Cleaning the room with you

Aussi étonnant que cela puisse sembler, provenant d'une femme issue d'une famille aisée, Lyn rangeait et nettoyait la salle du club de littérature. Avec joie. Balayer ce sol poussiéreux qui crissait à chacun de ses pas, ranger ce peu de livres placés dans le mauvais ordre et les épousseter pour leur donner un aspect plus récent, vider les cartons qui contenaient certainement tous de nouveaux livres... Voici le boulot qu'on avait confié à la rose, qui avait à peine commencé à vrai dire. Elle était censée faire ce travail avec Maku, un jeune homme qu'elle avait rencontré lors d'une activité du club, et qui d'ailleurs était dans ce même club où elle faisait la femme de ménage heureuse, cependant, étant arrivée en avance, elle avait préféré ne pas perdre de temps et commencer de suite. Ainsi, Maku aurait moins de choses à faire.

Vêtue d'un vieux tablier dont les couleurs étaient parties et qu'on avait laissé sur une table, menue d'un balai qui plus tôt était dans la réserve, les cheveux attachés en une queue de chevale haute afin que ceux-ci ne gênent sa vue ; la grande Lyn Aeris faisait le ménage dans toute la salle. Malgré les apparences, Lyn était une sorte de maniaque, et bien sûr, avait déjà fait le ménage chez elle auparavant. Non, une fois tous les deux mois pour que les doigts de la jeune femme restent fins et délicats. Chez elle, la rose avait été une sorte de Cendrillon, à la différence que jamais elle n'avait rencontré de bonne fée, qu'elle n'était sortie de chez elle sans autorisation et surtout pour aller à un bal, qu'elle n'avait pas rencontré le grand amour, qu'elle n'avait jamais laissé tomber un talon dans des escaliers, qu'elle n'était jamais rentrée à minuit et que son père était vivant. Lyn était Cendrillon dans le sens où elle avait son syndrome. Moins que rien chez elle, princesse à l'extérieur.

Lyn n'attendait pas tant la venue de Maku, elle trouvait agréable d'être seule dans cette salle poussiéreuse, qui pourtant avait son charme de faire ancien. La rose aimait les vieilles choses, elle considérait qu'elles avaient toutes leur histoire et que c'était ce qu'il y avait de plus beau. Quant au ménage seule, Lyn était une solitaire lorsqu'il s'agissait d'un travail. Elle était certes sociable, mais le travail d'équipe n'avait jamais été son fort. Car elle ne savait jamais comment s'y prendre, quoique dans cette catégorie-là, elle réussirait peut-être.

Elle entendit alors la porte de la salle s'ouvrir. Elle se dit donc que Maku était arrivé. Un sourire doux sur les lèvres, le dos droit et le menton relevé, la confiance dans son regard bleu safre, elle l'accueillit avec bienveillance. Son sourire était fin, petit, mais assez doux pour exprimer de la gentillesse et le rassurer si jamais il était mal à l'aise. Même avec son tablier, elle restait élégante dans sa manière d'être. Et alors que les fenêtres ouvertes laissaient l'air filtrer dans la salle, ses longs cheveux roses volaient au gré du vent, de façon naturelle et légère. Un tableau. Celui d'une femme de ménage heureuse.

« Bonjour, Maku-san. »

Sa voix délicate et chaleureuse se voulait plus douce que d'habitude. Elle voulait que tu te sentes bien, car après tout, tu allais faire le ménage avec elle, une femme maniaque qui risquait d'être sévère.

Quand on parle d'activité de club, on pense à ce que l'on fait au club, à des activités liés au thème du club. On pense à ces exercices de groupes ou seuls, à des sorties, peut-être, toujours lié à ce que l'on faisait dans le club où nous étions. Mais beaucoup oublie aussi que chaque club avait ses corvées. Comme pour les salles de cours, les salles de clubs se devaient d'être nettoyés et rangés. Et le club de littérature n'y échappait pas. Ainsi, en ce jour, cette corvée devait se faire. Et ceux préposés à le faire aujourd'hui étaient Lyn Aeris et moi.

