Et réciproquement.

Assis au comptoir, il sirote tranquillement une bière. De temps en temps, une de ses - ô combien ! - nombreuses connaissances se joint à lui, pendant quelques minutes ou plus.

La première était une jeune femme qui avait habilement placé ses petites mains sur ses yeux, par derrière, posant puérilement la fameuse question « Devine qui c'est ! ». Amusé, il avait fait mine de réfléchir puis énuméra quantité de prénoms sachant pertinemment qu’il ne s’agissait d’aucun de ceux-là. A vouloir jouer, c’était la maîtresse du jeu qui avait perdu. « Salaud ! », lui avait-elle crié en retirant ses mains. Les yeux fermés, Ryosuke ne s’était pas dérobé et un sourire doux et amusé à la fois, il avait répondu : « Mais enfin, Rui, crois-tu vraiment que j’oublierai si facilement une voix aussi douce que la tienne ? ». Et de là il avait ouvert les paupières en pivotant vers la sulfureuse demoiselle. Chevelure auburn, formes timides dépourvues d’artifices siliconés. Elle avait alors étiré un sourire et enroulé ses bras autour du cou du Japonais. « Haaan Ryo… si seulement tu étais moins inconstant… » Hélas, il ne fallait pas trop lui en demander. Rui était à l’époque effrayée à l’idée de perdre son innocence dans de mauvaises circonstances, craignait que son petit-ami ne la quittât par son manque d’expérience, qu’elle avait confié son angoisse au premier venu, qui s’avérait être Saitô. Il fallait bien avouer qu’elle ne pouvait pas tomber sur meilleur confident. Elle avait 21 ans à l’époque. Ça suffisait amplement, l’âge minimum requis étant conforme. Cela avait fini par être tendu lorsqu’elle avait commencé à s’amouracher de lui, sans pour autant le lui avouer. Les « cours » continuait jusqu’à ce qu’il découvrît un éclat particulier dans les prunelles sombres de l’étudiante d’alors. Estimant que la jeune fille pouvait aisément faire honneur à son compagnon, il avait mis fin à l’aventure. Et il avait commencé à fréquenter le Vice-Versa. Bar Gay & Friendly, accessible par une carte de membre à présenter à l’entrée. Pour l’obtenir, il faut simplement avoir été parrainé et payer un abonnement. Protection du tabou, notoriété du bouche à oreille. Rui étant hétéro, n’ayant pas d’entourage LGBT, il y avait peu de chance qu’elle franchît un jour les portes de cet Eden. Et ainsi, ils ne se revirent plus. Jusqu’à ce jour. Comment avait-elle eu accès à ce lieu ? Aujourd’hui mannequin pour une marque de lingerie, elle avait été parrainée par son manager, homo. « Mais ça n’est pas le cas. Je n’ai pas le temps de m’occuper de quelqu’un plus d’une semaine, tu le sais. ». Elle s’était alors avancé vers lui, faisant fusionner leurs lèvres quelques secondes. « Dommage. En tout cas, tu ne ‘changes ‘ pas, côté pratique. C’est toujours ça. Je te souhaite à ton tour de trouver le bonheur. Grâce à toi, j’ai la vie dont j’ai toujours rêvé avec l’homme idéal. » Fin de la discussion, elle avait alors rejoint sa table. Ryo n’était pas dupe. Le doute était encore présent dans l’esprit de la jeune fille. Sinon, il n’y aurait pas de regret en elle et ne se trouverai pas ici ce soir. Il n’avait pas jugé utile de le lui préciser cette fois.

