Pink Water

Mes doigts pianotent sur le volant, attendant impatiemment que la lumière du passage piéton finisse par ne plus clignoter. Pourquoi a-t’il fallu que mon quart de travail se termine à l'heure où tous les enfants sortent de l'école? Une dizaine de mômes passent devant ma voiture en chantonnant des airs stupides. Je me retiens pour ne pas leur passer dessus. La relation entre les gamins et moi n’a jamais été très bonne. Disons que très tôt, j’ai dû apprendre à me débrouiller seul sans personne. Alors la vue d'un gosse pleurnichant à sa maman ou son papa me faisait vomir. Rien à voir avec un groupe d'écoliers qui traversent la rue, mais quand même.
Dès que le feu fût enfin vert, j’embrayai et partit en trombe, faisant même sursauter quelques enfants qui se retournent pour voir la mitsubishi spyder passer.

Le début de la fin de semaine s'annonçait bien. Déjà ce soir, je risquais de rester debout jusqu'au lever du soleil. Du travail, oui encore, mais pas celui où je devais jouer le parfait petit employé modèle dans mon bureau devant l’ordinateur. Non, ce boulot là était plutôt physique et en plus de donner une bonne montée d'adrénaline, ce que je recherchais encore et toujours, ça rapportait gros. Pas trop dans le genre légal si vous voyez ce que je veux dire.

Avant tout, un arrêt à l'appartement s'imposait. De un, pour me laver et changer de vêtements. Disons que le costume trois pièces n’était pas le genre de vêtement que je portais lorsque j’suis en dehors du taff. En plus, je risquais de me le faire tâcher et du sang c'est vraiment chiant à faire partir après. Deuxièmement, je voulais voir si Wun avait donné signe de vie. Pas que ça risquait de changer les plans de la soirée, depuis le temps que c’était prévu, mais ça prouverait que le seul à pouvoir me comprendre était toujours de ce monde. Y'avait peu de chance qu’il soit mort, puisque ça se serait rendu jusqu'en Russie et Misha aurait sûrement appelé. Mais merde, ça commençait sérieusement à m'énerver - comprendre ici inquiéter- Le blondinet, maintenant brun, allait passer un mauvais quart d'heure à son retour. En attendant, il n'était pas là (quelle surprise), et J’avais donc tout le loisir de prendre mon temps pour prendre ma douche et changer de vêtements. J’optais pour la simplicité. Un chandail noir avec un col en V et un jeans bleu marin comme bas. C'était une valeur sûre.

Je venais de mettre mes converses blanches lorsque mon blackberry sonna. Un coup d'œil à l'horloge et je fonçai sur mon téléphone pour répondre, un sourire sur les lèvres.
-T'es pire qu'une horloge suisse, tu sais ça?
-Je souhaite toujours te déranger en pleine baise.... c'est le cas?
Évidemment, Toshiie ne s'empêcha pas de rire à l'idée de m’avoir interrompu pendant une partie de jambes en l'air. Je passai une main dans mes cheveux, encore humides de la douche, et jetai un regard au canapé. C'était l'endroit préféré de Wunjo, mais là il était vide. Au moins si le russe avait été là, ça aurait pu être possible. Il aurait suffi d'être assez sympa avec lui et de ne surtout pas le contrarier. Mais c'était pas le cas.
-Qu'es-ce que tu veux?
Question assez directe, mais qui répondait à la question de l'autre. Si l’autre con m’avait vraiment dérangé pendant une baise, il l’aurait su assez vite.
-Changement de plan pour ce soir. Ce sera une sorte de détente, mais pas comme on l’entendait… Le spa ça te dit?
-Heu…j’dois avoir mal entendu là…
Une nouvelle fois, ma main passa dans mes cheveux, signe de nervosité chez moi qui arrivait lorsque j’étais seul. Bon, j’approuvais pas le nouveau plan, mais j’vais fermer ma gueule et le laisser gagner…on verra pour la suite.
-Okay, j’suis partant, tant que tu paies le massage, Ciao!
J’appuyai sur une touche pour éteindre mon portable et l'envoya sur mon canapé. Je n'en aurais pas besoin pour le reste de la soirée.




-Ouais c’est ça, va te laver Ducon…
La porte du casier se referme un peu sèchement. Toshiie a déjà pris de l’avance pour les douches et moi je reste là, posant mon front contre le métal froid. Putain, qu’es-ce qui m’a pris de sauter à pieds joints dans cette galère? À défaut de quitter une organisation mafieuse, comme Wunjo tentait de faire, j’essayais d’en infiltrer une deuxième. Bravo, c’était bien joué comme plan. En même temps, c’était pas comme si j’avais eu vraiment le choix. À force de surveiller l’ex blond, je m’étais dit qu’il en avait rien à tirer, et j’ai cessé de faire mes rapports à Misha. Notez ici que ce que je n’ai pas dit, c’est que j’avais pas envie de balancer mon faux frère, au péril de ce qui pouvait m’arriver à moi. Et bien maintenant, j’en subissais les conséquences. Une nouvelle mission m’était attribuée : infiltrer les Yakuza pour les russes. Génial.

La voix du japonais me tire de mes pensées, et à contrecœur je le suis dans les bains. Pas envie de prendre une douche avant, ça pourrait me ramener à douter de mes choix et c’est pas du tout le temps. C’est vrai qu’il faut que j’apprenne à me détendre un peu plus et ce genre d’endroit semble idéal à vrai dire, il faudrait être fou pour ne pas en profiter. Je descend les quelques marches menant au bain et soupire d’aise. L’eau recouvre la moitié de mon corps et je m’adosse contre l’un des paravents en bois, les bras sortis de l’eau. Je garde les yeux ouverts, fixant Toshiie avec un léger sourire. Nous ne sommes seulement quatre dans l’eau et je ne comptes pas parler le premier. Comme prévu la discussion se met en branle et Toshiie, comme à son habitude, est celui à la plus grande gueule. J’écoute en donnant mon avis de temps en temps, mais je garde profil bas. Je m’assure que le mot ‘’Wun’’ ou tout ce qui s’y rapporte ne soit pas mit sur le tapis. Les minutes passent, s’égrènent et je décide de sortir de l’eau. Je commence à bouillir là-dedans et un massage s’impose. De toute façon, c’est le plan prévu pour les autres. Toshiie me prend par les épaules et me confie qu’il doit parler à ses potes d’un truc confidentiel. J’comprends vite que c’est pas pour les nouveaux. Je lui souris, pour ne pas qu’il s’inquiète et lui promets d’aller prendre une bière avec lui plus tard. Faut croire que ça passe.

Je cherche l’endroit où on peut se faire masser. Il y a plusieurs salles pour ce faire et je choisis la troisième. Le chiffre trois a toujours été mon chiffre chanceux. Je pousse la porte et lance un œil à l’intérieur. J’ai eu envie de crier un :’’ Allez fous l’camp c’est mon tour!’’, mais je me suis retenu. La pièce est loin d’être vide. Il y a un homme, blond, étendu sur le ventre, dans l’attente sûrement d’un massage. Non en fait c’est faux puisqu’en m’avançant à pas feutrés, je vois des reflets huileux sur son dos. L’autre doit l’avoir laissé pour aller pisser. J’ai une drôle d’idée qui germe dans mon esprit. Pourquoi pas. Je laisse glisser mon doigt sur la table où il est couché. J’effleure son corps sans le toucher, et mes mains se posent sur ses omoplates. Lentement, je commence à le masser, un sourire amusé sur les lèvres. Mon regard suit la colonne vertébrale, descendant au creux des reins puis sur les fesses. Ouais, c’est une belle pièce d’homme. D’ailleurs ces fesses me rappellent étrangement quelque chose…ou plutôt quelqu’un. Je fronce les sourcils sans me rendre compte que mes mains ont suivis mes pensées et se sont posés sur le cul du client, que je continue tout de même à masser. Je suis un connard et je suis dans la merde.

