C'est moi ou le dessin est plus vrai que nature ?! [Julia Diaz]

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Un temps merveilleux. Pour une fois ! "Allez, profitons-en !" Je me surpris à me le dire intérieurement, genre les présentateurs télé. Ridicule... C'est rare chez moi, mais il y a des jours comme ça où on se trouve bizarre, pas habituel.

J'avais juste fini d'avaler un ou deux aliments constituants. Pas très faim aujourd'hui, étrange me dirais-je à moi même. Mais bon, je ne préfère pas martyriser mon estomac, possibilité de fatalité non voulue. Alors, pour diriger le peu que j'avais, je pris la sage décision d'aller prendre l'air. Laissons de côté l'équitation, c'est pire. Mais comme l'air suffoquant des salles ne me tentait pas, j'ai préféré me diriger vers l'extérieur, frais et froid. Un bon jeans slim rouge, un pull noir cache-coeur et une bonne veste en cuir noir. Ma vieille paire de basket obscures et hop ! Dehors petit Irlandaise. Pas très intelligente d'oublier son écharpe, mais bon, la flemme prend vite le dessus, pas envie de remonter la chercher.

Je pris le chemin le plus joli à regarder. Les allées couleur terre se succédaient sous mes pieds, sans vraiment savoir où j'allais. L'aventure, le besoin de découvrir en se perdant dans son propre terrain de jeux. Oui, c'est ça que j'aime. combien de fois avais-je abandonné mon chemin dans les plaines vertes de l'Irlande ? Comment de fois étais-je rentrée bien tard pour mettre laisser vagabonder dans mes terre inconnues ? Oh, je ne l'ai pas compté. Je me souviens aussi très bien du nombre de fois où mon frère est venu me chercher à la nuit tombée. Il me trouvais toujours, un peu inquiet de mon non retour. Mais chaque fois, il trouvait les mots pour que je rentre. Mais ça, ça ne se reproduira plus jamais, car cette fois-ci, ça serait à moi d'aller le chercher. Mais où ?

Je me surpris à rêvasser sur les chemins de l'académie. Je devais me trouver dans les jardins, vu la quantité de plantes, d'arbres et de fleurs que je vis. C'était très joli, de belles couleurs noyaient la verdure dans des rayons éclatants de beauté. Je me mis en quête de trouvé un coin tranquille dans lequel je pourrait m'allonger et m'envoler loin d'ici. Je ne cherchais pas longtemps, dans un recoin des jardins, une place isolée, plongée dans une lumière sans précédent. Les couleurs pétillaient plus qu'un arc-en-ciel. Un grand cerisiers trônait au-dessus une pelouse d'un vert luisant. Je me dirigeais vers cet endroit qui m'était destiné. Du moins, jusqu'au moment où je vis une feuille de papier voler vers moi. Étrange... Je l'attrapais au vol, d'une main et la mit bien a plat pour y voir ce qui pouvait bien y être inscrit. J'observais alors une croquis d'une splendeur incomparable. je dirais même qu'il paraissait plus vivant sur papier qu'en vrai.

Alors, en levant les yeux, je vis une jeune fille qui était debout, à cinq ou six mètres de moi. Des cheveux longs et lisses, d'un noir aux reflets bleu-vert, qui lui tombait dans le dos, un visage pure et d'une beauté encore jamais vu. une nouvelle ? Possible. en tout cas, elle n'était pas japonaise. Je compris très vite que c'était d'elle ce dessin. Je m'approchais d'elle, avec un grand sourire, et une fois devant elle, je lui tendis le papier.

- Là, je m'incline, c'est digne du Delacroix ce dessin ! Artiste étrangère, je suppose, n'est-ce pas ?

Cette fille avait du talent, et elle le savait. Des yeux bleus me regardaient, avec des couleurs changeantes. Je m’inclinerais, parce que là, à part du respect, je ne vois pas quoi éprouver.

Je ne compris pas tout de suite que les paroles qui venaient d'être prononcées m'étaient adressées. Cependant, regardant autour de moi, je me rendis compte que j'étais seule avec la demoiselle qui venait de s'exprimer. La jeune fille me regardait de ces magnifiques yeux noisettes comme on en voit rarement, alors inévitablement, je compris que la remarque m'était destinée.