Il avale une autre rasade de bière. Pour commencer la soirée, c’était le bon nectar. Un jeune homme vient s’assoir à ses côtés. Entre 25 et 30 ans. Une discussion s’engage, Ryo lui offre la boisson de son choix. Il étire un sourire lorsque l’intrus demande un diabolo-grenadine. Ex-membre des AA. Le CPE apprécie l’effort, surtout en se rendant dans un bar. Il s’appelle Makoto. Le temps passe, Ryo regarde sa montre. « Tu attends quelqu’un ? ». « Peut-être… », répondra Saitô. Ce dernier regarde, à travers le miroir derrière le comptoir, chaque arrivant entrant dans le bar. Certains iront directement s’adresser à lui, les avances ouvertes sans retenue ni pudeur qu’il déclinera. D’autres lui feront parvenir par message-papier une invitation à les rejoindre à leur table. Car au Vice-Versa ce soir, c’est soirée à thème : « Cupidon ». Et les papiers volent en quantité, d’une table à l’autre, toutes numérotées de façon visible pour l’occasion. Au fond de la salle, une scène-Karaoké. Mais Saitô est là pour une raison particulière. Il attend juste de trouver le bon moment et surtout la bonne personne.
Quelques minutes plus tard, Makoto prend congé, frappé par une flèche de papier en une invitation intéressante. Saitô ne restera jamais plus de cinq minutes seul. Hommes, femmes, jeunes, moins jeunes… Bises pour certains, baisers pour d’autres mais au final, il ne quittera jamais son siège.
Vingt-deux heures, finie la bière, le voilà qu’il passe à un breuvage plus savoureux, plus... chaud: le whisky. Et en prenant sa première rasade, il voit une personne aux longs, très longs cheveux prendre place à une table. La numéro 18. Il porte un accessoire qui fait hausser un sourcil au CPE. Il sait qui il est, sans vraiment le connaître. D'une certaine façon. Amusé, il prend un papier et y inscrit quelques kanjis.

« Décline toutes les invitations. Je te rejoins bientôt.»

Et il signe d’un pseudo particulier. Il n’informe en rien sa position, ni son identité. Par l'intermédiaire d'un serveur, il lui fait parvenir le message.
Dans quelques minutes, il quittera son siège mais pour l’heure, il avait un peu de mal à quitter la jolie jeune femme qui lui tenait compagnie et qu’il venait d’ajouter à sa liste de contacts téléphoniques. (Il avait ouvert une ligne spéciale pour ses aventures et changeait régulièrement de numéro.) Américaine, des lèvres délicieuses. Les originaires du pays de l’Oncle Sam sont définitivement ses préférés.

Invité

« … Dont you want to hold me baby, disappointed, going crazy… »

Il ne se souciait de rien. Pourquoi s’en faire ? Tout arrivait une fois encore uniquement parce qu’il l’avait voulu. Il n’avait mis les pieds au bar indiqué que deux putains de fois dans sa vie, et aucune des deux n’avait vraiment été concluante. Pas d’quoi lui donner envie d’y revenir en tout cas, et voilà pourtant qu’il s’y rendait. Comme quoi. Ne jamais dire jamais. Par chance, il avait conservé sa carte et n’aurait donc aucun mal à entrer.

Il sorti après s’être habillé de manière plutôt classe pour une foi, sans oublier de glisser le foulard rouge qui permettrait à son contact de le reconnaître autour de son poignet droit. Les manches de sa veste étaient longues mais ne suffisaient pas à couvrir le tissu à la couleur plutôt vive.

Le bar n’était somme toute pas vraiment loin de chez lui, il n’avait qu’à peine dix minutes de marche à se taper pour rejoindre l’endroit. Autant dire qu’il y arriva rapidement.
Il avait laissé ses cheveux détachés et le vent qui soufflait généreusement dans les rues s’était chargé de mettre le bordel dans les mèches fines, lesquelles à force de voltiger dans tous les sens se trouvaient comme couvertes d’électricité statique.

Il arriva devant le bar avec un demi-sourire et glissa immédiatement une main dans sa poche, en retirant son paquet de clopes. Il avait cinq minutes d’avance sur l’heure convenue, ou pile le temps de s’en griller une pour être le plus à l’aise possible. Non pas qu’il doute de lui, il doutait rarement et après tout, ils s’étaient mis d’accord. Seulement, le fait de rencontrer un parfait inconnu pouvait tout autant révéler une bonne surprise qu’une grosse déception. M'enfin, il avait besoin de compagnie, de ça il était certain.

Il tira la première taffe en s’adossant contre le mur de façade du bar, jetant un oeil détaché aux alentours. Un murmure de conversations étouffées lui parvenait de la fente de la porte mal fermée, lui donnant plus envie encore de rejoindre l’intérieur chauffé de l’établissement. Il se les pelait total, mais le besoin de nicotine était suffisamment fort pour le faire rester. Il se perdit un instant dans la contemplation des volutes de fumée se dissipant lentement dans l’air, puis expédia la moitié de sa clope au sol d’une pichenette impatiente, écrasant le bout rougeoyant d’un coup de talon pressé. Yep, il était temps d’y aller.

