Ne sous estimons pas les plus petits que soi. [Ethan-ol]

- On y est !

Les bras vers le ciel comme s'il venait de gagner les Jeux Olympiques, Jun admirait le lieu avec un large sourire satisfait, le sourire d'une personne particulièrement fière, le sourire de vainqueur. Il ne faisait pas très beau aujourd'hui et la température avait probablement chuté de quelques degrés par rapport aux jours précédents mais ça n'empêchait visiblement pas le quartier de s'animer. Même les chats s'étaient donné rendez vous dans un coin pour se disputer les restes d'un fast-food abandonnés sur le trottoir par de mauvais citoyens japonnais.

Un vent particulièrement piquant balaya la place où il venait de mettre les pieds et le jeune métisse réprima un frisson en resserrant son écharpe autour de son cou. Pivotant rapidement sur les talons de ses baskets montantes et colorées, d'une probable grande marque américaine, il avait à présent les mains posées sur les hanches et attendait. Son œil satisfait se posa sur le jeune homme qui l'accompagnait, car oui il ne s'était pas exclamé pour lui même qu'il était arrivé à bon port, et qui semblait moins pressé que lui d'arriver à la patinoire. Pour sa part, il l'aurait bien houspillé un peu mais se doutant de l'aventure que son camarade allait vivre prochainement, et par une immense bonté d'âme, il préféra lui laisser le temps d'approcher le champ de bataille, de se préparer psychologiquement. Déjà, un rire picotait sa gorge, menaçant à tout moment d'éclater.

- Aller Ethan, si tu ne te dépêche pas, tu risque d'avoir la paire de patins la plus abîmée, tu sais, celle qui sent même encore les pieds.

Son visage se fendit en un large sourire d'enfant satisfait de sa bêtise alors qu'il reprenait leur route pour les quelques mètres qui les séparaient de l'entrée du bâtiment. Comment s'étaient ils retrouvés là tout les deux ? L'histoire aux yeux de Jun était particulièrement risible et il la savourait sans s'en cacher devant le second populaire. Il faut dire que quand la vie tourne toute une situation à votre avantage, même en sachant que vous le paierez sûrement plus tard, - histoire de rééquilibrer le karma de votre victime aussi -, il valait mieux en profiter tout de suite. Quoi que si vraiment le karma voulait s'en mêler à un moment ou à un autre, Jun tenait à lui rappeler qu'Ethan n'était pas une vraie victime et qu'il l'avait cherché.
Oui. Et pour appuyer ce plaidoyer, il fallait remonter du temps où deux princes de Keimoo se sont croisés pour la première fois. Il n'y a pas grand chose de fantastique dans cette première rencontre, qui s'est répété plusieurs fois finalement par la suite, puisque les deux garçons s'étaient croisés à l'occasion de ce que l'on peu appeler des soirées mondaines.


Depuis ils avaient fait connaissance et Jun s'était mis à aimer taquiner le grand gaillard, qui le lui rendait bien, un peu trop bien même parfois ce qui avait le don d'agacer le « petit » blond. C'est dans un de ces moments d'agacements que l'aventure avait commencé.
Quand il l'avait vu, assis sur ce fauteuil à l'université, venir l'embêter avait été la chose la plus censée à faire de la part du franco-japonais. Qui avait eu l'idée du pari, là à l'instant T Jun n'en avait plus aucun souvenir même si l'idée en elle même ne semblait pouvoir venir que de lui même finalement. Mais en y réfléchissant bien, devant le guichet de la patinoire avec un air plutôt concentré, il était presque sûr que le mot « parier » était sorti de la bouche d'Ethan. Et si c'était le cas, c'était bien fait pour lui. Le jeune Masato en bon provocateur qu'il est, aimant tester ses charmes aussi, et surtout taquiner un jeune homme qui se dit hétérosexuel , avait posé les termes du pari : le beau brun devrait l'accompagner à la patinoire, monter sur des patins avec lui et éviter... de se casser quelque chose en tombant. Inutile de préciser que si Jun remportait le pari, c'était Ethan qui lui offrait l'entrée sur la glace, parce que c'était bien plus amusant comme ça.

« Si j'arrive à te faire réagir Ethan. T'es partant pas vrai ? » C'est ce qu'il avait susurré, amusé à ce grand parieur et profitant que celui ci soit encore assis, le jeune homme était venu se coller dans son dos, enlaçant ses épaules pour souffler et déposer délicatement ses lèvres dans son cou.


- Je m'occupe des patins.

Il savait que son compagnon infortuné n'irait pas se presser pour rejoindre, aussi prenait il sans hésiter toutes les décisions nécessaires. Le bout de ses doigts ne pu cependant pas s'empêcher de pincer le bras d'Ethan pour le secouer un peu, alors qu'ils étaient maintenant tout les deux côtes à côte. Pourtant cette fois, son sourire espiègle avait été remplacé par un amusement enfantin. Il contempla un moment son camarade avec attention, puis pinça les lèvres dans une moue qui se voulait compatissante, un peu du moins, avant de lâcher d'une voix presque suave.

- Tu sais je suis pas un professionnel de la glace non plus.

Il riait, comme un sale gosse.
C'est vrai il se moquait, affectueusement, et pouvait presque sembler trop familier, alors que les deux garçons n'étaient pas particulièrement proches. Mais malgré ce qu'il allait faire subir au vice capitaine de l'équipe de baseball de son école, il devait admettre que sa compagnie était plutôt sympathique.

- Tu sais que j'ai horreur qu'on me tapote la tête comme on le fait à un chien Ethan.... tu le sais n'est ce pas ?

