Après le Père, je voudrais la Mère.
Elle n'a jamais été très fêtes de famille. Elle n'a jamais fait résonner sa belle voix dans les cuisines de Granny. Elle n'a jamais chanté avec nous pendant que le fumet de la dinde réveillait lentement nos estomacs.
Toujours occupée à un concert ici, un gala par-là.
Et cette année n'a pas fait exception.
A la différence près que son concept marketing cette année tournait autour du mot "famille".
J'étais ravi de faire le pingouin faire-valoir au premier rang de l'amphithéâtre.
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Heureusement, elle a rapidement été happée par les mondanités dont elle rafole, aussi je peux m'éclipser sans trop de mal. Ce n'est vraiment pas comme ça que je voulais passer mon réveillon. L'hiver n'a pas encore frappé ce doux pays, on pourait se croire encore en automne. Les ginkos portent encore leurs dorures et tapissent les rues d'un manteau de soleil. Même en pleine nuit, je peux les voir.
La porte de service s'ouvre dans mon dos, je distingue une silhouette familière. Un sourire.
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Pourquoi ça ne m'étonne pas.Je hausse les épaules. Il me rejoint. Je ne le quitte pas des yeux.
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Elle ne te cherche pas, pas d'inquiétude. Elle est bien trop occupée avec ses "samouraïs".Je secoue la tête, un rire cynique ornant mes lèvres. Cette femme est tellement à mille lieux de moi.
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Reiko la déroute complètement. C'est assez poilant. Tu devrais te joindre à nous de temps en temps. C'est pas si terrible.Je le regarde dans les yeux, j'admire les hérédités paternelles qui flamboient dans la nuit. S'il y a une seule chose pour laquelle je suis reconnaissant, c'est que mes parents aient mis mon frère au monde.
Non, je n'ai aucune envie de me joindre à l'hypocrisie familiale.
Il y a un long silence pendant lequel mes yeux retournent dans leur contemplation fataliste du paysage urbain. Il va rompre ce silence. Dans quelques instants.
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Tu sais qu'il y a toujours ce sapin ...Quel sapin, Lloyd.
Il est beau, mon frère. Reiko, petite chanceuse.
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Celui du centre commercial.Ah... Un sourire faible orne le coin de ma bouche. Le souvenir du cadeau de Lun surgit dans ma mémoire, du fin fond de la matière grise. J'ai rarement des nouvelles de Lun. J'espère qu'il va bien.
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Je sais qu'il y a des cadeaux à mon nom là-bas, Reiko me l'a dit. Evidemment, Lloyd est beau garçon doté d'un charme naturel aveuglant.
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Viens avec moi.Je soupire. Pour que je puisse t'aider à porter tes paquets ? Goujat.
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Et on ira manger des takoyaki. Hm ?Salaud.
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Un pauvre bougre est là, planté à côté du sapin. Le centre commercial bourdonne de gens, il ne fermera pas avant deux heures du matin. J'ai franchement de la peine pour lui, alors quand Lloyd me donne ses paquets un à un, j'ouvre quelques uns au hasard avant de tomber sur une jolie écharpe bleu-vert pour la lui donner. Il refuse bien entendu. Alors, je referme le paquet, je rafistole le papier avec le papier adhésif à disposition et je le dépose aux pieds du sapin avec comme étiquette "Pour T.K., employé loyal du Sapin". Et là j'ai droit à un sourire. Que je lui rends.
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Quand tu auras fini de draguer, tu voudras bien me tenir celui-là ?Je drague qui je veux quand je veux, grand dadais. Il me lance un regard décalé. Il attend quelque chose. Je prends le paquet, je regarde l'étiquette. Elle porte mon nom.
Je fronce les sourcils et le regarde. C'est toi, ça ? Tu aurais simplement pu me les donner demain. Ou plus tard. Je relis l'étiquette. Non. Ce n'est pas son écriture. Je fronce encore plus les sourcils.
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Et c'est pas fini ...Quoi ? Comment ça ?
Il en brandit un autre.
M'enfin ...
Et Lloyd rit. Je recompose mon visage.
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Viens à la maison, Reiko aimerait que tu passes la soirée avec nous.Ai-je vraiment le choix ?