Sick enough to sink

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La porte claqua doucement dans le dos de Yoite. Le silence qui envahit alors la pièce et son esprit le relaxa aussitôt, faisant s'envoler loin les tracas du quotidien. C'était presque devenu un rituel pour lui, toujours les mêmes gestes à peu près à la même heure. Et le plaisir aussi, était toujours le même. Intact. Yoite le voulait éternel.
S'avançant doucement, connaissant les lieux par cœur depuis l'année dernière déjà, le jeune homme aurait pu s'y installer les yeux fermés. Un sport n'est pas qu'un sport justement, à ses yeux, c'était même devenu une passion. La natation rythmait sa vie, lui servait de défouloir bien plus que le karaté et le rendait svelte. Victime de sa petite taille, il ne pouvait jouir comme d'autres ici d'une stature imposante et le seul moyen relaxant qu'il ait trouvé -depuis des années- c'était la natation. Il nageait aujourd'hui comme s'il avait toujours vécu dans l'eau.
Se faufilant dans les vestiaires, seul maître des lieux à cet instant, il ouvrit son casier et en sorti son maillot de bain, ses claquettes spéciales ainsi que son bonnet. Yoite devait même avouer que la natation avait de mauvais côtés. Sa coiffure était mise à rudes épreuves à chaque fois qu'il venait ici alors il avait opté pour un bonnet de bain bien serré, noir, mais mon dieu qu'il le détestait ce truc. Les lunettes de plongée qui allaient avec n'étaient là qu'en option. Le jeune rebelle savait bien que le chlore rendait les yeux rouges mais il adorait regarder sous l'eau sans lunettes malgré tout.
Se changeant sans se presser, conscient du temps qu'il avait encore devant lui, il ressortit des vestiaires pour aller allumer toutes les lumières. Aujourd'hui, son senpaï Kazuki n'était pas là, il avait un rendez-vous important lui avait-il dit avant de lui expliquer les étapes nécessaires à effectuer avant l'ouverture du club. Pas vraiment du genre à stresser, Yoite avait prit ça à la légère, ça ne l'empêchait pas pour autant de réaliser ce qu'il devait faire aujourd'hui avec précision. Préparer le matériel pour les débutants, sortir les fiches de chaque élève pour voir les progressions ou les ralentissements, prévoir des activités pour les plus aguerri. C'était intéressant mais l'eau lui manquait. Devenir vice-président lui avait fait plaisir, il y avait des avantages indéniables mais s'occuper des gosses -car oui, c'étaient des gosses pour lui- ne lui plaisait guère. Il soupira en alignant les objets "anti-coulage" comme il disait. Apprendre à nager n'était pas compliqué si on s'en donnait la peine.

- 25 minutes plus tard -

Le club avait ouvert ses portes depuis un petit moment déjà et les plus malhabiles barbotaient dans le coin où ils avaient pied. Yoite tentait vainement de leur donner des conseils pour qu'ils essayent mais certains refusaient d'aller plus loin tant qu'ils n'étaient pas seuls dans la piscine. Le jeune rebelle ne pouvait pas se dédoubler, alors il était hors de question qu'il prenne le risque de s'occuper d'une seule personne sans faire attention aux autres. Il lui était même impossible d'y penser, sa réputation, celle de Kazuki et sa dépendance à ce lieu lui donnaient le courage de dire non même à ceux qui le suppliaient. Heureusement, ils n'étaient pas tous comme ça! Au pire, fallait qu'ils demandent une sorte de rendez-vous, y avait toujours moyen d'ouvrir le club un jour de "sensée" fermeture ...

Étant occupé avec un nouveau membre, une jeune fille qui semblait déjà avoir quelques compétences suffisantes pour ne pas couler, Yoite avait relégué la surveillance à un élève habitué, un mec immense et baraqué qui était là bien avant lui. Un mec dont les études semblaient interminables tant il paraissait vieux. Le jeune rebelle ne lui avait jamais vraiment adressé la parole mais il avait déjà vu que Kazuki lui reléguait quelques tâches quand lui-même était occupé avec d'autres élèves. C'était un job à temps complet!
D'ailleurs, il y avait pas mal de nouvelles têtes, Yoite était légèrement à la ramasse. Il était temps qu'il se concentre sur les nouveaux, un jeune homme en particulier qui se débrouillait très bien tout seul, attira son attention. Sa tête ne lui disait pas grand chose, alors son prénom ... Aussi, quand il eut fini de s'occuper de la nouvelle, à lui montrer le vestiaire, lui expliquer les horaires et les conditions de respect qui s'appliquaient ici, Yoite retourna près de la piscine avec plusieurs fiches en main. Ne sachant pas le prénom, il attendait la bonne occasion pour le lui demander, se contentant de le suivre des yeux sans rien pouvoir faire d'autre à l'instant.