D'un geste sec avec une moue boudeuse, il avait chassé la main « tapotante » de ses cheveux décolorés en ronchonnant. Mais ce fut d'assez courte durée, évidemment puisqu'on parle de Jun et qu'ils étaient rares ceux qui arrivaient à le mettre dans une colère noire. Son sourire décora de nouveau ses lèvres quand la main s'éloigna et que le type des patins les appela pour qu'ils récupèrent les leurs. Celui ci offrait d'ailleurs au blond un large sourire, ayant probablement entendu la blague, nulle, de son camarade au sujet des patins et d'en rouler au passage.
Donnant les pointures au charmant préposé aux patins, il eu un bref petit rire et secoua la tête en entendant Ethan. Or de question qu'il soit sage un jour où il gagnait un pari. D'ailleurs pour bien le lui faire comprendre sans avoir besoin d'ajouter quoique ce soit de vive voix, il lui offrit un petit clin d'oeil avant d'attraper les deux paires plutôt lourdes et de tendre celle du brun à ce dernier.

- Exactement, je fais une fixette sur ta main et je m'apprête à réaliser le plus grand rêve de toute ma vie... Mais loin de moi l'idée de briser tes rêves à toi... J'avais juste envie de voir « monsieur parfait en si, intelligent en ça », se casser la figure sur la glace.

Pas plus inquiet que ça d'avoir dévoilé son plan, avec cet œil malicieux qui le caractérisait tellement, et qui cachait autant de choses derrière les milliers de petites étincelles qui l'éclairaient. Mais il était particulièrement loin de se forcer à faire bonne figure aujourd'hui auprès de son camarade, il appréciait vraiment beaucoup et il ne pu d'ailleurs s'empêcher de souligner l'humeur massacrante de celui ci, alors qu'il y était totalement imperméable comme s'il n'avait rien remarqué, et dont il pouvait aisément connaître la source.

- Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu tire toujours cette gueule de pas content chronique.

C'était la première remarque qu'avait lâché Jun alors qu'il revenait avec deux paires de patin pour Grincheux et pour lui même. Et évidement il se moquait ouvertement de lui en posant les fesses sur un banc afin d'enfiler les patins à glace. Concentré sur les lacets, il lui jeta un petit coup d'oeil amusé pour voir sa tête, se pressant un peu pour être plus vite sur le champ de bataille. A côté d'eux, une classe était entrée dans la salle et tout un tas de petits enfants courraient partout en manquant de crever l'oeil de quiconque était baissé à leur hauteur en voulant se chausser. Jun aimait bien les enfants d'habitude, il trouvait ça mignon, un peu niais voir un peu chiant, mais il aimait bien les voir s'émerveiller, apprendre. Son enfance avait été une partie de sa vie presque parfaite et il avait toujours un sourire con quand il voyait des gosses s'amuser gentiment. Les agités de la patinoire par contre, commençaient à lui courir sur le système et de voir leur institutrice peiner à les faire tenir en place le fit soupirer. D'ailleurs il jeta un regard à Ethan pour vérifier qu'il ne s'était pas trop décomposé en voyant ce qui allait leur tenir compagnie sur la surface gelée.

S'il était resté silencieux à sa demande au sujet de la durée du supplice, parce qu'il avait fortement espéré l'arnaquer sur le temps passé sur la glace en le laissant au milieu et rejoindre le bord tout seul, ou en lui affirmant que non, ça ne faisait que 5 petites minutes qu'ils avaient commencé. Mais en voyant la marmaille leur courir dans les jambes alors qu'ils n'avaient même pas atteint la patinoire, Jun fit la moue.

- Va pour une heure... Si tu glisse pas sur les mômes on devrait pouvoir s'en sortir.

Il était debout sur les lames des patins, et se penchait d'un côté et de l'autre pour vérifier que ses chevilles soient bien maintenues avant d'attraper la main d'Ethan en la brandissant avec un sourire moqueur, histoire de faire un petit clin d'oeil à son soit disant fantasme, puis reprenant son sérieux et vérifiant que le brun avait bien ses patins aux pieds, qui sait il aurait pu faire de la résistance après tout, il l’entraîna lentement vers l'entrée de la patinoire avant que l'armée d'enfants ne la prenne d'assaut.

Le jeune homme ne pu s'empêcher de jeter un coup d'oeil à la démarche de l'américain, qui devait être beaucoup plus à l'aise à plat sur un terrain de baseball, voir sur toute autre surface que les fines lames de métal ou autre acier, Jun n'avait jamais été doué pour se rappeler de ce genre de détails. Ils avaient heureusement peu de chemin à faire.

- Bon alors... C'est pas compliqué. Tu évites de te pencher trop en avant, mais surtout pas en arrière, sinon je donne pas cher de tes fesses. Et puis pour le mouvement c'est comme le roller. T'as déjà fait du roller ? Me dis pas que t'as jamais fait de roller....

