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 I cling to. (Kohaku)

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2 participants
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AuteurMessage
Kohaku Joshua Mitsumasa
♣ Université - 4ème année
Kohaku Joshua Mitsumasa


Genre : Non Binaire Verseau Coq Age : 30
Adresse : Hiryuu : 05 rue de la Chance, app 32 ou la Chambre 110 de l'université ou chez Zakuro.
Compteur 665
Multicompte(s) : Lawrence E. Swanster | Populaire

KMO
                                   :

I cling to. (Kohaku) - Page 2 Empty
MessageSujet: Re: I cling to. (Kohaku)   I cling to. (Kohaku) - Page 2 EmptyMer 12 Juin 2013 - 0:50

LET ME HEAR A VOICE
THE VOICE OF THAT TIME


Mes poumons me hurlaient, gueulaient même, que l’idée d’avaler suffisamment d’eau pour m’étouffer n’était pas appropriée, que la sensation de brûlure qui se répandait dans mon thorax et les quintes de toux aqueuse qui envoyaient le liquide clair valser dans les airs n’étaient pas une bonne chose. Absolument pas. Warning, warning, alarme, alarme, des clignotements blancs et rouges jouaient derrière mes paupières closes, alors que mes quintes de toux sporadiques laissaient le sang de ma lèvre défoncée se mêler à la transparence du déferlement cristallin. Je fis le sourd d’oreille à leur stridence, gardant obstinément la bouche ouverte sous le pommeau de la douche, le jet d’eau diffus s’enfonçant dans ma trachée, emplissant ma bouche et laissant l’eau couler en épaisses chutes le long de mes joues. Laver l’intérieur comme on nettoie l’extérieur, noyer l’horreur et toute la poisse qui avait su s’empiler dans un coin de mon estomac, pleine d’amertume et de doute, effacer toutes traces, plonger la réalité dans l’immatérialité, dans la résonance transcendante qui occupait toute la place entre l’organe bouillonnant que dictait mes synapses. Purger l’existence pour n’être que ce que j’étais.

Je préférerais mourir noyé que brûlé, car dans l’eau la seule chose essentielle qui en viendrait à manquer à l’appel serait l’oxygène, mon corps resterait intact, mes yeux se verraient même octroyer la possibilité de rester ouverts et, si l’étendue dans laquelle j’aurais eu le malheur de me prendre les membres prouvait suffisamment claire, toutes les couleurs du monde trembleraient à mes côtés. Elles terniraient lentement avant de basculer dans le blanc, convergeant en un tout sibyllin pour me dire au revoir.

Et cela esquisserait la terminaison de mon humanité.

Mes poings se crispèrent et une toux particulièrement violente me fit pencher la tête vers l’avant, ma bouche se libéra de son fardeau aqueux, un océan, réminescent d’une limace à laquelle s’était ajoutée ma salive, déferlant hors de mon orifice buccal. J’ouvris les yeux, m’attardant sur la sensation de libération, sur l’air qui venait gonfler mes poumons avec ardeur, sur la disparition du goût métallique sanguin sur ma langue. Humain, humain, si terriblement humain. Je déliai mes paumes et les appuyai sur la cloison de la douche, me concentrant sur l’eau qui filtrait entre mes orteils, minces filets virant parfois au rose. Les mèches blanchâtres de mon crane se plaquaient à la moindre parcelle de peau avec laquelle elles entraient en contact, titillant mon nez, mes joue et mon cou comme des plumes enduites de colle. Je ne les balayai pas immédiatement de mon visage, les laissant câliner mon épiderme comme des enfants un long moment, immobile, songeur. La fatigue pointait dans un coin reculé de mon esprit, vile tentatrice me sommant de reléguer mon corps au confort de ses bras, de délaisser cette rencontre singulière au profit d’un sommeil réparateur. Un lourd sommeil qui arriverait à effacer ce que l’eau n’avait pu brusquer, ce qui était resté loger dans mes entrailles comme une gangrène redoutable. Je l’ignorerais, la pourfendrais de mes ongles si elle tentait de me soumettre. Je ne voulais pas que cette journée se termine, pas maintenant, jamais, trop de connectivités cognitives à explorer, trop de muscles saillants sous la chair à étirer, je voulais le pousser jusqu’à ses limites, plus loin encore que ce qu’il croyait pouvoir atteindre, le tordre pour récolter toutes les goûtes qui le désignait en tant que ce qu’il était pour ensuite lui ordonner de les remanier. De se recréer pour devenir ma plus belle réalisation, ma plus somptueuse possession, la preuve muette qu’en plus de pouvoir devenir Chess, je pouvais m’élever, hilare, insoutenable, inatteignable, au-dessus de ce qu’il était.

