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 Musique [Ana]

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MessageSujet: Musique [Ana]   Musique [Ana] EmptyDim 18 Oct 2009 - 16:22

« J'aimerais te jouer quelque chose, en attendant demain. »

Cette phrase jouait un ton mélodieux. Elle avait quelque chose d'attractif et de tendre.
Quelque chose d'attrayant, d'affectueux... Il n'avait pas de mots pour faire durer une conversation décente alors ne pouvait-il pas au moins satisfaire son hôte avec ce pour quoi il fut entrainer pendant si longtemps : l'envoutement mirifique des sons qui s'entremêlent les uns aux autres.

Il n'avait jamais joué que pour lui mais ce soir, il voulait bien jouer pour elle, parce qu'elle était son amie. Sa seule amie... dans ce monde où la solitude n'offre que la souffrance. Elle l'emmena dans la salle de musique, là se trouvait l'écho de son âme. Le piano était en place, n'attendant qu'un peu d'attention. Il arrivait à entendre la musique se propageant des autres salles, il se sentait enveloppé d'une atmosphère douce, l'odeur du bois vernie avait créé une réaction chimique chez lui, de légers picotements avaient investis le bout de ses doigts. Il était prêt. La distance qui les séparait l'un l'autre avait disparue, il s'assit et sa mémoire se mit machinalement en marche. Il commença à énumérer les pièces de l'instrument à haute voix:
« La table d’harmonie...Sur un piano droit, elle se situe derrière le piano. Collée sur le pourtour, afin de pouvoir vibrer librement... De 6 a 12 mm d'épaisseur, faite de planchettes en épicéa ou bois de résonance collées sur des membrures. Celles qu'on appelle les barres de table.
La table d'harmonie conditionne l'amplitude vibratoire. Elle est l'âme de l'appareil. Elle repose sur le barrage, un ensemble de gros barreaux au centre du châssis. Aujourd'hui, on trouve sur les pianos d'entrée de gamme des tables faites de plusieurs plis de bois contrecollés, mais dont le timbre offre une qualité sonore inférieure...
Le cadre est aujourd'hui, et depuis 1900, en fonte et doit être solide. Sur un piano droit, la tension peut atteindre 16 tonnes et même 20 sur un piano à queue comme celui-ci.
*Il regarde celui qui est en face de lui* On pourrait le confondre avec une harpe. Les cordes y sont accrochées sur des pointes en fer d'un côté et de l'autre. Elles s'enroulent autour des chevilles d'accords, cylindres en acier enfoncés en force dans un sommier en bois dur et qui les empêchent de se desserrer...
Les touches sont commandées par un système de leviers, de renvois et de pivots. Celle de droite, la pédale forte lève les étouffoirs, coussins en feutre qui au repos empêchent les cordes de sonner librement. En actionnant la pédale, les étouffoirs sont soulevés et ceux-ci libèrent toute la résonance du piano. La sonorité devient brillante, riche en harmoniques. En appuyant sur celle de gauche, la pédale douce, appelée UnaCorda dans les partitions, le son devient moins puissant et sur un piano comme celui-ci sa décroissance change, car l'ensemble de la mécanique est déplacé légèrement vers la droite. Les têtes des marteaux ne frappent plus alors que 2 cordes sur 3... De médium-aigu à aigu. La corde libre, vibre par sympathie et le timbre est modifié, plus doux, plus long. Sur les pianos droits, la pédale de gauche rapproche les marteaux des cordes et donne moins de course, donc moins de puissance sonore. Enfin, la pédale du centre, la pédale tonale maintient libre les cordes des touches utilisées et garde leurs résonances...
Les touches... Elles sont taillées dans du bois tendre, généralement du sapin ou, ici, du tilleul, depuis une planche d'un seul tenant, parfois depuis un sandwich de bois, pour prévenir le gauchissement. Autrefois les touches blanches des pianos étaient recouvertes d'ivoire et les noires d'ébène... Aujourd'hui les matériaux de remplacement sont le plastique ou le polymère. Le coût de revient est avantageux, certes, et le côté imputrescible du plastique le rend attirant mais s'il est de mauvaise qualité, il sèche et craquelle avec le temps...
Les touches sont percées de deux trous qu'on appelle des mortaises: un trou au centre de la touche créant l'effet de balancier et l'autre plus en avant pour guider l'enfoncement.
Elles sont posées sur un châssis lui-même ajusté à un plateau massif et stable de préférence. Elles sont guidées, maintenues par des pointes en laiton ou fer chromé qui assurent les différents mouvements de balancier et d'enfoncement. Pour compenser la lourdeur de la mécanique qui repose sur l'extrémité des touches, des plombs sont insérés pour contrebalancer le poids d'enfoncement de 47 et 60 gr à l'avant de la touche et de 50 et 70 gr au bord de celle-ci. Le réglage d'enfoncement des touches doit être identique sur toute l'étendue du clavier, en moyenne 10 mm, pour offrir la même sensation de jeu...
Le marteau... L’extrémité de cette pièce, la tête, qui vient frapper la corde est entourée de plusieurs épaisseurs de feutre pressées et collées sur le bois. La densité du feutre contribue à la sonorité finale de l’instrument.
Les cordes de ce piano sont des fils d’acier trempés d’un diamètre différent correspondant à aigu et médium. Les cordes basses sont entourées d’un fil de cuivre filé afin d’augmenter leur masse puisque l'acier seul ne suffit pas. Sa longueur et son diamètre déterminent la hauteur du son. Il faut compter une moyenne de 75 kg de tirant pour une corde, ce qui représente entre 16 et 22 tonnes pour les 240 cordes. La qualité de fabrication des cordes basses est essentielle car celles-ci jouent un rôle fondamental dans la couleur finale de l'instrument. Les cordes en acier sont au nombre de 3 pour les aigus et les médiums, de 2 pour les médiums-graves et d'une seule pour les graves... »