« … I dont want to see you go,
The sky is over … »

Il entra, tendit sa carte lorsqu’on la lui demanda, puis s’avança dans la salle en jetant un coup d’œil discret sur les personnes présentes. Putain, bondé. Hé fuck. Il n’aimait pas spécialement les endroits plein de monde. Bon, tant pis. Maintenant qu’il y était… Il ne tarda pas à s’installer en maudissant le thème de la soirée ‘cupidon, non mais allo les gens, seriously ‘ mais en mettant tout de même son foulard en évidence, table 18 donc.

Une foi assis, il déclina une première proposition venant d’une nana qui bien que jolie devait bien avoir le double de son âge, puis haussa un sourcil devant le serveur lui tendant le message. Il plissa les paupières en examinant ce dernier, laissant les mèches brunes couvrir son visage dans une cascade irrégulière puis releva brusquement la tête en cherchant du regard l’auteur des quelques mots. Il ne devait pas être bien loin, puisqu’il l’avait vu. Et quant au fait de refuser les invitations, ce n’était pas comme s’il était venu pour quelqu’un d’autre. Huhu.

Repoussant la barrière de cheveux gênant son exploration visuelle, Saden s’installa plus confortablement, envoyant un coude sur la table et posant son menton dans sa paume sans pour autant cesser d’observer. Il ne voyait personne qui aurait pu correspondre à celui qu’il était venu rejoindre. Ennuyeux tout de même.

« …Dont you want to hold me baby,
Disappointed, going crazy… »

" Ryo ? Qui est-ce que tu regardes comme ça ? " lui demande Kathy, tout en passant son bras par la taille de l'homme ainsi prénommé, glissant ainsi jusqu'à ses reins pour mieux se rapprocher de lui. "Aurais-tu retrouvé une conquête dans l'assistance ?" lui sussurre-t-elle à l'oreille avant d'y déposer un souffle ardent en son creux. Il faut dire aussi que depuis près d'une demie-heure à présent, bon nombre de bout de papiers ont été amenés jusqu'à Saden, qu'il a chiffonnés après leur lecture. Un retard sûrement bien agaçant, combien de temps va-t-il tenir ? Plus tellement on peut aisément supposer. Il est évident que le petit mot de Ryo à l'arrivée du jeune brun a eu de quoi le faire patienter un peu. Le regard coulant sur la superbe femme, Saitô esquisse un rictus pour le moins moqueur avant de lui répondre, après avoir déposé sur les fines lèvres glossées de l'Américaine un simple baiser. "Tu me sembles bien curieuse. Si dix minutes après notre rencontre te voilà jalouse, je n'ose imaginer ce qui va se passer dans une demi-heure..."
Haaa la jalousie... Evidemment, il ne s'agit là que d'humour mais quand même, Ryo considère ce défaut comme un poison. Pas qu'il est indépendant, mais on va dire que le CPE n'aime pas se sentir enchaîné à quelqu'un pour quelque raison que ce soit, ever after. Il est pour la confiance mais également le partage. D'ailleurs il a déjà eu plusieurs relations simultanées, bien que volontairement de courte durée pour toutes. De façon générale, il évite tout ce qui est malsain. Pas de mineurs, ni de femmes ou hommes mariés (il n'est pas contre les non-célibataires... nuance ;) ) ou encore, des personnes en état de faiblesse psychologique. Mais en temps normal, il annonce toujours la couleur à l'entame du casse-croûte. Et puis qui sait, peut-être que dans ce lot il y trouvera celui ou celle qui lui fera changer ce mode de vie. Il s'y est préparé et bien qu'aujourd'hui il ne soit pas pressé de voir ce jour arriver, ce n'est pas pour autant qu'il en écarte l'option.
"Moque-toi donc, l'Apollon. Mais je ne suis pas jalouse." Petit rire bref, sauce Colgate, et l'affaire est dans le sac. "Vraiment ? Dans ce cas, viens avec moi." Sur ce, il descend de son tabouret, invite la demoiselle à en faire de même en lui tendant la main, qu'il glisse ensuite sur l'échine avant de la fixer dans le bas de son dos, à la limite intime de son fessier. De l'autre, il récupère son whisky de 12 ans d'âge dans lequel le serveur y avait déposé deux pierres "stéatites" scandinaves faisant office de glaçons. Un petit privilège pour la clientèle...habituée. Il emmène ainsi la "jeune" dame - pas qu'elle soit vieille - parfaitement bien conservée pour une quadra. Elle a même trois ans de plus que lui, waouh ! Même cette petite robe noire moulante par dessus ces magnifiques jambes galbées lui donnent une allure plus jeune. Surtout avec les escarpins à talons aiguilles qui les subliment. Et les minuscules rides sur le coin de ses lèvres et de ses yeux de biches ne parviennent pas à lui faire défaut. Alors pourquoi elle en vient à fréquenter ce type d'établissement, là est la question. Ryo lui, s'en fiche éperdument, c'est autre chose qui l'intéresse. Trop se poser de questions n'est que perte de temps. Lui, préfère allègrement le savourer. Ainsi, il amène sa compagne de l'instant présent vers la table 18. Kathy l'arrête deux mètres avant d'y être. "Qu'est-ce qu'il se passe, ma belle ? Tu n'aimes pas les jeunes ?". Irritée, elle se tourne vers Ryo, se collant à lui, tandis que ce dernier jette un oeil vers l'occupant de la table. "Tu plaisantes ? C'est lui qui n'aime pas les viandes raffinées d'notre espèce ! Il m'a un peu envoyée sur les roses tout à l'heure, quel affront. " Haussant un sourcil, Ryo ne détourne pas l'oeillade avant d'avoir été remarqué par l'étudiant. Sans que ce dernier ne le sache, Ryo vient en cet instant véritable de le prendre pour cible. Outre le défi - dans le cadre d'une enquête personnelle - qu'il s'est lancé au préalable lorsqu'il s'est connecté voilà quelques jours sur un site de rencontre locale, il décide d'agrémenter le tout d'un petit jeu à sa façon pour joindre l'utile à l'agréable. Mode Saitô On. Petit sourire en coin invisible dans la cohue générale. S'intéressant de nouveau à Kathy, il passe une main dans ses cheveux. "Ne le prends pas au premier degré, il n'a sûrement pas remarqué l'étendue de ta superbe. Voilà ce qu'on va faire. Je vais tater le terrain, et si je ne reviens pas, tu te joins à nous. Tu es bien là pour t'amuser, nan ? " Sans attendre de réponse, il l'embrasse langoureusement avant de rejoindre la table de...

