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 Croassements de fenêtre

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MessageSujet: Croassements de fenêtre   Croassements de fenêtre EmptyMar 22 Déc 2015 - 21:11

La pie
qui ne volait pas

PV Lyn


Elle était un autre exemple de fragilité dans ce monde, cette pie qui sautillait tranquillement à ses pieds, cette insouciante qui le suivait comme son ombre matérielle depuis quelques jours. Absorbé dans une contemplation éthérée qui n'avait de raison que la sienne, il s'était accroupi pour se rapprocher de la bête imprudente ou alors cruellement aveugle des dangers qu'un seul de ces rapprochements pouvait impliquer, symbolisée par un cri d'alerte qui avait fait tourner son regard sombre. Le temps de voir arriver le ballon dans sa direction, le temps d'arrêter de se baisser pour shooter sans retenue dedans et transférer l'impact sur peu importe le reste du monde du moment que ce ne fut pas contre le doux balancement du noir et du blanc de l'animal. Le temps, impropre dans sa  propre rythmique, savait se montrer élastique, discriminatoire. Implacable: des éclats de verre explosaient soudain dans son dos, il aurait une antenne sur son front qu'elle aurait capturé tous ces sons si diffus à 360 degrés, les jurons des garçons couverts par leurs piétinements d'un sol caillouté, ces présences happées par la distance, le mouvement des airs, le pépiement du rouge-gorge, la dernière valse des feuilles d'hiver sur le slow de leur branches. Et pendant que les voitures roulaient, la symphonie brève des morceaux de vitres s'éparpillaient au sol. Elle avait sonné plus vite que prévu, ne laissant qu'un éclair jaune à travers un seul battement de paupières.


Haruki avait ramassé la pie puis s'était retourné pour faire face à l'œuvre dessinée par un seul de ses shoots, lui qui ne s'intéressait pas aux ballons. Il regardait les dents de scie de la fenêtre rendue féroce, et sa copine la pie, juchée sur son épaule, riait en croassant à gorge déployée.
Moqueuse.


Lei se détourna de ses autres préoccupations qui le feraient rater son cours de piano de la journée.

Il s'était assis là comme un oiseau passager sur le rebord de la fenêtre du rez de chaussée, puis l'avait ouverte en l'actionnant depuis l'extérieur pour s'installer plus confortablement sur le cadran. Adossé au mur, il faisait face à un temps qui ne se délimitait que par le retour hasardeux de celui qui habitait ces lieux. La pie avait sauté sur ses genoux repliés pour lui faire face et ils étaient rentrés dans un échange silencieux qui pouvait durer une éternité.

La brise caressait l'épiderme de ses bras, de son visage, sans qu'il n'en perçoive la fraîcheur. Elle fit se soulever le duvet de la pie qu'il laisserait rentrer chez lui pour la première fois ce soir. Il ne fermerait pas les fenêtres parce que la captivité lui était une notion incomplète, parce qu'elle n'avait pas de sens à ses yeux. Haruki Lei était, on pouvait l'avancer, un individu relativement patient quand il se manifestait ainsi. La cour commençait à se vider, le soleil à dégringoler de son piédestal.  
Et il n'avait pas bougé d'un iota.

On ne savait ce qu'il attendait ainsi, entre les foudres de celui qui pouvait vivre ici et celles de l'administration, et loin de lui était le concept de dortoirs et aile du bâtiment réservés au filles. Rien de tout cela ne lui parlait et il ne savait pas que faire de l'information.
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MessageSujet: Re: Croassements de fenêtre   Croassements de fenêtre EmptyMer 23 Déc 2015 - 3:41

Le chat a beau ne pas s'attacher à l'Homme, il ne pourra jamais se passer de lui tant qu'il considérera leur affection comme indispensable.

