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 Après le 8 février.

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AuteurMessage
Zakuro Fea
▼ Université - 4ème Année - Comité des Elèves
▼ Université - 4ème Année - Comité des Elèves
Zakuro Fea


Genre : Non Binaire Lion Coq Age : 31
Adresse : 3, rue la Chance, app. 11, quartier Hiryuu, avec Lawrence E. Swanster.
Compteur 1580
Multicompte(s) : Kojiro Sekigahara

KMO
                                   :

Après le 8 février. Empty
MessageSujet: Après le 8 février.   Après le 8 février. EmptyLun 4 Aoû 2014 - 1:26



    (…)

    « Zakuro. »


    Silence, silence, silence. Silence, parce que les rotondités des mouvements de mon esprits se valaient dans le prix des mots qui ne se prononcent pas. Parce que mon prénom, on l'a répété assez pour qu'en cet instant, il ne me paraissent plus mien. Parce que les syllabes ne se sont pas hachées, ni claquées entre elles. Parce que ce n'était pas lui. Parce que c'était moi.

    « Est-ce qu'il y a un problème ? »

    Le charme de l'instinct féminin avait des limites qui ne sauraient s'atteindre. Mes lèvres s'étirèrent en un sourire que j'aurais aimé aussi énigmatique que les murmures de mes pensées, mais qui se fit plus douloureux qu'autre chose. Parce que les souvenirs avaient leur poids propre et que je crois que je me sentais un peu trop fatigué ce soir pour avoir à les supporter en me sentant totalement capable de ne rien exprimer. Et parce qu'elle était bien trop prévenante pour ne pas chercher à vouloir me laisser me vautrer dans les amertumes sombres de ce que l'on regrette trop. De l'autre côté de la porte, Momo ôtait ses vêtements, et j'attendais, assis contre la porte des vestiaires, en contemplant les ténèbres du couloir vide. Lorsque Momo venait s'entraîner dans ce local, elle ne prenait jamais la peine qu'il y ait d'autre regard que le mien pour accompagner ses entrechats et sauts de biche. Parce que notre amitié s'était étendue au delà des résultats, et que j'aimais la regarder danser.
    Et que, même si ça me valait des griffures jalouses, j'aimais raconter à Chess les courbes de ses mouvements. J'aimais la danse. J'aimais la danseuse qu'était Momo. Et Momo le savait assez pour me laisser la contempler, dans le noir de sa scène illuminée. La porte s'ouvrit brusquement, et dans l'éclairage violent des néons électriques qui baignaient mon regard de ce jaune vulgaire, je devinais la silhouette à contre-jour de Momo, qui se penchait sur moi, ses yeux venant chercher ce qu'elle n'oserait jamais toucher avec ses mains.

    « Tu peux m'en parler, si tu veux. »

    Te parler de Kohaku et de ses sourires, te parler de cette absence et de ce prénom, te parler de cette adoration fébrile qui me rendait plus fort que jamais, mais qui m'écorchait et me tuait avec ma pleine considération de la chose. Te parler de cette ignition dans nos gestes, dans nos regards, et de cette angoisse murmurée qui rampait lorsque j'avais la sensation de ne pas être attaché à ses rétines lorsqu'il posait les yeux sur moi. Te parler de ce que tu ne supporterais pas, parce que je savais que tu ne parviendrais pas à faire autrement qu'à jalouser ces soupirs que je lui soufflais. Ces gestes que je lui appliquais. Ces baisers que je lui volais. Cette existence que je lui vouais. Tu en serais jalouse, n'est-ce pas ? Tu en serais jalouse, et ce serait un dialogue qui s'éteindrait rapidement, porté dans ces mots qui se tariraient. Je savais que tu ne serais pas capable.

    Tu es humaine.

    Mes lèvres s'entrouvrirent sur une expiration moqueuse, riante, et je levais mes doigts, pour de mes phalanges, venir dessiner la courbe ciselée de sa gorge. Pour, d'une caresse, l'enfermer dans l'univers de mon regard.

