Une planque au hasard... [pv Yui Valentine]

[Hall de l'Académie]

Saki avait monté les marches doucement, régulièrement, étant presque persuadée de se prendre un couteau dans le dos, ou de sentir l'escalier se dérober sous ses pieds à chaque fois qu'elle avançait. Mais ça n'avait pas été le cas, apparemment Ashley l'avait laissé tranquille... mais jusqu'à quand... ? Quelle horreur de se sentir si harcelée. Son coeur était serré, et elle ne savait pas où aller. En chemin, elle avait croisé une sorte de CPE qui lui avait indiqué que sa chambre serait au premier étage, n°19, et qu'elle était dans la classe 1A. Ca lui faisait de belles jambes. Peut-être qu'Ashley serait dans cette chambre ? Arrff pourquoi toutes ses pensées revenaient vers elle. Elle avait fait celle qui n'était pas franchement troublée par les paroles mesquines de la jeune fille mais il était clair qu'elle était bouleversée.
Tirant toujours ses bagages, elle était désormais en train de marcher dans un long couloir, cerné de portes toutes plus hostiles les unes que les autres ? Des classes de cours ? Des bureaux... C'était pas le bon étage pour se cacher, personne ne viendrait à son aide ici... Personne...
Elle s'arrêta. Son coeur battait trop vite, elle était stressée. Relâchant l'emprise sur ses bagages, elle se stoppa et baissa la tête, se cachant une fois de plus sous sa capuche... Que dirait ses parents ? A peine arrivée, déjà en galère ? Elle ferait peut-être mieux de tout abandonner, de repartir et de reprendre la suite de son père, sans aucun intérêt pour elle, mais au moins personne ne lui ferait de mal...

"Ce n'est pas comme ça que je voyais les choses..."

Elle l'avait murmuré, troublant le silence si sordide qui régnait dans ce couloir. Sa voix tremblait, elle était à deux doigts de craquer. Relevant la tête en se mordant les lèvres, elle chercha des yeux quelque chose à lire qui pourrait lui changer les idées, et c'est là qu'elle aperçut "Bureau du Psychologue - Yui Valentine". Les lettres manuscrites lui sautaient au visage, comme si c'était là le fruit de toutes ces recherches et de son errance dans ce couloir en particulier... Ce Mr. Valentine... était-il là ? Elle colla discrètement son oreille contre la porte mais aucun son n'en sortait. En même temps, les gens qui vont voir un psychologue ne doivent pas le crier sur tous les toits. C'était assez péjoratif de se sentir dépendant d'un médecin pour survivre.
Serrant les poings, elle recula. Non, elle n'avait pas besoin d'un psy. C'était un hasard si elle avait posé ses valises juste devant sa porte et puis de toute façon, qu'est-ce qu'il en avait à foutre de ses problèmes lui ? Il lui dirait sûrement "Vous êtes jeunes, vous avez le temps de voir venir les choses, ne vous faîtes pas de soucis..." ou pire encore, il ferait allusion à cette pourdre blanche qu'elle avait encore dans les cheveux ou à son allure de guenille "Vous êtes droguée ?"... Ca ne la rendrait que plus mal à l'aise, c'était inutile et sans intérêt. Alors pourquoi sa main était serrée sur la poignée ? Elle soupira, ne sachant que faire. Depuis cet incident en école primaire, ses parents avaient tout fait pour la faire parler, allant même jusqu'à l'emmener chez un psy en ville mais n'étant pas de sa propre initiative, elle n'avait pas joué le jeu. Peut-être était-ce là une sorte de deuxième chance pour elle de s'en sortir ?

