Dérogation time ♪ [ pv Yui ]

Il était seize heures de l’après-midi quand la jeune Masuda sortit finalement de son cours de mathématique. La seule chose qui parvenait a la garder concentré était un condensé de plusieurs choses en réalité. La première, c’était la perspective de se dépêcher d'aller retrouver son amie Haneko, sans vraiment savoir si elle l'attendait ou non. C’était souvent des visites improvisés que la petite brune octroyait a sa camarade. La seconde était l'approche imminente des vacances d'été, ce qu'elle attendait le plus depuis la rentrée scolaire. Qui disait vacances, disait un maximum de temps pour faire de la musique, jouer, composer, écouter, vivre sa passion en clair.

Elle etait avachit sur un banc dans la cour du campus, sous le soleil timide de ce mois de Juillet. Certain jour il faisait chaud a en mourir, et a d'autres moments, la pluie venait gacher le panorama, et donnait l'impression que c'etait plus l'automne que l'été. La plupart des étudiants croisaient les doigts pour avoir un mois de vacances ensoleillée, mais la petite Masuda s'en moquait. Peu importe le temps, la pluie, le vent, la neige, elle continuerait de faire ce qu'elle faisait de mieux.

Si elle attendait, c'etait parce qu'elle avait rendez-vous. Avec le vice-principal. Une corvée, elle aurait pu etre en cet instant précis en train de faire autre chose. Elle avait l'impression d'avoir toujours mille et une chose a pouvoir faire, et meme quand elle ne faisait rien, comme elle etait en recherche constante de nouveautés musicales, ce n'etait jamais vraiment rien faire pour elle. Et ce moment d'attente etait d'ailleurs consacré a un nouveau morceau qu'elle projetait d'écrire sous peu. Pas encore de paroles, plutot une mélodie, qui lui etait venu dans la tete lors de la résolution d'un exercice quelques heures plus tot, et qui l’obnubilait depuis. Elle devait mettre des notes dessus, sous peine de rester focaliser sur la chose pendant plusieurs jours.

Elle sauta soudainement sur ses pieds en poussant un genre de petit cri de guerre pour se donner du courage, faisant sursauter un groupe d'étudiants assis un peu plus loin, qui la regarde étrangement avant de la reconnaître. La cadette Masuda n'est plus a présenté, et depuis son concert du mois précédent, la plupart des gens du campus lui font des sourires quand ils la croisent, lui disent bonjour, ce qui ne lui déplaît pas, étant extrêmement sociale, ce genre de statut lui rend les journées moins longue. Ça pourrait être un bon slogan pour elle. « Plus je fais de chose moins je m'ennuie »

Le rendez-vous étant pour seize heure trente, elle récupère sa guitare qui ne la quitte jamais et lui sert même de sac de cours, et prend la direction du bâtiment administratif ou se situe le bureau ou elle doit se rendre. Maintenant qu'elle y pense, elle ne se souvient même pas de la tête de la personne qu'elle doit rencontrer. C'est un homme, ça c'est sur, et il n'est pas a ce poste depuis plus d'un an. Quelque mois après, d’après ses souvenirs. Elle se remémore la fois ou il avait était présenté aux étudiants, sans parvenir a mettre une tête, un visage sur son nom. Yui Valentine. Difficile de savoir comment l’appréhender, alors elle fera comme avec tout le monde, et avec surtout son tact habituel, proche de zero. L'approche directe était souvent la meilleure pour elle.

Elle prenait néanmoins le temps de réfléchir a comment aborder le sujet de ce rendez-vous, qui n'était pas la par hasard. En effet ce qu'elle voulait, c'etait une dérogation administrative au système de club extrêmement mis en valeur au niveau de l'école, et qui tenait a cœur aux dirigeants de l'endroit. Il etait obligatoire de se diversifier dans ses choix, mais elle n'avait quasiment aucun intérêt pour quoi que ce soit en dehors de la musique. Elle faisait de la photographie parce qu'elle pouvait etre avec son frere. Elle faisait de la natation parce qu'elle etait avec Haneko. Et la dérogation en question n'etait pas facile a obtenir, mais elle l'avait déjà eu plusieurs années, alors autant recommencer. La direction ayant changé, il fallait reprendre un rendez-vous, dont voilà l'objectif.