    « Je vais bien. »

    Je ne suis pas cassé. Je ne tomberais pas. J'emmerde mon conditionnement verbal, j'emmerde la douleur dans mes épaules et dans mes rotules, j'emmerde la fatigue du monde, je ne tomberais pas, je ne serais pas faible. Solide. Je resterais solide. Et ces mots me faisaient l'effet d'une douche froide, aux gouttes d'acides. Je ne tomberais pas.


    (…)


    Elle était montée sur la scène, et j'étais allé m'asseoir sur un de ces sièges qui se paraient de son public, lorsque parfois, elle se pratiquait devant le monde, dans un spectacle. Un « parfois » qui n'existait plus : Momo ne dansait plus ailleurs que devant moi. La salle était plongée dans le noir, la scène était éclairée de mille feux. Je restais assis dans ce noir qui teignait mes humeurs, tandis qu'elle arrivait et se dévoilait sous cette lumière qui l'exposait. Aujourd'hui, son vêtement d'entraînement était sombre, pourtant. Noir comme mes cheveux, noirs comme ses yeux. Je ramenais ma jambe contre ma poitrine, venant crisser mes ongles contre le jean de mon pantalon, mes envies de regarder la danse devenue une illusion aux dynamiques sporadiques. Elle avait allumée la musique, et je la regardais, du coin de l’œil, s'activer à des exercices activant son corps, le tendant et le détendant dans les prémices de sa souplesse confondante. Femme devenant serpent, petit à petit, dans des secondes qui se dévoraient, elle arborait cette élégance qui la faisait onduler dans les reflets de lumière se répercutant sur sa peau.

    Mes yeux prirent les courbes de ce sentiment trop indécis, qui étreignait ma poitrine, dans un étau de fer.

    Comment est-ce que tout cela avait commencé ?
    Comment ?

    (...)


    Le labyrinthe avait laissé place à une plaie évidée de ses reliefs, et silencieux, j'effleurais des yeux ce qui se taisait autour de moi, caressé par le vent devenu âpre au contact qu'il apposait sur ma peau et sur ma nervosité. Le monde était noir, et ma perception aveugle. Mais je ne parvenais pas à me concentrer sur le paysage, car il y avait au fond de ma tête cette voix qui revenait constamment, et dévorait tout centre d'attention, en un prédateur dangereux, et tapi dans l'ombre de mes pensées.

    « Qui êtes-vous ? Qui êtes vous, qu'êtes-vous, tous les deux ? »

    La question de Senta hantait ma mémoire en un souvenir qui faisait exploser son écho en des résonances lugubres. Et si j'essayais de tendre des doigts immatériels dans l'idée d'attraper un indice de réponse à fournir, celle-ci s'envolait plus loin, hors d'atteinte, perdue dans des limbes auxquelles je ne pouvais accéder. Alors, je courais en avant, et mon corps se déplaçait dans ce labyrinthe allongé. Je courais, sans jamais parvenir à réellement avancer. Près de moi, une Reine moqueuse, aux allures de bretonne brune, drapée dans son rouge criard, me répétait, avec ironie : « Que tu es lent, que ton monde est lent ! Tu ne bouges pas assez vite ! ». Et si j'avais dans l'idée de la fuir, elle s'approchait de moi et me frappait, dans des mawashi toujours porté avec un peu plus de violence à chaque fois. Et je tombais, retombais sur le sol, dans la poussière. Et les alarmes d'incendies me faisait me relever, brusquement, parce que l'adrénaline courait mon corps, et parce que je craignais voir les flammes signalées venir brûler ma peau. Mais le feu n'existait pas, le feu n'existait jamais, et j'étais à peu près sûr que c'était moi qui avait allumé l'alarme. Autour de moi, dans des volutes de poussières soulevées, des silhouettes floues se mettaient à courir, sans jamais me toucher ni me bousculer. Mais elles couraient, m'entraînant dans un flot qui allait à l'encontre de ma volonté. Car brusquement, à chaque fois, je me souvenais que je devais aller de l'autre côté, ignorer le mouvement de la foule, pour me rendre au plus fort même de l'alarme à incendie. Parce que de l'autre côté, je le savais, il y aurait Kohaku.

