Le réveil sonna comme a l'accoutumé, alors que le soleil commence déjà a pointer le bout de son nez. C’était ça d’être au mois de juin, contrairement a quand j'allais courir au mois de janvier par exemple, ou même au retour il faisait encore nuit, le soleil, a cette période, se lever vers cinq heure trente, et il était possible d'y voir sans lumière dés cette heure matinale. J'ouvrais les yeux, et tournais la tête vers mon téléphone, afin de désactiver la sonnerie. Je n'en avais pas vraiment besoin, si je ne l'avais pas entendu, je me serais de toute façon réveillé dans les dix minutes, le corps réglé comme une horloge.
C’était un opening dont les ondes se percutaient sur les murs de ma chambre étudiante. Encore quelques mois, et je pourrais sans doute prendre un appartement. Mais peut être pas ici, a Keimoo. Maintenant que j'y pensais, j'allais probablement me rapprocher de chez ma mère. Bref. Pas besoin de laisser la musique de l'opening six de Naruto shippuden faire d'avantage de bruit. Je n'étais jamais sur si j'étais vraiment impossible a entendre depuis le voisin du dessus, alors dans le doute, je préférais faire attention.
Comme d'habitude, je sautais sur mes jambes, puis basculais en avant sur les bras, pour faire un semi-poirier d'une seconde, ce qui m'aidait toujours a me réveiller, sans que je sache vraiment pourquoi. Un réflexe comme un autre sans doute, je n'allais pas me plaindre. Puis en retombant, je me laissait descendre, encore et encore et encore, et en position pour faire une pompe, je restais immobile, gainant les muscles de mon abdomens. Une pompe, deux pompes, et je me relevais d'un coup. Le sang ayant manifestement atteint absolument toute les parties de mon corps, depuis les doigts de pieds jusqu'au cerveau, j'étais totalement réveillé.
Après cette habitude, presque un réflexe, que j'avais pris depuis quelques années maintenant (sans éviter de préciser qu'au début je passais mon temps a rater mon poirier et tomber en avant, et même sur un tatami, ça faisait assez mal), je me servais un verre d'eau tout en me dirigeant vers la tenue déjà préparé qui se trouvait sur la table. Un t-shirt noir et un short de la même couleur, basique. J'en avais deux exemplaires de chaque, pour alterner chaque jour sans devoir courir pour toujours laver la même. J'enlevais mon bas de pyjama pour m'habiller rapidement, enfilant mes baskets et en m'étirant un peu. Cinq heure cinquante huit. Parfait. Si je faisais mon footing habituel, j'en avais pour une quarantaine de minutes si je faisais les dix kilomètres habituels. Mais j'avais envie de changer un peu, pour une fois. Pourquoi pas Hebi ? Ou Hyriuu ?
Je fermais la porte a clé, avant de sortir, en échauffant un peu mes épaules. Je levais la tête, en songeant que Misuzu devait encore dormir a cette heure la. Peut être que je devrais lui proposer de courir avec moi, un de ces quatre. J'aimais bien cette partie de ma journée, mais même si je devais ralentir l'allure, avec elle, ce ne serait pas un problème, c’était toujours agréable de passer du temps après tout. Mais il valait mieux que j'évite de la réveiller maintenant. Je pourrais toujours lui proposer tout a l'heure ou demain, si je la voyais. Je la verrais sûrement. Il n'y avait quasiment plus une journée sans que je puisse voir de prêt ou de loin son jolie visage.
Je marchais tranquillement jusqu'à la sortie du campus, jetant un dernier coup d’œil vers mon téléphone. Si je veux etre revenu avant sept heure, je n'ai pas beaucoup de temps pour regarder le paysage. Aussi, je m'élance sans réfléchir une seconde de plus, traversant la route vers le trottoir opposé, pour m'enfoncer dans les rues de la ville. Je laisse le vent matinal et la chaleur montante me poussant, en avalant un par un les kilomètres, sans vraiment me souvenir de la direction que j'avais décidé de prendre a la base.