*Il lève la tête*

« Le chevalet a pour rôle de transmettre les vibrations des cordes à la table d'harmonie qui amplifie le son. Apparemment ce piano à cordes croisées est moderne: un second chevalet est présent pour séparer les basses.
Ah...L'étouffoir. Primordiale. Il stoppe la vibration de la note quand la touche est relâchée... »


Après s'être légèrement arrêté, il observe très attentivement la pièce et regarde avec insistance les fenêtres non loin de lui...

« Le froid, le chaud et l'humidité...
Ces paramètres sont étroitement liés. L'air extérieur apporte de l'humidité en fonction de sa température ; plus il est froid, moins il contient d'eau. Les saisons les plus humides, en France, sont le printemps et l'été ; en hiver, à cause d'un air froid très sec, le bois a tendance à se rétracter.
Le piano s’adapte mal à des variations climatiques brutales, que ce soit à l’intérieur de l’habitation ou provenant de l’extérieur… Le piano est sensible aux variations hygrométriques. Il est également sensible à la sécheresse comme à l’humidité. Le pire est le passage rapide d’un état à l’autre.
Un air trop sec accélère un desserrage des mécanismes et augmente les risques de fendillement du bois et donc de la table d’harmonie, tandis qu’un air trop humide provoque une accélération de l’oxydation des parties métalliques. Quand les cordes sont oxydées, elles ne sonnent plus correctement, deviennent sourdes et se fragilisent, elles se rompent même parfois. Les chevilles se grippent et rendent l’accordage plus difficile. Les feutres augmentent d’épaisseur, perdent de leur rendement sonore et les touchent commencent à se coincer...

Il est inconsidéré de mettre un piano dans des pièces à grandes surfaces vitrées... Elles font effet de radiateur... Tout doit être étudié pour un aménagement acoustique parfait: le sol, les murs... »


Il s'arrêta net, s'étant aperçut qu'il venait de débiter un nombre totalement ingérable d'information... Il regarda la jeune fille et dit doucement:
« Je suis désolé, il est vrai que nous ne sommes pas là pour ça... »

Il posa délicatement ses mains sur les touches du piano, les caressa légèrement du bout de ses doigts et joua.
Pour elle.
Les sons suintaient de l'instrument, à peine perceptibles puis puissants. Ils dégageaient une mélancolie... une tristesse si grande... Le silence aurait put en devenir jaloux. Et il était tout entier pour elle.





Dernière édition par C.Dorneaz le Lun 16 Nov 2009 - 17:01, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Musique [Ana]   Musique [Ana] EmptyMar 20 Oct 2009 - 17:17

Comme elle lui avait promis depuis le début de la journée, le matin même, dans l'un des couloirs, elle lui montrerait ce qu'il voudrait visiter pour s'habituer aux lieux. Si C.D souhaitait voir aller voir la salle de musique pour jouer au piano, Ana, comme bonne amie qu'elle était, elle lui ferait voir le chemin et la salle même. Il devait tout simplement lui donner le temps de se changer, quoique ça ne serait pas la première fois que l'espagnole se promène en pyjama pour aller d'un côté à l'autre de l'académie.C'était bien plus pratique que perdre du temps inutilement en se changeant. Elle sortit une autre sucette de quelque part de sa chambre et la fourra dans une de ses poches, prenant une petit lanterne de poche dans une autre; on ne savait jamais quand le courant pouvait être coupé comme ce soir; elle se dirigea vers la porte qu'elle ouvrit sans hésitation. Maintenant il fallait se souvenir de la localisation de la salle... euh... au fond du couloir du côté gauche, non? Bien loin des autres pour ne pas déranger avec le bruit des instruments, même si la pièce était parfaitement habilitée pour diminuer le son. Ana ouvrait la marche telle une directrice de cœur. Elle marchait d'un pas sûr et léger, signalant de temps en temps les portes et les couloirs, expliquant ce qu'il y avait derrière ou menaient-ils. Ils arrivèrent devant une porte en bois vernie de couleur clair, à travers la petite fenêtre on pouvait voir la grande salle avec ses chaises et ses tables. En poussant la porte ils purent voir le petit joli piano de l'académie.

- Je ne sais pas s'il est accordé, personne le joue depuis un temps. Il prend un peu de poussière quoi.