Elle en était encore à choisir entre rester ou partir lorsqu'elle entendit  du bruit dans le couloir, des étudiants, des bruits de pas et des dialogues par bribes. Ashley ? Un voile de peur enfantine se plaqua sur son visage quand elle s'imagina retomber dans les mains de cette sorcière. Agrippant ses bagages de toutes ses forces, elle poussa la poignée... Qui vivra verra...
Après avoir refermé la porte et prit un peu de temps pour s'adapter à la situation, Saki regarda autour d'elle. La pièce était petite, chaleureuse, et il y avait ce fauteuil, cette espèce de chaise longue traumatisante... Elle détourna les yeux pour les poser sur... lui. Il était là... Réalisant qu'elle était entrée sans frapper, elle se sentit rougir jusqu'aux oreilles. Elle était entrée, c'était trop tard pour reculer... Elle baissa de nouveau la tête et bafouilla, confuse :

"Je... Désolée, je voulais juste me cacher... je... enfin non, pas me cacher... je cherchais... les toilettes... et j'ai vu votre bureau... et je voulais pas entrer d'accord ? j'ai rien à vous dire... mais je ... je suis là... bon..."

Elle se tût, c'était sûrement le discours le plus débile qu'elle avait fait jusque là... Elle se retourna vers la porte, pour cacher son manque de contenance. Elle ne savait pas comment se mettre, ni quoi dire, ni quoi faire. Elle devait se concentrer sur autre chose pour ne pas perdre l'esprit. Il était blond... voilà... blond, blondeur, été, blé... Mon dieu, pourquoi elle était entrée ????

…Et la porte s’ouvre, et Valentine n’en relève pas la tête de suite, trop occupé à chercher un dossier parmi tant d’autres. Non, ce n’est pas le jeune Kushiki qui rentre dans son bureau sans jamais songer à annoncer son arrivée vu le bruit d’une porte qu’on prend le soin de refermer. Dans ce cas Conor, à en juger ces premiers mots prononcés en toute incertitude possible ? Yui ne détaillera la nouvelle arrivante qu’après qu’un long silence s’impose finalement, silence entrecoupé du bruit de la paperasse qu’il touille depuis quelques minutes. Fichue paperasse, qui s’accumule toujours un peu plus.

Faisant claquer la pile de dossiers contre son bureau pour en ajuster leur empilement, le psychologue scolaire a finalement daigné lever le regard vers cette arrivée improvisée, sondant d’un œil calculateur une nouvelle personnalité.

…Se cacher, qu’elle dit.
Bien sûr, il devient coutume de se cacher dans le bureau du psy, de nos jours, c’est bien connu. Décidément, ces élèves lui en feront voir de toutes les facettes, dans cette académie. Non pas que ça n’ait pas le mérite de le divertir… Tiens, et cette poudre blanche dans les cheveux ; et sa tenue pour le moindre qu’on puisse dire… décontractée. Pour ce qui est du moment, Yui sait déjà qu’elle n’est pas nouvelle seulement dans son bureau, mais aussi au sein de l’école.

-…Vous êtes droguée ? a-t-il justement demandé d’un air détendu, en guise de salutation.

Comme si ça pouvait passer pour une formule de politesse.
Mais de toute façon, entre les entretiens de dernières minutes, ceux qui rentrent comme au moulin dans son bureau, puis la planque à trafic, il n’y avait plus vraiment de quoi s’étonner.

Alors bien entendu, Valentine se fiche éperdument qu’on rentre dans un état second dans son bureau, tant que lui, n’est pas concerné. Tout comme il se moque éperdument de la raison pour laquelle cette jeune demoiselle est venue poser pied dans sa salle. D’un geste impatient de la main, il a balayé l’air –ainsi que sa question pour ainsi dire, inutile- puis s’est levé, comme pour mieux observer la nouvelle recrue. Recrue, qu’il ne croit pas vraiment droguée, en fait.

-Allons, allons. Je veux bien que vous soyez désolée, que vous soyez en train de vous cacher, énumère-t-il en comptant chaque élément du bout des doigts, avant de poursuivre, que vous ne vouliez pas rentrer et que vous n’avez rien à me dire.

C’est qu’elle paraît bien jeune cette adolescente sortie de nulle part. Adolescente à l’air plus ou moins perdu pour le moins qu’il soit possible d’en dire.

-Cela dit, cela fait beaucoup de négation d’un coup pour une entrée en la matière, ne trouvez vous pas ? Alors plutôt que vous tapir contre la porte en attendant que je ne sais quoi ne soit plus sur vos traces, vous partagerez bien un thé avec moi, n’est ce pas.