Je pense que je rougis à ce moment-là. Certes, j'étais consciente de mon talent dans le domaine du dessin, mais le fait de se l'entendre dire par une inconnue est une chose que l'on ne peut pas contredire et que l'on ne peut qu'apprécier. Alors je la regardai pour essayer de mieux la cernée : Était-ce une de ces pimbêches aux trois couches de maquillages ? ''Non, je ne crois pas'' me dis-je. Elle semble trop naturelle et spontanée pour s'inquiéter de son apparence comme le font de trop nombreuses jeunes filles de nos jours. D'ailleurs, en baissant les yeux, j’aperçus ses chaussures : des baskets qui m'avaient l'air usées. Elle aussi aimait donc les affaires confortables, bien qu'elle ne fasse pas ''tendance'', comme dirait une pom-pom girl, je suppose.

Je ne lui avais pas encore adressé la parole que je me surprenait déjà à l’apprécier. Je me souviens même m'être dit que si j'avais pu avoir une sœur, j'aurais voulu qu'elle soit comme elle. Et ceci, toujours en ne lui ayant pas parlé. Je la voyais comme une amoureuse de la nature, au style vestimentaire simple et non exagéré. Oui, elle me ressemble et aurait pu être ma sœur. De plus, la façon dont elle m'avait abordé me rappelait ma mère, quand elle retrouvait un des dessins que je laissais à voler au vent après l'avoir terminé (il revenait de droit à la nature après tout : pourquoi ce modèle d'inspiration n'aurait-il pas droit à sa récompense lui aussi ?). En effet, à l'image de ma maman, cette demoiselle m'avait tendus la feuille avec un sourire des plus naturels auquel on ne peut pas résister et faire de même.

Lui renvoyant donc son sourire, je la remerciai de cette parole si aimable, mais refusai cependant de reprendre mon croquis. Je lui répondit d'ailleurs :

« Je suis heureuse que mon dessin te plaise, et je pense que tu saura l'apprécié. C'est pourquoi je te propose de le garder en souvenir de notre première rencontre, au cœur de cette palette de couleur et de parfums magique. L'acceptes-tu ? »

J'espérais de tout cœur qu'elle le prendrais. Si jamais elle le refusait, j'aurais l'air idiote et je n'aurais plus qu'à m'éloigner d'elle comme une voleuse prise la main dans le sac, prise de honte et pas fière de son coup ! Mais soudain, une pensée me traverse ''C'est exactement ce que je lui ai fait subir, j'ai refusé la feuille quand elle me la tendue !'' Pourvu qu'elle ne s'offusque pas de ce manque de respect. C'est fou ce que je peux manquer de politesse par moments. Je renouvelai donc ma proposition, rougissante et confuse :

« Je m'excuses d'avoir refusé le dessin quand tu me la tendu... peut-être penses-tu que c'est une marque d'irrespect de ma part. Si c'est le cas, je le reprendrais et le rendrais à la nature. Cependant, tu peux encore l'accepter, comme un gage d'excuses que je te ferais. Je te redemande donc ''acceptes-tu cette création que j'ai faite et que tu semble apprécié ?'' »

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La jeune fille aux cheveux d'un bleu profond et brillant n'avait pas accepté le dessin que je lui avait tendu. Elle avait ses raisons, et ces dernières m'avaient bien plu. Elle m'offrait alors avec une très grande politesse sa petite œuvre d'art. Ses grands yeux étaient remplis de gentillesse et de maturité. Elle possédait une façon d'être que j'appréciais. Elle dégageait un caractère doux et agréable à sentir. Une âme d'artiste dans un corps d'artiste.

Elle possédait des habits simples mais pratiques. Quelques crayons dans les poches et le reste de sa palette posée dans l'herbe d'un vert soyeux. Elle devait être une personne qui cherchait plutôt la solitude. Surement nouvelle, car je ne l'avais jamais vu. Je ne dis pas que je connais beaucoup de personne ici, mais j'aurais remarqué sa chevelure de rêve. Bref, elle semblait d'une gentillesse infini, que je me sentais attirée comme le fer par l'aimant. Alors, après avoir accepté son dessin, je mettais décidée à oublier ce que je comptais faire, c'est à dire sortir Tango, mon nouvel ami équin, de son boxe. Je pense que cette rencontre aurait plus de conséquences sur ma vie quotidienne que d'aller voir Tango.