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Aujourd’hui, c’est samedi. Et qu’est-ce qu’il y a le samedi ? La piscine. Gaku traina les pieds jusqu’au lavabo ce matin là. La nuit avait été particulièrement agitée : une guerre sans fin contre ces satanés tiques-mous, buveurs de sang. Face au miroir de la salle de bain des garçons, le lycéen se retrouva nez-à-nez devant un ramassis de boutons rosâtres, presque rouges, qui lui démangeaient affreusement. Mais pas question de perdre une minute de plus à les gratter, se disait-il, aujourd’hui son maillot de bain l’attendait. Il quitta ensuite la pièce et chemina impatiemment les couloirs afin de rejoindre sa chambre le plus vite possible. Lorsqu’il s’agissait de faire du sport, le jeune homme présentait à chaque fois, l’incapacité de supporter le simple fait d’attendre que l’eau de la douche devienne chaude, par exemple. Ce qui n’est d’ailleurs pas vraiment une nécessité pendant le mois de juillet… En bref, il y a toujours le petit détail qui le met de mauvais poil avant sa séance d’entraînement.

Les cheveux en pétard, une mine affreuse, une peau recouverte de boutons de moustiques – pas d’acné Kami-sama soit loué - , c’est avec une allure pareille qu’il rejoignit l’endroit qu’il prévoyait d’occuper toute la journée : la piscine.

Les vacances d’été rendaient les couloirs déserts et bien silencieux. C’est avec une certaine mélancolie qu’il rejoignit le campus de l’académie, vêtu préalablement de son boxer de bain – Monsieur est un timide – et d’un survêt, accompagné de son sac où y étaient soigneusement chargés serviette, shampoing, gel douche, bonnet de bain et lunettes noires ; tout en harmonie avec le maillot évidemment.

Vingt cinq minutes plus tard, Gakuya était comme un poisson dans l’eau. Il s’y sentait bien, nagé lui procurait un grand plaisir. Comme si quelque chose pouvait l’apaiser au fond de ce grand bain de chlores. Savoir nager faisait parti de lui. Son apprentissage avait débuté dès son plus jeune âge ; aujourd’hui le retrouver entreprendre la nage papillon – la plus difficile à faire - résultait de tout le travail et des efforts qu’il eut particulièrement fournis au cours de ces dernières années. Le jeune Gakuya ne se trouvait pas spécialement doué, par contre, voir le Capitaine à l’œuvre trois mois plus tôt, l’avait rendu totalement admiratif. Un gars très sympa à ce qu’on disait, Gaku le trouvait incroyable. Il n’avait pas encore pu lui parler personnellement et n’avait d’ailleurs jamais pu rencontrer le vice-président. Ce même vice-président dont il fut la connaissance quelques minutes auparavant. Malgré une légère déception de ne pas assister à un cours encadré par le capitaine, il ne fut pas mécontent de faire la rencontre inattendu du superviseur actuel.

Mêlé dans la masse d’élèves avant le début du cours, Gakuya n’avait pas eu l’occasion de le saluer. C’est seulement quand il aperçut qu’on l’observait qu’il daigna le faire. Après être sorti de l’eau, le short moulant et les lunettes sur le front, le jeune homme s’inclina poliment face au vice-président du club.

« Je suis désolé de paraître impoli, je m’appelle Murasame Gakuya, élève en première année. »