Une masse douce, chaude et poilue caresse la paume de ma main que je lui offre, assise sur mes genoux. Elle semble chercher de l'amour en ma personne, ronronnant bruyamment dans la salle de musique. Ses yeux sont clos, elle a l'air d'adorer se frotter à ma main. Elle en vient à saliver un peu. Je la trouve adorable, à ainsi réclamer de l'affection. Je souris finement, la regardant avec tendresse alors que je finis par passer mes doigts dans ses poils longs et denses. Je me demande pourquoi elle m'a suivie jusqu'ici. Non pas que sa présence est dérangeante, bien au contraire, mais comment a-t-elle fait pour arriver sur le campus ? Peu importe. Les chats ne sont pas non plus des animaux rares, ici. Certains arrivent même clandestinement. Celui-là aussi, probablement. Je me demande alors si les animaux sont interdits. Il ne me semble pas. Je n'ai jamais vu personne promener un chien, ni même un simple cabinet de vétérinaire ou même des rayons animaux dans un magasin. Je ne serais pas étonnée de savoir que les animaux domestiques ne sont pas les bienvenus ici. Cette règle est d'ailleurs commune. Je n'y accorde pas une grande importance, je ne pense pas commettre une faute grave en caressant ainsi ce maine coon. De plus, je ne suis pas celle l'ayant introduit sur le campus. Je suis tout simplement une étudiante qui ne se cache pas de son attachement envers les félins, rien de bien méchant. Sinon, advienne que pourra.

Je porte mon attention sur le paysage, à travers la fenêtre contre laquelle je suis appuyée. Le ciel est gris, il est triste. Je plisse les yeux, compatissante envers le temps. Je ne déteste pas l'hiver, loin de là, j'aime l'hiver. Du moins quand il neige. La neige est la principale caractéristique de cette saison froide. Celle qui nous fait principalement l'aimer. Ce matin, il n'a pas neigé. Cette après-midi non plus. Et ce soir, j'ai l'espoir que les flocons tombent enfin du ciel pour tapisser l'asphalte de blanc.

L'hiver. Dire qu'on est déjà en hiver. Le temps passe beaucoup trop vite à mon goût. J'ai à peine eu le temps de faire connaissance avec les élèves, pour être honnête, depuis mon arrivée, si ce ne sont ceux des clubs dans lesquels j'ai adhéré. M'inscrire dans tous ces clubs n'avaient, à l'origine, pour but que de faire ce que j'aime - à part la natation, je l'avoue, c'est seulement pour apprendre à nager - mais petit à petit, je m'aperçois que l'une des raisons pour lesquelles j'entre dans la salle du club chaque soir est pour sociabiliser un minimum. Je me trouve ridicule, quand j'y pense. Non pas que je suis contre l'idée d'avoir un ou deux amis, bien au contraire, j'apprécie, mais ce n'est qu'une preuve que ma dépendance envers l'être humain se développe. Ce qui est pour moi, une femme qui prône l'indépendance, un problème certain.
Je me sens si vulnérable.

Je sens alors quelque chose vibrer dans ma poche. Je grogne à cette sensation désagréable, alors que je sors l'appareil électrique de ma poche pour lire le message que je viens de recevoir. "La fenêtre de votre chambre est brisée. Haruki Lei sera sanctionné." Un message court, sec, mais très clair. J'écarquille les yeux à cette nouvelle pour le moins étonnante, avant de soupirer, exaspérée, avant de passer une main dans ma chevelure dense pour les ébouriffer et remettre mes idées en place.
Décidément, la chance ne me sourit pas.

[...]

Je me suis hâtée en direction de ma chambre, située au rez-de-chaussée, le chat dans les bras, discrètement. Je me demande pourquoi je l'ai amenée avec moi. Peut-être parce que j'ai senti qu'il ne me quitterait pas de sitôt. De plus il n'avait pas l'air réticent à l'idée que je le porte, mais cela fait de moi une sorte de hors-la-loi ; autant que je le fasse bien dans ce cas et que personne ne me voit avec, au risque que je me fasse sanctionner et qu'on restreigne les libertés que j'ai si difficilement obtenues.

