormais. Il embrassa son front d'un vrai baiser, puis il laissa glisser ses lèvres sur ses paupières, passant sur sa joue gauche en feignant de s'y arrêter mais sans jamais le faire pour revenir attraper avidement sa bouche si attirante. Il scella de nouveau leurs lèvres et s'adonna à un baiser plus langoureux que le premier. Mêlant sa langue à celle de Bianca, il lâcha ses doigts pour venir mettre sa main droite derrière sa nuque. Même leurs genoux s'entrelaçaient maintenant comme s'ils ne voulaient pas être en reste au moment du câlin. Il cessa un instant le baiser comme pour mieux le recommencer, saupoudrant ses lèvres roses de plusieurs baisers humides.
Il sentit une légère décharge électrique dans son bas-ventre et il comprit qu'il devait arrêter là. Une petite bosse enfla dans son jean mais avec un peu de chance, Bianca ne remarquerait rien. Il stoppa une nouvelle fois le baiser, définitivement cette fois. Il était essoufflé, mais ravi.

- Excuse-moi... je... mmh... je pense qu'on devrait y aller. Il est tard, tes parents vont sûrement s'inquiéter.

Il esquissa un nouveau sourire et déposa un dernier baiser surtout attentionné sur les lèvres de Bianca. Il reprit sa main dans la sienne et l'entraîna hors du rayon. Il avait complètement oublié le livre mystérieux et ce que Bianca y avait écrit mais n'était-ce pas là le but de ce précieux manuscrit ? Des confessions intimes, oubliées sur le moment et retrouvées une génération plus tard par des inconnus avides de secrets et de révélations.
Ils ne croisèrent personne dans la bibliothèque, quelque chose était sûrement tombé tout à l'heure mais ça avait sonné l'heure du départ. Il questionna Bianca sur sa présence ici, si elle était prête à partir, puis ils sortirent ensemble de la bibliothèque, fermant la lourde porte derrière eux pour éviter toute intrusion malveillante. Si Kim avait oublié quelque chose, il pourrait sûrement venir le chercher le lendemain. Il repensa que du coup, il n'avait pas fini de ranger les bouquins dont il avait prit la charge mais il savait qu'elle ne lui dirait rien. Il repensa aux conversations internet qu'il avait trouvé et il s'inquiéta de savoir s'il devrait lui en parler le lendemain.

Une petite pression involontaire de Bianca sur ses doigts le fit revenir à la réalité. Il était déjà en train de reproduire le même schéma alors il se secoua légèrement et lui accorda 100% de son attention.

- Ça m'a fait plaisir de te voir aujourd'hui, vraiment. Je vais te raccompagner chez toi, mais d'abord... je vais passer par ma chambre, viens !

Il entraîna Bianca de sa puissance masculine vers l'escalier qui menait au dortoir universitaire. Ils croisèrent quelques étudiants qui leur accordèrent à peine un regard. Le secret de leur petite aventure dans la bibliothèque était à eux, et le monde reprenait son cours, offrant une nouvelle idylle dont personne ne se souciait, enfin presque personne. Ethan serait sûrement curieux de tout savoir, fouine comme il était.
Ils arrivèrent au deuxième étage et Kim se rapprocha de sa chambre, la n°205. Il passa sa carte magnétique et la porte émit un clic très reconnaissable. Il aperçut Aleksi juste avant d'entrer dans sa chambre. Il était au même étage que lui, et représentait le calme à l'état pur. Ils se saluèrent. Il fit entrer Bianca et referma derrière elle pour être tranquilles.

- Ne te méprends pas, je suis juste venu chercher un manteau pour te raccompagner chez toi. Si t'attrapais froid, je me ferais descendre par tes parents.

Il se laissa aller à rire, la pression était redescendue en flèche et Bianca l'avait toujours mit très à l'aise alors ils retrouveraient sûrement très facilement cette complicité qu'ils avaient.
Il mit son manteau kaki sans le fermer. Une sorte de veste légère avec des poches un peu partout, remonta le col derrière pour le style et tendit une veste en jean à Bianca. Elle allait sûrement être trop grande pour elle mais c'était ça le plus marrant. Il fit gentiment le tour du propriétaire. C'était simplet et rempli de bouquins pour ses études. Cette chambre représentait bien sa personnalité. Pas forcément bien rangée mais à part un ordinateur portable en veille, aucun loisir ne transparaissait ici. Il l'invita à ressortir pour prendre la route de la maison de ses parents.

Ils quittèrent l'Académie. Il se fichait de l'heure puisqu'il savait qu'il pouvait y revenir quand il voulait, et au pire son appartement n'était pas très loin de l'Université.
Alors qu'ils marchaient en silence depuis quelques instants, Kim sortit une main de la poche de son jean et se tapa la tête.

- Ça y est, je sais ce que tu avais écris ! Tu souhaitais que je te raccompagne chez toi parce que tu as très peur dans le noir !

Il fit une grande enjambée, dépassant facilement la petite française sans mal et se retourna, pour marcher à reculons sur le bitume désert. Il affichait un sourire ravi. Sa veste flottait au vent alors qu'il profitait, insouciant, de cet instant, particulier.

- Pas de problème, je t'accompagnerais quand tu veux, peureuse !