Citation :: Kami-sama : Dieu

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A priori, la discrétion chez Yoite, c'était comme s'habiller en rose dans une soirée "black". De toute façon, ce que le jeune homme considérait comme de la discrétion ne l'avait jamais inspiré, il mettre directement les pieds dans le plat, quitte à être jeté aussitôt. Il n'aimait pas être discret pour frapper fort ou trouver un bon moment, il n'avait pas ce temps-là à perdre inutilement. Jamais vraiment débordé pour autant, le jeune rebelle restait très compliqué à comprendre. Il était curieux, malpoli, passionné mais aussi très franc et malheureusement pas assez courageux. On pouvait pas tout avoir!
En attendant, son intérêt du moment venait de quitter la piscine après des longueurs qu'il aurait bien noté si note il avait dû y avoir, et il le vit se diriger vers lui. Très bien, il ne lui était plus utile maintenant d'attendre qu'il sorte la tête de l'eau pour l'apostropher sans déclencher un raz de marée chez les autres participants. Sa démarche était assurée, son corps montrait sans hésitation que la natation n'était pas juste un passe-temps d'aujourd'hui mais bien une passion d'avenir. Il était svelte, jeune ... et déjà trop grand.
Arrivé à la hauteur de Yoite, celui-ci ne daigna pas lever la tête. Il haïssait ces gosses qui le dépassaient déjà alors qu'ils n'avaient pas encore atteint leur maturité. Oui, il savait qu'ils n'étaient pas responsables et que sa propre petite taille n'était pas une affaire d'état mais ça le faisait quand même rager. Yoite s'acceptait tel quel, il avait juste du mal à accepter les autres. Là, la tâche fut cependant un peu plus rapide qu'avec les autres car ledit jeune homme s'inclina, retrouvant un semblant de taille correcte pour ... se présenter. Ça alors, il était super poli ou trop naïf? Yoi tiqua.

"1ière année ... T'as 15 ans?"

Et avant même d'attendre sa réponse, Yoite se mit à chercher son nom dans les fiches des nouveaux mecs qu'il avait prit avec lui. Il ne fut pas dur à trouver, les nouveaux n'étaient pas non plus trop nombreux. Lisant cette mini fiche détaillée qui expliquait les éventuels soucis de santé, la classe, l'origine, la taille et autres éléments qui pouvaient avoir une quelconque importance selon le capitaine, Yoite haussa les épaules devant un mot qui lui sembla latin dans la catégorie "particularité". Franchement, il s'en fichait, il vit juste qu'en effet il avait 15 ans. L'affront était encore pire, ce mec allait sûrement encore grandir!

S'éloignant un instant pour poser les fiches restantes -et celle de Gakuya- sur un petit pupitre mis à disposition, Yoite jeta un coup d’œil vers la piscine et s'assura du regard que tout allait bien. Une jeune fille semblait en difficulté mais après un bref signe envers son surveillant du moment, le souci fut résolu. Reportant son attention sur Gakuya, il daigna enfin le regarder dans les yeux et explorant les moindres recoins de son visage, esquissant un sourire sur les boutons qui ornaient sa peau de gosse, le Schtroumpf plissa les yeux en demandant d'une voix froide -sans raison :

"Est-ce qu'un nouveau comme toi pense qu'on va plus vite dans l'eau si ... on se rase les jambes?"

Et d'un geste presque culotté vu sa remarque déjà déplacée, Yoite s'approcha pour passer son index sur la cuisse gauche de Gakuya. Pas un poil en vue, ce mec semblait rasé depuis à peine 10 minutes tant c'était parfait. Le côté imberbe des asiatiques n'était pas une nouveauté pour Yoite, lui-même ne se battait pas avec une pilosité digne de Demis Roussos. Cependant, les poils qu'il avait sur les jambes n'avait jamais posé problème. Gakuya était-il complexé à ce point-là? Ou bien, la théorie de la rapidité sous l'eau avait-elle vraiment germé dans son esprit? Difficile à dire.

Se reculant, fier de sa remarque et d'avoir déjà un petit nouveau à martyriser, Yoite croisa les bras dans son dos en attendant la réponse. Son rôle de vice-capitaine maître des lieux pour aujourd'hui lui donnait un certain pouvoir et bien qu'il n'ait pas du tout l'envie de traumatiser les nouvelles recrues, il semblait d'humeur un peu taquine ce matin. Y avait pas vraiment de mal, si?

"Te présenter ne te donnera pas plus d'avantage que les autres, au contraire même. J'aime pas les lèche-cul. Fais 10 longueurs et reviens me voir."

Le ton de voix était quand même un peu froid. Pourquoi? Simplement parce que Gakuya, en plus d'être doué et bien foutu, se retrouvait avoir une belle gueule. La concurrence semblait rude, certaines des participantes le regardaient depuis qu'il était sorti de l'eau. Qu'espérait-il? Devenir une star en exhibant son maillot tout moulant? Yoite allait forcer un peu sur l'entraînement aujourd'hui, histoire le rendre ... un peu glorieux quand il sortait de l'eau pour faire profiter aux autres de sa musculature généreuse.