Donc le jour venu, à l'heure prévu, je me dirigeais vers la salle du club. Le nettoyage ne me motivait pas tellement, mais je m'exécutais à la tâche, car c'était mon devoir. Je me demandais si Lyn était déjà arrivée ou non. J'avais rencontré cette fille pour la première fois lors d'une réunion du club dans un café. C'était une nouvelle inscrite, mais je me demandais si elle était tout à fait nouvelle ici ou qu'elle voulait juste rejoindre le club. Si je me posais cette interrogation, c'était qu'il était rare que quelqu'un déjà au lycée depuis la rentrée n'ait pas déjà rejoint le club. Cette pensée était d'autant plus vrai qu'elle était plus vieille que moi, visiblement. Ou alors, c'est que les anglais ou américains font plus vieux. Je ne m'étais pas vraiment posé la question jusque là. Mais je savais qu'il était délicat de demander l'âge à une fille. Donc, pour le moment, je supposais qu'elle l'était.

J'ouvrais la porte une fois arrivé là-bas, et je vis la jeune fille déjà sur place, souriante, avec un tablier – détail qui me surprit énormément – m'accueillant en ma saluant chaleureusement, ses cheveux volant au gré du courant d'air qui venait de se créer. Je regardais cette scène avec des yeux ronds. Pour peu, je m'aurais cru être dans un manga moe ou romantique, sauf qu'il n'y avait pas la moindre chance que ce soit le cas – et cela ne m'intéressait pas non plus, malgré mes 16 ans je ne m'étais encore jamais intéressé à ce genre de relation.

« Hum... Bonjour Lyn. »

Je refermais la porte derrière moi, avant de regarder la salle. Elle était arrivée en avance et avait déjà commencé. Il y avait de quoi dire qu'elle semblait motivée. Je ne me sentais presque pas à ma place, mais j'étais dans l'obligation d'aider. Mais vu qu'elle s'était activée à la tâche en avance, je ne voulais pas non plus la gêner. Et du coup, le mieux était certainement que je lui demande quoi faire. Elle était motivée, et c'est cette motivation qui ferait qu'elle sera la chef de corvée dans ce duo temporaire. Je remontais de suite mes manches, prêt à m'y mettre aussi.

« Bon, tu... me dit ce que je peux faire ? Vu que tu as commencé, autant que tu me donnes les tâches que je ferais. »

Lyn posa son balai contre la table, près d’elle, afin de te chercher le tablier qu’on vous avait laissé pour faire le ménage. Ce tablier qui paraissait vieux d’apparence, mais qui ne dérangeait pas Lyn pour autant. Elle était certes habituée aux vêtements de luxe, ces vêtements hors de prix et somptueux qui avaient le prix d’un appartement, toutefois porter le vêtement d’une femme au foyer lui faisait plaisir en un sens. Elle en avait assez de ces robes fastueuses et claires qu’on lui faisait mettre à cause des stéréotypes sur les femmes chastes. Elle préférait les pantalons banals que l’on voyait quotidiennement sur les femmes de classe moyenne. De loin. Car elle était désormais dégoûtée des robes et des jupes. De ces habits très féminins et sophistiqués.

Lyn disparut de ton champ de vision, étant désormais derrière une étagère afin de te chercher ton tablier. Mais juste un court instant, car elle réapparut bien vite, l’objet sur son bras. Elle était toujours aussi droite et souriante lorsqu’elle revint, marchant vers toi. Elle avait cette aura d’assurance écrasante autour d’elle. Cette confiance qui vous déstabilisait lorsque vous lui faisiez fasse. Premièrement, elle était très grande pour une femme avec des origines japonaises, elle était dite comme belle, et était considérée comme intelligente pour ses notes brillantes. Lyn, cette femme aux longs cheveux roses, était puissante par son apparence et son audace. Même lorsqu’elle faisait le ménage.

« Ce que tu vas faire c’est… Vider les boîtes en carton et les trier par ordre alphabétique, sur la bonne étagère – c’est-à-dire si c’est une pièce, tu la mets sur l’étagère des pièces et de même pour les romans, les documentaires… Ce n’est pas bien dur à faire. » te dit-elle en marchant. Elle te tutoyait, en effet, car tu étais bien plus jeune qu’elle et qu’au Japon c’était normal, visiblement.

Elle arriva devant toi et s’arrêta, son sourire éternel, doux et fin ne la quittant pas. Elle te regarda un instant, plongeant son regard bleu abyssal dans le tien marron et vert à la fois, et troublant par la même occasion. Elle devait avouer que la couleur inhabituelle de tes yeux l’amusait assez, car ils étaient beaux et spéciaux à la fois. Elle remarqua aussi qu’elle était plus grande que toi, maintenant qu’elle était face à toi. Pourtant, aujourd’hui elle portait des baskets à semelles plates et non des talons. Elle était peut-être trop grande. Vraiment trop grande. À son grand dam. Mais maintenant, elle appréciait à peu près cette taille, surtout depuis qu’on lui avait dit qu’elle pouvait devenir une idole… Elle était, d’ailleurs, encore embarrassée par ces paroles qui lui faisaient pourtant plaisir.