Son visage assailli par la pluie fraîche, son visage hésitant entre une contorsion surprise ou blessée, ses yeux se heurtant à ma propre surprise de me voir respecté, interprété d’une manière qui dissonait tant avec le plateau d’hors-d’œuvre moraux que je présentais. Encore une fois, je m’étais acharné, avec une douceur anormale, une affectuosité létale, sur les rouages de ses valeurs, m’opposant tel un mur implacable à leur résonnance, cherchant à les démantibuler pour pouvoir en recréer le sens. Je voyais ses lèvres serrées, fermées en une ligne sobre et rampante d’indécision, de pourquoi et de toutes ses choses que je voulais absolument acquérir et tenir entre mes paumes, victuailles de mes ardeurs, pitance de mes actions. Ce visage tendu et ces cieux sans limites concrètes auxquels on avait apposé des clôtures, de hautes barrières qu’il fallait impérativement défoncer, tordre, pour se permettre de les apprécier. Je me complaisais dans la pensée imbue que nul n’avait jamais pu autant s’envouter de ce regard dans lequel germait l’agonie de l’histoire et la déchéance de la modernité, deux rivières stellaires et d’une clarté désarmante qui zigzaguaient entre les cognitions, saisissant le monde comme on saisit des fruits, se déposant avec la force d’impact des ailes d’un papillon. Un touché frugale sur une joue de calcite jauni, un lien qui perçait sa matérialité et l’embaumait de mes attributs vacillants, irréels, une apposition de convoitise et d’appartenance. Car il m’appartenait et que je m’assurerais, jusqu’à ce que mes synapses défaillent et que ma mâchoire s’égraine – dans l’eau, dans l’eau, me soufflait un coin de ma tête ─ qu’il fût toujours mon prix, ma couronne, la chaussure de verre s’agençant à la finesse de mon pied adolescent. Ou qu’il fut quelque chose d’autre, une définition nouvelle, un terme encore absent de la surface planétaire, un terme qui n’aurait pour définition que lui et sa chair, que lui et ses idéaux rêvassés tout bas. Un terme dont la locution aurait prit naissance au creux de ma gorge pour fleurir et perdurer dans son corps, d’abord dans ses prunelles, pour ensuite se jeter dans ses muscles, sur ses lèvres et emplir son cœur et son cerveau jusqu’à en acquérir la gouverne de son âme. Il serait à moi. Non, non. Il l’était déjà, n’est-ce pas ?

N’est-ce pas ?

Animal sauvage plus vrai que nature, l’implacabilité d’un moment et toute cette intensité débordante, dévorante, se faisant de plus en plus absente, perdue, égarée, dans les conventions et les normes, brouillée par ce qui devait être fait et l’apposition des règles. Il avait transcendé tout ça, attrapant ma main et lançant tout haut à l’obscurité, en d’autres mots, comme une comptine, que le jour où Cheshire suivit Zakuro Fea dans le métro se dessinait tranquillement. Un instant dissonant que je goûtais encore sur ma langue, vrillant les os des mon corps de frémissements incertains. Le contour de ses omoplates, le son de sa voix qui résonnait dans la pénombre de la rame. Puis, l’étanche avenue pluvieuse d’un ciel virant doucereusement au gris, comme des rideaux qui se fermaient sur le chapitre rocambolesque de l’intrigue d’un livre. Et cette censure arrachée, ce respect nié et attaché avec un fil de fer lacérant et barbelé sur la rame de métro que nous avions quitté, avec la poisse et le désespoir. Je ne voulais pas de son respect, car en obtenant un tel faussement, non seulement le laissais-je sombrer dans un aveuglement volontaire, dans une interprétation erronée, mais je placardais aussi sur son front la fin de tout ce qu’il pouvait m’apporter. En me respectant, en me considérant comme plus élevé que sa personne, il laisserait infailliblement son intégrité disparaître, remplacerait son honnêteté par une politesse aberrante, par des agissements contenus.

Mes paumes mouillées glissèrent sur le carrelage du mur en un mouvement lent, me contraignant à courber l’échine pour suivre leur déplacement. Trop de valeur dans ses larges paumes aux extensions de métal, trop pour que je puisse me complaire à le regarder se prendre les pattes dans les méandres de son propre cerveau. Je préférais le regarder se former, s’assembler et être la cause même de ce nouvel échafaudage grandiose.

Je t’ai construit, je t’ai construit.

Je relevai à nouveau la tête, orientant ma bouche sous le jet brûlant, volute d’eau condensée en vapeur se chargeant de prédire l’avènement d’un nouvel étouffement imposé, grimpant dans mes narines avant d’être suivie par la chute s’extirpant du pommeau en action. Mes paumes se crispèrent sur la céramique claire composant le mur de la cabine de douche. De la pression pesant contre le mécanisme de mon œsophage, me suppliant dans des bruits mous et cinglant de relaxer les muscles compressés qui prévenaient la destruction du barrage de ma gorge. La chaleur, la tension et les larmes invisibles aux coins des yeux, bordant et se mêlant à la foule aqueuse qui festoyait sur mon épiderme. Je contenais les halètements et l’envie de respirer à pleine trachée qui transperçait mon corps, laissant de nouvelles explosions de couleur gambader avec ferveur sous mes paupières, comme les faisceaux aveuglant qu’on observait lors de concerts ou dans des boîtes de nuit un tantinet excentriques. Pourtant l’irritation de la brûlure criait son existence dans les replis de la chair molle de ma gorge et je ne doutais pas un instant, que dans les jours à venir, une curieuse et passagère mutation de ma voix se ferait remarquer, plus enrouée, plus rauque comme lorsqu’on se voit affligé d’une vicieuse grippe qui mord et qui tord. Le liquide s’infiltrait, le liquide purgeait et mon esprit martelait l’atmosphère environnante de coup matraqué en direction de la mémoire.