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« Est-ce qu'un nouveau comme toi pense qu'on va plus vite dans l'eau si ... on se rase les jambes ?

Sa mâchoire se contracta et ses yeux plissèrent sous la désobligeante remarque que venait de faire le vice-capitaine. Quelle arrogance, c’est quoi ce mec ? Pensa-t-il. Ce fut bien la première fois qu’on le critiqua sur son hygiène de vie. Depuis quand se raser les jambes était-il un crime, un affront chez la gente masculine ? Il se mordait les lèvres tellement l’envie de lui balancer ces mots le démangeait. Mais jamais le lycéen n’eut l’occasion, ni l’envie, de défier un Senpai jusqu’à aujourd’hui. Son interlocuteur venait de révéler une facette qu’il détesta ; en admettant qu’il en ait plusieurs, à moins qu’il soit un incurable sale-con-hautain-prétentieux et sarcastique par-dessus le marché. C’était la définition complète du vice-président aux yeux de Gakuya. Lorsqu’il passa un doigt sur la cuisse de celui-ci pour le ridiculiser davantage dans son élan de moquerie, le jeune sportif voulut, en quelques secondes, lui mettre un ura mawashi geri bien placé dans sa tête. Peut-être qu’après il réfléchirait à deux fois avant de débiter des conneries pareilles et de le provoquer comme il le faisait.

Bien que largement provoqué et indigné, Gaku ne brisa pas le silence tout de suite. Il plongea avec conviction son regard dans le sien et refusa de donner satisfaction à son interlocuteur en se soumettant, parce qu’il allait sûrement prendre son meilleur pieds de la journée. Même s’il était plus âgé que lui, qu’il lui devait le respect et de l’obéissance, il s’en foutait et c’était bien la première fois qu’il exposait autant de je-m’en-foutisme dans son comportement. Et pour faire preuve d’un peu plus d’insolence qu’il ne lui témoignait déjà, tout en préservant sa place de grand gagnant au roi du silence, il contourna le vice-capitaine afin de récupérer sa serviette posée sur le banc des tribunes qui entouraient la piscine, afin de sécher son visage ruisselant d’eau et de fureur.

Voir cependant Yoite aussi fier de lui le mit hors de lui dans son for intérieur. Gaku refusait de rentrer dans son jeu, bien que l’envie irrésistible de le faire lui démangeaient les lèvres affreusement. Cependant, il ne put se retenir davantage lorsqu’il entendit une nouvelle réflexion tout aussi déplacée que la précédente, de la bouche du vice-capitaine de natation.

- Te présenter ne te donnera pas plus d'avantage que les autres, au contraire même. J'aime pas les lèche-culs. Fais dix longueurs et reviens me voir.

C’en était de trop. Comment pouvait-il être aussi méprisant, aussi fourbe, aussi provocant à ce point ? Qu’est-ce que le jeune sportif lui avait-il donc fait pour mériter d’être traité de la sorte ? Gakuya ne le comprenait pas. Ni lui, ni l’avantage que ça lui apporterait. Ses intentions de le défier furent néanmoins très claires et personne ne pouvait démentir là-dessus. Le grand brun jeta violemment sur le sol la serviette qu’il avait dans les mains, s’avança précipitamment vers Yoite et bien qu’il arbora un ton calme, il lui aboya presque dessus tant ses mots s’enchaînaient, ne laissant place à aucun vide dans ses phrases.

- Faire preuve de politesse, apparemment vous n’en connaissez pas la signification. Je crois bien que vous vous êtes trompé de bouc émissaire Monsieur-le-vice-capitaine. Parce que si vous me cherchez, vous allez me trouver et croyez-le ou non, je ne me laisserai pas marcher par un pauvre mec qui n’a rien trouvé de mieux à faire que de vouloir persécuter ses nouveaux élèves. Je vous ai suffisamment léché le cul là, Monsieur-le-vice-capitaine ? »

Sans dire un mot de plus, le nageur remit en place ses lunettes qui étaient restés sur son front, puis plongea tel un javelot que l'on venait de lancer tant son plongeon était droit et ferme, la tête vidé de toutes pensées négatives. Puis il s'exécuta tel un bon chien-chien à son maître en faisant les dix longueurs ordonnées par Yoite. La nage du crawl, c'est ce qu'il faisait de mieux.

Citation :: Senpai : c'est un élève plus âgé à qui les moins âgés doivent le respect.
Ura mawashi geri : c'est un coup de pieds circulaire inversé ; technique provenant du karaté.