Mais Constan's l'écoutait à peine, il parlait sur le piano et son fonctionnement. Un discours qui eut comme effet de perdre la jeune femme en route, ce n'était pas de sa faute si elle comprenait que la moitié des choses. Touches, couleurs, bois, formes... de mots qu'elle connaissait, mais pas dans le contexte de la musique. Ses quelques années de formation musicale se perdaient à présent dans les tiroirs de sa mémoire. Ana avait beau savoir quelques morceaux et reconnaitre les compositeurs classiques, elle se rendit compte très rapidement qu'elle ne pouvait pas rivaliser avec son ami. Dorneaz était un artiste, l'âme d'une mélodie crée spécialement pour piano. Ana était une rebelle née pour être freak jusqu'à sa mort, un esprit en léthargie. Ils avaient tous les deux de points communs, mais aussi beaucoup de différences. Il suffisait d'écouter C.D jouer le morceau de musique pour comprendre.

La mélodie était belle et bien jouée, Ana ne pouvait pas cacher son admiration devant les mouvements de fins doigts du garçon. Il avait un don, c'était certain, un don caché aux yeux des autres d'après ce que la brune avait compris: il jouait toujours pour lui. Il y avait donc de quoi être flattée alors! Elle resta silencieuse pendant tout le morceau, ne voulant pas gâcher le son avec un bruit quelconque elle contenait même la respiration. Elle avait peur de troubler l'atmosphère qui s'installait dans la salle pour accompagner la mélodie, sa respiration lui semblait même monstrueusement bruyante à côté. Lorsque le garçon eu finit de jouer, Ana pu enfin lâcher son souffle, elle frissonnait presque à cause de la musique. Elle avait constaté au fil des années que certains morceaux, qu'ils soient de compositeurs classiques ou modernes, avaient le pouvoir de lui donner la chair de poule, que ce soit dans un film ou en live. Et là, elle sentait comment les petits poils de la nuque hérissaient, comme si elle avait pris un bain d'eau glacée.

- Je n'avais jamais écouté cette chanson auparavant, mais elle est très belle et triste en même temps; comme un souvenirs nostalgique d'une vie passée, d'un meilleur moment ou quelque chose de ce genre. Qui est l'auteur? Tu sais, je m'attendais à ce que tu joues du Chopin, une valse peut être... Je devrais changer mon registre, je deviens obsolète pour notre époque.

Ana termina sa phrase en riant même. Il y avait du vrai dans ses mots, peu de jeunes comme elle s'intéressaient à la musique classique à moins qu'ils aient une éducation musicale ou des parents avec des goûts comme ceux du père de l'espagnole: qui étant fils de campagnard appréciait fortement les Anciens musiciens. La brunette regrette certainement que ceux qui se disent artistes originaux prennent les œuvres des autres et les remixent sans goût, glamour et attention. Le résultat était plus que pénible à ses yeux, c'était même un crime qui devrait être punit! C'étaient de tristes pensées et elle ne voulait pas continuer dans cette voie, sinon elle finirait par maudire tout le monde et avec le corps plein de rage. Aucune envie. Elle était là pour écouter son ami, se tranquilliser et admirer. Rien de plus. Elle s'approcha doucement du piano, caressant les touches, comme si elles pouvaient lui transmettre encore l'envie de jouer comme avant; avant qu'elle déteste sa manière de faire courir les doigts sur clavier. Il faut dire que la forme que ses doigts avaient pris à cause du volley-ball ne lui plaisait guère.

- Je jouais aussi quand j'étais plus jeune, mais j'ai arrêté depuis un certain temps, ne trouvant plus trop le temps et l'envie. Mais le piano est et restera mon instrument de musique préféré, je trouve qu'aucun peut émettre des sons avec autant de délicatesse que lui.

Ana enfonça une des touches blanches et commença à jouer quelque chose avec hésitation, peu à peu la confiance s'empara de ses doigts et ceux-ci commencèrent à voler. Heureux de retrouver un monde qu'ils connaissaient. Ils jouaient l'air d'un film qui avait assez touché la jeune fille, Le Piano ou la Leçon de Piano. Ana associait toujours la chanson à quelque chose de malheureux, qui faisait mal car elle avaient l'image d'une pianiste se qui se faisait couper les doigts...

- Tu la connais? Le film est sortit en 93, si je me souviens bien.

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MessageSujet: Re: Musique [Ana]   Musique [Ana] EmptyDim 15 Nov 2009 - 21:35

[Désolé pour le retard, il me fallait de la matière.]

Le jeune homme s'arrêta, il reconnut le ton doux d'une mélodie.
Bien sûr qu'il la reconnut. Il reconnaissait tout ce qui s'apparentait à une note quelconque. Il se mit à jouer sur cette chanson, improvisant quelque peu, ne pouvant plus s'empêcher d'augmenter le nombre de frappes, frénétiquement, sans pauses, toujours plus rapides, les sons s'entremêlaient sans se déranger et la musique ne semblait que danser sur ses doigts. La pièces fut coupée du monde, le temps retenait son souffle.
Le son... il ne restait que ce son...une onde produite par la vibration mécanique d'un support solide et propagée grâce à l'élasticité du milieu environnant sous forme d'ondes longitudinales.
Cette musique qu'il appréciait tant n'aurait su comment s'arrêter.