Je vois un homme assis sur le rebord de la fenêtre ouverte. Un homme grand, de profil, son visage porté sur la cour qui se vide. Sa peau a un aspect cadavérique, il porte beaucoup de piercings, ses cheveux ébène sont rasés d'un seul côté et une phrase visiblement grec est tatouée sur sa nuque : Νεχ ποσσυμ τεχυμ ωιωερε, νεχ σινε τε. Je ne comprends pas sa signification, bien que le sens de ce tatouage me semble profond ; j'y trouve alors du charme. Je m'arrête dans ma marche rapide et le regarde, interloquée par sa présence. Un oiseau est sur son épaule : une pie. Je suis étonnée par le style excentrique de cet homme. J'aime beaucoup, même. J'ai d'ailleurs toujours aimée et voulu essayé de m'habiller ainsi, malheureusement lorsque vous avez des parents stricts sur le dos, cela n'est pas possible.

Le vent souffle assez fort et s'infiltre dans le couloir des dortoirs, mais cela ne semble pas affecter l'homme le moins du monde. Il ne doit pas craindre le froid. Moi non plus, d'ailleurs. L'idée qu'il soit Haruki Lei m'effleure l'esprit. Cette supposition me semble très plausible. Haruki est un prénom attribué aux garçons, le plus souvent. Je m'apprête à lui demander, mais j'ai peur de le déranger dans sa contemplation de la cour. Puis je me rappelle que j'ai un chat dans les bras et qu'il a une pie sur son épaule. Je me ravise alors soudain, tandis que je vois les pupilles du félin se dilater à la vue de cette proie qui lui semble particulièrement appétissante. Je vois sa queue s'agiter et ses pattes repousser mon bras qui se resserre contre sa poitrine pour l'empêcher de se dégager, mais il persiste, sans quitter la pie des yeux. Ses griffes ressortent alors en guise d'avertissement, je commence à paniquer alors que je m'éloigne pour qu'ainsi il oublie son ventre, mais il ne semble pas vouloir et sort de mes bras pour retomber sur ses pattes et courir. Il s'arrête ensuite à une distance raisonnable de la pie pour se mettre en position d'attaque. Son derrière se dandine et ses pattes griffes le sol. Son saut est imminent. Mais bien avant qu'il ne bondisse, je me jette sur le chat par instinct en lui criant « Stop ! », bien que je sais que cet ordre ne suffirait pas à l'arrêter dans son élan. Je me jette donc sur le prédateur, atterrissant sur le sol et l'attrapant dans mes bras. Je glisse sur le sol et, sans que je ne le prévois, me heurte au mur, près de l'homme dont j'espère, est bien trop concentré sur le paysage pour s'apercevoir qu'une femme à la chevelure incarnadine est dorénavant accroupie sur le sol, gémissante de douleur, massant son front rouge et éraflée, un chat affamé dans les bras qui ne souhaite qu'une chose : dévorer la pie qui ne vole pas.
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MessageSujet: Re: Croassements de fenêtre   Croassements de fenêtre EmptyMer 23 Déc 2015 - 23:56

Dans un froissement d'aile, l'oiseau sautilla jusqu'au rebord de la fenêtre voisine et disparut dans les méandres de l'obscurité. Ils les avaient perçus presque en même temps, la fille et le chat.

La pie reviendrait, il le savait.


Sans se presser, il s'était laissé tomber à l'intérieur de la chambre pour venir se glisser à quelques pas de la fille. Recroquevillée sur elle-même, elle serrait le chat et geignait, entre ses cheveux rose, rose parce qu'incarnadin ne lui indiquait rien de plus. La couleur était telle, qu'elle appelait à être caressée, ne serait ce que pour en vérifier sa réalité. Finalement, Haruki décida qu'il pouvait venir s'accroupir un peu plus près d'elle, pour calquer une position similaire, le chat et la douleur en moins. Le félin en profita pour s'extirper hors des bras qui l'avaient détourné de sa proie et se jucha sur les rebords, l'élégance inscrit dans la fluidité de son saut.  

Tu n'aurais pas eu la pie, Chat.