De fil en aiguille, je me retrouve vers le quartier Amani, qui doit etre celui que je connais le moins. A l'opposé du coté ou je vais habituellement, j'ai du venir ici une fois ou deux tout au plus, et encore je ne suis même pas sur. Je connais le grand parc qui y figure, et décide de couper par la, ce sera toujours plus agréable a parcourir. Il est quasiment désert a cette heure, sauf pour les autres runner comme moi, qui profitent de la fraîcheur du matin. Je commence a ralentir un peu, histoire d’être sur de ne percuter personne, quand mon regard se pose sur un garçon d'a peu prêt mon age, non loin de moi. J'ai l'impression de l'avoir vu déjà quelque part.
Il tourne son visage dans ma direction, et je détourne les yeux vers l'opposé instantanément. Je n'ai vu son visage qu'une milliseconde, mais cela me suffit pour me souvenir. Le garçon qui travail avec Misuzu. Elle m'en a déjà parlé. Kaede je crois. Heureusement que j’ai une bonne mémoire des visages. Avec un peu de chance, il ne m'aura pas vu, ni reconnu. Même si connaissance Misu-chan, il doit connaître un peu mon cv sous toute ses formes. Elle parle beaucoup après tout. Enfin, pas a tout le monde peut être ? Depuis le temps, je commençais a me dire que si elle parlait autant, c'etait aussi parce que c’était moi.
J'accelere, histoire de sortir de son champ de vision. Évitons un nouveau malaise.
Il y avait des fois où se lever tôt était plus difficile que d’autres. Ce matin là, Kaede avait traîné. Il avait grogné, s’enroulant dans sa couette et restant allongé alors même qu’il ne reposait plus sur son futon mais sur un simple tatami. Il avait fini par se lever, se brosser les dents, captant son reflet aux cheveux explosés dans le miroir, tirant la langue, se frottant les yeux. Une fois qu’il s’était aspergé le visage d’eau froide et qu’il était un peu plus réveillé, il avait enfilé un short noir et un t-shirt adidas rouge vif, sur lequel il avait rajouté un hoodie. C’était l’été, mais il pouvait parfois faire frais le matin. Il avait bu un grand verre d’eau et attrapé ses affaires, enfilé ses baskets et était sorti de chez lui, humant la légère brise qui secouait ses cheveux toujours aussi désordonnés. Il étira ses bras vers le haut, son cou, se pencha pour étirer sa colonne vertébrale, et après quelques courts échauffements, s’élança dans la rue à petites foulées.
Normalement, il courrait toujours avec Misuzu. C’était l’occasion pour eux de se raconter leurs déboires, de plaisanter, et tout simplement de passer du temps entre amis. La jeune femme était étonnamment rapide, mais Kaede courait plus vite. Néanmoins, l’important pour lui n’était pas de courir vite, mais longtemps, aussi adapter son rythme à celui de l’étudiante ne le dérangeait guère. Seulement, ce jour là, il courrait seul comme ça arrivait quelques fois. Misuzu avait eu un service de nuit et il ne se voyait pas aller la réveiller après seulement une ou deux heures de sommeil pour aller courir. Le quartier de Bougu était grandement endormi, à part quelques personnes titubantes sortant des dernières boites qui venaient de fermer. Kaede se contentait en général de les ignorer, et on le lui rendait bien. Les rues étaient parsemées ci et là de canettes et de bouteilles, et constellées de mégots de cigarettes. Kaede n’arrivait pas à comprendre les gens qui laissaient leurs déchets n’importe où et il soupira alors qu’il arrivait au bout de la rue. Il réfléchit à son parcours. Normalement, il allait jusqu’au campus, mais un peu de changement ne ferait pas de mal. Peut être que pour cette fois, il pourrait aller dans l’un des autres quartiers de la ville ? Il décida finalement de ne pas décider et d’aller où ses pas le mèneraient. Il avait déjà soif. Il aurait dû boire plus avant de partir, ou bien prendre une bouteille d’eau. Mais une bouteille d’eau c’était encombrant. Il avait juste pris la clé de la porte d’entrée, et sa carte bancaire qui bringuebalaient dans une poche de son hoodie fermée par une fermeture éclair. Finalement, après une quarantaine de minutes de course, il se retrouva dans le quartier Amani. Il ne venait pas souvent ici, mais ne retint pas un petit sifflement. Les maisons étaient particulièrement modernes et semblaient avoir été designées avec soin. Il lui semblait avoir lu quelque chose sur un éco quartier, peut être que c’était ça qu’il avait sous les yeux. Et s’il ne se trompait pas, il devait y avoir un parc pas loin. Un très grand parc. Ça serait parfait pour continuer à courir. Le soleil commençait à sortir de derrière les quelques nuages qui l’avaient jusqu’alors camouflé et les Kaede apprécia les quelques rayons qui vinrent l’éclairer.
