₪ Académie Keimoo ₪

In a decade, will you be there ?
 
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 Là où vont mes pas.

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MessageSujet: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptySam 15 Aoû 2015 - 23:09


Il y a des immeubles où on devine rapidement que la personne n’a que du fric à claquer et où le mec lambda n'ira pas vivre. Des endroits où on devine que les fêtes doivent être des plus courantes. Ce genre d’endroit que généralement l’homme évitait. Par principe et par dégoût pour une jeunesse délurée se croyant dans des séries américaines. Ce pays ! Y vivre était clairement un manque de gout.
Sérieusement, à choisir, Lun préférait claquer sa tune dans une belle maison avec jardin plutôt que dans le dernier étage d'un immeuble avec vue sur la route et la pollution ! Même si la terrasse était fournie avec piscine.

Le ciel était clair pour une nuit à la lune bien ronde, sans la moindre étoile visible - trop de lampadaires ou de déchets dans l'air. Installé sur le rebord d’un trottoir, Lun Marv tourna les pages d’un magazine où Narcisse de Lioncourt accordait une interview sur son film. Sur le papier glacé, l’ancien mannequin était d’une beauté à couper le souffle. Face à cette constatation, le jeune enquêteur se demanda comment on avait pu les confondre tous les deux. L’un était la lumière du soleil là où l’autre n’était que la pâleur de la lune. Ça n’avait plus aucune importance.

Lun laissa retomber le magazine sur le sol, il reposa un regard sur l’appartement aux vitres trop nombreuses qui lui faisaient face. Enfin face, à condition de relever la tête à s'en tordre le cou. Une bâtisse, un haut immeuble avec trop d'appartements, grand portail, système électronique et domestiques pour le nettoyage. Ils s’alluma une clope au gout de menthol fortement prononcé qui tira une grimace de dégoût à l’anglais – ces américains ne savent rien faire comme il faut – et quitta la rue.

Dès qu’il vit un taxi, il lui fit signe de s’arrêter. Ce dernier roula quelques dizaines de minutes avant de s’arrêter devant un motel où les employés ne posaient généralement pas de questions. Remontant dans sa chambre, Lun s’installa sur un lit – il préférait ne pas savoir qui avait dormi dedans et ce qu’on y avait fait – et regarda sa montre avec inquiétude. Il fronça les sourcils, fixa la porte d’entrée à nouveau et grogna mécontent.
Il tenta de téléphoner, deux ou trois fois, mais tomba sur le répondeur de son meilleur ami après le même nombre de sonneries et le même temps d’attente. Finalement, il s’endormi, somnolant, pas vraiment totalement dans un rêve, ni dans la réalité. Entre deux.

Dès qu’il entendit la porte s’ouvrir, il releva un regard fatigué et eu un sourire faible. L’homme au pas de la porte, la main sur la poignée, ne fut pas dupe de cela. Il voyait l’orage arriver et ce fut avec une légère froideur qu’il marmonna : « Ah, t’es déjà là. »

Lun regarda l’heure affichée sur le réveil à trois sous fourni par l’hôtel qui s’illuminait d’une inquiétante couleur rouge. 05:30 AM. Il se fichait royalement de sa gueule, ou quoi ?

« Ton portable Eden ne sert pas qu’à jouer. Il peut éventuellement servir à téléphoner et à donner l’heure. »

Sur le pas de la porte, Eden Indentshi avança. Il tangua un peu, sa main quittant la poignée de la porte. L’état qu’il affichait expliquait sans doute son temps de réaction. Sous son œil gauche, un hématome rouge semblait avoir été fait récemment. Maintenant qu’il s’avançait dans la lumière, Lun constata que son jean était troué, ses phalanges blessées et sa lèvre supérieure ensanglantée. Qu’est-ce qu’il avait encore foutu ?

« Tu m’as accompagné car tu avais peur que je fasse des conneries dans le pays de tous les vices. Hier, tu t’es trouvé une gonzesse. Aujourd’hui, tu rentres blessé. Tu as un certain sens de l’ironie, abruti.
- Ah … Du tout. Je te protège. »

Lun leva les yeux au ciel, se levant pour lui prendre la main et le pousser sur le lit, le faisant asseoir. Il se mit lentement à sortir de son sac à dos de quoi désinfecter et nettoyer. Il commença à nettoyer les plaies de son camarade, tentant d’éviter son regard.

« Tu me fatigues.
- C’est pour ça que tu m’aimes.
- Tu n’es pas le premier à me dire ça.
- Ah, ouais … Peut-être … »

Comme d’habitude, Lun pensa qu’Eden avait de superbes réponses à lui offrir. Dans le genre crétin qui ne sait pas parler, il avait trouvé le gros lot. Quand il n’était pas stupide, il était blessant. Il avait toujours eu le don pour se faire des amis.

Déjà au collège avec Kodaa Lewi’s, John Stephen, Cassandra White et Maeki Oyuki, il tenait franchement du groupe de personnes étranges. Le populaire gay trop tôt, la racaille émotive, la rebelle trop rebelle, le gothique fou et lui-même, le sauvage. Etait-il encore sauvage ? Il n’en savait trop rien à dire vrai. Il se posait moins de questions qu’avant, mais elles étaient plus pointues, plus compliquées et moins souvent dites. On ne pouvait plus l'apprivoiser aussi finalement. L'âge le rendait hostile aux autres.

« Je croyais que tu resterais chez lui ce soir.
- Hein ? »

La surprise dans le regard de Lun fit défaillir un peu Eden. Il fallait dire que leurs amitiés reposaient essentiellement sur un concours de circonstance, et l’un comme l’autre avait du mal à le croire. Eden surtout. Il n’était pas du genre négatif, juste que pour lui : tout avait toujours une fin. C’était inéducable. Il connaissait Lun depuis son arrivée au Japon, autant dire une éternité. Et dès lors, il l’avait vu s’attacher à bien des personnes, se mettre en couple avec bien d’autres, coucher à gauche ou à droite, mais jamais, il n’était resté très fidèle à quiconque. Peut-être Shiki Katsuragi faisait figure d’exception. Celle qui confirmait la règle.

Lun fronça les sourcils. « Je t’ai dit que j’irais seulement voir l’adresse.
- Tu n’es pas pressé de le voir ?
- Je ne sais pas.
- Tu es inquiet ?
- Je l’aurais été, il y a un an. Depuis de l’eau a bien coulé.
- Alors quoi ? Pourquoi retarder le moment ?
- J’ai besoin de me familiariser d’abord avec l’environnement. Et visiblement, toi aussi. Comment t’es-tu fais ça ? »

Le rire d’Eden fit rougir de colère les joues de son camarade qui, par maladresse ou vengeance, appuya plus fortement sur la plaie de ce dernier. Eden en tira une grimace de douleur, mais le rire lui revint naturellement.

De nouveau , Lun appuya sur la plaie, signe que la maladresse n’en était pas une. Ce qui ne provoqua que d’avantage l’hilarité de son camarade.

« Je peux avoir l’explication ? » Demanda-t-il, se redressant, sa main s’appuyant sur la hanche.
« Disons que je n’ai pas le même humour que ces dégénérés ! Rappelles-moi pourquoi tu as voulu venir ici ?
- Pour continuer l’enquête et rendre visite à un ami.
- Et tu ne pouvais pas payer un enquêteur ici pour bosser à notre place ? Et envoyer ton adresse skype à ton ami ? Voir les gens en chair et en os, c’est démodé. L’heure est à la vidéoconférence.
- Tu penses la même chose pour le sexe avec quelqu’un ?
- Youporn dans mes favoris te répond que oui. »

Lun leva les yeux au ciel, retombant assit sur le lit, sa tête sur l’épaule de son meilleur ami. « Idiot, … tu me fatigues.
- Je ne peux pas l’oublier, tu me le dis toutes les dix minutes.
- Je sais.
- Pourquoi tu veux le voir ? Maintenant que tu sais ce qu’il a fait ?
- Je ne sais pas.
- Tu es sur que c’est une bonne idée ?
- Je ne sais pas.
- Ma tête me dit que non.
- Mon cœur me dit que oui.
- Tu es trop sentimental, l’amitié, ce n’est rien de plus que de la génétique dans nos gènes pour obliger les uns à prendre soin des autres. C’est primitif, ça permet d’obliger un membre d'un clan à se battre pour son groupe et à gagner en courage.
- Tu es trop terre à terre, les sentiments, ce sont les sentiments qui font de nous des humains.
- Non, ce sont les glucides, les lipides, les protéines, les acides …
- Ta gueule. »

Le japonais se mit à rire joyeusement, puis il se laissa tomber en arrière sur le lit.

« Tu vas lui dire quoi au juste ?
- …
- Je trouve que c’est une mauvaise idée.
- Je sais. »

***

Voilà. Il était à nouveau devant ce putain d'immeuble. A nouveau écœuré par le luxe qu’il affichait. A nouveau à se poser beaucoup trop de questions. Lun se demanda si l’autre le trouverait changé ? Sans doute que oui, il y avait peu de chances qui le perçoive autrement. Physiquement, en tout cas, il avait changé. Une différence de maturité, de poids, de couleur de cheveux qui n’avaient pas le même éclat qu’avant. Et mentalement ?

Lui, il ne se trouvait pas changé. Pourtant, on ne cessait de lui faire remarquer le contraire. Lun se demanda comme il était avant. Il n’avait pas la réponse. Il ne se voyait et ne se vivait pas. Il était trop souvent avec lui-même pour se rendre compte d’un quelconque changement. Ce devait être comme pour ses enfants. Les gens qui les voyaient peu disaient toujours : Oh, comme ils ont grandi. Alors que lui-même ne les voyait pas grandir.

Dans sa poche, il avait les dessins que Judith et Philip avaient faits. Lun regretta de ne pas les avoir amenés avec lui. Ils auraient aimé le voir. Une prochaine fois, peut-être.

Il en doutait. L’Amérique n’était clairement pas faîte pour lui.

Une grande inspiration de courage et Lun rentra lentement dans l’immeuble. Il passa devant un homme, jeune, sans doute moins de trente ans au bel aspect. Le genre de type qui devait s’entretenir en permanence pour s’assurer que son ventre garderait l’aspect play-boy et non celui des playmobiles.

Dans cet environnent luxueux, Lun ne devait pas avoir l’air du décor. Avec son jean abîmé, son tee-shirt d’adolescent et le bonnet sur sa tête couvrant des cheveux blonds à peine coiffé. Même sa sacoche usée dénotait avec l’ambiance.

Lun se rapprocha de l’accueil où se trouvait une femme et l’homme à l’entrée le suivit. Est-ce qu’il faisait ça avec tous les nouveaux venus ou est-ce que l’anglais ne lui inspirait pas confiance ? L’enquêteur ne s’en formalisa pas.

La jeune femme était une asiatique aux cheveux bruns et à la peau claire. Son sourire était chaleureux, accueillant, parfait pour le métier qu’elle avait. Petite de taille, gracile, séduisante, elle était magnifique.

Lun lui sourit chaleureusement, un brin charmeur. Elle lui répondit de la même manière, ce qui éclaira le visage de l’homme davantage. Après tout, la séduction était toujours présente dans son organisme. Ce fut donc avec une voix suborneuse qu’il lui fit part de sa visite. Ils échangèrent quelques formalités. L’homme venant se mêler à la conversation. Lun cru entendre dans sa voix de la jalousie, mais il était peut-être dans le faux.

Ils s’appelaient Matthew et Mia. Cette coïncidence fit rire Lun, tant elle lui rappelait deux de ses connaissances. Sans aucun doute que le monde était plus petit qu’il ne voulait lui-même se l’avouer.

Elle lui fit signe d’attendre et Lun continua de parler avec l’homme. Il tenta de faire la conversation. Sans doute parce qu’ils n’avaient rien de mieux à faire, ils échangèrent poliment. Et sans doute parce qu’il était un étranger à l’apparence des plus neutres, Matthew lui parla de Mia avec chaleur. Lun se fit la remarque qu’il l’avait bien analysé : il était amoureux de la belle. Le gardien ne le dit pas, mais ça transpirait dans tous ses pores.
Difficile de lui en vouloir, la taille menue et petite, les cheveux raides parfaitement coiffés, la senteur fleurie et sa voix mélodieuse avaient de quoi faire tourner les têtes.
Finalement, Miya l’appela. Après un échange courtois, elle lui fit signe de suivre Matthew.

Ascenseur.

Connard d’immeuble. Connard d’étage. Lun inspira douloureusement, il fixa l’homme et demanda :

« Je présume que prendre les escaliers est proscrit ? »

L’homme sembla dissimuler sa surprise. Un brin choqué par l’idée fantasque du visiteur. Sans doute pensa-t-il « paysan », alors que la jeune femme pensa : « charmant. »
Lun pensa surtout : « Je l’ai même pas encore vu qu’il me fait déjà chier. »

 "Vous ai-je déjà mentionné que Monsieur Kumori réside au 21e étage ?
- Je sais. J’aime l’exercice. J'en déduis que les escaliers sont possibles, donc ?
- Vous devez avoir une santé aussi solide que votre sens de l'humour. Non monsieur, j'en suis navré mais je ne peux pas vous laisser emprunter les escaliers. Si quelqu'un apprenait que j'ai laissé un visiteur gravir 21 étages à pieds, je serais immédiatement remercié. »

Ah, putain de connard d’abruti d’enfoiré d’américain. Normal qu’il soit choqué qu’on puisse monter des étages. Ces crétins ne devaient connaître que la salle de sport, les protéines et la chirurgie esthétique pour éliminer leurs kilos en trop.

« Je suis claustrophobe. Je prends l'ascenseur, je fais une crise de panique. J’ai le cœur fragile, j’en mourrai. Et vous expliquerez aux journalistes pourquoi vous avez laissé un jeune anglais mourir. »

Visiblement beaucoup moins sympathique désormais, Matthew, las des bêtises des visiteurs, ouvrit la porte des escaliers et lâcha entre ses dents : « Bon courage, monsieur. »

Bon, Lun venait de perdre l’occasion de se faire un ami. Il avait au moins évité l’ascenseur, mais il soupira. Un instant, il hésita à s’allumer une clope, mais la marche qui allait arriver lui signala que c’était une mauvaise idée.
A chaque fois qu’il montait au septième étage où vivait Daniel, il râlait. Alors le vingt-et-unième étage lui semblait soudain le haut du mont Everest.

Il dû s’arrêter, deux fois, le cœur brûlant et souhaitant sortir de sa poitrine. Entre le stress de revoir ces deux hommes, de les voir dans leur ménage, et l’énergie dépensée à monter, il avait un cœur près à exploser.

Lun songea qu’il pourrait mourir là, d’une crise cardiaque. Sur que Matthew lui en voudrait sur ce coup. Toutefois, il se remit à chaque fois à monter les derniers étages. Il arriva enfin au dernier étage.

En ouvrant la porte et en tombant face aux escaliers, Lun jura et maudit dans sa tête des générations et des générations d’américains. Sans doute que si une apocalypse survenait dans les prochaines heures, il en serait le responsable. Préférant toutefois reprendre son souffle, à défaut d’autres choses, Lun s’arrêta face à la seule porte semblant être celle d’un appartement.

Il pouvait encore faire demi-tour … M’enfin, après avoir fait une montée qui risquait de lui laisser des courbatures pour les prochains jours, ce serait dommage.

Il ne restait plus qu’à frapper.

Enfin, … D’abord, Lun préféra ouvrir sa sacoche, tirer sa bouteille d’eau et en boire entièrement le contenu. Elle n'était plus vraiment fraîche ; et Lun réalisa à quel point il faisait chaud. Malgré la climatisation, malgré l'heure matinale, il sentait la canicule dans chacune de ses veines.

Connards d’américains.

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Sora Kumori

Sora Kumori


Bélier Singe Age : 32
Compteur 125
Multicompte(s) : Note de l'Administration Kmo :Personnage lié à Narcisse De Lioncourt. Lui demander avant de supprimer.

KMO
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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptySam 29 Aoû 2015 - 21:04

Dans la vie, il y a des journées qui sont productives, et d’autres qui ne le sont pas du tout. Il y a la pluie et le beau temps. La joie et la peine. La philosophie et la côte de bœuf. Chacun ses choix et ses priorités.  Aujourd’hui, ma priorité est de recouvrir de ma gueule de bois, et mon choix est de ne rien glander. Chose qui aurait été, je l’avoue, beaucoup plus simple si je n’avais pas trouvé une surprise –non pas chocolaté, ce qui aurait été bien plus agréable- blonde dans mon lit en rentrant ce soir. Ou plutôt ce matin, peu importe. Je sais bien que Blondie n’apprécie guère ni mon train de vie, ni ma consommation généreuse d’alcool et autres substances rigolotes. Par contre j’ignorais qu’il comptait revenir aujourd’hui. Le revers de la médaille de ses allers-retours constant entre Keimoo et New York, et surtout de sa désagréable tendance à vouloir me surprendre. Ce n’était certes pas la première fois que ça arrivait, sans doute pas la dernière, et il en va de même pour les disputes qui en découlent.

Tout ça pour dire que la journée commençait déjà avec un mal de crâne et une descente mollassonne conséquentes à la soirée qui la précédait, et que l’hystérie de Narcisse et sa voix scandaleusement aigüe  dès le réveil signèrent le couronnement de ma migraine son acolyte  humeur massacrante. Ce qui me donnait une bonne raison de plus pour passer une agréable de journée glandage et relaxation dans le calme réconfortant de mon petit cocon, une fois débarrassé de cette bruyante harpie de compagnie. J’ignore s’il était parti de rage ou par nécessité professionnelle, mais pour être honnête le résultat étant le même je m’en tamponne l’oreille avec une babouche antique. L’appartement avait retrouvé son calme religieux et jamais je n’apprécie un silence autant que celui qui suit le claquement d’une porte, d’autant plus que celui-ci était aussi salvateur que providentiel. Je ris à part moi en me rappelant une de ses petites punchlines aussi menaçantes qu’une mouche armée d’un grille-pain avant de me retourner dans le lit et de me rendormir.

Certains ne peuvent s’empêcher de culpabiliser, de remettre toute leur vie en question après une dispute avec leur moitié, se repassant la scène en boucle en s’imaginait les dénouements plus heureux qu’ils auraient pu connaître s’ils avaient fait preuve de discernement. Personnellement, je me contenterais de me trainer jusqu’au salon à mon deuxième réveil, de prendre un petit rail histoire d’être d’attaque tout en contrecarrant les effets secondaires de de ceux d’hier, puis  d’éclater quelques gamins sur le dernier halo en attendant qu’il revienne. Puisqu’il reviendra de toute façon, et que créer un présent amusant  est beaucoup plus intéressant que de se morfondre sur des hypothèses d’un passé différent. Et puis, pouvait-on considérer Narcisse comme ma moitié ? Je l’aime autant que je le déteste. C’est juste que je le déteste énormément.

Mais comme rien ne se passe comme on le souhaite dans le monde réel, c’est quand on désire le plus être tranquille que notre portable vibre autant que la machine à laver d’avant-guerre héritée de maman. N’ayant ni la tête ni l’envie de régler tous ces problèmes personnels et "professionnels" qui toquaient soudainement à ma porte, j’arrachais les racines du mal avant qu’il ne sorte de terre et éteignait mon portable. Puis, j’avais l’excuse pratique du retour à New York de ma star de compagnie et par conséquent de tous ses petits fouineurs de paparazzis qui rendaient mes diverses  activités rarement légales beaucoup plus compliquées. Bien que je savourais nettement plus de tranquillité depuis qu’une de ses petites teignes a été retrouvée pendue dans sa chambre et qu’une autre ait trouvé la mort dans une sordide histoire d’accident de la route, je l’admets.

J’étais cependant loin de me douter qu’un de ces problèmes toquerait littéralement à ma porte quand je décrochais le téléphone réservé au service d’accueil. Blondie et moi étions devenus plutôt proches de Mia qui y travaillait, à force de faussement flirter avec elle pour agacer cet enculeur de mouches de Matthew et surtout parce que c’était outrageusement drôle de le voir fulminer dans son coin. Du coup, je m’attendais à ce qu’elle me serve un de ses sempiternels  sermons avant de proposer de monter une bouteille de vieux scotch, comme à son habitude après avoir été témoin du passage de la tempête qui habite occasionnellement avec moi. Elle était très forte pour déterminer l’agacement de Narcisse en fonction de sa démarche –quoi que ça soit plutôt flagrant. Et faisait probablement la même chose quand les rôles sont inversés. Mais de ce que je sais, il préfère le champagne.

"Lun Marv ? "
… … …
"Si c’est une blague, elle est de très mauvais goût. Et tu sais que je n’aime pas les gens de mauvais goût."
…………
"Fais le monter"

S’il y a bien un nom que je ne m’attendais à réentendre de si tôt, c’était bien celui-là. D’un autre côté, je ne m’attends tout simplement pas à réentendre parler de qui que ce soit de Keimoo. Lun devait être le seul véritable ami que j’y ai laissé, étant donné que les tous les autres étaient partis avant moi. A condition qu’on se considère encore comme tel, remarquez.
Je dois avouer que je ne sais pas trop quoi en penser. A dire vrai, je ne suis même pas sûr que ça soit véritablement lui, mais j’ai du mal à imaginer qui que ce soit d’assez renseigné sur ma vie pour avoir l’idée saugrenue de se faire passer pour lui, sans compter que même en y réfléchissant très fort j’étais dans l’incapacité d’y trouver un quelconque intérêt.
Non, vraiment, c’était bizarre : même si c’était vraiment lui, je ne comprends pas non plus la raison de sa venue.  Je n’ai pas souvenir qu’on se soit quittés en très bons termes –d’ailleurs on ne s’est pas vraiment quittés à proprement parler puisque je n’ai prévenu personne excepté Narcisse de mon départ, et encore – et nous n’avons eu aucun contact depuis que je suis rentré à NYC, pourtant il doit avoir une sacré bonne raison pour se motiver à traverser l’océan pacifique.  Si c’était pour m’engueuler et me botter les fesses, il risquait d’être déçu : de retour au pays j’avais repris les combats en cage et l’entrainement intensif qu’ils nécessitaient.  Je doute qu’il réussisse encore à m’entraîner au sol comme à l’époque.

Et pourtant, ma curiosité se drapait étrangement du voile de l’appréhension. J’éteignais la console sans plus de cérémonie, chose extrêmement rare considérant que la partie était encore en cours et qu’il était tout bonnement criminel de quitter en plein milieu du match. Pour être honnête, je dû me faire violence pour bafouer mon honneur de gamer et piétiner mes valeurs de la sorte. Affalé sur le canapé, j’attrapais le paquet de clope qui traînait sur la table basse. Je fumais rarement, mais l’envie me piqua au vif comme un moustique modifié génétiquement aux cellules de guêpe.
Je l’écrasais dans le cendrier avant de me rendre compte que l’attente était inexplicablement longue. Certes, mon appartement culmine en haut d’un honnête 21e étage, mais nous sommes au XXIe siècle et cette merveilleuse technologie qu’est l’ascenseur rendait les déplacements verticaux bien plus agréables, musicaux, et surtout RAPIDES. M’ennuyant comme un musulman à la messe, je me trainai nonchalamment jusqu’au judas pour voir si l’abruti ne s’était pas pétrifié dans le couloir, dans l’éventualité que la surdité me frappe soudainement avec une décennie d’avance. Ce n’était (mal)heureusement pas le cas.

Pourquoi diable est-ce si long ? Je tourne comme un lion en cage alors que je suis excité comme une puce. On se croirait au cirque. C’est agaçant.
Je ne suis pas quelqu’un de patient. Plus j’attends, plus je m’énerve. Sur une échelle de 1 à 10, je suis… Très agacé. Alors j’attends là, comme un con, puisque je n’ai rien de mieux à faire.  J’en profite pour jeter un œil sur le miroir. Quitte à ne rien faire, autant avoir une belle vue.  J’ai pas mal changé, depuis le départ de Keimoo. Ma barbe de trois jours masque difficilement la fraîche cicatrice sur le bas de ma mâchoire, et les cheveux rasés courts sur les côtés rendent les traits de mon visage encore plus durs et carrés. Les entraînements aux divers sports de combat m’ont permis de retrouver mon imposante carrure pré-comatique  en plus de dessiner davantage mes muscles, et j’ai probablement prit un ou deux centimètres. Enfin bref,  j’ai vieillis quoi, et j’imagine que ça se voit ; mais comme le bon vin je me bonifie avec l’âge.
Probablement.

Enfin. C’est long. C’est long. C’est beaucoup trop long.  A tel point que j’en suis à me demander si je n’ai pas une hallu’ ou que je suis en train de rêver. Mais ça serait vraiment bizarre comme rêve. Et je ne suis clairement pas assez défoncé pour avoir une hallu. Je serais peut-être plus calme si je l’étais, cela dit. Parce que la moutarde me monte au nez aussi vite que je descends mes verres. C’est-à-dire cul-sec la plupart du temps. Donc très vite.
J’abandonnais mon poste pour aller chercher un tee shirt. Mes journées glandage étant par définition peu productives je me contentais de slacker à la maison en survet’ moelleux, et comme il faisait affreusement chaud aujourd’hui rester torse nu me semblait plus confortable. J’enfilais le premier qui traînait dans la chambre, propre et anthracite, avant de retourner dans le salon griller une autre clope. Je l’écrasai rageusement dans le cendrier quand j’entendis frapper à la porte. J'ouvris.


C’était lui.


Un millier de questions, de paroles, d’excuses et de pensées traversèrent mon esprit en une fraction de seconde, et la seule chose qui en sorti fut de lui envoyer mon poing dans la gueule.
Et tout resta en suspens, pendant une poignée de secondes qui me semblaient être une éternité. Pourquoi ? Probablement parce que c’est moi qui le méritait, mais que je ne pouvais pas me frapper moi-même. Parce que j’étais en colère mais heureux en même temps, et que j’ai une très mauvaise gestion de mes émotions, particulièrement quand elles s’entrechoquent si violemment. Parce qu’il était là, devant moi, alors qu’il n’avait jamais osé venir après que je sois sorti de l’hôpital.
Parce que c’était Lun.

Je l’attrapai par le col avant qu’il n’ait eu le temps de réagir.