    Tout le labyrinthe disparaissait alors, et il fallait que je me mette à courir au travers de cette foule devenue mi humaine, mi essaim de guêpes. Les bourdonnements qui frappaient mes oreilles hurlaient à une dynamique de découragement, d'abandon, mais je craignais plus encore de ne pas me rendre auprès de Kohaku qui était là bas, car sinon, je le savais, je le perdrais, et il disparaîtrait. Et c'était tellement intolérable que mon corps se retrouvait poussé en avant, dans un élan désespéré. Je ne savais jamais, à ce moment là, si je criais son prénom. Celui-ci flottait auprès de mes oreilles, mais j'étais totalement incapable de définir s'il était modulé par ma voix ou par celle d'un autre.

    Et une porte apparaissait devant moi. Je ne doutais jamais, et saisissant le bouton du panneau de bois noir, je me jetais de l'autre côté. S'en suivait cette chute longue, effroyable et lente, dans le vide. Brûlait au dessus de moi le visage fantomatique d'un chat qui souriait, et qui murmurait un prénom que je ne connaissais pas, et que je ne pouvais attribuer à aucun visage. « Mei » se répétait mille fois, et le Chat sembler hurler de rire, accompagnant la pesanteur de mon corps, jusqu'à l'impact final. Mais l'impact n'apparaissait jamais, et je tendais les bras au dessus de moi pour attraper ce sourire qui me paraissait devenu le seul espoir. Mais le prénom Mei était la seule corde qui en sortait, et qui me brûlait l'âme. Me brûlait, tellement fort, que je rouvrais les yeux. Et Chess chantait.

    Allongé sur l'ardoise humide du toit de l'appartement, le regard plongé dans les renflements sombres d'un ciel orageux, les cheveux déliés et trempés par l'averse qui venait d'avoir lieu sans que cela m'ait réveillé, je fixais, hagard, le long déploiement des corolles de nuages qui s'étalaient au dessus de moi, comme des éventails remplis de significations nébuleuses. Nébuleuses et lointaines. Ma poitrine me brûlait, et lentement, dans la torpeur de mes gestes encore endormis, je vins déposer ma paume contre mon vêtement, découvrant sans surprise que celui-ci était imbibé de pluie. La pluie ne m'avait pas réveillé, et frissonnant, j'amorçais un mouvement pour me relever. Au loin, dans les bruits étouffés de ma perception endormie, un corbeau poussa son cri prédateur. Un frisson courut sur ma peau ; je me relevais.

    Trempé, l'humidité se faisait piège à mon besoin de retrouver mes repères. Comme un monstre silencieux et perverti par son avidité, le froid collait à mon corps comme d'autres collent au corps de leur amant. Une envie de pleurer et de rire à la fois me fit fermer les yeux et élever mon visage vers le ciel. Le cauchemar avait laissé derrière mes paupières cette sensation lourde d'avoir trop vu l'insoutenable, et amorçant un pas, je défiais le déséquilibre de mon être. Un second pas. Mes yeux se rouvrirent en un sourire venu s'étirer au fond de ma tête. Doucement, il transparut sur mes lèvres, et j'effectuais un troisième pas, avisant la porte pour retourner aux étages inférieurs de l'appartement. Un quatrième pas, et le déséquilibre disparut, laissant place à cette lourdeur maîtrisée du corps qui se remet en mouvement après une immobilité trop longue.

    Ce n'était qu'un cauchemar.

    (…)

    Tu es en retard.