Hésitant sur le chemin à prendre, il regarda autour de lui, et quelque chose attira son attention. Un jeune homme avec des cheveux blonds, qui semblait aussi l’avoir aperçu. Il n’était pas très loin, et Kaede reconnut ses traits. Misuzu lui avait énormément parlé de lui même s’il ne l’avait rencontré qu’une seule fois personnellement. En fait, lorsque Misuzu commençait à parler de ce jeune homme, Satoshi, si Kaede ne se trompait pas, il était ensuite difficile de la faire taire. Elle était intarissable à son sujet. Satoshi-kun par ci, Satoshi-kun par là… Mais bon, Kaede trouvait ça plutôt mignon. Ce fut sans doute cet a priori positif qui le poussa à se diriger d’abord à petites foulées vers le jeune homme, agitant la main en l'air dans sa direction. Celui s’éloignait cependant rapidement, et Kaede se vit forcé d’accélérer pour le rattraper. Peut être qu'il ne l'avait pas reconnu, ou tout simplement pas vu. Il avait en effet détourné le regard rapidement. Néanmoins, lorsqu’il arriva à sa hauteur, il se fendit d’un large sourire.
« Oy, Satoshi-san ! Ohayo ! Euh, je ne sais pas si tu me remets. Je suis Kaede ? Himura Kaede. Un collègue de Suzuch- euh, Misuzu ? »
Il plissait les yeux, tant à cause de son grand sourire que pour ne pas être aveuglé par le soleil qu’il avait en plein dans la face.
« Désolé de te déranger, mais je t’ai reconnu et je me suis dit que ce serait impoli de ne pas venir te saluer ! »
Il courrait à présent à un rythme similaire à celui du jeune homme, la tête néanmoins un peu penchée en avant.
« Tu cours souvent ici ? Misuzu m’a dit que tu étais très sportif, mais je ne t’avais jamais croisé… Bon, en même temps c’est la première fois que je viens ! »
Parler commençait à l’essouffler. Il eut un petit rire et caressa l’arrière de sa tête avant de réaliser qu’il n’était peut être pas censé dire que Misuzu lui parlait tout le temps de ce jeune homme, et préféra se taire. Sa collègue et amie était gentille, mais il n’avait pas envie d’affronter son courroux s’il faisait une gaffe. Et il faisait souvent des gaffes.
Il m'avait vu, c’était sur. J'entendais déjà son pas rapide arriver dans mon dos. Il était...énergique. Sans doute pour ça qu'il passait du temps avec Misuzu. Il fallait bien ça pour la suivre sans mourir de fatigue. Enfin, je le faisais bien aussi, mais moi c’était pas vraiment la même chose non ? Moi j'avais une défense émotionnelle, et eu un entraînement intensif dans la campagne Japonaise depuis ma plus tendre enfance. Alors c’était pas étonnant que j'arrive a tenir les conversations avec elle. Enfin, il y avait une épreuve supplémentaire. Essayer de déterminer quand elle allait trébucher et se ramasser contre le sol. Et je n'avais pas encore toujours les bons réfléxes. Mais ca viendrait. Sans doute.