Alors, je lui souris comme je lui devais et m'approchais tranquillement de son endroit d'artiste. Je ne vis pas comment elle réagit face à mon avancée dans son monde, j'espérais juste qu'elle ne me rejetterais pas. Je vis dans une immense pochette à dessin classique des tas de feuilles, plus ou moins blanches, plus ou moins grandes, plus ou moins épaisses. Curieuse comme je suis, je me suis retournée vers elle, lui demandant du regard la permission de regarder son travail. Je ne vis qu'une acceptation confuse. Peut être que je l'a gênais... Enfin, je me penchais alors et fit défiler les dessins.

Puis, je me stoppais sur un qui me me surpris. Il s'agissait d'un magnifique couple cheval / cavalier en pleins saut d'obstacle. J'en déduis aux ombres parfaites qu'il s'agissait d'un cheval blanc pommelé en plein étirement pour passer au dessus la barre. Sa cavalière portait la tenue classique de compétition et possédait des cheveux foncés et longs. Cette image me choqua, car je la connaissais bien. Un peu trop d'ailleurs, car me souvenais bien de cet obstacle, rouge et blanc au départ. En fait, je m'étais très vite rendu compte que la photo d'origine utilisée pour dessiner, c'était moi, et mon ancienne jument.

Alors, je me retournais, vers la jeune fille, lui montrant son dessin. J'avais changé depuis cette dernière compétition, catastrophique, il faut le dire. Je suis même sûre qu'elle ne me connaissait pas quand elle m'a dessinée.

- Sais-tu qui est cette jeune fille sur le dessin ?

Je devais paraître idiote à demander qui c'était alors que je le savais, mais je voulais la tester, savoir si elle se renseignait sur ses modèles...

Quand elle accepta de prendre ma feuille, un sentiment de soulagement profond m'envahit. Je ne sais pas ce qu'elle voudrait en faire par la suite, si elle l'avait pris par politesse, ou bien par peur de me décevoir, mais cette simple chose me soulagea. En effet, étant nouvelle, je n'ai pas encore eu l'occasion de parler à un pensionnaire de l'Académie, et cette première rencontre est comme un cadeau du ciel. Je me serais sentie confuse si elle avait refusé ce présent que je lui faisais, pensant que je le lui imposais...

Sa manière d'être me plaisait déjà beaucoup. Rien qu'à voir ses habits, on voyait qu'elle était naturelle. D'ailleurs, ce matin, je me suis également habillée simplement : un pantalon en jean plutôt classique, accompagné d'un simple T-shirt bleu foncé. J'avais également pensé à prendre ma veste polaire grise bien chaude car le vent est frais ces temps-ci... Mes chaussures sont aussi du genre basique : des baskets comfortables que je compte garder encore un bout de temps. Par précaution, j'ai pris avec moi mon foulard blanc en coton. Cependant, je ne le porte pas car j'ai pris l'habitude de sentir la caresse du vent dans mon cou lors d'excursions passées en forêt.

Malgré l'aspect solitaire que je pouvais dégager, elle était venue spontanément vers moi et sa compagnie m'était agréable. D'ailleurs, quand elle s'était approchée de moi, je fus d'abord surprise qu'elle veuille s'attarder à mes côtés. Ce sentiment fut vite dépassé car je me dis qu'une présence telle que la sienne ne pouvait en aucun cas être négative ! Elle m'étonna pourtant lorsqu'elle se mit à vouloir inspecter mes créations. Son regard me demandait la permission de jeter un coup d'oeil. Je crois qu'elle avait perçu mon état de confusion, même si je ne pouvais pas lui refuser cette faveur. Après tout, un artiste se doit de montrer ses oeuvres à qui le lui demande !

Je guettai alors toute expression qui pourrait traduire une émotion, un sentiment ou toute autre sensation. Je vis d'abord une sorte d'admiration dans ses yeux, ce qui me remplit de joie et de fierté ! Pourtant, lorsqu'elle s'arrêta plus longuement sur un de mes dessins, je pus lire du trouble dans ses yeux.