Je masse le haut des fesses du blond en déviant légèrement vers le bas. Massothérapeute, quel beau métier. Je voudrais bien moi passer ma journée à tripoter des beaux mecs dans une ambiance chaleureuse aux effluves d’huile de pépins de raisons. Je pourrais même décider de mon horaire et donc je resterais plus longtemps dans mon lit le matin. Sans oublier mes choix de journées de congé. Le salaire doit quand même être plus intéressant que mon job actuel. Je parle ici de ma couverture d’informaticien et non de maffieux. Je pense que les cours peuvent être payés par l’entreprise pour laquelle on bosse. J’aurais pas à me plaindre. Sauf que, je pourrais bien tomber sur des clients vraiment moches, du genre gros bedonnant poilu, ou alors un type roux à la peau boutonneuse. Pas que j’ai de quoi contre les roux, mais ils ont la peau plus claire, presque translucides et…Bon oui, ça m’écoeure, ça y est c’est dit. Bref, on tombe pas sur un adonis tous les jours.

D’ailleurs, le dieu grec vient pousser ma main de son cul avant de soupirer. Je retiens difficilement un rire. Ouf, c’est dur sa vie. Alors, sans dire un mot, mes mains remontent sur les omoplates du client et je masse le plus professionnellement possible. C’est pas pour me vanter mais on m’a souvent dit que j’étais exceptionnel comme masseur. Bon, d’accord j’suis bon et j’en suis fier. Je fronce les sourcils lorsque mes doigts trouvent un nœud du côté droit. Il a accumulé du stress le blondinet. Du bout des doigts, j’exerce un point de pression vers le haut, et je relâche doucement. Je m’applique à défaire le point de tension pour le détendre. J’espère qu’il sera plus ouvert à mes caresses sensuelles par la suite. Ma main glissant ensuite vers sa croupe, il passe une main dans ses cheveux et daigne enfin se redresser un peu pour me voir. Je me demande quelle tête il va faire en réalisant qu’il a été berné. J’ai le sourire fendu jusqu’aux oreilles, guettant avec impatience sa réaction, lorsque nos regards se croisent…

Mon cœur s’emballe. Mon souffle se coupe.

J’ai l’impression d’avoir été baisé. Ce qui est paradoxal si on tient compte du nombre de fois où on l’a fait lui et moi. Ma main est toujours sur son cul et je le fixe comme si j’étais en train de rêver (ou de cauchemarder). Il me manque quelques pièces du puzzle.

Je pouvais bien avoir un sentiment de déjà-vu en voyant son corps. Mes mains connaissaient ses faiblesses.

Merde, j’en reviens juste pas.

Ivory avais quitté ma vie tellement vite, sans le moindre avis, que je ne pensais plus jamais le revoir. J’en savais si peu sur lui et le fait qu’il soit muet mettait mes chances d’en apprendre plus sur sa vie à zéro. C’était réciproque au moins. Il croyait que j’étais un mec avec une vie normale. Quoique… il me semble déjà lui avoir fait comprendre que j’étais louche comme type. Qu’on me côtoie à ses risques et périls. Bah au moins il a bien compris l’avertissement. Il l’a prit au sérieux et s’est barré. Pourquoi est-il revenu alors? Sûrement pas pour moi.

J’ouvre les lèvres pour lui lancer une pique. J’ai une envie folle de lui dire qu’il n’a pas changé. Qu’il fait la pute toujours à la perfection. Mais je dois m’être assagi avec le temps car je referme la bouche aussitôt, gardant ma pensée pour moi. En fait, je ne sais pas quoi dire, ni quoi faire. Je commence à penser que j’ai l’air con. Faudrait bien qu’un de nous deux se décide à parler pour faire cesser le malaise et ce ne sera sûrement pas le blond.

C’est à ce moment que je me rends compte que j’ai toujours la main sur ses fesses. Ce beau p’tit cul que j’aimais tellement prendre. Je la retire d’un coup, comme si le contact me brûlait. C’est pas vraiment ça, c’est plus les souvenirs qui surgissent à pleine vitesse. Des pensées qui me font sentir tout drôle, plus sensible, nostalgique, et je déteste ça. J’aurais facilement pu piler sur mon orgueil de mâle et oublier mes vieilles blessures en montant sur la table avec lui. Lui faire l’amour serait un bon moyen de tout oublier. Il est quand même nu et même si je veux me le cacher, son corps est un appel à la luxure. Je le désire toujours autant malgré tout. J’hésite…

-‘’Hey, qu’es-ce que vous faites là?’’

L’intervention divine qui arrive.
Je tourne la tête vers la porte qu’on vient d’ouvrir. Tiens, ça doit être le masseur qui vient reprendre ses droits. J’essaie de lui faire un petit sourire suffisant, ce à quoi j’excelle d’habitude, mais sans succès.

-Je prends du soleil ça se voit pas?

Je prends même pas la peine d'avoir un ton méprisant, je vais vraiment mal. Je grimace et m’éloigne d’Ivory

-Je vous le laisse. Il est trop bavard pour moi.

N’importe quoi pour foutre le camp d’ici. Je tourne les talons et passe par la poste laissée ouverte. Il a sûrement remarqué mon malaise et ma voir rauque, mais je m’en moque. Je dois vraiment m’en aller avant de faire une connerie.

C’est con cette impression de tomber dans un trou sans fond et j’ai beau tendre les mains, je n’ai rien à quoi me raccrocher. Rien, ni personne. Alice qui tombe dans le ‘’terrier’’ et qui hallucine un lapin blanc toujours en retard, et toute sa joyeuse bande. Ne manque plus que la Dame de Cœur pour couronner le tout. Mais non, je viens de trouver le bourreau des cœurs. ‘’Qu’on lui coupe la tête!’’. Faut vraiment que j’me bouge pour me réveiller d’ce merdier, choque que je réalise en fuyant.

L’idée que le masseur puisse allé porter plainte contre moi me vient à l’esprit, mais je la chasse en secouant la tête. J’ai des soucis beaucoup plus importants, comme gérer le retour d’un revenant dans ma vie. Bon, c’est vite dit. Ivory ne s’attendait sûrement pas à me voir ici, et moi non plus. Fin de l’histoire. On tourne la page et on passe à autre chose. Un abandon de plus ou de moins, c’est pas ça qui va me tuer. Je serais déjà en train de pourrir depuis longtemps sous terre si c’était le cas.

Je pousse une porte sans même regarder où je viens d’entrer. L’humidité qui vient réchauffer mon corps me souffle que je dois être dans la salle des bains. Je m’en fou. Toute mon attention est tournée sur Ivory et la vue que j’avais sur son cul. L’ancien Akim n’est pas si loin, attendant simplement une hésitation pour refaire surface. Je vais pas me mentir, j’ai vraiment eu envie de le baiser. Le regard qu’il m’a décoché m’a ramené en arrière de quelques mois, juste avant qu’il disparaisse de la carte. Une, puis plusieurs soirées où le sexe était à l’honneur. Nul besoin de mots pour se faire comprendre, de toute façon ce serait inutile pour le blond, nos corps pouvant le faire à la perfection. C’était notre mode de communication à nous, le meilleur que je connaisse.

Je jette un œil dans les bassins. C’est vrai que je dois rejoindre Toshhie moi. Mais il n’y est pas. C’est étrange. Il doit être en train de me chercher ou de passer du bon temps avec des jeunes hommes peu farouches. Je dois vraiment m’enlever Ivory de la tête avant de rejoindre les autres. C’est ma vie qui est en jeu là, pour faire changement tiens.

Une main se pose sur mon bras. C’est lui et personne d’autre. Je sais reconnaître son toucher entre mille. Je ne m’arrête pas. Je n’ai pas envie de me retourner pour croiser son regard azur. Il me connaît assez pour savoir comment m’amadouer. Il sait très bien comment me prendre et ce n’est pas sexuellement parlant. Alors, j’ignore l’appel et continue de marcher, hâtant même le pas. Si Toshiie pouvait arriver, je n’aurais plus qu’à disparaître avec lui en laissant le blond seul. Un peu comme il m’a fait tiens. Je suis rancunier, mais ça tout le monde le sait. Et pourtant, il est toujours là.