Lui tenant toujours la main par pure sécurité, il parlait plutôt vite et d'une voix enjouée cette fois, les traces de moquerie semblaient avoir disparues pour laisser place à une réelle intention de l'aider, d'apprendre, d'être pédagogue. Oh il y mettait de la bonne volonté vraiment, après savoir si c'était vraiment efficace... C'était une autre histoire et puis il attendait de voir son élève, mais surtout sa victime, commencer la pratique.
D'un autre côté, il espérait tout de même qu'Ethan s'amuse un minimum. Même s'il savait aussi qu'il était fort dur, à l'inverse de lui, de lui arracher un sourire et c'est vrai qu'il ne s'en formalisait pas plus que ça. Après tout chacun avait sa méthode pour gérer sa vie et ses tracas au quotidien. Prenons Jun et ses cachotteries au monde entier. Dans un sens il pourrait dire que ce n'était pas totalement de sa faute, car il semblerait que sa lumière, sa chaleur, son charisme effaçaient toute trace de problème, de secret plus noir, d'ennuis et de ténèbres même, chez lui. Pourtant n'importe quel inconnu pouvait mettre sa main au feu que chez Jun tout ne pouvait pas être parfait. « Gold don't save always the Queen » comme l'aurait dit un de ses t-shirts fantaisie.

Avec un sourire large et encourageant, Jun attendit qu'Ethan fasse de lui même ses premiers pas sur la glace.

- Tu peux t'accrocher à la barrière si tu veux !

Ah parce qu'il n'était pas déjà en pleine apogée de sa véritable mauvaise humeur de chat mouillé ? Jun allait peut être finir par s'inquiéter de ce que pouvait être un Ethan en colère s'il restait des échelons à gravir sur l'échelle de l'air mauvais, les yeux de tueur et les piques salées. D'un autre côté, et il secoua la tête avec un petit air contrarié quand il y pensa, qu'est ce qu'il pouvait être susceptible ce garçon, après tout le blondinet lui faisait exécuter sa peine dans la joie et la bonne humeur et le brun serait de mauvaise fois s'il osait dire qu'il n'aurait pas fait de même s'il avait gagné.
Oui mais voilà, il avait perdu. Cependant, quand une gamine se mit à pleurer parce que « Hatori-kun » l'avait poussé, le jeune métisse se demanda s'il n'aurait pas dû évaluer cette fameuse jauge de colère avant de mettre l'américain en présence d'âmes innocentes et brailleuses... Il n'était plus le seul à pouvoir taper sur le système de son camarade et s'il pouvait se contenir lui même pour varier les plaisirs, jouer à la maîtresse d'école était tout bonnement hors de question.

Il avait décidé de jouer la prudence et accompagna lentement le pauvre Ethan sur ses patins jusqu'à la glace. Ils avaient peu de temps avant que les mioches arrivent et il devait en profiter pour lancer son aîné, mais pas trop fort. Ils avaient pris leur temps pour arriver mais c'était mieux comme ça. Jun ne fit d'ailleurs plus aucune remarque sur le roller, puisque la réponse, qui était en réalité une absence de réponse de la part de Grincheux, lui avait fait comprendre, oh miracle, que sur ce point là il valait mieux la boucler, d'ailleurs la surface du sol était actuellement bien trop dangereuse pour se risquer à une discussion agitée.

Avec un sourire qui se voulut rassurant, Jun évita de trop bouger pour laisser Ethan prendre ses marques, et décider de s'accrocher à ce qu'il voulait. Riant un peu à sa remarque, il secoua la tête. Du surf ? Et puis quoi encore... Jun ne savait pas surfer, mais ça il se garda bien de le dire à son vis à vis qui penait à se tenir sur ses patins. Avec douceur, le jeune métisse se rapprocha pour qu'il cale un peu son corps contre le sien, un peu comme on met un tuteur à un plan de tomates. C'était plutôt risqué, parce que jamais le blondinet ne pourrait retenir le poids du brun mais ça l'aiderait peut être à trouver une position plus équilibrée.

Après un nouveau petit rire, et un raclement de gorge, le professeur de patins improvisé tenta de lui trouver quelques combines pour garder l'équilibre, et surtout apprendre le mouvement pour faire autre chose que marcher à petits pas sur la glace. Visiblement voir certains gamins foncer à vive allure semblait avoir motivé un peu le grand brun mal à l'aise et dans les éclats de voix et le bruit sourd que faisait un enfant rentrant dans une barrière ou rencontrant le sol, Jun souffla avec un petit sourire.

- Devant le frein, tu vois sur les petites dents au bout de la lame, un pied et puis l'autre, 'faut qu'tu glisse. Voilà tu sens ? Et détend toi... Plus on est crispé plus on a de chance de se faire mal en tombant. Je... sous entend pas que tu vas tomber hein mais... Détend toi ! J'suis là.

Son œil brillait de malice mais il ne se moquait pas, content au fond, que son camarade fasse cet effort. Il jeta un coup d'oeil aux gradins, certains gamins avaient abandonnés le temps de quelques minutes pour s'asseoir sur les bancs. Si Ethan n'avait pas été aussi instable, il l'aurait sûrement félicité d'avoir tenu plus que des mômes de 7ans. Mais cet instant finissait par devenir précieux, après tout le grand brun lui faisait confiance alors qu'il n'avait clairement pas envie d'être là, Jun n'était pas idiot et le voyait suinter de cette aura grincheuse qui les accompagnait depuis qu'ils avaient pris le chemin de la patinoire. Et le blondinet était fier de voir que ses conseils portaient ses fruits.
Il avait rarement eu l'occasion de jouer les professeurs, c'est d'ailleurs pour ça qu'il aimait les clubs de l'école où parfois il pouvait apporter son savoir à ceux qui débutaient. Dans sa famille il n'avait jamais été mis à contribution de la sorte. Ses frères, plus vieux, avaient su tout faire avant lui, c'était logique après tout Jun n'avait rien d'un génie. Il avait appris d'eux mais rien apporté de plus. Et le manque cruel de reconnaissance de la part de l'aîné, taillé sur le même modèle que leur géniteur, pesait sur les épaules du plus jeune même s'il faisait semblant de ne pas le voir et enchainait les conneries pour les faire payer.