Quand elle me montra l'objet de ses doutes, je me remémorai cette journée passée à comtempler les cavaliers, à l'ouvrage avec leur montures. Je lui avouai alors :

"J'avais oublié ce dessin, il date du temps où j'étais en Espagne, avec mes parents : ils m'avaient emmenée en ville pour aller voir un concours de saut d'obstacle, chose que je n'avait encore jamais vu ! Maintenant que je le revois, je me souviens que j'avais choisis ce modèle, non pas pour sa perfection, mais au contraire pour ses imperfections. La pauvre cavalière ne s'était pas classée de manière admirable en fin de compétition. Mais ne dit-on pas que personne n'est parfait ? Il faut savoir apprendre de ses défauts pour pouvoir avancer dans la vie, c'est pour cette raison que je l'avais choisis elle, et pas le gagnant vaniteux qui obtenais tous les regards ! Elle avait beau avoir fait un score peu élévé, elle appréciait la complicité qu'elle entretenait avec sa monture, et ce fut la chose la plus belle que j'ai pu voir dans une des rares compétitions sportives auxquelles j'avais pu assister. Cette simplicité émanant de ce couple, sans réelle volonté de victoire, avait attiré mon regard."

Elle fut attentive à mes paroles et ce fut lorsqu'elle m'interrogea sur l'identité de la cavalière que je réalisai que celle-ci me faisait face. Je lui repondis alors :

"Cette façon de se tenir, ce regard plein de bonté et de sympathie, cette chevelure extraordinaire et ces traits de visage si fins ne peuvent qu'être les tiens. Tu as peut-être changé entre temps, mais tu émanes toujours autant cette simplicité qui m'avait attirée dès le premier jour. Je me trompes ?"

Je ris alors, à gorge déployée sous son regard interrogateur, car je venais de me rendre compte que je lui devais cet autre dessin. J'ai pour habitude de rendre l'oeuvre à celui qui me sert de modèle, et comme je ne l'avais pas encore rencontré jusqu'alors, il n'avait pas pu en bénéficier. Je lui tendit donc cette deuxième pièce de papier en ajoutant :

"Il me semble qu'un modèle doit être récompensé pour avoir posé pour l'artiste. Cet autre dessin te revient donc de droit ! Veux-tu l'accepter ?"

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Ses paroles m'avaient clouées sur place. Je ne m'en remettrais surement jamais. Sa franchise et sa façon de me dire tout ça étaient impensable. Elle semblait pleine de philosophie, celle intéressante qui nous pousse à se poser des questions. Je crois bien que je l’aimais de plus en plus cette jeune fille, pour sa façon d'être. Franchement, j'étais ébahie.

Elle avait parfaitement assisté à la compétition, et en effet, je ne mettais pas classée comme je le faisais d'habitude : première. J'avais fini cinquième si je me souviens bien. Enfin, ce n'étais qu'un lointain souvenir, celui qui se situait quelques jours avant la mort de ma jument, celle dessinée sur le papier. Mon coeur ne cessait de se froisser quand je repensais à cette époque. Je pense que cette journée faisait partie de celles qui m'avaient fait changer, celle qui avaient retourné le sens de ma vie. Mais cessons d'en parler.

La jeune fille m'avait reconnu, et j'en étais fière, c'est que je n'avais pas trop changé. L'éloge qu'elle me fit me réchauffa au plus profond de moi. Je le savais, elle était une personne, une rencontre qui allait éblouir ma vie, ma nouvelle vie ici. N'ayant pas vraiment d'amis, elle serait la première avec qui je pourrais discuter comme j'en ai envie. Alors, après qu'elle m'est à nouveau tendu un dessin, mais cette fois-ci celui où j'avais servi de modèle.

- Tu ne t'es pas trompée, et je suis ravie de voir que tu m'es reconnue. J'accepte à nouveau une autre de tes œuvres avec le plus grand plaisir ! Mais de mon côté, je serais aussi heureuse que tu acceptes un cadeau de ma part !

Je lui souris avec le plus grand bonheur, pris le dessin et fit une légère courbette.

- Amy Kinsley, deuxième du nom pour vous servir ! Quand mon jeune prodige équin fera son entrée au Japon, j'aimerais savoir si tu accepterais de venir le voir ? C'est le portrait quasi-exacte de sa mère !

Lui montrant la jument sur le papier en même temps. J'espérais d'ailleurs pouvoir faire venir mon Amour de Yearling d'ici peu de temps. Enfin, il devait maintenant avoir trois ans le jeunot, avoir grandit et prit une belle musculature. Enfin, j'espère qu'elle accepterait, car elle serait comblé devant un modèle comme lui !