Cette fois, il tire plus fort, sa main ayant gagné mon épaule et je me tourne vers lui. Un air exaspéré sur le visage. Foutu mécanisme de défense.

-Quoi, t’es encore là?!

Il faut que ces mots sortent de ma bouche, même s’il se trouve devant mes yeux. C’est peut-être qu’une illusion après tout qui sait? Bon okay, je lui ai massé le cul et les mirages n’ont pas les fesses aussi fermes. La drogue alors? Non, ma dernière dose était hier et j’en ai pas encore pris aujourd’hui. Je suis borné je sais. Je n’ai pas appris de ma dernière crise avec Wunjo. Je me shoot encore. C’est ce que j’ai trouvé pour survivre dans mon métier. Faut voir les bons côtés.

-Fais pas cette tête. C’est pas comme si on était marié nous deux.

Un sourire vient effacer l’air sérieux de mon visage. Je me cache sous le masque de la moquerie. Il me va assez bien celui-là. C’est un passe-partout. En fait, je réussis encore à lire dans ses yeux et je comprends le message. Il est désolé. Oui et bien moi aussi je suis désolé. Désolé d’avoir été assez con pour croire qu’il y avait quelqu’un d’autre que Wun qui m’estimait. Assez con pour croire à une peut-être éventuelle possibilité d’une nouvelle vie.

Un rire nerveux s’échappe de mes lèvres. Je suis dans l’Organisation et j’y resterai jusqu’à ma mort. Un second avantage, on ne meurt pas vieux dans le métier.
Comment j’ai pu m’arrêter à croire qu’un autre chemin était possible? Encore Wun et ses idées stupides de faire comme lui. Je dois me débarrasser d’Ivory avant de flancher. Je déteste avouer ça, mais je sais qu’il peut arriver à le faire.

-Alors, tu as pu batte un nouveau record? Combien de mecs te l’ont mises alors que tu gémissais qu’ils te prennent comme une putain?

Je suis vraiment un salaud. Mes traits restent durs, crispés, mais je garde mon sourire qui mériterait vraiment un coup de poing. Je veux qu’il me déteste. Qu’il se rende compte qu’il aurait du rester avec son masseur et me laisser partir. Que c’était une mauvaise idée de me suivre. Qu’il en résultera rien de bon.
Je sers les points alors que mes ongles entrent dans la paume de ma main droite. Assez fort pour me faire saigner. Je me mens à moi-même et je veux étouffer cette petite voix au fond de moi pour qu’elle se taise à jamais. Je suis peut-être en train de commettre l’erreur de sous-estimer l’anglais? Si je suis capable de lire ce qu’il veut dans ses yeux, est-il capable de faire de même? Non, impossible. Personne ne le peut. Personne n’a jamais compris. Et ce n’est pas maintenant que…
Attends, pourquoi tu me traînes comme ça avec toi? Après ce que je t’ai dis? Y’a un truc que t’as du mal comprendre.
-Ivory!!
Je tire sur mon bras pour me dégager de son emprise, mais il est bien résolu à me garder avec lui. J’ai pas envie de faire un scandale non plus, alors je le suis en soupirant, devant la tête des mecs qui trouvaient notre petit spectacle intéressant.

On se retrouve dans les vestiaires et je le regarde fouiller dans son casier en fronçant les sourcils. Ha oui le fameux blackberry. Il s’installe et pianote dessus.
" retrouvons-nous ce week-end. Allons au restaurant, au cinéma, où je ne sais où. Où tu veux. Il faut qu'on parle. "
Je me penche au-dessus de son épaule et lit ce qui est écrit. Un sourire étire mes lèvres alors que je penche la tête de côté en l’observant.

-Tu veux qu’on parle? Ivory c’est ridicule, tu ne trouves pas?

Je secoue la tête et regarde autour de nous. Personne.

Je m’adosse à un casier, croisant les bras sur mon torse.
-Okay, alors de quoi tu veux qu’on parle? Vas-y, j’suis là, je t’écoute.

Si je le nargue? Si peu. Je suis bien curieux de voir ce qu’il va faire.

Foutu destin.

Les chances qu’en allant me détendre aux sources chaudes pour une rencontre ‘’d’affaire’’ avec le clan Yakuza je tombe sur Ivory, qui en passant avait disparu de la carte depuis plusieurs mois, étaient très minces. J’aurais eu autant de chances de gagner à la Lotto. Et pourtant, il a fallu que je fasse mon curieux pour aller mettre mon nez où je n’avais pas à faire, soit les salles de massage là où je suis tombé sur un client spécial que je ne m’étais pas attendu à revoir. Le choc a été quand même fort, disons 8 sur une échelle de 10, mais j’ai essayé de rester imperturbable. Je ne sais pas s’il s’est aperçu que ça m’a bouleversé de le revoir. J’ai frôlé la crise cardiaque là. Bon peut-être pas autant, c’est une image. Je devrais peut-être m’acheter un billet de loterie en sortant d’ici. Je pense bien que les probabilités de gagner sont fortes.

En attendant de devenir millionnaire, je me retrouve dans les vestiaires avec un muet qui a envie de faire la conversation. J’ai presqu’envie de la rire celle-là, mais je me concentre pour provoquer Ivory à la place. C’est beaucoup plus amusant, de mon point de vue, puis ça me calme les nerfs. J’ai pas l’intention de faire d’efforts puisqu’il n’en a pas fait le moindre de son côté. Je suis un éternel gamin rancunier qui s’assume.

Alors pour lui clouer le bec, c’est encore une image bien sûr puisqu’il ne parlera pas, je lui propose de tout déballer ce qu’il à me dire. Au diable la proposition de se voir le week-end. Il est là maintenant près de moi, autant en finir.

C’est difficile de garder sa concentration parce qu’il est quand même presque nu et à ma portée. Mais pour une fois je pense avec ma tête, ça devrait être bon. Du moins, j’essaie très fort.

Non, non, tu te rhabilles pas et tu m’expliques clairement ce que tu veux pour une fois. De toute façon, les mensonges je sais les déceler des lieux à la ronde. Et puis, je suis curieux de voir ce que tu comptes faire. Vas-y, impressionne-moi.

Il prend une bonne inspiration. Je fronce les sourcils. Il va quand même pas se mettre à parler d’un coup, non? Je sais même pas comment je réagirais. Je serais sûrement agréablement surpris. J’ai longtemps fantasmé sur le genre de voix qu’avait Ivory et j’en suis venu à une conclusion qui me semble logique. D’abord rauque et hachée, puisqu’à ce que j’ai compris, il a perdu l’usage de la parole depuis longtemps. Mais je suis certain qu’elle deviendrait rapidement douce et chaude, avec son délectable accent british. Qu’es-ce que je donnerais pour entendre rien qu’un tout petit gémissement de rien du tout.

Il se met à remuer les lèvres comme un enfant qui veut qu’on devine ce qu’il prononce sans un mot. Excepté qu’Ivory n’est pas un gamin. Hmm..peut-être que si au fond. C’est le gosse à l’intérieur de lui qui crie haut et fort qu’on s’intéresse à lui. Qu’il a besoin d’attention, de câlins, de reconnaissance, d’amour. Comment je le sais? J’ai bâillonné le mien depuis longtemps déjà pour ne pas qu’il me perturbe plus que je le suis.

Bon ok, concentrons-nous. Je dois être attentif. Je pose les yeux sur les lèvres d’Ivory et inconsciemment, ma langue vient humecter les miennes. À quand remonte la dernière fois où je l’ai embrassé. C’était un baiser furtif ou passionné? Akim! Concentre-toi! Je secoue la tête et me concentre sur lui.

« Mon père a été très malade, en Angleterre … »

Bon frère à l’été près balade en Angleterre… Non, ça n’a aucun sens. Je fronce les sourcils, forme le puzzle dans ma tête, et le dis à haute voix pour m’assurer que j’ai bien compris.

-Ton frère, non..ton père, a été très malade en Angleterre?