Les escaliers de l’Académie, les aiguilles à coudre dans les poumons et la sueur perlant fiévreusement sur la peau. La sensation d’invincibilité, le monde à nos pieds et le silence étonné régnant sur la cours pluvieuse. Nous nous étions infiltrés comme des voleurs dans l’enceinte de l’établissement nous accueillant à longueur d’année, pianotant nos semelles contre le parquet familier et détruisant les remparts sociaux communément appelés ‘règlements’. Mes paumes avaient tremblé d’exténuation et chaque enjambées m’ayant porté plus haut dans les escaliers m’avait paru me coûter une vie entière, une silhouette de bois se mouvant gauchement, destituée de sa grâce coutumière, celle qui la séparait du reste du monde, qui décrivait un arc prononcé entre elle et le reste de l’humanité. Et la main de Zakuro, dans cette cacophonie corporelle qui laissait mon corps tituber à la manière d’un zombie dans les couloirs, était à nouveau venue s’emparer de mon poignet, se profilant comme le lampadaire qui éclairait mon chemin et ma nuit. Il nous avait conduits au devant d’une porte se trouvant tout près de ma chambre dans les dortoirs, cloison sur laquelle on pouvait lire les chiffres familiers, 2, 0 et 1. Je passais souvent devant cette chambre, sans jamais y avoir accordé la moindre attention, un univers lambda suivant son court derrière une membrane d’arbres manufacturés. Si j’avais su, si j’avais pu me douter qu’un tel être sommeillait si près tous soirs, existait et respirait dans une proximité si pointue, j’aurais scandé ma possession de sa personne il y avait de cela des lustres. Mes iris avaient rampé, encore une fois, sur la surface de son dos alors qu’il m’avait attiré à l’intérieur de la chambre, j’avais suivi la contraction de ses muscles du regard, appréciant le départ de sa chemise pour m’attarder réellement sur les contours de sa peau, sur l’impact de ses os contre sa chair, la tendant et l’étirant, jouant sous les veines.

Puis en un mouvement brusque laissant derrière lui des relents de textiles, Zakuro avait projeté son sac, celui qui contenait l’hémoglobine et toute cette crasse autrefois rouge qui revêtait certainement des teintes brunâtres à l’heure qu’il était, sur l’un des trois lits occupant la pièce, s’armant d’un silence simple qui ne me laissait que davantage d’opportunités de l’observer au calme, de reprendre mon souffle. L’absence de mots pour combler le vide muet de la salle avait voleté tranquillement, s’était chargée de panser la fatigue accumulée de sa quiétude, libérant les tendons d’une part du stress de la course vive qui nous avait menée à bon port. Mes yeux, sang, orage, mimétisme de la nature plutôt que de l’humanité, avaient glissé sur sa personne, alors qu’il avait fouillé dans ses tiroirs, flottant posément sur tous ce qu’ils pouvaient atteindre. Une part de mon cerveau avait avisé le poids de mon sac contre ma cuisse et mes paupières avaient papillonné un cours instant, se demandant, songeant, entortillant la réalité dans la chimère, poussant dans des recoins l’hésitation, les peut-être. Lorsque j’avais rouvert les yeux, toujours immobile près de la porte, l’idée d’explorer ne m’ayant même pas effleuré l’esprit, j’avais découvert des vêtements monochromes doucement balancés sous mon nez, vêtements que j’avais à peine eu le temps de saisir tant il avait été prompt à les lâcher dans mon étreinte surprise. Heh. Quelque chose clochait-il mon cher Litchi ou était-ce simplement la léthargie qui te rendait plus concis ?

Il s’en était retourné cultiver sa féodalité, conférant une affection honorable aux pourfendeuses de fer qui avaient dérobé vie et innocence en ce jour indéfinissable. Je m’étais surpris à me demander si, pour lui, ses lames possédaient la même valeur sentimentale qu’Aliss pour moi. Après tout, n’étaient-elles pas la représentation physique de ses convoitises, une manière de faire basculer ses rêves et ses envies dans le monde matériel où évoluait la distorsion humaine ? Ma langue était venue tenailler ma lèvre brusquée d’hémoglobine à cette question silencieuse, poussant posément dans la chair ouverte et ce, jusqu’à ce qu’il daigne sortir sans demander son reste, m’abandonnant à mon sort entre les quatre murs de sa chambre. J’aurais pu fouiller, j’aurais pu tout mettre sans dessus dessous dans l’espoir d’en apprendre davantage sur lui, mais . . . je ne m’étais permis que regard curieux aux lits dont seules les couvertures m’apparaissaient différentes avant de le suivre. Jusqu’à la salle de bain. Jusque dans la cabine de douche siégeant aux côtés de celle dans laquelle il s’était engouffré. Le suivant pour m’étouffer et me perdre dans la sensation de propreté que promettait une douche.
Le suivant jusqu’à la suffocation de ma cervicalité.