- C'est bien ce que tu fais Ethan !

Bon d'accord il avait peut être l'air d'une mère poule avec cette remarque mais il était content. Le suivant de près sans le lâcher même quand le jeune homme s'élança avec un peu plus d'aisance, ou juste un peu plus de vitesse.
Et puis soudain, tout son corps se raidit alors qu'il sentit Ethan basculer. Dans sa tête, la chute était au ralentit, et il le vit d'abord partir en arrière puis son poids entraîna le métisse bursquement. Sous le mouvement, les patins de Jun avait pivoté et il se retrouva devant le brun en se penchant dangereusement vers l'avant, pouvant se retenir de justesse à la barrière et tomber à genoux sur la glace, évitant de justesse les lames des patins de son vis à vis, et la paroi de plastique, en sentant les doigts de son camarade glisser de sa main. Son épaule émit un petit « crack », histoire de bien lui faire comprendre qu'elle avait moyennement apprécié d'être malmenée dans la tentative de rattrapage mais ce qui tétanisa le populaire, se fut le choc de la tête de l'américain contre la glace. Les yeux ronds, d'abord figé, il secoua la tête et ignora son épaule pour glisser sur les genoux douloureux jusqu'à lui, paniqué. L'entendre parler le rassura à peine, tout comme de voir qu'aucune gouttelette rouge ne venait tâcher ses doigts.

- Ethan ça va ? Bouge pas tu t'es cogné la tête ! … Reste tranquille... tu peux t'asseoir ? Non attends un peu on est pas pressé... Reste en vie même si c'est pour me faire bouffer ma propre bouche...

Il ne souriait plus et avait quelque peu pâlit. Les chutes sur la glace il en avait fait et il en avait vu, d'ailleurs il avait perdu le fil de celles qui se produisaient depuis que les gamins avaient débarqué autour d'eux. Souvent bénignes, on se frottait la fesse gauche et on repartait sans s'en inquiéter. Évidemment il fallait que pour leur petite sortie, Ethan risque de se faire mal. Son œil désolé se promena sur le visage du jeune homme, qui n'était pas mourant certes mais les coups à la tête ce n'était pas à prendre à la légère.

- Combien de têtes tu vois ?

La question était stupide, et il s'arracha lui même un sourire en constatant qu'il y avait probablement plus de peur que de mal, et un Ethan un peu sonné peut être, du moins il l'espérait. De son côté il avait déjà l'impression de sentir deux énormes bleus se former au niveau de ses genoux qui sentaient encore la répercution du choc. Mais il ne s'en préoccupait pas.

- Tu devrais aller t'asseoir, il fait... trop froid là. Je t'aide. J'suis désolé j'aurais dû mieux te tenir ! Mais ça va aller ? … Si tu veux j'appelle les pompiers pour vérifier que t'ai pas une commotion... ou un autre truc cérébral tu vois !

Jun se redressa. Il avait parlé assez vite parce qu'il n'était pas du genre à savoir cacher ses émotions. Là pour le coup il avait eu peur et ça lui donnait presque envie de mettre fin à la séance de torture sur glace pour ne pas risquer de casser la progéniture élite de la famille Matthews. Il s'en voulait d'ailleurs un peu, sur le cou, et fini par se faire la réflexion à haute voix.

- J'aurais dû prévoir un casque... on fait une pause hein.

Prêt à l'aider pour toute tentative de remise sur ses jambes, il entreprit d'abord de se lever en grimaçant un peu lorsqu'il dû déplier ses genoux, puis tendit la main vers Ethan en s'agrippant à la barrière pour leur éviter une rechute en cas d'appui mal assuré, lui faisant signe de faire de même pour se lever en toute sécurité, ou avec autant de d'assurance que possible. D'un coup d'oeil il avisa aussi la sortie la plus proche où un banc les attendait sagement.
Par chance il était à l'opposé du QG de l'armée d'enfants.

- On longe la barrière et on va s'asseoir tranquillement. Ok ?

Il doutait franchement qu'Ethan veuille rester sur la glace, et lui offrit un sourire désolé.

Bien loin d'être dans l'état d'esprit suffisant pour relever les petites piques de son élève improvisé, le jeune homme était passé outre devant le sous entendu sur le fait qu'il devait se détendre, ou même sur celui qu'il avait l'air d'une brindille à côté du brun et qu'il n'aurait pas servit à grand chose même en faisant plus attention et en le retenant plus fort. Certes, en réfléchissant bien l'idée était stupide. D'abord, il était parfaitement inutile de s'agiter comme ça sur la glace et puis d'ailleurs Ethan l'avait entraîné dans sa chute, Jun avait simplement essayé de se rattraper avec plus ou moins de succès pour éviter de s'écraser de tout son long sur la glace avec lui, voir sur lui et causer de plus gros dégâts. Pour l'instant on pouvait dire qu'ils s'en étaient plutôt bien tiré. Mais en cas d'inquiétude ou d'émotions fortes, il fallait admettre que le métisse parlait souvent avant de réfléchir. Il l'admettait... D'accord.