Elle s’arrêta dans son observation discrète afin de passer le haut du tablier autour de ta nuque, pour te faciliter les choses, et que, pour ainsi dire tu étais certainement plus jeune qu’elle. De plus, tu avais l’air déboussolé, comme un enfant qui ne savait comment s’y prendre. Son instinct maternel s’était éveillé. Toutefois, pour ne pas t’embarrasser, elle ne fit que cela. Il ne te restait plus qu’à attacher le tablier autour de ta taille pour que ton vêtement soit considéré comme « enfilé ».

Arrivé dans la salle du club de Littérature, je remarquais la présence de ma camarade, Lyn, qui devait s'occuper des corvées de nettoyage avec moi. Elle était venue en avance et n'avait pas trainé dans le nettoyage. Voilà quelqu'un de motivé pour nettoyer et ranger. Peut-être aimait-elle faire cela ? C'était une conclusion logique. La seule autre conclusion à laquelle je pouvais arriver était qu'elle voulait terminer le plus tôt possible. Mais elle ne semblait pas si pressée. Je la saluais alors en retour avant de demander les tâches que je pouvais faire. Autant lui laisser le rôle de l'organisation, vu qu'elle avait déjà commencé.

Elle posait le balais et partait chercher quelque chose derrière l'étagère avant de revenir rapidement avec... un tablier. Elle en avait déjà un sur elle, donc c'était... pour moi ? Je fixais le vêtement, surpris. Pourquoi en aurais-je besoin d'un ? J'avais toujours fait mes corvées sans. Après tout, je ne risquais pas de me tâcher... Tout ce qu'il y avait ici, c'était des livres... et de la poussière, certainement. Et ce n'était pas de la poussière qui allait salir véritablement mes vêtements – même si j'en connaissais une qui est assez maniaque à ce sujet.

Elle m'expliquait ensuite ma première tâche. Elle voulait que je range correctement les livres. Elle me donnait les détails comme quoi je devais les mettre en ordre alphabétique et dans la bonne catégorie. Détails inutiles, car j'avais toujours rangé mes livres comme cela. Ma famille possédait une bonne bibliothèque à la maison, et j'avais appris à ranger correctement chaque livre depuis mon enfance. Mais cela, Lyn ne pouvait pas le deviner. Elle avait dit ça pour s'assurer que le rangement soit parfaitement fait. J'acquiesçais avec le sourire mais elle se plantait devant moi avant que je n'aille machinalement m'occuper du rangement des livres. Elle me regardait dans les yeux et je me sentais un peu mal à l'aise. Elle finissait par mettre le tablier autour de ma nuque. Mon cœur ratait un battement. C'était un peu embarrassant. Je pouvais l'enfiler moi-même après tout. Clignant des yeux, je finissais par me ressaisir quand elle s'écarta.

« Euh... Merci... Je suppose... »

Un peu perdu, je me tournais machinalement vers les étagères. Je sais qu'elle ne pensait pas mal faire, mais cette courte proximité m'avait quand même perturbé. J'essayais quand même de me concentrer sur les livres que je devais ranger. Le tablier me gênait quand même un peu, avant que je ne me rappelle que je devais l'attacher... derrière mon dos, je crois. Je prenais les lanières et tentais de faire un nœud avec. Mais si les croiser était simple, je n'arrivais pas à faire le nœud en lui-même, même en me contorsionnant pour essayer d'avoir le plus de mouvement. Mais autant dire que c'était peine perdu, mes bras n'étaient pas habitués à ce genre de chose et je n'y arrivais pas. J'allais devoir demander de l'aide à Lyn.

« Lyn ? Est-ce que tu peux m'aider ? »

Je lui tournais le dos mais avec mes bras, je tirais plusieurs fois sur les lanières, montrant ainsi à propos de quoi j'avais besoin d'aide. J'espérais qu'elle n'allait pas me trouver ridicule. Je ne savais pas si c'était quelque chose de facile. Seules ma mère et ma sœur avait porté des tabliers à la maison. Et je n'en avais jamais mis quand il s'agissait de passer le balai. Le seul avantage que je pouvais trouver à cette... protection, dirons-nous, c'était qu'au moins, ma sœur ne me sermonne quand à ma chemise pleine de poussière. Cela n'arrivait pas souvent, mais c'était quand même assez désagréable à supporter. Heureusement qu'elle avait ses bons côtés, même s'il était assez rare qu'elle les montre, surtout envers les inconnus.