"Monsieur Maeda, si je m'attendais à vous trouver ici !"

Et sans demander son reste, il pose son verre à même la table, et ses fesses moulées dans son jean gris partiellement délavé par endroits, sur la banquette. La veste de cuir étant fichée derrière le comptoir avec son casque, il arborre ainsi un simple T-Shirt noir à manches courtes épousant ses formes rudes. Rien de très classe de son côté, juste la simplicité dans une allure décontractée. Aucun artifice supplémentaire, si ce n'est sa montre-chrono en acier brossé au poignet gauche et un fin bracelet de cuir marron tressé de l'autre. Les cheveux quelque peu en bataille en début de soirée se sont disciplinés malgré les demi-douzaines de mains qui s'y sont glissées auparavant. Il s'attend évidemment à des protestations de la part du jeune homme, populaire de son état, mais ne lui laisse pas le temps de les proférer.

"Laissez-moi deviner. Vous attendez une personne qui ne s'est toujours pas manifestée. En même temps, le gibier n'est pas en manque ici, alors pourquoi pas ne pas vous offrir un lapin ?"

Très drôle vraiment. Surtout que le concerné est bel et bien au rendez-vous mais que l'autre ne le sait pas. C'est que Ryo aime se faire désirer, ça n'offre ainsi que plus de saveur au moment choisi. Apercevant le verre quasi vide de son vis-à-vis, il interpelle le serveur.

" Ohé Yasu, remets-lui la même chose ! Tu l'rajoutes sur ma note ! "

En espérant faire "patienter" le Populaire un peu plus longtemps. Juste le temps qu'il faut à Ryo.

Invité

«...Hunger - Save me
One world depending on me...»

Saden pinça les lèvres alors qu’un début d’agacement s’emparait de lui. Il avait beau chercher le plus minutieusement possible, personne ne présentait le signe qu’il attendait. Oh fuck, quelle idée de s’embarquer dans une ânerie pareille en même temps. Comme s’il avait vraiment besoin de ça. Tssss.

Il effectua un dernier tour de salle du regard, sans s’accrocher aux détails cette fois, juste pour avoir la conscience tranquille en se disant qu’il avait réellement cherché. Il s’occupa de son verre, ensuite, en avalant une bonne partie en pestant mentalement contre les gens en retard, les gens dans les bars, les gens chiants, puis les gens en général. Ouais, ça faisait du monde contre qui pester. Tant mieux. Au moins, ça passait un peu le temps.