Le thé, le fameux thé à la pomme de chez le psy.
Il a fini pas y instaurer ses petites habitudes, depuis le temps.

Tiens et tant que la jeune fille a ses valises près d’elle.

-Et bien. Vous comptez même poser camp ici? Décidément. C’est à se demander quel genre d’école peut amener les nouveaux à venir se terrer chez le psy.

Tout de même.
Sans l'inviter à venir s'installer, Yui reste pourtant le seul à savoir que celui qui se présente à son bureau peut bien décider de lui même où poser son séant. Après tout, qui est-il pour dicter chaque geste de ses patients? Bien que le fond de sa pensée est toujours la même : peu importe tant qu'il ne se sent pas concerné.

Ah quelle vie, mais quelle vie de psy.
Toujours est-il qu'il a commencé à servir deux tasses de thé pour en pousser une de l'autre côté de la table.

Lundi 27 Septembre 2010 - 11h33

Saki, toujours contre le nez contre la porte, fit sûrement une drôle de tête en entendant la première question de ce psychologue du dimanche… Décidemment, elle l’avait bien cerné. C’était vraiment une école ici ? Depuis le début, elle avait été à deux doigts de repartir et ce n’était pas avec des idioties de ce genre qu’elle allait rester. Mais étant toujours indécise quand à la marche à suivre la concernant, elle restait pétrifiée contre cette porte, attendant peut-être une once de curiosité ou de sympathie de sa part. Lorsqu’il reprit la parole, elle se redressa, toujours sans se retourner. Il avait l’air de la comprendre plutôt bien. Il ne posait plus de questions, il attendait sûrement qu’elle se confie… bey il pourra attendre ! Pouvait-elle espérer trouver refuge ici dès qu’elle le souhaitait ? Serait-il à chaque fois si compréhensif et si disposé à la laisser patauger dans sa galère sans rien faire ? Elle se devait d’y croire, de se dire qu’il y avait au moins un endroit dans cette école où elle ne serait ni victime, ni criminelle, ni bizu, juste Saki. Ou enfin juste une patiente X. Comme il devait en avoir tant. Mais peu importe, s’il lui prêtait un tant soit peu d’attention, alors il serait le rocher en pleine mer agitée sur lequel elle pourrait aller se poser pour reprendre son souffle avant de continuer à nager.
Du thé ?? Complètement absorbée dans ses pensées, Saki venait juste d’entendre sa proposition. Du thé ? Il était tombé sur la tête ? C’est tout ce qu’il avait à lui proposer ? Du thé ! Perturbée par cette question si abstraite et si inattendue, Saki s’était retournée pour lui faire face, essayant de comprendre s’il blaguait ou s’il était juste fou. Mais apparemment, il était sincère, donc aliéné. Il était en train de préparer le thé… Pouvait-elle le boire ou était-ce une sorte de médicament pour l’endormir et la jeter en pâture aux lions par la suite ? Il avait sûrement comprit qu’elle se cachait ici, même si elle avait essayé de noyer le poisson… Se mordant les lèvres, elle grogna :

« Je vous ai dis que je ne me cachais pas… je… je me suis trompée de porte… »

Elle serait bien embêtée s’il lui disait « Hé bien, partez alors ! », parce qu’elle n’en avait pas l’envie. Là tout de suite, elle était attirée par cette tasse de thé, délicatement posée sur un bout de sa table, à l’opposé de lui en fait, comme s’il voulait éviter tout contact avec la peste. C’était ainsi qu’il voyait Saki ? Une dealeuse infectée et contagieuse ? Ou s’était simplement moqué d’elle ; était-il conscient de poser la tasse loin de lui exprès pour permettre à Saki de la prendre sans s’approcher trop de cet inconnu ? Non, il ne pouvait pas être aussi doué en comportement humain, il ne pouvait pas l’avoir jugée et comprise en un simple coup d’œil…
Ses valises ? Ah oui c’est vrai qu’elle n’avait pas encore eut le temps de s’installer, tout s’était passé si vite… Elle s’écarta légèrement de la porte et joignit ses mains pour se donner une contenance, avant d’avouer, maladroitement :