Il semblait frissonner, mais pas de froid...
D'excitation semblait-il. Ses doigts se mirent à jouer du Beethoven sans qu'il ne s'en rende compte. Il était sous l'emprise de l'instrument. Puis il s'arrêta net. La chute du son fit rupture avec sa précédente puissance. Puis il se mit lentement à jouer quelque chose de bien plus doux...
Spoiler:
Tout en jouant, il se mit à parler, comme s'il avait en face de lui une auditrice avertie:
« Ma manie lexicographique m'a conduit récemment à consulter un dictionnaire des compositeurs qui m'avait jusque là échappé, celui édité par Albin Michel en 1998. Je dois être masochiste car je sais qu'invariablement je découvre dans ces ouvrages de nouvelles marques d'inconsidération envers les maîtres qui me sont chers. En effet, moi qui ne suis pas un mélomane suffisamment averti pour apprécier Bach, je préfère plutôt Piotr Illitch Tchaïkovski, Camille Saint- Saëns, Joaquin Rodrigo, Carl Orf, Nicolo Paganini, Nicolaï Rimski-Korsakov, Edward Grieg, Cécile Chaminade, Jean Sibelius, Antonio Vivaldi, Alfred Lefébure-Wéli, Louis Moreau Gottschalk... musiciens régulièrement ignorés ou décriés par les musicographes pour cause de superficialisme invétéré, de virtuosisme gratuit, de rhapsodisme chronique, ou pire encore, d'académisme rétrograde. Mais pour une fois, une heureuse surprise allait m'attendre:

Les conclusions que l'on peut tirer de la vie et de l'œuvre du musicien russe P.I. Tchaïkovski sont en contradiction avec les jugements très hâtifs qui sont généralement proférés. La mode avec ses perpétuelles alternatives, ses retournements, ses mots d'ordre, ferme la porte à la prise en considération d'une personnalité attachante par sa complexité.

Il semble que quelques musicographes reconnaissent aujourd'hui le caractère très idéologique du jugement exprimé sur certains compositeurs. Je remarque cependant que Tchaïkovski durant la seconde moitié de notre siècle fut soutenu avec un zèle extraordinaire par tout un peuple qui s'est réuni sous son nom, le considérant comme son émanation la plus profonde. Les autorités soviétiques, qui ont défendu comme on sait, une conception très aristocratique de la culture, n'ont rien négligé pour promouvoir leur compositeur national grâce notamment à des écoles d'instrumentistes remportant souvent les plus grands concours internationaux. Je ne peux donc m'empêcher de penser, somme toute, que les musicographes qui ont daigné prêter quelque considération au vieux pleurnichard, ont eu parfois la main un peu forcée par cette omniprésence du compositeur au niveau des concerts. Saura-t-on jamais dans le domaine musical qui manipule qui ? J'exclus naturellement de cette remarque le jugement, qui me paraît très clairvoyant, de Guy Erismann.

Mais, que dis-je ? Ne crois rien de tout cela, c'est assurément une pure divagation de mon esprit perverti qui voit des complots partout...
Ne quittons pas de vue le sujet...
Je lisais donc la notice de Piotr Illitch Tchaïkovski... Je trouvai ce fait admirable: l'auteur de l'article reconnaissait la dévalorisation dont était victime, selon lui, P.I. Tchaïkovski et la nécessaire révision d'une opinion mal fondée de la part de toute l'intelligentsia musicale. Ce type de discours constituait déjà pour moi un événement exceptionnel et inespéré. Or, lisant la suite de la notice, quelques lignes plus loin, j'eus un choc, l'ouvrage faillit me tomber des mains :

On peut déclarer que le rôle historique de Tchaïkovski est considérable et que son apport sur le plan du langage a marqué le développement des écoles symphoniques, lyrique et chorégraphique en Russie et également dans le monde.

J'avoue m'être parfois interrogé à propos de l'étiquette de passéiste que l'on a collée si généreusement à Tchaïkovski. Je m'aperçois maintenant que toute une génération de musiciens russes ont tiré parti de son style. Les meilleurs exemples, à mon avis, sont fournis par Dimitri Kabalevski dans son Concerto n°3 pour piano et orchestre et dans le Concerto n°2 pour piano et orchestre d'Edward Macdowell, œuvres absolument sublimes à mon avis, que je t'invite à découvrir. Dans la Symphonie n°2 du même Kabalevski, l'utilisation des sonorités si spéciales élaborées par l'auteur de la Symphonie Pathétique ne me paraît pas moindre. Nulle mieux que cette œuvre, me semble-t-il, permet de mesurer la fécondité des apports tchaïkovskiens dans l'orchestration, par une coloration dont on a pu dire qu'elle évoquait l'atmosphère déliquescente de l'enfer psychologique. Dans un genre voisin, son ballet Casse-noisette nous offre un autre témoin de l'originalité du maître russe qui complète, me semble-t-il, la panoplie instrumentale élaborée par Berlioz. Et j'indique à propos de ce ballet un exemple saisissant de filiation néoclassique avec la Symphonie romantique de Carlo Garofalo. Si Tchaïkovski ne s'est pas engagé dans les ouvertures offertes par Wagner ou Debussy, optant pour une évolution différente du langage harmonique, il a exploité les nouveautés de coloration orchestrale apportées à mon avis par Saint-Saëns dans ses poèmes symphoniques la Jeunesse d'Hercule et le Rouet d'Omphale. Il s'est orienté, suivant sa personnalité, me semble-t-il, vers un approfondissement du romantisme par des procédés qui lui sont propres, le développement d'une mélodie spécifique et de combinaisons de timbres originales. Mais qu'est-ce que le romantisme, qu'est-ce que l'impressionnisme musical ? Faut-il oublier tous ces repères un peu vains ? Pourquoi considérer que l'évolution musicale doit être unidirectionnelle et surtout qu'elle doit être déterminée par l'évolution vers l'atonalisme selon la succession des intervalles mis en évidence par Helmholtz ? Pourquoi même considérer la musique en terme d'évolution musicale ? Ne faut-il pas admettre que l'histoire de l'Art est un chaos et que le bel ordonnancement présenté par les historiens est un pur artefact ? Alors, j'écoute le Voïevode, Fatum, l'Orage, la Symphonie pathétique, le Casse-noisette... en oubliant tout... sauf la musique. »