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S'il s'était laissé aller, Yoite serait parti dans un éclat de rire digne des meilleures acteurs. C'était un fait que ces remarques puériles et mesquines sur les préférences physiques de Gakuya étaient sincères, Yoite ne comprenait pas ces choix mais c'était chacun ses goûts et ça ne l'avait jamais dérangé. Là, c'était comme un rite de passage, une sorte de test pour voir s'il réussissait à garder le contrôle, s'il partait en pleurant chercher du réconfort en mangeant une glace ou s'il se fâchait tout rouge d'être ainsi jugé en si peu de temps. Et sa réaction, cette crispation de mâchoire aussi discrète qu'un éléphant sur des œufs était hilarante. Il était lair qu'il avait envie de lui bondir dessus pour lui faire ravaler ses manières mais voilà ... Yoite n'était pas un "collègue de club", il était son supérieur et ce même en présence du vrai président. Il était quand même important de préciser que le jeune rebelle se tenait davantage à carreau quand Kazuki était là. Ce club, c'était aussi une passion pour lui, il y tenait beaucoup et s'il devait se faire virer d'ici pour une telle broutille, ce serait rageant. Alors disons qu'il en profitait aujourd'hui ...
Pourtant, le jeune nouveau fut assez ... comment dire, prétentieux. C'était un comportement respectable face à de telles remarques et ce soudain courage faisait plaisir à voir. A priori, il semblait avoir du caractère à revendre, peut-être qu'ils allaient se disputer tous les deux après tout. En attendant, passer à côté de Yoite pour aller prendre sa serviette style de rien, c'était fort. Très fort. Pas vexant, car Yoite savait qu'il avait sûrement piqué juste là où ça faisait mal mais cette réaction était toute à son honneur. Aussi, il aurait pu en rester là, se contenter de s'être fait un ennemi de plus sans chercher à s'excuser, niant tout implication si ça allait plus haut et continuant de surveiller les autres jusqu'à ce que le cours se termine et que Kazuki reprenne sa place au prochain. Mais voilà ... Yoite n'en n'a jamais assez, il en veut toujours plus et cette prétention logique lui fit déclarer une petite sentence que Gakuya n'avait pas mérité : 10 longueurs. Pour un entrainé comme lui, ce n'était rien mais c'était le geste. Il ne pouvait pas refuser, ça faisait parti des choses agréables d'être supérieur ici. Ils n'étaient pas tous ici pour apprendre à nager mais les plus doués pouvaient prétendre à passer un concours national. Toutes les excuses étaient bonnes.

Et il craqua.
Le regard de braise du jeune rebelle tomba doucement sur cette serviette blanche qui s'humidifiait au contact du sol mouillé. C'était quoi, une déclaration de guerre? Est-ce qu'il rendait l'éponge et se joignait au combat? Attention, Yoite est un lâche et les combats physiques, c'est hors catégorie, il déteste ça. Mais bien évidemment, le petit jeunot de 15 ans resta dans le correct, proférant simplement la vérité quant à des réponses plus directes la prochaine fois, refusant de se laisser faire simplement parce qu'il y avait une supériorité mal placée entre eux deux. Il fut cependant un peu grossier sur la fin mais Yoite se contenta de ricaner. Eh bien, il avait vu juste, il avait simplement envie de tout exploser ce gosse, sûrement un peu nerveux au fond. Était-il satisfait?
Cheveux bleus le laissa quand même faire ses longueurs, s'occupant d'un petit en détresse sur le côté de la piscine en lui expliquant comment mettre ses jambes et lui conseillant surtout de rester là où il avait pieds et d'y apprendre à se débrouiller avant de voir plus haut. Il le ramena sous surveillance dans un coin plus tranquille et entreprit de lui faire comprendre que l'eau n'était pas son ennemi, qu'elle cherchait juste à épouser les formes de son corps pour mieux le porter. Aux yeux de Yoite, savoir nager était un atout non négligeable, c'était bon pour le corps, pour la santé et pour le moral. Se défouler dans l'eau qui suit vos humeurs, c'était génial.

Quelques minutes plus tard, le regard bien concentré sur tous les élèves encore là alors que certaines s'en allaient déjà après avoir fait quelques longueurs juste pour la forme, Yoite rebraqua ses yeux sur Gakuya, le laissant terminer sa punition. S'approchant sans gêne et sans remord, il attendit qu'il ait la tête hors de l'eau pour demander :

"Depuis combien de temps est-ce que tu fais de la natation? Ton niveau est pratiquement le meilleur ici, t'es genre ... un champion de quelque chose? J'ai pas vraiment regardé ta fiche pour tout te dire."