Il fallait qu'elle ai l'autorisation de pratiquer moins d'heures des autres clubs pour les consacrés a son premier club de musique. Si le club en lui même n’était pas très intéressant, elle avait l'autorisation de ceux qui géraient pour pouvoir travailler dans son coin. Et souvent, elle finissait par revenir dans le groupe, attiré par une mélodie ou une chanson, un instrument joué par l'un des membres extremement doué du club de Keimoo. C’était un endroit de qualité au niveau des talents musicaux. Sa déception etait de ne pas y retrouver son ami Haruki, aprés avoir découvert qu'il etait aussi a Keimoo, elle avait voulu plusieurs fois lui parler, mais fidele a lui meme, il s'évaporer souvent dans la nature, et couplé a son emploi du temps, elle n'avait pas pu vraiment lui reparler depuis l'escapade a Kyoto, a son grand regret.

Elle sursaute en découvrant qu'elle est déjà devant la porte en question, lève la main, la baisse, fronce les sourcils et se concentre. Réfléchir a quelque chose a dire. Oh et puis, le feeling avait toujours marché. Pas besoin de se prendre la tête, son naturel était toujours parfais pour sympathiser avec les gens. Alors elle leva la main sans hésitation.

Et alors elle frappa de trois coups.

Seize heure vingt. Le budget de réparation des résidences endommagées est enfin validé, Yui Valentine fait claquer deux trois fois les extrémités de son stylo sur la table en le faisant tourner à droite puis à gauche. Il n'a jamais compris comment faire pour faire pivoter le stylo dans sa main sans qu'il ne s'éjecte de l'autre côté de la table alors il se contente de jouer avec d'une manière à le garder bien en main. Avec toutes ces réunions, impossible de ne plus oublier l'essence des conversations. Ce bruit de stylo, ça dérange évidemment les personnalités assises autour de la table venues soumettre leur compte rendu mais le directeur adjoint s'en moque, il n'aime pas les réunions qui n'en finissent plus, il s'impatiente. Fort heureusement, Yui Valentine n'est pas non plus un adepte des bruits récurrents alors il cesse par lui même de faire claquer l'objet entre ses doigts.

Quelqu'un rentre discrètement dans la salle et se dirige vers ce dernier pour lui murmurer deux trois mots. Ah oui, il est injoignable parce que son portable n'a plus de batterie. Oui il a oublié sa montre au bureau. Valentine n'aime pas trop les montres à son poignet. Comme elles ont tendance à tapoter contre la table, c'est un impact qui l'agace. L'horloge de la salle indique 16:28 et l'heure lui rappelle qu'il avait un autre rendez vous à cette heure là. Il n'attend pas la fin de la phrase et se lève, les bouches se taisent, les regards le suivent. Le directeur adjoint avait dit que sans décision d'ici dix sept d'heures sur le sujet de la rénovation des résidences, il en prendrait une unilatéralement car il en avait assez des sujets délaissés pour compte depuis plusieurs non mois mais des années.

Le départ de Monsieur Valentine est cinglant.
Cela dit avec un peu de recul, on ne peut pas reprocher à quelqu'un de prendre des décisions, ce qui ne s'est pas produit depuis des années dans cet établissement. C'est bien la raison pour laquelle, après un relâchement monotone du personnel, le troubleur de faute de Valentine dérange les moeurs et retourne les habitudes. Tout le monde n'apprécie pas le directeur adjoint et ce dernier se montre inflexible.

16:32. Valentine pousse la porte de son bureau qui n'est pas fermée à clef, arrive derrière l'étudiante qui toque à sa porte.

-Vous auriez dû rentrer mademoiselle. Bonjour...

Yui laisse rentrer l'étudiante à la guitare dans sa salle, lui laisse choisir la place qu'elle s'attribuera, il ne s'en soucie guère. Il pose ses dossiers sur le meuble à l'entrée et cale classeur entre les autres sur l'autre étagère avant de refermer les portes de cette dernière. Il se retourne, retire sa veste pour la poser à son dossier, d'un pas vif, d'une démarche assurée et d'une apparence visiblement calme.
Il se laissera presque tomber sur son fauteuil.

Dans tout l'établissement, Valentine doit être le seul à ne pas connaître les têtes émergentes dans la peudo célébrité. Il connaît cependant Adélaïde Masuda Stein parce qu'on lui a fait vent des formalités qu'elle a tenté de mettre en place avec l'école à l'arrivée de sa fille à Keimoo. Pile l'époque quand Valentine ne s'y trouvait pas. Ça tombe bien, il n'a pas à connaître tous les populaires de cet établissement de fils à papa et de filles à maman.

Lui a-t-on informé du motif de cette réunion ?

-Je suis en retard, pardonnez moi. Mes collaborateurs tendent à avoir la discute quand je suis en leur compagnie, il semble, commence Valentine en relevant un air presque amusé.

Tu parles, lui comme eux rêvent que les formalités se terminent à peine les comités et réunions commencés.