Je fais mine de ne pas avoir entendu encore un peu. Il va peut être changé d'avis qui sait ? Non, impossible. De ce que je sais de lui a travers Misuzu, il n’était pas du genre a abandonner sans même être sur que je l'avais vu. Et puis ce n’était pas vraiment possible de l'ignorer si il me parlait ou que nos regards se croisaient d'avantage. Je me crispait un peu, rentrant la tête dans mes épaules. Ça marchait parfois, non ? La technique de la tortue. Mais non, j'entends sa voix, il est juste derrière moi. Pas le choix cette fois, je dois me retourner. Himura Kaede....impossible de ne pas entendre parler de toi.
- Oh, hum....bonjour. Oui, Himura-san, si je ne....oui, c'est bien ça.
Pourquoi je faisais comme si, alors que je ne pouvais vraiment pas le rater. En plus il avait le genre de visage dont on se souvenait pendant un moment. Attention, ce n’était pas péjoratif, juste une constatation. Il avait l'air....amical ? Au final, si il traînait avec Misuzu, il pouvait pas être méchant. Et en plus a voir sa tête, il avait l'air plein de bonne volonté. Difficile de dire si il était parfaitement réveillé et en possession de ses moyens ou l'inverse. De plus prêt, son visage faisait peur. Il avait sans doute besoin d'une longue nuit de sommeil. Peut être même une journée et une autre nuit ensuite.
- Je ne m'attendais pas a tomber sur vo...euh, sur toi aussi tot. Enfin ce n'est pas si étonnant, il y a peu de gens dans la rue a cette heure la, alors difficile de se rater.
En fait je me rendais compte qu'il n'y avait plus personne autour de nous. Le malaise était intense. Je devais faire quoi, le saluer avant de m'éloigner, ou tenir la causette pendant une heure ? Bon, je l'écoutais un peu plus, et il n'avait vraiment pas l'air d'avoir de mauvaises intentions. Enfin, ca je le savais depuis le début, mais je ne savais pas du tout pourquoi, l'entendre se justifier sur la raison qui l'avait poussé a venir me voir m’empêchait de trop réfléchir.
- Tu as bien fais, c'est sympa de voir des gens comme ça le matin.
Non, pas du tout, c'est totalement nul. Je faisais ça pour courir tout seul, pour me détendre, ne plus penser a rien, et voilà que je devais faire marcher mon cerveau a mille a l'heure pour trouver un truc pas trop débile a dire. Si jamais il allait dire que j'étais un con a Misuzu, que je l'avais ignoré ou que je lui avais mal parlé, je ne pourrais plus la regarder dans les yeux. Elle lui avait dit ça ? Enfin, je veux dire, elle avait....
- Parce qu'elle te parle de moi, Misuzu-san ? Oh euh....je vois.
Je reste bugué un instant. Elle a du lui dire que j'étais super bizarre, que j'avais toujours une tête étrange, que je disais n'importe quoi. Que je provoquais des blancs et des malaises a longueurs de temps et que....calme toi. Sato, voyons, a chaque fois tu repars la dedans, pourquoi ça ? Alors que je m'étais promis de ne plus y penser. Surtout que bon, ca fait six mois qu'on se voit très souvent, alors elle doit bien m'aimer je suppose. Le minimum syndical quoi. Respire simplement, ca va bien se passer. Bordel, j'ai plus l'habitude de discuter qu'avant, mais quand on me prend par surprise comme ça, c'est toujours compliqué.
- Je cours tout les jours en fait. Je ne viens pas souvent par ici, je vais plutôt vers la plage et je remonte. Je fais quelque chose comme dix ou douze kilomètres....oh euh....enfin, moins sans doute, ahah.
J'étais en train de me vanter la non ? Dix ou douze kilomètres, pourquoi je lui balance ça comme si c’était un trophée ? Un peu plus et j'allais lui énuméré mes records et mes performances un par un. Bon, C'est pas si désagréable de parler avec lui, mais je n'ai pas le temps de laisser un blanc, je dois enchaîner.