Je m’avance vers lui, laissant mes bras retomber de chaque côté, mes yeux toujours accrochés à sa bouche, ses lèvres. Il a de l’initiative l’anglais. J’aurais jamais pensé qu’il aurait fait un truc pareil pour se faire comprendre. J’en suis ravi. Étrangement, plus il ‘’parle’’, plus je le comprends. C’est une très bonne méthode, comme s’il savait au fond que c’était exactement ce qu’il fallait faire. Que ça allait marcher avec moi.

-Tu t’es fait avoir comme un débutant Ivory. T’aurais dû venir me demander conseil. Je t’aurais fait un pris d’ami.

Je lui décoche un clin d’œil, conscient que le sujet est sérieux, mais incapable de ne pas mettre mon grain de sel. Je lui mets encore sur le dos le fait qu’il est parti en sauvage, sans m’avertir, mais au fond je comprends un peu mieux. Je suis bien placé pour savoir que les affaires de famille passent au premier plan. Ayez, je l’ai presque déjà pardonné grâce à son joli coup. Bon, pas complètement, mais ma colère s’est envolée.

-Si… seul?

Je suis certain à 98% d’avoir pu tomber sur le bon mot, mais je le saurai jamais puisque notre ‘’conversation’’ est interrompue par…

-Toshiie?

Je me tourne vers lui avec un air interrogatif. Tiens, il m’a retrouvé. Pas au bon moment, j’ai envie d’être encore avec Ivory, mais d’un autre côté je ne peux pas me permettre de décevoir mon ‘’pote’’.

« Ivory .. ? »

Quoi? Comment ‘’Ivory?’’ Je tourne la tête vers lui. Il le connaît? Il connaît un membre du clan Yakuza? J’suis vraiment dépassé. Autant j’étais sûr de moi au début de ma rencontre, là je perds mes repères. Je ne comprends plus rien.

« Merde… ça fait longtemps »

Bah vas-y, rajoutes-en une couche! Je me sens trahi, sans aucune raison. Oui c’est con et alors? Mon cœur s’affole. Je dois prendre sur moi pour rester calme ou sinon je vais tout perdre. Je capte le regard d’Ivory et y répond d’un froncement de sourcil. J’ignore qui est Toshiie pour toi et oui ça me perturbe de savoir que tu le connais. Partages-tu une part de son histoire? Non, ça me semble impossible.

Ivory semble paniquer d’un coup. Il file à son casier pour prendre ses choses. Mon collègue s’avance vers lui et tend sa main pour la poser sur son épaule. Le blond déguerpit aussitôt, comme si Toshiie était porteur d’une maladie mortelle qui se transmet par le toucher. Il laisse retomber sa main et me regarde l’air perplexe. C’est encore à moi de sauver la situation, même si je comprends que dalle à ce qui se passe. Je lui offre un sourire charmeur en m’approchant de lui, lui donne une petite tape dans le dos et lance.

-Je crois que tu lui fais de l’effet mec. Il a sûrement eu une image de toi nu dans une position compromettante.

Je ris un peu pour le faire embarquer dans le jeu, puis l’embrasse à la commissure des lèvres.

-Un peu plus et je serais presque jaloux… je te le ramène.

Un dernier regard et je passe la porte des vestiaires pour tenter de retrouver un Ivory à moitié à poil. Non, faux puisqu’il avait prit ses vêtements et son sac. Il est peut-être déjà rhabillé. Merde. Bon j’espère que mon jeu d’acteur était assez satisfaisant pour Toshiie. Je dois gagner du temps. En fait, ça m’énerve de ne rien comprendre. D’accord, ils se connaissent, mais jusqu’où? Putain, Ivory, me dis pas que tu t’es mêlé à la maffia…t’aurais pas été jusque là?

Une tête blonde attire mon attention. C’est lui. Il doit s’être arrêté pour mettre son pantalon au moins. Il est pudique. J’ai en tête la scène du balcon chez lui, le soir où je l’ai surpris en pyjama. On était sorti pour prendre un peu d’air et observer les étoiles. Puis, il avait commencé à me chauffer. J’ai répondu à ma manière, soit le provoquer en m’agenouillant après lui avoir déchiré son short. Je me foutais bien qu’on me voit en train de lui faire une pipe. Mais lui m’a aussitôt fait comprendre que si je voulais poursuivre, on devrait rentrer. Souvenirs d’une romance impossible.
-Ivory!
Ma main empoigne sa chemise qu’il allait mettre et je secoue la tête.

-Attends, tu vas quand même pas fuir…encore?

Je voulais faire encore du sarcasme en comparant Toshiie avec un amant qu’il aurait ramené d’Angleterre, mais ça m’a échappé. Et puis, c’est pas la meilleure chose à dire pour avoir des explications.

-Il t’attend dans les vestiaires là… il est content de te revoir, mais pas toi?

Question détournée, je sais… mais d’un coup je lui fait comprendre que Toshiie l’attendra pas indéfiniment, puis j’essaie de focusser sur le fait qu’Ivory semble moins excité de revoir son vieux copain que me revoir moi. Ou je veux vraiment le croire. Je tire légèrement sur son vêtement pour l’intimer de ne pas se rhabiller, d’une chose, mais de rester surtout.

J’ai l’impression étrange de me retrouver dans un film de suspense. Je vois pas d’autres explications à ce qui m’arrive. Je peux pas avoir cinq petites minutes tranquilles, à moi, sans que tout saute de partout. Je suis dans la maffia, je sais que ça aide pas. Mais là c’est pas sur cet aspect de ma vie que le destin à joué. Je pige que dalle au fait qu’Ivory, qui autant que je sache est blanc comme neige côté fréquentations, connaisse Toshiie qui est un membre actif du clan Yakuza. Non, j’ai beau envoyer la question de tout bord tout côté, c’est juste impossible. À moins que ce soit un ancien amant ou un plan cul avec qui ça aurait mal tourné? Bon, ça c’est plausible. Un connard qui s’attache trop à Ivory et qui… heu… se cache dans la mafia ensuite?! Rhaaaa je veux comprendre.

J’attrape sa chemise pour qu’il comprenne qu’il ne peut pas fuir. Non, pas cette fois que je suis là pour l’en empêcher. Je lui lance en plus un regard réprobateur pour lui faire la morale. Tu t’es déjà barré une fois sans aucune explication. Cette fois ci je compte bien en avoir peu importe si je dois rester nu devant tout le monde. Enfin, presque nu puisque j’ai quand même mon maillot. Je me dis que je serais plus confo sans, mais je risquerais de choquer certaines personnes inconscientes de leur chance. Nah, mais sans blague, le maillot est obligatoire ici, alors c’est pas vraiment un choix de le garder. Remarque que, pour Ivory, j’aurais bien aimé profiter de la vue encore un peu avant qu’il se rhabille. Pas de chance.

Allez quoi, explique moi pourquoi j’ai cru voir de la peur dans ton regard. Sais-tu seulement qui est Toshiie réellement? Le voilà qui recommence à jouer au mime avec des mots. J’essaie de me concentrer pour comprendre ce qu’il tente de me ‘’dire’’. Je fronce les sourcils en essayant d’assembler les morceaux de casse-tête.
« Man from my past. Don’t wanna face him. Not ready yet »
Je crois piger quelques mots : ‘’Fast’’ à moins que ce ne soit ‘’past’’? Je suis même pas sûr de comprendre l’idée générale et Ivory doit le deviner car il s’arrête en plein milieu de son explication.

Je baisse la tête pour suivre le mouvement de ses doigts. Il me touche, mais ce n’est pas une caresse, pas encore une. Sûrement encore une feinte pour que je laisse tomber et qu’il puisse filer à l’anglaise. Me suis gouré, il sort son téléphone pour communiquer plus facilement. C’est pas con et dans la situation où on se trouve, je crois que je suis prêt à prendre le temps de lire. Sauf si Toshiie décide qu’il a assez attendu et qu’il veut nous rejoindre…mais nous n’en sommes pas encore là.
Il me tend l’appareil et je le garde entre mes mains pour lire ce qu’il a écrit. Je ne saute aucun mot. Okay, bon ça me dit pas grand-chose sur l’identité de Toshiie, mais au moins j’sais qu’Ivory veut pas lui rendre de comptes. Une histoire de dettes ou une ancienne histoire d’amour qui a mal fini…ou alors..quoi?