"Qu’est-ce que tu fous là, putain ?! "

Mais mes mains le lâchèrent aussi vite qu’elles l’avaient saisi, et mes bras se refermèrent sur lui. Comme si, en le tenant si proche de mon cœur, il comprendrait l’ampleur de ces trois mots :
"Je suis désolé. "

Désolé de t’avoir frappé. Désolé de ne pas avoir tenu mes promesses. Désolé de ne pas avoir su te protéger. Désolé d’avoir été en colère, si longtemps, contre toi. Désolé, de t’avoir abandonné. Blessé. Trahi. D’avoir essayé de t’oublier. De te tourner le dos. De cracher sur ton ce qu’on avait. Sur tout ce qu’on était.
Désolé, de te serrer si fort, de peur que tu ne partes, encore.
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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyLun 31 Aoû 2015 - 1:27

[Faute de Français – Lino]
 
La violence. D’abord. La brutalité, ensuite. Puis, la douceur. Le poing, la force, les mots et les gestes. C’est là le résumé de notre histoire. A croire qu’on ne sait pas se parler sans se frapper. A croire que même quand on écrit notre histoire chacun de notre côté, nos plumes ne peuvent s’empêcher de tâcher de son encre les pages de l’autre. C’est ça notre histoire, avancer sur deux routes différentes et se retrouver de temps en temps. Jusqu’à ce que l’un d’entre nous deux crack et casse sa pipe d’opium. Une amitié saignée par les plaies, les regrets, les plaintes et les reproches.  Une amitié que je suis incapable d’oublier. J’ai pourtant essayé à m’en brûler les ailes, à m’en déchirer la peau, à m’en fendre l’âme. Je croyais qu’à force de vagues, ta roche finirait par céder. Au final, les lames se sont plantées dans mon cœur, la roche s’est brisée pour ne faire ressortir que davantage le diamant.
 
L’homme ne pensait pas en frappant à la porte de l’appartement que c’est lui qui serait frappé. Le Ciel Nuageux serait-il devenu animiste entre le Japon et l’Amérique. Souhaitait-il protéger la porte ?
 
Tête de Nœuds, on t’a jamais appris à dire bonjour ? 
 
Marv s’était renseigné avant pointer son nez. Il savait l’apparence. Il savait que ce serait différent. Il savait que ce ne serait pas des retrouvailles douces. Son cerveau s’attendait à cette réaction. Mais pas son corps. Le choc fut d’autant plus violent que ce fut une suite trop rapide d’informations. L’ouverture de la porte, l’apparence forcément changée de son camarade – savoir ne change rien tant qu’on ne voit pas, l’odeur âcre émanant de son corps, la violence d’un coup, la douleur, le recul du choc … La douleur encore. Mental, cette fois-ci. Fils de Catin ! Fils de chien ! Fils de putain !
 
Le dictionnaire des insultes mentales étant activée, Lun réalisa à quel point, c’était facile d’en trouver.
 
Pas un cri de douleur, pas un bruit, pas un gémissement. Juste deux yeux verts dont les paupières se soulèvent sous la surprise. Les iris s’écartent sous la brutalité et les lèvres se pincent. Une pensée qui s’active. Puis deux. Frapper et fuir. Frapper fort, très fort et fuir vite, très vite. Pas le temps d’agir. La bonne réaction de l’autre, le retenir. A une fraction de seconde, le blond aurait répondu et fuit. Kumori est bien plus fort qu’auparavant et lui bien plus faible. Il n’est pas encore rétabli, il est encore malade, mais malgré ça, il aurait frappé. Il aurait cassé la gueule à l’autre. Sous la colère, Lun n’avait jamais su anticiper les échecs.
 
Des mains l’agrippent.
 
Je ne sais pas si tu as vu ce film d’animation Inside Out de Disney. Pas ton genre, je présume. Tu n’as pas deux gosses pour t’y accompagner ! Même sans les miens, j’y aurais été. Peut-être que ta blonde t’y aura emmené. J’ai aimé. Mes enfants aussi. Pas pour les mêmes raisons. Ça m’a rendu un peu triste. C’est l’histoire d’une gamine contrôlée par ses sens, des créatures dans son cerveau. Si j’étais un personnage de ce film, il y aurait une vraie guerre dans le mien. D’abord, il y aurait eu la peur qui aurait contrôlé. Peu de temps, entre la porte qu’on frappe et la porte qu’on ouvre. Puis, la surprise qui aurait abandonné le combat. Pour laisser la place à deux autres. Deux que tu peux lire dans mes yeux quand tu m’attrapes jusqu’à ce que les paupières cachent mes jades, deux qui transforment mon visage totalement et tirent mes traits.
 
 
Lun ne pouvait pas véritablement empêcher la peur de le prendre. Ses jambes flanchaient, et naturellement, ses paupières se fermèrent. Il remonta les mains vers lui, pour se protéger. L’habitude d’être frappé, l’habitude de se protéger. Toujours se protéger le visage. Car c’est là qu’on voit les marques. Ailleurs, tout le monde s’en fout.  Sauf qu’elles se posent sur les mains de l’autre, les paupières se rouvrant. Simple battement de cil d’un papillon. Du bleu de la peur vient le rouge de la colère. La haine. Je vais te buter. Voilà ce qu’on lit, voilà ce qu’on devine dans les yeux d’un homme qui ressemble bien trop à un adolescent.
Ses lèvres s’ouvrirent, un peu, laissant échapper une respiration.
 
Voilà le ciel qui pose une question après son éclair. Ne rien dire, ne rien répondre, c’est ce que pense l’homme blond qui continue de remplir son dictionnaire d’insulte mentale. Il en est à lécheur de cul et babouin écervelé. Les deux poings le lâchent. L’occasion de fuir ! Pas assez rapide, le blond. Il faut dire qu’il ne comprend rien aux réactions du roux. Il ne peut donc que subir le contact. Se retrouver contre un torse qu’il a si souvent frappé. Et réalisé à quel point il a changé. Sora fait bien de le saisir et de le garder. Il fait bien, car ça laisse le temps à Lun de se calmer et de ne pas fuir. Encore.
 
Tu as changé, je sens ta force, je sens ta violence, je sens les os de tes bras. Et je me demande où est passé le petit garçon que j’ai laissé. Lâche-moi ! Je m’en branle de ta question. Je m’en branle de ton appartement, de ta vie, de ton apparence, de toi. A ton avis crétin ? Je suis passé dans le coin, j’ai vu ton nom sur la boîte aux lettres et je me suis dit que je viendrais bien boire un chocolat chaud, ou plutôt manger une glace vu la chaleur ? Evidemment que non. Evidemment que je suis là pour toi. Tocard. Lâche-moi. Tu me fais mal, je te dis. Tu n’arrêtes pas de me faire mal. Alors lâche-moi.
 
Trois mots. Et un soupir. Les émotions abandonnent le combat, lâchent l’affaire et laissent à l’homme les commandes. Respirer doucement, reprendre connaissance. Reprendre conscience de la réalité, de la situation. Respirer encore, pas d’émotions fortes, pas de bouleversements. Ne pas s’inquiéter maintenant du bleu qu’il aura, ne pas s’en faire maintenant de la réaction qu’aura Eden face à cette marque. Il s’excuse de quoi, là ? Exactement.
 
Est-ce que Sora s’attendait vraiment à ce que Lun puisse comprendre quoique ce soit à ces mots qu’il n’attendait plus depuis longtemps. Il s’excusait de quoi au juste ? Lun n’en savait rien et ne chercha pas vraiment à comprendre. Lui ne s’excuserait pas. Il s’était souvent excusé, pour bien souvent des erreurs qu’il n’avait pas faîte. Il s’était souvent excusé pour des erreurs commises tout en continuant de les faire et de les refaire. Aujourd’hui, il devrait s’excuser. Il ne le fait pas. Mauvais timing.
 
A quoi bon faire semblant.
 
Les contacts physiques avaient toujours été un problème pour l’homme. Il n’en avait que rarement avec les gens, sauf quand il s’agissait de baiser. Cette dernière année avait été calme à ce sujet. Il n’avait pas forcément cherché à en avoir et les quelques occasions étaient entendues avant de commencer. Ce n’était pas le genre d’homme à laisser ses aventures s’endormir dans ses bras, à les ramener chez lui ou à enregistrer le numéro pour prendre des nouvelles ultérieurement.
 
Encore une fois, il est pétrifié par la peur, tremble légèrement pendant une dizaine de secondes. Et puis il s’habitue, son corps se rappelle plus rapidement que lui la confiance qu’il accordait en l’autre.
 
Un homme. C’était ce qu’il était aujourd’hui. Un homme d’un mètre quatre-vingt-sept. Quelques centimètres de moins que l’autre, d’autant plus visible avec leurs allures. Dans l’ombre de Sora, Lun pourrait se cacher. Le hâle de sa peau obtenue par l’été lui permet de cacher une pâleur nordique. Son poids est misérable et son IMC frôle la malnutrition. Il aurait pu bouffer au grec tous les jours qu’il serait resté mince, alors maintenant qu’il ne s’alimente que quand il y pense.
 
Difficile au final de passer par la rue sans que les traces restent. Les cicatrices sont nombreuses, la plupart sont cachées, comme ses tatouages. Rien n’est vraiment apparent, sauf peut-être sur ses bras. Encore que le temps à finit par estomper tout ça.
 
Il rit. Marv rit joyeusement dans les bras de Sora.
 
Non pas nerveusement, mais amusé. Comme un enfant à qui on fait une bonne blague. Son rire chaud venant se cogner au corps de son camarade, son corps entier tremblant sous ce rire amusé. Difficile de savoir comment du coup et des excuses, de la peur et de la colère, sa réponse en était venue au rire. Lui-même n’en savait rien, mais ça lui fit du bien. De rire, là, dans les bras de l’autre. C’était un peu comme avant. Juste un peu car tout avait changé.
 
L’adolescent au visage séduisant, à la blondeur vénitienne et aux traits d’éphèbe avait disparu pour laisser la place à un visage de jeune homme qu’on devine plus vieux que l’apparence semble le dire. Le blond de ses cheveux a viré à une teinte pâle, limite blanche. Ses yeux verts eux-mêmes ont virés. Le contour est clair et fonce de plus en plus jusqu’à l’iris entouré d’un cercle marron.
Il a définitivement changé. On ne peut pas rattraper une personnalité qui semble avoir été celle d’une autre personne. Se réveiller dans un corps qui n’est pas le nôtre, avoir raté quelques années et fréquenter des gens dont on aurait jamais soupçonné l’existence. On change.
 
Ses dents ne sont pas d’une blancheur parfaite, ses ongles ont des traces d’un vernis noir qui auraient mérité d’être retirés et remplacés. Le bonnet en laine noir sur sa tête dissimulait une grosses parties de ses cheveux longs lui retombant, lorsqu’ils étaient détachés, jusqu’au bas du dos. Dans sa coiffure non plus, il n’en faisait pas tellement d’effort.
 
Il n’était pas laid. Quand il marchait dans la rue, généralement, les gens ne se retournaient pas. Ca arrivait parfois. Lambda dans sa beauté, il lui arrivait de séduire. Lorsqu’il laissait tomber les vieux tee-shirts et les jeans, il pouvait même être attractif. Il l’était. Il y a des beautés fades qui ne font gémir aucune pucelle, et des êtres étranges qui font mouiller des draps. Lun était de ceux-là. Il avait conscience, souvent. Ça ne l’empêchait pas de s’haïr, parfois. Moins qu’avant. Beaucoup moins à dire vrai. Il s’entendait plutôt bien avec lui-même. C’était sans doute pour ça qu’il faisait peu d’efforts. Car il avait conscience qu’il n’en avait pas besoin pour plaire. Qu’il plaisait assez pour se contenter de ça. Ses traits étaient fins, son allure distinguée. Il était musclé, assez, encore. Pas au point d’Eden ou de Sora. Impossible désormais de rivaliser avec eux. Il avait surtout cette lueur maligne dans ses yeux de chats, perçants, parfois noirs et souvent malins. Il avait surtout cette allure un brin mutine, féline, mélangeant autant la féminité qu’une certaine dose de virilité abrupte.
 
Virilité qui continuait de remplir le dictionnaire des insultes de Sora. Il en était à : Lâche.
 
Doucement, il se laissa le temps de prendre conscience du corps de Sora contre le sien, respirant avec lenteur, son souffle venant frôler l’autre homme. Et d’une voix grave et chaude, il murmura :
 
«Lâche(…)-moi, … s’il te plaît. J’ai chaud, Sora. »
 
Et sans attendre vraiment la réaction de l’autre qui de toute façon allait bien finir par le lâcher – et qui l’avait sans doute déjà fait, Lun avait soupiré dans son cou. Puis, il avait posé sa main sur l’épaule de Sora, et ses pointes de pieds l’avaient soulevé pour lui permettre d’embrasser le front de son camarade.
 
Pardonné. Lun savait pas trop ce qu’il venait de pardonné. Mais il lui semblait nécessaire de le faire. Nécessaire aussi de mettre cette distance entre deux. De se positionner en tant que protecteur, de rappeler qui il était. Pour lui-même. Parce qu’il n’avait plus en face de lui un enfant qu’il pourrait manipuler facilement.
 
Il avait reculé. Un brin amusé, un brin méfiant. Près à empêcher toute tentative de coup ou d’enlacement. Il n’était pas encore tout à fait près pour ça. Ainsi face à face, Lun ne réalisait pas à quel point le changement entre eux était plus évident. Il avait encore à l’esprit le petit garçon, l’adolescent, celui qui n’avait jamais de fait mal qu’à des étudiants à coup de poings.
 
Autrefois, il dominait littéralement l’autre garçon, et devait le regarder de toute sa hauteur. Aujourd’hui, c’était lui qui levait les yeux. Autrefois, il le dominait autant verbalement que physiquement. Là, il n’en savait rien.
 
Oui, autrefois, il était souvent le plus fort. Aujourd’hui, il était visible qu’il aurait des difficultés et que ça lui serait presque impossible d’avoir le dessus sur l’autre. Et surtout, Sora semblait bien plus vieux et Lun bien plus fragile. C’était une erreur de calcul, une illusion, une simple apparence.
 
« J’étais dans le coin, par hasard. Et j’ai vu ton nom sur la boîte aux lettres. Du coup, je me suis dit que j’allais venir te saluer en chemin. (…) Crétin. »
 
Le crétin lui avait échappé, alors qu’il continuait la liste mentale de son dictionnaire d’insultes. Et puis surtout, la seule excuse lui étant venue était l’ironie mentale de tantôt. Pas certain que Sora la goberait. Quoiqu’avec son cerveau de Mouche. … Cerveau de Mouche à rajouter dans le dictionnaire.
 
Lun se frotta le bonnet, une mèche de cheveux blondes s’en échappant. Il était gêné et mal à l’aise. Pas évident de savoir si la couleur rouge de ses joues étaient dû à la chaleur qu’il n’avait jamais supporté, à la situation ou à l’enlacement.
 
Il sourit, bêtement, parce que dans ce genre de situation : il ne savait rien faire d’autre.
 
J’ai traversé l’océan avec un faux prétexte pour te voir. Depuis une semaine, j’attends d’avoir deux secondes de courage pour franchir la porte de cet immeuble. Hier, j’ai osé venir juste devant. Aujourd’hui, je me suis jeté à l’eau. Et je ne sais même pas pourquoi je suis là. Bordel. Pour un abruti qui frappe comme une gonzesse et m’enlace trop fort ? Du as du en sentir toutes mes côtes.
 
… Tu m’avais tellement manqué. J’aimerais m’expliquer. Te dire pourquoi j’ai mal agit, pourquoi j’ai été ainsi. Te dire tout ce que j’ai vécu. Me faire pardonner, et être certain de ne pas te perdre à nouveau. Ne pas m’enfuir, dès que je sortirais de cet appartement. Ne pas être déjà sur le point de partir. J’aimerais …  J’aimerais savoir m’excuser. Savoir trouver la force de ces mots simples. Pouvoir te dire, moi aussi. Moi aussi, j’aurais dû là. J’aimerais juste te dire que tu m’as manqué.
 
Tellement.  Et j’en suis incapable. Car si je disais ces mots-là. Si je parlais sentiments, amitié et belles paroles maintenant. Je ne pourrais pas m’empêcher de trembler, je ne pourrais pas m’empêcher d’avoir l’air lamentable. D’avoir l’air perdu. Et je ne suis pas là pour ça.
 
Je voulais juste te voir.
 
 
N’empêche que sa joue le lançait légèrement et qu’il était désormais certain d’en garder une trace. Idiot …  Classique. Efficace.
 
« J’ai soif. Tu n’as rien à boire ? »
 
Maintenant, que je te vois … je ne sais plus que ce que je veux.
 
Si je fuis, encore, tu ne me pardonneras pas. Hein ? Alors fais-moi rentrer. Car si tu ne fermes pas cette porte sur nous, il y a de fortes chances que je reçoive un SMS imaginaire qui m’oblige à partir bien que j’aurais aimé rester.
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Sora Kumori

Sora Kumori


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MessageSujet: cc0000   Là où vont mes pas.  EmptyLun 31 Aoû 2015 - 23:05

Can you feel my heart


Arrête de me traiter comme un enfant. C’est agaçant. Personne ne m’a jamais traité comme un enfant, même lorsque c’était le cas. Personne à part toi, qui est pourtant mon cadet. Ça n’a pas de sens. Je n’en ai plus besoin. Et je ne le mérite pas. Je ne le mérite plus.
Et si tu savais… Si tu savais, tu ne le ferais plus. Si tu savais ce que j’étais devenu, et tout ce que j’avais fait pour en arriver là. Que le chaton était devenu un tigre, un prédateur, un meurtrier. Un animal sauvage qui n’aurait pas une once de remord à dévorer la personne qui l’a soigné, pour peu qu’il ait un peu faim ou que l’autre ait accidentellement marché sur sa queue. Je ne veux pas te dévorer. Et pourtant, il y a cette partie noire enfermée au fond de moi qui s’en sent capable.
Alors ne le fait plus. N’agite pas le morceau de viande devant ma cage aux barreaux érodés.
J’ai senti ta peur. Ne t’a-t-ton jamais dit qu’il ne fallait jamais montrer sa peur devant un prédateur ? Elle nous affame, et se rajoute à notre confiance, notre assurance de remporter la victoire.

Pourquoi ? Pourquoi même toi, tu as peur de moi ? Parce que je t’ai frappé ? Je l’ai toujours fait. Et tu n’en a jamais eu peur. Parce que je t’ai enlacé ? Tu l’as toujours fait de toi-même, même quand je me débattais.  Pourquoi maintenant ? Parce que mon regard s’est durci, et qu’il est devenu celui d’un assassin ? Je ne te ferais jamais plus de mal que je ne l’ai déjà fait. Tu sais que je ne le veux pas. Tous les coups que je t’ai donnés, ne sont que les éclats du shrapnel de la violence des émotions que tu suscites en moi. Ceux qui passent entre les mailles de mon filet, et que je n’arrive pas à intercepter avant qu’ils ne t’atteignent.
Je ferme les yeux, expirant lentement alors que tu baises mon front. Je ne dirais rien. Je garderais le tigre en cage. Pour toi. J’y arrive bien avec Narcisse, après tout.
Et tu le mérites.

Mon esprit est un orage constant, et tu as cette particularité de faire revenir le calme instantanément quand tu es proche de moi. Ce n’est pas désagréable, mais je n’ai pas l’habitude de ce silence soudain. J’avais oublié. C’est difficile à gérer. Je déteste le silence. Mais je t’aime, toi. Même si je ne le dirais jamais, et que je le montre rarement.

"Oh. Je ne savais pas que Keimoo et New York étaient voisines. Abruti."

J’aurai le temps de lui redemander plus tard. Lun était semblable à un papillon. Il virevoltait à gauche à droite, et se posait sur votre vie sans demander votre avis. Si vous essayiez de l’attraper trop lentement, il s’envolera, et trop vite, vous l’écraseriez. Je n’ai ni envie qu’il parte, ni envie de lui arracher les ailes pour qu’il ne le fasse pas. Alors je me contenterais de le regarder, et de profiter de l’instant où il restera posé là.

Time heals everything.

Je me souviens de lui en avoir voulu. Je me souviens vaguement pourquoi. Tout ça me semble futile désormais, et si lointain que ça ressemblait plus à des réminiscences d’une vie antérieure qu’a des souvenirs de la mienne. Tant d’eau avait coulé sous les ponts. Tant de choses avaient changé. Lui aussi, d’ailleurs. Physiquement, en tout cas.
Il avait l’air frêle, et fragile. Comme si j’aurais pu le briser en deux aussi facilement qu’une allumette. C’était étrange. Comme si le fantôme du Lun que j’ai connu manipulait la marionnette de celui-là. Pourtant, il avait la même lueur dans son regard. Mais, je ne sais pas. C’est comme s’il brillait moins qu’avant, avec pourtant la même essence qui l’alimente. C’est l’impression que j’en avais, en tout cas. Bizarre.

Je m’écartais pour ouvrir la porte.

"Rentre. "

C’était à moitié une invitation, et à moitié un ordre. Avec un soupçon de réponse à sa question. Je le suivi, et referma la porte derrière moi. Profitant du fait qu’il me tournait le dos, j’y glissais discrètement mon passe magnétique pour la verrouiller.
Je ne peux pas briser tes ailes, mais je peux te mettre en cage.

Le vestibule donnait directement sur le salon principal. La pièce était spacieuse, et ce n’était là qu’un euphémisme pour dire immense, et lumineuse.  Une baie vitrée longeait toute la façade extérieure, et les murs intérieurs étaient décorés de mes nombreuses planches de skate pour la plupart usées jusqu’à la moelle, de tableaux pop art, de graffitis, d’affiches de film et de trucs appartenant à Blondie. Le parquet était d’un vernis sombre et étonnement propre malgré les quelques affaires qui traînaient de ci, de là et le fait que j’aie gracieusement offert un jour de congé à notre courageuse femme de ménage puisque je voulais rester tranquille. Le canapé couleur crème que je squattais tantôt encadrait une large table basse en verre sur laquelle reposait un bordel sans nom ; du tabac, des paquets de clopes, des cendriers, des verres vides, des restes de cocaïne, des boîtes de jeu qui servaient la plupart du temps de support, des cartes de crédit et de fidélité, un flingue, des tâches de café, une dent humaine… Bref tout un écosystème.  Je regrettai soudainement de ne pas avoir eu la présence d’esprit de ranger au moins la coke et le flingue, mais le mal était fait. Tant pis.

J’indiquai le canapé d’un mouvement de tête, tirai une clope d’un paquet qui traînait avant de le jeter sur Lun, et me dirigeais vers le comptoir de bar aux néons bleus. Il y avait beaucoup de néons colorés dans l’appartement, de une parce que j’aimais particulièrement ça, et de deux parce que ça collait très bien avec l’ensemble du mobilier au design moderne. La plupart étaient néanmoins éteint, parce qu’il faisait jour et que je suis respectueux de l’environnement.
Haha. Non. Mais on ne les voit pas en journée.

J’eu à peine le temps de poser la main sur la première bouteille à portée qu’il me demanda… De l’eau. Le con. S’il savait tous les trésors qui se cachaient là ! Je me trainai lentement jusqu’au frigo. Heureusement, la cuisine étant à l’américaine –logique- il n’était pas bien loin. J’en sortais deux bières. Nous sommes aux Etats-Unis, ce n’est guère plus que de l’eau gazeuse. Et j’avais la flemme de sortir un verre. Je réalisai que ce n’était peut-être pas la meilleure idée avec ma gueule de bois, mais d’un autre côté j’ai pour habitude de combattre le feu par le feu. Je ne vois pas pourquoi je ferais une exception aujourd’hui.

Je sautai par-dessus le canapé pour y atterrir avec toute la légèreté et la grâce que mes 89kg me permettaient. Heureusement qu’il n’y avait pas de Société de Protection des Canapés, parce que je lui faisais le coup assez fréquemment et qu’il n’avait pas tellement l’air d’apprécier ça. D’un autre côté, je me soucie déjà peu des dégâts que je cause aux autres, alors ceux que j’inflige à mon canapé…

"Désolé gamin, j’avais plus de grenadine. "

Je me servi du briquet de la table basse pour décapsuler les bières avant d’allumer ma clope. Oui, j’avais oublié que je n’avais pas de briquet sur moi, et donc j’avais gardé ma clope à la bouche comme un con. Et je vous emmerde. Je n’attendis pas non plus de trinquer pour commencer à descendre ma bière. Là aussi, je vous emmerde.

"Alors…. Qu’est-ce que tu viens faire à New York ? Je n’ai pas souvenir que les anglais apprécient beaucoup leurs sauvageons de petits cousins américains. Particulièrement toi"

Je balançai mes pieds sur la table, sans manquer de renverser deux ou trois des milliards de bricoles qui traînaient dessus. Je ne leur accordai même pas un regard alors qu’elles se fracassaient bruyamment contre le sol. A vrai dire, je n’en avais rien à foutre. Je rangerai –ou pas- plus tard. Je m’affalais dans l’angle du canapé, et inclinais la tête à la manière d’un chat curieux pour fixer Lun.
Pourtant, j’évitais son regard. Comme souvent. Je n’aimais pas ses yeux. Ils avaient quelque chose d’hypnotisant dans leur couleur, leur lueur. C’était désagréable. Peut-être aussi, que je ne voulais pas qu’il voie les miens. Un échange de regard parle parfois bien plus que tous les mots du monde. Et je ne crois pas que ni l’un ni l’autre nous ne soyons prêts pour ça.
Mes yeux s’accrochèrent juste sous son œil. Il avait l’air cocasse, avec sa joue rouge. Hahaha. Je l’avais peut-être cogné un peu fort. Pourtant, j’avais l’impression de m’être retenu. En tout cas, j’avais essayé.

"Ah. Tu veux peut-être de la glace ? " …  "Pour ta joue. Pas pour manger. Je précise."

On ne sait jamais. Il demande de l’eau, il peut bien demander une glace à la vanille aussi tant qu’on y est. Ca ne m’étonnerait presque pas. D’un autre côté, plus grand-chose ne m’étonne avec lui. Surtout après qu’il ait traversé tout l’océan Pacifique pour… ? Me voir ? Il doit y avoir une autre raison.
Je me levai pour aller chercher une poche de glace avant d’attendre sa réponse, et la laissa glisser sur son épaule au passage, avant de me rassoir sur le canapé pour reprendre mon sirotage de bière en toute quiétude d'esprit.
Lun avait l’air un peu nerveux, mal à l’aise, depuis qu’il est rentré. Peut-être même avant, d’ailleurs. C’était agaçant. Agaçant, parce que je n’étais qu’un miroir. Je renvoyais ce que les autres me projetaient, avec plus de force. Mais un miroir mal conçu, qui gardait une partie de l’image. Il me rendait anxieux en l’étant lui-même. Et c’était ça le pire. Arrête d’être bizarre. Sois Lun. Celui qui rentre dans ma piaule et me fait le même coup que Boucle d’Or sans aucune gêne ni scrupule.

Mais il y avait une chose qui m’agaçait encore plus que tout ça. Ce bonnet noir. De un, il fait chaud, ce qui est donc stupide. De deux, il est moche, mais bon, ça, on peut en dire autant de Lun donc ce n’est pas si choquant que ça. Et de trois, on est chez moi. On ne t’a jamais appris à te découvrir quand tu rentres chez les gens ? Grosse larve va.