Il n'avait vraiment aucune honte de lui avouer que s'occuper des nouveaux ne l'intéressait pas. Être vice-capitaine, c'était très bien, il gérait des choses bien plus importantes à ses yeux que les fiches des membres. Aujourd'hui, c'était presque une corvée en somme même s'il s'en sortait bien grâce aux habitués, remplis de confiance. Il savait cependant que si quelque chose devait arriver, il en serait responsable et peut-être que Kazuki aussi alors il prenait vraiment son rôle à cœur en zieutant régulièrement toutes les têtes et chaque recoin de la piscine. L'eau restait dangereuse pour tout le monde.

D'ailleurs, si Gakuya s'attendait à des excuses ou refusait de lui parler parce qu'il était vexé par leur entrevue d'un peu plus tôt, ce n'était pas grave. Yoite avait autre chose à faire que de s'occuper d'un gosse qui prend si vite la mouche, lui il adorait jouer, taquiner. Il n'était pas dur de le vexer non plus mais il n'était pas rancunier sur les petites choses et malheureusement pour les autres, il avait toujours de la suite dans les idées. Il profitait de la vie, s'amusait tant qu'il le pouvait et passait les 3/4 de son temps à faire ce qu'il aimait en profitant que tout soit à disposition (comme cette piscine, ou ses potes) avant qu'ils ne quittent tous la fac ou autre. Cette académie regorgeait de luxueux toutous prêts à prendre la suite de leur paternel et cela impliquait généralement de garder dans son cercle de bonnes fréquentations. Un rebelle sortait souvent du lot mais le jeune japonais savait déjà sur qui il pouvait compter.

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N'avoir que si peu dormi à cause de la nuit agitée qu'il avait passé, ne l'avait que davantage poussé à sortir de ses gonds en ce samedi matin. Gaku n'avait pas pour habitude de s'emporter de cette manière, c'est quelqu'un de généralement calme. Si on devait d’ailleurs le comparer à quelque chose, ce serait à une rivière, car elle a pour habitude d'être paisible et silencieuse, quand les intempéries ne s'y mêlent pas bien sûr. C'est à peu près ce même phénomène qui s'est produit entre nos deux protagonistes. Et bien que le sportif parut plus révolté que jamais, la rivière en lui commença à reprendre son flot ordinaire et ce fut au fil de ses déplacements dans l'eau qu'il médita sur les conséquences de ses paroles plutôt irrespectueuses et déplacées, malgré leur totale légitimité. Sur un dernier mouvement de bras et de jambe, il s'arrêta au rebord de la piscine afin de souffler un peu quand Yoite s'adressa une nouvelle fois à lui comme si leur conversation antérieure n'avait pas eu lieu.

« J'en fais depuis à peu près 5 ans, lui répondit-il l'air douteux avec une pointe d'énervement. J'ai déjà participé à des compétitions régionales...

Gaku fut surpris de constater le degré élevé de je-m'en-foutisme de Yoite dans son attitude ainsi que lorsqu'il se mettait à s'exprimer. Le grand brun comprit assez rapidement qu'il ne devait pas attendre grand chose de sa part, encore moins des excuses qui auraient sûrement permis aux deux garçons de faire connaissance plus... facilement. Puis il continua, cette fois-ci l’air davantage calmé que leur première entrevue.

- Vous trouvez que j'ai un bon niveau ? Eh bien peut-être que mes jambes imberbes qui vous dérangent en sont pour quelque chose, lui admit-il avec ironie, dont il faisait rarement usage aux inconnus. Mais merci quand même.

Sur ces mots, le jeune nageur reprit son entraînement en dos crawlé ce coup-ci.

Une petite revanche qu'il n’allait sûrement savourer qu'un court instant, devinant le sale caractère de son interlocuteur, la bataille est loin d’être remporté. Ce sacré Yoite a tout de même eu le don de le mettre dans des états dont il n’avait jamais eu réellement conscience. De plus, Gaku qui, de nature, est un mec réservé, voire timide et peu bavard, n’aurait jamais soupçonné s’énerver aussi purement et simplement devant quelqu’un et surtout devant un public (je ne vous oublie pas petits nageurs !). Le sportif n’a jamais aimé attirer l’attention quelle qu’en soit les raisons de le faire, même pour une charmante demoiselle. Assez bizarre pour un mec qui mesure 1m75 - sûrement davantage dans quelques mois – et d’aussi bien bâti tel que ce sportif. Peut-être qu’une période précise de son enfance est la cause de certains de ses traits de caractère d’aujourd’hui, qui sait… Sa meilleure amie pense que le petit garçon qu’elle a connu à l’époque, est resté enfoui dans le for intérieur du jeune homme et qu’il ne grandira probablement jamais.