Il s'arrêta encore une fois dans ses paroles sans pour autant s'arrêter de jouer... Les notes ne semblaient pas vouloir disparaître.


« C'est étrange... j'y pensais depuis un moment mais il est bien convenu que les mélomanes supérieurs accordent une importance privilégiée à l'harmonie alors que la préférence pour l'élément mélodique ne saurait que signer le goût limité du mélomane inférieur. Quelle peut être l'origine de cette attitude selon toi ? Pour moi, il me semble que c'est l'une des raisons pour laquelle les théoriciens ont choisi de donner la prééminence à l'harmonie sur la mélodie. Ils devaient penser être capables de ramener la première, dans une certaine mesure ou du moins le croyaient-ils, à certaines lois alors qu'ils restaient quasiment impuissants devant la seconde. Ils ont donc pu tendre à minimiser l'importance d'un aspect qu'ils ne parvenaient pas à ramener aux principes de la connaissance intellectuelle et surtout s'arroger seuls, au dessus du profane, la capacité de comprendre la musique. On peut tout aussi bien penser que l'évolution de l'harmonie au cours des siècles, je parle de la tendance aux accords de plus en plus dissonants selon la série des harmoniques naturels, leur parut revêtir un sens qui justifiait la considération du critère harmonique comme fondamental alors que rien de tel ne se dégageait dans l'évolution de la mélodie.
C'est sans doute oublier que la mélodie obéit elle aussi au principe de la tonalité...

Il est vrai que les auteurs actuels ont tenté de compenser cette insuffisance en proposant des analyses mélodiques... Cette récupération tardive, pas plus que la conversion tapageuse de Stravinski à l'omnipotence de la mélodie, ne suffiront pas cependant à gommer toute une conception de la musique qui érigea pendant deux siècles les œuvres prétendument supérieures sur le critère essentiel de l'harmonie, reléguant souvent comme inférieures les œuvres jugées trop mélodiques, lorsqu'elles n'étaient pas voués au dédain d'une certaine intelligence.
Sinon, il est assez curieux que les partisans de l'harmonie considèrent généralement la couleur orchestrale comme une caractéristique secondaire, sinon superficielle. On voit louer la richesse harmonique d'un Wagner ou d'un Bruckner tandis que les recherches coloristes d'un Rimski ou d'un Berlioz ne sont naturellement que du clinquant. Pourtant, la richesse en partiels que constitue la couleur instrumentale d'un son ne représente-t-elle pas une caractéristique harmonique au même titre que la superposition des sons dans un accord ? Dès lors, je ne comprends guère pourquoi l'une serait admirée quand l'autre serait méprisée. Sous le vocable général de mélodie, n'oublient-ils pas généralement les modalités qu'elle peut revêtir, depuis la mélodie purement "récitative" d'un Mozart ou d'un Rossini jusqu'aux cellules osmotiques complexes des soli dans les œuvres concertantes de Vivaldi ou les thèmes symphoniques fondus chez Sibelius ? Ce polymorphisme ne représente-t-il pas une description plus réelle des différentes esthétiques musicales? Et qui pourra jamais savoir si les accords arpégés d'introduction d'Une larme de Moussorgski sont de l'écriture horizontale ou verticale...
J'ai observé cependant que si l'on pouvait écrire de la mélodie pure, un solo instrumental sans accompagnement ou un chant, il était difficile d'imaginer qu'une plage d'harmonie pure puisse revêtir une signification musicale. À cela, les grands cerveaux répondent que dans un solo, l'harmonie est induite implicitement, ce qui revient à affirmer que la mélodie contient con-substantiellement l'harmonie, hypothèse qui est une reconnaissance du caractère primordial de la mélodie. Mais je ne peux considérer la chose que d'une façon... que la mélodie et l'accompagnement, l'harmonie, la couleur instrumentale, les courbes d'intensité sonore, constituent un ensemble indissociable dans lequel il est vain de privilégier ou même de distinguer l'un des composants. »