    Griffonnés avec cette calligraphie un peu typique, les mots de Momo jetaient sur moi la remarque accusatrice de son silence oral. Le professeur avait accepté mon entrée en retard dans la salle, et ans un bruit, je m'étais glissé jusqu'à ma place, traversait l'amphithéâtre sous le poids des regards des autres élèves. J'avais jeté mon sac sur le sol, à côté de ma chaise, et sortant mes affaires, avait jeté mes prunelles sur le papier posé en travers de ma table, dédaignant un peu plus le thème inscrit en idéogrammes gras et crayeux. Momo ne me regardait pas, mais je sentais peser sur moi toute l'attention qu'elle accordait au fait que je réponde. Lentement, me saisissant sans empressement de mes affaires, je récupérais doucement un stylon au hasard, et avec un soin tout particulier, répondait sous sa phrase, dans un japonais enjolivé. « Je te remercie pour cette remarque pertinente. Je n'aurais jamais remarqué sans toi. »

    Elle lut ma réponse sans que son visage n'exprime le moindre sentiment, comme à son habitude, puis je la vis, après avoir jeté un bref regard au professeur qui lisait un discours, tapoter de sa mine sur le papier qu'elle me lança.

    « … ? »

    Je traduisais la ponctuation en un « Pourquoi » non formulé. Avec toute la tendresse du monde, je posais mes yeux sur elle, presque souriant. Dans son angoisse douce et aimante, elle faisait se dissiper les brumes qui noyaient ma concentration. Sans chercher à répondre via le biais du papier, je me tournais directement vers elle, lui jetant, du bout des lèvres, des mots murmurés.

    « C'est rien. Merci. »

    Elle eut ce sourire qui apparut lentement, trahissant un frémissement d'hésitation. Mes yeux prirent cette courbe câline, et brusquement détaché des humeurs néfastes qui m'avaient accompagnés depuis mon réveil, je me concentrais sur le cours d'Histoire.

    (…)

    Kojiro s'assit au sol, avec un soupir de découragement, et sans même lever les yeux sur lui, je savais que la cause de cette manifestation d'humeur était provoquée par son dernier cours, le professeur ayant, nous l'avions tous parfaitement compris, un don fabuleux pour exaspérer Sasaki, en vu de ses méthodes d'enseignement. Pendant que Momo prenait place près de moi, je soulevais la commissure de mes lèvres en un rictus pointu.

    « Alors ? »
    « Rien de particulier. Il a juste dit que le Japon, encore une fois, avait perdu de son attache nationaliste, et que nous étions les plus à même de souffrir de cette absence de patriotisme. Que les temps révolus étaient des exemples à suivre, et que … Et bien. Le discours extrémiste, en soft, de d'habitude. »

    J'allais répondre, mon sourire moqueur déjà installé sur ma bouche et ses modulations rieuses dans ma voix quand mes yeux accrochèrent le détail d'une silhouette élancée qui s'approchait de nous, la démarche sautillante. Et Senta, c'était un détail amusant, était à côté de lui. Les lèvres tordues en son sourire furieux, Kohaku s'approcha, et mes yeux glissèrent sur sa face, sur ses lèvres et son sourire, et le prénom de Mei vint gâcher les couleurs joyeuses qui s'établissaient dans ma tête, dans ma poitrine, dans mon sang. Mélancolie souffrante d'un monde qui s'ignore. Momo eut un frisson qui me rassura au moins sur une chose. J'étais à lui. Et « Mine » vint, à une lettre près, remplacer le prénom de ce fantôme dans ma tête.

    Quelques temps après son arrivée, pourtant, les lèvres de Momo vinrent chercher les secrets de mon attention esseulée.