Je commençais à tendre le bras "C’est malpoliiiii…"  , j’agrippais son bonnet d’une main "de… " et le tirait d’une traite "GARDER SON BONNET A L’INTERIEUR "

"Oh. " Il avait une de ces touffes. "T’as une sacré tête de cul ! "

Et j’éclatais de rire. De ce rire enfantin, candide, que j'avais laissé à Keimoo.
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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyMar 1 Sep 2015 - 10:50

Lors de ses quelques voyages, l’anglais avait fréquemment visité des musées des curiosités. Lieux, somme toute, insolites comme le nom l’indiquait. Le parfait mélange entre une boutique d’apothicaire, l’antre d’une sorcière et l’atelier d’un grand-père psychopathe collectionnant les clowns en cire. Effrayants endroits où les taxidermistes fous s’étaient amusés à créer des créatures loufoques à l’apparence disproportionnée et où les collectionneurs avaient exposés toutes sortes d’objets qu’on préféré en général jeté. Ces musées étaient tellement creepies que la plupart des clients ne visitaient ces lieux que par attraits du dégout et de la peur.

La définition de ce lieu correspondait parfaitement à ce salon. Un salon des curiosités façon Kumori et De Lioncourt. L’architecte avait fait un bon travail dans l’ensemble. La salle était spacieuse et parfaitement éclairée grâce à une baie vitrée – qui devait être particulièrement fastidieuse à nettoyer. Le designer n’était pas non plus mauvais, les meubles étaient bien assemblés. Ni trop nombreux, ni pas assez. Juste ce qu’il fallait pour donner un ensemble cohérent et qui auraient donné l’envie à un acheteur d’investir dans les lieux avant que le décorateur s’en mêle et s’emmêle les pinceaux. Une certaine schizophrénie désordonnée avait investi les lieux. Entre les vestiges d’un adolescent en mal de son passé et souhaitant l’exposer, une femme aux gouts très modernes, un homme totalement barré et un gangster sorti d’un film de Martin Scorsese. Lun Marv s’attendait presque à attendre un dealer frappé à la porte pour régler ses comptes avec un trafiquant d’armes.

Naturellement, Marv s’était dirigé vers le canapé où il s’était installé. Il en apprécia le confort, et s’installa confortablement. Non pas droitement, comme la plupart des êtres humains normaux, mais de biais. Une jambe à moitié repliée sous l’autre dépliée, sa sacoche encore collée à son corps. Il n’avait pas retiré ses chaussures, ni même fait un mouvement pour enlever le large bonnet sur sa tête.

Jetant un regard d’ensemble sur l’appartement, il s’était arrêté sur chaque détail sans exprimer quoique ce soit d’autre qu’une parfaite indifférence. Il avait ainsi du même œil regardé la dent laissée sur la table, l’arme à feu, les tableaux, la cuisine américaine et la porte d’entrée désormais fermée ; et verrouillée sans que ça le préoccupe puisqu’il n’en savait rien. Bien heureusement d’ailleurs. Il n’aurait sans doute que peu apprécié d’être enfermé et ça aurait jeté un froid entre les deux hommes. Hors l’ambiance était déjà trop électrique pour se le permettre.

Par habitude, l’enquêteur avait déjà analysé les diverses portes et possibilités de sortie. A part la principale, la baie vitrée donnait sur une terrasse. Toutefois, la hauteur du bâtiment lui déconseillait de partir par là si l’envie lui en prenait. Il lui faudrait alors véritablement vérifier s’il avait des ailes. Hors la dernière fois qu’il avait tenté l’expérience, elle n’avait point été concluante.
La fuite serait possible que par l’entrée. Autant dire qu’il faudrait être habile dans la manœuvre.

Un paquet de cigarettes lui fut jeté entre les mains. Bien que jusqu’à présent très lent, Lun l’avait rattrapé par reflexe, rapidement et sans la moindre difficulté. Il eut un sourire amusé, sorti une cigarette, mais se contenta de la poser sur la table – avec le paquet par ailleurs. Signe qu’il comptait bien la fumer, mais pas immédiatement.

La raison en fut évidente quand on lui déposa une bière en lui signalant qu’il n’y avait plus de grenadine. Il avait demandé de l’eau, pas du sirop. Et bien qu’étant dans le pays de la malbouffe, Lun doutait toutefois que l’eau n’y existe pas. L’eau courante avait bien du parvenir jusqu’à ce pays de sauvages. Il leva les yeux au ciel, pour autant, il reçut la bière ouverte avec un sourire aimable. Et d’une voix, proche de la condescendance, il remercia son hôte tout en ne dédaignant pas lui accorder le moindre geste cordial.

Laissant Sora s’avachir comme le balourd qu’il était, Lun attrapa la bouteille qui avait le mérite d’être en verre. Lun n’aurait pas été surpris que ce crétin n’en est qu’en canette. Il la regarda, sans trop de formalité, et bu enfin quelques gorgées. En réalité, assez pour terminer le trois quart de la bière. Ce n’était pas bon. Les bières ne l’avaient jamais été à son souvenir, mais il avait bien fallu s’habituer avec Eden.

Marv avait soif. Il avait chaud. Il l’avait dit. Comme à son habitude visiblement pas perdue, son homologue n’avait pas l’air d’avoir compris le sens pourtant très clair de ses propos.

Il arrêta de boire, simplement pour respirer et estomper l’effet brutal d’une bière qui n’était pas de la limonade même aux États-Unis et ravala immédiatement les dernières gorgées. Heureusement, une bière n’était pas assez forte pour l’alcooliser.

Il avait moins soif désormais. Il déposa le cadavre de la bouteille, près du paquet de cigarettes et de la clope abandonnée. Il récupéra cette dernière. Parce qu’il aurait été malheureux de la laisser là, sans sa famille et sans but dans la vie. Son but étant désormais d’être à ses lèvres et d’être allumé par lui, il n’en pouvait en être plus noble.

Une fois allumée, par son propre briquet noir et violet se trouvant dans sa poche de pantalon et aussitôt remis, elle se laissa aller entre les lèvres de Lun avant de laisser les doigts de l’homme jouer avec. Visiblement pas mécontente de son sort, elle émit une mince fumée blanche.

Toujours pas un mot. Ce n’était pas surprenant que Sora ne se sente pas à l’aise. Lun ne faisait pas grand-chose pour l’y aider.

Pendant tout ça, Sora s’était mis à parler. Sans doute pour combler un silence qui en deviendrait dérangeant. Une série de questions, par laquelle Lun répondit assez sommairement. Puisqu’il était dans l’échoppe d’une sorcière, il n’était pas surprenant que ses réponses soient brumeuses.

Première question. La raison de sa présence ici. Deuxième tentative du genre. Bien essayé, mais pas encore assez précise pour que Lun mente ou dise la vérité. Il avait encore le choix de ne dire que le strict minimum. Ce qu’il fit, évidemment, car être agaçant était dans sa nature.

« Je bosse. »

Deuxième question. De la glace. Et visiblement pas à la vanille, ce que Lun aurait préféré. Il hésita d’ailleurs à en demander. La glace, c’était bon ! Surtout avec de l’alcool et par cette chaleur. D’autant que Lun avait encore soif. Et que sa bière était désormais aussi vide que le cerveau de son camarade.

« J’ai des lingettes anti-moustiques dans mon sac, ça ira. Par contre, j’ai toujours soif. Et je n’ai toujours pas eu mon eau. »

Troisième question. Ah non …

Le bonnet en laine d’Eden lui fut arraché de la tête, si rapidement que Lun aurait bien manqué de cramer Sora au passage de sa main près de sa cigarette.

Encore une fois, ce fut la surprise qui l’emporta. Une cascade de cheveux blonds venant de tomber autour de lui, s’emmêlant sur ses épaules et chatouillant sa nuque. Ses mèches ainsi bien trop longues lui redonnèrent cet aspect efféminé qu’il avait pris soin de dissimuler.

Lun les remontant d’un geste du poignet et de la main, tenta de s’en défaire. La blondeur de ses cheveux rendant son visage brutalement beaucoup plus jeune et beaucoup moins dur.

Le rire de son camarade amusé le fit sourire. Lun déposa sa clope, à peine commencée, à peine terminée, sur le cendrier présent sur la table. Il se redressa, se rapprocha de Sora et récupéra son bonnet des mains de cet abruti en train de glousser joyeusement.

Sans attendre une autre réaction de sa part, il l’enfonça sur sa tête, et d’un geste visiblement habitué, fit disparaître une partie de sa blonde chevelure sous les ténèbres du vêtement.

« Tu veux qu’on cause de ta gueule d’empaffé ? »

Disant ces mots, il se redressa, rattrapa sa clope et s’éloigna légèrement de son camarade. Qu’il le laisse tranquille, lui et son bonnet. Autant garder une certaine distance de sécurité. Dos à Sora, il esquiva un sourire de gamin amusé ! Avant de reprendre une tête mécontente, parce que c’était quand même rigolo de le voir s’angoisser !

On n’est pas à Keimoo. Tu crois que c’est aussi simple ? Que tu peux redevenir celui que tu as été ? Et que ça m’ira. Tu crois que je peux l’être, moi aussi ? On ira se rouler dans l’herbe, en regardant les nuages. J’y verrais un dragon et tu y verras un avion. Redevenir des enfants, le temps d’un instant.

Allons, ne prends pas tes rêves pour des réalités. Je suis resté un sale gamin. Est-ce que tu veux jouer ?

Lun se pencha doucement en direction de la table. Ses doigts se posant sur un restant de cocaïne ou d’héroïne. La poudre blanche trop similaire au toucher, trop difficile à distinguer, même à l’odeur. Mais vu que celle-ci avait été visiblement prisée, la coke était la meilleure option.

Cette table ressemblait à une version gore d’un livre dont vous êtes le héros. Les objets à prendre au début, à un nombre limité. Sans s’inquiéter du gaspillage qu’il venait de faire – aussi peu soit-il, déjà trop – le blond attrapa l’arme à feu dans sa main. Non pas comme un dangereux criminel l’aurait fait. Non, avec une certaine légèreté, comme-ci il n’y voyait qu’un jouet.

C’est un peu lourd pour un pistolet à bille, et ta farine est trop légère pour des gâteaux. Quant à la fée des dents, elle ne passe que si tu mets ta dent sous l’oreiller !

« Belle imitation, ton jouet. »

L’arme était désormais beaucoup moins tenue comme un jouet, Lun la tenant fermement, les sécurités enlevées en direction de la baie vitrée.

Il pointa, légèrement, la vitre … tourna l’arme en direction de Sora et n’esquiva pas le moindre sourire.

Puis, il soupira et l’ouvrit. Sans doute pour en retirer le chargement si elle l’était, ou juste pour vérifier qu’elle ne l’était justement pas.

Il la laissa sur la table – un peu trop brusquement pour ne pas faire s’envoler encore un peu de poudre blanche restante, se fichant royalement de laisser ses empreintes sur l’arme. Quoiqu’il arrive, il aurait toujours un alibi.

Il quitta la table basse pour se rapprocher de la baie vitrée, regardant au loin, dos à tout ça.

Tu crois que je vais te faciliter la tâche ? Que je vais faire comme avant. Faire celui qui ne sait pas, celui qui admet tout. T’as ta blonde pour ça. Lui, il t’aime comme tu es, aveuglement, sans chercher plus loin. Lui, c’est quelqu’un de bien. Ça fait longtemps que j’ai cessé de l’être, longtemps que j’ai arrêté de croire que tout irait bien, que notre histoire serait belle, longtemps que j’ai arrêté de prier pour moi. Ma croyance en Dieu elle-même s’est éraflée avec le temps et pourtant, …

Lun s’est retourné, des mèches de cheveux mal rangées s’entrechoquant sur son visage, ses yeux noirs posés sur Sora :

« Tu dois voir si souvent le soleil se coucher et se lever d’ici. Ce doit être magnifique, de voir au loin de tous ses immeubles, la beauté d’un monde qu’on ne contrôle pas. »

Arrêter de parler pour fumer et regarder à nouveau la baie vitrée. Ne pas se retourner, se contenter de regarder au plus loin possible autant parce que la vue était belle, que parce qu’il souriait comme un enfant jouant une farce.

« Qu’importe la hauteur du squat, un minable reste un minable. Conte moderne, tu me diras. Le prince a rejoint Raiponce dans sa tour plutôt que de l’en sortir. »

Il doit retourner à la table basse, écrasée sa clope et afficher un sourire provoquant et moqueur. Il reste là, de toute sa hauteur, regardant celui qui est assis.

« T’aurais pas un peu abusé de GTA ? Fais attention, on pourrait finir par te confondre avec un gangster. »
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Sora Kumori

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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyMer 2 Sep 2015 - 4:33

T’es fatigant. Réponds aux questions qu’on te pose. C’est pas si compliqué. Je n’aime pas tourner autour du pot. Je n’aime pas non plus quand ma curiosité n’est pas satisfaite. Ça me rend acide. Comme si je ne l’étais pas déjà suffisamment.

"Tu bosses ? J’me rappelle pourtant pas avoir commandé une pute. T’as du de tromper d’appartement. "


J’avais presque oublié cet aspect-là de toi. Tu me l’as rappelé. On récolte ce que l’on sème. Un sourire moqueur étira mes lèvres.

"A moins que tu n’aies changé de métier ? J’ai du mal à y croire, mais vu ta gueule je comprends que ç’aurait été compliqué de continuer dans la même voie. "

Je ne réagis pas à sa blague sur les lingettes anti moustiques. Sa joue boursouflée avait du mal à se cacher derrière l’humour, elle.
Je ne prêtai pas plus d’attention à sa boutade ou au fait qu’il revissa instantanément le disgracieux bonnet sur son crâne. De une, parce que j’étais trop occupé à rire, et de deux, parce que je n’arriverai plus à garder mon sérieux s’il ne le remettait pas. Et puis, il ressemblait un peu à Narcisse avec ses longs cheveux presque platine. Comme un fantôme pourtant pas si vieux. Etrangement désagréable. Ça me donnait encore plus envie de le cogner, mais je me suis promis de me contenir.

Je le regardai se pencher sur la table d’un œil suspicieux.  Mettre son doigt dans le peu de poudre qu’il restait. ‘Touche pas. Quel mal-élevé, celui-là !

"Laisse. " Un ordre, dans le plus simple apparel. Ma voix était calme et monocorde, comme si je parlai à un enfant. Pourtant je ne parle pas souvent à des enfants.

Ce n’est pas comme si j’avais peur qu’il la mange ou que je pleurai la perte, de toute façon. C’était plus par réflexe. Je n’aime pas qu’on touche à mes affaires. Je fronçai les sourcils quand je le vis poser la main sur mon flingue. Pour être honnête, j’ignore s’il en a déjà vu, touché, ou a déjà tiré avec une arme auparavant. A la façon dont il l’a prise, j’aurai penché pour le négatif. Ce qui n’est pas plus rassurant, étant donné qu’elle était chargée. Mais j’imagine qu’il aurait du mal à enlever la sécurité s’il n’en avait jamais utilisé. Je me relâchai un peu, soupirant pour toute réponse à sa provocation.

La détente fut de courte durée.  Je ne bougeai pas d’un pouce alors que je le voyais enlever la sécurité, à mi-chemin entre la surprise et le besoin de montrer que je gardai le contrôle. Apparemment je me suis trompé. Il sait ce qu’il fait. Ne tire pas sur ma baie vitrée. Ça coûte une fortune.
Au moins je ne souffrirai pas du courant d’air vu la chaleur de l’été, pensai-je à part moi.

Il braque l’arme sur moi. Ça ne m’inquiète pas davantage. Je n’avais pas peur de Lun, qu’il soit armé d’un magnum ou d’un pique à olive. Mais ça ne m’empêchait pas de le foudroyer des flammes de mes iris alors que la tension entre nous deux était presque suffocante. Je ne sais pas s’il s’était rendu compte qu’elle était chargée. Mais moi, je le savais pertinemment.

"Essaye voir, si c’est un jouet. Connard. ", lui suggérai-je très sérieusement.

Si j’évitais de le croiser directement dans les yeux tantôt, je ne lâchai pas son regard jusqu’à ce qu’il baisse l’arme. Concrètement, qu’est-ce que tu essayes de faire, là ? Tu crois que tu peux te pointer chez moi comme ça, parce que l’envie t’en prend soudainement,  et me braquer avec ma propre arme ? J’vais te buter, enculé.

Contiens-toi. Retiens-toi. Calme-toi. Ne brise pas, encore, ta propre promesse. Lun a toujours été un sale enfoiré de provocateur de merde. Rappelle-toi. Même s’il pousse le bouchon un peu loin cette fois. T’as juste oublié comment il était. C’est juste une piqûre de rappel un peu douloureuse. Calme-toi.
C’est ce qui tourne en boucle dans ma tête pendant que je le regarde faire glisser le chargeur sur la table, en serrant la mâchoire à m’en péter les dents. Je respirai lentement, comme si j’essayai d’étouffer l’envie montante de lui faire manger chaque balle une par une. J’vais te buter, j’vais te buter, j’vais te buter. PUTAIN.

Arrête. C’est super chiant de nettoyer le sang. Surtout sur le parquet, ça se fout dans les interstices et c’est une merde inimaginable à effacer. Pense pratique. Ok. J’expire longuement. Zen. Je suis zen. C’est du passé. Oublié. J’vais te buter.
Merde ! Ca rimait. J’y peux rien.

Allez. J’enferme ça dans un coin de mon esprit. Je ne dirai rien.

Ça commence à faire beaucoup de choses pour lesquelles je ne dis rien.

Je n’avais pas vu qu’il s’était levé, bloqué dans mon espèce de torpeur destructrice. Ses mots me firent l’effet d’écho de vagues lointaines qui se brisent sur les murailles de mon esprit embrumé. Je fixai la silhouette qui me tournait le dos, découpée dans le contrejour de la lumière extérieure, et prit une poignée de secondes en otage avant de répondre laconiquement.

"Non. Je ne dors pas dans le canapé. "

Sa deuxième remarque manqua de me faire sortir de mes gonds. J’vais te… Shhhh. La moutarde me monte tellement au nez que je vais finir par me noyer dedans. J’aurais dû prévoir un poulet rôti pour l’accompagner. Et le double sens n’est pas forcément fortuit.
Je rassemblai ce qu’il me restait d’énergie pour ne pas éclater, mais je n’en avais pas suffisamment pour empêcher le venin suinter.

"Et pourtant, tu as traversé l’océan pour venir voir ce minable. Comme quoi, peu importe si le chien n’est qu’un sale bâtard, il reste fidèle. "

Je laissai ces paroles couler alors qu’il revenait vers moi, ne le lâchant pas du regard à la manière d’une bête sauvage qui surveille l’intrus dans son territoire. Et il se planta juste là, devant moi, me regardant de haut avec son sourire provoquant et moqueur. Ne connais-tu donc pas de limite ? Je suis à deux doigts de l’arracher de ton visage.
Je me levai brusquement, d’un bond, pour inverser les rôles. Tu as été plus grand que moi par le passé. Ce n’est plus le cas. A mon tour de te regarder de haut.
Je collai mon front contre le sien sans douceur, plantant mon regard assassin dans le sien. Comme si j’essayai de le transpercer avec son acier froid et mortel.

"Fais attention. On pourrait finir par te confondre avec un clown. "

Un soupir. Je le forçai à reculer en le poussant d’une main au niveau du sternum, d’un geste calme dénué de violence. Je reprenais peu à peu le contrôle de moi-même. Ne me pousse pas à bout. Ne cherche pas mes limites. Moi-même j’ignore où elles se trouvent. Et je ne veux pas l’apprendre aujourd’hui.

"Arrête de jouer avec mes nerfs. Même si tu es très doué pour ça. "

Un avertissement, autant qu’un conseil, pour tous les deux.
Je m’éloignai pour récupérer la poche de glace qui traînait toujours sur le canapé. L’expression "avoir le sang chaud " prenait tout son sens.  J’avais littéralement l’impression de bouillir. Je la calais sur ma nuque, avant de me diriger vers le frigo pour en sortir une bouteille d’eau fraîche et deux verres. Je les posai sur la table basse.

"Tu ne peux pas t’en empêcher, pas vrai ? Les habitudes ont la vie dure. "

Je parlais d’une voix basse tout en me rasseyant dans un soupir de résignation, comme si je me faisais une réflexion personnelle plus que la conversation avec un invité. Et j’ajoutais mentalement, "Moi non plus ".
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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyMer 2 Sep 2015 - 21:24

Bravo pour le temps. Bien que désormais plus petit par la taille, l'homme au bonnet de laine noire n'émit aucun mouvement de recul quand son homologue se releva pour se rapprocher de lui heurtant leurs deux fronts. Au contraire, le blond esquiva un sourire approximativement amusé avant de le laisser partir en direction de la cuisine américaine. Alors que l'américain était dos à lui, Lun se mit à rire. Un bref moment, mais qu'il n'avait pas su contrôler. La situation l'amusait follement ! En réalité, il n'en menait, quand même pas large même s'il commençait à être plus à l'aise. Difficile de ne pas avoir un brin peur de cet homme sûr de lui et aux muscles visibles même au travers d'un tee-shirt. Lun était plus confiant : Ces dernières actions avaient maîtrisé à la perfection et la maturité du roux n'avait peut-être pas évolué tant que ça au travers des derniers mois et dernières années. Nonobstant, il restait sur ses gardes.

Le blond rejoint le roux pour récupérer l'un des deux verres d'eau. Puis, il retourna s'asseoir sur le canapé, retirant au passage ses chaussures et les laissant traîner sur le sol, entre la table basse et le sa place assise. Il ramena ses jambes en tailleurs, déposa sa sacoche à coté de lui sans plus la garder et se maudit. Le verre étant sur la table basse, il du se redresser, afin de l'attraper dans la main, en boire une partie du contenu, le reposern attraper le paquet de cigarettes laissé tantôt et se laisser mollement retomber sur le canapé moelleux.

Il l'aimait bien ce canapé. A la fois confortable et sympathique. Il semblait avoir été fait pour que cette rencontre puisse avoir lieu. Sans doute que Lun n'aurait pas apprécié d'être comparé aussi souvent à Blondie s'il avait eu accès aux paroles mentales. Ils n'avaient pas les mêmes cheveux, pas la même allure, ils se ressemblaient de très loin seulement. Comme deux rappeurs, deux rockeurs, deux noirs fins, deux rousses petites, deux filles aux cheveux bouclés et aux yeux verts peuvent se ressembler. Il est de la nature humaine toutefois d'essayer face à l'inconnu de trouver une ressemblance connu.

C'est de la discrimination, monsieur, véritablement. Aussi.

« Je suis justement dans ce pays pour satisfaire un client qui semble trouver mes services à son goût.  » Expliqua doucement Lun avec cette lenteur qu'on les enseignants qui veulent expliquer àun enfant qu'il est interdit de sortir dans les couloirs. Lun parla calmement, en sortant une cigarette pour la mettre à ses lèvres, l'allumer avec un peu de difficulté, le briquet commençant à rendre l'âme. Il tira deux courtes lattes, laissant rougir et noircir la cendre et sourit avec gentillesse.

« Navré pour les insultes, mais, nos petites disputes m'avaient manqué et puis j'en avais besoin. De savoir que tu avais encore un peu de mordant et que même si Narcisse – le bien aimé – a pu te mettre la corde au cou, il n'a pas été jusqu'à te castrer. C'était un besoin, un peu sadique, je l'admets. »

Un besoin de toi. D'un peu de toi, de toi en colère, comme tu l'étais toujours avant de parvenir parfois à te calmer. Jamais totalement. Oui, d'un toi que je connaissais. Un sentiment qui était autrefois permanent dans tes veines. Il m'en était presque devenu rassurant. Il était plus fort que tout le reste, et c'était comme une issue de secours. Autant pour toi que pour moi. Je pouvais la provoquer pour m'enfuir, tu pouvais l'utiliser pour ne jamais trop souffrir de la tristesse.

Lun a les coudes sur ses jambes, il a encore mal à la joue mais ne s'en plaindra pas. Il restera un bleu, et alors ? Ce n'est pas la première blessure qu'il subit, et sans doute pas la dernière. Ce n'est pas la première fois que Sora le frappe non plus. Et là, le coup avait été correct. Une bonne moyenne dans l'ensemble. Ni des plus forts, ni des plus faibles. Juste assez pour que l'anglais en souffre, pas assez pour lui casser un os et l'obliger à faire un aller et retour à l'hôpital.

Contrôler ses émotions. Telle était la priorité première de Lun Marv. Certes, Sora pouvait l'effrayer et lui faire peur parfois. Certes, il avait de nombreuses peurs. Toutefois, le pire, pour lui, c'était avant tout : de perdre pieds dans ses émotions. D'avoir trop d'émotions, de ne pas les contrôler. Les médecins lui avaient bels et biens dit qu'il devait apprendre à s'en protéger. Eden était là pour ça.

Eden était surtout attablé à un bar de la ville avec un chapeau de cow-boy sur la tête, un cigare à la bouche et une chanson de far-west en tête. Eden était surtout très occupé à parier de l'argent dans ce troquet minable, graisseux et plein de poussières, en oubliant l'heure. Il avait surtout trouvé une jolie blonde avec des yeux brillants et clairs pour l'accompagner, même dans ce lieu sordide. De toute façon, ils iraient au casino ensuite. Il était aux Etats-Unis ! Il devait aller dans un casino. Lun ne gueulerait pas s'il rentrait après minuit tout de même. De par ce fait, il ne s'inquiéterait pas tant qu'il ne serait pas rentré.

Autant dire, que Lun avait un laps de temps assez long pour se permettre de discuter avec Sora. Cela ne signifiait pas qu'il devait en profiter pour ne rien dire ou se contenter de parler de banalités.

Alors qu'il était en train de fumer, Lun retira des poches de son pantalon des dessins d'enfants qu'il déposa sur la table.

« Ce sont Philip et Judith. Ils voulaient venir, quand j'ai dit que je pourrais peut-être venir te voir en chemin. Seulement, avec l'école, c'était compliqué de les faire louper. Ils m'ont demandé de te donner ce dessin. C'est marrant cette manie que les enfants ont de nous faire des dessins et de nous les offrir, comme-ci c'était les meilleurs cadeaux au monde. »

Sur le dessin de Philip, il y avait un vide blanc au premier plan. Rien n'avait été dessiné. Puis, des rails d'un train, sans train. Et de l'autre coté, il avait disposé des créatures farfelues pleines de couleurs, de yeux différents, de mains trop nombreuses et aux grands sourires sympathiques. Philip avait écrit : Miss You.

Sur le dessin de Judith, il y avait une plaine. Sur cette plaine, une montagne. Sur cette montagne un lac. Sur ce lac, un gros bateau. Sur ce bateau, une grande maison. Sur cette maison, un toit. Sur ce toi, un tout petit chat où une bulle avait été dessiné et où était écrit : Miaou, Miaou.

L'enfant avant également écrit : For Kumori Sora. By Marv Judith.