Après un court instant, il s'aperçut du terrible embarras dans lequel il venait de mettre Ana... D'un côté, il ne voulait rien ajouter de plus, pensant qu'elle pouvait tout aussi bien répondre quelque chose de très pertinent que de tout à fait curieux...
De l'autre, il voulait s'excuser pour avoir ainsi monopoliser la parole telle un véritable gouffre à information... Mais il ne dit rien.
Il préférerait s'excuser en silence.
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MessageSujet: Re: Musique [Ana]   Musique [Ana] EmptyLun 30 Nov 2009 - 11:59

Après le, très intense, monologue de son cher ami, Ana avait la tête qui tournait à toute vitesse, les oreilles sourdes, les neurones devaient, sans doute, être en grève et aucune matière grise travaillait pour assimiler l'avalanche fois deux d'informations. En gros, elle se trouvait pire qu'avant. Ce n'était ni pour ridiculiser la capacité de l'espagnole pour comprendre, mettez-vous à sa place, ni pour humilier le pauvre garçon. Mais la journée avait été vraiment longue et à cet stade il fallait mieux aller doucement, pour le bien de tous. Par conséquent, le regard de l'universitaire était lointain, ou plutôt vide. Ses mains s'étaient retirées de touches du piano aussi vite que le jeune homme avait entamé une nouvelle mélodie, elle ne voulait pas gêner. Ana ressemblait à une statue de marbre tel son semblable était paisible, seul son sourire enfantin fissurait le masque.

Finalement la lumière revint à ses yeux et elle secoua la tête violemment pour se réveiller, se décoiffant, encore une fois par la même occasion. Elle se senti rougir de honte, pour ne pas avoir compris tous ces détails. Sa tête descendit doucement jusqu'à ce que les mèches brunes cachèrent totalement son visage.

- Désolée, c'en était trop pour moi et je me suis perdue en route...

La voix n'était qu'un fil qui, sûrement, parvenait durement jusqu'aux oreilles de Constans. Le pauvre, maintenant qu'ils se trouvaient là, que tout allait bien, tout calmes qu'ils semblaient... ahlalala cette Ana, il allait encore la supporter pendant un moment. La folle se demandait comment pouvait-il tenir aussi longtemps, ce n'était pas normal.

- Ce n'est pas que ce que tu as dis n'était pas intéressant, à vrai dire je ne sais pas, mais tu parlais trop vite, trop de choses en même temps. Trop précis.... Tu n'avais pas besoin de prendre un peu d'air? Faire de pauses? Non?... Il y a des gens qui ont la capacité de parler durant des heures sans nécessité de s'arrêter, surtout lorsque le sujet leur tient à cœur.

Elle releva rapidement la tête pour se retrouver nez à nez avec Constan's, au même moment qu'un certain ventre se mit à émettre des bruits inconnus pour l'oreille humaine. Les joues, déjà d'une forte couleur, dévirent aussi rouge que le visage de Ana pouvait parfaitement se faire passer par le drapeau japonais. Blanc rouge, joli contraste. Avec des taches vertes et marrons. Si à la place d'être dans une situation de la vie courante on aurait été dans un manga, une petite goutte aurait apparu sur l'un des côtés de la tête de Ana; vue par derrière. On se trouve devant la typique scène comique les enfants, oui oui, celle qui casse toute l'ambiance sérieuse qu'il y avait à peine quelques secondes. Mais avec l'espagnole, on le sait tous, impossible d'avoir du sérieux pendant trop longtemps. Elle se fatigue vite. Ah, mais comme j'aime réduire mon personnage en rien, je suis méchante. Allez, bref, on reprend! Je disais donc qu'un de ces deux élèves avait faim, pour savoir lequel il ne faut pas trop réfléchir puisqu'il est évident qu'il existe qu'un seul ventre pouvant faire autant de bruit. Il est aussi fou que le reste du corps.

- Héhé.... Pourquoi ç'arrive qu'à moi ce genre de choses!? La nature est si cruelle avec moi! Je ne suis plus en pleine croissance, je n'ai pas besoin de manger tout le temps, mais voilà que le ventre se sent vide et après j'ai mes problèmes de santé! Et ose pas rire! Sinon je te fais la gueule....

Oh, mais quelle menace si terrifiante quoique les bruits provenant ds profondeurs étaient encore plus sinistres que les petits gestes qu'Ana enchainait. Ceci lui rappela le début de l'aventure, lors du repas dans le réfectoire: C.D avait plus qu'elle à une vitesse surprenant au point de faire peur et envier ses chiennes. Ah, ces chiennes, comment étaient-elles la-bas? Hey, on s'égare! A ces souvenirs, un rire un peu étrange brisa le silence de glace. De quoi être surpris car le contraste entre les éclats de rire de l'espagnole et les notes de musique de Constants était bien plus grand que l'océan Atlantique. Encore une phrase qui ne veut rien dire. Dorneaz ne devait rien comprendre à la situation, il avait en face de lui une fille qui riait comme une folle et qui disait des choses sans sens tout simplement parce que son ventre avait réclamé de quoi se nourrir. De plus, elle allait tomber du tabouret! Déjà que le tabouret pour les pianos étaient petits, si ils étaient deux dessus... Mais Ana maintenait l'équilibre malgré tout... ou pas. Secouée par toutes les frissons que donne le rire fou, la brunette tomba par terre, sur son pauvre petit postérieur. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle arrêta avec rire qui commence à être chiant, quand même!