-Dites moi tout, mademoiselle, je vous écoute.

Valentine attrape une bouteille d'eau posé à côté de son bureau et l'offre à la jeune fille, la pose en face de lui. Il saisit la deuxième, l'ouvre et boit un coup. Allez Valentine, passons donc au sujet suivant.

Après avoir frappée a la porte, elle attend tranquillement en chantonnant, se balançant d'avant en arrière sur ses pieds, regardant les alentours avec sa curiosité habituelle. Elle ne se doute pas qu'il n'est pas encore arrivé, malgré la secrétaire qui l'a avertit, et quand il apparaît dans son dos pour ouvrir la porte, aussi, elle est agréablement surprise.

Elle lui fait un grand sourire, en s'inclinant devant lui, avant de l'inspecter brièvement. Rien de bien impressionnant. Au vu des rumeurs, elle s’était imaginé quelqu'un d'imposant, de dur et de sévère. Elle s’était imaginé quelqu'un comme son père en fait. Bien que typé asiatique, ce dernier lui avait toujours fais un effet étrange, comme une certaine crainte. Mais c’était probablement plus a cause de sa position de patriarche de la famille Masuda.

- Ravie de vous rencontrer, je suis Masuda Ayame, mais evitez de m'appeler par mon nom, s'il vous plaît ça serait parfais !

Elle s'incline, bien que sa façon de parler n'embrasse que peu de forme de respect pourtant si cher aux Japonais. Ce n'est pas qu'elle s'en fiche, c'est surtout qu'elle ne prête absolument pas attention a ce genre de choses. Cependant sa dernière phrase lui fait se poser une nouvelle question. En tant que petite curieuse de force trois, elle n'a pas pu s’empêcher de se poser des questions sur ce fameux nouveau vice-principal, surtout quand il a fallut se décider a venir le voir pour cette fameuse dérogation. Elle savait qu'il n'etait pas professeur, a la base. Aussi, une fois que la porte fut refermé, sans s'asseoir directement, elle fit un nouveau sourire a son homologue, et avec sa douceur habituelle, reprit la parole :

- Je me demandais.....comment je dois vous appeler ? Parce que je crois savoir que vous n’êtes pas professeur......mais la psychologie peux quand même être un domaine dans ce genre, je crois ? Je n'en suis pas sur en fait.....mais du coup, monsieur ? Sensei ? Comme vous préférez.

Une fois cette question posée, la réponse apporté et les présentations achevées, elle prend place dans un fauteuil juste en face du bureau, tout en écoutant les excuses de ce dernier. Rien de grave, pense elle, alors qu'elle s’empêche de lui répondre trop familièrement, connaissant les limites, malgré les aises qu'elle prend d'office avec les gens. Elle aurait pu l'attendre une heure de plus sans que cela ne lui importe. Elle ne s'ennuie jamais, puisque la musique est toujours avec elle. Elle observe le bureau, plutôt simple, gardant son sourire affiché sur le visage, sans parvenir a retenir ses yeux de vagabonder un peu partout avec une curiosité mal placée.

- C'est sans doute parce que vous avez une discussion agréable que vos réunions s'allongent, répondit elle en souriant, façon a elle d'excuser le retard de son vice-directeur.

Elle prend avec douceur la bouteille qu'il lui tend, en remerciant son ancien propriétaire, et fait pivoter lentement le bouchon afin de le deviser du goulot. Une fois fait, elle boit d'une façon élégante deux ou trois gorgées d'eaux, autant par politesse après avoir accepté la boisson, que parce qu'il fait extrêmement chaud, et encore plus après la marche qu'elle a effectuée pour venir jusqu'ici. C'est a ce moment précis qu'il se décide a lui demander le motif de la discussion. En fait, si elle n'avait pas elle même fait la conversation depuis son arrivée, il aurait probablement était le seul sujet abordé. Plutôt direct, comme dans les rumeurs.

- Je viens pour une question administrative, en fait, et on m'a dit que vous étiez le seul a pouvoir accepter ma requête. Rien de très important, cependant. Une histoire a propos des clubs.

Elle ne compte pas vraiment faire durer le suspens, mais étrangement, elle trouve agréable l’atmosphère. L'homme semble savoir y faire. Les excuses alors qu'il n'avait pas de retard, le fauteuil bien rembourré quand la plupart des chaises du campus sont de simple chaise d'écolier tout ce qu'il y a de plus classique.