A dire vrai, si Lun les avait écouté, il aurait du ramener beaucoup de dessins et d'objets inutiles. Il avait préféré ne leurs autoriser qu'un seul, afin de tenir sa promesse, de ne pas s'encombrer et de ne pas les décevoir. C'était la parenthèse sur les enfants. Lun n'a pas bien envie de parler d'eux. Ca le rendra triste. Il ne veut surtout pas l'être. Pas maintenant.

« J'avais bel et bien pensé avant venir te voir. Surtout après le coup d'éclat dans mon appartement, mais j'avais des histoires à régler. »

La langue de Lun claqua à son palais et il soupira doucement, avant de respirer à nouveau pour insuffler une cigarette revenue à ses lèvres.

« Puis, tu t'es barré sans donner de nouvelles. Je t'en ai immédiatement voulu, parce qu'il y a quand même  bien des moyen de prévenir une personne, même quand on est déjà dans un pays étranger. Puis, je me suis dit que de toute façon, je t'en aurais voulu quoiqu'il arrive. Puisque tu m'abandonnais. Alors, je t'ai pardonné. C'est chiant, mais on peut pas en vouloir au gosse d'agir à la leurs guises, je présume et de prendre leur envol. »

Le blond sourit doucement, il releva les yeux vers Sora avec inquiétude.

« Tu ne devrais pas avoir d'armes, c'est dangereux, tu sais ? »

Trop silencieux d'abord.

Trop bavard maintenant. Il ne s'arrête pas.

Évidemment, qu'il sait ! Tu devrais le savoir mieux que personne Lun Marv puisque tu t’occupes de l'enquête de l'un des dealers morts .Alors quoi ? Pourquoi tu ne réagis pas ? Parce que tu oublies, parce que l'inquiétude pour ton ami prend le pas sur la logique. Et te voilà, inquiet à l'idée que cette arme puisse le blesser ou blesser quelqu'un. Tu haïssais, il est vrai, aussi celle d'Iris. Tu haïssais celle de tous ceux que tu as vu en porter. Et ça ne t'empêche pas d'en posséder une, d'arme. Une arme blanche, car c'est moins facile à identifier, facile à utiliser, à cacher, à faire disparaître. Car tu sais qu'on ne retrouve quasiment jamais les meurtriers à armes blanches.

Et toi, tu soupires, pauvre imbécile. Tu soupires et tu penses : ce gamin me fatiguera toujours. Tu refuses de le voir grandir, tu refuses d'accepter qu'il n'est plus le petit démon trop brûlant d'une douche trop chaude. Qu'il a depuis longtemps conquis l'enfer, chasser le Diable et pris sa place sur le trône. Avec en trophée son ange d'acteur.

Tu crois encore que tu auras le contrôle sur la bête de Gévaudan, que tu peux contrôler ce qui se passera ici ? Sur son territoire, sur son canapé, en fumant ses clopes. Tu as peur qu'il se fasse mal, tu vois un gamin perdu, et pourtant tu sais. Tu sais quel monstre, il est. Ca te fait peur, dans le fond. Tu as peur de ce qu'il peut être, quand tu ne regardes pas. Tu as peur de ce ont il a été capable et peut encore l'être. Car, même s'il n'était qu'une fois, il a prit la place d'un être auquel tu veux encore croire.

Il a décidé de qui devait vivre et mourir. Et toi ? Les pensées s'entrechoquent .Au final, Lun ne voit rien de plus qu'un gamin qui a fait une grosses bêtises. Un enfant qui a voulu jouer de trop près avec une gazinière et a mis le feu à son appartement. Mais il sait la vérité. Il la sait, en partie. Et dans le fond, il n'est pas certain d'avoir un jour envie de tout entendre.

Le rire de Lun devint plus cristallin.

« Je dors dans un motel pas loin avec mon colocataire japonais. C'est la première fois qu'il vient aux États-Unis et il est un peu fou fou. Il voudrait profiter de tout en un temps record, tout en trouvant tout moins bien que chez lui. A la base, il devait m'accompagner pour te voir, mais je lui ai dit que tu n'apprécierais peut-être pas. »

Lun grogna, mécontent de sa formulation, pourtant maintenant qu'il avait commencé à parler, il n'allait pas se taire immédiatement.

«Si tu connais quelqu'un qui veut m'embaucher pour quelques jours, je peux faire un service d'ami. Je suis curieux de connaître les besoins des clients ici. -  Et toi, tu bosses ? Ou tu essayes juste d'empêcher les groupies de Narcisse d'arriver jusqu'à lui ? »
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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyVen 4 Sep 2015 - 2:49

C’est toujours éprouvant de voir Lun.  Mettons que mes émotions se retrouvent dans un otpimist en plein océan.  La plupart du temps, la mer est un peu agitée, les nuages sont gris et on sent que la tempête peu éclater à n’importe quel moment. Ça, c’est mon état normal. Oui, je sais, c’est pas si normal que ça, mais c’est comme ça. Quand je me réveille je suis en colère, quand je me brosse les dents je suis en colère, quand je marche dans la rue je suis en colère… Bref je suis globalement tout le temps un peu en colère. ‘Sans doute pour ça que je m’énerve aussi facilement. Mais ce n’est pas le sujet.
Tout ça pour dire que quand Lun est dans l’équation, il joue un peu son Mr Météo. Parfois, il fait beau, la mer est calme, le soleil au beau fixe, les goélands piaillent et tout va bien. Mais comme Lun est très appliqué dans son travail, et surtout curieux, il a bien remarqué qu’il n’y a pas que le prompteur à sa disposition. Il y a aussi les petits boutons pour faire un peu la pluie et le beau temps où il veut sur la carte.
Oui, je sais que ce n’est pas la stupide présentatrice qui s’occupe des effets numériques affichés sur la carte, et que la carte elle-même n’est qu’un fond vert, mais ferme ta gueule c’est pour la métaphore.
Bref. Du coup, comme il est curieux, il tripote un peu tout ce qui passe à portée de main (Comme à son habitude, d’ailleurs). Et donc ça passe un peu du beau temps à la tempête, à l’apocalypse que même Noah n’y aurait pas survécu, à la pluie fine, au soleil éclatant, etc etc, dans un ordre totalement aléatoire et sans aucune transition. Vous comprenez pourquoi c’est éprouvant pour mes nerfs.
Non, le problème ne vient pas du fait que je sois émotionnellement instable, terriblement susceptible, et que mon humeur change aussi vite qu’un yoyo sur un grand huit. Ferme-la.

Ceci étant clarifié, je peux me servir un verre d’eau et le vider d’une traite en faisant semblant d’écouter les inepties de mon insolent d’invité. De toute façon je ne comprenais pas vraiment ce qu’il voulait dire par "satisfaire un client qui semble trouver mes services à son goût", doutant fortement que quiconque soit suffisamment riche et attaché à son jouet pour l’importer du Japon.
JE SAIS. JE L’AI FAIT AVEC NARCISSE. TRES BIEN. UN POINT POUR TOI. MAINTENANT ARRETE DE ME CASSER LES COUILLES ET LAISSE MOI PARLER.
Bref. Je connais Lun, il n’éclaircira pas davantage le mystère, donc pas la peine d’essayer. Ou s’il le fait, il le fera de lui-même, à un moment totalement impromptu et sans aucun rapport avec le contexte quel qu’il soit. Ou quand je lui reposerait la question, plus tard, alors qu'il aura baissé sa garde.
Sa réflexion sur Narcisse me fit néanmoins tiquer.

"Narcisse ne m’a rien mit au cou, ni au doigt. Arrête tes fantasmes. " Un temps. "Ça doit te faire doucement rigoler, hein, toi qui me rabâchais sans cesse que ça finirait comme ça ? C’est sûrement de ta faute. Sale Nostradamus. "

Je me tus, baissant les yeux sur mon verre vide. Si les circonstances avaient été différentes, la fin de l’histoire n'aurait pas été la même. Si les circonstances avaient été différentes,  peut-être que… Peu importe.
Je repris le paquet de clopes bientôt vide, en tapa le fond pour en faire sortir une que j’attrapais du bout des lèvres, et l’allumait avec le briquet que je glissais dans ma poche cette fois-ci.

"Ca te manquait… J’imagine que moi aussi. Oui et non. Tu m’énerves. Tu me fais vraiment sortir de mes gonds, parfois. Volontairement, en plus. Sale teigne. Mais ça n’a jamais été autrement entre nous. "


J’exhalais longuement, créant un énorme nuage de fumée blanche au-dessus de nos têtes. Je le regardais se dissiper, en continuant calmement.

"Tu m’as toujours énervé. Par tes actions. Par  ta façon d’être. Par ce que tu es, et représente, tout simplement. Le petit Prince d’un royaume déja en ruine, qui laisse les autres le détruire et y contribue parfois lui-même. Parce que tu es suffisamment fort pour endurer ce que te font les autres, mais pas assez courageux pour y mettre un terme. Suffisamment fort pour te battre, mais ne le faisant que rarement, parce que tu préfères être blessé plutôt que celui qui blesse. "

Je m’interrompis le temps de tirer une latte, avant de reprendre, la voix légèrement modifiée par l’exhalation de la fumée.

"’Sans doute pour ça que tu m’énerve autant. Je n’aime pas qu’on fasse du mal à ceux que j’aime. Et pourtant je t’aime, toi. C’est paradoxal."

Je ne crois pas avoir jamais reconnu mon affection pour quelqu’un aussi sincèrement et simplement de toute ma vie. Et pourtant, c’était sorti naturellement, comme si je parlais de la pluie et du beau temps. Je ne sais pas. Peut-être que j’avais l’impression que si je ne le disais pas maintenant, l’occasion ne se représenterait peut-être jamais. Ça fait beaucoup de peut-être. C'était stupide. Comme s'il allait s'évaporer entre mes doifts. Comme si c'était la dernière fois qu'on se voyait, alors qu'il avait fait tout ce chemin pour venir jusqu'ici. S'il le fait une fois, il peut bien le faire deux fois. Il y a toujours une solution. Rah. Peu importe. Je ne peux pas changer le passé, de toute façon.
Je le regardai distraitement sortir deux papiers de sa poche. Puis, curieux, je les pris en main pour les examiner de plus près. Je souris doucement en découvrant les dessins de Philip et Judith.

"T’es con. ", commençai-je en écrasant mon mégot, me levant pour aller chercher un papier et un stylo noir. Je revins m’assoir à côté de Lun, flanqua une partie de ce qui traînait sur la table par terre sans y accord la moindre importance, et commença à dessiner.

" Il n’y a pas plus beau cadeau que celui forgé avec le cœur. Où sont passées ta poésie et tes belles paroles moralisatrices ! Je t’ai connu plus chiant.", continuais-je en traçant des traits. Je ne savais pas vraiment dessiner, mais j’avais suffisamment d’expérience en graff' pour réussir à sortir un truc potable. Et puis, il m’arrivait fréquemment de dessiner avec Philip les fois où je devais les garder. Ils étaient habitués à mes pattes de mouches et mes contours trop marqués.

"Et puis, ce n’est pas comme si un enfant de 5-6 berges avait autre chose à offrir. J’aurais préféré un hélico, mais je doute que leur maigre argent de poche suffirait à m’en offrir un qui mesure plus de 3 centimètres. En admettant que tu leur file de l’argent de poche. "

C’était à moitié une blague, et à moitié un pique. Je ne pensais pas vraiment aux deux bambins en temps normal. Je dois avouer que j’ai des sujets de préoccupation un peu plus urgents et importants que les rejetons de Lun. Mais maintenant qu’il m’avait rafraîchi la mémoire, il avait aussi réveillé mon inquiétude pour eux. Pas que je doute de l’amour que Lun leur porte. Il n’y a aucun doute possible là-dessus.  Mais il est difficile de ressentir l’amour de quelqu’un qui n’est pas là. Je suis bien placé pour le savoir. De la même façon, je sais parfaitement ce que ça fait de grandir en passant d’une nounou à une autre en permanence. Et je ne leur souhaite pas de suivre le même chemin que moi.
Bah. Au moins, ils s’avaient l’un l’autre. C’était déjà ça. Et ce n’était pas comme si je pouvais changer quoi que ce soit à leur condition désormais. J’aurais du mal à me pointer à une heure indécente chez Lun, la plupart du temps dans un état second car sorti de soirée à l’imprévu, suite à un appel de Judith m’annonçant que "Papa n’est pas là".
Et puis c’est pas mes gosses, merde ! Pourquoi je m’inquiéterais !

Je soupirais, pliait le papier en quatre et le tendis à Lun du bout des doigts. J’y avais dessiné un train à vapeur de ¾ face, au sommet duquel dormait un tigre. Sa vapeur s’élevait vers le ciel en écrivant le kanji de Sora, et l’inscription "Take care of yourselves" trônait en bas de page. La perspective n’était pas parfaite, mon écriture non plus, et les traits probablement trop épais et agressifs pour des enfants si jeunes. Pour couronner le tout, j'offrais sur un plateau d’argent une raison et surtout une preuve tangible pour se foutre de ma gueule. Tant pis. J’assumerais ce dernier cadeau.

"Prends soin d’eux. "


En vérité j’aimerais sincèrement les revoir, mais ma raison sait que ça n’arrivera plus jamais. L’excuse  la plus simple étant le nombre de kilomètres qui les protégeaient. La plus difficile à avouer, qu’en grandissant ils comprendraient le genre de personne que j’étais vraiment. Et puis, Lun leur montrait déjà suffisamment un mauvais exemple. Pas besoin que mon influence néfaste gangrène encore plus leur enfance.
Non, vraiment, il valait mieux pour tous les trois que nous gardions les bons souvenirs précieusement dans nos cœurs, plutôt que de les remplacer par des nouveaux beaucoup plus destructeurs.

La discussion divergea.

"Lun. La dernière fois qu’on s’est vus, j’étais givré comme un sapin de Noël et je t’ai tabassé. Tu te doutes bien que j’allais pas t’envoyer une lettre d’amour après ça.  Et… J’avais mes raisons. De partir sans prévenir personne. De laisser Keimoo et tout ce qui y est lié derrière moi. Et puis, j’étais encore en colère contre toi, merde !"

Il mentionna mon arme à feu. Je levais un sourcil dubitatif devant sa question rhétorique.

"Zut. Je l’ignorais. Quelle tête en l’air je suis, parfois ! "

Je ricanais. C’était assez ironique, considérant que tu étais assis sur un fusil à pompe à canon scié caché dans la structure du canapé, et qu’il y avait un couteau de combat dans le pied de la table. Le ricanement manqua de se transformer en fou rire, mais fut coupé court lorsqu’il évoqua son colocataire.

"Oh. Quel dommage. C’est vrai que tes potes et moi, on s’entend pourtant super bien d’ordinaire ! " Un sourire sadique étira mes lèvres, puis, mes traits se muèrent dans la surprise du lointain souvenir qui me revenait brusquement à l’esprit. "D’ailleurs. T’as eu des nouvelles de Blanche-n… Setsumi ? Ça doit bien faire une éternité que je n’ai rien entendu à son sujet. " Un temps.  "C’est marrant. C’est tellement loin, tout ça… On dirait une autre vie."

Il changea de sujet. Je posais mon menton dans le creux de ma main, inclinant la tête vers mon cadet. Souriant, faussement enjôleur, dans un clin d’œil. "Désolé. Je ne recommande aucun produit à mes amis sans l’avoir testé moi-même au préalable. "

Il n'y a pas de raisons à ce qu'il soit le seul à me taquiner, après tout. Mais je repris vite mon sérieux à la question qui suivit, perdant mon regard dans la vue qu’offrait la baie vitrée. Je ne pouvais pas vraiment en parler sans me compromettre. Situation délicate. Mais comme il me l’a si bien apprit, à défaut de mentir, je peux toujours lui servir la seule partie avouable de la vérité. J’ignorais néanmoins  ouvertement la partie concernant Narcisse. Ma réputation me précédait suffisamment pour que je ne sois pas concerné par ses groupies.

"Je bosse. Je suis proprio de quelques bars aux alentours. Et de l’immeuble. "

Eeeeh oui. Tu t’étais enfoncé bien plus profondément dans mon territoire que tu ne le pensais.
Je lui retournais directement la question pour le dissuader de creuser plus loin. Je n’avais pas envie de lui mentir, mais je n’avais pas non plus envie qu’il apprenne mes réelles occupations. Je ne pouvais tout simplement pas me le permettre.  Même Blondie n’était pas au courant de tout, et il valait mieux que ça reste comme ça. Un secret n’en est un qu’à condition de ne pas le partager. Une seule personne dans la confidence, et ce n’est plus un secret.

"Et toi ? Tu as été quoi, pute, barman, journaliste ? Quoi d’autre encore ? Laquelle de ces facettes nécessitait de venir dans ma chère ville natale ? Ne me fais pas croire que tu es venu uniquement pour me voir." Je souris malicieusement. "Même si ça me fait plaisir. Mais à moins que tu aies hérité d’une fortune colossale dernièrement, je n’ai pas souvenir que tes comptes en banque te permettent des allers-retours si onéreux, juste pour un idiot comme moi. "

Je m’arrêtais. Un détail frappa brusquement ma curiosité avec la virulence du marteau de Thor. Et son ami, son colocataire ? Pourquoi était-il là lui aussi ?

"Un rapport avec ton colocataire, peut-être ? "

J’inspirais profondément. Il y avait quelque chose de bizarre à tout ça. J’avais… un mauvais pressentiment.
Reste à savoir s'il est justifié.
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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyVen 4 Sep 2015 - 14:53

C’est qu’il va mordre le petit ! Allez sors ni tes crocs, ni tes griffes. Tu as le droit de faire ce que tu veux et comme tu l’entends. Au final, on ne peut changer le passé. Il est ce qu’il est et ne peut qu’être accepté ainsi. Une suite successive de choix et d’erreurs et tant qu’aucun n’a été fait, monsieur Nobody reste sur le quai de la gare. Puis au final, nos choix bons ou mauvais nous permettent d’avancer, de nous forger et de nous construire. Une suite d’évènements, de rencontres et de circonstances. Jamais Lun ne serait celui qu’il est actuellement sans avoir partagé autant de moment avec Sora et il en avait bel été bien conscience.

Il dessine et Lun le regarde dessiner. Sans parler, pour l’instant. Il continuera ensuite. Il aime le voir en train de mettre du cœur sur une feuille de papier. Même si elle est destinée à ses enfants. Evidemment l’enfance de Judith et de Philip ne pourra jamais être celle d’un enfant de série télévisée ou de téléfilm à grand-mère du vendredi après-midi. En réalité, elle était assez cruelle. Un père souvent absent, un grand-père travaillant beaucoup trop et une nounou comme Eden qui n’avait du sens des responsabilités paternelles qu’un bref besoin de frapper tout ce qui pouvait embêter les jumeaux. Leur château de cartes était instable et pouvait s’écrouler à tout moment. Difficile de survivre avec un père borderline, Asperger, malade et qui laisse trop facilement ses émotions le submerger. Ils avaient grandis en même temps que lui. Un grand enfant jouant à la poupée, c’était ainsi que Lun avait commencé à se développer avec eux.
Les premiers pleurs, les premiers cris, le sentiment d’être un mauvais père et d’en être un par ailleurs. Lun ne s’excuserait pas de ses erreurs. Il se l’était promis, il l’assumerait devant ses enfants quand ils lui demanderaient des comptes. Il ne trouverait ni prétexte, ni excuse.

Evidemment qu’il aimait les dessins de ses enfants, mais ce n’était pas le cadeau qu’il préférait d’eux. Leurs existences, les moments ensemble, les rires, leurs tendresses et parfois même leurs larmes étaient des souvenirs qui en devenaient le meilleur cadeau. La meilleur raison d’avancer et d’exister.

Le moment est soudainement calme. Plus de défi dans le regard de Lun, plus de moquerie non plus. Il peut se détendre. Il peut observer l’homme avec douceur sans que ce dernier ne le regarde et ne s’en rende compte. Il peut observer sa mâchoire carré, ses cheveux hirsutes, sa barbe de quelques jours et ses traits marqués. Il a plus de marques de vieillesse que lui et au travers de la peau blanche, il voit des cicatrices qu’il n’avait jusqu’alors jamais remarqué. Des détails, des détails auquel il peut prendre le temps d’accorder de l’importance.

C’est toutefois de courte durée et Lun remet son masque, avec la rapidité d’un acteur de scène. Il ne peut pas se permettre de relâcher la pression, et d’une manière ou d’une autre, c’est devenu naturel de jouer la farce en permanence. Tantôt bon père de famille, tantôt fils prodigue, tantôt prince anglais, pour passer pute de rue, artiste de foire, vendeurs à la sauvette, barman dans divers lieux, pirate informatique, cracker, journaliste et enquêteur. Il va d’un monde mondain anglais jusqu’aux bas-fonds des rues de Hongrie et doit bien apprendre à manier autant la fourchette à salade que le couteau à cran d’arrêt, savoir vouvoyer et utiliser les bons termes, savoir insulter et provoquer de la bonne manière. Il n’est pas aisé de devoir sans arrêt changer son jeu. Il s’en sort facilement, relativement bien.

Car ce n’est qu’un jeu dans ses yeux. Un jeu dangereux. Un jeu qui pourrait conduire ses enfants à être orphelin, mais un jeu tout de même.

Contrairement à ce que pense Sora, ce n’est pas le premier voyage de Lun aux États-Unis. En réalité, le frère de Daniel y vit. Son oncle adoptif en quelques sortes. Il vit dans une université, dans un campus, où il ne sort jamais de son laboratoire sauf pour rendre visite à sa famille transportée au Japon. C’est un savant, brillant, mais qui hait les contacts sociaux et ne parlent jamais à personne. Eden l’a d’ailleurs rencontré dans la semaine et ils doivent se revoir. Etant donnés qu’ils sont tous les deux passionnés de science, cette information n’avait pas surprise Lun. De toute façon, il n’était pas très possessif envers sa famille ou ses amis. Il savait parfaitement – désormais – qu’on ne pourrait pas lui voler. Sauf certains. Certains, il les aimait trop jalousement pour vouloir trop les partager. Comme Shiki.

Quand Lun s’ennuyait dans ses voyages, il jouait au SIMS sur son ordinateur. Et souvent, il levait un regard curieux en lisant l’aspiration Magma de l’immobilier. Visiblement, il avait du bien régler le problème.

Malgré tout, Lun n’avait pas étanché sa soif.

Il ne ricocha pas sur le test du produit. Autant parce qu’il ne savait pas bien à quel propos Sora disait ça, que parce qu’il n’avait pas envie de se lancer sur le sujet. Sora l’avait bien assez testé, dans tous les domaines et si Lun n’était passé à la casserole, c’était sans doute parce que dès que l’un faisait un pas en avant, l’autre faisait trois ou quatre pas en arrière. De tels sortes qu’ils s’éloignaient plus qu’ils ne se rapprochaient.
De toute façon, il se voyait mal dire à Sora : Testes-moi alors. Non pas qu’il ne l’aurait pas fait auparavant, mais auparavant il savait parfaitement qu’il ne se passerait rien – et dans le pire des cas, Narcisse et le roux n’étaient pas officiellement ensemble. Là, il passerait simplement pour une catin voulant voler le mari d’un autre. Et jamais de sa vie Lun ne pourrait faire ça à quelqu’un qu’il connaissait. Hors, il connaissait assez Narcisse pour ne pas vouloir faire des propositions indécentes à son compagnon.

Par contre, il ne laissa pas l’allusion des amis de côté. D’autant qu’on lui demandait des nouvelles. « Elle a quitté l’école depuis longtemps. Il me semble aussi que c’est une autre vie. Je n’ai pas de nouvelles de beaucoup d’entre eux. Ca me semble lointain, trop sans doute. »

Au lieu de ça, il tiqua sur les propos supplémentaires.

La fortune d’abord. Evidemment aux Etats-Unis ont suivait peu l’actualité anglaise et japonaise. Bien heureusement, Sora Kumori n’avait donc pas su pour son réveil du coma, pour le coté anglais de sa personne et l’héritage important qu’il avait touché du fait de ses 21 ans révolus. L’avantage d’être un prince anglais avec une mère déjà décédée qui a prévu de quoi vous permettre de vivre un moment. Le désavantage, c’est l’absence. Dans le cas de Lun, il pensait n’en avoir jamais eu besoin. Il n’avait pas franchement de souvenirs d’elle.

Finalement, d’ailleurs, il ne touchait quasiment jamais à son héritage et préférait se débrouiller avec Eden. Ce n’était pas toujours évident, du fait de leurs incompétences à tous les deux – enfin surtout à lui – d’économiser, mais ils se débrouillaient assez bien. Surtout depuis que Lun avait cessé de croire que son porte-monnaie était communautaire à la terre entière et qu’il devait partager avec tous les humains.

C’était jouer avec le feu. Il était là pour Sora, effectivement. Egalement pour une enquête. Mais les deux se regroupaient de manière brutale et certaine. Et Lun avait bien des indices, mais ce qu’il avait lu dans le regard de Kumori suffisait à l’en convaincre.

« Mon colocataire ? » Répéta Lun d’un air un brin stupide, tant il ne voyait pas ce que Eden avait à faire là-dedans. Puis, l’ascenseur de la compréhension atteint son cerveau et il émit un petit rire amusé.

« Pas vraiment. Eden est mon associé. »

D’où il était, le dit Eden éternua bruyamment et renifla. Ses oreilles auraient dû siffler d’ailleurs tant il aurait râlé à ce propos. A ces yeux, il rendait service à Lun, mais il n’était nullement associé dans son affaire.

« Je suis enquêteur. On m’engage pour chercher le chat de la maison qui a disparu, pour surveiller une femme qu’on pense infidèle, pour tracer le passé d’un gendre mal aimé, ou pour retrouver l’assassin de son fils. »

Un sourire doux, Lun déposa ses yeux verts sur Sora Kumori avant de pencher la tête sur le côté. Ses yeux de chat le fixant avec un air candide, sage et doux.

« On m’a chargé de retrouver un monstre sanguinaire capable de tuer plusieurs personnes de sang-froid. Et, des indices m’ont mené jusqu’à cette ville. Enfin, … »

Lun laissa sa langue claquer sur son palais.

« Ce fut un peu long d’ailleurs. Les traces n’étaient pas assez nombreuses et les raisons semblaient floues. Et puis la peur, surtout. Les gens n’aiment pas trop dire ce qu’ils ont vu ou entendu. Mais petit à petit, fil après fil, j’ai pu remonter les traces. »

Le blond remonte ses doigts jusqu’à son torse et les croisent entre eux.

« Le chat était dans le garage du voisin qui l’avait enfermé par mégarde. La femme n’était pas infidèle, son mari si. Le gendre n’avait rien fait de plus que taguer un mur dans son enfance. Bref, ... Assez parler de moi. »

Un sourire. A nouveau.