Lyn venait de reprendre son balai. Désormais, elle balayait le sol, tirant parfois les chaises, poussant les tables, afin de rassembler toute la poussière de la salle sans en manquer une seule. Elle était maniaque à tel point que laisser, ne serait-ce, qu'une poussière était inacceptable. Du moins si c'était elle qui s'occupait de cette tâche ; avec les autres, elle était bien plus indulgente. Malgré les apparences tolérantes de la jeune femme, elle était perfectionniste. Si exigeante envers elle-même. C'était pas croyable comme elle était cruelle envers elle parfois.

« Lyn ? Est-ce que tu peux m'aider ? »

Elle se retourna en t'entendant lui demander de l'aide, surprise de t'entendre si tôt. Elle ne pensait pas que tu l'appellerais. Elle posa son balai, une nouvelle fois, près d'elle, te regardant de ses yeux curieux, s'interrogeant sur la raison pour laquelle tu avais besoin d'elle. Elle te vit alors de dos, tirant sur les lanières de ton tablier à maintes reprises. Au départ, elle ne comprit pas ce que tu voulais lui dire, non. Car il ne lui était pas venu l'idée que tu ne savais pas attacher toi-même ton tablier. L'esquisse d'un sourire amusé se dessina sur son visage pâle en comprenant plus tard ce que tu voulais d'elle. Tu serais définitivement un enfant pour elle, visiblement. Tu ne paraissais pas ridicule pour elle, oh non, c'était mignon en un sens de le sembler. Pour elle du moins, qui avait un instinct maternel développé.

« D'accord, attends, j'arrive. »

Elle réprima un rire afin de ne pas te vexer et s'avança vers toi. Arrivant derrière toi, elle prit tes lanières et les attacha habilement, de ses longs doigts fins et délicats, prenant son temps sans pour autant être lente. Son nœud était simple, très simple.

« Si jamais tu as besoin d'autre chose, je suis là, tu as juste à m'appeler, d'accord ? Ne te retiens surtout pas. »

Elle serra un peu le nœud avant de reculer, de regarder son travail, puis de retourner à son balai, balayant calmement, un fin sourire sur le visage. Un sourire qui pourrait sembler banal au premier coup d’œil, et qui pourtant était si doux et généreux. Elle balayait comme elle caressait le parquet, avec légèreté, traitant son instrument de ménage comme elle traiterait n'importe quel humain. Allez savoir pourquoi. Elle ne pensait pas que les objets avaient des sentiments, mais d'une certaine manière elle ne voulait pas traiter les choses comme... des moins que rien.

Elle se souvint alors qu'il fallait qu'elle te dise quelque chose. Elle s'arrêta donc subitement, se retournant à moitié afin de te regarder de ses yeux innocents et bleu safre, et te dit, tout sourire, ce qu'il fallait que tu saches. Elle ne voulait pas te laisser faire un travail tout seul.

« Oh et, Maku-san, j'arrive pour t'aider dans cinq minutes. »

Elle fit une pause de quelques secondes, te laissant le temps de prendre l'information et une quelconque réponse si tu voulais ajouter quelque chose.

« Car... C'est toujours amusant de faire une activité à deux, et non séparément. Vois-tu ? »

Sa pensée pouvait sembler naïve, enfantine, mais l'était-ce vraiment ? Qui, au fond de soi, ne le pensait ? Qui aimait faire les choses seuls ? A plusieurs, c'était toujours mieux. Pouvait-on tout le temps le nier ? Bien sûr, on s'amusait selon la personne avec qui on était. Mais dire que c'était ennuyeux de le faire avec quelqu'un n'était pas vrai.

