Découverte [Post clos] (la suite au réfectoire)

C'était encore tôt, très tôt même, et une de ses camardes de chambre avait déjà disparue. Mais que pouvait-elle foutre à cette heure dans l'académie ? Il n'y avait pas de cours ! Ah cette Dawn, elle était sûrement partie à la recherche d'un peu de sucre, elle ne changerait donc jamais. Une fille, en position horizontale mais un peu en verticale, était sûre que la brune se vendrait même pour un sac de sucre. Mais la question n'était pas là : il fallait bouger ou sinon elle retomberait dans un sommeil profond. Lentement, comme tous les matins, Ana se leva et s'habilla péniblement. Elle détestait ce moment de la journée. Allez, ma petite folle en route vers le lavabo mettre un peu d'eau froide sur ce visage pâle. Voilà, ça c'est mieux, ensuite file les chaussures, les premières qui te tombent sur la main, non pas ceux-là, tu ne vas pas traîner en chaussons dans les couloirs, non ? Oui, tu en es capable, mais quand même ! Ceci est une partie du dialogue interne d'Ana, tous les matins c'est la même chose, pourquoi changer les vieilles habitudes ? Une fois prête, prête est un grand mot puisqu'elle voit qu'à moitié, elle se dirigea à la recherche de sa colloc.

En chemin, elle tomba sur plusieurs personnes qui n'avaient pas autre chose à faire que la critiquer ouvertement, comme tous les jours quoi, eux aussi ne changeaient pas. Bref, elle ignora comme toujours leurs regards, elle les voyait à peine puisque ce matin elle avait oublié de nettoyer ses pauvres lunettes, donc elle était plus myope qu'une taupe. Avançant lentement vers la sortie, parce que si elle était la Sucrée (Dawn), elle aurait pris la direction de la ville, pris la porte quoi. Alors, on est déjà près de la porte d'entrée, vous savez: ces grandes doubles portes en bois renforcées de trucs dont le mécanisme échappe au petit cerveau de l'espagnole. Mais il n'y avait personne, personne, même pas dans l'entrée même du hall. Son amie était où alors ? Ah non, si elle était vraiment sortie en ville, Ana n'allait pas la suivre, elle était encore endormie ! Nan, mais !

Avec un soupir de résignation, Ana prit le chemin de retour aux dortoirs, elle voulait retrouver son lit moelleux et son oreiller d'amour, mais elle s'arrêta en plein milieu du hall : un inconnu jouait avec une monnaie à l'autre côté de la pièce. Bonne idée, les gens ne savaient plus quoi faire pour se divertir. La folle continua de l'observer, elle en déduit que c'était de la viande fraichement débarquée et perdue en même temps puisqu'il choisit son chemin à l'hasard et avait pris celui qui menait à l'administration ainsi qu'aux salles de cours. Peut-être qu'il ne savait pas encore où il était tombé ou il avait envie de jeter un coup d'oeil avant de prendre la fuite. Dans les deux cas, ce n'était pas une bonne chose d'aller dans cette direction, il allait sûrement finir dans le bureau de la directrice sans rien faire et Ana connaissait la directrice et son gout pour les nouveaux. Elle commença à courir vers le garçon et se mit devant lui.

- Hey hey ! C'est pas la bonne direction, sauf si tu as une bonne excuse pour finir dans la jupe de la directrice... ahem je voulais dire le bureau....

Oups, elle avait révélé une partie du caractère de la principale à un nouveau, elle risquait de se faire attraper et passer quelque temps la-bàs, loin des autres. Il fallait se rattraper vite, sinon le nouvel aller prendre la fuite. Bah, une victime en mois...

- Nouveau et perdu je suppose.