-J’suis pas sûr de comprendre Ivory. Non en fait, je suis sûr de ne pas comprendre… Qui c’est Toshiie pour toi?!

Je ferme les yeux en me pinçant l’arrête du nez. À m’entendre, j’ai l’air du p’tit ami jaloux du passé de son amant. C’est tellement pas moi. Heum… J’ouvre les yeux pour répliquer un truc et je le vois déjà tout rhabillé. Mais c’est pas juste là! T’as une longueur d’avance sur moi. L’avantage c’est que j’peux mieux me concentrer. Déjà il me le reprend et je le regarde comme un enfant à qui on a prit sa crème glacée. Non mais écrit tout d’un coup, comme ça c’est moins long et surtout moins chiant.

Qu’es-ce que tu as à me dire cette fois qui soit si convaincant?

Je détaille son visage alors qu’il eut me montrer ce qu’il a écrit. Je ne baisse pas tout de suite les yeux, je veux déchiffrer ses expressions avant. Je secoue la tête et pousse légèrement son téléphone.

-Si c’est pour t’excuser Ivory, c’est déjà

Il insiste avec un regard de chien battu. Je soupire et avec résignation, comme si je n’avais pas d’autres choix, je baisse les yeux sur son téléphone.
Tu ne veux pas que je sois fâché contre toi? Tu sais comment je suis rancunier pourtant Ivory et j’ai toutes les raisons du monde de t’en vouloir à vie.

-Tu veux t’excuser comment?! Comme une pute qui fait des gâteries à son mec parce que c’est tout ce qu’elle sait faire?!

Je sursaute un peu après coup. C’est vraiment sorti tout seul, j’vous jure. Au début, je comptais même pas lui répondre, me disant que ça valait pas le coup. Je secoue la tête en voyant l’air qu’il me fait.

-Tu sais c’que j’veux dire…

Et là je détourne les yeux sur la porte la plus près, m’attendant à y voir surgir Toshiie d’une minute à l’autre. Et peut-être aussi pour fuir la situation un peu, même si c’est moi qui ai couru après Ivory. Je suis un paradoxe vivant je sais.

Il a des comptes à me rendre, c'est sûr.  Et cette fois-ci, je ne le laisserai pas filer.  Il croit vraiment pouvoir disparaître pendant des mois sans donner signe de vie et que là d'un coup, parce que c'est le meilleur amant que j'ai jamais eu, que je lui parle comme si rien n'était?  Hé bah non.  Désolé, ça ne fonctionne pas comme ça.. Je suis du genre très rancunier, il devrait le savoir.  D'ailleurs, s'il l'a pas deviné, je crois que ça pourrait pas être plus clair dans les propos que je lui lance.  

Cassé.

Ha, même pas.  Il me sourit le con... Il me laisse gagner à coup sûr pour éviter.  Je grogne un peu et mes yeux s'attardent sur les vêtements d'Ivory.  Visiblement, il aurait été mieux sans.  Même que ...je sens la chaleur se réinstaller dans mon bas ventre, comme si c'était le moment.  Avec moi, c'est toujours le bon moment.  Sauf que si je lui saute dessus à ce moment, c'en est fini de ma crédibilité.
Sans même m'en rendre compte, ma langue s'attarde sur mes lèvres, non pas pour les humidifier vu le niveau de chaleur dans la pièce, mais parce que l'excitation me gagne.  Cette salope a toujours le dernier mot sur mes émotions...

Sauvé par l'explication, pour une fois.  Je fronce les sourcils pour me concentrer et bien lire sur les lèvres du blond.  Fuck... Toshiie n'est pas seulement un foutu maffieu, mais il a déjà été dans le band d'Ivory.  Hé ben, ça arrête pas les bonnes nouvelles.... Si ça se trouve, cet enfoiré de ''jap'' connaissait déjà mon histoire avec l'anglais et en a profité pour se rapprocher et pouvoir avoir des détails sur sa nouvelle vie.  Ou alors, je fabule sur tout ça et j'm'en viens vraiment parano.  Je secoue la tête et détourne le regard, un peu trop aterré pour ajouter quelque chose.  J'en ai marre...vraiment trop là. Sans qu'on le soit, j'avais vraiment cette impression qu'on était le plus près d'un couple possible.  En fait, j'me rend compte que c'est ce que j'aurais réellement voulu.  Mais la vie est une chienne et ne donne jamais ce qu'on veut, mais ce qu'on mérite.  Et je mérite tout sauf le bonheur.  

-Ivory, essaie pas de m...

Le coup chien!  Il m'embrasse sans me laisser le temps de lui dire qu'il peut pas m'amadouer avec son regard de chien battu.  Je reste crispé les premières secondes, avant de me laisser aller.  Ce serait mentir de dire que j'ai pas eu envie de le repousser violemment, mais c'est qu'il m'a manqué ce connard d'anglais.  Je m'accroche à ses lèvres comme si c'était la dernière fois que je pouvais l'embrasser.  Après tout, si c'est arrivé une fois, ça peut très bien se reproduire.  Ma main empoigne sa chemise pour le tirer un peu plus vers moi, même si on est déjà collé.  Non, pars pas encore.  Reste ici, avec moi.  Je le mérite pas je sais, mais j't'en prie, fais le.

Je relève les yeux alors qu'il s'éloigne de moi.  Ses lèvres ont quitté les miennes, ma main n'a même pas suivi le mouvement.  Et pourtant, j'avais envie de le garder tout près. J'agis en égoïste, alors que je laisse tomber ma main le long de mon corps qui se referme en un poing crispé. Je compte tourner les talons et retrouver mon petit enfer rien qu'à moi. D'ailleurs, ce fameux Toshiie, il doit bien me chercher à l'heure qu'il est, et lui aussi. Ce qui risque d'être embarrassant.

Bordel...il me fait LE regard. Je soupire, résigné, et le suit. Ouais, faisant abstraction que j'suis à moitié à poil et que bon, j'risque sûrement d'attirer l'attention sur moi en sortant, mais j'men fou. J'hoche la tête et je le suis, c'est tout. Et il a même le droit à un p'tit sourire en coin. Il a gagné la guerre...jusqu'à la prochaine fois.

Ce n'est pas moi qui suis aux commandes cette fois et ça m'embête un peu à dire vrai.  Le retour d'Ivory a changé mes plans, qui n'étaient déjà pas trop élaborés au départ, et va falloir que je trouve une très bonne idée pour expliquer mon départ pour la réunion des Yakuza.  Je fronce les sourcils en me rappelant de la tête du blond lorsqu'il a vu Toshiie.  J'arrive à peine à y croire qu'ils se connaissent ces deux-là.  C'est pas très bon pour moi, ni pour ma mission.  Celle pour qui j'vais y laisser ma peau d'ailleurs.  

J'ai encore trop la tête dans la brume pour saluer qui que ce soit près de la sortie.  Une pensée ressort du chaos.  Laisser une note à l'accueil comme quoi je file pas à l'anglaise.  Un simple petit bout de papier qui pourrait sauver la mise.  Je vais vers le comptoir et demande rapidement de quoi écrire à la réceptionniste qui me regarde avec les yeux ronds.

-Tout va bien monsieur?  Vous avez perdu la clé de votre casier?

Elle a le culot de me dévisager des pieds à la tête en plus.  Comme si c'était la première fois de sa vie qu'elle voyait un mec presqu'à poil.  Je secoue la tête en guise de réponse, puis laisse tomber l'idée du message vu qu'Ivory a déjà franchit la porte.  Qu'elle le prenne comme elle veut, j'en ai rien à foutre.  Pour mon autre problème, le plus gros, je trouverai bien la solution plus tard.  Je trouve toujours THE solution.  