La boisson.....il semble a vouloir installer un climat de confiance pour que son interlocuteur étudiant n'ai de crainte. Elle ne se rend pas compte de tout ces détails, cependant. Pour elle, la seule chose qui compte, c'est que ne sente aucune pression venir de lui. Elle y réagit plutôt mal, il suffirait de demander a l'un de ses parents. Ou plutôt a son frère. Pour dompter Ayame, il suffit d’être gentil avec, elle répondra facilement a n'importe quelle demande dans ses cordes. Elle jette un coup d’œil a sa guitare, et se rend compte que le petit speech qu'elle avait préparé pour être un peu plus convaincante, s'est totalement évaporé de son esprit. Si cela avait etait une partition, elle l'aurait retenue, a vie. Ce n’était pas si facile, selon elle.

- C'est pour une dérogation, que j'avais avant. Qui me permet de moins aller dans mes autres clubs, pour me consacrer d'avantage a celui de musique. J'ai un nombre d'heures minimum a faire, bien sur, mais bien moins que ce qui est obligatoire dans le règlement. Enfin, c'etait les termes du contrat que j'avais, jusqu'en fin d'année. Je dois le mettre a jour tous les an, et me voilà.

Elle lui refit un nouveau sourire, un peu moins franc cependant. Un peu plus anxieux, probablement, se demandant la réaction du deuxième chef de l'établissement. Instinctivement, sa main saisit un petit morceau de la housse de la guitare qui est maintenant appuyée sur le fauteuil. Son ami est toujours la, elle n'a plus peur de rien. Pas dans cette pièce, en tout cas.

-Ah. Masuda.

Valentine note le nom et son prénom sur le coin de la feuille en s'appliquant. Il réfléchit à ce qu'il vient d'écrire et répond sans lever les yeux.

-Monsieur Valentine, je suppose que cela fera l'affaire. Et puis, Disons que c'est une façon de voir les choses.

Il commente, comme le médecin qui va faire son diagnostic après avoir examiné son patient. Mais Valentine n'a pas vraiment examiné le dossier de Ayame en réalité. Il pourrait presque donner l'impression d'avoir un prognostic à prononcer une fois qu'il aura fini d'analyser le prénom déposé de sa main sur sa feuille. Le silence a raison de l'entrevue et il laisse l'étudiante exposer les motifs de sa raison. Il y a toujours une raison, désormais, de recevoir des gens dans son bureau, toujours une cause pour qu'on ait à venir le consulter. C'est encore plus le cas que lorsqu'il travaillait en temps que psychologue scolaire; parfois les élèves rentraient dans son cabinet comme s'ils rentraient dans un moulin. Pour un oui ou pour un non, pour venir tantôt piquer une crise sur ses affaires ou pour s'y cacher. Il avait aussi eu celui qui était venu décorer son bureau puis celui qui aurait voulu en rêve -prêtre même en réalité, l'incendier. Celle qui se ramenait pour lui poser des bécots. Comme ça. Un jour, elle lui avait même fichu un crayon dans les narines. Celle qui lui faisait l'étalage de ses sentiments. Pour un autre. Où il lui était arrivé pour lui aussi. En y pensant, ça avait été la grande cour de récréation, cette époque là. Des raisons et des cas, Yui Valentine en avait vu des vertes et des pas mûres. Et sinon à part ça mademoidelle Masuda venait pour une question d'administration, et donc mademoiselle Masuda voulait être dispensée de club.  

Un flash d'images à venait de foudroyer la tête de Valentine. Soudain pris dans un tumulte de confusion et de questions naissantes, il brisait son instant statique en levant les yeux vers la jeune fille. Il s'éclaircit la gorge.

C'est qu'il n'est pas censé se souvenir.
Les éclairs de lucidité avaient été franchement rares depuis son séjour à l'hôpital.
Du temps était passé mais les séquelles résistaient au temps. Un jour, on a soufflé sur sa mémoire pour en distiller des poussières à travers l'humanité. C'est une époque révolue et Yui ne souhaite pas mentionner ses années en tant que psychologue.

Il se remet dans le bain.

-Qui est votre professeur principal ?

Ce dernier allait passer un sale quart d'heure. De nos jours, il n'y avait plus de professeur pour prendre une seule décision, il fallait que tous les dossiers soient remontés à la direction -autrement dit, lui même. Dans cette haute instance de la sphère scolaire qu'il était censé représenter, Yui Valentine se retrouvait à gérer la moindre des micros actions. Signe que le système scolaire avait sérieusement rouillé de l'intérieur derrière ses murs flamboyants et son acclamé prestige. On entendait et annonçait ces derniers temps un directeur accessible aux étudiants mais en réalité, le directeur il avait disparu, pshht, depuis les explosions du bâtiment du club. Leadership et management à son apogée, grogna intérieurement le directeur adjoint. Il déclencherait bientôt un autre board member meeting avec les membres restants qui voulaient bien hanter cette académie. Il le fallait.