Par terre, tout étalée qu'elle était, Ana se calma, enfin la froideur du sol la paralysa; le problème de tomber n'est pas de se faire mal, mais de que les habits bougent dans tous les sens et que la peau touche le sol. A présent, sa respiration devenait normale à petit pas, son ventre montait et descendait prouvant ce fait, elle fixait le plafond de ses yeux verts. Et ses lunettes? Tombées ailleurs.

- Merde! Constan's, aide moi à trouver mes lunettes s'il te plais. Sans elle je vois rien, que dalle, pire qu'une taupe et je me sens mal. J'aime pas avoir la sensation d'être aveugle, j'ai peur de ne pas pouvoir voir plus.

Ana avait réellement peur de devenir aveugle, elle l'était presque sans lunettes. Bon, là j'exagère un peu, mais ça reste tout de même un de ses plus grandes peurs. Du coup, elle s'était mise à quatre pattes et scrutait le sol avec ses deux mains, elle refusait de partir d'ici sans ses lunettes.


[Un peu court j'avoue, et avec des fautes:/]
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MessageSujet: Re: Musique [Ana]   Musique [Ana] EmptyDim 13 Déc 2009 - 1:09

Spoiler:

Étrange scène qu'était celle qui se déroulait sous ses yeux.
Ana semblait chercher quelque chose avec frénésie comme si sa raison s'était évaporée. Elle semblait avoir tellement de mal, ses yeux étaient plissés pour lui permettre d'y voir plus clair.
D. ne comprit pas pourquoi elle ne mettait pas ses lunettes. Pourtant, elles étaient là, sur le rebord du piano, depuis qu'il avait commencé à jouer... Elle les avait enlevées peu après qu'il eut entamé sa partition ; l'aurait-elle oublié ?

Au-delà des questions qu'il se posait, il sentit sa peur, comme lorsqu'elle s'était perdue dans le noir tout à l'heure. Ne plus voir est, pour certain, la chose la plus horrifiante qui puisse être. Il éprouvait une certaine empathie pour la jeune fille. Était-ce de l'amitié ? Il comprit enfin ce qu'était ce désir d'apporter une joie contagieuse. Il suffisait pour lui que sa présence procure à son amie un peu de vraie joie pour que le spectacle de cette joie lui fasse éprouver à son tour une joie ; ainsi la joie que chacun eut donné lui serait rendue ; et des trésors de joie seraient mis en liberté. Tous deux se diraient : « J’avais en moi du bonheur dont je ne faisais rien. » La source de la joie est au-dedans, il en convenait ; et rien n’était plus attristant que de voir des gens mécontents d’eux et de tout, se chatouillant les uns aux autres pour se faire rire. Mais il savait aussi que l’homme content, s’il était seul, oubliait bientôt qu’il est content ; toute sa joie était bientôt endormie ; il en arrivait à une espèce de stupidité et presque d’insensibilité. Le sentiment intérieur avait besoin de mouvements extérieurs. Si quelque tyran l’emprisonnait pour lui apprendre à respecter les puissances, il aurait comme règle de santé de rire tout seul tous les jours ; il donnerait de l’exercice à sa joie comme il en donnerait à ses jambes. Un large changement s'était opéré en lui.

Il se leva de son siège, déconcerté par cette découverte, et s'approcha d'Ana qui tournait en rond. Elle s'arrêta à ses pieds en se heurtant à lui et il se mit doucement à genoux devant elle, lui tendant ses lunettes.

« Je ne suis qu'un paquet de branches sèches. Je suis inerte en apparence comme la terre ; si tu me laisses là, je deviendrais terre. Pourtant, j'enferme une ardeur cachée que j'ai prise au soleil. Approches de moi la plus petite flamme, et bientôt tu auras un brasier crépitant. Il fallait seulement secouer la porte et réveiller le prisonnier. Ce que tu as fait sans peut-être même le savoir... »

C’est ainsi qu’il fit une espèce de mise en train pour éveiller sa joie. Il sourit. Son sourire n’exprimait rien du tout ; il souriait parce qu’il était heureux ; mais je dirais aussi qu’il était heureux parce qu’il souriait ; il avait enfin du plaisir à sourire.
Il se rendait compte qu'être reconnu, accepté, était quelque chose qu'il avait désiré. Sa solitude l'empêchait de voir. Et comme Ana, il ne supportait pas d'être aveugle.