Alors là ! Un gars qui la traitait de « vous », c'était nouveau et assez choquant, tout comme ce qu'elle venait de dire. Cela va de soit que la petite information concertant la blonde qui exerçait le poste de directrice avait surpris le brun en face d'elle. Bref, tous ces mots pour dire qu'elle n'était pas habituée à être vouvoyée et moins pour un garçon qui devait sans doute avoir le même âge qu'elle. Il y avait que les professeurs qui s'adressaient à elle de la sorte, en plus il employait une manière de parler étrange, Ana avait l'impression d'être en présence d'un personnage tout droit sortit d'un livre de mythologie ou encore fantastique, surtout qu'il parlait comme si tout était de la poésie. Il ne devait pas être japonais. Voilà la conclusion que l'espagnole réussit à avoir. C'est bien Ana, on avance, à petit pas, mais on avance. L'impression de lointain que la brune avait sur le jeune homme s'accentua lorsque celui-ci se présenta sur le nom de Costantino. Comme l'empereur ! Elle qui croyait que ce nom n'était plus à la mode. Rapidement, ses deux neurones en fonctionnement à cette heure se mirent à la recherche d'un surnom pour le nouvel arrivant. Ino ? Non, trop con. Kos ? Nop, elle l'utilisait déjà pour quelqu'un d'autre. Stan ? Et puis quoi encore. Constan ! Oui, comme le personnage de Moonlight. Mon Dieu, qu'elle pouvait être freak et conne à la fois, c'est incroyable !

- Ouais ouais, garde toutes ces choses philosophiques pour quelqu'un qui serait plus réveillé que moi. T'es perdu, c'est clair.

Elle croisa les bras au niveau de la poitrine et hocha la tête vigoureusement, en même temps qu'elle la secoua d'une certaine manière qu'elle disait : « ce n'est pas grave et oui, tu es perdue, ne mens pas. »

- Tu t'adresses à celle qui gouverne ces lieux, celle qui détient les âmes de tous les mortels, en gros une folle, en réalité ce sont surtout les plus jeunes qui me trouvent folle, je suis plutôt une âme en peine qui erre dans ce bas monde où personne la comprend. Faisons court, je m'appelle Ana, mon prénom n'est pas si illustre que le tien, mais il est plus vieux.

Pourquoi mangerait-elle ? Ce n'était pas encore heure... enfin, elle croyait. Ana n'est pas le genre de personne qui a les mêmes horaires que les autres, déjà que chez elle on mange deux heures plus tard que la normale, de plus elle venait de se lever du lit, mais elle n'avait pas pris le petit déjeuné non plus, elle ne l'aimait pas trop de toutes manières.

- C'est que disons que je viens tout juste de me réveiller, donc ahem, je n'ai pas eu le temps.

- Oui, je l'aime bien. Il veut dire grâce divine, mais ça on s'en fout.

Elle chassa ses excuses d'un mouvement de main. Elle n'était pas gênée si c'était ce qu'il croyait, mais elle n'avait pas pour habitude d'être traitée comme une vieille par un adolescent. Vieillissait-elle à vue d'oeil ? Devrait-elle commencer à se teindre les cheveux pour cacher ses mèches blanches ? Et son corps, avait-elle l'air d'une vieille dame en détresse ? Malheur si c'était le cas ! Elle s'imaginait déjà dans le salon de beauté de la ville payant une fortune pour un traitement contre les rides. C'est si dur être une femme... mais comment sommes-nous arrivés à cette conclusion aussi banale que la vie même ? Ah oui, le fait que C.D s'excusait pour la vouvoyer. Une chose était certaine, ce gars ne sortait pas de la rue, ce n'était pas une racaille de banlieue. Où avait-il appris à parler avec tant de politesse, ce n'est pas normal de nos jours. Bah chez lui ma fille, où sinon. Bref, elle « divague » déjà notre petite Ana.

- Pas besoin, si c'est que tu fais tous les jours. Dis, tu sors d'où toi ? Déjà avec ton nom et tes manières, t'es pas d'ici.

Mais tu n'avais pas déjà ceci ? Ah ma fille, tu te répètes souvent et je ne cesse pas de te le dire, mais tu es sourde ! Un comité de discipline ? Et puis quoi encore ?! Les élèves avaient déjà assez avec leurs surveillants et compagnie, un comité de ce genre ne ferait que supprimer le peu de liberté qu'ils avaient, sauf si c'était un crée pour le bien des étudiants. Mais ne rêvons pas, ce genre de choses n'existent pas dans une académie réputée pour son enseignement et son sérieux. Ana le suivit du regard lorsqu'il annonça que les lieux étaient déserts depuis son arrivée, qu'il n'avait trouvé personne à part elle et une autre personne, voilà le pourquoi de sa question. Hum, une autre personne, peut-être qu'il avait rencontré Dawn dans son chemin et que celle-ci tournait en ronde dans l'établissement à quête de son sucre quotidien. La folle s'approcha de la fenêtre où le nouveau était parti se coller, drôle de chose : se coller à une fenêtre.

