Lecture maladroite [libre]

Bibliothèque, 14h

Le scanner passé sur le code barre permit une lecture rapide du livre dans le fichier informatique, et en un clique il se retrouva inscrit au nom de Yuka Ginju.

"L'alchimiste, de Paulo Coelho"

Depuis quelques jours l'adolescente se passionait pour la pensée philosophique et -bien que cette oeuvre fasse référence à la religion- d'après les commentaires des lecteurs laissés sur divers sites internet il n'en restait pas moins très interessant par rapport au domaine recherché. En bref la demoiselle qui était littéralement "livrovore" venait d'emprunter pour la énième fois un livre à la bibliothèque et se demandait déjà dans quelle partie de la cour elle allait pouvoir s'assoir afin de le dévorer. Avec un sourire polie elle remercia la documentaliste, récupéra le livre et ne prit même pas la peine de le ranger dans son sac. C'est d'une démarche assurée et quelque peu pressée qu'elle sortit du batiment.

Cour de récréation, 14h05

En temps normal Yuka aurait du avoir cours mais son professeur était en réunion jusqu'à 16h, ce qui lui laissait deux heures de liberté avant d'avoir litterature...
Yuka leva la tête vers le ciel et observa quelques secondes les deux ou trois nuages qui semblaient faire tache. La journée était particulièrement belle et il ne faisait pas trop chaud grâce au petit courant d'air frais. Un temps parfait en somme.
Ayant déjà une petite idée de l'endroit où elle allait s'installer, la jeune fille ouvrit L'Alchimiste à la première page et commença à lire, laissant ses pieds la guider et jettant un bref coup d'oeil devant elle de temps à autre pour éviter une collision. Ce stratagème lui réussit plutôt bien dans un premier temps et elle sentit clairement le moment où elle quittait le goudron pour aller sur l'herbe. D'ordinaire l'endroit où elle aimait s'assoir était méconnue des autres élèves et elle y était tranquille. Un coup d'oeil au loin confirma cette idée : son "espace" était désert. Se replongeant dans sa lecture, Yuka continua sa route. L'ennui quand on regarde vaguement devant soi c'est qu'on ne fait pas forcément attention à ce qui se trouve à nos pied. L'adolescente sentit soudain ses pieds butter contre quelque chose et elle n'eut pas le temps de retrouver son équilibre: son corps partit en avant tandit que ses jambes refusaient obstinément d'avancer et elle se rétama royalement sur la fameuse chose.

-Aïe... Grimaça t'elle en se redressant sur les genoux tant bien que mal.

Un rapide coup d'oeil lui apprit que la chose était une personne et que c'était sur cette dernière qu'elle venait de s'effondrer.

-Je suis sincèrement désolée, lança t'elle soudain en panique.

A cet instant elle sentit la tête lui tourner, grand piège des personnes qui se relèvent trop vite, et elle du poser son bras sur l'herbe pour se retenir de tomber une nouvelle fois. Une fois le tournis passé, elle releva la tête vers son interlocuteur, un sourire franchement géné sur les lèvres en esperant que ce dernier ne serait pas trop énervé.

(HRPG: pas de soucis )

Qu'est-ce qui était le plus génant entre tomber et se faire mal ou tomber sur quelqu'un de plutôt confortable qui avait accusé le coup à votre place? A vrai dire...

Yuka considéra le jeune homme quelques instants avant que la tête ne lui tourne et qu'elle se sente tomber à nouveau. Instinctivement elle avait placé son bras pour retrouver l'équilibre qui lui faisait défaut et prevoyait d'attendre quelques secondes pour retrouver une vue normale, au lieu de quoi elle se sentit irrestiblement attiré sur le côté et se retrouva appuyé contre un corps chaud et plutôt confortable. L'étudient justifia rapidement son geste ce qui permit à Yuka de situer globalement la personnalité de garçon. Visiblement ce n'était pas un aggressif, un bon point. Il s'inquiétait même pour elle...
Sa cheville? Intriguée et ne ressentant aucune douleur dans cette partie de son corps elle fit doucement tourner sa cheville afin de vérifier l'état de cette dernière.

-Cheville ok! Dit-elle sur le ton de la plaisanterie, le sourire aux lèvres.

Elle se décrocha de son coussin humain et prit quelques centimètres de recul afin de tourner la tête vers celle de son interlocuteur, curieuse de voir le visage de celui qu'elle avait bousculé. Elle fut surprise par la proximité de ce dernier et eut un geste de recul, sans pour autant paraître impolie. Un garçon pas désagréâble à regarder entre toute chose...certainement plus vieux qu'elle d'un an ou deux. Elle nota la couleur très particulière de ses cheveux qui s'accordait plutôt bien avec son visage et l'obscurité de ses yeux. A son physique il avait tout l'air d'être un étudient étranger, ce qui ne l'étonna pas outre mesure; elle même était bien d'origine étasunienne après tout. C'est alors qu'un sourire très particulier se dessina sur les lèvres de l'homme, visiblement il s'appretait à dire quelque chose et ça ne rata pas :

"Puis-je connaître le prénom de celle qui m'a fait du rentre-dedans ?"

Yuka tourna la tête et pouffa de rire devant la blague complétement stupide. Au moins ce gars avait de l'humour, ça changeait de la mentalité conservatrice de l'établissement. Quoi qu'à bien y penser ce garçon se démarquait littéralement des autres élèves avec ses cheveux bleus et la proximitait qu'il avait l'air d'apprecier... très différents des japonais classiques, il était certainement venu dans ce pays pour étudier ce qui expliquait la contradiction.
Elle remarqua soudain le crayon à papier et la pochette à dessin étalés par terre et étouffa un "zut" avant de répondre malgré tout à la question que lui avait posé son vis à vis :

-Du rentre dedans hein? Tu as vu un peu la technique pour aborder les gens! Dit-elle en se recoiffant à l'aide de sa main droite. Je m'appelle Yuka Ginju, enchantée!