Le souvenir se tût en un toussotement aigu et je basculai, dans un nouvel élan de faiblesse, ma tête vers l’avant, avisant la douleur irritante venue brûler le fond de ma gorge en un râlement frustré. Mes épaules s’élevaient et se rabaissaient au rythme de mes inspirations saccadées et mes halètements brisés me paraissaient plus bruyant que les ricochets des gouttes contre les tuiles de la cabine. Mes tempes élançaient et je sentais mes veines palpiter frénétiquement sous les cheveux plaqués contre ma mâchoire. J’actionnai la terminaison du jet de la douche d’une main rougie par une brûlure mouillée et me reculai de quelque pas, un peu dans les vapes, comme déconnecté du monde qui m’entourait ; de cette salle, de cette école, de cette journée que je refusais catégoriquement de voir prendre fin.

Tu veux me regarder, non ? Me voir, hein ? Alors arrachons les aiguilles à l’horloge qui s’obstine à tourner et transperçons les idiots qui ont attribué une notion du temps à l’homme. Je veux me perdre dans ce que tu as à m’offrir une éternité durant, je ne veux ni te voir changer, ni te voir vieillir. Je veux te regarder comme tu me regardes, sans censure ou crainte, sans conformité quelle qu’elle soit.

Juste des yeux et des lèvres et un souffle.

Montre-moi.


THIS SOUL HAS BEEN SELECTED FROM A BILLION OF TADPOLE
AND FOR THAT MIRACLE, I AM ELATED.


Petit chaperon tes vêtements sont bien trop grands pour couvrir la silhouette d’un être qui s’échine à nier son corps. Ils pendouillent de toutes part et glissent sur la chair, dénudent une épaules et révèlent la saillance d’une hanche. Je dois entourer mon index autour des anneaux de tissus servant à retenir une ceinture pour empêcher le textile de glisser le long de mes jambes, alors que je te fixe de mon regard habillé d’une hétérochromie tout aussi simulée qu’imprévue, lorgnant ta réaction à mon apparition soudaine. Mes cheveux collent encore à ma peau, des parcelles de ma frange cristallisée glissant jusque sur mon nez, chatouillant l’endroit.

Après le chat dans le métro, c’est le chat dans les vêtements.

Ha.

Mes pieds contre la céramique, talons jouant sur l’humidité du sol et traçant des motifs invisibles, je dévisageais le Zakuro qui s’approchait de moi, la différence de taille entre nos deux figures prononcée par l’effet que possédaient ses vêtements sombres sur moi, m’enveloppant et m’avalant, beaucoup, terriblement même, trop grands, trop larges, cachant ma minceur et tout le détail définissant mes propres contours. Il s’approchait avec une vigueur renouvelée, un scintillement difficilement interprétable éclatant comme une étoile au fond de son regard, réduisant la distance entre nous à néant. Curiosité rampante sur laquelle on avait saupoudré un brin de confusion j’entrouvris les lèvres pour l’interroger, retenant la grimace de douleur que ce simple mouvement cherchait à m’arracher alors que les commissures de ma bouche viraient malgré elles vers le haut, étirant ma blessure. Ses doigts contre mes épaules me paraissaient plus bouillant que l’eau vrillant ma gorge ne l’avait été, intimant au silence et à l’écoute, à la captivation totale de l’attention.

Et il l’avait, cette entité vicieuse qu’était mon attention. Il la tenait dans ses paumes et, avec un peu de concentration, haha, d’attention, il pourrait la sentir gigoter, se débattre, s’immoler dans son étreinte. Car cette attention était curieuse et ne saisissait la signification de patience que lorsque cela lui convenait.

Je me raidis un brin lorsque son souffle vînt chatouiller mon visage, léchant mes pommettes de sa présence aérienne avant de plonger plus bas. L’espace de quelques secondes, tout ce que je pus consentir à faire fut de rechercher les tréfonds bleus de ses yeux, spéculant ses pensées et refoulant les miennes. Ma paume vînt chercher un bout de lui à l’aveuglette, se glissant lentement dans l’espace nous séparant avec une intention propre que je ne réalisais qu’à demi. Il y avait une telle intensité dans son expression, un scintillement à demi joueur pimenté d’une gravité grisante. Pendant une fraction de seconde, j’eus l’impression d’être une bête enfermée dans un filet, figée par un dard tranquillisant, immobile, inerte, avec ce sourire qui n’avait point lieu d’être encastré sur la ligne de ma bouche.

Silence et un murmure sur ma carotide commune qui laissa l’artère sursauter et mes doigts se courber contre l’une de ses côtes, pressant contre l’os. Je déglutis à demi, mon visage bondissant fiévreusement, désirant voir ses yeux, comprendre, plutôt que de me heurter à l’épaisse étendue de ses mèches d’encre. Le mouvement de la salive dans les tuyaux s’étendant sous mon cou raviva l’irritation causé par la purgation et je fermai les yeux, prononçai mon sourire et expirai doucement. Après tout, pourquoi me focuser sur un seul sens, le plus accessible, alors qu’il se faisait particulièrement inutile au moment présent ? Les capteurs sensoriels de ma peau m’en disaient beaucoup plus long que mes yeux ne pouvaient le faire à l’instant, décryptant la manière dont les lèvres de Zakuro se fixaient contre mon cou, à la fois lourdes et légères, marquant mon âme de leur présence. Quelque chose que l’on n’oublierait pas, comme cet échange de noms et cette déception lacérante, comme ce touché sibyllin sur une joue éhontée agencée à une langue clamant son adoration. Un contact trop léger pour être vrai, mais qui apposait, comme tant de détails s’étaient chargés de le faire, de graver cette journée plus profondément que la chair.