Mon apréhension sur le fait de m'être trompée de personne fut vite dissipée car elle venait de m'avouer que la cavalière et elle se révelaient bien être une seule et même personne, comme je me l'était imaginé. Il me semble même avoir détecté sur son visage une expression de satisfaction quand je lui avait déclaré. Peut-être avait-elle peur d'avoir subit un trop grand changement dans sa vie ? En tout cas, pour moi, elle était toujours aussi rayonnante. Je pus cependant distinguer une évolution dans sa maturité : elle semble plus sure d'elle et plus en confiance depuis ce concours, ce qui ne peut rien enlever à son charme !

Je fus heureuse de voir qu'elle acceptait un nouvelle fois l'oeuvre que je lui avait tendu. Est-ce un signe que le portrait était réussi ? Ce doit être ça, sinon elle n'aurait pas été aussi étonnée à la vue du morceau de papier il y a quelques instants. Cette découverte à, il me semble, provoqué en elle le retour d'un souvenir qui me parut douloureux. Je crois bien que pendant un instant, elle n'était plus avec moi, mais plutôt ailleurs. Elle était partie dans ses pensées, et le sourire n'était pas inscrit sur ses lèvres, il m'a semblé distinguer ce regard triste que vous ne pouvez cacher lorsque vous vous remémorez un évènement passé qui ne vous évoque rien de forcément bon. Je décidai cependant de ne pas lui faire part de mes pensées, si elle voulait m'en parler, ce serait à elle de faire le premier pas afin de me confier ses peines. Et après tout, nous ne nous connaissons que depuis quelques minutes : une telle remarque à propos de son passé risquerait de la braquer, et ce n'est pas du tout ce dont j'ai envie.

Quand elle me proposa de m'offrir un cadeau, j'en fut quelque peu déstabilisée. Je me suis rarement vu offrir un présent, et surtout de la part d'une connaissance dont l'amitié est encore fragile. C'est alors un sentiment de curiosité qui m'envahit : Que pouvait-elle m'offrir, à moi, qui ne lui ai proposé que deux simples dessins ? Je l'appris bien vite. En effet, elle m'avoua qu'elle aimerait que je fasse la connaissance de son destrier, lorsqu'il serait au Japon. Les étoiles qui dansaient dans son regard plein d'entrain m'indiquèrent que celui-ci lui était cher et qu'il lui manquait sûrement profondément. Je devinai alors dans cette requête la volonté d'un portrait de ce second cheval qu'elle affectionnait. Ce fut la satisfaction personnelle qui s'invita dans mon esprit car cela signifiait qu'elle me réclamait là une troisième création, et ce ne pouvait être que la preuve qu'elle affectionnait mon travail. Pourquoi sinon en redemanderait-elle ? Je lui répondis donc, le regard pétillant :

"Oh ! Bien sûr que j'accepterais de le voir. Sa rencontre me permettrais de mieux te connaître, car selon moi, l'animal d'une personne est à l'image de celui qui s'en occupe. Cela ne m'étonnerait donc pas qu'il soit dynamique et d'une volonté sans égal à dépasser ses limites et à toujours vouloir mieux faire. Mais il doit aussi être à l'écoute pour arriver à avancer au devant d'un obstacle qu'il ne saurait contourner par lui-même. Tu dois te dire que je tire des conclusions attives, mais là où j'étais avant, je ne discutais pas beaucoup. En fait je préferais observer le comportement de ce qui m'entourait, à caractère humain ou non. De ce fait, mon coup de crayon à moins de peine à retranscrire une émotion, car l'apparence me dicte l'humeur. Toutes les qualités que je pressent chez ta monture, tu l'auras compris, je les vois en toi. J'ai donc hâte de le rencontrer et de pouvoir admirer une nouvelle fois cette complicité que j'ai pu voir dans le passé entre le couple cavalière/monture que vous faites tous les deux. Ce sera un plaisir pour moi de faire pour toi ce que je sais le mieux faire : vous dessiner le plus fidèlement que je le pourrais. Tu n'auras qu'à me prévenir lors de son arrivée et je me ferais une joie de réaliser le portrait que tu me demandes. Est-ce bien cela que tu attends de moi ?"Et puis, à mon tour de me présenter : Juliaz Diaz, enchantée !