- Du coup c'est toi qui court avec Misuzu alors ? Elle m'avait dit qu'elle n'etait pas souvent toute seule. Tu ne t'inquiete pas tr.....
Si il lui repete ça, que je viens de lui demander si il n'avait pas trop peur qu'elle se casse la figure tout les cent metres, je suis perdu....
Satoshi se retourna et Kaede lui fit un grand sourire avant de continuer à lui parler. Satoshi l’avait apparemment reconnu. Il commença par le vouvoyer, mais se reprit avant que Kaede puisse dire quoi que ce soit, aussi il resta silencieux un instant, le temps que le blond finisse de parler.
« Ouais, y’a pas beaucoup de monde en effet ! Mais bon, c’est pas mal qu’il y ait pas trop de monde, ça évite de bousculer des gens en courant, tout ça. »
Il ne précisa pas que bousculer des gens était quelque chose qu’il faisait très souvent, en général par accident, et qu’avec sa stature ça avait quelquefois amené à des incidents, comme la fois où il avait fait tomber une petite mamie et qu’il s’était confondu en excuse tout en la relevant, tant et si bien qu’alors qu’elle lui avait d’abord crié dessus, elle avait finalement insisté pour lui offrir un thé chez elle à quelques pas de là. Bon, elle venait du Kansai, donc l’accent de Kaede avait clairement joué en sa faveur, puisque la vieille dame, Taneko-san, lui avait tenu la jambe pendant plus d’une heure en lui parlant du Sud et de sa petite fille qui faisait des études brillantes à Tokyo. Kaede s’était contenté de hocher la tête en enfournant les multiples biscuits et autres en cas dont elle l’avait abreuvé jusqu’à plus soif.
Apparemment, ça ne dérangeait pas Satoshi qu’il soit venu le voir. Il plissa encore plus ses yeux noirs, ceux-ci devenant deux fentes brillantes dans son visage, et sourit une nouvelle fois avant de lever un pouce en l’air.
« Ah, yokatta, Micchan me dit souvent que je suis trop intrusif ! »
Il faisait de son mieux pour suivre les conseils de la jeune femme, mais à vrai dire, il lui était plus que difficile de lire dans les gens comme elle semblait pouvoir le faire parfois. Kaede évoqua les conversations qu’il avait avec Misuzu à propos du jeune homme, mais s’arrêta bien vite. Il ne voulait pas mettre son amie dans une situation embarrassante, d’autant que le béguin qu’elle avait était apparemment toujours secret. Il fit bien, manifestement, puisque Satoshi releva immédiatement la phrase en question. Le brun se frotta l’arrière de la tête d’une main en faisant une tête à la fois confuse et un peu gênée.
« Ah, ouais… Enfin, ça lui arrive. »
Il ne savait pas mentir. Vraiment pas. Et puis surtout, le mensonge était vraiment éloigné de la réalité. Dès qu’elle avait l’occasion de parler du capitaine du club de combat sans armes, elle le faisait. Kaede avait déjà du entendre des retranscriptions de tous les évènements des dizaines de fois, elle lui avait demandé son avis qu’il avait été incapable de donner. Lui, personnellement, était quelqu’un de transparent et inconséquent, donc si une fille lui plaisait il lui disait immédiatement. Mais peut être pouvait il essayer d’en savoir un peu plus ? Ou peut être devrait-il éviter. À vrai dire, il risquait surtout de rendre les choses encore plus compliquées avec son manque de tact, non ?
« Vous avez l’air de bien vous entendre, en tout cas. »
Voilà, c’était pas trop mal ça, non ? De toute façon, si ses organes faisaient un jour la course, sa langue arriverait première et son cerveau largement dernier. Mais pour lui, ça ne semblait pas trop intrusif. Satoshi explique la distance qu’il fait tous les jours et Kaede écraquille les yeux. Dix ou Douze Kilomètres ? Ça fait beaucoup, non ? Sept kilomètres c’était déjà pas mal pour le basketteur. À vrai dire, il n’avait pas forcément beaucoup d’endurance, ce n’était pas son point fort ni ce sur quoi il se concentrait en entraînement de toute façon.