« J’ai… j’ai pas eu le temps de… je viens d’arriver… et elle m’a… Ca vous dérange ? »

Saki avait failli parler d’Ashley, elle avait failli dire qu’elle s’était faite agressée à peine entrée dans cette école, mais heureusement elle n’avait rien dit. La question posée dans son interlocution n’était pas agressive, elle était seulement curieuse. Si ses valises le dérangeait, elle les prendrait pour les mettre dehors, ou alors elle s’en irait pour les mettre dans sa chambre et peut-être reviendra-t-elle, ou pas…
Ce psychologue était magique, c’est pas possible. Pourquoi lui parlait-elle ? Qu’avait-il de différent ? Saki laissait les questions envahir sa tête alors qu’elle connaissait déjà la réponse. Elle savait pourquoi elle avait tant de facilité à lui parler… Et il y avait deux raisons…
S’approchant encore un peu plus du bureau et de la fameuse tasse de thé, Saki sentait ses jambes trembler, pourtant il était là, silencieux, buvant tranquillement son thé, il n’avait pas l’air d’être pressé mais il la sondait… il devait être en train d’établir un profil psychologique comme dans ses séries à la mode… Elle allait bientôt finir en HP.
Ca y est, elle avait atteint le bureau, ses deux mains se détachèrent et l’une d’elle saisit délicatement la petite tasse en porcelaine remplie à rabord d’un liquide étrange, chaud et qui sentait plutôt bon… une odeur de pomme… Elle faufila ses petits yeux de fouine partout pour constater qu’il n’y avait que cette horrible chaise de thérapeute qui était libre. Alors elle prit le parti de s’asseoir, tout au bord, posant à peine une demi-fesse sur ce qui devait être la chaise de toutes les confidences. Elle sirota le thé et faisant une grimace de circonstance, elle ajouta :

« C’est pas franchement bon votre truc… »

Menteuse… Ce n’était pas le goût du thé qui était à l’origine de sa grimace, mais plutôt son geste. Mr Valentine était la première personne à faire quelque chose de gentil pour elle… Ce fut comme une délivrance sur le moment et les larmes coulèrent toutes seules, sans qu’elle ne cherche à les retenir. Elle pleurait, discrètement, sans spasmes, juste des larmes de soulagement et de frustration trop longtemps gardée pour elle. Elle serra la petite tasse de toutes ses forces et murmura, de façon presque inaudible…

« C’est pas bon… mais… merci… »

Et même s’il n’eut quasiment aucune chance de l’apercevoir, Saki esquissa un tout petit sourire… Premier depuis tant d’années…

Lundi 4 Octobre 2010

La première fois qu’elle a posé les pieds dans le bureau de Yui Valentine, la seule chose qu’elle a fait, c’est pleurer autour de sa tasse de thé. Décidément… cette petite Osen.

-D’accord, vous ne vous cachiez pas, a juste observé le psychologue scolaire, un tantinet amusé par cet esprit de contradiction, avant de rajouter sur un même ton posé, -Et peu m’importe, je ne vous interdis pas de vous tromper.

Qu’elle était frêle, cette nouvelle élève fraichement arrivée à l’académie. Frêle et presque fragile, d’avoir été ébranlée par visiblement une terrifiante « elle »… De toute façon, rien de bien alarmant au sein de Keimoo. Ça a toujours été régi par la loi du plus riche certes, mais aussi du plus fort. Quelque chose comme la loi de la jungle un peu comme partout ailleurs, en fait.

-Me déranger ? Et bien pas tant que cela ; mais vous dire que votre visite me fait plaisir, serait comme avouer qu’il est fort heureux qu’il vous soit arrivé malheur, mademoiselle, a simplement répondu Yui, sur un ton plaisant, et toujours cette lueur vivace dans le regard.

Amusé et intrigué, oui, il l’est, comme à chaque nouvelle visite.