« Zakuro . . . »

Je ne pouvais pas encore mettre la phalange dessus, trop fière, trop orgueilleux, peut-être, trop égaré dans les contes qui établissaient les percussions de mon existence, m’associant à la dégaine de ce chat au sourire qui ne faisait que croître, mais qui perdurait toujours, sans jamais complètement s’éteindre. Je ne pouvais réaliser, peut-être ne chercherais-je jamais à le faire, mais un peu de bon sens suffisait à comprendre que Zakuro Fea n’était pas le seul s’étant vu muté par notre rencontre. Là où pour lui, le monde avait peut-être basculé sous une nouvelle lentille, le mien se précisait maintenant dans une perception plus accrue, plus véritable.

Je le deviendrais, je l’atteindrais celui que je désirais être.

Et il y avait ce merci qui flottait dans l’air humide de la salle de bain de l’étage, ce remerciement empourpré d’interrogation et de soulagement. Merci d’exister, merci d’être toi et si magnifiquement humain. Reste et je te montrerai tout ce que le monde peut t’offrir, au-delà des limites de la matérialité ou de tout ce qu’on a pris la peine de t’enseigner jusqu’à maintenant. Plus loin que l’horizon, que l’entendement, que la totalité de ce qui se prétendait réel.

Were they even ?

Le rônin s’écarta, délaissant mon cou, mes jointures et emportant avec lui toute la chaleur de la pièce, me laissant, soudainement, congelé dans ses vêtements trop amples, roulant distraitement une épaule pour remonter une manche. Seul le contact de l’une de ses mains sur ma joue, s’élevant jusqu’à ma pommette pour titiller ma paupière persista. Oui, j’avais dit que je te tuerais. Pour les yeux, pour Aliss, pour toute les conneries que tu pourrais croire admissibles, mais qui ne le seraient jamais. Des bribes d’existences matérielles desquelles je n’avais pas entièrement réussi à me détacher, des espoirs, des définitions, des rêves, ce qui me séparait de Chess.

Pourtant, nous savions maintenant tout deux à quel point le meurtre de l’humain se trouvait bien au-dessus de mes capacités. La pression sur mon œil, la membrane translucide et humide, rouge circulaire dont le départ laissait vraisemblablement mon iris plus sombre, plus vulnérable. Infliger cela à un être pensant, enfoncer mes doigts dans le creux de ses yeux pourfendus de mes ongles pour atteindre et déchiqueter son cerveau, pour le réduire à néant, l’idée même me dégoutait, me déprimait.

Zakuro contempla cette tâche cramoisie venu décorer le bout de son doigt comme une tâche prometteuse de maladie, un instant, et je persifflai, perdant momentanément mon sourire, dents closes laissant s’échapper un vilain sifflement :

« Et tu comptes dire quelque chose à leur sujet, Litchi ? »

Des yeux d’orage; un conflit avec le reste de ma personne. Deux orbites noires contre tout ce blanc. Mes yeux ne composaient pas le Spectrum de couleurs environnant sur la planète, non, au contraire, ils l’absorbaient, le buvaient, le gardaient dans leur étreinte sombre. Je ne savais toujours pas si j’appréciais ou exécrais cette vision, me voilant de couleur pour me dissocier de la masse, pour percuter plus fortement le monde.
Des yeux de démons . . .

Une insécurité. Malgré ce noir qui dévorait.

Les yeux baissés, je papillonnai des paupières pour ajuster mon œil à l’absence de lentille, réceptionnant à peine la requête du rônin de l’attendre. Ce ne fut que lorsque je relevai à nouveau le regard que ses mots prirent un sens. Le vide immaculé de cette salle de bain commune, le silence déchiré par l’écrasement de gouttes d’eau contre la céramique et l’abysse noir de mes prunelles pour tout consommer, muette comme une tombe. Je m’approchai du comptoir où s’alignaient quelques lavabos de porcelaine claire, glissant mes phalanges humides sur le matériel froid, lèvres brodées d’une moue contemplative. La plante de mes pieds gercés par l’eau laissait assurément des traces diffuses s’inscrire sur les tuiles de la salle de bain, rendant mes moindres déplacements visibles à même le sol.

Je patientais, me demandais, entre deux vague d’écume cognitives, ce qu’il pouvait bien avoir à faire, si subitement, alors que rien n’avait été prévu pour meubler cette journée. Je contemplais la bulle mentale qui venait de lui travers l’esprit avec une pointe de dérision ─Tu fuis, Zakuro, tu fuis ?─ ne m’attardant toutefois sur l’alternative dans laquelle il ne revenait pas dans cette salle de bain remplie de vapeur. La possibilité même me paraissait saugrenue, tirée par les cheveux, quasi-impossible, il y avait trop de curiosité dans ce regard, trop d’indescriptible intensité pour qu’il puisse tourner les talons et partir sans demander son reste. Comme tant d’autres avant lui l’avaient fait. Je regardai l’extrémité de mon index virer au blanc, révélant la force de la pression que j’exerçais sur le bord de l’évier, yeux égarés dans le vague, fixant distraitement ce bout d’ongle que le sang quittait.