-Vous êtes la fille de Masuda Stein, j'ai entendu dire. Est ce que cela doit faire systématiquement quelque chose de particulier de vous ou bien...?

Ce n'était pas une question piège bien que Valentine tendait la perche ainsi.

Le directeur adjoint s'était accoudé sur le bureau et avait croisé les mains pour y poser le menton, face à la jeune étudiante. En la détaillant rapidement, elle lui semblait extrêmement jeune -ne lui rappelant que le désarroi du temps qui passe. Que faisait-il à son âge ? Ah oui. Eliane. Il était un adolescent narquois, grincheux et mesquin. Il passait son temps avec sa jumelle Eliane à retourner le monde et ses fondements à l'envers, d'un côté puis de l'autre, comme deux parfaits abrutis à la recherche d'eux même. Il n'avait jamais vraiment eu la faveur d'un adulte en ces temps là. À côté, l'adolescente qu'il avait en face de lui, lui parut soudain modèle en comparaison à la connerie alignée de sa jeunesse. Il cilla face à cet instant de faiblesse. Une autre vague de mémoire effritée.

Pourtant Valentine a un léger sourire a qui relevé ses traits de trentenaire.

-Bon. Et bien combien d'heures vous souhaitez négocier ?

Son sourire s'élargit soudainement, alors que la réponse du vice-principal lui convenait parfaitement. Encore une fois, il ne semblait pas réticent a lui répondre. Inconsciemment, ça avait était une sorte de test qu'elle lui avait soumit, avec la volonté de s'assurer qu'elle n’était pas en présence d'un réactionnaire de la première heure qui ne pouvait supporter qu'on ne tienne pas compte de la politesse que la date de naissance octroyé dés l'arrivée dans ce monde. Ce qu'elle n'avait jamais comprit d'ailleurs. En quoi un détail aussi obscur pouvait il offrir autant de privilège ?

- D'accord, monsieur Valentine, ca me convient parfaitement. Oh, et n'oubliez pas, Ayame sera parfait.

Même si c’était une histoire de dossier, l'entendre dire son nom l'avait un peu irrité. Elle l'aimait bien son nom, et ne comprenait pas trop la réaction qu'elle pouvait avoir de temps a autres vis a vis de ce dernier. Mais ce n’était pas le moment de s'en soucier, car la situation évoluait déjà. Elle l'écouta lui demander qui était son professeur principal, et ses pensées vinrent sur poser sur une plage vers cinq heures du matin, quand Hayden Yoshida était venu s’enquérir de la raison pour laquelle la petite voix chantait devant les flots a cette heure matinale.

Elle fermait les yeux un moment, avec l'impression délicieuse que les embruns étaient encore en train de frapper son visage. Elle avait vraiment commencé a apprécier l'homme qu’était Hayden ce jour la, alors qu'elle n'avait eu jusque la que l'image du professeur strict mais avec la volonté d'aider ses élèves a toujours progresser. Étant donné qu'il était forcément marqué dans le dossier qu'il venait d'ouvrir, elle prit la question pour une critique plutôt que pour une véritable demande, aussi elle répondit avec douceur :

- Yoshida-sensei. Je suis très content d’être dans sa classe d'ailleurs, il aide vraiment les élèves a progresser. Je le fais de manière anonyme mais je suis sur que vous respecterez ça. Dites lui de continuer ce qu'il fait et féliciter le plus souvent, les bons professeurs doivent etre encouragé....pas comme.....euh, rien oublié.

Elle avait était a deux doigts de parler de la grosse madame Sadare du cours d'art, mais se retint, il était mal vu de faire ce genre de critique devant le vice principal lui même. Elle n'ajouta donc rien, laissant plutôt ses sourcils se froncer en entendant la question suivante. Elle soupira intérieurement. Si c’était une blague, elle n’était pas vraiment amusante. Finalement elle n’était pas vraiment fausse. Toute la musique venait de cette fameuse mere qui n’était jamais présente, et c’était un peu la finalité de sa raison d’être ici. Mais elle n'en avait que faire, elle ne voyait pas la raison de la question. Elle eu sans doute un ton un peu plus froid, mais la voix de Ayame Masuda ne pouvait pas etre vraiment énervée.

- Je ne suis pas sur de savoir ce que ça change. Je suis ici pour moi, pas pour ma mère, il me semble. Si vous voulez avoir un avis de sa part, ou une quelconque réponse a votre question, donnez lui un rendez-vous.