    « Viendras-tu ce soir ? »

    Et si, dans le frisson du poids de regard de Chess, je faillis imiter son « non » catégorique, l'idée de noyer mon angoisse sous les légèretés d'un corps qui s'envole, mon sourire répondit pour moi, et je récupérais la main de Kohaku dans la mienne. Parce que lui cacher que je voyais Momo deux à trois fois par semaine pour assister à ses entraînements, en solo ou non, ne nous correspondait pas, je serrais entre mes doigts cette main qui était sienne pour l'empêcher de frapper ma tulipe noire, parce qu'elle avait l'avantage de toujours me faire plus le contempler.

    (…)

    Sous la prunelle de la lune, assis sur un trottoir, j'enviais l'idée de chaleur à ceux qui avaient déjà retrouvé leur foyer. Je savais que cette nuit, Kohaku ne serait pas chez moi. Il n'y serait pas, et je me doutais que mon rendez-vous avec Momo en serait certainement responsable. Le prénom de Kojiro vint tapoter sa présence dans mon esprit, et sortant mon cellulaire de ma poche, dans la buée de ma respiration devenue glacée, je vins porter l'engin à mon oreille, après avoir composé son numéro. Les tonalités s'activèrent, mais il ne répondit pas. Je me levais, abandonnant mon trottoir. Le vent vint caresser ma gorge, et je serrais mes doigts contre le téléphone portable.

    « Absolument. »

    Fermant les yeux, j'inspirais, appréciant l’absorption de l'élément qui griffait dans ma gorge. Le portable qui vibra dans ma main, avec une intensité dupliquée, me fit sursauter, et relevant la main, pour observer l'écran, je fus presque surpris de découvrir l'identité de l'appel entrant. Un sourire trancha ma face, je décrochais, amenant le portable à mon oreille.

    « Hello Sasaki. »

    (…)


    « Tu veux quelque chose à boire ? »

    Je veux quelque chose à frapper. Mes lèvres esquissèrent un sourire, et Kojiro posa son regard sur moi, la bouche pincée en un trait strict, presque trop grand qu'il était devant moi, debout alor que j'étais assis sur ce canapé au cuir trop usé. Il portait ces vêtements plus décontractés que d'habitude, ce genre de vêtements trop légers que les doigts de Kohaku viendraient soulever pour venir caresser la texture de sa peau. Ce genre de vêtement qui le rendait un peu trop attirant pour que je me sente bien. Ce genre de vêtement un peu trop noirs, aussi. Hypnotisés par le galbe de ses cuisses soulignées par le port du pantalon trop moulant, trop sombre, mes yeux glissèrent sur les angles de ses hanches.

    « Tu es un idiot. Ils ont prévenus qu'il allait neiger. Tu aurais pu attraper mal. »
    « Tu as maigri, Sasaki. »

    Il releva les yeux sur moi, avec cette surprise au fond des yeux qui me donnait la sensation qu'il me voyait pour la première fois depuis qu'il avait ouvert la porte. Je levais la main, amorçant un geste qui se suspendit dans l'air, mort avant d'avoir eu le temps d'être achevé. Le poids du regard de Kojiro sur mon visage enflamma mes joues, et détournant le regard, je ramenais ma main, abaissant mon bras. Et pourtant, il vint s'asseoir à côté de moi, trop peu enclin à ces fiertés masculines qui l'aurait fait s'écarter. Il garda le silence, et je taisais le vacarme de ma tête. Un moment de gêne, un moment de malaise, et puis Kojiro vint poser son épaule contre la mienne, dans un geste jamais effectué auparavant. Ce genre de gestes qui poussaient tellement à cette tendresse que Kojiro ne cherchait jamais à recevoir. Un geste si simple et si terrible, pour lui.

    « Tu m'en parleras ? »
    « Peut-être. »

    Il eut un rire tendre, et se releva immédiatement. Un bel effort, pour Kojiro la Libellule, songeais-je, en me levant à mon tour. Je le regardais s'enfuir avec subtilité dans sa cuisine. Subtilité. Subtilité d'un monde en crise.