Le froid est tenace, c'est humide et surtout quand il manque le trois quart des vêtements.  Je mets les bras autour de mon torse comme si ça pouvait faire une différence en cherchant des yeux le blond.  Il m'aurait pas déjà fait faux bond?  Non, pas cette fois, je le vois au volant de sa voiture.  Pas mal la caisse.  J'ouvre la portière et m'engouffre, encore frissonnant, puis la referme en lui jetant un regard curieux.  Il n'est pas comme d'habitude.  Si on oublie le fait que ça fait des lustres qu'on s'est vus, il semble plus stressé.  Y'a un truc qui tourne pas rond.

Je viens pour ouvrir la bouche qu'il me montre que c'est pas le moment en me donnant une pochette.  Je soupire en l'ouvrant et jette un oeil sur les CDs.  J'ai pas envie d'écouter de la musique, trop mal à la tête pour ça.  L'option que  ça m'empêcherait de penser trop à ce qui se passe gagne sur les autres et j'en prends un que je glisse dans le lecteur.  J'ai pas choisi, j'ai laissé le hasard décider.  C'est bien lui qui a fait qu'on se retrouve Ivory et moi aujourd'hui.  

Les premières notes résonnent et je laisse aller ma tête contre le dossier en soupirant.  L'idée que j'ai oublié de m'attacher ne m'effleure pas l'esprit.  Je ferme les yeux en tentant de retrouver un semblant de calme. Un gamin courant pieds nus dans le sable chaud s'impose à moi et je souris un peu. Des images de mon enfance qui ont choisi leur moment pour venir rendre visite. Je sens la voiture s'arrêter et j'ouvre les yeux. Il me regarde non? Je me tourne vers lui pour vérifier et croise son regard. J'aimerais bien savoir ce qui se passe dans sa tête, mais j'ai pas encore développé cette capacité qui me serait fort utile. Il me trouble avec ce regard et je déglutis pour me sentir plus à l'aise. Voyons voir où on est rendu? Je regarde par la fenêtre alors qu'il démarre. Je reconnais le coin où il habite, là où il devait tourner, mais il continue tout droit....

-Heu, c'était pas par là chez toi? T'as déménagé?

J'essaie d'être rationnel pour une fois. C'est loin de m'aller bien, je sais, mais je veux comprendre où il m'amène. Je tourne à nouveau les yeux sur lui, espérant un signe comme réponse.

-C'est quoi ton plan, Ivory?

Je veux juste une réponse, juste une. C'est trop demandé?

Mon regard quitte Ivory un moment pour regarder la route par la fenêtre.  Je sais qu'il ne pourra pas répondre à mes questions.  Pas nécessairement qu'il ne peut pas, mais qu'il ne veut pas.  Un ex chanteur sans voix, ça le fait pas.  Avec un peu de volonté, voir beaucoup, il pourrait se remettre à parler s'il en avait vraiment envie.  C'est comme monter à bicyclette, ça s'oublie pas ce genre de truc.  Je garde mon sermon pour une autre fois, en attendant de voir où il m'amène comme ça.

On s'arrête devant un hôtel.  Je fronce les sourcils et tourne la tête pour le regarder.  Quoi? Tu ne m'amenais pas chez toi?  C'était pas la folie qui guidait la route?  On va vraiment finir dans un lieu prédestiné au sexe pour faire comme les dernières fois?  

-Tssss

Je laisse parler mon flegme.  C'est flagrant comme quoi certaines choses se répètent.  On se revoit après x temps, on va baiser, et on va encore se quitter.  On devrait faire un livre sur notre histoire tiens, j'irais tout de suite à la fin pour connaître le dénouement final.  Je suis trop curieux de nature.  Je me mords la lèvre en entendant une petite voix au fond de moi qui me dit qu'au fond je ressens la même chose... Dès que je l'ai revu.  Dès que nos regards se sont croisés, j'ai su que ce serait inévitable.  J'ai envie de lui, depuis tout ce temps.  C'est des choses qui s'expliquent pas.  Oui j'ai envie de parler avec lui, de tenir une conversation sérieuse pour une fois, mais je n'arrive tout simplement pas à taire ce qui brûle en moi.  C'est....chimique?

Il se rapproche de moi.  Je suis sûr qu'il craque et qu'il va me sauter dessus, mais non.  C'est pour prendre un truc derrière.  Je fronce les sourcils, puis pose les yeux sur moi.  Ha ouais....  Je souris en coin et prends le manteau qu'il me tend pour me couvrir un peu.  Je crois son putain de regard en feu, puis détourne les yeux.  C'est la seule chose à faire, sinon j'le baise là sur la banquette arrière.  

Je sors après lui, refermant un peu sèchement la porte, puis entre dans l'hôtel.  Je siffle un coup pour montrer mon admiration.  Ouais Ivory, tu choisis pas n'importe quoi, même si c'est par hasard.  Je prends appui sur le comptoir et fait un superbe sourire à l'homme qui nous accueille.  L'histoire d'Ivory m'amuse et je trouve important d'ajouter mon grain de sel.

-Les femmes....

Le commentaire qui me veut rien dire, mais qui se prête si bien à la situation.   Je le salue de la main et va dans l'ascenseur avec lui.  Mon dos se colle au mur du fond, je ferme les yeux et croise les mains pour les occuper.  Elles aimeraient bien faire autre chose.  DING, les portes s'ouvrent et je rouvre les yeux en soupirant, les posant dans le dos du blond pour le suivre.  

La pancarte m'arrache un sourire et je suis des yeux mon amant.  Nos regards signifient mille et une choses, aucun mot n'a besoin d'être dit.  Je tremble lorsqu'il vient me coller par derrière, mes mains venant caresser sa peau, et je frémis.  Je le laisse me déshabiller doucement, rouvrant un regard plus brillant lorsqu'il passe devant moi.

-Tu essaies de te faire pardonner?

Je ris contre ses lèvres et le pousse contre la porte d'un bon coup.  Assez pour qu'il ait un peu mal quand même.  Je l'embrasse sauvagement, tout le contraire de ce qu'il souhaiterait.  Je n'ai plus envie d'être doux.  S'il voulait que je le sois, il avait qu'à donner signe de vie, un petit texto de temps en temps, ça tue pas.  Je grogne en levant mon genou vers son entre-jambe pour le caresser.  Mes lèvres quittent les siennes pour aller l'embrasser dans le cou, le mordre, assez violemment.  Ma main prend la place de mon genou et je l'asticote en gémissant, juste avant de serrer son sexe avec force.  Je lève les yeux vers lui et souris.

-Quoi..tu croyais vraiment que ça allait marcher?

Mes ongles se plantent dans son gland et de l'autre main je tire ses cheveux pour l'envoyer valser dans la pièce.  Haletant, je pose les yeux sur lui  en secouant la tête.  Pas cette fois.  J'ai appris la leçon.  Ma main attrape la poignée et je lui lance un dernier regard, avant d'ouvrir la porte.

Et je commence à compter lentement alors que je m'engouffre presqu'à poil dans le couloir.


Un....deux....

chanson du moment:

C'est pas comme si je l'avais pas averti. Oui l'envie était forte chez moi, oui je le désirais, mais mon ego a refoulé mes instincts primaires. La colère d'avoir été oublié comme des poubelles au coin de la rue s'est élevée et j'ai agis instinctivement. C'était même pas prémédité mon truc. Et j'ai pas pris la peine de voir les conséquences de mes actes. Si je l'ai blessé, je m'en suis pas rendu compte. Mon but était seulement de le repousser, pour le faire payer de m'avoir pris pour une valise pendant si longtemps. Je suis loin d'être un meuble ou encore un animal qu'on peut abandonner pendant des jours. Lui revient pour des caresses sans rien demander, pas moi. J'ai des comptes à rendre.