« Dis-moi donc, Sora Kumori, qu’est-ce qui t’as fait quitter le Japon si précipitamment ? Tu avais oublié de régler la note d’un bar ? Quelles étaient ces raisons … »

Un nouveau claquement de langue.

« J’ai été te voir à l’hôpital. Enfin, j’ai essayé. Mais, aux portes, j’ai vu Narcisse. Et je me suis rendu compte qu’il serait mieux prendre soin de toi que moi. J’aurais du te laisser un mot, un message. Je pensais que tu aurais peut-être compris, en recevant la croix … en lisant le mot. Mais je pense que tu n’as jamais été récupérer ton colis. Au final, tu as sans doute pensé que je t’avais abandonné. »

Lun soupira, décroissant les bras pour regarder la porte de l’appartement. Il ne devrait pas tarder à partir.

« Je boirais bien un verre d’alcool, un rhum peut-être. J’aime bien le rhum. »

Nouveau sourire.

« Je n’ai jamais cessé de veiller sur toi. Jamais. »
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Sora Kumori

Sora Kumori


Bélier Singe Age : 32
Compteur 125
Multicompte(s) : Note de l'Administration Kmo :Personnage lié à Narcisse De Lioncourt. Lui demander avant de supprimer.

KMO
                                   :

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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyLun 7 Sep 2015 - 21:08

Je levais un sourcil dubitatif lorsque Lun requalifia son colocataire en tant qu’associé. Il avait l’air presque surpris de la question. Pourtant, c’était lui qui l’avait mentionné en premier lieu. Cela dit, c’était peut-être par mondanité. Ou pas. Dans tous les cas l’information était intéressante une fois combinée à celle qui la suivait.
Enquêteur. Mes sourcils se froncèrent et mon visage devint plus grave. Mon mauvais pressentiment n’était peut-être pas si déplacé que ça, finalement. Je le laissais finir, ma mâchoire se crispant progressivement au fil de l’énumération des missions qui lui avaient été confiées. J’esquissais un sourire narquois, et involontairement amer.

"Enquêteur. Même dans ton choix de carrière, tu t’évertues à me faire chier. Impressionnant. "


Le ton employé était celui de la plaisanterie, mais on sentait la part de vérité poindre à travers l’humour. Je n’essayais cependant pas de le masquer. C’aurait été superflu. Il était notoire que je ne portais pas les fouilles-merde dans mon cœur. Encore moins quand c’était dans la mienne qu’ils venaient fourrer leur nez. Le fait qu’ils soient occasionnellement motivés par la "justice", comme le laissait entendre la fin de sa liste, n’était que la cerise sur le gâteau. Je me doutais, d’ailleurs, que cette fin m’était destinée.
Je soutins son regard d’enfant sage curieux avec la malice mystérieuse du mien, alors que la moquerie de mon sourire se muait peu à peu en cruauté. J’eus un éclat de rire avant de lui répondre, lorsqu’il évoqua le monstre sanguinaire qu’il cherchait.

"Hahaha ! Tu décris la moitié de la population de cette ville. Bonne chance pour trouver le bon. "


Je gardai le silence alors qu’il continuait de parler. Les pièces du puzzle se mettaient en place d’elles-mêmes. Finalement, tu étais vraiment venu pour moi. Ironique. Je croisais les bras derrière ma tête en me morfondant dans le canapé, égarant mon regard dans la pollution de la ville. Je l’écoutais d’une oreille distraite, m’efforçant de ne pas penser à la solution la plus simple.

…Le gendre n’avait rien fait de plus que taguer un mur dans son enfance…
Et le meurtrier est toujours en liberté, rajoutais-je mentalement pour conclure l'histoire.
A ce stade, j’aurais tout aussi bien pu le faire de haute voix. Mais j’imagine que s’il avait osé se jeter directement dans la gueule du loup, c’était parce qu’il n’était pas entièrement sûr que ça soit le cas. Refusait de le reconnaître. Ou qu’il avait sacrément confiance en moi. Peut-être un peu des trois ?

Ah... Quelle ironie. Quand je pensais à te buter sous le coup de la colère, tout à l’heure, je n’aurais jamais imaginé que j’envisagerai vraiment de le faire de sang-froid par la suite.
Mais sa question me força à sortir de mes réflexions internes. Je clignais des yeux comme pour effacer un mauvais rêve, et reposai un regard intrigué sur mon hôte. Il me fallait répondre vite. Je levai un sourcil.

"Ne sois pas ridicule. Je paie toujours mes dettes. " La surprise m’avait prise de court, mais le timbre de ma voix était implacable. Puis, un clin d’œil, chafouin, balaya l’atmosphère pesante à la vitesse de l'aller-retour de ma paupière.  
"Je n’assumais pas ma relation avec Narcisse. " Je riais doucement, avant de reprendre plus sérieusement.  "Ma mère était mourante. Et puis, rien ne me retenait à Keimoo. J’y étais par obligation. Je ne l’ai jamais souhaité. Ma place est ici."

La coïncidence entre le déclin de la santé de ma mère et mon retour à New York tombait outrageusement à pic, mais techniquement, c’était la vérité.  Même si ce n’était absolument pas la raison pour laquelle je suis rentré, et que le timing aurait été plus crédible à un mois près, c’était l’excuse la plus potable, gratuite, et souvent exempte de tout questionnement. Même si j’imagine que ça ne passerait peut-être pas si facilement aux yeux de l’inénarrable enquêteur Lun Marv.
A vrai dire, peu m’importait. J’étais à deux doigts de laisser tomber notre petit jeu du chat et de la souris ; il était aussi fatigant qu’inutile de noyer le poisson, et ma patience pour ces futilités s’amenuisait. De toute évidence, il savait déjà, ou attendait simplement que je morde à l’hameçon pour supprimer le dernier pourcentage de doute qu'il subsistait.

J’avais l’impression qu’on se tournait autour comme deux lions se jaugeraient mutuellement, guettant le moment ou l'autre ferait une erreur pour pouvoir exploiter la faille et se lancer à l’attaque. Qu’a ne cela ne tienne. Je t’exposerais le trou dans mon armure, Lun. Mais je t’apprendrais aussi que je tiens plus du tigre que du lion.

(Mal?)heuresement, je n’en eus pas le temps. Il changea de sujet à nouveau, me prenant encore une fois au dépourvu. Dieu qu’il était pénible à suivre ! Devais-je y voir une stratégie, ou juste son insupportable tempérament de girouette ? Je ne pris pas le temps de m’interroger dessus. Sa dernière déclaration avait percuté mon système nerveux comme le repère du Jeu du Marteau à la fête foraine.




"Mon colis ? De quoi tu parles ? Attends, tu l’as plus ? Connard ! C’était un cadeau ! Et pas n’importe lequel !" Le ton montait, alors que la colère recommençait à bouillir sournoisement.

Je me levai du canapé, l’empoignant par le col pour le soulever lui aussi.

"J’ai pas "pensé" que tu m’as abandonné abruti, je l’ai cru. Et si j’avais su que tu avais essayé de me rendre ma croix, je l’aurais compris comme un adieu. "  
C’aurait peut-être été pour le mieux. On n’en serait probablement pas là aujourd’hui, si cela avait été le cas. J’abandonnais ma prise pour le laisser retomber sur le canapé dans un soupir de résignation. On ne peut pas changer le passé. Il était inutile de penser aux univers alternatif que les "si" sont capables de créer.  Je me dirigeais rageusement vers la baie vitrée, lui tournant le dos. Plusieurs secondes s’écoulèrent avant que je ne reprenne la parole, d’une voix plus lente, et plus grave.

"T’es vraiment le roi des cons, doublé de l’empereur des couilles molles. Exactement comme je t’en parlais tout à l’heure. T’avais la force de te battre, mais t’as préféré fuir en te cachant derrière l’excuse de "Narcisse vaut mieux que moi". Maquillant ça comme une bonne action, comme un sacrifice personnel n’ayant pour but que mon bien-être, pour que ta conscience pourrie de petit prince s’en retrouve glorifiée au lieu d’en être meurtrie. Tu t’es pris pour un saint ? Pas la peine d’agir en martyr."

Je me retournais brusquement, croisant les bras sur ma poitrine. Je fixai directement mon regard vindicatif dans le sien. L’étincelle de colère qui y brillait était maîtrisée, mais sincère. Je ne pouvais juste pas me permettre de laisser ma rage incandescente me consumer une fois de plus. J’avais des affaires plus importantes à régler avec lui.

"Je vais te dire, Lun. T’es qu’un enculé. C’était pas à toi de faire ce choix. Tu me l’as volé. ", concluais-je avant de me diriger vers le bar.

J’avais besoin d’un calmant, et sans doute de me donner un peu de courage -Ah ! comme si j'en avais besoin!- pour ce qui allait suivre. Et puis, il est notoire que l’alcool aide à trancher les décisions difficiles, et stimule la réflexion. On pourrait d’ailleurs dire que les grands esprits se rencontrent, à condition de considérer Lun comme tel, puisqu’il me demanda également un verre de rhum.

Je me glissai derrière le bar, remarquant au passage son regard se diriger vers la porte. J’étouffais un ricanement sadique en pensant qu’il ne risquait pas d’y trouver la salvation. Silencieusement, je servis un verre de rhum vieux et le déposait sur le comptoir, l’invitant implicitement à se déplacer de lui-même pour prendre place sur l’un des sièges de bar, alors que je sortais le shaker et des citrons.
Il n’avait pas vraiment précisé ce qu’il voulait. J’en avais déduis qu’il s’attendait à déguster du vieux rhum, puisque le rhum blanc n’a rien d’intéressant à être bu seul. L’ambré, à la limite… Mais celui que j’avais servi était infiniment meilleur.
En ce qui me concerne, je miserai sur un Whisky Sour. Je me penchais donc  pour attraper un couteau de cuisine, et coupait net un citron en deux pour en presser le jus. D’un air candide, je levais les yeux vers lui lorsqu’il disait n’avoir jamais cessé de veiller sur moi. Je lui souris avec chaleur.

"Vraiment ? Tu ferais mieux de veiller sur toi-même. "

La sincérité du sourire contrastait effroyablement avec la mise en garde qui l’accompagnait. Imperturbable, je retournais minutieusement à ma besogne, versais le contenu du shaker dans mon verre, et tranchais bruyamment une dernière tranche de citron pour l’accrocher sur le rebord. J’en bus presque la moitié, avant de m’appuyer sur comptoir pour mieux plonger dans le regard félin de mon cadet.

"Arrêtons de tourner autour du pot. Le professionnel et le personnel se recoupent étrangement, non ? Ce n’est pas parce que tu es de passage à New York que tu es venu me voir. Tu es venu me voir, parce que c’est précisément ici qu’est la raison de ton voyage en premier lieu. "

Je m’étais doucement, subrepticement penché vers lui en parlant, si bien que les derniers mots étaient presque susurrés à son oreille. Je marquais une courte pause, avant de reprendre dans un murmure langoureux qui masquait difficilement le sourire cruel qui étirait mes lèvres.

"La question n’est pas de savoir si je suis un assassin ou non, pas vrai ? La question est de savoir ce que tu vas faire à ce sujet. "
Je laissai glisser ma tempe contre la sienne avec douceur.

Ouais... Ce que tu.. et ce que je vais faire à ce sujet.
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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyMar 8 Sep 2015 - 0:42

Dissimuler : verbe transitif conjugaison (latin dissimulare)

Cacher volontairement à la vue, soustraire aux regards d’autrui. Lun Marv avait dissimulé sous un vieux bonnet en laine ses longs cheveux couleur paille.

Ne pas laisser paraître, un état, un sentiment ; cacher, masquer. Alors qu’il était soulevé du canapé par le col, Lun dissimula sa peur sous un regard noir de colère et de rage. A aucun moment, il ne se défi de son sourire arrogant. Lorsque la main ferme le relâcha et le laissa retomber sur le canapé, il senti son corps trembler.

Se placer en écran entre quelqu'un, quelque chose et le regard, le cacher, le dérober à la vue, à l'esprit. Heureusement, dos à Sora, cette réaction fut entièrement dissimulée par le temps de réaction de son camarade. Ainsi Lun pu reprendre contenance sans que son compagnon ne remarque quoique ce soit. Du moins, l’espérait-il.

Cacher volontairement une information, la taire. Il aurait pu dissimuler encore un peu la raison première qui l’avait poussé à traverser l’océan pacifique. Toutefois, le jeu ne commençait que lorsque la première carte était posée.

Littéraire. Cacher ses pensées, ses intentions véritables. Lun dissimula sa peur, sa déception mais aussi sa vraie raison d’être venue par cette excuse. Il aurait pu ne pas se déplacer, rien ne l’obligeait à venir ici pour interroger Sora Kumori. Il était venu pour le voir lui, pour la confiance qui lui accordait encore. Il aurait aimé avoir l’histoire, comprendre, que Sora lui donne ses raisons. Au lieu de ça, il ne lui dit rien de plus que ce qu’il savait déjà et Lun le déplora amèrement. Il aurait aimé un espoir mais Sora ne lui en avait jamais laissé.

*** Me fais pas rire. Grandis un peu, sale gosse. ***
*** On n’est pas dans un conte de fée. ***
*** Tu ne survivras pas avec quelques belles paroles et une obstination aveugle. ***

Tu avais tort. J’ai survécu et je n’ai survécu qu’avec ça. Allez ! Mets-moi tout sur le dos. C’est évident que tu n’es responsable de rien, hein ? Tu veux qu’on en parle de ton comportement ? Je ne t’ai pas empêché de faire des choix. Tu auras pu en faire, tu aurais pu choisir, je n’avais pas disparu de la planète terre, bouffon. Si tu voulais me parler, tu pouvais le faire. Au lieu de ça, tu m’as téléphoné bourré, pour te pointer chez moi, réveiller mes enfants, me casser la gueule et fuir. Qui est le lâche, dis-moi ? Qui est le lâche, Sora ? QUI EST LE LACHE ? Arrête de te la jouer victime du sort et des épreuves. Tu voulais la richesse. Tu l’as eu. Tu voulais retourner dans ton pays, tu l’es. Qu’est-ce-qui te manque ? Avant que je me pointe en bas de ton immeuble, pensais-tu encore un peu à moi ? Arrête de te la jouer. Tu te mens et tu me mens. Tu es hypocrite avec toi-même. En réalité, tu as toujours flippé face à moi. Tu as toujours eu peur de tout ce que signifiait notre amitié, d’assumer la moindre responsabilité. Alors comme d’habitude, tu as fait genre. Car tu n’as toujours été capable que de ça, te cacher sous une fausse fierté.
Dis-moi, et toi, tu étais où ? Tu étais où exactement quand j’avais besoin de toi ? Tu veux qu’on en parle d’Adieux ? Tu n’as jamais eu le courage de m’en faire, en face, directement. Tu n’as jamais eu beaucoup de courage. Et j’ai attendu, stupidement. Parce que tu es mon ami. Tu t’en souviens ? Un peu, du moins ? De tout qui nous lie ? Et on passe notre temps à se battre. A croire qu’on ne sait pas s’exprimer autrement. Et je préfère encore ça à notre indifférence. Si je n’étais pas venu, aurais-tu fini par m’oublier ? Aurais-je fini par t’oublier ?

Je ne t’aurais pas oublié. J’en ai la certitude. Je n’ai pas la certitude de l’inverse. Bien au contraire.

*****

Le temps d’attente de Sora à regarder la baie vitrée, place qu'occupait Lun lui-même tantôt, lui permis de reprendre contenance. Toutefois, en se redressant pour le rejoindre au bar, Lun senti ses poings se refermer malgré lui. Il du se concentrer pour ne pas lui écraser ses jointures sur sa sale gueule de rouquin. Il attrapa sa sacoche dans sa main et la remit autour de lui.

Lun s’assit sur le tabouret, la jambe légèrement repliée, ses yeux un peu perdus regardant derrière Sora. Il hésita à simplement partir, claquer la porte dans un coup d’éclat digne de grandes stars d’Hollywood. Il avait cessé de fuir, depuis longtemps. Depuis que son âme s’était écrasée sous la houle des vagues. Lun s’était juré de ne plus jamais tourner le dos face à des problèmes, de ne reculer que pour mieux attaquer. Il avait perdu depuis longtemps le titre de roi ou de prince. Il n’était pas un lion. Il était, tout simplement, une panthère. Noire, autant que son cœur pouvait l’être à cet instant.

Sa bouche amère accepta avec bénédiction le verre d’alcool, qu’il but d’une traite.  Ses doigts légèrement pliés sur le récipient, il l’avala entièrement, la gorge en feu. Et le reposa avec un choc un peu trop violent.

Lun ne bougea pas, laissant le visage de Sora se rapprocher du sien. Il senti sa tempe contre la sienne et il ferma les yeux, douloureusement, à s’en faire mal aux paupières. Sora était stupide. Là n’était pas la question. Là n’avait jamais été la question. Lun ne savait pas du tout ce qu’il allait faire. Il n’en avait pas la moindre idée avant de mettre les pieds ici. Il avait voulu croire qu’il s’était trompé, qu’il avait fait une erreur, qu’il y avait eu une donnée inconnue à son esprit qui l’éclairait sur tout. Il avait voulu croire que Sora lui expliquerait qu’il n’avait pas eu le choix, que malgré que tout semblait dire le contraire, c’était lui ou eux. Que s’il ne l’avait pas fait, il ne serait plus là. Que ce n’était pas un choix, mais de la survie.

Qu’il n’avait pas choisi d’être un meurtrier.

Sa tête tourna, ses paupières trop closes lui firent voir des formes rougeâtres, et il rouvrit les yeux. Lun se souvenait encore du sang, de l’odeur âcre, du regard des gens morts. Il y avait une telle lueur qui disparaissait. Il était impossible d’oublier cet instant où on franchi la barrière pour la première fois. Et encore moins les fois suivantes.
Et puis, il ne pouvait pas non plus oublier le regard de ceux s’excusant par avance de vouloir passer à l’acte. Ce regard qui disait parfaitement que l'autre comptait franchir le pas. Avec le temps, Lun avait su le reconnaître !

Lun dégluti. Ce regard qu’il voyait chez le roux. Ce regard qui signifiait qu’à la moindre mauvaise carte posée sur la table, il n’aurait que peu de temps pour accéder à la porte d’entrée.

Il serra les dents, mauvais. La raison de sa présence ici n’avait rien à voir avec tout ça. Au final, Lun aurait pu laisser les chiens japonais attendre en bas de l’immeuble. Un tir de rue, et le nom de Sora Kumori était été un de plus de ceux tués dans les cartels de la drogue et des balles perdues. Lun n’avait pas besoin de se déplacer pour ça. Il aurait pu aussi ne rien faire, et laisser couler. Il était là pour autre chose. Pour des réponses !

Décides-tu qui doit vivre ou mourir, très cher Dieu ?

« Ne me touche pas, Kumori. »

Le blond crache ses mots dans un murmure susurré, comme on cracherait un fruit pourri qu’on aurait croqué par hasard. Il cracha sa haine aussi distinctement, froidement et calmement qu’il avait demandé tantôt un verre de rhum.

Il se pencha, en avant sur le bar, attrapa la bouteille de rhum pour se servir à nouveau.

Allons donc. Tu vas me tuer ? Là, tout de suite, dans cet appartement. Entre deux passages éclairs de ta chère et tendre. Tu me cacheras dans le frigidaire, le temps de trouver un moyen de me découper ? Bien que je ne doute pas que tu as quelques numéros utiles qui se chargeront de te débarrasser de mon corps.

Le sourire se repose sur les lèvres de l’homme. Lorsque le stress est trop important, il a toujours cette étrange envie de fumer un doux mélange, de prendre de l’opium ou de se piquer. Il a toujours des vieux réflexes de drogués, jusqu’à la manière de tenir une clope parce que c’est tout ce qu’il a toujours été et tout ce qu’il a toujours l’impression d’être. Il est clean, rarement, parfois. Rarement, mais de plus en plus. Il est descendu de drogues dures, à drogues douces, à occasionnels. Parfois, toutefois, il se laisse avoir. Le temps d’un week-end, le temps d’un client, le temps d’un rêve.

Là, il donnerait n’importe quoi pour grimper en haut de son meuble de rangement, dans sa chambre, de monter jusqu’à la cachette. De sortir la boîte, de trouver la cachette de la clé, et de sortir son matériel. Ensuite, il prendrait le temps de tout préparer. Quand tout est devant ses yeux, il sait parfaitement prendre le temps d’apprécier cet instant où il va perdre pied.

Lun bu d’une traite, à nouveau. Etrangement, il ne senti pas la tête lui tourner. La colère était un très bon moyen de garder le contrôle et la colère ne pouvait pas être plus présente qu'à cet instant. Si ?

MERDE. C’est la seule excuse que l’autre lui servait ? Aucune. Aucune raison. Une simple déduction, logique et impersonnelle.

« Si. C’était la question. »

La lueur blessée dans les yeux de Lun dansait doucement. Une douleur intense et difficile à ne pas voir, qu’il tenta pourtant d’un sourire désabusé de cacher de son visage. Evidemment, qu’il était là pour ça. Pour savoir si Sora était un assassin ou un meurtrier. S’il avait prémédité un acte ou avait tenté de survivre. S’il était encore …

Encore …

Les yeux quittèrent Sora.

« J’ai ma réponse. »

La main rattrapa la bouteille de rhum, l’ouvrant pour boire directement au goulot.

« Pourquoi j’aurais gardé quoique ce soit de toi ? C’était de toi que j’avais besoin, pas d’un objet. Tu devais être trop occupé à te faire baiser par Tsumii ou Narcisse, hein ? Sais-tu seulement par quoi je suis passé, sais-tu ... Tu me fais chier. »

Des questions dans le vide, des questions sans logique, sans réponses. Sans attente. Juste de la colère. Un brin de jalousie, peut-être. Un peu de haine, sans doute. Car lui n’a rien eu. Pas un espoir auquel se raccrocher. Pas un rêve auquel croire. Il aurait fallu se battre pour quoi ? Quelques mots, un objet et une promesse que tu n’as jamais su tenir ?

« Au final, tu avais bien raison, n’est-ce pas ? Tu n’as de ta mère que la couleur de cheveux. »

Inconsciemment Lun ouvrit sa sacoche pour retirer son paquet de cigarettes. Il le laissa sur le bar. Se faisant, il bouscula avec brusquerie le verre de rhum, bien que ne comportant que quelques gouttes qui perlerent sur le bar.

Lun espéra que ça suffirait à détourner l’attention de Sora, sa main attrapant son couteau pour le ranger dans la poche de son pantalon aussi discrètement qu’il en était capable. Il ravala un peu de salive, ouvrant la bouteille de rhum pour faire passer le gout de la peur et surtout pour se donner davantage de courage.

L’alcool le rendait meilleur manipulateur, plus joueur, plus taquin. Il restait le même, mais des barrières de bien-pensant sautaient alors. L’alcool était souvent son meilleur allié dans le pire des cas.

Il trembla de rage, sa main se remettant sur la bouteille, il en bu encore. Se saouler, pour oublier qu’on était autrefois ...

Autrefois.

Il alluma à nouveau une clope avec son briquet noir et violet. Il le regarda, un peu perdu, essayant de se rattacher aux souvenirs que l'objet lui inspirait. Se souvenir de quelqu’un d’autre, c’était le meilleur moyen de ne pas penser trop à Sora. De ne pas trop chercher à comprendre le feu brûlant qui tournait dans son estomac.

Assassin.

Lun sourit. Idiot de Sora, si seulement, il pouvait se douter un peu de la personne qu’il avait en face de lui. Un soupir doux. Les yeux brillants de Lun papillonnèrent.

« Tu te doutes bien que j’ai pris mes précautions. Mon colocataire n’est pas loin et attend de mes nouvelles. (…) Et pas seulement pour qu’on termine dans une chambre, bien que je sente encore son parfum sur mon corps. Non … tu ne peux pas simplement t’attendre à me faire disparaître … Kumori. Combien de fois as-tu essayé ? »

Mensonge, mensonge plausible. Il l’espérait. Parce que Lun avait naïvement cru que ça serait différent. Tellement différent.

« Je ne dirais rien. Ils s’en prendraient autant à Narcisse qu’à toi. Et je n’ai aucun intérêt à cela. Tu ne retourneras pas au Japon et rien ne ramènera ces minables. C’est ça que tu veux entendre ? Rassuré ? (...) Tu me dégoûtes. »

Il monta la clope à ses lèvres, recrachant sa fumée blanche au visage de Sora. Il écrasa le mégot, buvant à nouveau la bouteille, la posant entre ses cuisses,  les deux mains dessus, ses yeux rougissant. Lun eu un haut de cœur.

Il avait envie d’écraser la bouteille sur la tête de son camarade.

Il avait envie de le voir bondir.

Il avait envie de fuir, aussi.

Lun retint sa respiration, essayant de revenir à la réalité. Putain de réalité. Putain de monde. Tout n’était que cauchemar. Tout n’avait été que ça depuis le début. Combien de fois s’était-il posé la question de savoir s’il comptait rester dans ce monde-là ? Maintenant, il s’y accrochait de toutes ses forces, quitte à s’en blesser, à s’en faire mal, à se détruire lui-même, pour se rappeler qu’il était vivant.

Les photographies de la scène de crime de Sora lui revinrent en mémoire. Aussi brutalement que son propre sang le jour de ce premier janvier, et puis le sang d’autres. D’un autre en particulier.

Il but à nouveau.

« Ou peut-être que je mens. Peut-être que je balancerais tout. C’est tout ce que tu mérites ! Dis-moi, quand as-tu cessé d’avoir confiance en moi ? »

La haine et le dégoût étaient visibles, cachant tout le reste. Cachant la déception, la peur, la tristesse, la douleur et ce feu brûlant. Cachant tout ce qu'il pouvait sous deux émotions négatives. Et sous cette bouteille d'alcool salvatrice. L'art de la dissimulation, qui en est passé maître ? Le tigre derrière ses hautes herbes, sachant parfaitement s'y dissimuler ? Ou la panthère, plantée sur une grosse branche, prête à bondir ? Qui menait le jeu ? Lun sourit amusé, laissant un rire rouler dans sa gorge.
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Sora Kumori

Sora Kumori


Bélier Singe Age : 32
Compteur 125
Multicompte(s) : Note de l'Administration Kmo :Personnage lié à Narcisse De Lioncourt. Lui demander avant de supprimer.

KMO
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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyLun 14 Sep 2015 - 4:37

"Ne me touche pas, Kumori "
L’injonction m’avait comme brûlé au vif, et je me redressais aussi brusquement que si cela avait été littéralement le cas.

J’ai beau y être habitué, il n’est jamais agréable de voir ceux que l’on aime vous regarder avec dégoût et mépris. Pour être honnête, jamais je n’aurais pensé voir ça un jour dans les yeux de Lun. Cela n’en était que plus douloureux. C’était même le pire scénario possible.
Je pense que je le croyais même tout simplement incapable d’éprouver des sentiments aussi violents. Malgré toutes les fois où on s’est foutu dessus, toutes les engueulades et les embrouilles, jamais il ne m’avait regardé avec une haine aussi ardente. D’ordinaire, les rôles étaient d’ailleurs inversés ! Il est beaucoup moins plaisant d’être à cette place. Je serrais les dents pour me contenir.