    Dis moi Kojiro. Est-ce que dans le silence de tes mots et de ton quotidien au goût de vieux livres et de salon trop propre, tu as accueilli Kohaku avec cette même tendresse qu'il y a dans tes gestes lorsque tu créées une intimité à nous deux. Une intimité née de cette amitié qui s'efface sous les coups d'une jalousie maladive. Mais ce soir je suis trop fatigué pour ne pas imaginer. Ce soir, je veux me dire, peut-être, qu'il est venu ici, que tu ne l'as peut-être pas poussé vers l'extérieur, et qu'il a glissé ses pas sur le sol ambré de cette antre un peu trop tienne, Kojiro. Je ne parviens plus vraiment à trouver cela douloureux, tu sais. Dans l'anesthésie générale de mon corps aux mouvements éteints par un esprit embrumé, j'imagine ce sourire qu'il a du avoir, dans un effort afflictif pour ne rien laisser paraître. Je devine cette douceur avec laquelle tu l'as accueilli, et comment tu n'as pas chercher à le blesser plus qu'il ne l'était déjà, sous cette apparence trop forte qu'il affecte pour ne pas laisser le monde l'atteindre. La main immobile sur le cuir fatigué, j'imaginais comment Kohaku avait dut venir s'asseoir près du fantôme que j'étais présentement, et comment, dans un éclat de voix, il avait réclamé la présence de Kojiro. Kojiro qui, dans un froufrou d'ailes, était venu se poser dans son champs de vision, volatile et éphémère. Comment le reste de la soirée avait-elle pu s'achever, si jamais elle avait eu lieu ? Kohaku aurait-il parlé ? Kojiro aurait-il écouté ? Sans doute. Peut-être que Kojiro aurait cherché à panser les blessures que mes doigts effleuraient sous la couche de son immatérialité. Peut-être que lorsque cherché à embrasser le blanc, pour m'y confondre, pour m'oublier, Kojiro aurait posé sa paume sur la mâchoire trop douce de ce visage aux angles d'enfant, et aurait murmuré ces mots que je ne sais pas prononcer. La délicatesse et la subtilité d'un maître d'arme à la lame trop fine, trop médicale pour que je ne dois disséqué. C'est un monde en crise qui s'effondre, avec subtilité et tendresse, et je m'efface dans le souvenir inventé de ce monde blanc et noir. Les mots s'envolent et disparaissent, emportés par le contact des phalanges de l'hirondelle qui s'est laissé portée trop haut par le vent. Là où il n'y a plus aucune limite, plus aucun obstacle, et où les couleurs ont été dévorées par l'élément perturbateur de toute une vie. Là d'où on ne revient sans doute pas quand l'on porte son prénom et sa volonté, et là où il s'est laissé mangé. Les lèvres refermées sur la peau trop blanche, il a fermé les yeux, et renversé la tête en arrière pour un murmure qui comporte trop peu de syllabes. Dans le silence de son existence effacée pour le confort de son être, ses yeux se sont emplis des troubles qu'il ne veut sans doute plus ressentir, mais qui portent les échos de ce qu'il sera toujours, sous l'humus lacté de ses espoirs. Espoirs comprimés dans une poitrine compressée par les mains de Joshua, il expire lentement le bien-être d'une humanité ciselée à sa chair. Ses doigts se perdent dans les cheveux éthérés de ces paroles collées contre son crâne, et des murmures chauds enveloppent les mouvements ralentis d'une figure double. Des os se soulèvent, hanches sculptées par le marbre d'une immortalité éphémère. Courbes blanchies par les âges et sculptées par les mains qui passent et frottent la peau étirée par le désir, et les gracieusetés silencieuses des chuintements étouffés. On pourrait arquer ce corps en des impositions qui frôleraient l'indécent que rien ni personne ne saurait lui arracher la beauté inhumaine de sa condition spectrale et soulevée. On pourrait plonger nos doigts dans sa bouche pour récupérer le rouge sanglant que ses lèvres ont volés au monde, qu'on n'y récupérerait que cette idée de violer les limites du carmin, pour embrasser un univers vermeil. Se coucher sur le dos, murmurer le temps, et cesser de respirer sous les chaleurs de ses déplacements allongés. Le ventre de Kojiro se remplirait de cette lave qui le brûlerait, je le désirerais, le détruirait de l'intérieur, mais ses cheveux continueraient de danser pour le noir de ses prunelles dévorantes. Ma main sur le cuir de canapé, je respirais lentement.