Je suis sorti dans le couloir, certain qu'il va me suivre. Un trop plein de confiance en moi qui m'a dicté d'agir ainsi. Il va arriver derrière moi, poser une main sur mon épaule. Alors, je me tournerai, et verrai son regard piteux rempli de larmes. Et alors, il se mettra à genoux pour me supplier de revenir dans la chambre, de lui pardonner. Bien sûr, il ne pourra pas tout de dire, mais c'est ce que je lirai dans ses yeux de chien battu. Je vais faire mine de réfléchir, ne daignant pas m'occuper de lui, puis je le tirerai par les cheveux pour qu'il se redresse. Et là, bah c'est simple. On baisera comme des bêtes dans le couloir.

J'ai envie d'une cigarette tiens. C'est con que j'sois à poil quand même. Tiens, j'y ai même pas pensé en me barrant. Faut dire que c'est pas moi que ça dérange. J'suis très loin d'être du genre prude. C'est pas comme si y'avait foule non plus dans le couloir. Et pour dire la vérité, j'm'en moque pas mal. De toute façon, Ivory devrait me rejoindre d'une seconde à l'autre. J'entends d'ailleurs ses pas, et je souris en pensant à la tête qu'il va me faire.

Je savoure déjà ma victoire, j'ai gagn...

*BANG*

Une douleur aigue se fait sentir sur ma nuque et je voir noir pour quelques secondes. Je perds la carte et tombe au sol, ayant tenté de m'accrocher au mur pour me retenir, mais sans succès. Je crois que ma tête heurte le plancher de marbre parce que c'est la sensation du sang qui me coule dans le dos qui me fait sortir de ma léthargie. Je cligne des yeux pour tenter de m'orienter, avant de recevoir les premiers coups de poings. Le traître... il m'a attaqué par derrière. Hey ho, ça c'est MA méthode. Je serre la mâchoire alors que ma nuque me fait souffrir et tente de me redresser sur mes mains pour me lever. Je retombe aussitôt. C'était une mauvaise idée, j'ai pleins d'éclats de verre maintenant, ben bravo.

-Iv...ry..остановки!

Je commence à voir trouble et ses ongles dans ma peau m'arrache des grognements. Je tente de passer une main sur ma nuque en tremblant et la ramène devant mes yeux. Elle est couverte de sang. J'ai l'habitude, c'est pas ça, c'est le fait que je contrôle plus rien et c'est ça qui me fait paniquer. Et contrairement à d'habitude, je reste comme une loque par terre, à me faire rouer de coups. Je suis pitoyable...

Je suis certain que les occupants de la chambre 418 peuvent entendre les battements de mon coeur tellement il cogne dans ma poitrine. Il a même assailli mon cerveau. Je grogne un peu, signe verbal de mon agacement de même que ma résignation. C'est le point positifdu handicap d'Ivory en fait. S'il avait pu parler, j'aurais sûrement eu droit à tout un tas d'insultes. C'est le point positif.

Le négatif maintenant, c'est que je suis toujours par terre, et qu'il a eu le dessus. Je l'ai laissé faire sans pouvoir anticiper le geste. On m'a formé pour ça  depuis tout petit. J'étais même l'un des meilleurs, sinon LE meilleur, et comme un con j'ai merdé. Je comprends même pas ce qui s'est passé en fait. Bah ouais, je sais que j'ai joué le macho avec un ego gros comme un gratte-ciel et j'me suis casser la gueule solide. Il ose me toucher en plus, quoi, il veut que je rétorque? Je vais lui montrer à quel point je peux être têtu. Il le sait déjà, sinon le plancher m'aurait pas fait un frenchkiss.

Je ronchonne pour la forme et parce que j'étais quand même pas trop mal là.

Sa main est chaude lorsq'il me touche et je pousse une jurée d'insultes à son sujet pour qu'il me lâche de suite. J'ai pas trop l'choix de me lever. Rester en plein milieu du couloir ne servirait pas à grand chose et y'a ma fierté qui m'en voudrait à morté Donc, je prends appui sur le plancher avec mes genoux et suis à peu près debout. Je traîne un peu. Puis une impulsion me pousse à fuir. La honte de m'être fait tabassser par lui sûrement. Mais il m'a eu en agrippant mon poignet. En plus de faire chier, il sait lire dans mes pensées.

J'ai à peine le temps de voir le bordel dans la chambre que j'me retrouve le cul sur une chaise rapidos. Sans m'en rendre compte, j'ai obéit à son ordre et le regarde partir vers la salle de bain, me demandant ce qui me retient ici. C'est vrai quoi, il m'a pas attaché, encore moins menotté (saurait-il seulement le faire?). Alors pourquoi je reste docilement assis? Un soupire et je passe ma main derrière ma tête en grimaçant. J' pourrais régler ça seul, c'est comme ça que j'l'ai toujours fait. Mais il revient déjà, et c'est une chance qu'il se mette dans mon dos parce que je lui éclaterais sa gueule d'ange à ce salopard. Et puis merde. J'en ai marre. J'suis pas du genre à m'apitoyer sur moi-même et à me laisser faire, loin de là. J'me lève pour me barrer, mais une main sur mon épaule m'en empêche. C'est pas qu'il est fort, mais...moi qui est faible à ce moment.

-T'fais chier!

Je reste passif en ronchonnant. Il se prend pour mon esclave ou quoi? Non parce que si c'était le cas, il se ferait fouetter une bonne centaine de fois. Les traits de mon visage changent lentement. Pourquoi es-ce qu'il est en train de faire tout ça?

Mon regard croise le sien maintenant qu'il bouge.Il a beau ne pas vouloir me regarder, c'est évident dans sa posture, mais il l'a sûrement fait sans s'en rendre compte. Il passe un moment sur mon visage, ça doit pas être du joli... La fraîcheur de l'eau me fait du bien. En aucun moment je n'ai montré signe de douleur, je suis habitué à beaucoup plus. C'est surtout l'orgeuil qui en a pris un coup.

-Arrête!

Je saisis sa main cette fois et le dévisage. C'est mieux qu'on arrête là non?

-Though nothing, would keep us together...

J'y croyais pas, mais il réplique à sa façon. C'est celle qu'il a trouvé et je préfère ça au blackberry. Qui sait, avec un peu plus d'efforts je réussirai peut-être à le refaire parler? Ouais, c'est beau de rêver... Et c'est lui qui a le look drama queen, pas moi. Je le lui ferais bien remarquer, mais il s'assied en face de moi comme pour débuter une conversation. Hey ho, c'est pas de ça dont j'ai envie, je suis dans une rage noire, ça se voit pas?!

-If I'm Romeo, it's from a different story , darker...but the end is the same

Je me pointe en le fixant.

-For me...

Tiens, il n'a pas fini ce qu'il voulait dire. Il en a de la ''jasette' c'est plutôt rare. Alors je tente d'agripper mon calme à deux mains pour qu'il reste avec moi et j'écoute, fronçant les sourcils et ne pouvait qu'aquiescer à son affirmation. Ouais c'est un putain d'enfoiré, mais y'a une partie de vraie dans ce qu'il dit, bah mime, breeef... On est des fuckfriend après tout. Et depuis le tout début, pourquoi alors j'ai l'impression que...

Pourquoi il se rapproche d'un coup? Je plisse les yeux, devenant suspicieux. Je suis pas opaque je suis difficile à comprendre...et alors?!?! J'veux pas qu'on me connaisse c'est pas pour rien que j'agis comme un con. Bon, j'fais pas toujours exprès, mais c'est pas le genre de chose que j'ai envie qu'il sache non plus... Et là, ce qu'il dit me scandalise... Ce qu'il mime plutôt...je suis tellement concentré pour former les lettres dans ma tête que je comprends l'ampleur des mots à retardement.

J'ai un petit rire nerveux et je secoue la tête.

-God, If you only knew the truth! You can't understand Ivory!

Il ne pouvait pas tomber aussi bien. J'ai trouvé ce que j'avais à lui dire lorsque je voudrai qu'il parte en courant. Au lieu de le balancer au-travers de la pièce, je lui déboulerai les chapitres de ma pitoyable vie. Sûrement qu'il ne se rendra même pas jusqu'à la moitié du premier chapitre. Je détourne le regard un instant, en proie à une hésitation. Et si je me trompais? Et si justement, c'était LA personne qui pouvait me comprendre? Non, c'est impossible. Personne peut, et personne ne pourra jamais. Je le regarde à nouveau pour ne pas perdre une miette de ce qu'il veut me dire.  