Elle se rendit compte qu'elle n'avait sans doute pas était raisonnable de parler aussi brusquement a l'homme. Meme si sa notion du respect etait une frontière lointaine des conventions, elle connaissait les limites. Aussi elle rougit légèrement en inclinant la tete :

- Pardon, Monsieur Valentine, je n'aurais pas du parler de la sorte.

Elle sursaute presque quand elle le voit sourire. Son visage dur rendait cette perspective quelque peu....inattendu. Et cela lui redonne le sourire a son tour, alors qu'il la questionne sur sa volonté de négocier. Elle est prise au dépourvue, pour la première fois depuis le début de l'entrevue. Elle n'avait pas du tout pensé a la possibilité de cette question, ayant pensée qu'il suffisait de reprendre ce qui avait etait mis en place avant. Elle se demanda si ce n'etait pas un test pour voir si elle avait vraiment envie de ce fameux morceau de papier signé. Aussi, elle répondit le plus naturellement du monde, ce qu'elle pensait vraiment.

- Si je pouvais, je n'aurais qu'un club. Si je pouvais j'aurais arrêté les cours pour me consacrer a la musique. Mais je sais que mes parents veulent trouver une excuse pour me déshériter. Je ne leurs en donnerait pas l'excuse aussi facilement. Ce que je veux négocier ? Le plus possible, je suppose.

Elle soupira de nouveau, son regard allant de nouveau vers son instrument. Ce qu'il ne fallait pas faire pour rester avec son ami de toujours.

Le sourire de Valentine est resté un moment sans qu'une once de chaleur ne parvienne à s'installer dans la salle. Il écoute patiemment et trie l'information en silence. Ce qui requiert de lui une décision et ce qui n'en requiert pas. Valentine réfléchit. Pour une dérogation de club son étudiante semble penser pouvoir poser de nombreuses conditions. Il n'appelle personne par son prénom de manière habituelle et simplement parce qu'il apprécie non pas l'autorité ni le pouvoir, mais la distance qui en découle. Il se contentera de passer à la question suivante.

Se voir demander de dire à un de ses collaborateurs les félicitations d'une étudiante est un feedback qu'il note dans sa tête mais qui n'a rien à voir avec le manque de prise de décision. La jeune fille est une étudiante qui s'emporte très vite dans une société ou la hiérarchie prône sur le reste. Son dynamisme est loin de déranger Yui Valentine; cela dit, la question de savoir si elle doit être aussi particulière au point de demander une dérogation continue à trotter dans sa tête. Il est le premier à briser les conventions et cela n'empêche pas qu'il est loin d'être l'ami des étudiants. Valentine n'offre rien sur demande.

Un instant hasardeux passe, l'étudiante rectifie le tir d'elle même.

-Je vous ai posé la question à vous et non à votre mère.

Le directeur adjoint a posé son dos en arrière et les coudes sur les accoudoirs de son fauteuil.

-En fait vous ne me dites pas grand chose sur vous qui puisse me donner un élément à vous signer cette dérogation ou non, hormis...

Il compte.

-Que vous n'êtes pas votre mère, que je dois lui donner un rendez vous si je veux lui parler, que vous seriez susceptible d'être déshéritée, que vous participez à plusieurs clubs -lesquels, et que vous voudriez que je vous accorde une derogation comme si vous étiez une exception à la règle ?

Il pose la question calmement, de son air posé et fixe la jeune Masuda.

-Venons-en au fait mademoiselle. Si ce n'est pas très important pourquoi sommes nous en train d'en discuter maintenant avec autant de sérieux ? Il va falloir vous expliquer un peu plus, je ne suis pas là pour vous mettre des bâtons dans les roues mais je ne suis pas le père Noël non plus.

Sans comprendre il ne donnera aucune dérogation. Contrairement à ses pairs et aux anciens de la direction, Valentine est en train de changer la mentalité de cette école qui se croit parfois tout permis. Son message est clair, concis. Convainquez moi que je dois miser sur vous, et vous en particulier, dit son regard. Sans quoi cette académie pouvait bien tourner à l'anarchie, à force d'échapper aux bases imposées. Dans tout message il y a un raisonnement et ce n'est pas sur un coup de tête que l'adjoint du directeur accepte ou non une requête. Il le pourrait certes, mais il n'a aucun doute que cela ne plairait à personne. Il estime dans sa tête, qu'il lui reste quinze minutes avant que le téléphone sonne pour le rendez vous du prochain sujet.