Il ne tarda pas à se retrouver avec le verre presque vide et ses lèvres se courbèrent en une grimace de dépit alors qu’il refusait une nouvelle invitation, visage se froissant de plus en plus. A ce rythme-là, il allait vite se lasser, c’était certain. Il ferma les yeux un instant, laissant son esprit divaguer quelques heureuses secondes bien loin de l’ambiance actuelle du bar, visualisant les personnages du dernier bouquin qu’il avait relu.

Le Seigneur des Anneaux, une petite merveille selon lui, bien qu’il ait peiné la première fois pour la finir en entier. Bref, tout ça pour dire qu’Elrondlemoche, Legolaslegay et Gimlilenainpasdejardin menaient une joyeuse sarabande sous son crâne avec pour toile de fond les paysages arides du Mordor. Sympa.

Saden rouvrit les yeux, un peu halluciné et remarqua une énième nenette s’approchant de sa table. Il laissa entendre un grognement d’agacement pur cette fois, avant de se redresser sur son siège pour envoyer paitre d’un simple signe de main. Seriously. Les gens. Il interrompt ses grommellements en avisant les deux silhouettes proches de sa table, glissant un regard désintéressé vers elles avant que son regard ne s’écarquille. WTF ?! Merde.

«...I have the force in me
The truth will be revealed...»

Si la nana qui accompagnait le mec lui était inconnue – une de celles qu’il avait repoussées, tiens – le mec lui, il le connaissait. Il fronça les sourcils avec un sourire incrédule, hésitant presque à se lever et à tracer sans plus de cérémonie. Le CPE. C’était simplement le CPE de Keimoo qui se tenait là, aux côtés de la nymphe, le plus tranquillement du monde.

Saden peina à décoller son regard d’eux, mais l’embrassade acheva de le convaincre et il reporta son attention sur son verre avec un soupir mitigé. Partir ? Rester ? Bah, de toute façon, ce n’était plus comme s’il était incognito maintenant. Rhaaa putain fait chier !

Ses mèches lui retombèrent sur le visage alors qu’il faisait la moue, toujours en pleine hésitation. L’autre type ne se montrerais sûrement pas, il s’était fait baiser, tout simplement, alors inutile de poireauter davantage. Il en avait déjà marre de toute façon.

L’intrusion dans son champ visuel le fit sursauter et il redressa vivement la tête, suivant l’installation du CPE donc puisque c’était lui, du même regard un peu perdu. Les coins de sa bouche habituellement prompts à sourire s’affaissèrent légèrement et il haussa un sourcil avant d’afficher un air interrogateur.

« … J’pourrai vous dire la même chose, huuh. J’peux hum… vous aider ? »

Bon et même hors du contexte du la fac’, il avait comme intérêt à rester irréprochable. Non mais sérieusement, déjà que tomber sur un membre du personnel n’était pas super fendard, le voir se glisser à sa table comme ça, naturellement, ça en devenait presque flippant. Pourtant… Bon, plutôt déconcertant.

«...Higher - Faster
I am the fuel to set you free...»

Il le dévisagea avec attention, notant quelques détails au passage qui lui firent rapidement détourner les yeux. Diablement sexy. Ce qui n’était pas pour l’aider à se concentrer ailleurs, au final.

La phrase lui fit hausser les épaules, et enfin un léger sourire redessina ses lèvres avant qu’il ne rétorque :

« … Mouais vous d’vinez bien, mais now j’ai plus envie d’me rentrer qu’autre chose… »
Il fixa ses prunelles dans les siennes, avec quelque chose de presque insolent au fond des yeux avant de répéter un ton plus bas :

« J’pense que j’vais faire ça ouais… en plus, j’aime pas l’lapin. »

Il sourit de plus belle, reportant son regard sur le verre vide et entrouvrit la bouche pour protester lorsqu’il entendit Saitô lui en commander un autre. Oh hé ! Il n’allait pas picoler toute la soirée non plus ! Si ? Bon. La protestation naissante mourut finalement dans sa gorge et il se contenta d’articuler un « thx » rapide et presque inaudible.

Manquait plus que ça. D’abord il se payait un vent. Ensuite il croisait son CPE. Et enfin ce même CPE lui offrait à boire. Hey, pas trop mal la soirée finalement.

«...I am your destiny...»

Vue orbitale sur le plan de la compagne qui piétine sur place avant de prendre un appel sur son portable. Ryo détourne le regard de Saden pour apercevoir Kathy en grande conversation, avec un petit quelque chose dans le regard qui ne présage rien de bon pour l'ex-militaire. Enfin, si on veut. Mais il serait impoli pour l'heure de se concentrer sur elle alors que le garçon qui fait face à Ryo vit un moment plutôt bof.