L'adolescente apprit alors le nom de son interlocuteur et ce dernier lui demanda s'il était possible de la tutoyer... Yuka écarquilla les yeux devant cette question qui ne lui avait même pas traversé l'esprit. N'était-il pas normal de se tutoyer entre élèves?

-Evidement, répondit-elle sans se fouler. Le contraire serait bizarre non?

En même temps qu'elle parlait elle se dégagea de l'étreinte d'Aaron et ramassa son crayon. Elle n'eut cependant pas le temps de se baisser pour atrapper la pochette que le garçon l'avait devancé. De plus il s'était également emparé du livre et était en train de jetter un coup d'oeil à l'interieur.

-J'espère que je n'ai rien abimé? Demanda t'elle en fixant la pochette et en esperant une réponse négative.

Puis elle redirigea son attention vers son livre et vit qu'Aaron la regardait.

-J'ai tendance à me détacher de la réalité quand je bouquine...expliqua t'elle. ça me servira de leçon. Tiens je te rend ton crayon. Alors comme ça tu dessines? Tu es à la fac ou au lycée? J'ai le droit de voir tes dessins?

Yuka enchainait les questions rapidement avec un sourire, comme s'il s'agissait de la chose la plus naturelle au monde. Après tout ce sympathique garçon aux habits sombres était une rencontre innatendue mais plutôt agréâble et elle avait bien envie de faire connaissance. Pourtant quelque chose vient perturber ses joyeuses pensées : le soleil venait de disparaître, caché par un énorme nuage sombre. En quelques minutes le ciel venait d'être recouvert par un tapis de coton aux couleurs peu engageantes...

-Oh c'est une blague!? S'exclama t'elle.

Tout comme elle le soupsonnait, le jeune homme s'avérait être plus vieux qu'elle de deux ans, ce qui ne la dérangeait pas. Au contraire elle appreciait les gens plus âgés pour leur maturité et le regard différent qu'ils portaient -par -conséquent sur le monde. D'une certaine manière elle considérait que ses ainés pouvaient lui apporter beaucoup culturellement parlant puisqu'ils avaient une certaine avance sur le programme scolaire. Bref, si on oubliait la gène qu'éprouvait encore Yuka à cause de la bousculade accidentelle, la demoiselle se sentait plutôt à l'aise en discuttant avec Aaron. Autre détail : il lui demanda si elle avait des origines étrangères et confirma les siennes.

<< Ais-je l'air d'une occidentale? Bon évidement si on tient compte de mes yeux bleus...>> Se demanda l'adolescente, contente cependant que l'on souligne ses origines maternelles.

-Mon père est japonais mais ma mère était américaine, répondit-elle tranquillement en rangeant le livre dans son sac de cours. A prioris elle n'aurait pas l'occasion de lire pendant ces deux heures de permanences.

Désireuse de ne pas jeter un froid dans la conversation à cause du verbe à l'imparfait employé pour parler de sa mère, Yuka enchaina rapidement sur un autre sujet.

-Quand je suis arrivée au Japon j'ai été impressionée par le nombre d'étudients étrangers présent dans ce bahut! Et pourtant le règlement est tellement strict... c'est bizarre.

Elle réfléchit quelques secondes en regardant la pochette à dessin d'Aaron et lui demanda s'il dessinait. A cet instant il répondit à sa question par une autre question qui la surprit quelque peu.

-En quoi ton style vestimentaire devrait influencer sur tes passions?

Elle marqua une pause et reprit son air ironique:

-En fait tu caches ton jeu c'est ça! En réalité tu es un extra-terrestre adepte du noir qui voue en secret un culte à Marilin Manson et qui déguise son identité derrière ses peintures! ... ou pas.

La jeune fille glissa une main génée dans ses cheveux et détourna la regard en se rigolant de sa propre bétise. Voilà un aspect d'elle qu'elle se gardait bien d'afficher en classe... au final l'intempérie mit fin à leur bavardages et Yuka commença à pester contre l'orage qui se profilait. Au vue de l'air étonné de son nouveau "camarade", celui ci n'avait pas comprit la raison de ce brusque changement d'humeur. Pourtant il ne tarda pas à réaliser.

"Oula ! Je sens qu'on va se ramasser la saucée. Viens, on va se mettre à l'abri."

Voilà une idée qui n'était pas si stupide. L'ennui c'est que nos deux compagnons se trouver grosso modo à égale distance entre la fac et le lycée et qu'il n'y avait pas vraiment d'abris dans le coin. Alors qu'elle réfléchissait à toute vitesse à l'endroit où ils pourraient aller se réfugier, Aaron atrappa soudain sa main et l'entraina sur plusieurs mètres, puis s'arreta et lui demanda de lui tenir sa pochette, ce qu'elle fit par réflexe. Il se pencha alors vers elle et la souleva comme l'aurait fait un chevalier servant avec sa maîtresse dans les comptes de fées. L'ennui c'est qu'ils n'étaient ni chevalier ni princesse et qu'elle se sentait largement capable de marcher seule sans que quelqu'un ait besoin de la porter. Surtout pas un type qu'elle connaissait à peine.

-Eeh? Qu'est-ce que tu fais? Lâche moi!

Mais visiblement le garçon ne l'entendait pas de cet oeil là et il partit d'un pas décidé vers d'un lieu que Yuka ne reconnut pas.