Elle semble se bloquer un peu lorsqu'il lui répond. Il a raison, c'est elle qui se trouve ici, et sans savoir vraiment pourquoi, elle s'est tout de suite braquée. Cet inconfort a évoquer sa mère ne l'aide pas vraiment, et elle doit plutôt sortir de cet aspect. Si on lui pose une question, il faut qu'elle réfléchisse pour y répondre, tout simplement. C’était quoi la question, déjà ? Oh, oui. Est ce que être la fille de l'une des plus célèbres pianistes du Japon change quelque chose a la situation actuelle ? Question finalement facile pour elle, qui reprend a son tour d'une façon plus franche :

- Non, le fait que j'ai ce nom de famille, ne change rien a la situation. Elle n'a rien a voir avec moi et je n'ai rien a voir avec elle. Si vous acceptez de me donner ce que je suis venue vous demander, il faudra que cela soit pour moi et moi seule.

Elle passe une main sur son front, dans ses cheveux, pour replacer ses mèches désordonnés. Elle a l'impression de danser dans sa main. Elle qui aime souvent avoir des réponses faciles, se doit de réfléchir un peu. Il ne semble pas déterminé a lui refuser cette simple signature, mais désire cependant d'avantage d'informations. Qu'est ce qu'il veux savoir ? Il veux qu'elle lui explique qu'elle pourrait utiliser son temps pour des choses infiniment plus intéressantes que l'école, le lycée, l'académie ?

Il répondra sans doute qu'elle n'a qu'a arrété cette école si elle le désire. Que plus rien ne l'oblige a rester. Si elle avait voulu, elle aurait pu se débrouiller pour avoir un vrai contrat qui la fasse vivre, meme sans l'argent de ses parents qu'elle aurait immanquablement perdue en choisissant cette voix. Mais peut etre qu'au fond, elle ne voulait pas marquer cette séparation avec son pere et sa mere. Qu'elle voulait....qu'ils soient fiers d'elle ? Impensable. Elle secoue la tête pour laisser cette idée s'échapper :

- Vous êtes plus tatillon que votre prédécesseur....

Elle sourit cependant, pour montrer que cela ne l'a dérange pas vraiment. Parler, expliquer, ne l'a jamais dérangé. Il lui suffit de dire la vérité, et elle verra bien le résultat. Elle aurait voulu pouvoir faire autrement que continuer l'école qui lui paraît maintenant extrêmement insipide. Rien ne l'a motive autrement que d'avoir de bonnes notes pour passer a l'étape supérieur, a l'année d’après, afin de se rapprocher enfin de ce moment ou elle pourrait finalement faire ce qu'elle veux.

- Je suis trop jeune pour intégré une spécialisation, c'est uniquement lors des études supérieurs. C'est d'ailleurs une erreur selon moi. Sans parler de mon cas, je suis sur qu'il y a d'autre personne qui seraient largement plus a l'aise et deviendrait des gens respectables de la société, même sans passer par le circuit classique.

Elle pensa a Haruki. C'etait un garçon dont le génie suintait par tout les pores de la peau, selon elle. N’emporte qui l'écoutant joué aurait pu comprendre ça. Et pourtant, elle le voyait mal dans le cursus classique plus jeune. Enfin, il l'avait sans doute réussit vu son age, mais elle était persuadée que quelque chose de spécialisé lui aurait mieux convenue. Il ne fallait pas brider son talent, a lui, comme a celui de plein d'autres personnes. Il fallait au contraire faire en sorte de les mettre en avant. Comme pour un sportif, ou un peintre. Il y avait assez de math comme ça.

- Je ne sais pas si vous, vous pouvez y gagner quelque chose, ce que je sais c'est que.....comment dire....j'ai de moins en moins de temps. Ou plutôt, j'en ai besoin de plus en plus, parce que ma carrière commence a décoller et.....ça paraît ridicule comme ça.....

C’était une des rares fois ou elle avait l'impression d'évoquer quelque chose de complètement fantasmagorique. Elle qui y croyait vraiment, qui voyait son chemin tout tracé, avait l'impression de décrire un rêve d'enfant, devant cet homme, symbole du cadre scolaire ou elle évoluait depuis sa naissance, ou presque. Une carrière ? Elle avait a peine seize ans. C’était peut être un grand mot pour une si petite fille. Elle inspira un grand coup, et prit sa décision, se redressant soudainement :

- Je vais devenir la plus grande artiste musicale du Japon. Ce n'est pas qu'un rêve, c'est un objectif. J'y crois, je crois en mes capacités pour le devenir, parce que de toute façon, si je n'y croyais pas, ça ne servirait a rien d'essayer de le faire. Et pour ce faire, j'ai besoin de mettre tout les moyens en place pour y parvenir. Pour avoir plus de facilité a accomplir mes objectifs les uns après les autres.