- C'est mignon le lapin. Enfin, ça dépend lesquels. J'en ai connu un qui courait après les chats. Il grognait, se tapait des sprints dans le jardin, bref, on est loin des peluches à collectionner.

Le serveur apporte à Saden sa conso. Ryosuke en profite pour lever son verre pour trinquer.

- A la vôtre.

Tandis qu'il porte son verre aux lèvres, Kathy fait son come-back, s'approche de l'oreille du CPE et lui murmure quelques mots. L'homme hausse un sourcil amusé puis étire un large sourire avant de rire brièvement.

- Bah écoute, c'est l'occasion rêvée pour toi nan ? Ne t'embête pas pour moi, je survivrai va...
- T'es sûr ?
- Bah disons que ça rentre un peu plus dans tes cordes, rien à voir avec ce que je t'avais proposé tout à l'heure.

Kathy lance un regard sarastique vers le jeune homme qui fait face à Ryo tout en maugréant un "Ca c'est sûr...Enfin bref ! J'y vais donc. Bonne...soirée mon Ryo, on se rappelle hein ?" " Évidemment ! Amuse-toi bien" Petit clin d'oeil en guise de salut, kisso-presto-on-the-lips et voilà Ryo libéré de sa diversion, se concentrant sur le but de sa présence ici. Entre temps, de nombreux papiers sont venus fleurir la table autant du côté de Saden que de Saitô. "Et bien, en voilà de la lecture". Réunissant ses missives, ils les range soigneusement dans la poche arrière de son jean avant de prendre une gorgée supplémentaire de son délicieux whisky.

- Bon ! Oublions un instants les étiquettes réservées aux coincés du bulbes, et parlons un peu de ce rencard. D'après cette couleur que tu portes au poignet, plutôt...tape à l'oeil, et guère accordé avec le reste de la tenue, je dirais...rencontre virtuelle. Tu ne sais pas avec qui tu as rendez-vous, tu ne connais pas son visage, peut-être même pas son nom. Tu as quelques infos, probablement fausses et tu te sens à présent comme le dernier des cons à attendre quelqu'un qui ne se pointera peut-être pas. Au bout de... [Saitô regarde sa montre] presqu'une heure d'attente, tu es encore là, ce qui m'amène à penser que ton rencard a manifesté sa présence durant ce laps de temps. Je dirais donc qu'il s'agit soit d'un taré qui t'épie dans l'ombre et qui te suivra en cachette lorsque tu quittera ces lieux pour te torturer ensuite, comme...tiens ! Cette fameuse affaire d'agression en série qui sévit depuis quelques semaines... Soit, tu impressionnes au point que la personne n'ose pas t'aborder ce qui serait du gâchis, il faut bien l'avouer.

Petit compliment en passant, glissé plus ou moins subtilement. Saden est plaisant à regarder, ça ne fait pas de doute. Reste à savoir s'il en a dans le crâne. D'autres papiers sont amenés à Saden. Un peu moins pour Ryo. Quelle ingratitude. Mais le quadra (presque, on sait), préfère en sourire.

- Dernière possibilité, tu te fais tester. Et là, il y a une foultitude de raisons comme autant de manières. Alors ? Suis-je dans le faux ?

Question stupide, puisqu'il connait la réponse. Qu'il ne recherche pas d'ailleurs. Le résultat ne l'intéresse pas. Mais plutôt la forme choisie pour y parvenir. Et surtout, pourquoi les jeunes répondent aveuglément aux invitations lancées par des inconnus. Pourquoi ne pas choisir la méthode traditionnelle, pourquoi forcer le destin ? S'écarter du chemin tracé n'est pas une bonne chose, Ryo en sait quelque chose. Son mariage était un écart, résultat des courses, le voilà divorcé avec le temps perdu accessoirement servi en bonus. Au moins, ça lui aura servi de leçon.

Invité

“…Everyone thinks that I have it all
But it's so empty living behind these castle walls
These castle walls
If I should tumble if I should fall
Would any one hear me screaming behind these castle walls
There's no-one here at all, behind these castle walls… “

Il existe plusieurs sortes de moments bof. Pour l’heure, celui que vivait Sad’ pouvait encore passer du carrément merdique à possiblement supportable, à condition qu’il parvienne à oublier totalement qui se trouvait en face de lui. Pas vraiment gagné, mais il pouvait toujours essayer.