    Kojiro allongé sous le corps trop blanc, de la soie glissée à leurs pieds. Et des carpes qui nageaient dans mon imaginaire, accompagnant le rythme de leurs frémissements. L'humanité, risible humanité, qui contemplait, qui me faisait contempler.

    Sasaki revint de la cuisine, portant un plateau sur lequel se trouvait une théière et deux tasses laissant échapper les vapeurs du contenu. Il en déposa une devant moi, et s'assit ensuite face à moi, dans un seiza parfait. Soldat rival à mon existence, je persistais à l'idée de le décapiter, tout autant qu'il m'était nécessaire dans la confirmation de mon être. Ne pas être un oiseau. Ne pas être l'hirondelle qui pourfend le vent. Jamais.

    Je récupérais la tasse entre mes doigts, amenant le thé à mes lèvres, pour embrasser la chaleur liquide. Bien plus haut que l'oiseau.

    (…)


    Déplacement brusque des hanches pour une torsion du bassin, les vertèbres ployées sous les remous des muscles qui se bandaient.

    « Je suis intime avec l'idée d'éternité. »

    Les pieds crochetés en une courbe violente, les bras soulevés pour le port altier d'un mouvement projetant l'échine vers l'arrière. Les cheveux de Momo frappaient sa nuque, mon corps promettait de se briser.

    « Je suis intime avec l'idée d'éternité. »

    Les voiles noirs se déchiraient sous la rotation lancinante de son corps déplié. Ses mains trouvèrent des angles dégagés, son front fouetté par les mèches sombres que la transpiration avait transformés en des lianes douloureuses. Sa paume vint frapper mon épaule, hurlant un ordre silencieux, répétitif, mes hanches claquèrent contre le blanc d'un pantalon strié par mes mouvements, ceux-ci devenant les échos d'un effort fulgurant. Je revoyais presque le tatami et les odeurs des karate-gi. Sa gorge se déploya en un arc gracile, son regard me foudroya. Mes épaules arrachées à l'axe, je défis le mouvement. Elle cassa sa danse.

    « Je suis intime avec l'idée d'éternité. »

    Des pas, lourds de tout le reproche qui l'emplissait, elle arriva à ma hauteur, ignorant avec un dédain absolu les cinquante centimètres qui nous séparaient. La poitrine soulevée par à-coup par une respiration devenue fébrile, le poids de mes cheveux détachés et rendus humides par la transpiration venant appuyer jusqu'à sur mes omoplates assurait le risible tableau de mon épuisement physique. Elle saisit mon menton, avec une sévérité froide, tranchant avec la chaleur de nos corps respectifs.


    « Regarde moi. »

    Non. Non. Je hurlais cette syllabe qui se répercutait dans ma tête comme un animal sauvage se jette contre les barreaux des cages qui l'emprisonne. Non. Non, parce que e ne pourrais jamais faire autre chose que te voir. Non. Je ne te regarderais pas. Mes doigts se crispèrent.

    « Zakuro ! Regarde moi ! »

    Je me détournais, violemment, projetant mon regard loin de Momo, attrapant au vol celui de Kojiro, assis dans l'ombre des fauteuils spectateur de la salle vide, pour attraper mes affaires, et délaissant la rage sportive de mon amie, je quittais la scène.