Bref échange de regard et il avait laissé ce dernier sur son perchoir. Au bout d'un moment, Haruki attrapa doucement et sans hésitation, les mains de la jeune femme pour laisser se dévoiler sa blessure. Du bout des doigts, il écartait mèche par mèche, la frange qui tentait de cacher ses maux. Son regard avait étudié l'étrange couleur des cheveux rendus artificiels, puis s'était rapidement arrêté sur l'ecchymose naissante sous une peau irritée. Il ne mesurait pas la douleur mais supposait, il ne possédait pas plus de compassion mais assimilait.
Il l'avait entendue arriver, c'était la jeune pie qui le lui avait signalé; et elle avait la liberté salvatrice que son prédateur n'avait pas eu, lui.

-Infirmerie...?

Cette fille s'était appropriée les couleurs du crépuscule, entre les teintes claires du grenat soyeux de ses cheveux et du bleu de ses deux yeux immenses, elle lui rappelait les teintes d'un soleil défaillant qui se couchait face à la nuit, dans une traînée aussi infinie qu'il le pouvait. Le soleil était une de ces étoiles, qui demandaient dans leur spectacle muet et si envahissant à la fois, que jamais on ne les oublie. Alors il arrivait parfois au jeune homme de grimper les toits des quartiers tôt le matin et tard le soir, pour le regarder et ne justement pas donner l'impression à ce lointain, de l'oublier. C'était toujours très beau.

Haruki avait aligné son regard sur celui de la fille et levé un index en direction de l'extérieur, le bâtiment opposé. Il n'avait ni d'heure ni d'espace et il aurait suffi d'un simple hochement de la tête pour qu'il se propose d'aller taper à l'infirmerie fermée à ces heures là. Il n'avait aucune notion de soin et la seule chose qui restait chez lui, étaient les derniers mètres de rouleau des bandes pour ses doigts cassés l'an dernier. Il était toujours en capacité de lui momifier le front plus tard.

- C'est saignant.

Il ne savait pas si c'était un avertissement valeureux mais ne s'alarmait pas, il s'était d'ailleurs relevé pour ramasser le ballon de l'après midi pour et le rendre à son monde extérieur. En silence, il inspectait la fenêtre brisée et ses quatre coins comme si elle pouvait se briser une nouvelle fois et dans son inspection, il regardait la petite dame aux pattes fines et démesurément longues se reposer sur sa toile dans son coin, là haut.
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MessageSujet: Re: Croassements de fenêtre   Croassements de fenêtre EmptyJeu 24 Déc 2015 - 16:35


    Dans ma douleur encore présente de l'ecchymose qui a désormais élu domicile sur mon front éraflé, je laisse le chat vaquer à ses besoins de liberté. Je le sens frustrée de n'avoir pu prendre la pie dans ses crocs, je m'en excuse, mais je n'aurais jamais laissé, peu importe l'être vivant, le prédateur engloutir la proie devant moi. Je ne peux supporter la vision de la transition d'un vivant passer le seuil de la mort, elle m'est cruelle et douloureuse. Pourtant, nous, êtres vivants, dévorons depuis le commencement de la vie, sans remord et sans considération, nos semblables. L'un appellera cela anodin, l'autre nommera ce processus la survie. C'est vrai, je ne peux le nier. C'est incontestable, si nous voulons survivre, il faut nous nourrir de l'essence présente dans le corps de chaque âme. Mais cela ne m'empêche pas d'être sensible à cette entité qui nous permet de diriger notre enveloppe corporelle et de penser. Car c'est précieux.

    Je rouvre doucement mes paupières en sentant des mains grandes et froides attraper les miennes pour les écarter de ma blessure. Je pose mon regard sur la personne à qui appartiennent ces glaçons doux et sûrs de leur acte. L'homme sur le rebord de ma fenêtre. Je suis étonnée par son empathie envers mes maux, pourtant supportables. Ma douleur est existante et véritable, au point que mes larmes perlent au coin de mes yeux et que mon front brûle. Cela ne signifie pas pour autant que je ne m'en sortirais pas indemne. Je souris finement à la gentillesse de celui qui a probablement brisée ma fenêtre et qui a laissé des débris de verre dans la pièce. En parlant de verre, je m'en suis probablement plantée certains sur les bras. Rien de bien grave, de simples coupures probablement. Il est possible que je n'en saigne pas tellement elles sont légères. Je n'ai pratiquement rien senti, merci à mon pull.