Il hocha rapidement la tête pour la petite histoire, laquelle lui tira même un léger sourire. Son C.P.E., qui lui vantait la mignonnerie des lapins. Pourquoi pas. Il se demanda l’espace d’une seconde s’il n’avait pas trop forcé sur l’alcool, puis secoua doucement la tête pour chasser cette pensée avant de reporter son regard sur Ryo. S’il ne partageait pas spécialement son gout pour les lapins, ni son aisance apparente, il pouvait toujours en profiter pour se taire et admirer.

Il trinqua, arqua un sourcil pour saluer le retour de la groupie – ouais, l’alcool rend méchant, on passe donc de la nymphe à la groupie sans transition – puis esquissa une moue dubitative devant la démonstration de féminité. Non mais franchement. Elle en faisait vraiment trop.

Il déporta rapidement son regard sur les papiers jonchant leur table, préférant zapper momentanément la présence insistante de la nana, mais ne put s’empêcher d’esquisser un nouveau sourire lorsque l’heure des adieux sonna. Enfin ! Il ne masque d’ailleurs que très légèrement le contentement que lui procurait le départ de la belle, et revint fixer le CPE avec attention, d’un regard soudainement plus assuré. Bon, et maintenant ?

Son sourire s’évanouit bien vite lorsqu’il s’entendit dicter à très peu de choses près ses dernières pensées, et il ne put retenir une grimace mi surprise mi agacée. Etait-il transparent à ce point ? Il n’était pourtant pas le seul à être resté seul un bon moment, d’autres, autour, devaient être dans le même cas.

Il fronça les sourcils, s’accordant un instant de réflexion. Pourquoi toutes ces questions ? En quoi les réponses pouvaient-elles intéresser son CPE ? Le tout ravivant légèrement son malaise, il se décida pourtant à répondre, presque sur la défensive maintenant que ses réflexions se retrouvaient étalées au grand jour sans cérémonie :

- « Mmmh préviens-moi quand tu rentres dans ma tête comme ça, que je sache à quoi m’attendre. T’es tellement dans le vrai que c’en est presque flippant, du coup, balances l’astuce ? Ou le tour doit rester secret ? »

Il ne prêta évidemment pas la moindre attention à l’accumulation de papiers, les froissant tous les uns après les autres, machinalement, n’ayant d’yeux et d’intérêt que pour son interlocuteur. C’était trop fort. En quelques secondes, il arrivait, s’installait, et lui exposait de manière détaillée les raisons de sa présence, le cheminement de ses pensées et ce qui le faisait encore éventuellement rester. Flippant ? Ou intriguant ? Il ne savait plus trop, du coup, mais ne pouvait se contenter de ça.

Il ne remarqua même pas qu’il était passé du vouvoiement poli à un tutoiement bien plus personnel, et repris sur le même ton, sans le quitter des yeux :

- « Admettons qu’il ne vienne pas, alors je n’aurais pas perdu grand-chose. Ce n’est pas comme si j’étais désespéré et que j’errais comme une âme en peine depuis des lustres. Je prends plutôt ça comme un… Divertissement… »

Il hésita légèrement sur le mot, ne sachant si la formule plairait ou non à celui qui l’entendrait. Mais puisqu’il se souciait finalement rarement de ce que pouvaient penser les gens, il ajouta encore avant de terminer son verre :

- « Si c’est un test, je n’en vois pas l’intérêt… Dans quel but ? Que pourrait en retirer l’auteur du test en question ? N’est-il pas plus simple de se présenter, comme convenu, et de suivre le schéma habituel ? Ou peut-être ce dernier est-il trop ennuyeux… »

Il haussa un sourcil, repassa sa dernière phrase dans sa tête, puis confirma, à voix haute, mais pour lui-même :

- « Evidemment ! L’ennui ! C’est cela même ! »

Il reposa son verre sur la table avec un enthousiasme non feint mais accentué par l’alcool, et ses prunelles brillèrent d’un éclat espiègle :
- « Et dans ce cas, le mieux est encore de continuer à attendre, et alors les réponses viendront d’elles-mêmes ! »