« Oh, je cours sûrement beaucoup moins ! La course n’est pas forcément mon point fort, à vrai dire, mais je n’en ai pas forcément besoin dans les disciplines que je pratique. »
Il eut un petit rire. Ni en basket, ni en danse ni en Taiko n’avait-il besoin de courir, donc bon. Il allait reprendre, mais Satoshi le prit de vitesse, demandant si c’était lui le compagnon de course de Misuzu. Il hocha la tête avec un sourire, et le blond s’interrompit au milieu d’une phrase. Néanmoins, Kaede comprit immédiatement ce qu’il voulait dire et eut un rire franc.
« Si je ne m’inquiète pas trop qu’elle tombe et tout ça ? À vrai dire, au début j’étais impressionné qu’elle soit aussi sportive et aussi maladroite. Une fois elle s’est écorché le front en tombant et j’ai dû l’emmener à l’hôpital… Maintenant, j’ai pris l’habitude. Je la préviens quand il y a quelque chose. »
Il haussa les épaules. C’est sûr que c’était parfois impressionnant. Il eut de nouveau un sourire un peu plus pensif.
« Entre nous, elle tombe et se cogne vraiment souvent, non ? »
Quelque part, c’était agréable de pouvoir discuter de ce genre de trucs avec quelqu’un qui la fréquentait aussi, même si il commençait à se demander si la conversation n’allait pas tourner qu’autour d’elle.
« Alors du coup, euh… Tu fais du Kung-fu, c’est ça ? Tu es d'un très bon niveau, non? »
Misuzu lui avait dit le nom exact, mais il avait oublié presque immédiatement.
« C’est cool de faire un art martial ! Moi je fais que des activités pas très utiles… »
Il partit de nouveau d’un rire franc. Après, avec le taiko, il était utile durant les festivals et ce genre de trucs, non ? Bon, il n’en avait fait aucun depuis qu’il était à Keimoo, mais peut être pourrait-il le faire cette année, après tout l’été se rapprochait rapidement, et avec lui les Omatsuri.
La situation est de plus en plus compliqué, et le malaise grandit clairement dans ma poitrine. Je pense que c'est le pire. Se retrouver coincé dans la période de la journée ou l'on est persuadé que rien ne peux arriver. Je penche un peu la tête en l'écoutant se présenter, puis nous échangeons les formalités d'usages. Rien de bien étrange jusque la, et une personne normale n'aurait rien eu a en redire. Mais je ne suis pas normal après tout. Je suis complètement débile. Il va dans mon sens a propos des gens, et pendant une seconde je me demande si il n'aime pas trop la compagnie non plus. Ah, non, impossible. Il suffit de voir sa façon de venir interpeller un quasi-inconnu dans un parc tôt le matin.
Il suffit de regarder son visage souriant. Sa façon de parler. Ce mec etait évidemment quelqu'un d’apprécié, qui avait confiance en lui et dans sa façon de vivre et de faire les choses. Tout le contraire de moi quoi. Et le voir me sourire me faisait me dire que je devais paraître encore plus ridicule aux yeux de Misuzu. Après tout, lui, il l'appelait « Micchan ». Tout comme le faisait l'autre grand du club de Karaté, l'année dernière. Mais moi je ne pourrais jamais lui donner un surnom de la sorte. Ce serait trop....étrange.
- Non non, ca va. Après tout on se connaît un peu déjà, non ? C'est sympa de...euh...venir discuter.