    (…)

    Le bruit de l'eau qui frappait les berges du ruisseau me donnait envie de me jeter dedans. Avançant à grands pas dans le sous-bois qui longeait la côte ouest de la périphérie de la ville, mon sac en besace se balançait avec vigueur contre ma hanche, la frappant à chaque foulée. Je ne m'étais pas changé, et dans le décor environnant, je devais être cette tâche blanche, trop grande, trop bruyante. Quelque part au dessus de moi, dans les ténèbres humides des branches d'arbre, un singe poussa un cri moqueur. Je me stoppais.

    « … Ne peux-tu pas attendre un instant ? »

    Me retournant, j'apperçus la silhouette de Sasaki, qui tenant ses lunettes à la main, parvint à ma hauteur, le souffle précipité. Il arqua ses sourcils en une courbe outrée, la bouche entrouverte sur sa respiration rapide.

    « C'était quoi le problème ? »
    « Attends, Sasaki Kojiro, tu veux que je te fasse remarquer que tu n'étais pas supposé être à cet entraînement de danse ? »
    « Je t'avais prévenu que je viendrais. Pourquoi tu es aussi énervé ? »

    Je ne suis pas énervé, faillis-je répondre d'un ton cassant. Le comble de la litote. J'inspirais.

    « Laisse tomber, Sasaki. »

    Il ouvrit la bouche en une exclamation à la fois outrée, résignée et consternée, avant de se remettre à marcher, ses chaussures nettement moins adaptée que mes baskets aux reliefs végétaux de la forêt. Au bout de quelques minutes de marche, il se retourna néanmoins, un sourire étirant ses traits fins.

    « Est-ce que Kohaku sait que la seule occasion pour laquelle tu portes du blanc, c'est lorsque tu vas t'entraîner ? »

    J'eus un sourire qui lui valut sa réponse.
    Pourtant, je n'y avais jamais fait attention.

    (…)

    La jeune femme avait les cheveux arrangés de manière très jolie, et les mains devant sa poitrine, elle cachait ses formes avec une timidité qui rendait la scène à la fois adorable et profondément perverse. Accoudé contre un mur, je regardais avec un sourire distrait Kojiro abandonner son comptoir pour accompagner Satsuki, son collègue aux cheveux divinement oranges, courir à l'aide de la jeune femme.

    « Il y a une bête dans le soutien-gorge que vous m'avez donné ! Elle m'a mordu ! »
    L'expression de Kojiro me fit rire. Son collègue eut lui même du mal à retenir ses espèces de gloussements louches, pendant que la fille, très gênée, paniquait sur le cas de sa piqûre. Après un quart d'heure de fou-rire commun et de malaise profond, Kojiro sortit finalement du magasin, l'heure de fermeture approchant à grands pas. Les cheveux rejetés en arrière dans une queue de cheval particulièrement masculine, il portait son costume de travail, lequel étant composé d'un costard noir et d'une chemise rouge sang. Il me jugea, d'un long regard inquisiteur, tandis que derrière lui, Satsuki chassait les dernières clientes.

    « Pressé ? »
    « J'ai commencé il y a moins d'une semaine, tu sais. »

    Il eut un léger rire, qui fit imperceptiblement remonter sur son nez ses lunettes. Je sortais mon portable de la poche de ce costume trop sombre, trop élégant. Le jour de l'acquisition, Sasaki avait tiré dessus, doucement, en affirmant qu'il aimait bien. Ce soir, je devais ressembler à quelque chose qui lui rappelait sa petite sœur. J'eus un sourire d'excuse.

    « Je vais devoir y aller, d'ailleurs. »

    Il eut une expression moqueuse.

    « Kohaku squatte chez moi en prétendant que tu pues, quand tu rentres du travail. »

    J'eus un léger sourire.

    « S'il est chez toi ce soir, dis-lui que j'écrirais vos noms sur mon death note. »

    Le sourire de Kojiro disparut. Je levais la main, le saluant.
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