Sujet: Re: Et réciproquement. Dim 26 Jan 2014 - 14:17

Le niveau sonore environnant était pour le moins assourdissant pour quiconque était peu habitué à une telle ambiance. Ryo en avait vu d’autres, notamment lors des concerts de Metal auxquels il se plaisait d’assister de temps à autres. Il prévoyait même de se faire un petit trip aux States juste pour la joie de voir Metallica en live, et d’une pierre deux coups, il rendrait visite à ses anciens potes « Blueboy », Casques Bleus. Il avait fait son deuil de la perte de Jeff en Irak depuis un moment, enfin du moins, il s’efforçait de ne plus y penser depuis qu’il était arrivé à Keimoo, depuis cette nouvelle vie qu’il s'était offert. Ryosuke avait pas mal vécu mais il avait tellement de choses à vivre encore. Aux yeux de ses élèves, il était « un vieux » mais bien au contraire, il était jeune et vigoureux. Il aimait se dire qu’il avait 20 ans… avec presque 20 ans d’expérience. Et quelle expérience ! Il avait voyagé partout au Japon, puis quelques destinations dans le monde, il avait connu la joie du mariage, puis celle du divorce (et oui, lors d’une permission en Irak, il avait fêté son retour au célibat en plus grande liesse encore !), il avait joui de rencontres exceptionnelles auprès de nombreuses conquêtes féminines autant que masculines, avait porté sa contribution à la reconstruction de villages effondrés, avait témoigné d’autant de larmes que de sourires… Et pourtant, il n’avait jamais autant eu de difficultés qu’en portant assistances aux étudiants de l’Académie Keimoo. Insouciance, Insolence et Inconscience étaient trois fléaux qu’il aurait voulu éradiquer ou au moins, modérer voire tempérer. Malheureusement, le quatrième chevalier de l’Apocalypse s’appelait Impuissance et ce dernier tentait peu à peu de poser son empreinte indélébile au fer rouge sur le corps ainsi que sur l’âme de Saitô mais, le CPE qu’il était à présent ne l’entendait pas de cette oreille. Le symbole de paix tatoué derrière son épaule avait plus de force qu’aucun poison oral sortant des lèvres d’une jeunesse en péril. Aujourd’hui, la colombe affrontait l’inconscience.

- L’ennui, penses-tu ?

Ryo chercha dans l’emportement de Saden, une faille à exploiter. Il porta son verre aux lèvres, laissant le liquide ambré glisser subtilement entre elles, sans excès, puis faire un roulis telle une vague sur les côtes australes brûlantes de son palais buccal avant de se déverser le long de son œsophage. Une chaleur délicieuse et délictueuse à la fois. Saitô raffole du whisky.

- Peut-être qu’effectivement les réponses te parviendront. Mais avant cela, jusqu’à quel point sauras-tu te montrer patient ? Je te vois refouler tes petits papiers, c’est à se demander ce que tu attends de ce rendez-vous qui se joue de toi.

Petit clin d’œil avant de lever son verre, trinquant ainsi à la naïveté d’un jeune homme qui ne se rendait pas compte à quel point il était facilement manipulable. Dans une autre vie, Saitô aurait pu être un ersatz de tueur en série du 19ᵉ , charmant ses futures victimes en s’invitant à leur table avant de les raccompagner, les torturer de ses mains puissantes et les achever au pieu.
Tout en savourant une autre lampée de son breuvage, plusieurs autres missives arrivèrent à l’adresse de Saden, mais l’un d’entre eux attirait plus le regard car il n’avait pas été plié, et avait été partiellement déchiré. Une calligraphie à l’apparence hâtive et irrégulière présentait ces mots : « Je t’avais dit de décliner toutes les invitations, tu t’es bien foutu de moi, petite pédale ! Profite bien de ta soirée pour le moment. Tu feras moins le malin avec deux genoux en moins. »

Evidemment, Ryo avait tout prévu. Lever son verre était un signe à son complice, le responsable du bar. Toutes les notes avaient été écrites en même temps depuis le début et chaque geste du quadra était une invitation à leur envoi. Dans son for intérieur, il était mal à l’aise face à toute cette machination qu’il avait calculée, à seul but préventif. En aucune façon il ne se jouait de Maeda mais depuis que ce dernier message était arrivé, il avait la sensation de risquer gros. Dans ses plans, il avait pour intention de révéler le fin mot de l’histoire à l’issue de la soirée. Il se voyait déjà se faire rabrouer violemment, et n’avait pour le moment aucune idée pour s’en dépêtrer.
C’était sans anticiper la réaction du jeune homme. Peut-être qu’au final, ça se passerait bien. Quoiqu’il en soit, la suite ne devait pas se produire en public. Ils échangeraient quelques mots et…

- Maeda, tout va bien ?

Le message était lu. Rien n'était joué, ce n’était que le commencement.