Mais s'il était plus confiant que Grincheux sur son idée de patinoire, il n'était pas naïf et savait faire preuve de prudence quand il était face à des situations qui risquaient d'être plus grave qu'elles n'y paraissaient. Il était bien placé pour savoir qu'une petite goute de trop pouvait faire déborder un vase, autrement dit qu'une petite goûte d'acide mal placée pouvait faire perdre la vue à un œil pourtant jeune et en bonne santé. Alors quand il avait vu la tête d'Ethan cogner la glace avec une violence apparente, il n'avait pas pu s'empêcher d'avoir peur pour lui. Combien de dommages se produisaient sans qu'on s'y attende parce que l'accident nous paraissait minime à la base. Évidemment il ne le lui souhaitait pas, et n'avait aucune intention de le rabaisser. L'idée de se moquer de sa chute lui serait peut être venu si l'américain était simplement tombé sur les fesses. Or ce n'était pas le cas.

D'ailleurs il ne réalisa qu'après qu'ils aient quitté la glace qu'Ethan n'avait pas été tout a fait agréable. Gardant ses patins, Jun fronça les sourcils et le laissa filer même s'il allait lui conseiller, sur le coup, de rester assis au cas où... pour sa tête. Mais craignant de le voir encore soupirer de lassitude ou d'agacement, alors qu'il ne faisait que s'inquiéter, le blond décida de la fermer et attendit en jouant du bout de la lame du patin sur la surface caoutchouteuse du sol en pinçant les lèvres. Le chocolat lui fit cependant oublier de le traiter de grincheux ronchon et de lui reprocher de s'inquiéter pour lui quand il revint avec en le lui tendant. Son sourire était revenu aussi vite qu'il avait quitté son visage et il attrapa la boisson du bout des doigts.

- Merci c'est top comme idée.

Bougeant machinalement les jambes, ses genoux le rappelèrent à l'ordre mais le populaire haussa les épaules en portant le chocolat à ses lèvres. Il s'était calmé, et son état ne l'inquiétait pas malgré la douleur persistante aux zones du choc et à l'épaule. Des contractures et des bleus, pas de quoi s'affoler, et encore moins devant Ethan. Il avait beau l'air fragile, pour ce qui était de la douleur physique, il pouvait encaissait sans broncher et n'avait aucune envie de passer pour une mauviette. En plus, il n'était pas persuadé que son aîné apprécie franchement de l'entendre se plaindre sur quoi que ce soit vue l'endroit, et le fait qu'ils y soient de son fait. Et puis pour le coup, son petit camarade de chute s'inquiétait vraiment pour rien.

- Moi ça va super. J'aurais juste un bleu et encore. Et un chocolat chaud ça réconcilie avec n'importe quoi !

Il tenta un sourire à son tour. Son débit de voix était revenu à la normale, pour un Jun du moins et il semblait avoir oublier son histoire de commotion, voyant qu'Ethan avait l'air d'aller bien, et qu'il venait de déclarer, à sa plus grande surprise, qu'ils retourneraient sur la glace. Et ça, ça avait plutôt le don de le rendre un peu plus lumineux, le blondinet. Il jeta d'ailleurs plusieurs petits coups d'oeil au grincheux alors qu'ils sirotaient tout deux leurs boissons chaudes visiblement bienvenue après les émotions et les efforts.

La suite l'étonna un peu et une lueur de curiosité s'alluma dans son regard à la phrase plutôt mystérieuse de son aîné. Plissant les yeux, il n'eut pas le temps de répondre quoi que ce soit que le brun avait déjà remis ses patins et se dirigeait d'un pas plus fier vers la glace, dans une démarche de conquérant visiblement. Les chutes ça fait gonfler l'orgueil.
Parmi les nombreux défauts de Jun, et ils étaient sûrement nombreux même s'il était adorable, il y avait la curiosité, il fallait s'en douter. Aussi quand Ethan parla de le suivre sans poser de question après son gage, une petite alarme se mit à sonner dans sa boite à cerveau et il observa le jeune homme d'un air d'abord suspicieux, puis plus curieux, avec une nette envie de découvrir ce qu'il avait en tête.

Jun était effectivement un grand joueur. On trouvait peu de choses qui lui faisait réellement peur, du moins peu de choses qu'il n'oserait pas, follement passionné du petit frisson du jeu. Mais s'il y avait bien une chose qu'il n'aimait pas, c'était qu'on lui fasse des cachotteries. Évidemment il savait que c'était pour mettre un peu de piment et pour le faire patienter histoire de  l'embêter mais il voulait savoir. Aussi, après avoir mis un petit moment à réagir à cette espèce de proposition pleine de mystère, il se leva  pour rejoindre prudemment l’apprenti patineur qui avait l'air un peu plus motivé qu'à leur arrivée.
En fait... ce n'était qu'une impression qui n'avait pas duré longtemps. Il rit un peu et s'approcha pour mettre un pied sur la glace avant lui.

- Quand tu dis... te suivre sans discuter c'est pour aller... quelque part en particulier ? J'veux dire... tu veux aller où ?

Il tenta un de ses adorable sourire en glissant sa main dans la sienne pour l'encourager à le rejoindre de nouveau sur la surface gelée, reculant un peu et lui désignant la barrière. Le mieux étant qu'avant de se lancer, Ethan s'y accroche encore un moment pour comprendre le système de l'équilibre et de la poussée sur les patins, afin de pouvoir avancer. Oui, il valait mieux ne pas prendre de risque.
En plus, le blondinet avait dans l'idée de le déconcentrer en le harcelant au sujet de ses projets après la patinoire. Alors il valait mieux la jouer prudent pour la santé du vice capitaine de l'équipe de baseball. Il serait embêter de casser un aussi bon espoir sportif.