Mais cela n’est pas vrai seulement pour le sourire ; on a besoin aussi de paroles pour savoir ce que l’on pense. Tant qu’on est seul on ne peut être soi. Les nigauds de moralistes disent qu’aimer c’est s’oublier ; vue trop simple ; plus on sort de soi-même et plus on est soi-même ; mieux aussi on se sent vivre. Il avait finalement compris. Et de cette joie, s'accompagnait une incommensurable tristesse, il ne voyait pas auparavant à quel point il était seul. Son privilège, c'était d'assister au drame de sa vie, d'avoir conscience de la tragi-comédie de sa propre existence, et plus que cela d'avoir le secret du tragi-comique, c'est-à-dire de ne pouvoir prendre ses illusions au sérieux, de se voir pour ainsi dire de la salle sur la scène, d'outre-tombe dans l'existence, et de devoir feindre un intérêt particulier pour son rôle individuel, tandis qu'il vivait dans la confidence du poète qui se jouait de tous ces agents si importants, et qui savait tout ce qu'ils ne savaient pas. C'était une position bizarre, et qui devenait cruelle quand la douleur l'obligeait à rentrer dans son petit rôle, auquel elle le liait authentiquement et l'avertissait qu'il s'émancipait trop en se croyant, après ses causeries avec le poète, dispensé de reprendre son modeste emploi de valet dans la pièce. - Shakespeare avait dû éprouver souvent ce sentiment, et Hamlet, dû l'exprimer quelque part. C'était une doppelgängerei toute allemande et qui expliquait le dégoût de la vie réelle et la répugnance pour la vie publique si communs aux penseurs de la Germanie. Il y avait comme une dégradation, une déchéance gnostique à replier ses ailes et à rentrer dans sa coque grossière de simple particulier. Le doute étant le sel de son esprit, sans la pointe du doute, toutes ses connaissances seraient bientôt pourries. Également les connaissances les mieux fondées et les plus raisonnables. Douter quand il s'apercevait qu'il s'était trompé ou qu'il avait été trompé, ce n'était pas difficile : je voudrais même dire que cela ne l'avançait guère ; ce doute forcé était comme une violence qui lui était faite ; aussi c'était un doute triste : c'était un doute de faiblesse ; c'était un regret d'avoir cru, et une confiance trompée. Le vrai c'est qu'il ne fallait jamais croire, et qu'il fallait examiner toujours. L'incrédulité n'avait pas encore donné sa mesure. Croire est agréable. Mais c'était une ivresse dont il faudrait qu'il se prive.

Il avait toujours cherché à tout assimiler alors qu'en réalité, il ne se comprenait pas lui-même. C'est son visage qui lui avait été révélé par cette jeune fille. Le moyen de comprendre n'était qu'en sortant de soi. Comprendre où commençait sa liberté... et là ou s'arrêtait celle des autres.
En ces instants sublimes, le corps avait disparu, l'esprit s'était simplifié, unifié; passions, souffrances, volontés, idées, s'étaient résorbées dans l'être, comme les gouttes de pluie dans l'océan qui les avait engendrées. Son âme était rentrée en lui, retournée à l'indétermination, elle s'était réimplantée au-delà de sa propre vie; elle était remontée au plus ancien souvenir, était redevenue embryon. Les Jours vécus, les habitudes formées, les plis marqués, l'individualité façonnée, tout s'effaçait, se détendait, se dissolvait, reprenait l'état primitif, se replongeait dans la fluidité originelle, sans figure, sans angle, sans dessin arrêté. C'était l'état sphéroïdal, l'indivisible et homogène unité, l'état de l'œuf où la vie allait germer... Ce retour à l'essence était un rajeunissement momentané, et, de plus, il était un moyen de mesurer le chemin parcouru par sa vie, puisqu'il le ramenait jusqu'au point de départ.
Il restait là, à son niveau, les genoux au sol, comme incliné devant elle.
Un homme face à une reine.

« Ce qui me nuit, c'est de ne pas prendre au sérieux le présent; il me semble toujours que ce n'est rien; je laisse tout échapper, parce que je ne crois jamais le moment venu. Je ne vis que d'avenir. Je suis spectateur même de ma propre vie et non acteur. Je ne vis pas, j'attends de vivre...
Tout ce que je sais c'est que nous sommes chose obscure pour les autres et pour nous-mêmes. L'énergie qui diminue cette obscurité, ne s'entretient que par la lutte. La lutte est une œuvre solitaire. Le prochain ne sait que faire de nos faiblesse et ne compte que les hommes valides. Ne sont valides que ceux qui ont une force positive et qui en usent, pour s'offrir ou s'imposer. Ceux qui ne demandent pas et craignent de prendre, ceux qui attendent sans s'offrir ceux-là ne comptent pas. Le monde n'aime que les forts, ne cède qu'aux audacieux, et ne sourit qu'aux entreprenants. Comme les femmes, il a horreur de faire des avances, et comme les homme il tourne le dos aux nouveaux-venus. Pour lui plaire il faut un peu lui violenter, et pour s'en faire écouter il faut un peu de tapage. Et en ce moment, j'apprends que pour tout cela, il faut savoir ce qu'on vaut et ce qu'on peut, sans timidité et sans jactance, ne pas bouder et ne pas trembler, il faut traiter le public comme un ami inconnu, qui peut entrer avec nous et en rapport magnétique, nous plaire tout en recevant l'un de nos services ; il faut le respecter en se respectant. Pourquoi ne m'en rendais-je pas compte auparavant ? »

Il savait qu'elle comprendrait. Même si elle faisait celle qui ne se doutait de rien, elle saurait. Comme il lui offrait ses lunettes, elle, lui offrait une vérité qu'il avait tant cherché. Ces cadeaux n'attendant aucun retour étaient d'autant plus beaux que forts. Il l'aidait à se relever lentement et la regardait avec les yeux d'un enfant qui vient de comprendre qu'il possède quelque chose. Il savait pertinemment qu'il était seul à voir le monde de cette manière très particulière mais il voulait tout de même essayer de partager cela.
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