Je me sentais soudainement… bizarre. Comme s’il y avait une armée de chauves-souris qui fêtaient le nouvel an dans mon bide. Comme si un corbeau se débattait avec violence dans mon crâne pour essayer de sortir de sa cage. Comme si l’afflux sanguin de mes tempes était devenu une rivière en crue, et la cacophonie infernale qu’elle produisait m’assourdissait lourdement. Je l’entendais à peine déblatérer ses reproches, et pourtant eux aussi tombaient drus.

Je vidais mon verre d’un trait, pour ravaler la colère montante. Ce n’était pas suffisant. Ma voix s’éleva calmement,  avec la platitude et la température d’un lac d’Alaska, alors que je me servais un verre de whisky pur cette fois-ci. La sophistication raffinée des cocktails n’était plus à l’ordre du jour. Mon mal de crâne, lui, par contre, revenait au galop.

"Et toi ? Sais-tu par quoi je suis passé ? Connais–tu mon histoire ? Sais-tu qui je suis ? Me connais-tu vraiment, Lun ? "

Je crois que je viens de sentir quelque chose se briser, au fond de moi.
Le débit s’accélérait, mais la monotonie du ton employé stagnait. Comme une cascade gelée qui s’écoulerait en silence. Elle était si froide qu’elle m’en brûlait la gorge.

"Probablement pas. T’étais trop occupé à réfléchir à qui te sauterai le lendemain. Dis-moi, y’a t-il une seule personne à Keimoo, excepté moi, qui ne t’es pas passé dessus ? Ton hypocrisie me fout la gerbe."

Je le fixais, et pourtant mes yeux ne le voyaient pas. J’imagine que c’est ce qu’on appelle voir rouge.  Il fit une allusion à ma mère dont la signification m’échappa grossièrement. Du coup, ça m’a fait l’effet d’une piqûre de guêpe : on ne s’y attend pas, puis soudainement on ressent une vive douleur sans même comprendre pourquoi,  et après tout ce qu’on a envie de faire c’est d’écraser la foutue bestiole. Je m’enfilais le verre cul-sec et le fit claquer sèchement sur la table.

"Non. On a un autre point commun. On est tous les deux morts. "

Je ne sais même pas pourquoi je bois. Par défi ? Par un inconscient mimétisme ? Comme cette colère froide qui me glace les veines ? D’habitude c’est plutôt une rage ardente qui me consume dans une combustion quasi instantanée, pas une espèce de poison sournois qui s’insinue peu à peu dans tous mes organes pour les pourrir de l’intérieur. Le plus difficile à gérer étant sans doute le fait de garder les idées claires et lucides tout en étant gangrené par la haine. Je m’en sentais presque étranger à moi-même. Et pour être honnête, ça m’effraie. Je refuse d’être ton miroir.
Mais si je le faisais, cela reviendrait à tout simplement nier ce que Lun ressentait. Ce qui serait beaucoup plus facile si ça n’irradiait pas autant de sa personne.
Je suis très agacé.

Je le devins encore plus lorsqu’il renversa son verre sur le bar. Un juron m’échappa alors que je l’attrapais et le redressais avant qu’il ne roule par terre. Je ne sais pas ce qu’il me retient de le lui faire manger, après lui avoir fait lécher les trois gouttes qui s’étaient déversées sur le comptoir. Probablement la qualité du verre et du meuble. En tout cas ce n’était surement pas le sourire qu’il abordait qui m’en ôtait l’envie.
Pauvre Lun. Il est difficile d’être crédible quand on a les yeux brillants et que le seul argument qu’on possède revient plus ou moins à "Si tu me fais du mal, mon papa le saura ! ". J’éclatais d’un rire cruel que j’essayais vainement de contenir en me passant la main sur le visage. Je le fixais entre mes doigts, comme s’ils pouvaient cacher l’étincelle de folie qui naissait dans mes yeux.

"Penses-tu que ton  "colocataire " pourra te protéger ? Es-tu si naïf pour penser que qui que ce soit puisse te protéger ici ? Sur mon propre terrain de chasse ? Dans mon royaume ?"

Ma voix s’élevait en crescendo alors que je désignais la pièce en écartant largement les deux bras.
Je n’ai jamais supporté qu’on m’appelle par mon nom de famille, pour la simple et  bonne raison que je ne me suis jamais considéré comme faisant partie de ladite famille. A l’instar de ceux qui la composent, d’ailleurs. Et c’est encore plus irritant lorsque ça sort de la bouche d’un ami proche. Je m’agrippais avec force aux rebords de la table pour résister à la tentation de lui tordre le cou.

"Le seul endroit d’où j’ai jamais essayé de te faire disparaître Lun, c’est de ma mémoire. Tu te demandes pourquoi ? "  

Je marquais une courte pause. Mes jointures blanchissaient.

"Combien de fois m’as-tu abandonné ? Combien de fois m’as-tu laissé sans nouvelles, pour réapparaitre comme une fleur en te ventant du nombre de connards qui t’avaient retourné, et de ton impressionnante collection de souvenirs plus ou moins éphémères leur appartenant ? Même encore maintenant, tu ne peux pas t’empêcher de remettre ça sur le tapis. Qu’est-ce que tu attends comme réponse ? Que je sois jaloux ? Je le suis. Que je sois en colère ? Je le suis. Que je sois dégoûté ? Je le suis. La différence entre eux et moi, Lun, c’est que j’ai jamais voulu te baiser. Moi, je voulais juste t’aimer. "

Je me penchais vers lui, suffisamment pour qu’une allumette craquée entre nous deux fasse exploser tout l’appartement, entre nos haleines alcoolisées et l’ambiance électrique. Au contraire de Lun, je ne souriais pas. Je ne souriais plus. Je crachais mes mots comme de la bile acide, en espérant que les expulser de mon corps calmerait la douleur sournoise d’une plaie rouverte au pied-de-biche.

"Mais apparemment, y’avait pas de place pour ça dans ton putain d’agenda. Peux-tu seulement imaginer à quel point j’étais seul, perdu, brisé, quand je suis sorti de mon coma et que tu n’étais pas là ? Que tu ne l’as pas été pendant de longs mois, avant de resurgir comme si de rien n’était ? "


Je me redressai pour me servir un nouveau verre.

"Le Sora que tu connaissais ne s’est pas réveillé ce jour-là. Celui qui a pris sa place n’est qu’un monstre assoiffé de pouvoir et de vengeance. Et j’ai fini par les obtenir. "  

A peine servi, le whisky finissait dans mon gosier d'une seule traite. Je m’essuyais la bouche d’un revers de manche que je n’avais pas, avant de retrouver mon débit torrentiel. L’alcool libérait ma langue, mais son prix commençait à réclamer les intérêts. J’avais l’impression d’avoir passé ma tête au lave-linge, option séchage incluse.
 
"Ouais. Les deux minables que j’ai butés à Keimoo, je l’ai fait uniquement par vengeance. Et tu veux que je te dise ? Ca m’a fait un bien fou ! Voilà ! Maintenant au moins, t’auras une raison valable de me regarder comme si j’étais Judas. Une raison valable d’avoir remplacé la confiance et l’amour dans tes yeux par le dégoût et la haine. Une raison valable de me considérer comme si j’étais le pire rebut de l’humanité ! Parce que t’as raison, c’est ce que je suis. Et tu sais quoi ? J’ai même pas une putain d’once de regret à ce sujet ! "

Je m’arrêtais pour reprendre mon souffle. Le sourire m’était revenu à l’évocation de ces doux souvenirs, mais leur intensité me faisait tourner la tête. Oh. L’alcool aussi, probablement.  Malheureusement, il ne m’aidait pas à jouer la comédie. Impossible de retrouver un masque de bienséance ; mais traits trahissaient mon sadisme, je respirais la cruauté, et mon regard brillait d’une lueur maligne. Si la folie était une station de train, l’alcool était mon tgv.

"Parce que tu penses que je me soucie de ce que tu pourrais bien dire ? T’as pas assez de preuves pour me faire arrêter. La loi du Japon ne peut même pas m’atteindre ici. Pas plus que ses gangs minables. "


Pourquoi ? Pourquoi est-ce que ça devait se passer comme ça ? Pourquoi est-ce que j’ai l’impression d'être à deux doigts de faire l’erreur de ma vie ? Qu’est ce qui a bien pu se passer pour qu’on en arrive là ? Et pourquoi, pourquoi, est ce que je suis incapable de trouver une solution ?


On est déjà à bord du tgv. Il avance vite. Trop vite. Ca fait pourtant un bon moment qu’on s’est engouffrés dans ce tunnel. Si longtemps qu’il n’y a plus de lumière.  A tel point que je ne sais même plus si on avance ou non. Il n’y a rien. Rien d’autre que les ténèbres, et les monstres qui s’y terrent. Pourtant, le terminus nous attend juste à l’autre extrémité.


Il me parle de confiance. C’en est trop. J’éclate mon verre contre la table. Des morceaux de verre me rentrent dans la paume, et je sens la chaleur de mon sang irradier ma main. Je n’y prête même pas attention. Cette douleur n’est rien, comparée à celle qui me vrille le crâne et déchire le cœur. Je me saisis du plus gros et tranchant des morceaux, et le propulse vers mon cadet.
Mais ce n’est ni sa tête, ni sa gorge que je vise.

C’est sa main. Je lui donne ma seule arme, après avoir réalisé que le couteau avait disparu ; je me penche vers lui, et attire son bras vers moi pour que la pointe du verre pique ma trachée. Je plonge mon regard brûlant dans le sien et m’abandonne là à sa justice, alors que ma voix n’est plus que la douce caresse d’un dernier souffle.

"L’ai-je fais, Marv ? "
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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyLun 14 Sep 2015 - 21:17

Certains tuent par haine par amour, par haine ou par colère. Certains tuent par vengeance. Certains tuent par contrat, par erreur, par maladresse. D’autres tuent.

La situation n’aurait sans doute pas pu être plus délicate. Le bout de verre entre les doigts de Lun s’enfonçait dans la peau tendre de ses doigts, dessinant le verre de fines gouttelettes rouges. Lun pourrait tuer Sora maintenant, passer sur son corps, lui accorder une dernière caresse et partir. Il lui serrait facile d'effacer les traces. Il sait le faire, il le fait sans arrêt. Il le tue. Tout de suite. Ensuite, il essayerait de le sauver en vain. Et il se tuerait. Une simple tragédie. Un drame dans un journal et les larmes de Narcisse pour clôturer une sombre histoire. La nôtre. Loin des jolies histoires des séries télévisées, des films ou des romans. Peut-être même pourrait-il continuer sa vie, un peu. En oubliant ce qu'il a fait. En se donnant à ceux qui veulent de lui. Juste pour l'énerver même au travers de la mort et l'imaginer furieux de voir toutes ses mains lui caressant le corps. Juste pour le dégoûter davantage et se faire haïr. La haine, c'est mieux que l'oublie.


Pardonne-moi.


Tu ne m’as jamais laissé un espoir auquel me raccrocher. Dis-moi ce que j’aurais dû faire ? Rester sagement dans mon lit dans l’attente d’un message, d’un geste et de mots qui ne viendrait pas ? M’interdire jusqu’à me toucher, de peur que ma main te trompe autant que mes pensées ? La vierge qui rêve dans son lit était-elle plus innocente que le damné qui se donne sans compter ? Qu’aurais-je du faire ? Attendre. J’ai attendu. Je n’ai attendu bien plus longtemps que n’importe quel mortel. Je t’ai attendu.  Il est facile désormais de me faire des reproches.


Sora.


La main tremble et le regard de Lun en est totalement perdu. Il hésite et ça se sent dans chacun de ses mouvements. Il y a cette haine, cette rage qui est en lui. Tu m'as abandonné ! Tu m'as abandonné après m'avoir brisé. Tu m'as menti, trompé, et te voilà maintenant à me laisser le droit de vie et de mort sur toi. Pourquoi ? La peur a une emprise soudaine et plus importante sur Lun. Effrayé par ce qu’il pourrait faire. Par ce qu’il compte faire. Et le verre rentre dans la chair de Sora, juste assez pour l'entailler, pas assez pour le blesser. Leurs sangs se mélangent, comme chacun de leurs souffles alcoolisés et la situation en est si électrique que Lun a le sentiment de s'être transformé en central nucléaire.

Le bout de verre retombe dans un bruit sourd, sonnant le glas pour Lun Marv. Il en gémirait presque de douleur, de peur, d’y avoir simplement pensé. La gifle est plus violente, plus bruyante. Les ongles de l’homme deviennent des griffes qui se plantent dans la peau en même temps qu’il frappe. Comment as-tu simplement osé ? Et le sang rouge de cette main blessée se pose en pétale papillon sur la joue d’un roux désabusé. C'est la haine qui anime les yeux, la haine et la peur. D'avoir pu le faire. Mais surtout, c'est un être blessé. Il vient se blesser davantage contre les mots du roux. L'espoir incertain, le doute et le désespoir. Les regrets. Si tu voulais m'aimer, pourquoi les as-tu laissé me toucher ? Pourquoi ne t'es-tu pas battu ?

... car tu l'avais lui.

Et avec lui, tu n'avais pas besoin de moi.

Et alors que les larmes menacent dangereusement ses yeux, Lun fuit. Il fuit comme-ci toute sa vie ne dépendait que de partir de cet endroit. De ne plus jamais y mettre les pieds. Il ne sait pas où il fuit, il ne sait pas pourquoi. Il sait simplement que s’il reste là, il ne pourra pas s’empêcher de tout faire pour ne plus en partir. Il ne peut pas.

Il ne peut pas faire ça à Narcisse. Il ne peut pas faire ça à cet amour entre eux. Il ne peut pas. Il ne l’a jamais fait. Un narcisse vaudra toujours mieux qu’une lune. Lun ne veut que le bonheur de Sora. Là où il va, là où il est, il n’y a que nuit. Il n’y a rien d’autre que l’obscurité. Il ne peut l’y conduire. Il ne peut l’y mener. Il ne peut même essayer.

Une pluie glisse de ses yeux alors qu’il atteint la porte. Sa main se pose sur la poignée, et alors qu’il tente de l’ouvrir, il se rend compte qu’elle est verrouillée. Un système automatique des portes de riche. Un système qui l’enferme. La rage l’emporte sur le reste.

Les coups pleuvent sur la porte qui en subit les chocs sans broncher. Les poings, les pieds, le corps entier frappe pour sortir. Pour retrouver un peu de dignité. Et alors que l’espoir est abandonné, que la rage commence à être évacué, l’homme laisse sa tête retombée. Et ses jambes se dérobent à lui. L’homme tombe, tel un pantin. Ses yeux se brisent contre l’écho des vagues salées qui en sortent. La douleur est si intense qu’il ne parvient plus respirer, plus à penser.

« Sora, ouvre cette porte. »

Il est parvenu à dire ses quatre mots sans se tromper, sans trembler, sans perdre contenance. Il est parvenu à les dire d’affilé, sans un spasme, sans un sanglot. L’eau coule toujours silencieusement, froidement, comme pour calmer son corps. Et Lun laisse retomber son bonnet, l’enserrant contre lui.

Ne me laisse pas partir. Retiens-moi, agis. Montre-moi que j’existe pour toi. Sora … J’ai peur. J’ai si peur de tout ça. Si peur de ce qui arrivera. Et alors que je cherche mes mots, je me rends compte à quel point tu n’as jamais cessé d’exister dans ma vie.

Egoïste. Combien d’être avons-nous blessé ? Combien de soupirants m’ont haït de toujours te choisir, te pardonner et t’aimer ? Combien d’ennemis m’as-tu attiré ? Combien d’être ai-je fait souffrir de ton coté ? Nous sommes deux enfants. Deux enfants jouant à un jeu dangereux. Cap ou pas de mourir avec moi ? Cap ou pas de vivre avec moi ?

Sora, j’ai peur de toi. De nous. De tout ce qu’on peut faire à deux. De cette destruction dès que nos chemin se croise.

Les larmes coulent toujours. Et la sacoche de Lun est attrapée par ce dernier. Il reste là, dos à Sora. Il ne peut pas le regarder. Pas l’affronter. Il sait que s’il le fait, il ne pourra pas se retenir. De parler, de tout lui dire, tout lui raconter, jusqu’à voir les derniers sentiments d’amour de ce dernier se consumer dans la haine et le dégout.

La sacoche est ouverte.

« Tue-moi. »

L’ordre est donnée, implacable et froid. Le couteau est retiré de la sacoche et la main de Lun joue sur son poignet, assez pour s’en faire mal, assez pour faire couler le sang, pour trancher la chair. Pas assez pour en mourir. Juste assez pour en souffrir. Et cette souffrance, elle-même il ne la sent pas. Il cherche le contrôle, alors que sa respiration est saccadée, faible et difficilement respirable. Tout tourne. Tout.

Que le monde s’arrête, que les guerres éclatent, que les hommes se tuent et que la planète explose ; Rien n’a d’importance à part cet instant. A part toi.

La respiration se fait plus lourde, plus douloureuse. Lun parvient à peine à murmurer un idiot au milieu de tout ça. Peu importe, personne ne l’entendra. Il ne se l’adresse qu’à lui-même. Il est le seul responsable de ces actes. Il n’aurait jamais dû venir ici. Et malgré ça, qu’aurait-il pu faire d’autres ? Son chemin, son destin, sa vie le guidait ici. En réalité, jamais il n’aurait pu aller ailleurs. Même au travers des océans, des temps et des moments, ils ont toujours su se retrouver.

Peut-être pour la dernière fois.

Lun ne peut plus faire marche arrière. C’est l’instant, l’instant où il doit choisir. Et ce choix-là ne dépend tellement pas de lui qu’il ne peut que le souffrir.

Cet appartement, il le hait. Partout, il en sent la présence de Narcisse. Il ressent à quel point il n’y a pas sa place. Il n’y a jamais eu sa place.

Dans l’appartement … Dans la vie de Sora. Jamais il ne pourra faire ça à Narcisse. Jamais il ne pourra lui prendre Sora. Leurs âmes sont liées, comment oserait-il se placer entre eux ? Il l'a toujours dit, toujours fait. Il a toujours laissé la place aux autres. A Londres pour Elyott, aux amants de Cassandra, à Ethan pour Jun. A chacun d'eux. Un autre vaudra toujours mieux que lui. Et si cet autre est Narcisse, le doute ne peut exister. Comment Lun pourrait-il s'en prendre à un ange ?

Le gout est amer, la défaite aussi. J’ai perdu. J’ai perdu. Fais de moi ce que tu veux. Détruis-moi, tues-moi, aimes-moi, hais-moi, prends-moi. Mais ne m’oublie pas. Ne me fais pas disparaître. Ne me fais pas partir. Je suis ta responsabilité.

Je suis tien. Depuis le jour-même où nos yeux se sont croisés et nos mains se sont touchés.

Lun sent le sang glisser de son poignet, il respire difficilement et sa respiration en devient bruyante, étouffante. La crise il ne la contrôle pas.  Il ne contrôle rien. Ni les battements sourds de son cœur, ni les turbulences de ses émotions, ni même les larmes qui glissent inondant ses joues. Il s’en frotte les yeux, rageusement. La colère, elle n’est plus dirigée que vers lui-même alors que tout son être implore silencieusement Sora de l’achever maintenant.

Fais-le. Je t’en donne le droit. Tue-moi.

Je préfère la mort par toi, que vivre sans toi. Je préfère ton arme en joue sur mon crâne, que mes larmes sur mes joues et en mon âme. Tue-moi. S'il te plait.



Sauve-moi.



 
Le petit garçon qui rêvait d'un bidon d'essence, d'une allumette et d'un grand feu.



 
"Putain, Sora, tu veux que je te dise quoi ? Tu disparais. J’apprends que t’as manqué de crever. T’essayes pas de me filer de tes nouvelles. Tu croyais quoi ? Que j’allais me taire, sans t’harceler, sans te faire chier, sans … ? Tu fais chier bordel. Tu me manques, c’est normal, non ? Peut-être que c’est pas normal. Je suis pas très normal comme mec en même temps … Tu veux pas bouger du couloir ? T’as une sale tête et … j'ai une petite amie ... tu ... tu veux pas bouger ?
Je voulais ... te voir. Te fâche pas s’il te plaît. Je supporte pas quand tu me fixes comme ça. Fous-moi une trempe, insulte-moi. Mais ne pars pas … "

Et Lun continue de déblatérer des mots. Il parle sans s’arrêter, il répète les premières phrases, il répète les secondes. Il redit que l’autre n’a qu’à le frapper, l’engueuler ou faire ce qu’il veut. Il s’en fout. Cela fait bien longtemps que Lun a tout jeter au feu : son innocence, sa conscience, sa fierté et le reste.  Il lui reste … ça. Cette famille constituée d’amis …
Et le débit du garçon, bien que lent, car Lun ne parle vite que lorsqu’il est enjoué et qu’il est enthousiasme, s’accélèrent un peu, les mots se mélangeant dans la confusion. Se perdant entre la joie de voir l’autre et la peur de le voir partir.
     


 


Dernière édition par Lun Marv le Mer 23 Sep 2015 - 3:05, édité 3 fois
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Narcisse De Lioncourt
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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyLun 21 Sep 2015 - 21:56









Adossé au mur immaculé du couloir, le souffle court, je ne bouge pas. Transformé en statue de cire par la stupeur et la panique, seul le tremblement incontrôlable de ma main, crispée sur ma clef, trahit un semblant de vie.
Je ne sais pas quoi faire.
Derrière la porte, les éclats de voix ne s’atténuent que pour reprendre de plus belle. Fraîchement sorti d’un entretien pour le travail, je les ai entendu à peine le pied posé dans le couloir, et il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre qui se trouvait dans l’appartement avec Sora, pas plus que pour comprendre la nature de sa visite. Or, soyons honnêtes, Lun est de loin la dernière personne que j’aurai souhaité trouver dans cet appartement. Pas par jalousie - pour une fois - même si je ne me suis jamais satisfait de cette soi-disant “amitié” vaguement évoquée par Sora lorsque je m’aventure à lui poser la question. Non, j’ai su mettre ma méfiance envers Lun de côté, et si j’ai toujours ardemment souhaité qu’il ne mette jamais un seul pied sur le sol américain, c’est pour une toute autre raison. Lun est celui qui représente le mieux l’ancienne vie de Sora à Keimoo, et le seul face à qui le passé pourrait resurgir. Je ne cautionne certes pas la vie actuelle de Sora - qui le ferait ? - mais il a mis derrière lui certains épisodes les plus sombre de sa vie, et je redoute plus que tout que la présence de Lun ne les fasse remonter à la surface.
Je ne sais pas quoi faire. Me mettre entre eux en ce moment me paraîtrait presque déplacé, mais j’ai peur. De quoi, je ne saurais l’expliquer exactement, mais je peux sentir le danger au travers la porte aussi clairement que j’avais été avec eux dans la pièce. Je crains d’une part pour la vie de Lun, sans réellement savoir si Sora serait capable de mettre ses menaces à exécution. Et je crains pour Sora, qui ne se pardonnerait jamais la perte de Lun. Je crains pour moi, aussi, de cette façon purement égoïste qui m’a toujours caractérisé. Si les choses dégénèrent, Sora ne risque-t-il pas de m’écarter ? Et ma vie, à moi, est-elle en jeu si je me risque à ouvrir cette porte ? Honnêtement, je n’en sais rien. Sora m’aime, certes, ou du moins ai-je fini par le croire. Mais à quel point, et surtout à quel prix ?
J’ai peur. J’ai peur, mais quoi qu’il soit sur le point de se passer dans l’appartement, je sais que je devrai l’empêcher si je veux garder Sora auprès de moi. L’empêcher, ou le provoquer.
Merde ! Je ne suis pas un héros. Je ne l’ai jamais été. J’ai toujours été lâche, à n’affronter que ce que je provoque - même face à Sora, je n’ai jamais pris de risque réel. Ce qui se passe en ce moment même, je n’ai aucun contrôle dessus, et c’est ce qui me laisse tétanisé.

C’est le bruit qui me sort enfin de ma torpeur.

Le bruit d’une gifle, d’abord (probablement donnée par Lun - les gifles ne sont pas le style de Sora), puis un choc sourd tout près de moi, contre la porte, qui me fait sursauter violemment. La poignée s’agite brusquement, en vain : Sora a dû fermer à clef. Le coeur battant la chamade, je dresse l’oreille, seulement pour sursauter de nouveau, tandis qu’une pluie de coups semble s’abattre sur la porte.
Je sens le sang quitter mon visage, et c’est tout mon corps qui tremble, maintenant, mais je me décolle lentement du mur pour faire face à la porte. Une main sur la poignée, le visage tout près du battant, j’écoute la respiration saccadée de Lun.

“Sora, ouvre cette porte”, dit-il doucement.

Il est si près derrière le battant que je l’entends aussi clairement que s’il avait été à côté de moi.
Un silence, puis un bruit sourd : Lun s’est manifestement laissé glisser au sol.

“Tue moi.” ajoute-t-il dans un murmure, la voix brisée.

Non ! Non, non, non, non, non. J’approche précipitamment la clef de la serrure, avant de m’interrompre brusquement.

Derrière la porte, la respiration de Lun est toujours erratique, et je guette une réaction de la part de Sora.
Je suis terrorisé, mais je sais que je pourrai pas rester là à attendre que quelque chose ne se passe, quoi que ce soit.

Tant pis. Après tout, j’ai en quelque sorte signé pour ça lorsque j’ai pris cet avion pour rejoindre Sora. Je savais les risques, je savais que Sora avait changé. Je savais tout ça. Et j’ai choisi de le suivre.

Lun est toujours derrière la porte, aussi je ne pourrai guère que l’entrouvrir, sans quoi il se la prendrait de plein fouet, mais peut-être arriverais-je au moins à détourner leur attention. Ma main n’a pas cessé de trembler, et je me sens pâlir encore davantage alors que j'insère la clef dans la serrure.

Je la tourne avec précaution, puis pousse doucement le battant.

“Sora !”





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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyMar 22 Sep 2015 - 1:45

On donne un coup de poing à ceux qui nous énervent, ceux qu’on déteste,  ceux à qui on veut du mal. Mais on ne donne une claque, qu’à ceux qu’on aime. Ceux qui se sont égarés, ceux qui ont besoin d’être remis en place, ceux qui sont allés trop loin. J’imagine que je réunis les trois traits en une seule personne.
J’aurais préféré qu’il me frappe.