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Elle aurait put accepter tout simplement en disant oui, mais sa réponse me surprit d'un côté, et me réchauffa le cœur de l'autre. Je ne pensais pas qu'on pouvais faire un aussi grand monologue, du moins, aussi intéressant que le sien. Elle m'épatait de plus en plus ! Nous étions très différente, mais derrière ces débuts de liens, on pouvait surement entre apercevoir un commencement d'une amitié, je le sentais, on ne pouvait pas me tromper.

Je ne répondis pas à sa dernière question. Elle le savait que c'est aussi ce que j'attendais d'elle. Puis, c'est aussi ce que je voulais parce que je savais que ça allait lui plaire. Mon petit étalon d'Irlande doit maintenant avoir grandit encore un peu. Mon père avait parié qu'il ne serait que de petite taille. J'avais parié qu'il mesurerait plis de un mètre soixante-quinze. Je ne sais pas pourquoi ni comment, mais je le sentais, : il avait grandit en un rien de temps, mais si loin de moi... Avait-il blanchi ? Ou au contraire noirci ? A-t-il gardé cette robe pommelé, laissant le public admirer ses petit rond blanc sur une robe d'un gris souris ? Est-il devenu plus farouche ? Plus docile ? Est-il apte à être débourrer ? Se souvient-il de nos petits jeux dans le prés qui le apprenait à supporter un poids sur son dos, à donner ses sabots, à se tenir aussi bien que les chevaux de concours ? Je l'espérais plus que tout. Il était ma fierté et le dernier souvenir qui me reliait à mon frère. C'est grâce à lui que j'avais eu cette petite perle de cheval irlandais.

Enfin, je revins assez vite au monde réel par un petit vent doux qui se baladait dans les jardins. Je ne savais trop que faire maintenant. Laisser Julia à son art, l'emmener quelque part afin de faire plus ample connaissance, lui proposer de se revoir un autre jours... Aucune idée. Enfin, ça viendrait bien. On profitait du soleil couchant et de ses rayons encore tièdes sur nos peaux. Le temps avait été splendide aujourd'hui, mais la nuit était encore plus belle, surtout celles où les étoiles trônaient dans le ciel sombre. Puis, il me vint une idée ! Un très bonne idée !

- Je te propose un truc : on va manger tranquillement toutes les deux, sauf si tu as autre chose de prévu. Et après, je te montre le spectacle des étoiles. As-tu déjà vu des étoiles filantes ?

Je lus très vite dans ses yeux que non. Elle n'avait pas besoin de me répondre, on le voyait dans son regard bleu / vert. Elle loupe bien des choses en n'ayant pas vu cette pluie luisante de constellation. Aujourd'hui était ce qu'on appelle la nuit des étoiles filantes. Il y en avait deux ou trois par an, et le nombres impressionnants d'astres tombant du ciel étaient magnifiques. J'aimais beaucoup le faire, allez m'allonger dans un pré et scruter le voile noir sur lequel défilait toute une cérémonie de splendeur. Allait-elle accepter ? Je l'espérais vraiment.

Je crois que je m'étais rendu compte un peu tard que je venais de m'étendre dans mes paroles. Elle qui, comme j'avais pu le remarquer, n'est pas très bavarde, se demandait peut-être si j'avais enfin finit... C'était le cas, donc pour me rassurer, je fis attention à son expression. À mon soulagement, elle avait l'air plutôt interessée par mes paroles, peut-être un peu impressionnée que je puisse déballer tant de choses en si peu de temps, je ne sais pas. Après tout, lorsque je suis en confiance, j'ai tendance à m'emporter un peu dans mes paroles. Mais par la suite, je vais essayer de me controler, ne serait-ce qu'un peu.

En tout cas, elle avait eu l'air d'approuver mes paroles, et j'avais pu le comprendre sans qu'elle ne me le dise directement. C'est un peu comme si j'avais lu dans ses pensées, et ça me plaisais bien parce que c'est un signe de notre rapprochement. J'avais l'impression que les liens qui nous unissaient se renforçaient à mesure que les minutes défilaient, et j'en étais très heureuse ! Cette demoiselle est tellement adorable avec moi que je me plaisais de rester en sa compagnie. Quand je la regardai, elle avait l'air perdu dans ses pensées, je suppose que ses reflexions avait un rapport avec son cheval qui lui manque. J'attendais donc en regardant le ciel qui nous surplombait, qui prenait d'ailleurs de superbes tons rouges/orangés avec le soleil couchant qui nous faisait face. La chaleur de ses rayons était très agréable je dois dire !