Reculant un peu sur la glace, face à Ethan, Jun lui avait lâché la main en restant près de la barrière pour lui donner quelques indications sur sa position, essayant de lui donner l'exemple sans qu'il ne lâche leur sécurité la plus fiable pour l'instant. Oui Jun avait aussi compris qu'il était aussi efficace qu'une brindille rattrapant un tronc d'arbre alors il préférait se concentrer sur les conseils plutôt que de jouer le rôle de béquille. Quand Ethan ne regardait pas, il massait un peu son épaule. C'était assez inefficace physiquement mais psychologiquement il lui semblait supporter un peu plus le tiraillement qui s'y était installé.
Tout en patinant au rythme d'Ethan, il retenta avec des petits yeux de chien battu.

- Non sérieusement... Où est ce que tu compte aller après ? Te penche pas autant en arrière. Donne moi un petit indice au moins ! Redresse toi maintenant. C'est un truc que tu sais faire et moi pas je parie ! Atten... voilà là tu te débrouille bien !

Le jeune homme lui sourit, confiant sur les progrès de son élève bien sage dans son apprentissage mais tâcha d'éviter qu'Ethan ai l'impression d'être un assisté. Un môme passa à côté d'eux à toute vitesse et fonça dans la barrière juste derrière Jun pour s'arrêter, faisant légèrement sursauter celui ci. Bande de sales petits mioches !
Mais il se retint de laisser son agacement transparaître en faisant remarquer que ce n'était pas comme ça qu'on freinait bon sang sale petit gosse qui va manger la glace s'il lui refaisait un coup pareil.
A part ça, il affichait un fier sourire angélique devant Ethan, et lui tourna un moment le dos pour patiner un peu plus loin et pivoter pour l'attendre.

- Vas y rejoins moi ! Mais je veux un indice.

Plutôt content de la tournure de leur après midi malgré la chute impressionnante et la douleur dans ses genoux, il reculait un peu, dès qu'Ethan s'approchait un peu plus. Mais c'était évidemment juste pour qu'il progresse.

Si la curiosité n'était pas un aussi gros défaut chez Jun, celui ci aurait immédiatement sauté sur la provocation risquée de l'américain qui semblait avoir oublié, avec cette remarque, le pourquoi monsieur s'était retrouvé sur des patins. Le blond n'en ratait jamais une pour taquiner le grand, beau et ténébreux populaire, si bien sur lui, sérieux et travailleur, hétérosexuel affirmé, à l'apparence si irréprochable ou presque avec ces airs d'ours mal luné en bonus. D'ailleurs s'ils se retrouvaient sur la glace aujourd'hui, avec des chutes et des chocolats chauds, c'était en grande partie la faute de ce côté taquin qui allait si bien au visage angélique du jeune franco-japonais. Il avait d'ailleurs découvert avec leur pari, et depuis celui ci, que le beau brun n'était pas si bien sous tout rapport, et sa tendance au jeu lui avait valu de se retrouver une première fois étalé sur la glace.

Bref, devant ce monstre de tentation qui semblait lui crier « Embête moi je suis un ours ronchon mais j'aime ça », cette histoire de LoveHotel lui offrait une palette extraordinaire de taquineries toutes aussi peu sages les unes que les autres. Cependant, les réticences de son aîné devant certains sous entendus, qui amusaient beaucoup Jun, son sens de l'observation et sa curiosité piquée à vif n'arrivaient pas à croire ce naturel feint. Le jeune homme secoua d'ailleurs la tête en le traitant de menteur même s'il riait à demi, plutôt amusé par l'audace de la remarque qui avait tout de même réussis à le surprendre.

Observant Ethan de loin, pour le faire venir à lui sans lui avoir demandé son avis, Jun promenant ses doigts de pianiste gantés le long de la barrière et fronça les sourcils. Dans ses conseils il réussit à caser tout de même :

- Tu mens ! Où alors tu dois me donner le thème de la chambre ah ! Et puis je te vois déjà... tout rouge à la réception.

Piquant et provoquant. Ce n'était peut être pas très gentil de lui balancer ça sur la glace, en terrain hostile donc, mais la curiosité avait le don de rendre le jeune homme un peu plus ardent. Il allait répliquer d'ailleurs, en râlant un peu cette fois ci parce que l'indice était vraiment « trop naze » comme ses lèvres allaient le prononcer avec une moue princière mais les mots restèrent dans sa gorge et sa main se tendis inutilement vers son camarade qui chutait de nouveau. Jun en avait même oublié de se moquer de son équilibre précaire sur le petit chemin qu'il avait parcouru jusqu'à lui mais le sort lui donnait visiblement une seconde chance. Glissant un peu plus près grand dadet, Jun se mit à rire, les mains dans le dos, pour se pencher à peine vers lui, l'oeil un brin moqueur. Une chute beaucoup moins impressionnante que la première valait bien un sourire. Il en profitait.

- C'est une punition divine tu crois ? Un endroit chaud... Tu sais que si c'est vraiment un LoveHotel tu vas me donner deux fois plus raison qu'après ma victoire écrasante sur notre petit pari hm... ?

Il se redressa, et repris d'un ton joyeux en laissant Ethan se débrouiller pour se relever courageusement sous l'oeil amusé d'un groupe de petites filles et de petits garçons. Ils étaient probablement entrain de glousser. Jun ne pouvait pas leur en vouloir.

- Une demi heure, trois quart d'heures peut être. J'ai pas vraiment regarder la montre... Le temps passe vite quand on s'amuse non ?