- Pas de comité, mais de surveillants et tout le tralala. Une administration quelque conque quoi. Au fait, l'autre personne était une fille aux longs cheveux bruns et aux yeux verts un peu folle et maladroite ?

Le ciel se couvrait peu à peu, les premières gouttes vinèrent s'écraser contre le cristal de la fenêtre. Costan' semblait apprécier le moment. Bah le paysage qui s'offrait à eux de l'autre côté allait vite devenir un habitué, la saison de pluies commençait bientôt.

- Si les lieux sont vides, c'est parce qu'on demain commence le week-end et que les gens sont en train de manger ou préparer leurs affaires. Au fait, je peux t'appeler C.D ou Constans ? Ton nom est trop long...

- Euh non, merci, pas la peine.

Elle s'écarta alors un peu de lui, se plaçant au beau milieu du couloir, elle sépara un peu ses jambes et mit ses mains autour de sa bouche, prit une grande inspiration et lâcha :

- Dawn, espèce de perverse cachée du monde !!! Ramène ton beau postérieur à la chambre et nettoie toutes les miettes de ce produit dégueulassement sucré que tu as laissé tomber hier soir ! Je vais pas le faire à ta place, alors si tu veux revoir tes affaires intacts à ton retour viens ici tout de suite et balaye toute cette poudre blanchâtre du diable !

Voilà, elle avait laissé son petit message pour son amie, elle ne devait qu'attendre un peu et à son retour dans sa chambre tout serait en ordre. Ramenant ses cheveux en arrière, elle se tourna vers Constans avec un grand sourire aux lèvres.

- Désolée mec, mais il fallait que je le fasse. C'était pour le bien de tous.

Alors, il était italien musicien élevé par un vieux maniaque. Ana se demanda s'il était gay, pour elle 80% de la population masculine italienne l'était, un de ces clichés qu'elle avait toujours. Et quoi, les gens croient que toutes les espagnoles sont brunes aux yeux marron avec de grosses fesses et à la peau mate, et Ana était la preuve vivante du contraire. Tout ça pour dire qu'elle avait le droit de croire aux clichés si bêtes. Elle avait aussi le droit de l'appeler comme beau lui semblait, de toutes manières même si C.D n'aurait pas apprécié elle l'aurait fait, donc ce n'était pas la peine de lui avoir posé la question.

- T'es pas le seul à être d'un autre pays, on est beaucoup dans l'académie, la plupart sont de gosses de riches. Mais je dois t'avouer que je suis surprise de voir autant d'italiens, le Japon doit avoir un certain charme pour vous.

La brune se mit à sautiller d'un pied à l'autre, sa manière à elle de dire qu'elle s'ennuyait dans le couloir, qu'elle devait bouger sinon elle se verrait obliger de dormir sur place. Comme toute bonne patronne, ce n'était pas elle la propriétaire du pensionnat certes, mais elle était la seule dans un kilomètre à la ronde ( héhé, nouveau truc xD) elle devait lui montrer les installations, au moins l'essentiel : chambre, salle de bain, salle télé et cantine. Elle profiterai de l'occasion pour manger un morceau.

- Tu connais le numéro de ta chambre qu'on aille poser tes affaires et après si tu veux je t'amène manger quelque chose si t'as faim. Par contre, oublie que je te montre l'extérieur, ceci n'est que le calme avant la tempête.

En effet, même si le ciel était bleu à nouveau, le vent commençait à souffler plus fort qu'avant. Ce n'était qu'une question de temps de voir les gouttes d'eau tomber sur le toit.

- Bah en marche alors, perdons pas de temps, la chambre 7 est encore loin, surtout qu’on va dans l’aile de garçons. T’aurais du prendre à droite et après à gauche pour ensuite monter les escaliers qui mènent à l’est. C’est là-bas les chambres de garçons, celles de filles c’est l’escalier de l’ouest. Si tu avais continué tout droit, tu serais tombé dans la partie administrative de l’établissement et aussi devant un couloir qui s’arrête devant la porte de la chambre de madame la mangeuse d’hommes et de femmes. Mais tu n’as rien à craindre, une fois habitué aux lieux, elle ne te fera rien.