Puis, sans que je capte vraiment la manière dont les événements en étaient venus à s’enchaîner de la sorte, je dû constater le retour de Zakuro, la présence d’une feuille plaquée dans mes paumes et un encre ébène décrivant des arcs sur cette dite feuille. Une montée sonore se profila sous la forme d’un bouchon ricochant sur le sol comme un galet sur l’eau, comblant, l’instant de quelques secondes chétives, le silence étrange de Zakuro laissait perdurer. Aucune explication concernant sa sortie et son retour impromptue, juste des mots d’onyx se bousculant sur une feuille auparavant vierge. Je lorgnais les mots qui apparaissaient du regard, imitant, sans un son, les syllabes du bout des lèvres, les testant pour leur donner un sens, pour comprendre ce monde de termes monochromes que tentait de peindre mon chef-d’œuvre. Parce que je t’ai construit et que tu m’appartiens, j’userai du déterminant possessif ‘mon’ pour te désigner autant de fois qu’il sera nécessaire, dans ma tête, sur ma langue, pour que nous nous habituions tous les deux à cette réalité, à ce fait. Tu m’appartiens, tu m’appartiens, tu m’appartiens.

Les mots isolés se transformèrent bien vite en une phrase complète chargée de sens, et je la lu à voix haute, retenant un ricanement face à l’ironie qu’elle contenait, me renvoyant à mes précédentes pensées, à mes yeux sombres comme du charbon et qui s’étendaient comme de la suie sur tout ce qu’ils touchaient.

« Le noir renferme toutes les couleurs. Il n'y a que le blanc qui ne s'enferme pas dans son étreinte. C'est peut-être pour cela que le noir est ce qui exalte le blanc, dans son immatérialité. Parce qu'il est noir, et qu'il est l'inverse exact du blanc. Pour autant, il ne le rejette pas. Il l'intensifie. Il le magnifie. »

J’eus, pendant l’instant où ma voix perçant la cacophonie absente de la salle de bain, l’envie de remercier ce rônin sans maître qui apprendrait peut-être un jour à réécrire le monde à sa manière, envie de le remercier à nouveau, d’être revenu, d’être rester et de m’écraser ce papier lourd de signification entre les doigts. Une possible piste de réponse à un malaise poussiéreux, savait-il à quel point ce geste m’apparaissait comme précieux. Une bonté pleine d’adresse dont je n’avais jamais pu faire l’expérience.

Une première fois.

Un sourire moelleux vînt communiquer ma reconnaissance, car les mots ne pourraient lui rendre justice, et je déposai un regard adoucit par l’encre sur la feuille, un regard noir, sur son visage, l’encouragent à me poser sa question. Ce geste, cela, c’était nettement mieux que son respect et je l’enfermais dans une boîte intemporelle pour ne jamais devoir m’en défaire. Et j’afficherais la feuille au dessus de mon lit, artefact inestimable, trace d’encre sans bavure, noir sur un fond blanc. Car le noir n’emprisonne pas le blanc.

Sourire. Sourire que la question de Litchi intensifia, portant immédiatement mon attention à ses iris que je réceptionnai d’un air entendu. Je n’eus pas besoin de réfléchir, les voyelles japonaises fourmillant immédiatement sur ma langue. Une réponse simple, évidente. Pour moi, du moins.

« Le bleu. Tu es le ciel qui surplombe la terre, qui grise le regard des gens en quête de réponses ou d’atmosphère. Tu es l’intemporalité qui veille sur la planète, qui transcende l’existence sans pour autant la manipuler, sans pour autant se l’approprier. »

Chaque couleur, en ce bas monde d’homogénéité humaine, possédait ses propriétés uniques et lorsque je pensais au bleu, je voyais inévitablement le ciel qui dominait tout, cette même étendue stellaire que tous regardaient d’un œil commun et qui avait observé la planète naître, vivre, dépérir, et cela, depuis des millénaires. Toutes les guerres, toutes les catastrophes avaient transpercé le regard inamovible du ciel, du bleu.
Je déposai la feuille sur le bord de l’un des lavabos, octroyant à l’encre l’opportunité de sécher adéquatement et m’orientai entièrement vers le corps de Zakuro pour aplatir ma paume sur son torse, soufflant du bout des lèvres, avec ce sourire si sucré qu’avait fait naître sa phrase sur le blanc ;

« Du moins, c’est ce que j’aimerais que tu sois. »

L’honnêteté de mon expression se déposait sur ses traits avec une vivacité cotonneuse, sucrée, et je ne pus qu’esquisser un piètre gloussement lorsqu’il se détourna, souriant lui-même, de ma personne pour faire face à . . .

Une dérangeante intempérie blonde. Une dérangeante intempérie blonde qui s’empressa de se répandre en paroles mêlées de frénésie et de calme. Je ne l’avais pas remarqué auparavant, trop perdu dans le moment que Litchi s’était chargé de créer pour moi, préférant me perdre dans cette matérialité passagère qu’il m’offrait plutôt que de contempler le reste de ce qui existait. Malheureusement, l’existence s’échinait toujours à rattraper ceux qui croissaient en son sein. En fait, ce n’était pas plus mal comme ça, j’aurais simplement préféré qu’elle mette plus de temps à nous rejoindre, le temps que mes phalanges dessinent une épaule et épouse les tendons la reliant à un cou. Juste pour tout faire basculer, quelque part, dans ma transcendance, dans mon immatérialité. Si je te cachais en moi, tu ne disparaitrais jamais, n’est-ce pas ?