Prêt à m'attaquer au rangement des livres, je me devais d'abord de commencer par attacher le tablier que Lyn m'avait passé, pour me protéger de la poussière, je supposais. Car si je ne l'attachais pas, il me gênait un peu. Essayant de nouer les lanières, je ne pu que de me rendre compte que je n'y arriverais pas seul. J'avais alors demandé de l'aide à ma camarade de corvée afin qu'elle puisse le faire, tirant sur les lanières pour expliquer ce que j'avais besoin qu'elle me fasse. Mais durant le court instant où je n'eus aucune réponse, je me demandais si je n'aurais pas dû expliquer par les mots. Mais je ne savais pas ce qu'elle faisait, lui ayant tourné le dos afin de montrer ce qui me posait souci plus aisément. Finalement, elle me dit d'attendre le temps qu'elle arrive. Je pensais bien qu'elle n'avait pas dû deviner ma demande de suite, finalement. Bah, trop tard pour rectifier le tir, elle avait compris, désormais.

Je la sentais arriver derrière moi et s'occuper de nouer les lanières, afin que mon tablier tienne bien. Pendant qu'elle s'occupait du nœud, elle me disait de ne pas hésiter de lui demander de l'aide si j'en avais besoin. J'acquiesçais silencieusement, puis elle s'écartait doucement une fois le nœud fait. Je la remerciais avant de me mettre au travail. J'ouvrais l'étagère, regardant les livres présents avant de me décider de les sortir et de les poser sur la table la plus proche. La mieux pour un rangement, quand on ne sait pas comment c'est rangé, était de recommencer à zéro. Cela ne m'effrayait pas, au contraire, je me savais ordonné. A force de vivre dans une maison avec une partie de la famille qui était stricte et qui possédait une belle bibliothèque, on attrape un sens du rangement.

Une fois les livres sortis, je commençais le rangement, rapidement coupé par une nouvelle prise de parole de Lyn. Celle-ci m'annonçait qu'elle allait venir m'aider d'ici cinq minutes. Je m'arrêtais alors et me retournais vers elle, surpris. Après tout, c'était une tâche qui ne me gênait pas de faire seul... Mais si elle voulait m'aider... bah, je me voyais mal refuser. Elle finissait par ajouter que c'était plus amusant de faire une activité à deux. Oh, sur ce point de vue là... Je ne voyais pas d'objection. Après tout, même si j'aimais bien ranger les livres, que cela ne me gênait pas du tout, je me voyais mal refuser une aide de quelqu'un qui semblait aussi organisé. Peut-être qu'une discussion s'en suivra. Après tout, nous avions le temps pour faire connaissance en tant que camarade de club. Mais je verrais cela plus tard.

« D'accord. Pas de souci. Oh, et, appelle-moi juste Maku, il n'y a pas besoin d'utiliser des suffixes avec moi. A moins que tu n'accordes de l'importance à ces marques de respect, et dans ce cas, je ferais de même... Mais je trouve que cela crée une distance entre les personnes. »

Je lui souriais avant de retourner à ma tâche. Je continuais de sortir les livres pour les poser où je le pouvais – mais pas par terre – ne traînant pas sur cette tâche. Une fois cela fait, je prenais les livres deux par deux, les rangeant en ordre alphabétique et selon le type de livre. Il n'y avait pas autant de livres que chez moi, mais il y avait déjà une bonne collection. Je n'attendais pas l'arrivée de Lyn, je n'étais pas un flemmard. Elle avait en plus déjà commencé à nettoyer avant, je n'avais pas envie de lui donner trop de tâches à faire.

Je reprends mon balai, mon regard fixé sur une poussière que j’ai repérée plus tôt, sous l’une des nombreuses tables de la salle du club. Je plisse les yeux et prends finalement un petit balai afin de me glisser sous la table, les genoux sur le sol dénué de saleté, mes mains appuyées sur le parquet. Je marche à quatre pattes jusqu’à l’être indésirable de la pièce, mon balai entre mes doigts longs et minces. Maniaque que je suis, il m’est hors de question de laisser du répit à la moindre trace de poussière visible. Je sais bien que de toute façon, elle reviendra en quelques secondes, mais tant qu’à faire mon travail, je dois le faire bien.

Je ramène la poussière à moi et prends la pelle afin de la mettre dessus. Je suis fière de moi, car j’ai vu cette petite particule dans l’ombre. Je souris, joyeuse pour ce petit quelque chose.

« You have always been so mean with yourself. Relax, and your life will be easier. I promise. »

Cette phrase. De belles paroles dont je ne peux trouver l’utilité. Ce conseil que l’on m’a donné, je ne peux l’approuver à mon grand regret. Mon esprit de contradiction. Ou ma fierté sans limite. Je ne puis vous dire la raison de mon refus, cependant je sais que je n’appliquerai jamais ce conseil qu’au fond de moi, j’approuve toutefois. Je suis un cas grave, me dira-t-on. Mais m’en voudra-t-on pour ne pas me forcer à l’appliquer ? J’en doute. Me haïra-t-on pour cela ? J’en doute également. Me le reprochera-t-on ? Un jour peut-être.