Elle me fit sursauter lorsqu'elle revint à elle : elle avait l'air si excité pour un fait dont je ne connaissais pas les raisons. Peut-être était-elle revenue sur Terre depuis quelques instants, mais je ne m'en étais pas rendue compte. C'est pourquoi cette prise de paroles spontanée m'avais prise de cours. Je fus d'autant plus étonnée en connaissant les raisons de son intervention. En effet, elle voulait que l'on mange ensemble, ce qui était déjà une bonne idée car cet agréable moment m'avais fait oublier ma faim, et celle-ci surgissait alors soudainement avec l'appel du repas. Mais ce qui m'émerveillai le plus fut la seconde partie de la proposition : elle me proposait d'observer la nuit étoilée en sa compagnie ! Et mieux que ça, nous ne regarderions pas de simples étoiles, mais des étoiles filantes ! Et il me semble que les étoiles purent aussi être visibles dans mes yeux. Je crois même qu'elle le vit très bien car elle comprit que je n'en avais jamais vu.

C'est vrai que quand je vivais en Espagne, j'adorais admirer la magie des spectacles de la Nature, mais les étoiles filantes étaient un mystère que je n'avais pu contempler ! Je dois dire que mes parents ne tenaient pas vraiment à me voir sortir si tard le soir pour observer le ciel. Lorsqu'ils m'y autorisaient, les étoiles filantes n'étaient pas de sortie. Et il faut dire que notre maison ne disposait que des équipements les plus simples : pas de télé ou d'ordinateur pour m'informer des dates auxquelles il fallait scruter le ciel pour apercevoir ces énigmes stellaires. L'idée de partager ce moment en sa compagnie me remplissait de bonheur ! Je m'empressai alors de lui répondre, l'enthousiasme dans la voix :

"Je trouve ton idée excellente ! J'adorerais vraiment passer ce moment avec toi. Ce spectacle m'est encore inconnu mais je suppose que c'est fascinant ! Et puis, ce repas en ta compagnie me permettrais de faire plus ample connaissance."

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Quand elle accepta, je fus ravie comme je ne l'ai jamais été. J'étais dans l'établissement depuis un moment déjà, mais je n'avais que très rarement fréquenté des jeunes filles de mon âge. Julia semblait différente, plus mature, plus ouverte sur le monde, mais aussi plus timide sur certains domaines. Et le spectacle que j'allais lui montrer allait sans doute être un bon moment passé en sa compagnie. Elle même trouvait l'idée excellente. Alors je me redressais tranquillement et je l'invitais du regard à me suivre.

- Je viens d'apprendre que nous sommes dans la même chambre, c'est intéressant tout ça ! Tu sais quoi, tu vas aller poser tes affaires pendant que moi, je vais chercher des paniers repas au self. Je te rejoins en bas de l'escalier qui va aux dortoirs, d'accord ?

J'esquissais mon plus beau sourire puis je pris le chemin de la cantine en lui faisant un signe amical de la main. J'étais contente, très contente. Je ne pris pas le chemin le plus long, bien au contraire. J'arpentais d'un rythme qui me paraissait soutenu l'allée qui menait au bâtiment principal. Le réfectoire se situait à l'autre bout de là où j'étais mais ça ne faisait rien, l'énergie et l'impatience avaient pris possession de mon esprit. En cette heure maintenant tardive pour rester dehors, rares étaient les élèves qui circulaient encore dans cette zone. La plupart d'entre eux étaient sans doute déjà en train de manger, ou encore en cours du soir pou améliorer les lacunes qu'ils pouvaient avoir. Rien de tout cela ne m'intéressait vraiment. Il m'aurait été judicieux de faire du renforcement en japonais, mais je tenais sans doute un peu trop à ma petite liberté que j'appréciais temps. Puis, mon professeur connaissait ma feignantise pour progresser. Il me fallait juste discuter avec plus de japonais et écrire plus de japonais, c'est tout. Facile à dire, mais moins à faire : ma tête pense en anglais, donc j'oublie cette langue orientale.