Le blondinet, après des brèves formules de politesse basiques, enchaîna sur sa connaissance des événements ayant transpirés dans le métro, ces mêmes événements que le sang s’était chargé de peindre en rouge et sur lesquels la morales que les humains se vantaient de faire proliféré avait porté un œil aveugle. Hypocrisie . . .

Je ne pus m’empêcher de le toiser mauvaisement, le tenant pour coupable de se bris dans la transcendance temporelle que Zakuro et moi nous chargions d’instaurer dans cette salle de bain déserte. Il venait de faire éclater les membres de verre, translucides et fragiles, qui avaient dansé dans l’atmosphère, nous renvoyant dans le sang et la poisse, dans l’irritation de ma gorge et les doigts écorchés de Zakuro. Petit rat.

Son regard en disait long sur son interprétation de la situation, nos apparences barbouillées de blessures, nos contenances à la fois trop tendues et calmes pour être simplement causée par l’avènement de mauvaises nouvelles. De simples preuves, indeed, des petites preuves qui dépasseraient ce que son cerveau pouvait bien imaginer, intelliger, car je ne doutais pas un instant que de voir Zakuro Fea, qu’il connaissait vraisemblablement, associé à l’apposition d’un meurtre dissonait avec la réalité qu’il connaissait. N’étais-je pas celui qui avait fait basculer son univers de samurais dans la modernité, après tout, celui qui lui avait dit, sans tact apparent, que d’être le seul rônin de la terre vaudrait mieux que de voir ce qu’il affectionnait se faire avaler par la technologie.

« Nécessaire, huh ? »

Une moue entendue, un chatouillement au niveau de l’estomac. Oui, peut-être, que cela avait été nécessaire. Pour lui, pour tous ces gens apeurés dans le métro qui, dorénavant, ne verraient peut-être pas leur quotidien du même œil. Le garçon à la batte, se lèverait-il demain en espérant changer les choses ou croupirait-il sous la peur qu’avait infligée la prise d’otages sur sa conscience ?

Who knew.

Je n’écoutais pas vraiment les piaillements de l’asiatique aux cheveux teints, le toisant venimeusement quelques instants supplémentaires avant de porter, encore une fois, encore toujours, mon regard sur un Zakuro en mouvement qui agrippait maintenant la poignée menant à l’extérieur.

Il partait ?

Je pinçai les lèvres, m’approchant de sa silhouette, me désintéressant entièrement du parasite venu rompre les mailles de la journée, m’attardant à peine sur son départ de la salle, cellulaire pressé contre son oreille ronde. Dans mon crâne, il n’y avait pas grand-chose d’autre que Zakuro à l’instant. Zakuro, Zakuro, Zakuro. N’importait que trop peu le départ d’un étudiant lambda, particulièrement lorsque fusait hors des lèvres du rônin aux rêves archaïques l’admission de sa fatigue. La fatigue qui menait au sommeil, puis à la déconnexion, à la fin.

Je ne voulais pas voir cette journée se terminer. Pas maintenant.

Non. Absolument pas.

Je m’approchai à pas feutrés, chaton maladroit et offusqué, attrapant au passage ma feuille, mes bottes et mon sac, balançant le tout sur mon bras et l’écoutant utiliser de nouveau sa voix. M’expliquer, me raconter, et me donnant la possibilité d’installer des images sur ce qu’il me racontait. J’imaginais un jeune bambin à la chevelure désordonné luisant sous le soleil, alors qu’un sable trop lourd pour ses bras se glissait hors de son étreinte, alors qu’une lame tentait de le fuir. Ne dois-tu pas d’abord te créer adéquatement pour apprendre à manier les outils des autres ?

J’aimais bien l’idée d’avoir réussi à réaliser cela, sans l’avoir prévu, sans l’avoir initialement désiré. Et si, dorénavant, cela serait différemment, si son avancement jusqu’à ce qu’il voulait atteindre coulait maintenant dans une nouvelle voix, préalablement insoupçonnée, je ne pouvais que me réjouir davantage. Me réjouir d’avoir réussi à creuser assez profondément pour motiver, pour bousculer, pour empêcher ce spécimen de succomber à la folie monotone de l’agglutinement de la ressemblance. Tu deviendrais celui que tu es et non celui que les autres sont, Zakuro.

Ses doigts se crispèrent sur la poignée et la menace qu’il puisse la tourner et disparaître d’une seconde à l’autre m’empêcha de lui rendre son sourire. C’était mon rôle de disparaître lorsque cela me convenait, sans prévenir, pas le tiens ! Ne bouge pas, n’ose pas, reste immobile !

Un nouvel écartement de lèvres, de nouvelles paroles et la diffusion de la tension venue martelée mes vertèbres. Cette fois, il ne s’Agissait pas d’un jeune Zakuro s’acharnant sur l’apprentissage d’une doctrine atypique, mais plutôt sur le portrait d’un macchabé vieilli aux accomplissements multiples. Des bribes de sa jeunesse, de sa vie.