« Oh, et, appelle-moi juste Maku, il n'y a pas besoin d'utiliser des suffixes avec moi. »

C’est ce que j’entends. Je sursaute, étonnée, quand je sens que le haut de mon crâne percute le bois de la table sous laquelle je me trouve. Je lâche un petit cri, plus de choc que de douleur à dire vrai, et me tiens la tête en la massant afin de faire s’évaporer ma soi-disant douleur qui n’est qu’en fait qu’illusoire. Je retiens un rictus, riant nerveusement de ma maladresse en sortant du dessous de la table. Je ne cesse de rire, amusée et embarrassée à la fois, avant de me redresser et de te regarder.

Tu ressembles à un bibliothécaire, ainsi, à enlever les livres des étagères avant de les classer correctement. Les faisceaux du soleil t’illuminent joyeusement, alors que plus tôt, dans mon esprit, je te voyais arborer une expression amicale et gentille. Tu étais classe ainsi, à mes yeux. Actuellement, la scène qui se déroule dessine un beau tableau. J’aurais eu un appareil photo sur moi, je t’aurais probablement pris en photo pour immortaliser ce moment. Je ne suis pas une stalkeuse, j’accorde seulement beaucoup d’importance aux moments marquants de la vie.

Un doux sourire s’esquisse sur mon visage pâle. Je suis heureuse que tu me dises inconsciemment que tu ne veux pas qu’il y ait de distance entre nous. Autrement dit, tu penses que l’on deviendra amis ? Cela me réjouit plus que tu ne le crois, Maku.

« D’accord, alors… Maku. »

Mon sourire s’élargit. Et je répète ton prénom. Une deuxième fois. Une troisième fois. Une quatrième fois. Presque en le chantonnant.
Je suis ravie d’avoir fait ta connaissance.

Je pars jeter la poussière présente sur ma pelle et reviens pour ranger mon balai, sautillant presque de joie. Je m’avance alors vers toi, lorsque je finis, je te regarde un instant. Je te fixe durant quelques secondes, et lève ma main, lentement, afin de la poser gentiment sur tes cheveux et de les caresser, affectueusement. Serait-ce un nouveau genre de remerciement ? Oui.

« Merci Maku, tu es gentil. »

Je souris de toutes mes dents, telle une enfant à qui on a offert une glace, et retire ma main afin de me mettre au travail, commençant par trier les livres comme toi tu le faisais, quelques instants plus tôt.

Ma camarade de club semblait vouloir faire un réel rangement à deux. Dans son esprit, certainement, ce n'était pas deux personnes qui font la corvée, mais deux personnes qui la font ensemble. C'était un intéressant point de vue, mais j'appréciais l'idée. Ce sera plus amusant ainsi. J'acceptais alors. Je lui disais ensuite de m'appeler par mon prénom, sans suffixe, le genre de chose dont je n'étais pas friand. Je ne m'attendais pas à ce j'entende, là-dessus, un bruit sourd, résultat du fait que la jeune fille s'était pris la table. Je m'inquiétais alors, mais elle se mit à rire juste après. Souriant à nouveau, je retournais alors à mon rangement.

J'entendais Lyn accepter ma demande, avant qu'elle ne répète mon prénom plusieurs fois, comme si elle chantonnait. Je la regardais du coin de l’œil avec un sourire. Quel étrange fille. En tout cas, elle ne semblait pas du tout avoir la moindre animosité envers moi après le débat de l'autre jour. Elle semblait avoir accepter que j'avais un avis différent, comme je l'avais accepté aussi. Je me concentrais ensuite de nouveau sur mon rangement.

J'étais en train de remettre les livres un à un dans l'étagère quand je sentais une main dans mes cheveux. Sursautant presque, je me retournais, et je voyais la grande silhouette de Lyn juste à côté de moi. Elle souriait et me caressait ainsi la tête. Puis elle me remerciait de ma gentillesse. Surpris, mon cœur ratait un battement et je rougissais un peu. Regardant en nouveau en face de moi, je me concentrais sur l'étagère. Mais je marmonnais quand même une réponse.