-...

Okay, c'est du sérieux. Je sais même pas quoi faire. J'me tais ou je lui balance tout ce que je dois savoir? Tout ce que j'avais envie de savoir sur lui. Quelque chose me rebute. Pour lui, c'est vraiment juste du cul et c'est ce qu'il aime, j'en ai la preuve là. Mais pourquoi j'ai un sentiment étrange qui se forme dans ma poitrine? C'est pas ce que je veux aussi? Bien sûr que oui, ça a toujours été que du sexe pur et dur entre nous...non? Ma mâchoire se crispe et je le pousse un peu, posant ma main sur son torse là où son coeur devait battre la chamade.

-It's fine now. If you don't want to, it's okay. I didn't know that ...

Je secoue la tête en retirant ma main. Fuck j'allais devenir sentimental... je vais vraiment pas bien, mais je me reprends.

-Let's go fuck! This is what we do the best, no?

Je reste sérieux, tentant, tant bien que mal de cacher mon malaise. De laisser le gamin apeuré qui tente de mordre pour sortir de sa cage, pour qu'enfin on l'aime. Non, je garde sa cellule bien fermée à celui-là. Qu'il ne sorte jamais, plus jamais.  Je tente un sourire pour le rassurer, pour ne pas qu'il réalise qu'il est tombé pile sur ce que je suis. Pour qu'on oublie tout et qu'on fasse comme si rien s'était passé...encore et encore...

Bah ouais, le cul c'est ce qui faisait tourner le monde non? Du moins, c'est ce qui avait donné naissance à notre histoire à Ivory et moi, alors pourquoi es-ce qu'il voudrait pas oublier tout ce qui c'était passé pour une bonne partie de jambes en l'air? Bon, ça va, je peux me forcer à être plus doux avec lui, mais il aime bien quand je me montre bestial. Mais j'y suis peut-être allé un peu fort quand j'ai vu rouge... il a encore des marques et je l'avouerai pas, mais je m'en veux. Je ne voulais pas lui faire de mal, mais c'était plus fort que moi. On peut pas vraiment empêcher un tsunami de faire des ravages. C'était un peu comme ça que je me sentais. Pas totalement libre de moi-même. Un peu à la manière de Hulk, sauf que j'ai rien de radioactif...enfin, j'crois pas. Et j'ai pas sa super force...Bon, finalement, c'est pas du tout pareil...

J'hallucine ou il a secoué la tête là?!? Attends....ça voudrait dire qu'il veut pas baiser? Lui? Ivory? Non, je dois rêver, c'est juste pas possible. Il s'est passé quoi pour qu'il refuse du cul? Ivory, tu veux quoi merde?!? Et pourquoi tu te rapproches de moi? Tu essaies de m'amadouer?! Je t'avertis hein, ça ne fonctionnera pas! Mon coeur sous ta main bat la chamade...On croirait que je me trouve dans une fusillade sans aucune issue, et pourtant, je suis seul avec toi et il n'y a pas de danger. Oh oui il y en a un grand : celui de m'ouvrir à toi. L'incertitude et la peur commence à se battre dans mon ventre et je grimace un peu. Je préférerais encore une mission suicide qu'être dans cette situation. Lorsque tu poses ta tête dans mon cou, des mèches blondes viennent me caresser la joue. Je ferme les yeux en m'imaginant être ailleurs. Là où seuls nos corps parlaient pour nous. Non...pourquoi tu t'écartes?! J'étais bien, et j'espérais malgré tout que tu acceptes ma proposition. On aurait peut-être pu se faire des confidences sur l'oreiller ensuite...

- No. You were right. We need to talk. Right now. Because if we don't ... there will be no futur for us. You're sick of that situation. You'll grow more and more violent. And I can't stand violence like this.

Rhaaa tu fais chier!!! C'est pas le moment de parler, mais j'avais besoin d'un p'tit moment câlin moi..c'est trop demandé?!?! Bien sûr quand c'est toi qui demande, c'est okay, et c'est normal, mais quand ça vient de moi, alors là c'est autre chose.

Je soupire en voyant qu'il s'éloigne, mais il garde le contact visuel...Il veut vraiment pas que je l'esquive cette fois. Je devrais être content qu'il me dise que j'avais raison, mais non c'est pas le cas. Parce qu'on va devoir parler, et que j'en ai pas envie, même si c'était mon idée au départ. Cette situation me rend malade, ouais c'est pas faux, mais c'est pas vrai que j'suis de plus en plus violent. Bon, peut-être, mais c'est pas juste à cause de lui. C'est ma vie qui me rend complètement malade. Mais j'ai besoin de cette adrénaline pour survivre, j'y peux rien.

- Talk. Or walk away for good.

Je cligne des yeux en le dévisageant, comme si je ne croyais pas ce qu'il vient de me dire.

-This is an ultimatum?

Moi qui déteste qu'on m'en donne, c'était pas le meilleur moyen pour obtenir satisfaction. Mais je dois réfléchir, et c'est pas facile dans cette situation. Il me regarde dans les yeux sans me lâcher, il sait quel effet ça a sur moi...je détourne les yeux.

-I'm a real bad boy you know....

Ouais bon ça tu le sais déjà Ivory...tu as mis le doigt dessus tout à l'heure, mais j'ai pas osé acquiescer et j'ose pas encore te dire la vérité. Salut ouais, j'suis de la mafia russe en fait, et j'infiltre les Yakuza tranquilou, ma vie est on ne peut plus normale... ouais ça le fait. Je me frotte la tête, tiraillé encore entre l'idée de tout lui balancer ou de me taire encore une fois pour le protéger. Je relève les yeux sur lui et j'arrive pas à retenir les mots qui fusent de ma bouche d'un rythme rapide comme s'ils allaient me brûler si je prenais trop de temps à les prononcer.

-You know...when you ask me if I must be part of some mafia ... or something with bullets, and drugs and corpses... You were not far wrong.

Je me frotte la nuque, ignorant si je devais continuer ou pas. Je cherche dans son regard quelque chose qui me ferait comprendre que je lui fais peur, que je dois arrêter ou je risque de le perdre une fois pour toute. Je pourrais me taire maintenant et ce serait assez. Il n'est pas assez con pour ne pas faire de liens entre mon aveu et ce qu'il a déduit de lui-même. Et pourtant, un murmure s'échappe de mes lèvres pour confirmer ses pensées. Tant qu'à s'enfoncer, autant le faire comme il faut, jusqu'au fond. Jusqu'à ce qu'on ne puisse plus sortir de l'abîme.

-In fact, you put your finger on it...

Bordel Akim, qu'es-ce qui te prends?!?! Je me  lève d'un coup et le pousse s'il s'était rapproché. Je prends ma tête à deux mains en fermant les yeux. J'ai la mâchoire crispée, la bouche sèche et une boule dans la gorge. What is wrong with me?
Non, je peux pas. Je peux juste....pas.
Ma main caresse distraitement le tatouage qu'on m'a fait comme cadeau de bienvenue dans l'organisation, au creux de mes reins.

-Forget it, forget everything I said...

J'ai presque rien dit, c'est pas comme si je venais de lui déballer mon histoire, mais j'ai l'impression que j'en ai trop fait. En mettant Ivory au courant de qui j'étais réellement je venais de le mettre dans le même bateau que moi.
Je cours vers la salle de bain et m'appuie contre le comptoir, avant d'ouvrir le robinet d'eau froide. Je suis en sueur et je me sens mal, qu'es-ce qui m'arrive?!?! Je prends la chance de jeter un regard à mon reflet dans le miroir et je grimace. J'ai vraiment une sale tête, et je parle pas juste de ma blessure. Je me penche au-dessus de l'évier et je m'asperge d'eau froide pour reprendre mes idées.
Il faut que je parte d'ici...