    Haruki. Je suppose qu'il s'appelle ainsi, sinon, pourquoi serait-il dans ma chambre ? En dépit de sa maladresse, alors qu'il écarte mes mèches de cheveux, je lui sens de l'inquiétude. Il veut bien faire et semble avoir peur d'être trop brusque, comme si je risquais de me briser à chacun de ses gestes. Il effleure quelques fois mon éraflure, qui saigne désormais, sans pour autant me faire mal, et je suis attendrie. Cet homme à l'apparence effrayante, au regard artificiel, à l'aspect cadavérique, au tatouage et aux piercings. Je le trouve un peu excentrique et en même temps unique par sa douceur assimilée à un physique qui ne laisse entrevoir ce trait. Il me rappelle une... Une pomme d'amour ? Dur à l'extérieur, et moelleux à l'intérieur. Je réprime un rire amusé à cette comparaison, tandis que je me trouve idiote. J'éviterais probablement de lui avouer que je l'ai comparé à une pomme d'amour. Mon sourire s'élargit.

« Infirmerie ? »

    Je ne refuserai pas un aller à l'infirmerie. Ce ne serait pas raisonnable de ma part. En temps normal, j'aurais refusé, mais je n'ai plus de pommade du tigre dans ma trousse de secours. Je n'ai pas d'autre choix que de suivre Haruki. Je hoche donc la tête, acceptant sans ciller la proposition de celui-ci. Plus les secondes passent, plus je le trouve gentil. Je commence aussi à me demander s'il n'est pas à l'aise avec la parole. Ou si les conventions du monde social lui sont inconnues. Je trouve cela rassurant, en un sens.

    Haruki. Haru est ce que j'ai remarqué en premier, dans son prénom. Haru signifie printemps. Dur de concilier sa personne avec le printemps, mais avec la comparaison à laquelle j'ai pensé plus tôt, cela ne m'est pas si difficile au final. Pour moi, le printemps est coloré, la joie y est dominante, la floraison et l'épanouissement se fait en cette période et les animaux reviennent. Je me demande si la pie venue plus tôt a considéré Haruki comme son printemps. Si c'est le cas, peut-être reviendra-t-elle à lui. Pour sa chaleur pourtant glaciale.

« C'est saignant. »

    Sa remarque me rappelle celle d'un enfant, étrangement. Je ne peux m'empêcher de le voir comme tel. Il n'a pas l'air d'être inquiet, mais il semble savoir que ce n'est pas rassurant. Il semble vouloir se mettre dans ma situation, et l'évalue avec ce qu'il comprend de celle-ci. Un enfant attentionné, je suppose.
    Je me redresse doucement, m'époussetant avant de suivre les faits et gestes de l'ébène. Il regarde la fenêtre qu'il a brisé, comme, guettant une mauvaise surprise. Je profite du silence pour me présenter, d'un ton doux, serein, tandis qu'il est dos à moi.

« Je m'appelle Lyn Aeris. Il n'y a pas à s'inquiéter pour la fenêtre, normalement elle sera réparée demain. »

    Je suis le regard, dont la couleur n'est probablement pas naturelle, de Haruki, qui se déplace vers un coin de la fenêtre. Je palis en voyant une toile d'araignée, que je n'ai jusqu'ici jamais vu. Je dirige mon attention sur les lignes de la toile, l'examinant attentivement en espérant ne pas voir la raison de ma pâleur. Je souhaite ne pas la voir, mais en dépit de mon désir, elle est là. Une araignée, grande, les pattes velues. Je sens mes jambes flageoler et mon corps se pétrifier à cette vue. J'ai l'impression que si je bouge, ne serait-ce que le petit doigt, elle sautera de son habitat pour m'agresser et me faire subir la pire des tortures. Je n'ose pas me déplacer, ou même fuir de ma chambre. Si j'ose, elle risque de me poursuivre avec une horde de petites araignées prête à me dévorer toute crue. Elles seront probablement plus rapide que moi, peu importe la vitesse à laquelle je cours. Donc je reste là, tétaniser, à observer l'animal. J'aimerais ne pas avoir à la voir, mais si je détourne le regard, je pourrais la perdre de vue et elle profitera pour me manger.