« De-De rien... »

Elle se mit ensuite au travail, m'aidant à ranger les différents livres dans l'étagère. De mon côté, j'étais un peu perturbé. Cette fille était pour le moins étrange. Comment me voyait-elle ? C'était une question que je me posais. Elle m'avait mis le tablier autour du cou, puis m'avait caresser les cheveux... Cela me semblait presque maternel. Moui, peut-être était-ce cela. J'étais probablement plus jeune qu'elle, mais cette façon d'agir me perturbait quand même.

Je continuais le rangement, tout en réfléchissant à un sujet de discussion. Je me rappelais de ce qu'avais dit la jeune fille. Elle venait de Londres, apparemment. Je n'étais jamais parti du Japon. Ma sœur adorerait voyager, par contre. Avec notre nouveau statut de riches, peut-être qu'elle pourra bientôt le faire. Personnellement, cela ne m'intéressait que peu. J'étais plus concentré sur mes études. Je ne savais pas quoi faire plus tard, mais le temps me permettra de décider. Mes capacités devraient me permettre de m'ouvrir pas mal de portes. Je n'avais pas trop à m'inquiéter.

« C'est comment, Londres ? » demandais-je finalement. C'était la capitale de l'Angleterre, je connaissais les principales attractions, j'en ai appris un peu via un manga, mais c'était tout. Qui sait, si jamais nous faisions un voyage en famille, selon la réponse de Lyn, peut-être les accompagnerais-je en proposant cette destination. Parfois, on se doit d'être curieux... Je me demandais si la jeune fille ne va pas trop être surprise de cette question qui était venue comme cela.

Je n'ai jamais eu conscience que les contacts physiques au Japon sont considérés comme assez ambiguës. J'ai toujours connu les bises, les étreintes, les main dans la main... Ce genre de choses banales en occident. Oui, c'est tout à fait anodin à mes yeux, et pourtant, pour toi, cela ne l'est pas. Voire pas du tout. Tu sembles même en rougir. Je ne comprends pas cette réaction. Je me dis que tu es timide, pas habituée au contact avec les femmes. Avec ces idées-là en tête, je commence à comprendre ta réaction et je trouve ça adorable, en un sens. Tu me rappelles un enfant, innocent, débutant avec les humains. Et j'apprécie. C'est comme avoir un petit enfant à sa charge. D'ailleurs, il me semble que tu es encore au lycée. Je me sens vieille, alors. Ou du moins mature. C'est une sensation agréable, car j'ai un visage juvénile. Au départ, du moins à mon arrivée au Japon, j'ai ouïe dire que mon apparence laissait croire à une rébellion. Ce n'est pas un mensonge. Je ne fais pas une crise d’adolescence. Peut-être une crise identitaire. Non pas celle que l'on fait lorsqu'on ne sait plus de quel pays l'on vient, mais celle que l'on fait lorsque l'on ne sait pas ce qu'on est. Suis-je une femme vouée à suivre les directives de mes géniteurs, ou bien une femme indépendante qui suit sa propre volonté ? Je choisis la seconde option, bien que jusqu'ici j'ai suivi la première option. Toutefois, je garantis que désormais, c'est la deuxième option que je suivrais à la lettre. Prendre ma vie en charge est dorénavant une priorité.

« C'est comment, Londres ? » me dis-tu avec curiosité.

Cette question ne me surprend pas. Ou du moins un peu. Je me suis toujours attendue à ce qu'un jour, on me demande à quoi ressemble la capitale d'Angleterre. Et je me suis toujours préparée à répondre à cette question, mais maintenant que je recompose mes esprits et que je réfléchis avec sérieux sur ce que je sais de ma ville natale, je m'aperçois qu'en vérité, je ne sais pas grand-chose. Et que je ne pourrais rien te dire. Je ne suis jamais réellement sortie, si ce n'est en voiture ou à l'école. Je n'ai jamais été autorisée à aller en sortie scolaire non plus. « Futile », me disait-on. Je me rappelle avoir été jalouse de mes camarades de classe qui eux, avaient le droit. Tandis que moi, j'étais la seule qui ne pouvait pas. Aujourd'hui encore, je suis jalouse de leur liberté. Car je m'aperçois au fil des jours de la chance folle qu'ils ont eu. De connaître un minimum leur ville natale.