Constans avait déjà commencé à marcher vers l’entrée pour prendre l’autre couloir, elle ne tarda pas à le rejoindre et commença à répondre à sa première question, celle s’il y avait un toit ou un truc de ce genre parce qu’il devait accéder à un lieu en hauteur. Bah comme tout établissement normal, l’académie avait un toit auquel on pouvait accéder par l’escalier de service. Celle-ci se trouvait à l’extérieur du bâtiment, mais si ses souvenirs n’étaient pas faux, l’escalier principale montait jusqu’à la terrasse d’astrologie.

- T’en fais pas, après avoir mangé un truc, parce que je commence à avoir faim, on montera sur une terrasse, désolée, mais je ne peux pas t’amener jusqu’au toit pour deux raisons : l’escalier extérieure sera impossible d’utiliser dans quelques minutes et la porte du toit qui donne au dernier étage est fermé, la serrure est cassée. On a pas mal de racailles ici.

Ana n’avait pas compris pourquoi il voulait monter au toit et elle n’avait rien à faire, elle sentait que c’était une question personnelle donc pas de question sur ce sujet, ce n’était pas ses affaires. Un truc sur le frère de son professeur, c’était tout ce qu’elle avait saisi. Ils étaient à présent dans le hall, devant les deux couloirs. La folle prit celui de droite sans attendre l’autre. Alors il connaissait l’Espagne pour avoir situé si rapidement son prénom. Bah quoi, Ana avec un seul n, il y a que les espagnols pour cela puisque les français y mettent deux et même les italiens le font, pour ne pas parler des anglais.

- Du Sud, originaire de l’Andalousie. Et toi ? Toscane ou les grandes villes telles que Rome, Naples, Milan ? Ou encore, ta famille fait partie de la mafia siciliana ? J’ai toujours voulu aller en Italie, surtout à Venise, ce n’est qu’un caprice, mais je compte bien y aller un jour.

- Wesh, pas mal des gens venus de tous les coins du monde. L’académie est une bonne catapulte pour les universités. Et même ceux qui n’ont rien à faire de leur vie viennent ici. Tu peux trouver de tout, allant du simple élève banal à la pire racaille qu’il soit.

A voir pour son expression le jeune homme était quelqu’un qui devait aimer la solitude et être quelqu’un très jaloux de ses sentiments et sa vie privée. Rien comme il avait réagis lorsque la folle avait dis le mot famille. S’il croyait qu’elle était du genre à se mêler des affaires d’autrui, il se fourrait le doigt dans l’œil. Ana pouvait être curieuse comme un chat, une fouilleuse de première qui n’hésitait pas à foutre le bordel dans la chambre de quelqu’un juste parce qu’elle croit pouvoir trouver des choses compromettantes ; et rien trouver après bien sûr. Donc, il ne devait pas faire une crise juste pour ça, elle n’allait rien demander sur sa famille. Pour changer, la brune se mit à rire un peu lorsque C.D parla un peu de racailles avec ignorance.

- Ils n’ont pas cassé que ça. Les racailles sont de voyous sans scrupules qui cognent tout ce qui s’oppose à eux, gamins, vieillards, femmes. Ils font pas du favoritisme. On compte quelques de ces spécimen ici, j’en connais même quelques uns.

C’était vrai, elle connaissait Dai, elle était obligée vu leur relation plus qu’étrange. Elle connaissait aussi la brute qui leur servait de tête, Gin. Mais elle ne les fréquentait pas, à part Dai qui était le seul à ne pas la frapper chaque fois qu’elle ouvrait la bouche pour les casser. Ana s’arrêta un instant pour dévisager le garçon, elle le scruta tel un juge, ou un marchant de bête.

- Les portes de cet établissement ne sont pas faites en carton, mon gars. Pour forcer une porte tu dois avoir de beaux muscles, comme ceux du prof de sport. Et même lui n’arrive pas à forcer la porte des toilettes sans l’aide de quelqu’un d’autre. Sauf si t’as un petit explosif tu pourras faire quelque chose.

Elle reprit la marche, tournant au prochain couloir. Constan continuait à parler de sa chambre et demanda s’ils pouvaient aller d’abord manger et après poser ses affaires. Sage décision, le ventre de la fille approuvait ce choix d’avance. Elle changea donc de direction vers l’entrée, le réfectoire se trouvait dans le même étage que l’entrée, juste à côté.

- Soit, allons manger ! Ah oui, tu partages ta chambre avec 2 autres garçons. Les chambres sont non mixtes et pour 3 personnes.