Malgré la petite lueur de malice dans son regard, cette fois il ne bougea pas quand l'américain entreprit prudemment de le rejoindre totalement en lui jetant de petits regards pour apprécier sa technique. Une petite poussée de sa part, et il le rejoignit complètement pour lui attraper le bras, mais il fût relativement pris de court par sa question à laquelle il ne s'attendait pas. Son premier réflexe fut de regarder le groupe de gamins qui, pour la plus part, ne guettaient plus la chute des deux jeunes hommes, puis il eu ce petit haussement d'épaules tellement typique de ses manières, annonciateur des habituelles remarques amoindrissant la moindre chose qu'il pouvait révéler sur lui, sa personne, son entourage, ou son passé.
Cependant, le métisse fut contraint d'admettre que l'intérêt d'Ethan pour le petit Jun qu'il était le touchait.

- J'étais brun.

Un nouveau rire s'échappa de sa gorge et il se détacha un peu de son aîné pour le laisser choisir son rythme, son équilibre, s'il voulait avancer ou non, pour éviter de le gêner. Mais d'un petit geste bref, il lui montra un portillon permettant de quitter la glace à plusieurs mètres devant eux, au cas où Ethan aurait voulu stopper cette courageuse épopée.

- Et puis ça dépend de quelle période mais on peu dire que j'étais un gamin facile à vivre. Je répétais mes leçons de piano sans rechigner, je courrais derrière mes frères qui ne m'attendaient jamais en chouinant. En fait j'étais relativement sage. Bon ça m'arrivait de faire des bêtises aussi en fait. J'étais plutôt banal comme môme.

Et voilà, il amoindrissait. Pourtant son enfance était riche en rebondissement. Il ne savait plus trop par où commencer d'ailleurs. C'était rare qu'on lui pose ce genre de questions, ça n'arrivait même jamais et le jeune homme l'avait un peu déstabilisé.
D'une certaine manière il n'avait pas à se plaindre. Ses frères avaient toujours eu beaucoup plus de pression que lui au sein de la famille. Jun avait eu la chance d'être dorloté par sa mère qui s'était permis une plus grande influence sur le destin de son dernier fils. Plus coulante dans l'idée de lui laisser choisir sa voix, c'était elle qui lui avait donné très tôt le goût de la culture occidentale, de la musique et des escapades. Fils chéri, entre prince et princesse, sa place particulière lui avait permis de rencontrer d'autres enfants et même de lier des amitiés profondes, sans devoir passer ses journées avec des précepteurs. En y réfléchissant bien, c'était peut être une des raison qui l'avait terriblement éloigné de ses deux frères.

- J'étais vachement sociable comme gosse, et curieux de tout. Je jouais pas avec mes frères mais j'avais beaucoup d'amis. Ma mère m'emmenait partout. Pas comme un trophée hein ! Elle voulait que j'ai une autre éducation.

Dit comme ça, on pourrait presque avoir la désagréable impression que le géniteur de la famille Masato avait laissé Jun comme joujou à sa femme parce qu'il n'avait rien à tirer de ce gamin trop doux, trop sensible et sans discipline, ou pour lui faire plaisir car il avait déjà pris le droit de formater les deux autres. Pourtant le métisse ne semblait pas le voir comme ça. A moins qu'il ne se voile juste encore la face. Parfois il préférait éviter de se poser ce genre de questions sur sa famille.

Son petit nez se retroussa légèrement quand il plissa les yeux, semblant réfléchir à la suite des événements. S'il avait l'air plutôt à l'aise habituellement, le blondinet avait une façon de parler dans laquelle sa voix trahissait une certaine inexpérience à parler de lui et de son histoire.
Ce fut assez frappant pour lui même quand il voulu parler du déménagement qui l'éloigna une première fois de son meilleur ami. Mais l'émotion sembla encore trop forte, il s'en voulu et un nouveau haussement d'épaules accompagna la suite de l'histoire.

- On a déménagé, il a fallut devenir sérieux, au Japon. Mon père a resserré un peu les vices quand j'ai grandit. Je faisais ce qu'on me disait de faire. Tu sais j'étais pas une tête, mais assez futé pour comprendre que tout allait mieux pour moi si je faisais ce qu'on me demandait. J'étais calme devant les adultes que je ne connaissais pas, peut être un peu intimidé mais je savais être un petit prince capricieux !

Jun offrit à Ethan un sourire amusé. Que dire de plus sur une enfance qu'il pensait heureuse malgré le manque de chaleur paternelle. En fait, il la trouvait plutôt pas mal, sa vie d'enfant. Beaucoup vivaient pire, ça lui suffisait à ne pas se plaindre de ce manque d'amour. Et si maintenant il détestait son père, c'était pour ses faits et gestes depuis son adolescence seulement.

- Un tour de patinoire et on arrête pour aujourd'hui ou tu préfère arrête maintenant ?, demanda le populaire en lui montrant toute l'étendue glacée d'un air bienveillant avant de demander. Et toi Ethan, t'étais quel genre de mioche ?

Un grand éclat de rire avait résonné dans toute la patinoire alors qu'Ethan renchérissait sur cette histoire de LoveHotel. Cet acharnement sur le sujet fit comprendre bien vie à Jun que ce n'était pas leur destination, mais il dû admettre qu'avec cette petite blague, notre cher américain grognon avait réussis à énormément l'amuser. Il ne se vexa d'ailleurs pas à ses sarcasmes, d'abord parce qu'il imaginait à présent son camarade comme un personnage de shojo, les yeux en forme de cœur, les joues agrémentées des traits timiques du dessin manga pour faire rougir le visage, la petite goute de bave au coin des lèvres et des fleurs accompagnées de nuage rose pour parfaire le tout. S'il fallait être vraiment honnête ce n'était pas très beau à voir, surtout une fois l'image collée sur la figure d'Ethan. Le blondinet avait d'ailleurs pouffé et la question curieuse sur son enfance tomba plutôt bien, en un sens, puisqu'elle lui retira toute pensée du genre de la tête.