Je passai ma langue sur ma lèvre inférieur, l’enfonçant dans ma blessure, goûtant l’hémoglobine avant de répondre, pianotant mes jointures sur le tissus de son t-shirt trop large.

« Miyamoto Musashi . . . ou le parcours d’un homme qui n’est pas toi, mais dans lequel tu cherches à déceler quelque chose auquel tu peux te lier. Je critiquerais bien, mais . . . »

Ça me rappelait ma relation avec Chess, en fait. Es-tu égoïste comme j’aime me prétendre flegmatique ? Si cet homme dont tu présente une image idéalisée a tué à treize ans dans une ère écartée de notre modernité actuelle, ne serait-ce pas toi le plus impressionnant de vous deux ? Toi qui as déjoué les lois, la technologie et les normes pour pourfendre la chair à l’âge de 17 ans.

« Tu réalises que si je te laisse m’en parler, je me chargerai assurément d’implanter ma critique dans tes propos, de trouver la dissonance dans son histoire et d’écarteler le sens que tu lui donnes ? You do realize that, right ? »

Après coup, j’adorerais démantibuler à nouveau tes croyances, les placarder de mon jugement pour le simple plaisir de te voir te contorsionner sous mes appositions mentales. Parce que je le pouvais, parce que je le voulais et que si après une journée tu te sentais plus vivant, j’appréhendais avec une excitation à peine contenue ce qui pouvait être réalisé à plus long terme. Un projet dont on ne verrait pas l'aboutissement.

Il pleurait, des larmes évasives marathonnant le long de ses joues, prononçant ce sourire fantomatique et éreinté qui flottait aux commissures de sa bouche. De l’allégresse, de l’euphorie, ces pulsations électrifiantes qui remontaient le long des veines et qui pimentaient mon effroi frustré de le voir ouvrir cette porte, de le voir se rendre tranquillement jusque dans les paumes griffues, bourrées d’épines, du sommeil.

Ce qu’il croyait être un dernier regard, un dernier commentaire. Sans me laisser le temps de répondre, sans me laisser le temps d’enrouler ma matière grise autour de ses propos, car cette journée ne pouvait pas se terminer ainsi, maintenant, jamais. Je balbutiais quelques mots à sa suite, alors qu’il poussait la porte, coinçant ses mèches d’ébène entre la cloison et son épaule, tiraillant mon âme de voir cette mauvaise fin.

Des mâchoires en glaise qui fondaient, du verre qui craquait. Pourquoi préférait-il le noir ? Je froissai malgré moi la feuille monochrome et m’élançai à sa poursuite, en quête de réponse, dans un déni féroce de la nuit qui surplombait maintenant l’Académie.

« Parce que le noir est vrai ? Ou parce qu’il communique mieux ce que je suis qu’un par-dessus coloré ? »

Turn back, start again, replay.

J’agrippai l’arrière de son survêtement, tirant sur le tissu d’un coup sec, toisant la forme de Zakuro avec des yeux écarquillés, emplis de cette panique inexplicable de voir les aiguilles se remettre à tourner. Le poids de mon sac de nouveau logé contre ma cuisse, la crasse de mes bottes salissant son chandail et le précieux et déjà chéri bout de papier coincé entre mes doigts. J’envisageais presque lui écraser la boîte de condoms contre la joue, lui susurrer qu’il ne se débarrasserait pas de moi si facilement, que j’étais celui qui décidait lorsqu’il était opportun de tirer sa révérence. Je farfouillai avec la fermeture éclaire de mon sac, créant une embouchure suffisamment grande pour pouvoir y glisser ma main, laissant ma langue persiffler des ordres que je le forcerais à suivre.

« Je refuse catégoriquement que tu me laisse en plan maintenant. You are stuck with me until morning comes, got that, you faithful ronin ? »

Oui, mon général, oui.

Je glissais la feuille et ses symboles près d’Aliss, clignant des yeux, une fois puis deux, cherchant les siens un bref instant avant de décider qu’il se plierait quoiqu’il arrive, car je ne tolérerais pas qu’il en soit autrement. Des chuchotements sauvages, des murmures frustrés, tout bas, si bas, qu’ils n’existaient peut-être pas. Je crochetai mes doigts dans l’élastique se ses pantalons, le tirant vers l’avant, l’intimant de me suivre, d’avancer, d’avancer, vers la continuation, la perdition, vers ce lieu encore indistinct où je souhaitais le mener. Un sourire, mon sourire, toujours le même, pour brusquer le sien, sans la douceur, mais avec une pointe de désespoir éhonté qui ne l’avait jamais habité auparavant. Un tiraillement supplémentaire, mes ongles venant tenailler un creux délimiter par de la peau.

« Encore une fois, viens avec moi. »

Mes omoplates contre la cloison de sa porte, contre un mur métaphorique, ses yeux fixant de part derrière ce voile de fatigue que je tâcherai d’assassiner, et mes genoux se heurtant contre ses jambes dans ma hâte de le tirer à ma suite, dans sa chambre, pour poursuivre et clore dans des conditions qui me plairaient davantage les marges de cette féérique et inimitable journée.

Sous un plafond dissimulant la pluie et les étoiles, sous une couverture d’obscurité qui avalerait nos maux à venir.

Moment intemporel, espace immatériel.

Derrière une porte close.


FIN
And you are the one I cling to.
But who are you ?



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