Il espérait presque la rassurer un peu. Lui faire comprendre qu'il ne changerait pas d'avis demain sur ce qui s'était passé tout à l'heure. Il savait que Bianca le connaissait depuis un petit moment et elle avait vu quelques unes de ses copines passagères. Elle avait sûrement remarqué aussi qu'elles ne duraient jamais et peut-être qu'elle s'était posé des questions sur l'attitude de Kim dès qu'il se montrait plus intime avec quelqu'un.
Bien que collectionnant plusieurs petites amies à son compteur, Kim s'était toujours montré galant et fidèle. Jamais il n'avait fait d'écarts ou s'était montré insultant. Finalement, il avait été le parfait petit ami, à un détail près. Il n'était pas attentionné. Involontairement. Il n'avait pas le réflexe d'inclure sa petite amie dans son planning parfois surchargé et elle se retrouvait rapidement reléguée au second plan, délaissée et elle partait. Là par exemple, il marchait devant elle en lui faisant face, mais pas un instant il ne s'était demandé si Bianca n'aurait pas préféré qu'il lui prenne la main. Tout s'apprends.

Il se sentit freiné par Bianca lorsqu'elle lui attrapa les poignets. Sur le coup, il reconnut qu'il fut surprit, il écarquilla ses yeux et s'arrêta alors, puisqu'il le fallait. Elle ne semblait pas prête à rentrer chez elle et au contraire, elle semblait elle aussi animée par ce désir si classique lors du premier contact. En toute modestie, Kim sentait que s'ils avaient été seuls tous les deux, dans sa chambre par exemple, ils seraient sûrement passés à l'acte. Il regretta presque de ne pas avoir tenté le coup. Il secoua la tête un instant, lui il pensait comme un homme, pas comme une femme. Ce qu'elle désirait elle, c'était sûrement des flatteries, des compliments, de la tendresse. Le sexe, c'était pas pour tout de suite, il aurait des efforts à faire avant...

Il se contenta de sourire à sa petite pique concernant son addiction. Non pas qu'il ne le pensait pas mais il n'aimait pas avouer ses sentiments si facilement, c'était pas le genre à dire "je t'aime" au bout d'une semaine ou à être sans arrêts aux petits soins pour sa chérie, bien au contraire. Il tenait à Bianca, évidemment mais il savait aussi que lorsqu'on a atteint son objectif, la cible est déjà moins attrayante. Non pas que Bianca perdait déjà de sa valeur, non, bien sûr que non, mais cette flamme, il fallait l'entretenir et ne pas se laisser glisser dans la faille de l'indifférence.

- Oh ! Et bien coupons alors ! Je ne peux pas te ramener chez toi si tu ne me montres pas le chemin ! La prochaine fois, je m'en souviendrais.

Il sourit une nouvelle fois et ils coupèrent par la direction indiquée par Bianca. Le quartier était calme et désert, c'était rassurant et flippant en même temps. Kim ne se rendait pas autant compte que s'il avait été une étudiante, lui il savait se défendre même s'il n'était pas de la carrure de son ami Ethan, mais Bianca restait une petite poupée fragile même si elle était sportive. Il posa alors sur elle un regard instinctivement protecteur. Elle était si jolie.

- Voyons, voyons ! Tu sais pas dans quel monde on vit toi !

Il afficha un visage moqueur et ironique pour lui faire part de sa naïveté et sortit son téléphone dernier cri. Un Iphone. Le téléphone aux quatre milliards d'applications aussi utiles que futiles. Il chercha celle faisant office de GPS et la lança. L'appareil eut tôt fait de trouver sa position. Il lui suffirait donc maintenant qu'à taper l'endroit voulu et le chemin serait tout tracé. Il eut une pensée de compassion pour ses ancêtres préhistoriques qui n'avaient pas eu le loisir d'explorer cette merveille.

- Tadaaa ! Pas de soucis pour moi, t'inquiètes pas. Et puis je commence à connaître plus ou moins les alentours de l'Académie. Finalement, les panneaux, on s'habitue !

Ils marchèrent encore quelques instants, tournèrent à droite, à gauche, entrèrent dans un lotissement charmant et s'arrêtèrent enfin devant une maison. Rue de la chance. La classe. Il s'en amusa un instant, puis se retourna vers elle. Il ne put pas vraiment détailler la maison à sa guise parce que la nuit était trop sombre, mais il s'en moquait, il n'était pas matériel à ce point-là. Bianca aurait pu vivre dans un taudis que ça n'aurait rien changé à sa façon de la voir. Et puis au pire, il lui aurait proposé de venir loger avec lui, sans arrières pensées et sans s'imaginer une seconde du pas de géant que ça provoquerait dans leur relation. Il aurait proposé ça en tant qu'ami.
Enfin, peu importe, là n'était pas la question.

- Te voilà chez toi, Mademoiselle. Bon courage pour demain, je crois me rappeler que t'as un entraînement de BaseBall. Sois chiante avec Ethan, il le mérite bien !

Il explosa d'un rire machiavélique avant de se retenir pour ne pas réveiller le voisinage et alerter les parents de sa belle. Il la regarda avec tendresse avant de poser délicatement ses lèvres sur les siennes pour lui souhaiter bonne nuit.
Il n'était pas un grand fan des "séparations" qui durent des mois alors il abrégea. Après tout, ils allaient se revoir très vite ! Normalement...
Il lui murmura un "A demain" habituel et s'éloigna d'elle, en repartant sur ses pas. Il fit quelques mètres et s'arrêta avant de se retourner pour lui faire un signe de main. Il avait sentit son regard dans son dos et il était presque pressé d'être hors de portée de vue, cette situation le gênait bien plus que se de retrouver nu devant elle de façon imprévue. Il se détourna de nouveau et disparut dans la nuit, pour de bon cette fois.

Si Bianca s'attendait à recevoir un mail quelques minutes plus tard pour annoncer son retour "sain et sauf" à son appartement ou sa chambre universitaire, elle serait rapidement déçue. Kim avait dores et déjà la tête ailleurs. Révisions quand tu nous tiens...