Cela faisait maintenant une heure que le jeune aux yeux ambrés crawlait, brassait et papillonnait dans l'eau. Daignant cesser son entraînement, il fit une pause afin de s'hydrater d'eau fraîche, puis enfila sans attendre sa serviette moelleuse autour de son cou. Et dans un automatisme des plus normaux, accrocha ses lunettes de bain pleine de buée sur le front.

Yoite se fouterait sans doute de sa gueule s’il apprenait la véritable personnalité de Gakuya. Aujourd’hui, le sportif était dans ses éléments : le sport, l’eau… Mais que ce serait-il passé s’ils s’étaient rencontrés un peu plus tard dans la journée, à la cafétéria par exemple ? Le grand brun mangeant seul à une table parce que le peu d’amis étant restés à l’académie pour les vacances, étaient allés manger à l’extérieur et qu’il a dû refuser de les accompagner pour s’entraîner… Yoite en hurlerait de rire. C’est en tout cas l’image que se fait – pour l’instant – le grand brun vis-à-vis du vice-président de natation. À ses yeux, il n’était qu’un pauvre type qui usait de franchise mal placée à tout bout de champs et par-dessus le marché, un emmerdeur de première catégorie et malpoli en plus. Mais dans la plus grande bizarrerie jamais connue dans le monde, quelque chose en Gaku le poussait à en découvrir davantage sur ce mec. C’est donc dans un élan de grande stupidité, de naïveté ou de je-ne-sais-quoi qu’il se fia à son instinct.

- Et si je vous mettais votre raclée par un 100m en nage libre, Senpai ? Le défia t-il, sans aucune arrière pensée. »

Ce matin il n'avait pas envie d'être rancunier, ça ne lui ressemblait pas de toute façon. En ce moment, il avait envie d'être à nouveau le garçon drôle et sociable qu'il était avant d'être séparé de son train de vie, de sa meilleure amie ; avant Keimoo en fait.

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Depuis qu'il existait et qu'il avait appris à faire chier les gens, Yoite avait bien vite remarqué qu'une qualité dépassait largement les autres à ses yeux. Si, quand il s'exprimait de manière acerbe pour blesser la personne en face, celle-ci pouvait lui reparler quelques minutes après sans être énervée ou vexée, c'était génial. Les gens non rancuniers, c'était comme des modèles pour lui, des personnes qui avaient un sang-froid à toutes épreuves. Évidemment, lui-même n'était pas comme ça même s'il avait déjà accordé son pardon. Il lui fallait du temps et surtout, il devait mettre sa fierté de côté. Au départ, il avait même pensé que certains étaient hypocrites et lui parlaient juste pour se moquer mais non ... ils étaient merveilleux.
Gakuya lui fit ouvrir de grands yeux. Tous les deux, ils ne se connaissaient pas du tout, c'était la première fois qu'ils se voyaient et qu'ils s'adressaient la parole. Le ton était vite monter et là, dans ses habitudes à se foutre complètement de l'avis des autres, le rebelle était revenu à la charge. En toute honnêteté, il s'était attendu à un gros vent, voire à se prendre de l'eau dans la tronche puisqu'il avait affaire à un gosse mais ... non, une réponse lui fut rendue et il esquissa un sourire. Ainsi, Gakuya n'était pas un débutant et aspirait peut-être à une carrière professionnelle vers la natation. Ça leur faisait un point commun non négligeable, peut-être étaient-ils partis du mauvais pied. De toute façon, Yoite s'en fichait. Il avait assez de potes comme ça, il n'avait pas besoin de faire des manières pour être intéressant aux yeux des autres. Il était LUI et si ça plaisait pas ... tant pis.
Occupé à compter les années pour voir à quel âge Gakuya avait commencé, à surveiller les autres et à se regarder dans l'eau de la piscine, Yoi tiqua de sa langue quand une petite pique arriva jusqu'à ses oreilles. Le gosse était déjà reparti, avait-il peur d'une répartie? Qu'importe, sa phrase avait été bien envoyée même si la véracité de ses dires restait à vérifier. Yoite n'était pas poilu, loin de là, mais il avait quand même un duvet sur les jambes et il était bien hors de question qu'il se rase pour voir si son acolyte disait vrai. Il y avait des choses sur son corps adoré qu'il refusait de faire, même pour un pari!