-Vous savez, c’est une première fois pour moi que je reçois une nouvelle élève, tiens oui, ce sont toujours les habitués de l’académie qui osent venir me voir en dernier recours. Et que cela se fête, buvons donc ce thé en votre santé… s’est interrompu Valentine en voyant l’adolescente déjà en larme.

A peine arrivée que déjà dans cet état.
Que diantre.

-…Je ne vous oblige pas non plus à le trouver bon ce thé mais de là à en pleurer, de grâce !

Un certain silence s’est ensuivi, le temps où Valentine a laissé les minutes nécessaires faire leur effet, avant de pointer la tasse du bout de l’index.

-Vous vous brulerez, je pense.

Mise en garde ? Subtile moquerie ou parole en l’air ?
Toujours est-il que Yui a fini par se lever, pour venir se placer près de la jeune fille et épousseter d’un geste fluide cette poudre –qu’il voudra bien considérer comme soi-disant farine- logée dans ses cheveux de jais. Toujours possible de croire au bizutage, pourquoi pas. Il existe tellement mille et une excuses quand on s’appelle Yui Valentine.

- Et vous ne me remercierez plus jamais.

Oui qu’elle était délicate, cette nouvelle venue de nulle part.
Si bien que Yui s’est demandé sur le coup, s’il ne ferait pas mieux de faire Faiseur de Larmes. Un peu comme le fakir appelant son serpent à sornettes, oui. Des larmes, et tellement de larmes qu’il fait couler, et qu’il continue de faire couler.

-Allons, allons donc. N’offrez donc pas le plaisir à votre ravisseur de voir combien il vous a offensé, qui qu’il soit, a fait Valentine, en s’asseyant sur le rebord de son bureau. -Vous valez bien mieux que vous ne le croiriez, je n’en doute pas.

Mardi 12 Octobre - 10h11

Même si Saki n'avait jamais eu "d'abonnement" régulier chez un psychologue lorsqu'elle habitait encore chez ses parents, elle savait comment ils fonctionnaient. Ils se devaient d'être neutres et plutôt amicaux avec tous les pauvres dépravés qui arrivaient ici, puisqu'ils devaient les amener à se confier. Saki le savait tout ça, mais malgré tout, elle ressentait l'irrésistible envie de tout déballer. Seulement voilà, elle n'en était pas capable et elle supportait mal l'idée qu'une des personnes de l'Académie connaisse toute sa vie, en détails.

Ca faisait déjà presque un mois qu'elle venait voir Mr. Valentine, entretemps, elle avait depuis longtemps déposé ses valises dans sa chambre, rangé ses affaires, assisté à une multitude de cours parfois barbants, parfois intéressants, et rencontré de nouvelles têtes, parfois amicales, et parfois désagréables. Son état d'esprit avait quelque peu changé depuis son arrivée, elle n'avait pas recroisé Ashley McDowell et avait donc enterré sa peur au plus profond d'elle, préférant laisser libre cours à d'autres sentiments, la curiosité, l'intérêt, la satisfaction, la déprime aussi...
Elle se rappela encore la fois où Mr. Valentine lui avait offert sa première tasse de thé - thé qu'elle était encore en train de boire actuellement d'ailleurs, décidémment, on s'habitue aux bonnes choses -, les larmes avaient coulé toutes seules... Les yeux dans le brouillard, elle se remémora la scène...

~~~

Avec un visage silloné de larmes de parts et d'autres, Saki ne vit pas vraiment (ou décida de ne pas y faire attention) Mr. Valentine se lever pour venir vers elle. Peut-être était-il un pervers sexuel en liberté, qui préfère s'attaquer à de jeunes proies presque suicidaires, qui verraient en lui le Messie, et se laisseraient donc faire sans rien dévoiler à qui que ce soit dans l'angoisse de perdre le seul soutien qu'elles avaient. Mais Saki s'était encore beaucoup trop emportée dans son imagination. Mr. Valentine était juste venu enlever la poudre dans ses cheveux. Sans rien dire. Saki aurait très bien pu le faire elle-même, mais elle n'avait pas voulu toucher l'objet de sa première humiliation dans l'école. Elle avait été mal à l'aise de voir Mr. Valentine si près d'elle, mais avait apprécié qu'il le fasse. Elle lui aurait volontier dis une nouvelle fois "Merci", mais il avait prit les devants. Il ne souhaitait pas être remercié ? Qu'est-ce que ca pouvait bien vouloir dire ? Ne se sentait-il pas assez bien pour être remercié ? Ou considérait-il que c'était son boulot et que ça ne demandait pas de remerciement ? Quoiqu'il en soit, Saki se tut, elle ne se brûla pas la langue, malgré sa mise en garde, qu'elle ne comprit qu'au pied de la lettre.

Ce qui étoffait le plus son souvenir, c'était cette dernière phrase qu'il avait dit :

"Vous valez bien mieux que vous ne le croiriez, je n’en doute pas."

Cette phrase, c'était de l'or à l'état pur. Même si elle n'avait rien répondu sur le moment, Saki s'était sentie touchée en plein coeur. Il croyait qu'elle valait mieux que ça ? Vraiment ? Alors, elle tenta de s'en convaincre... Et depuis, elle avait fait du chemin... Grâçe à lui...