« Ha-... Haru-... » je murmure.

    Je me demande s'il m'entend. Je me demande s'il a compris ma peur. Je me demande s'il acceptera ma requête silencieuse. Je ne veux pas qu'il tue l'araignée, non, il en est hors de question. Mais qu'au moins, qu'il l'éloigne le plus vide possible de moi. Sinon, je risque de rester pétrifier jusqu'à ce que mort s'ensuive.
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MessageSujet: Re: Croassements de fenêtre   Croassements de fenêtre EmptyMar 29 Déc 2015 - 13:02

Elle était suspendue à l'envers, l'araignée frêle de ses pattes, elle avait fait sa vie loin du reste de l'humanité à attendre la prochaine proie qui se faufilerait jusqu'à elle. Dans son attente elle s'était assoupie dans un sommeil sans fin, oubliant de recroqueviller ses pattes pour que nulle ne fasse son deuil. Haruki l'observait à la lumière de la chambre, elle n'avait rien de fauve et tout dans la finition étrangement raffinée de ses formes, mais ce n'était pas souvent l'avis de tous: Moe les trouvaient toutes horribles. Le coup d'œil qu'il venait de jeter vers la fille envoyait un message similaire.

-Lyn.

Et il soufflait doucement sur la toile pour dévoiler l'inertie de l'aranéide.


*


Le couloir des filles était plongé dans une obscurité seulement percée de ses néons de sorties de secours. Il avait attendu les pas de Lyn avant de s'y engouffrer et se complaisait dans l'éclairage partiel de l'allée; il passait l'entrée principale de l'aile pour rejoindre le bâtiment académique quand une voix tonitruante résonna.

-Vous deux ! Vous allez où! Et toi! Qu'est-ce que tu fiches ici!
-Les lumières de l'infirmerie sont éteintes.
-Je ne veux rien entendre! Donnez-moi vos noms! Quoi c'est maintenant que vous me le dites Aeris? L'infirmerie est fermée à cette heure, il n'y a plus personne! Vous allez aller aux urgences et que ça saute! Toi là! Oui toi Lei, tu l'accompagnes ! Hors de question pas en métro! ...Oui allô! Allô taxi!!!

Aboiement. Le veilleur grommelait encore contre des bouts de verre éventuellement incrustés dans les coupures lorsqu'il expédia les deux jeunes à l'arrière du véhicule. Le prestige de Keimoo reposait sur le bien être de ses élèves et avait les moyens de le rappeler.

Haruki s'était contenté de suivre Lyn et patientait sagement sous les coups d'œil de biais des personnels et patients. C'était un jeune qui leur paraissait un peu fou sur les bords, avec tous ses piercings et tatouages apparents. Il ignorait si le veilleur avait choisi dans la juste mesure mais la prudence ne signifiait que trop peu de chose à ses yeux; il s'y fiait donc avec une naïveté candide et attendait sans mot dire. Une fragrance aseptisée émanait des lieux, des airs hagards erraient, des béquilles et des roulettes assistaient. Il était étrange de concevoir cet endroit comme un passage habituel des venues au monde comme des départs, tel un rite ou une aura s'écoulant entre les portes battantes, les fenêtres. Haruki s'était brusquement levé et hasardait dans les couloirs, il ne gênait jamais le passage, il se faufilait entre les corps pour ressentir l'étrange atmosphère irradier de tous les passants.

-Vous cherchez quelqu'un jeune homme ?

Il n'avait pas répondu.
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