Se redressant, il traîna des pieds jusqu'à son pupitre pour aller regarder son portable. Depuis peu, il entretenait une conversation téléphonique avec l'un de ses potes. Celui-ci paraissait déprimé et s'était mis à lui raconter toute sa vie par texto et ce, à n'importe quelle heure. Au départ, il avait ri et avait répondu des conneries qui ne faisaient marrer que lui mais par la suite, au fil du temps, il avait remarqué que l'état de son pote n'était vraiment pas au beau fixe. Face à face, ils restaient "courtois" et parlaient comme de vrais potes mais par textos, c'était plus intime. Yoite avait décidé de le soutenir et le laissait tout lui révéler sans plus se moquer. Sa curiosité allait le tuer un jour ...
Il en profita pour regarder l'heure et annonçait qu'il restait un peu plus d'une heure avant la fermeture du club pour aujourd'hui. Puis, il retourna près du petit homme de tout à l'heure pour voir comment il se débrouillait. Celui-ci semblait avoir beaucoup bu la tasse et exprimait un nouveau mal de ventre gênant. Yoite se moqua puis se glissa dans l'eau à ses côtés pour s'occuper davantage de lui.

L'heure passa assez rapidement, les 3/4 des inscrits étaient partis, ils ne restaient que les plus fidèles. D'ailleurs, Gakuya en faisait partie. Yoite n'était pas revenu vers lui mais il l'avait suivi des yeux comme pour mieux le défier. Était-ce ainsi qu'allait se finir leur discussion? Le rebelle s'en foutait complètement mais il était persuadé qu'il avait encore le dessus. C'était toujours comme ça, il n'aimait que les 1ières places.
Pataugeant dans l'eau en attendant que les derniers s'en aillent et ainsi pouvoir profiter de la piscine à lui tout seul, Yoite arqua sa tête vers l'arrière quand le géant revient à la charge. Eh bien voilà! Il ne pouvait déjà plus se passer de lui, qu'il était mignon. Sa phrase lui tira un rire et un haussement de sourcil. Il comptait faire quoi là? Apposer sa supériorité? Yoite n'avait pas la prétention d'être le meilleur en natation, il ne faisait pas ce sport pour dépasser les autres mais simplement parce que ça lui plaisait. Il adorait l'eau. Alors oui, il pouvait se défier sur un 100m, oui Gakuya pouvait effectivement lui mettre sa raclée mais ...

"Et j'en retire quoi, moi? Si je perds, tu vas faire genre t'es le meilleur, super lourd et méga prétentieux ... Si je gagne ... eh bien on verra si je gagne, hein. Me connaissant, tu ferais mieux de donner tout ce que t'as car tu aimeras pas la contrepartie."

Yoite se voyait déjà en train de lui rouler une pelle à l'arrière des vestiaires rien que pour le voir chouiner, appeler sa mère, ou en redemander. S'amuser avec un gosse n'attisait pas son intérêt, il n'avait aucunement l'intention d'en faire son amant mais peut-être que le mot martyre lui irait bien. ... Non. Il faisait preuve d'une grande maturité en revenant vers lui sans chercher à vraiment le vexer ou défier son autorité. Yoite aimait ça. Y avait moyen qu'ils arrivent à passer par-dessus cette première rencontre et devenir assez proches.
Allez, t'as gagné grand Gakuya.

"Allez, ça marche. Ceux qui restent sont des habitués donc je peux me laisser distraire. Let's go!"

Comme un poisson dans l'eau, se déplaçant sans effort, Yoite alla se placer à un point stratégique en attendant Gakuya. Les courses dans l'eau, ça n'avait jamais été son truc, il manquait de conviction. Oh bien sûr, il avait déjà gagné mais ça ne lui plaisait pas trop. Il préférait les défis ou il était le seul impliqué, c'était plus amusant quoique parfois plus humiliant. Il adorait ça quand même.
Faisant du surplace, il attendit son kouhai en le fixant de son regard jaune. Les lentilles dans l'eau, c'était super pourri et ses cheveux allaient être mouillés mais qu'importe ... allons-y gaiement!