~~~

Son souvenir s'effaça pour laisser place à la séance actuelle. Elle but une nouvelle gorgée du thé qu'il venait de lui préparer, et arbora un sourire béat. Elle était plutôt heureuse, elle devait lui en faire part. Alors elle se leva, beaucoup plus à l'aise qu'auparavant, mais toujours cachée derrière ses capuches et ses pantalons larges et sans formes. Elle se dirigea vers une sorte de petit tableau d'affichage et tritura une punaise collée dessus, évitant ainsi le regard perçant et divinatoire du Psychologue... Ses cheveux avaient poussé... Diantre, il ressemblait encore plus à un ange de la Mort comme ça...

"Vous savez... Vos mots de la dernière fois m'ont aidé à aller vers de nouvelles personnes... j'ai rencontré un garçon dans un Club. On aime l'art... mais c'est tout. Mais c'est grâçe à vous que j'ai pu entretenir un semblant de conversation avec lui. Même si j'ai encore beaucoup d'efforts à faire, j'en suis consciente..."

Elle se retourna, impatiente de voir sa réaction. Elle aurait tellement aimé avoir un retour à ses confessions. Si seulement, il parlait un peu de lui. Evidemment, c'était elle la patiente, mais lui ? Il n'avait aucun problème ? Aucune honte, ou aucune phobie qui pourrait laisser Saki croire qu'il n'était rien de plus qu'un humain ?

Son téléphone sonna... Elle s'excusa et posa doucement sa tasse à café sur le bureau rempli de dossiers éparpillés ; elle jeta un coup d'oeil à son message. C'était Kat's, ce qui lui arracha un sourire :

Ikas : Et toi... pourquoi es-tu ici ?

Kat's: (en privé) Je ne sais pas d'où m'est venue l'idée de m'inscrire ici.
Tu ne sais pas qui être.
Moi, je ne suis qu'une icône...surréaliste. Et ça ne dérange personne, bien au contraire.
Dis m'en plus sur toi. Décris-moi cette étrange sensation de manque de vie intérieure que tu ressens.

Une icône ? Saki avait-elle affaire à une star ? Arf, il voulait en savoir plus sur elle, elle se sentait si gênée de devoir parler d'elle, alors que c'était le but de son inscription... Elle se mordilla la lèvre et répondit, en tapotant maladroitement sur les touches de son téléphone :

Ikas : Quand j'étais petite, il y'a quelque chose qui s'est cassé en moi. Depuis ce jour, je crois que je me cherche. J'aime être celle que je suis aujourd'hui, mais je crois que ce n'est pas encore la bonne personne. Je suis toujours en constante dépression ou alors je me sens inutile. J'ai pas de but, je laisse les jours défiler sans rien faire alors que la vie est si courte...
Tu dis que tu n'es qu'une icône, mais toi ça te dérange pas d'être comme ça ?

Elle envoya le message et remit son téléphone dans sa poche... Elle reprit sa tasse de café et après une petite réflexion, elle demanda son avis à Mr. Valentine :

"Qui des deux est le plus malheureux ? Une personne qui n'a personne, ou une personne qui a beaucoup trop de monde autour d'elle ?"