Mon chemin se passa plus vite que je ne l'aurais imaginer. J'étais déjà à l'entrée du réfectoire, et heureusement, la file d'attente n'était pas longue. Je me plaçais derrière un groupe de garçons et j'attendis patiemment mon tour. Ces derniers discutaient des évènements proches qui allaient survenir dans l'aile des dortoirs masculins. Et d'après ce que j'entendais, il valait mieux être une fille en cette soirée. Je crois bien que je ne comprendrais jamais la raison masculine, du moins, si on peut appeler ça une raison... Je soupirais légèrement, je crois bien qu'ils m'ont entendu, mais l'heure de se servir était venu. Tant mieux. Je souriais gentiment à la dame du service et je lui demandais si elle pouvait me préparer deux paniers repas, simples et rapides. Elle devait avoir l'habitude à force de me voir si souvent lui demander mon repas à emporter. Elle revint tout juste une dizaine de minutes plus tard et me tendit deux boites enroulées dans une tissu épais, un nœud au bout pour les transporter.

- Tiens ma petite, et pense à me les ramener demain, d'accord ? Itadakemasu ~

Que voulez-vous faire à part sourire ? Elle était gentille, et elle me faisait confiance. Je pris les deux boites et je fis chemin inverse d'un pas déterminé. Les repas en main, je descendis les quelques marches qui menaient au pensionnat. Je voyais d'ici les escaliers immenses qui grimpaient à l'étage. J'y fus très vite, tout juste une dizaine de mètre. Mais Julia n'était pas là. Peut être avait-elle, contrairement à moi, pris son temps sans se presser. Tan pis pour moi, j'attendrais. Je m'assis sur les marches et j'en profitais pour faire une tresse à mes longs cheveux ondulés.

Décidément, cette Amy était quelqu'un de vraiment dynamique ! Elle prenait des décisions comme ça, en un claquement doigts. Sans que je n'ai eu le temps de dire quoi que ce soit, elle m'avait pressé de poser mes affaires dans la chambre qui, il se trouve nous était commune. Cette dernière information ne pouvait que m'enchanter puisqu'elle est ma première vraie rencontre ici, à Keimoo. J'acquiesçais donc et me mis en marche vers le pensionnat, tandis qu'elle courait déjà en direction du self. Je me réjouissais déjà de ce moment que nous allions passer ensemble. Je pressais donc le pas pour arriver le plus rapidement possible à ma chambre.

Lorsque j'y arrivai, je pris le soin de ranger mes affaires à leur place. Je jetai un coup d’œil pour vérifier si tout était en ordre : rien à signaler, je peux y aller en prenant soin de bien refermer la porte derrière moi. J'allai rejoindre notre point de rendez-vous quand j'entendis quelqu'un prononcer mon nom. Interloquée, je pivotai et découvris un surveillant : Que pouvait-il bien avoir à me dire ?

"C'est bien toi la coloc' d'Amy ? Tu lui donneras cette enveloppe de ma part, elle est juste arrivée de ce matin"

Je hochai alors la tête en signe d'assentiment. En observant l'enveloppe, je remarquai que celle-ci était en provenance d'Irlande, sa Terre natale. J'espérais de tout mon cœur qu'elle contenait l'information qu'Amy attendait tant : une annonce de l'arrivée prochaine de son cheval adoré. Croisons les doigts, me dis-je intérieurement. Je regardai alors ma montre et me rendis compte que le temps tournait, il fallait que je me presse pour retrouver Amy, peut-être m'attendait-elle déjà. En effet, c'était bien le cas, je la voyais patienter calmement au loin, se tressant les cheveux, perchée sur les marches de l'escalier.

"Laisse-moi faire, j'étais coiffeuse dans une vie antérieure"

Je lui lançai un clin d’œil et elle s'en remis à moi pour la coiffer. En deux temps trois mouvements, ses cheveux étaient rassemblés en une natte élégante, ni trop serrée, ni trop relâchée, le milieu parfait. Elle semblait ravie lorsque je la laissa chuter sur son épaule droite. D'un regard, je l'invitai alors à se lever et nous nous mîmes en marche en direction de notre observatoire. Ne connaissant pas l'endroit je la laissais me guider à travers chemin.

Nous déambulions au sein du campus quand je me remémorai la raison pour laquelle j'étais arrivée en retard au rendez-vous : L'enveloppe se trouvait toujours dans ma poche et je ne lui avais pas encore donnée. Je la lui tendis, attendant une réaction de sa part :

"Au fait, t'as du courrier !"

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