Ce n'est pas que la question lui avait coupé toute bonne humeur. Non cette dernière était toujours présente en lui, même hors de lui comme une aura brillante et s'ils avaient été dans un shojo, encore, nul doute que Liam aurait été entouré d'une multitude de petites étoilées dorées et brillantes. Seulement, revenir sur son enfance, il le faisait rarement. Pas parce qu'elle avait été malheureuse. Jun avait beau avoir les valeurs d'un garçon gâté par la vie et par la nature, il était conscient d'être un privilégié et ne se plaignait jamais, en aucun cas, ni de sa vie, ni de ses relations familiales. C'est vrai, en voyant des pères aimants, le jeune métisse aurait sûrement préféré que le sien le soit aussi. Mais il estimait ne pas avoir à se plaindre contrairement à d'autres. C'est peut être pour cela aussi qu'il ne s'étala pas sur le récit de ses histoires d'enfants devant Ethan. Pas parce qu'il n'avait pas envie de lui répondre, mais plutôt pour éviter de devoir parler trop longtemps de ce manque d'amour cruel et bien réel de la part de son géniteur ou du plus grand de ses frères. Il ne voulait pas qu'on plaigne l'enfant qu'il avait été car il n'avait pas le sentiment d'en avoir été affecté. C'était sûrement faux, on garde tous des séquelles de nos enfances, bons ou mauvais mais il ne voyait pas les choses comme ça. D'ailleurs il n'avait pas dépeint son père comme l'horrible type qu'il voyait en lui et c'était contenté de parler de lui, de sa relation toujours très ouverte avec les gens, plutôt que de sa vie en famille.
Comme s'il avait senti que le constat d'Ethan sur son père n'attendait pas de réponse, il n'avait rien dit. « J'aurais pu parler de lui en pire. » c'était ce qui avait traversé l'esprit du populaire mais il n'avait pas envie d'en rajouter.

Une fois sur le sol anti-dérapant, les fesses en sécurité posées sur un banc, Jun délassa ses patins en même temps que son camarade, rapidement et agita ses orteils comme un gamin avec un petit sourire, alors qu'il écoutait d'une oreille attentive, l'enfant qu'avait été Ethan. Lorsque celui ci lui parlait du capricieux petit garçon qu'avait été son aîné, un rire tendre et amusé s'échappa des lèvres du cadet et il ne pu s'empêcher de lâcher avec un sourire taquin.

- Sérieusement ? Je l'aurais parié ! Quelle enfance...

Observant longuement son camarade, il sourit. Aucune réponse sur le lien familial, il en était heureux pour Ethan voilà tout, mais ne souhaitait pas lancer le débat sur une possible comparaison. D'ailleurs, ne pouvant s'empêcher de la faire dans sa tête, il ne pu s'empêcher de remarquer que d'une certaine façon, ce lien de la famille si différent entre eux en avait fait deux êtres socialement différents eux aussi. Et l'équation lui paraissait étrange, vu comme ça.
La suite aussi ne l'étonna pas, Ethan, ours grognon n'était pas du genre à se lier, du moins c'était bien ce que Jun avait cerné lorsqu'ils s'étaient croisés au départ en réception. Et c'est ce côté ermite, qui attirait le jeune homme... Il aimait les faire sortir de leur coquille, ces gens.
Mais il ne pu s'empêcher de ressentir une certaine tristesse à l'égard de son aîné, sans savoir que celui ci en avait éprouvé une à son sujet plus tôt. Priver un enfant d’insouciance, il trouvait ça odieux et cruel. Il n'avait jamais cautionné vraiment cette éducation, faire d'un enfant un chien savant pour le priver de tout ce qui faisait l'enfance. C'était triste, dur, et un peu cruel. A son goût. Il se jura alors d'emmener Ethan à la fête foraine, et voir des dessins animés.

N'ayant pas eu le temps de s'étendre sur le sujet, mais c'était peut être mieux comme ça, Jun suivit l'américain hors de la patinoire en s'étirant, la douleur de son épaule toujours présente, qui se rappela d'ailleurs à lui dans son mouvement mais il retint toute grimace pour poser un œil curieux sur Ethan lorsque celui ci reprit sur son activité mystère. Sur le chemin, soit pendant 30minutes exactement, le blondinet le harcela de questions. En fait, dès qu'il passait devant un endroit proposant une activité potentielle, le jeune homme lançait un « C'est là dis ? » gamin, d'abord sérieux, pendant les 10 premières minutes... Les 20 suivantes, ce n'était que pour l'embêter, il aurait plaidé coupable si cet acte avait été condamnable.

Une fois équipé, Jun était peut être... pire que d'habitude. Excité comme une puce, il rodait autour d'Ethan avec une impatience qu'il ne contenait plus. Il avait parfaitement compris mais ne pu s'empêcher de lancer avec un grand sourire.

- Oh oui ! Disneyland !

Mauvaise blague il le savait, et il n'attendit pas pour renchérir.

- La côte ? On la longe, on sort de la ville et on va se perdre sur les routes sinueuses ? Il te faut une destination précise ? Parce que moi me perdre dans la cambrousse ça me dérange pas ! Et après on retourne en ville, boire un vers, à Disney, ou au bar. Comme tu préfère.

Amusé, casque sous le bras, il lui tira la langue.