Spoiler:

Mercredi 19 Janvier – 14h20

Fume le thé à la pomme, fumée s’élevant en de céleste mouvement au dessus des deux tasses posées sur la table. Tiens voilà, il l’appréciait bien, cette petite Ôsen qui venait partager un thé à n’importe quelle heure de la journée. Et pardi oui, que le temps était passé depuis qu’elle lui avait littéralement pleuré dessus (…) …enfin, peut être pas dessus, mais des larmes, il en avait eu sa part oui. Tudieu qu’ils sont émotifs ces petits, -et le psy s’amusa à cette idée sans forcément en penser le contenu-, un sourire ironique en coin.

-Dites-moi, avez-vous eu l’occasion de revoir cet artiste du Club dont vous m’aviez parlé ?

Parce qu’évidemment, avec une mémoire détestablement bonne, Mr Valentine aimait bien faire des allusions du coq à l’âne, puis de l’âne aux hérissons, et des hérissons aux écureuils.
Non pas qu’il y avait aucun lien entre tous ces vivants mais pour transmettre l’idée que Yui Valentine était toujours autant capable de connecter deux éléments sans grand lien entre eux. Tiens voilà, entre l’écureuil et la mèche de cheveux avec laquelle il est en train de jouer avec ses doigts… Bref.


***

L’avantage des séances avec un tordu dans son genre, c’est que rien ne s’y passe vraiment de manière formelle ; on ne se pointe pas à sa porte, ni ne s’allonge sur un fauteuil, ni ne s’assied en face de lui –à moins que l’initiative en vient du patient lui-même. Et avec une disposition de la salle qui venait encore de changer, on ne savait pas vraiment qu’en penser. Et ni où ce genre de fortune lui venait pour passer du thème safari aux couleurs pastels, puis du sombre au clairs… on avait et aura tout vu. (Alors naturellement, Yui aimait bien croire –faire croire- qu’il y faisait passer ses états d’esprit -mais alors quel état d’esprit, il fallait bien se le demander.) Et pour dire aussi qu’il se fichait bien de qui pouvait se permettre de répondre à son téléphone portable ou non, pendant ses séances.

« -Vous savez, c’est la même histoire que le verre à moitié plein ou à moitié vide. Vous le voyez comment vous ? Personnellement, ce que je vous dirai –de mon avis personnel, c’est que celui qui a beaucoup de monde autour de lui aura peut être toujours la chance d’être entendu par rapport à celui qui n’a personne. Ah ! mais c’est que vous m’en posez des bonnes, vous… »

C’est qu’il lui avait répondu d’ailleurs, la dernière fois. Enfin. La dernière fois il y a des mois de cela. Et puis il y a eu cette pause, silence du psy, parti brutalement en France, prétextant on ne sait plus trop quoi. Alors peut être que c’était vrai cette histoire comme quoi il avait son frère s’était marié, tandis que ses parents se séparaient pour aller vers… bon en fait des histoires comme celle là, on ne la faisait jamais assez, oui. Alors, s’affalant sur le pouf au coin du mur, le psy croise les jambes et lance un regard curieux vers l’adolescente.

-Tiens dites-moi, Ôsen. Vous avez deux personnes n’importe qui, mais bien deux, j’insiste, devant vous. Je me demandais… la différence entre ces deux personnes là, quelle est elle ?

L’ingéniosité du psychologue à poser une question tous les 36 du mois, et quel genre de question alors. Délire, philosophie, bizarrerie ou peu importe, il fallait bien qu’il les pose, c’est tout.