Mais pourquoi était elle encore la alors ? Elle se mordit la lèvre, incertaine de ce qu'elle devait dire. Ce n’était pas qu'elle hésitait a en parler, c'est surtout qu'elle n'arrivait pas a savoir si c’était la vérité, ou juste une image qu'elle s'est intégré artificiellement dans sa tête. Elle s’affaisse de nouveau légèrement.

- Mais j'ai le sentiment que je dois aller jusqu'au bout de ma scolarité....je ne sais pas trop comment le dire. Enfin, voilà pourquoi je voudrais avoir un peu de temps aménagé, vis a vis des clubs qui ne me servent a rien, et que je dois faire pour une raison qui m'est d'ailleurs inconnues. Finir ma scolarité c'est une chose, mais devoir en plus faire des activités qui ne me servent a rien, ça, ça me gene.

Elle soupira :

- Cependant je ne suis pas un cas spécial, et puisque je suis ici, vous devriez en profiter pour penser a tout ces étudiants, en musique comme dans bien d'autres disciplines, qui sont dans le meme cas que moi.

Une étudiante, des rêves pleins les yeux.

Yui semble observer de très loin ces palpitations émotionnelles qui flottent autour de la jeune fille. Il se maintient ainsi, coi, un long moment, ce regard dans le vide comme si sa réalité ne pouvait effleurer le reste de l’univers. Les sujets lui semblent parfois, en l’espace d’un instant, flous, sans format particulier, sans caractère défini. C'est une sensation étrange qu'il s'est appropriée.

-Vous êtes mineure, commente-t-il simplement.

L’autre cas de figure en horaire aménagé qu’il a au sein de l’établissement est celui d’Haruki Lei. Cet étudiant. Lei a même moins de cours que la plupart des étudiants. Lei est un autre de ces cas dont Valentine se demande parfois si la structure scolaire est vraiment adaptée. Il ne sait pourquoi à ce moment précis, la notion que l’homme est un loup pour l’homme passe à travers le champ de son raisonnement. Mai Lei a un dossier médical. Le minimum de quota a remplir pour ces étudiants en situation d’handicap. Dans cette école il y a tellement de cas de figures que d’en ressortir particulier en devient coutumier.

-A chaque fois que vous vous entrainerez, vous irez justifier vos heures auprès du concierge.
Je veux une signature d’entrée et de sortie que vous vous rendiez une, -mais ce n’est pas vraiment dans vos intérêts, deux, dix, cent cinquante fois dans les locaux du club de musique. Je m’assurerai que j’ai un suivi exact de vos activités dans cet établissement mois par mois.

Valentine continue son explication, inébranlable.

-De plus. Chacune, chacune de vos heures de club non allouées à votre activité musicale sera comptée en tant qu’absence. Et parce que je vous accorde cette dérogation, vous n’aurez que deux jokers au lieu de trois. Autrement dit mademoiselle, au bout de la deuxième absence, je veillerai à ce que le comité de la direction applique la sanction nécessaire.

Il joint l’extrémité de ses doigts et exerce une légère pression sur ses phalanges. Elles ne deviendront pourtant pas plus blanches vu son teint blafard.

-Je n’ai que deux dossiers disons… à dispenser par an en terme de bonne volonté. Vous avez donc le deuxième et puisque je n’en ai plus, vous pouvez considérer que vous occupez la place d’un autre potentiel candidat qui aurait largement plus de conditions justifiables pour. Et enfin, avant que je ne vous renvoie à vos activités musicales…

Valentine a eu un sourire, doux.

-…Au prochain examen musical vous allez obtenir de meilleurs résultats que Lei.

Leur ballade improvisée et absence à l’évènement des jeunes talents musicaux du pays à Kyoto n’a pas pu se passer des bruitages de quelques médias. Ni des yeux du directeur.

-J’ai tendance à ne pas vraiment digérer les absences des étudiants aux plus grands événements qui font briller cette école. Nous avons peut être le prestige mais vous savez, je n’aime pas beaucoup investir sur des élèves qui me font perdre du temps.

Valentine s’est levé, tranquillement comme s’il venait de finir une tasse dans son salon.

-D’ailleurs. Lei. Un échec à son examen musical et il est renvoyé de cet académie, soyez rassurée. Vous le lui en ferai part, je suis certain. Sur ce mademoiselle, j’attendrai patiemment le relevé de vos entrainement musicaux.

Il a contourné son bureau, a souri doucereusement à la jeune étudiante et est sorti en silence pour se rendre au Salon.