Elle avait résonné dans tous l’appartement, et mes oreilles en vibraient encore. Je suis resté un bon moment planté là, abasourdi, choqué même, à essayer de remettre de l’ordre dans mes trois neurones restants qui rebondissaient sans relâche contre les parois de mon crâne. J’avais l’impression d’avoir été foudroyé, et je me retrouvais presque aveuglé par la myriade d’éclairs qui dansaient encore devant mes pupilles. D’ordinaire, j’aurais rétorqué du tac au tac avec un bon crochet du droit, mais pas cette fois.
Cette fois, je restais les bras ballants, hébété par la violence et le geste en lui-même.
Presque une minute s’écoula avant que je ne pose la main sur la joue qui me brûlait désormais autant que mon cœur, et mes yeux ne remarquèrent même pas le sang qui la tachait lorsque je la retirai.

J’avais joué un jeu dangereux. A quoi m’attendais-je ? Je ne sais pas. Est-ce que j’avais même envisagé la possibilité qu’il m’ouvre la gorge ? Probablement.  Est-ce que je savais qu’il ne le ferait pas ? Je n’en suis pas sûr. Je n’ai jamais vu Lun dans cet état. J’imagine que je l’espérais. Ou plutôt que j’avais besoin de savoir, quitte à y perdre la vie. Les récompenses sont à la hauteur de l’enjeu, et j’aime parier. Mais… Quel connard, tout de même ! A quoi je pensais en mettant nos vies sur la balance comme ça ? Tout ça pour savoir si je pouvais faire confiance à Lun ? Tout ça pour savoir si lui, me faisait encore confiance ? J’ai la certitude d’avoir la réponse à la première question, mais je n’ai fait qu’un petit pas vers celle de la deuxième.
Est-ce que tout ça en valait la peine ? Qu’est-ce que je suis en train de faire ? Qu’est-ce que je dois faire ? Difficile de trouver la réponse à ces questions quand on ignore ce qu’on désire véritablement.
Pourquoi  d’ailleurs ? Pourquoi je n’arrive même pas à savoir ce que je veux ? Comment peut-on continuer d’avancer alors qu’on ne sait même pas où l’on va ?

Mes yeux cherchèrent Lun, alors que des bruits sourds me faisaient lentement sortir de ma torpeur. Lui, avait l’air de savoir où il allait. Et c’était apparemment loin d’ici. La gifle m’avait un peu fait dessoûler, je crois, et je remerciais le ciel pour avoir pensé à verrouiller la porte.
Je ne l’aurais pas supporté. Que tu fuies sous mes yeux et disparaisse à jamais. Que le dernier souvenir que j’aie de toi soit une brûlure sur la joue et des cheveux blonds qui s’évanouissent dans l’obscurité du couloir. Hors de question.
Mais, qu’est-ce que j’espère à te garder enfermé ici ? Ce n’est pas comme si j’avais les mots pour nous réparer. Ce n’est pas comme si je le pouvais, non plus. Il faut des créateurs et des destructeurs pour que le monde tourne rond. Et je n’ai rien d’un créateur.
Je ne vois pas de Happy End à tout ça. Peu importe dans quel sens je tourne le problème. Je ne vois aucune Happy End pour nous deux.  Il n’y en a jamais existé. Pas dans ce monde, pas dans cette vie.
Mais cela n’a aucune importance. Je refuse de voir une End, quelle qu’elle soit. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour l’empêcher.

Toi et moi, Lun, ça se finira quand la mort nous prendra.

Et encore. J’imagine qu’on se reverra en Enfer. Quoique. Tu tiens plus de l’ange déchu que du démon. Lucifer aussi, tu me diras. Tu y ressembles. A un ange, pas à Lucifer, j’entends. Un ange aux ailes brisées qui s’est écrasé dans un monde de ténèbres qui n’est pas le sien, et qui ne peut en partir. Une créature perdue, épuisée et esseulée, mais dont les tourments sont au-delà de la compréhension des mortels. Le suis-je ? Probablement.
Je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi tu souffres autant, pas plus que la raison pour laquelle ta peine ricoche sur moi en m’éventrant le cœur. Tu ne le comprends sans doute pas non plus. Si tu savais, tu ne la laisserais pas faire, pas vrai ? Tu prendrais tout le malheur du monde et le garderait pour toi seul, si seulement ça pouvait épargner ceux qui te son chers. Comme toujours.

Je l’observais alors qu’il me tournait le dos. Stupide. Je n’ai pas besoin de voir ton visage pour savoir, Lun. La douleur qui irradie de ton être noirci chaque recoin de la pièce et rend l’air suffocant.
Je m’approchais doucement, comme s’il était un oiseau qu’il ne faut surtout pas effrayer de peur qu’il ne s’envole et disparaisse à jamais.
Il me demande de lui ouvrir la porte. Je ne répondis pas, refusant d’un hochement de tête silencieux qu’il ne pouvait voir. Continuant de me rapprocher à pas de loups, sans prêter attention au sang qui ne cessait de s’écouler de ma main,ni aux morceaux de verres qui étaient restés figés dans ma peau. Oh, bien sûr, ça me faisait mal. Un peu. Mais qu’est ce qui ne le faisait pas, actuellement ? C’était bien le cadet de mes soucis.

Je le vois se relever difficilement, puis retomber. Mon cœur se serrait dans ma poitrine. Jamais je n’avais vu quelqu’un dans un état si… pathétique. Qu’est-ce que j’avais fait ? Etait-ce vraiment de ma faute ? Est-ce moi, qui ait brisé tes ailes ?

Puis, deux mots, qui tombèrent comme une guillotine en tranchant ce qui me restait d’âme.

Tue-moi.

Si j’avais été un ordinateur, j’aurais fait un blue screen.
Mon cœur rate un battement, ma respiration se coupe brusquement, mon corps se fige instantanément, et le monde s’écroule avec fracas. La seule chose qui me différenciait d’une statue de pierre était les larmes qui courraient doucement, silencieusement, le long de mes joues. Cela faisait bien longtemps qu’elles ne m’avaient pas importuné, celles-là. Et pourtant, j’étais incapable de les retenir cette fois-ci. Je ne peux même pas dire que ce n’est pas l’envie qui me manque ; à cet instant t, je n’avais aucune envie. Je ne ressentais rien. Je ne pensais à rien. Je ne le pouvais pas.
Ces larmes n’étaient que les témoins interdits de la violence de toutes ces émotions que je refusais d’affronter. Je ne suis pas stupide. Je sais quand un combat est perdu d’avance, et qu’il vaut mieux opter pour la retraite stratégique.  Si je leur faisais face maintenant, je me ferais submerger. Et je ne tiens pas à finir noyé comme Lun. Qui nous ramènera sur la berge, si je me laisse aussi emporter ?

J’inspirais une grande goulée d’air, en sortant enfin la tête de l’eau. J’étais resté suffisamment longtemps immergé dans ma douleur pour en avoir la respiration irrégulière et saccadée. Tout ceci n’avait aucun sens. Le tuer ?
Je l’avais envisagé. Visualisé. Presque prémédité.
Quelle naïveté. Comme si je le pouvais.
Oh, bien sûr, j’aurais pu tantôt, sous le coup de la colère. Puis je l’aurais probablement regretté toute ma vie, j’y aurais pensé chaque soir, chaque matin, chaque heure, minute, seconde. Probablement aussi, jusqu’à ce que ma main ôte finalement une autre vie ; la mienne.

Avec horreur, je me surpris à penser qu'il serait de toute façon trop pénible de maquiller un crime maintenant qu’il y a son sang et des preuves partout dans l’appartement, puis me maudire d’être si faible mentalement. Je ne pouvais pas me permettre d’être sentimental. Pas avec mon… activité professionnelle. C’est beaucoup trop dangereux.
Heureusement, Lun ne l’était pas. Je pouvais au moins me cacher derrière cette excuse pour ne jamais avoir à faire le choix entre sa vie et la mienne.

Je n’avais toujours pas bougé. Le voir s’entailler le poignet devant moi me rappela brusquement à la réalité. Mon dieu, Lun, qu’est-ce que je, qu’est-ce qu’ils, qu’est-ce qu’on t’a fait, pour que tu sois aussi mal ? Comment as-tu pu simplement en arriver là ? Comment ?
Comment as-tu pu me demander de mettre fin à ta vie ?

La dévastation le disputait à la colère.

"Arrête… "
Un temps.
" Arrête-ça… "
Je serrais les poings à m’en blanchir les jointures.
"ARRÊTE CA PUTAIN ! "

L’orage avait éclaté. La colère avait pris le dessus le temps d’un éclair pendant lequel j’avais bondi sur lui, abattant ma main sur la sienne dans une claque retentissante pour envoyer valdinguer le couteau ensanglanté. Je crois que je me suis légèrement entaillé le doigt, mais je n’avais pas vraiment la tête à penser si oui ou non je pouvais attraper le sida comme ça.
J’avais entendu le bruit de la serrure. Narcisse ?

Qui d’autre, d’un autre côté ! Bordel, il avait vraiment le chic pour débarquer au pire moment, ce con !
Je n’avais que peu de temps pour réagir. S’il ouvrait la porte, Lun aura ce qu’il espérait tant et pourra fuir. Bien que je ne sois pas sûr qu’il soit en état, je n’avais pas envie de le découvrir. Je ne pouvais pas non plus empêcher Narcisse de rentrer. Je ne sais pas si Mia l’a prévenu que j’avais un visiteur, encore moins si elle avait mentionné son nom, mais dans tous les cas ça serait sujet de dispute et je n’avais clairement pas envie d’affronter Narcisse après tout ça. Avec un peu de chance, je pourrais faire d’une pierre deux coups et perdre les deux personnes qui me sont les plus chères dans la même journée, tiens ! Ca serait bien ma veine.

C’est ironique. Le ciel non plus, n’a jamais su se décider entre le soleil et la lune.

Je n’ai pas envie de perdre Lun. Je n’ai pas envie de perdre Narcisse non plus. Je n’ai pas envie de faire un choix.

Comme souvent en situation de crise, ma raison, débordée, se retire pour laisser libre court à mon instinct.
Mes mains encadrèrent tendrement le visage de Lun, et je déposais sur ses lèvres un doux baiser qui ne dura qu’une fraction de seconde. La poignée s’abaisse en même temps que mon nez qui se niche dans son cou. J'entends mon nom. Je ne réponds pas. A la place, je serrais mon cadet contre moi avec le désespoir d'un adieu potentiel. Une question que je n'osais pas poser.

"T’es qu’un con. "
On l'est tous les trois. Surtout moi.

J’avais juste envie de le prendre dans mes bras.
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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyMer 23 Sep 2015 - 3:34

La respiration saccadée de l’enquêteur ne fut que davantage augmentée par les actions du maître des lieux cumulées à la soudaine présence de l’acteur de cinéma dont la voix n’avait pu être ignoré.  Marv eu le sentiment d’être dans une situation à choix de non-retour. De ses yeux verts et rougis, rendus pénétrants par les larmes, l’alcool et le stress, la terreur était palpable. De fins tremblements venant remplacer toutes possibilités de se battre contre son ami et de fuir de cet appartement. Narcisse faisait rempart à son évasion. Il faudrait se retourner, l’affronter et il s’en sentait incapable.
Essayant de se rattraper aux branches de l’horreur, l’homme enfonça sa main aux ongles ronds dans la poitrine de Sora, s’accrochant à son tee-shirt. Son visage se dissimulant dans sa poitrine. Si Sora avait pu lire en lui, il aurait senti à quel point le gouffre était profond.
Là-bas, il y avait l’académie dont il y avait été renvoyé, des amis, sa famille. Ici, il y avait Sora. Et Narcisse. Et entre les deux, il n’y avait que des lieux imprécis où il faudrait se rendre pour fuir les deux rivages.

Il ne voulait pas se retourner et bouger des bras, il ne fallait pas que Narcisse de Lioncourt le voit ainsi. Pas maintenant, pas comme ça. Jamais Lun ne se pardonnerait de lire dans les yeux de l’autre homme de la colère ou de la tristesse. Jamais il n’affronterait la culpabilité qui l’affligeait déjà actuellement et qui se multiplierait s’il devait affronter les émotions d’un autre. Il n’était rien dans la vie de Sora et Narcisse et il venait pourtant la chambouler sans aucun droit. Pourquoi n’était-il pas assez raisonnable pour se tenir à l’écart ? Un grain de sable dans un rouage amoureux qui avait toujours fonctionné. La honte l’affligeait plus que tout le reste. Comment osait-il entrer dans leur nid d’amour ?

Lentement Lun s’écarta de Sora, avec une pudeur désolée de se détacher de lui à nouveau. Sa main effleura sa joue. Décidemment, le garçon avait grandi. Le plus jeune soupira : « Baka. » En japonais, par maladresse et habitude. Parce qu’il vivait là-bas depuis trop longtemps maintenant pour que ce ne soit pas la langue lui venant naturellement.
Il n’adressa un regard ni à l’un ni à l’autre, se contentant de se diriger vers le bar, d’attraper une bouteille et d’entrer dans la première pièce disponible. Les deux autres devaient parler et ce n’était pas à lui d’interférer dans cette discussion. Que Sora se débrouille ! C’était son histoire d’amour, son mec, ses problèmes. Lun eu un sourire à cette pensée, pincée et crispée par la douleur.

Les larmes coulaient, mais elles n’étaient plus visibles par les autres. Il pouvait se le permettre. Il pouvait se permettre de souffrir de sa vie passée à essayer de fuir les monstres avant de les combattre. Il pouvait se permettre de pleurer ses amours perdus, déçus et les choix qu’il avait fait. Si Judith et Philip n’avaient pas été là, il aurait surement fini une aiguille dans le bras chez un quelconque connard, des écouteurs dans les oreilles et le monde défilant sans lui sur la carte.  

La pièce où il se trouvait était accessible par une arche ouverte de ceux que les gens du peuple ne verront que dans les films ou les musées – pour peu que les gens fréquentent encore les musées aux États-Unis.  Victor Hugo l’avait prédit : Ceci tuera cela.

La pièce ouverte donnait accès à un espace de jeu. Pas de ceux des enfants avec table à dessin et jeux de petits chevaux. Ceux des adultes qui n’en ont pas. Une table de billard, des tables de jeu et des jeux de fléchettes donnaient l’ambiance générale. Au travers de ce lieu vide de toute autre présence, Lun pouvait sentir les fantômes des personnes venant en soirée ici. Entendre leurs rires, sentir leurs verres se poser avec trop de brusquerie sur le bois fins, les cartes être distribuées, les rires être échangés.
La réalité le frappa : Narcisse et Sora vivaient ici en ménage heureux. Ils avaient leurs habitudes, leurs clés respectives, leurs amis et leurs projets. Il sourit, un peu naïvement avant de s’asseoir à une table de jeu y déposant la bouteille d’alcool.

Sa respiration était toujours aussi irrégulière. En réalité, les traits de l’homme étaient aussi blancs que ceux des malades sur le point de sombrer dans une crise d’hypoglycémie, ses lèvres étaient quasiment bleus, ses yeux rouges et creusés, et de la sueur suintait de son front.  Malgré ça, Lun contrôlait son corps assez facilement, jusqu’à la respiration accélérer d’un cœur voulant sortir de sa poitrine. Il avait l’habitude des sauts d’humeur de son organisme. Il pensa qu’il n’était pas aussi faible que Sora et Narcisse. Que rien ne pouvait l’achever, rien.

L’homme sorti une trousse noire de sa sacoche. Il l’ouvrit nerveusement, pour en sortir deux plaquettes de médicaments. De la première, Lun retira deux cachets. Et de la seconde, une petite pilule. Il avala rapidement les trois, un par un, avec une gorgée d’alcool. A la suite, il sorti une seringue translucide, contenant déjà du produit. Il retira la sécurité, remonta sa manche, remonta l’élastique à son poignet jusqu’à son bras, au-dessus de la saignée. Il attendit un peu, avant de planter l’aiguille. Il appuya dessus, serrant la mâchoire sous la douleur.

Le blond rangea son matériel, soupirant d’aise. Ces gestes l’avaient calmé, autant que les médicaments. Les tremblements de sa main se calmèrent et sa peau repris une couleur plus convenable bien qu’encore pâlotte. Il remit la sacoche autour de lui. Lun sorti son téléphone portable, hésita à répondre aux messages d’Eden mais préféra les ignorer pour l’instant. Le brun semblait vaguer à ses occupations et il était trop tôt pour qu’il s’inquiète sérieusement.

Les doigts de Lun s’arrêtèrent sur la bouteille, jouant avec. Ses yeux regardant avec curiosité la pièce. Soudainement, il eut l’impression qu’il n’avait pas à être ici. Narcisse et Sora avaient sans doute à échanger et Lun n’avait pas à les espionner ou les entendre. Il regarda la porte menant à la terrasse et décida de s’y rendre. Il allait leur laisser un temps à deux. Le temps que Sora explique, le temps qu’ils puissent se voir. Parce que Narcisse en aurait sans doute besoin :
Et que lui avait besoin de calme.

L’homme fut un peu surpris de voir qu’une barrière avait été disposée entre celle-ci et l’autre côté de la terrasse menant directement au salon. La petite terrasse menant à une autre pièce. L’homme voulu y rentrer, espérant y trouver un salon privé où dormir parce que le repos lui semblait salutaire à tout autre option actuelle. Seulement la porte était verrouillée. Décidemment, tout était fermé dans ce satané appartement !

Il était hors de question de rentrer à nouveau dans la salle de jeu. Il n’avait aucunement envie de tomber sur une bouche à bouche réconfortant entre les deux autres. Lun évalua la barrière. Elle devait mesurer un mètre trente, tout au plus. Il n’hésita plus et la franchit rapidement, ses bras passant par-dessus. Il sauta sur le sol et tomba. La bouteille d’alcool sonnant dans son sac. Quel abruti, un peu plus et il sentirait le poivrot de riche. Il rit amusé, de cette chute. Evidemment, il n’était pas encore en état de faire un parcours sportif. Imbécile. Ce soir, il irait se défouler. Il en avait besoin. S’il survivait à cette journée.

L’homme se dirigea vers la piscine. Il s’assit à côté d’elle. L’eau était chauffée, mais froide face à la chaleur étouffante. L’heure avant avancée depuis son arrivée et le soleil était désormais assez haut dans le ciel. Sans doute avait-il sauté l’heure du repas. Pas certains toutefois qu’il est envie de voir les deux autres préparer la cuisine à la façon des téléfilms américains.

Avalant un peu de l’alcool, Lun déposa la bouteille et sa sacoche à côté de la piscine. Il retira ses chaussures et se laissa glisser à l’intérieur. L’eau lui fit instinctivement du bien. Il s’enfonça dedans, disparaissant intégralement. L’image de son bonnet, resté entre les deux autres hommes lui vint en mémoire.

Les larmes lui brulèrent les yeux. Une dispute, un câlin, un bisou et tout irait à nouveau bien dans leur adorable petit couple ? L’homme voulu rester sous l’eau, le plus longtemps possible, mais il remonta pour respirer. Il pourrait reprendre l’arme à feu et tirer. Sur eux. Peu importe qu’on sache son identité en bas. Il aurait le temps de quitter le pays, le temps de fuir. Le temps de disparaître. Il était assez bon pour ça.

Il pourrait sauter. Là, maintenant. Mourir et gâcher à jamais leurs bonheurs. Jamais ils ne s’en remettraient. Jamais. Ce serait une vengeance pour leurs cruautés. Pour ne pas voir qu’il existait assez. Pour l’avoir ignoré aussi longtemps.

Il pourrait simplement partir. C’était la solution la plus simple. Les deux autres ne devaient pas être restés près de l’entrée pour discuter. La porte était désormais ouverte. Il n’était pas en prison. Ni Sora, ni Narcisse ne l’empêcherait de franchir la porte.

Il remonta sur le bord de la piscine et s’assit, là. Tôt ou tard, on viendrait le chercher. Non ? Et s’ils l’oubliaient là, il deviendrait peut-être une naïade. Il resterait à vivre dans l’eau de cette piscine et apparaitrait en fantôme aux autres.

L’homme rit doucement, sortant son paquet de cigarettes. Une pause s’imposait.

Ce fut stupidement à cet instant qu’il déposa ses yeux sur ses poignets où le sang s’écoulait toujours de ses plaies ouvertes. Lun glissa la main dans ses cheveux. Il devait partir. Vite, rapidement et bien. Il devait fuir cet endroit. S’il ne le faisait pas …

Les bouts de ses doigts se déposèrent sur ses lèvres, les effleurant, alors d’un spasme de douleur l’envahi. Il eut un frisson.

Je ne te le laisse pas le choix entre lui ou moi. Je ne te laisse qu’un choix : lui. Parce que tu l’as déjà fait, il y a longtemps. Parce qu’il a tout fait pour toi. Il a tout sacrifié, toute sa vie. Il t’a suivi sur une simple promesse sans parole, un simple billet d’avion. Il t’a suivi et t’accepte tel que tu es. Je ne sais pas si je suis capable d’autant.

Trempé jusqu’aux os, la clope à ses lèvres, Lun était à l’envers de tout ce qui était vraisemblablement convenable. Le pire, c’est que malgré tout, malgré tout ça, il était joyeusement adossé contre un mur, à fumer, les écouteurs désormais sur les oreilles, la drogue dans le corps, l’alcool pris à dose régulière et le téléphone portable à la batterie se déchargeant à vue d’œil à la main.

L’avantage de tout ça, c’est qu’à cette hauteur, il captait vraiment bien ! Il avait l’impression de pouvoir envoyer un message directement à Dieu. D’ailleurs, ce fut le nom qu’il choisit dans la liste de contact. Parce qu’ainsi Eden était nommé. Le dernier message que le garçon lui avait envoyé lui indiquait qu’il partait dans une ville à coté pour visiter un casino et des bars et qu’il rentrerait tard dans la soirée. Il demandait à Lun de le prévenir s’il comptait le rejoindre et dans le cas contraire de lui dire quand il serait au motel.
Un instant le blond se demanda si son ami avait l’intention de ramener une fille dans leur chambre. C’était bien son genre. Après tout, il avait eu l’air moyennement ravi quand l’enquêteur avait insisté pour partager la même. « On est plus des enfants, Lun. Je veux mon intimité. » Et lui voulait pouvoir fermer l’œil. Eden était rassurant, parce qu’il avait cet avantage qu’il ne le toucherait jamais. Il lui avait dit un fois s’être posé la question avant de réaliser à quel point c’était incestueux. Ils étaient plus frères que n’importe quel autre lien du sang.

Lun augmenta le son de son portable et le déposa à côté de lui. Il regarda le ciel bleu au-dessus de lui, fermant les yeux. Ses bras reposant entre ses jambes repliées. Imbécile, tu ne m’as jamais laissé aucun espoir auquel me raccrocher et je suis encore là à y croire. Encore là à attendre un verdict que je connais déjà.

Non. Il ne partirait pas. Pas cette fois. Que Sora fasse un choix. Qu’il le regarde droit dans les yeux et lui demande de partir. Qu’il lui dise que Narcisse est l’amour de sa vie, qu’il est bien avec lui et qu’il ne veut plus jamais le voir. Alors il disparaitrait. Cette fois-ci, il ne serait pas le connard qui abandonne. Que Sora lui brise une dernière fois le cœur et lui rappelle sa place. Alors il la garderait à jamais.

Je suis peut-être sur ton terrain, tu es peut-être désormais plus fort, tu gagneras peut-être ce combat, mais crois-moi : je ne partirais pas sans me battre une dernière fois.

Narcisse …

Et merde. Si seulement ce type pouvait être détestable. S’il pouvait être infidèle, stupide ou peu aimant. Si seulement Lun ne savait pas qui il était. S’il ne savait pas à quel point il ne pouvait rivaliser ni sur la gentillesse, ni sur la beauté, ni même sur tous les autres plans. Est-ce qu’un seul jardinier choisi de détruire les jolies fleurs et de garder les mauvaises herbes ?
C’est tout simplement stupide. Sora aime Narcisse. Narcisse aime Sora. Lun sait cela. Il sait aussi qu’il ne peut pas voler l’amour de quelqu’un. Il n’en a pas le droit. Alors, il lui faut partir. Et pourtant, dans cette douleur qui est la sienne, dans ce monde destructeur où il se trouve, son cœur hurle au secours en direction d’un abruti qui ne comprend pas. Il ne comprend pas qu’au milieu de toutes ces peurs, de toutes ces douleurs, de toute cette souffrance, il y a une croix qui lui est gravée dans la peau. Un espoir, vers qui vont toutes ses prières.

Si Narcisse n’était pas arrivé ?

Si Narcisse n’avait pas été là ?

Si Narcisse n’était pas rentré ?

Alors Lun l’aurait oublié. Il aurait oublié ses promesses silencieuses envers lui. Il aurait oublié la sagesse. Il aurait fermé ses bras autour de Sora. Ses lèvres posées sur les siennes, il ne les aurait lâchés que pour respirer et mieux les reprendre. Il lui aurait dit cette phrase banale qu’il ne sait plus dire. Il lui aurait dit de ne jamais l’abandonner. Il lui aurait dit Adieu avant de dire l’inverse.

Si Narcisse n’était pas rentré, Lun aurait simplement abandonné le combat et aurait laissé son cœur parler. Il aurait laissé sa vie entière à ces mains rudes et maladroites. Et tant pis, si l’avenir n’était pas construit. Tant pis si rien n’était comme les autres. S’ils n’avaient pas la vie des gens heureux. Il l’aurait eu lui, et ça lui aurait suffi. Mon tendre amour …

Merci d’être arrivée. Merci de ne pas m’avoir fait commettre cette faute. Rassure-toi, …

J’abandonne là.

L’homme termine la bouteille, là. Plus d’un quart d’heures s’est écoulé et pourtant pas une présence visible. La musique continue à siffler dans ses oreilles. Et bercé par elle, il en oublie le temps.  Il regarde au travers de la vitre, il cherche à voir à l’intérieur. S’ils ne les voient pas, il se rapprochera. Et s’ils ne sont plus à l’intérieur du salon, il rentrera par là où il est venu.

Et si … si c’est le cas. Il partira.

Tellement de si.

Tellement de si, qui dépendent d’actions qu’il ne peut contrôler.

Et s’ils sont là ?

Alors il partira tout de même, il passera devant eux. Il passera devant eux, jusqu’à la porte, l’ouvrira et partira.

Sauf que trente minutes se sont écoulées.

Et nul ne sait ce qui s’y est passé.

Au final, dans quelques minutes, il fuira s’il n’y a personne dans le salon.
Il fuira s’ils y sont.
A moins qu’il ne s’endorme avant.

Les trois dés en seront jetés.

Lun soupire, doucement. Il se rassure ainsi. Il gardera le contrôle de la situation. Si Sora ne peut faire un choix, alors il acceptera d’abandonner. Et pourtant, tant que ce n’est pas à son tour de jouer, impossible de savoir le score qui en ressortira. Même s'il doutait que le résultat en soi inférieur à trois.


 
Les oiseaux se cachent pour mourir et les panthères pour souffrir.


Brève de vie.