Lundi 24 Janvier - 10h47

Lorsque Saki entra dans le bureau du psychologue en ce jour pour son 'suivi psychologique' mensuel, elle avait une attitude différente de celle de la dernière fois. Elle ressemblait absolument à toutes ces adolescentes actuelles en crise pour le moindre truc qui tourne pas rond dans leur monde infesté de conneries. Si elles reçoivent un texto de leur amoureux transi, elles seront gaies et enjouées toute la journée mais un simple regard de travers et ça y est, elles penseront à se suicider ou à écrire sur FaceBook qu'elles le détestent plus que tout au monde... Bref un ramassis de déchets qui les forcent à croire que leur vie est plus intéressante que celle des autres.
Saki leur ressemblait aujourd'hui. Elle avait ce visage de la fille torturée qui avait besoin de se confier mais qui se faisait prier pour le faire. Evidemment, si elle était venue comme à son habitude, c'était qu'elle se confierait mais elle avait prit le partit que se serait la dernière fois. Elle ne voulait plus compter sur lui, ni sur les autres en général. Ils ne seront qu'une barrière à sa progression. Comme une sorte de main qui te retient alors que tu veux avancer. Ils l'empêchaient d'avancer.

Elle ne perdit pas un instant en politesse inutiles aujourd'hui, elle partie s'asseoir sur le sofa qui avait encore changé de place selon l'humeur de la Faucheuse (Yui). Elle le regarda, il la regardait. Il avait toujours ce visage calme et distant. Saki ne s rappelait même pas lui avoir vu une émotion quelconque sur le visage depuis qu'ils se voyaient. Elle fronça les sourcils et se concentra un instant pour reprendre les questions là où ils en étaient la dernière fois. Croisant ses bras pour lui faire comprendre qu'elle ne dirait rien de ses vrais problèmes aujourd'hui, elle se laissa aller à une discussion banale :

"Je ne l'ai vu qu'une fois ce garçon dont je vous ai parlé l'autre fois... Aleksi. Notre rencontre s'est mal terminé. Mais depuis, j'ai fais du chemin. J'ai trouvé quelqu'un sur qui compter et d'autres personnes qui deviennent plus ou moins importantes pour moi... mais j'ai pas envie de tout vous détailler. Ca ne ferait que vous mâcher le travail et après, vous sauriez plus quoi dire." ironisa-t-elle, tout en terminant sa phrase avec un regard taquin et un sourire moqueur.

Elle s'était habituée à ce visage froid qu'il lui offrait à chaque fois mais elle savait bien que chaque personne avait une part d'humanité en lui. Il ne voulait juste pas la montrer, qu'il en soit ainsi. Elle baissa la tête, tout en triturant ses doigts, elle avait prit sa décision bien avant de venir mais là, alors qu'elle se sentait une nouvelle fois, bien dans ce bureau, elle avait peur de franchir le pas. Pourtant, elle le devait. Sinon elle resterait coincée dans ces habitudes qui lui pourrissent la vie. Elle se leva, sans bruit. Elle n'avait pas envie de répondre aux autres questions qu'il avait posé parce qu'elle ne connaissait pas encore la réponse et qu'elle avait besoin d'arpenter le monde à la recherche de sa nouvelle vie avant de pouvoir lui dire qu'elle avait trouvé.
Il avait su être une oreile plus ou moins attentive lorsqu'elle en avait eut besoin, malgré son attitude loufoque et ses questions délirantes. Elle ne le remercierait pas puisqu'il n'aimait pas ça mais elle lui en serait toujours reconnaissante. Elle se rapprocha de lui et redressa la tête, sourire aux lèvres.

"Je pense qu'il est temps pour moi de voler de mes propres ailes. J'ai un but dans la vie maintenant et si je me contente de compter sur vous pour chacun de mes problèmes, j'arriverais pas à l'atteindre...", elle laissa passer un petit moment de silence, pour faire comprendre au Psychologue, là où elle voulait en venir. "Je ne peux pas vous dire Merci parce que c'était votre travail mais j'espère ne plus jamais avoir besoin de vous."

Elle lui offrit un enième sourire avant de repartir doucement vers la porte. Elle se détourna une dernière fois pour imprimer ce visage d'ange dans sa Mémoire. Il faisait partie de sa vie, de sa mémoire, elle ne l'oublierait pas. Jamais.
Elle posa sa main sur la poignée et partie rejoindre le couloir sombre, se mêlant aux autres élèves ; la porte se referma. A elle, la nouvelle vie.

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