Et en plus je le renforçais dans sa prise de parole. A ce rythme j'allais l'inviter chez moi très bientôt. J'ouvrais un œil un peu plus intéressé, cependant, quand il avoua bien malgré lui que Misuzu parlait de temps en temps de moi. Ah bon ? Elle avait des choses a dire sur moi ? Pourtant j'étais du genre ennuyant. Je ne parlais pas énormément, je faisais exactement la même chose tout les jours, bref. Au bout d'une phrase ou deux, on avait sans doute fait le tour. Mais il avait dit «ça lui arrive ». Alors ce ne devait pas être si fréquent que ça. Peut être pas.
- Oh...oui, je suppose. Enfin je peux pas parler pour elle, mais j'aime bien passe du temps en sa compagnie. C'est....comment dire....apaisant.
C’était vrai. J'avais l'impression de ne pas avoir besoin de parler en sa compagnie. Elle trouvait peut être sa ennuyant, mais j'avais l'impression de pouvoir passer des journées entières a la regarder juste...vivre. Je rougissais sans doute un peu et détournais le regard. Il avait en plus de ça compris ma dernière phrase. Et zut. Elle va penser que je raconte ça a tout le monde maintenant, et ca va la vexer, probablement. Enfin, elle le disait elle même sans honte. Elle était plus proche de la calamité vivante que de la femme. Le soucis c’était qu'elle était plus une calamité pour elle même que pour les autres, ce qui faisait que je ne pouvais m’empêcher d’être inquiet pour elle.
Il enchaîna directement la dessus, et je le regardais sans vraiment être surprit de ce qu'il racontait. Il arrivait a faire la part des choses alors ? Et bien tant mieux pour lui, moi je n'y arrivais pas. Encore un signe qu'il la connaissait bien mieux que moi. C’était totalement normal, si ils étaient amis depuis longtemps. C’était comme être un garde fou. Comme avec Mika, sauf que Mika, elle faisait souvent en sorte de se placer dans ce genre de situation. Ce n’était pas elle qui avait escaladé la tour d'un temple pour voir le paysage ? Bon sang, j'avais cru au moins trois fois qu'elle allait tomber.
- Ouais, un peu.....mais c'est surtout pour elle que c'est pas drôle. Elle cache ses bras et ses jambes, mais j'ai déjà vu que c’était vraiment un problème. Elle a des bleus et des écorchures partout. J'ai peur qu'elle se fasse vraiment mal un jour.
J'avais dis ça sur un ton un peu plus inquiet que je ne l'aurais voulu. Je ne voulais pas passer pour le stressé de service, surtout qu'elle était grande, ce n’était pas une enfant. Je souriais légèrement, pour faire passer ma phrase en espérant qu'il ne rebondisse pas dessus. Par chance il relance la discussion, mais sur moi. Je soupire en songeant que c'est presque pire encore. Je n'ai rien a dire sur moi. Il évoque le kung-fu. Tout le monde sait que le capitaine du club est un blond métisse. Mais il précise que c'est elle qui lui en a parlé. Encore une fois, j'ai cette sensation étrange qu'elle parle plus de moi que ce que je croyais. Que je l’intéresse plus que ce que je croyais.
- Ouais, je...je pratique pas mal. Et c'est mon travail aussi.
Euphémisme. Je passe ma vie a pratiquer tout le temps, jour, nuit, semaine, week-end, vacances. Il ajoute que c'est bien, que lui fait des choses inutiles. Je ne suis pas certain que mon activité soit « utile ». J'en fais, c'est tout. J'hausse simplement les épaules.
- On continu ensemble ?
Je désigne le chemin, et commence a courir a nouveau, beaucoup moins vite. Aprés tout le but c'est de parler en meme temps non ? Je finirais sur un rythme modeste de récupération, pour une fois.
- Je ne suis pas sur que faire un art martial soit super utile. Et puis aprés tout, qu'est ce qui est utile ? Ce qui est utile c'est de faire quelque chose qui nous aides a vivre. Qui nous fasses avancer. A partir de la, chaque personne a son activité « utile », je pense ?
Encore une fois je partais dans mes délires philosophiques. Mais bon, au moins ca faisait la conversation.....
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