 "Pour noël, tu sais ce que j'aimerais ?" Lun rit doucement, les bras se tendant vers le ciel, essayant d'attraper un rayon de soleil venant se poser sur sa peau. "Je voudrais qu'on parte en Norvège ou dans un autre pays froid. Je veux de la neige, des chocolats chauds et un feu de cheminée." Il se retourna, surpris en direction de son ami déjà endormi et sourit bêtement. "J'aimerai bien parfois que tu m'écoutes. Assez pour entendre ce que j'ai à te dire ... Comme par exemple ..."


***


Réalité alternative

Le verre avait saigné le cou si brusquement que Lun avait vu le sang avant tout autre chose. Il regarda les yeux de Sora, ne semblant pas vraiment surpris. Puis, il le vit tomber. Le sang gisant, et lui cherchant sans doute les derniers gestes de vie. Sans la moindre chance. Le coup était précis. Lun voulait tuer. Alors il avait tué. Il regarda Sora sur le sol, se penchant vers lui pour lui embrasser les lèvres. Il senti sa main sur lui. Il tenta de le faire lâcher, mais malgré la mort, Sora avait de la force. Il le tira davantage vers ses lèvres et Lun senti le gout acre du sang sur sa langue. Il soupira, s'asseyant sur le corps ... Puis son regard s'agrandit sous l'horreur. Il pressa ses mains sur son cou, le serrant si fort qu'il aurait pu l'étrangler s'il ne l'avait pas déjà saigné. Ne meurs pas. Ne meurs pas. S'il te plaît ... Sora ne meurs pas.

Les larmes coulaient, en vain. Ce n'était pas celles de Raiponce. Elle ne ramenaient pas à la vie.

Dans un dernier souffle, Lun cru entendre Sora lui dire : "je n'ai jamais cessé."

Il se redressa, vacillant, tremblant. Avant d'attraper l'arme. Il ne tarda pas à remettre le chargeur. Il se rapprocha de Sora, posant la tête de ce dernier sur ses genoux, terminant une bouteille de whisky au gout affreusement mauvais. Puis ... Il appuya sur sa tempe, enlaçant pour la dernière fois ce connard.


***

Et pendant ce temps là.

Eden Indentshi n'était pas vraiment le genre d'homme à refuser un combat, surtout quand c'était aux poings. Ce fut donc avec un regard goguenard qu'il regarda la baston entre les ivrognes du bar où il buvait tranquillement. Et sans attendre d'y être invité, il se leva, s'approcha et dit d'une voix - où il semblait accentué avec plaisir son accent japonais : "bah alors les ricos, on se refait Pearl Harbor ?" Avant d'éclater d'un rire cynique. A cet instant, il reçu un message dont la sonnerie lui était bien connu. Merde, Lun. Regardant le texto de ce dernier, il ne vit pas arriver le ricochet dans sa tête.
Putain de connard de blond d'anglais. Même pas là, il venait lui attirer le mauvais œil.

 


Dernière édition par Lun Marv le Jeu 28 Jan 2016 - 14:16, édité 1 fois
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Narcisse De Lioncourt
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Narcisse De Lioncourt


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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyVen 22 Jan 2016 - 14:17


Spoiler:






Les éclats de voix, plus violents que jamais, reprennent à l'instant précis où je mets la clef dans la serrure. Trop tard, cependant : je n'ai pas l'intention de rester un instant de plus sur le palier, et Sora sait de toute façon que je suis là, à présent.

Je ne sais pas ce que je vais trouver derrière cette porte – ni réellement ce que j'ai envie d'y trouver - mais c'est d'une main soudain plus ferme que je pousse le battant. Quoi qu'il se passe, je veux être avec lui.

La première chose que je constate tandis que la porte s'ouvre, c'est que Sora comme Lun se sont tus, et le silence qui s'est abattu sur la pièce n'est rompu que par mon fait.
Je baisse calmement les yeux, les découvrant blottis l'un contre l'autre à même le sol, et si mon cœur se serre en les voyant, ce n'est pas par jalousie.
A quelques pas de là, un couteau couvert de sang gît sur la carrelage maculé de rouge. Je me sens pâlir, mais je ne bronche pas : je m'étais préparé au pire, après tout. Je tremble de nouveau en faisant un pas dans la pièce, et mon regard revient sur Sora et Lun. Ce dernier a enfoui son visage contre le torse de Sora, comme par honte, et je me prends à avoir pitié de la créature brisée que je découvre derrière ce geste. Il semble si fragile... Et quelque part tellement plus menaçant à mes yeux dans cette position de faiblesse que s'il s'était montré agressif.

Je veux comprendre, je veux les secouer tous les deux, je veux qu'ils m'expliquent ; et par dessus tout, je veux pouvoir serrer Sora contre moi, mais je reste muet, droit comme un i et pâle comme la mort, à attendre un geste de leur part.

Ce n'est pas mon combat, et ce n'est pas mon histoire qui se joue ici : je ne suis que spectateur, et si je brûle d'envie de me précipiter vers l'homme que j'ai suivi au bout du monde, je n'en fais rien.

C'est finalement Lun qui bougera le premier : lentement, il déplie ses doigts crispés, et se lève doucement, entraînant Sora avec lui. Je n'ai toujours pas bougé, mais mon esprit travaille à toute vitesse : il ne me faut qu'un instant pour noter mentalement les blessures de l'un et de l'autre, et si celles de Sora n'ont pas l'air sérieuses (bien que je ne puisse m'empêcher de m'en inquiéter plus que de mesure), celles de Lun demanderont probablement de l'attention.

Lun s'est éloigné, s'emparant d'une bouteille sur le bar, et je dois déployer des trésors de volonté pour ne pas me ruer sur Sora. Comme moi, il suit Lun des yeux, et je retiens mon souffle, conscient qu'un acte de la pièce est sur le point de se terminer – un acte dans lequel je n'ai pas à jouer.
Je ne m'autorise à respirer que lorsque Lun a quitté la pièce : je sais que je devrai m'inquiéter plus tard de savoir où il est allé, et s'il va bien, mais pour l'instant, l'acte II vient de commencer, au moment précis où il a refermé la porte, et c'est à moi d'entrer en scène.

Toutes les barrières que j'avais eu tant de mal à ériger un instant plus tôt derrière la porte d'entrée viennent de céder, et je franchis les quelques pas qui me séparent de Sora pour prendre son visage dans mes mains, le dévisageant à la recherche d'un quelconque signe de faiblesse ou de douleur.

J'ouvre la bouche pour dire quelque chose, en vain : je ne fais que rester là, la lèvre tremblante, et je finis par enfouir mon visage contre l'épaule de Sora pour camoufler ma soudaine perte de sang froid. Ma gorge me fait un mal de chien à forme de me retenir de pleurer de soulagement, et je dois prendre plusieurs grandes inspirations pour me ressaisir.

« Mon dieu... » je murmure en français, le visage toujours dissimulé. Je continue, en anglais pour que Sora me comprenne : « Pourquoi faut-il toujours que tu me fasses de telles frayeurs, hein ? »

Je sais que lui faire des reproches n'est pas exactement l'approche idéale, mais je suis encore trop choqué pour penser à quoi que ce soit de réellement approprié.

« Regarde toi... »

Je m'écarte légèrement, les bras toujours posés sur sa nuque.

« Vous ne savez vraiment pas comment être simplement amis, tous les deux, hein ? »

J'ai beau ne pas vraiment connaître leur histoire, je peux deviner que leurs tendance respectives au drame et aux catastrophes en tous genre y joue sûrement un rôle.

Je me mords la lèvre, à deux doigts d'ajouter quelque chose, mais me ravise. Sora ne m'a jamais dit ce qui l'avait poussé à quitter le Japon, et je n'ai jamais été assez stupide pour demander, mais il ne m'a guère fallu longtemps pour le deviner, ou tout du moins, avoir de sérieux doutes. Quelque part, je me dis que ce qui a poussé Lun a venir chercher Sora jusqu'ici a peut-être un lien avec toute cette histoire, mais je préfère le garder pour moi. C'est ironique, d'une certaine manière : moi qui ai passé ma vie à fourrer mon nez dans les affaires de mes conquêtes, à vouloir tout savoir, et à constamment chercher la petite bête, voilà que je joue l'ignorance... Mais c'est un moindre mal, évidemment, si cela peut permettre à Sora de trouver ne serait-ce qu'un peu de tranquillité auprès de moi.

Mes doigts viennent effleurer sa gorge, plus légers que l'air, et je finis par lever les yeux vers lui.

« Il faut qu'on s'occupe de ça, Sora. Et puis il faudra qu'on s'occupe de lui. »

Me décollant de lui à contre-cœur, je tâche de reprendre mon calme, tandis que ma main cherche la sienne, machinalement.

« Il faut... » Je fronce les sourcils, rassemblant mes esprits du mieux que je peux. « Il nous faut du desinfectant, et... »

Je finis par capituler, incapable d'aligner des phrases cohérentes, et l'entraîne par la main jusqu'à la salle de bain, sans vraiment lui laisser le choix.

Là, je commence à fouiller machinalement dans les placards, sans vraiment oser me tourner vers lui, et je réalise avec agacement que mes mains n'ont pas cessé de trembler. Je me sens pathétique.
Attrapant du coton et du désinfectant, je fais volte-face et, affichant l'air le plus assuré possible, je m'empare à nouveau de sa main, et commence à nettoyer la plaie qui s'y trouve.

« J'ai eu vraiment peur, tu sais, » je commence doucement. « Je ne sais pas vraiment à quoi je m'attendais quand j'ai entendu sa voix, mais... »

Je m'interromps, le temps de remettre un peu de produit sur mon morceau de coton.

« Je vous ai... entendus. Enfin, juste la fin, hein... J'ai entendu des cris, et... »

Je soupire.

« Mon dieu, ce qu'il peut être dramatique ! » je lâche finalement. Je rigole tristement. « Et venant de moi, ça veut dire beaucoup ».

Jetant mon coton pour un prendre un autre, je commence à m'occuper de sa coupure à la gorge.

« Sora, » dis-je à mi-voix. « Tu sais que je ne te demanderai jamais de comptes. Tu sais que quoi qu'il se passe, quoi que tu fasses, je ne partirai pas... Tu le sais, n'est-ce pas ? »

Je secoue la tête de gauche à droite, comme pour chasser quelque chose.

« Je suis désolée. Voilà que je redeviens dramatique à mon tour. Vous déteignez sur moi, tous les deux... »

Je me mords la lèvre, un peu honteux de débiter des choses aussi mièvres.

Levant enfin les yeux vers lui, je reste un instant silencieux, mon regard fixé au sien. Et, doucement, mes doigts toujours posés sur sa gorge, je me penche pour l'embrasser.





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Sora Kumori

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MessageSujet: Re: Là où vont mes pas.    Là où vont mes pas.  EmptyMar 2 Fév 2016 - 16:06

La façon dont Lun s’était accroché à moi me donnait l’impression d’être… un tronc d’arbre. Un solide tronc d’arbre,  au milieu d’une rivière en crue qui arrachait tout sur son passage. Un tronc d’arbre qui ne plierait pas contre la furie des eaux, et par conséquent était le seul refuge auquel s’accrochaient avec désespoir les pauvres âmes à moitié noyées.
Une impression très désagréable, en plus d’être sans doute très loin de la réalité.

Le petit koala fini par se détacher. Il avait l’air d’avoir retrouvé la paix.
Je m’étais relevé, hagard, et suivait d’un regard vide Lun s’éloigner. J’imagine que je devrais me réjouir qu’il ait choisit de fuir en s’enfonçant encore plus avant dans l’appartement, plutôt que par la porte de sortie. Cela m’offrait un temps désormais précieux pour réfléchir à tout ce merdier, avec du recul et un esprit clair. Pour tant est que je sois actuellement capable d’avoir l’esprit clair.
Enfin, ce n’est pas comme si Lun avait vraiment eu le choix. Je doute qu’il eut le courage  de forcer le passage à Narcisse, dans sa misérable condition actuelle.  Le timing de ce dernier n’était au final, pas si mauvais, et une part de moi-même remerciait son intervention providentielle.
L’autre la haïssait autant que moi-même, car elle lui avait permis de nous voir tous deux dans une situation plus que pathétique. Probablement la plus pitoyable démonstration qu’il n’ait jamais vue de ma part, avec mes yeux rouges et mes larmes difficilement masquées par la main de sang qui m’ornait la joue. Je n’aime pas exposer mes faiblesses. Encore moins en avoir des témoins extérieur, qui, de surcroit, me sont proches. Et quand le témoin en question n'est autre que Môssieur Narcisse De Lioncourt, autant dire que c’est l’ultra combo du pompon sur la Garonne.
Même si, en l’occurrence, je n’ai pas besoin d’exposer quoi  que ce soit pour que Blondie comprenne. A l’instar de mes activités douteuses, on n’en parle pas, parce qu’on n’a pas besoin d’en parler –et surtout que je ne veux pas en parler. Il n’y a rien à en dire, de toute façon. Il n’est pas stupide. Il a suffisamment de jugeote et de déduction pour comprendre par lui-même, et il sait m’analyser sans aucun doute mieux que n’importe qui. D’un autre côté, personne n’a jamais eu une telle obsession pour moi, ce qui a du faciliter la tâche.

Lun s’était éclipsé en l’espace d’un battement de cils –ou alors l’overdose d’émotion et l’alcool avaient distordu ma perception du temps- et je le reléguais mécaniquement en tâche de fond. Je ne l’oubliais pas pour autant ; je gardais à l’esprit qu’il faudrait m’assurer qu’il aille bien et surtout qu’il ne fasse pas de connerie. Mais je pense qu’on avait tous les deux mérité, et surtout besoin d’un break.
Je réalisai brusquement que Narcisse venait juste de me voir en train de serrer Lun dans mes bras, et je priais silencieusement le ciel pour que 1) il n’aie pas vu que nos lèvres se touchaient quelques secondes plus tôt et que 2) il ne me fasse pas de reproche. Naviguer de crise en crise était un peu l’histoire de ma vie, mais je n’avais vraiment pas l’énergie de rempiler après cet épuisant chapitre.
Je focalisais donc mon attention sur Narcisse –j’ai toujours eu du mal à faire autrement quand il est dans les parages, de toute façon – et, pétrifié d’appréhension, le fixai alors qu’il s’approchait de moi. J’avais l’impression d’avoir ce faciès pitoyable  du gamin qui s’attend à se faire taper sur les doigts, et je l’effaçai –ou plutôt él’talai- du revers de la main, en même temps que mes larmes presque sèches.
A l’observer de plus près, je constatai avec soulagement qu’il n’avait pas l’air en colère, mais surtout bouleversé.
Oui. J’imagine que je peux te l’accorder, cela peut probablement être légèrement choquant de rentrer chez soi pour se trouver nez à nez avec ce genre de tableau. Enfin, de là à se mettre dans un pareil état, il est tout de même un peu… fragile. Mais je le préfère fragile plutôt qu’hystérique, puisque c’est beaucoup moins fatigant à gérer. J’esquissais un sourire gêné alors que je me permettais de relâcher un peu la pression, mais, lorsqu’il arriva à ma hauteur pour prendre mon visage dans ses mains, le monde entier se tut.

La vie est, par définition, bruyante. En permanence. Le silence n’existe qu’artificiellement.  Et d’ailleurs, tout un chacun a sa propre mélodie, que les gens appellent plus vulgairement "pensée" ou "esprit". La mienne est une sacrée cacophonie qui n’a ni sens ni but autre que de faire le plus de bruit possible. Imaginez un orchestre qui joue de la dubstep avec des cœurs de punk. Hé bien c’est encore pire. Et c’est pas joli joli à entendre.
Heureusement, Narcisse avait cette fascinante capacité de réduire le monde au silence en un claquement de doigts. Ou en tout cas, le mien. La plupart des gens s’isolent du monde en se mettant dans leur bulle". Je ne dispose pas de cette faculté, aussi Blondie en créait une pour moi.
Il ferait tout aussi bien de penser à lui, cela dit. La panique qui l’agitait me dépassait, et je renonçais à y trouver sens. Je l’entourai de mon bras valide et déposai un baiser sur ses cheveux, soupirant lentement lorsque le son de sa voix rompit le silence en me ramenant à la cruelle réalité.

"Quelle frayeur ? Relax B, tout va bien. "

Tout va bien.  Je reconnais, certes, être vaguement culotté de soutenir que tout va bien, tout en me tortillant pour éviter de le tâcher avec mon propre sang. J’en ai sur la joue et sur les fringues, j’ai la gorge entaillée et la main ouverte, mais t’inquiète frère, la vérité, O-K-L-M !
Je sais. Je suis un piètre menteur en ce qui concerne les petits mensonges pour rassurer ou réconforter. Je suis un piètre menteur tout court, à vrai dire. Sauf au tribunal, il en va de soi ; un plus grand enjeu mérite plus d’efforts.
Le pique qu’il avait lancé sur l’instabilité de ma relation avec Lun avait fait mouche. Mi vexé, mi agacé, je laissais mon bras retomber le long de mon corps et détournais la tête pour chercher du regard l’homme en question. Il n’était plus dans la salle de jeu, aussi jetais-je un bref coup d’œil vers la piscine, étant donné que je ne l’avais pas vu repasser devant nous et que la pièce n’avait pas d’autre issue. Il ne s’était apparemment pas encore noyé, et n’avait pas non plus sauté dans le vide, ce qui fit naître un effroyable sentiment de soulagement en moi. Après réflexion, je ne suis pas sûr que ça soit une bonne idée de le laisser seul et hors de portée. Il m’a quand même très sérieusement demandé de le tuer.  Ce n’est décemment pas quelque chose que je peux faire semblant d’oublier. Mais chaque chose en son temps.

"En effet. " La sincérité glaciale de ma propre réponse m’hérissa le poil.

En effet, Narcisse. Lun et moi ne savons pas comment "être simplement ami". Je ne sais pas comment "être simplement ami" avec qui que ce soit. C’est juste d’autant plus flagrant avec Lun, parce que lui compte plus que n’importe quel autre.
Ses doigts qui effleurèrent doucement ma gorge apaisèrent brièvement l’exaspération qui naissait en moi. Puis, vint encore une parole de trop. Je le coupais d’une voix grave dont le ton ne laissait pas de place à la discussion.

"Qu’on s’occupe de lui ? Ne parle pas de Lun comme d’un enfant ou d’un animal. Reste en dehors de ça. T’as rien à voir là-dedans. "

Je pourrais faire preuve d’un peu plus de tolérance avec lui, surtout qu’il ne pensait pas à mal et que son état d’agitation a l’air presque aussi intense que le mien quelques minutes plus tôt.
Mais. Je. N’aime pas. Qu’on se mêle. De mes putains d’affaires. Et je n’aime pas non plus qu’on parle de choses qui me sont chères avec dédain. Lun en fait partie. ET LE YOYO EST PASSE DE MODE DEPUIS BELLE LURETTE, AUSSI J’AIMERAIS QU’ON ARRETE D’Y JOUER AVEC MES NERFS !

Putain. Ok. Calme. C’est contreproductif de s’énerver contre la seule personne qui veut et surtout peut m’apporter un peu de paix et de tranquillité. Et puis je ne vais quand même pas tomber dans le cliché du mec violent qui bat sa femme sur un coup de sang, et qui le regrette cinq minutes plus tard, tout ça pour recommencer de plus belle la semaine suivante. Merde.
Ta gueule. Je sais que Narcisse n’est pas une femme, mais c’est tout comme. Et oui, oui, ça m’arrive encore d’exprimer mon mécontentement de façon… physique. Mais c’est exceptionnel maintenant. Juste quand il dépasse vraiment les bornes. Techniquement, on pourrait même dire que je ne lève pas la main contre lui ; frapper quelqu’un, ça laisse des bleus, et c’est trop voyant. De toute façon, je crois même ne l’avoir jamais frappé de ma vie. Trop violent. Et puis, j’aurais peur de le casser. Par contre, tordre une articulation ne laisse aucune trace, et  les coupures et autres brûlures ne sont que des malheureux accidents du quotidien.
Alleeeez, n’appelez pas la SPA, ça n’arrive quasiment jamais ! Je suis beaucoup plus modéré qu’avant. Et je me contrôle plus. Ok, sauf quand je ne suis pas sobre, je reconnais ; c’est bien pour ça que je  ne prends habituellement pas de drogues quand il est là. Et… C’est juste plus fort que moi. Il y aura toujours cette petite voix sournoise au fond de moi qui le déteste profondément. Ce sale petit démon qui n’acceptera jamais sa propre défaite.

Sa défaite, oui. Parce qu’une partie de moi considère ce dénouement comme une défaite. Narcisse a eu ce qu’il voulait ; c’est-à-dire, moi. Moi, et surtout mon amour inconditionnel. Et comme je suis mauvais perdant, le faire souffrir un peu de temps en temps n’était qu’une maigre mais néanmoins douce consolation. Ca soulageait ma conscience et mes pulsions, et équilibrait mon karma pour être un ange en sa présence 90% du temps. Et puis c’est bien fait pour sa gueule. Merde.

Il me prit la main comme si j’étais un marmot, et coupa le train de mes pensées en m’entrainant à sa suite dans la salle de bain. J'en profitais pour m’assoir sur le rebord de la baignoire, car le regarder s’agiter comme une puce sous cocaïne à farfouiller dans tous les placards comme si sa vie en dépendait me fatiguait autant que lui. Je souris distraitement en remarquant les tremblements de Blondie, qui n’avaient pourtant pas l’air d’entacher sa détermination, et me rappelait de ne jamais lui parler de ce qu’il se passait en son absence, vu sa tendance à l’overreacting .
Il me prit à nouveau la main, pour la désinfecter cette fois, et je me contentais de l’observer avec chaleur, un sourire amusé toujours accroché aux coins des lèvres. Je demeurais silencieux lorsqu’il reprit la parole, ne la ponctuant que d’un "Mhh. " désintéressé, puisque  je me foutais royalement de ce qu’il ait bien pu entendre de ma conversation avec Lun -et que je n’avais rien à y ajouter- puis j’enchainais avec un léger trait d’humour.

"Ah, ça ! Je ne sais pas lequel de vous deux remporterait cet oscar. Certainement pas Di Caprio en tout cas. "  ricanais-je.

J’inclinais légèrement la tête en arrière pour lui faciliter la tâche, maintenant qu’il s’occupait de ma gorge, sans pour autant le lâcher du regard. Son émouvante déclaration m’avait arraché un éclat de rire sincère, mais je me ravisais vite dans un simple sourire narquois pour éviter qu’il ne m’égorge par maladresse.

"Je sais. " répondis-je en toute simplicité et honnêteté.

Ne sois pas stupide, Narcisse. Evidemment que tu ne partiras pas. Pas tant que je n’en aurai décidé autrement. Ce n’est pas un choix qui est tien. Je ne te laisserais pas partir. S’il fallait t’enchainer pour ça, je le ferais. S’il fallait te briser les bras et les jambes, je le ferais. S’il fallait te donner ma vie, ou celle de n’importe qui d’autre, je le ferais. Ce n’est pas comme si personne n’était jamais mort par ta faute, de toute façon. Tu n’es juste pas au courant. Et si (ou plutôt quand) je finirais en prison, je t’y ferais enfermer avec moi. Je ne suis pas réputé pour ma modération, et si je n’impose pas de limites à ma haine, je n’en impose pas à mon amour non plus.
Hé oui. Je t’aime à ce point-là. Même si je ne l’avouerai probablement jamais, dans notre intérêt commun ; moi, ça me ferait juste chier de le reconnaitre, et toi, ça te fouterait la trouille de savoir à quel point je suis niqué.
D’ailleurs, j’avais la désagréable impression qu’il n’avait pas été jusqu’au bout de sa pensée, qu’il y avait une suite à cet élan de romantisme. Coïncidence ? Il détourna l’attention en accusant les tendances dramatiques de Lun et moi-même de déteindre sur lui avant que j’aie le temps de creuser la question. L’hôpital qui tire sur l’infirmerie !

"La boucle est bouclée Blondie, puisque j’ai appris du meilleur : toi." lui lançai-je avec esprit.

Je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’il m’embrasse pour un si léger compliment, mais je l’accueillis avec chaleur, tout en espérant qu’il ne ferait pas de remarque sur mon haleine alcoolisée. Je l’attrapai par la nuque pour faire durer l’échange à ma convenance, et quand je le relâchai enfin, je glissai une main dans son dos pour intervertir nos places alors que je me dirigeai vers le lavabo.
Je pris quelques instants pour contempler cette sacré tête de con qui me fixait, à savoir la mienne, puis j’ôtai mon tee-shirt crade et le laissai tomber à mes pieds sans cérémonie. J’entrepris de me débarbouiller énergiquement pour me débarrasser définitivement des résidus de sang, de larmes séchées, de fatigue et d’alcool. J’y mettais même peut-être un peu trop de cœur, comme si j’espérai effacer par la même occasion tout ce qui venait de se passer avec Lun. Si seulement c’était possible.
Je levai les yeux pour trouver la réflexion  de Narcisse dans le miroir. Il était beau à en crever, comme toujours. Salaud.











"De quoi as-tu peur, B ? " lâchai-je avant de m’asperger d’eau une dernière fois.

Et je ne parlais pas de ce qu’il avait bien pu entendre à travers la porte avant de rentrer. Non. Pour être honnête, la raison profonde de sa déclaration de tantôt me trottait encore dans l’esprit. Je m’essuyai vaguement le visage avec une serviette que laissais retomber sans grande considération avant de me retourner vers lui.

"Et puis…" Je franchis la distance qui nous séparait avec l’agilité du loup et la malice du chat.

"Si tu ne partiras pas, quoi que je fasse…" j’avais enjambé ses genoux, et je le dominais désormais de toute ma hauteur.

J’attrapai ses poignets, et le forçait doucement à reculer de sorte à l’obliger à se tenir au-dessus du vide (de la baignoire évidemment, je n’ai pas encore de vortex dans ma salle de bain, bande de crétins). Les abdos n’ont jamais été son fort, mais ça ne te fera pas de mal d’en faire un peu, bébé.
Je plongeai brièvement, mais néanmoins sans retenue dans l’or de ses yeux. Et, captivé par son regard, je reconnais que l’idée fugace de lui faire des choses pour ainsi dire… pas très catholiques, m’avait plus qu’effleuré l’esprit. Malheureusement, le souvenir de la présence de Lun quelque part dans l’appartement me rappelait que ce n’était clairement pas le moment, et m’exhortais à rester digne. Je me contentais d’approcher mon visage à quelques centimètres du sien, sans pour autant le lâcher. La position était bien plus confortable pour moi que pour lui, de toute évidence.

"Pourquoi tu n’oublierais pas le Japon ? Arrête les allers-retours. Reste ici. Avec moi. "

Les derniers mots n’étaient plus qu’un doux murmure, soufflé à son oreille par un démon enjôleur.

"Pour toujours. "
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