Je ne sais comment te répondre. Te dire que je ne sais pas ne te satisferait pas. Te baratiner n'importe quoi serait mal de ma part. De toute manière, mentir est inutile et surtout dans ce genre de situation. Mentir ne me serait en aucun bénéfique. Te donner une réponse brève me permettrait probablement d'éviter de répondre et de développer. Te dire ce que je sais te suffirait peut-être.

« Londres est une jolie ville. Il pleut souvent là-bas, et pourtant les gens sont très sympathiques. Le thé y est délicieux, le petit-déjeuner est très différent de celui que l'on trouve ici, j'ai d'ailleurs eu du mal à m'y habituer. Les fêtes y sont belles et actives. Et bien que les livres racontent que Londres est une ville sombre, moi je ne la trouve pas du tout sombre. »

Je ne sais pas si mes paroles sont honnêtes ou simplement influencées par mon envie d'idéaliser cette ville. J'ai envie de te vendre du rêve et en même temps de rester réaliste. j'aimerais avoir un point de vue objectif, mais si je ne connais pratiquement rien de Londres, je pense qu'il est impossible d'avoir un point de vue objectif. J'aurais dû te dire, qu'au final, je ne sais rien. Car peut-être mes paroles sont mensongères.

« Enfin... C'est ce que je pense. Je me trompe probablement. »

C'est ce que je t'avoue, alors que je finis de ranger le paquet de livre que je me suis attribuée, plus tôt. Je ris nerveusement à cet aveu, presque honteuse. Je manque de faire tomber un livre sur mon visage. Heureusement, je le rattrape de justesse. En revanche, celui à côté tombe brutalement sur mon nez. Dû au choc, je ne réagis pas tout de suite. Je reste même immobile, tandis que le coup apporte des dommages sur mes neurones. J'ai un peu mal sur le coup, alors que le bout de mon nez devient rouge. Puis une fois que je retrouve mes esprits, je me masse le nez en couinant. C'est ce qui s'appelle porter les conséquences de ses actes.

C'est ce que je dis, alje finis de trier le paquet de livre que j'avais sou la main.

Ce genre de geste ne m'était absolument pas habituel. Me faire caresser les cheveux ainsi, c'était quand j'étais encore très jeune. Et c'est ma mère qui le faisait. Mais je n'étais plus un enfant, et donc ce genre de geste affectueux était bien plus rare, voire quasi inexistant. Si j'avais encore une grande sœur affectueuse, cela aurait encore été possible, mais je n'avais qu'une petite sœur, et qui ressemblait plus à une furie qu'autre chose. Mais elle était ce qu'elle était, et je l'aimais comme ça. Elle avait ses bons côtés. Ce qui me faisait alors penser... Peut-être que, elle, elle était une grande sœur. Cela expliquerait alors ce geste doux. Cela dit, elle était européenne, alors peut-être que ce genre de geste pouvait être plus courant par là-bas. Je n'en avais pas la moindre idée.

Je l'avais alors questionné sur sa ville natale, information que j'avais entendu lors de la réunion de club dans un café de la ville. Je voulais en savoir plus sur cette ville. Je continuais mon rangement, mais je gardais mes oreilles à l'écoute de sa réponse. Je ne voulais pas rater le moindre mot et alors lui demander de répéter. Ce ne serait pas très poli si cela arrivait. Non, je restais à l'écoute, comme toujours.

Lyn répondait alors que Londres était une jolie ville. Je supposais que cet opinion était un minimum objectif vu qu'elle avait dû voyager un minimum. Elle ajouta ensuite qu'il pleuvait beaucoup là-bas, avant de commenter le fait que malgré tout les londoniens étaient plutôt sympathiques. Haussant un sourcil tout en tournant ma tête vers elle, je restais un peu surpris de sa phrase. Le temps influait sur les gens ? Hmm... C'est possible. Je n'avais jamais réellement fait attention à ce genre de choses. Ni lu le moindre magazine qui pouvait en parler. J'étais plus sur l'Histoire et les romans.

Elle parla ensuite de nourriture et boisson, disant que le thé était délicieux là-bas et que les petits déjeuners n'avait rien à voir avec ceux d'ici, commentant alors le fait qu'elle avait du mal à s'y habituer, à ce changement de nourriture. Cela m'intriguait, du coup. Je pensais la questionner à ce sujet, mais j'allais d'abord attendre qu'elle finisse de parler. Elle continuait donc en parlant des fêtes qui étaient apparemment belles et actives, selon ses termes. J'opinais du chef en me disant que les japonais n'avait pas à rougir de cela. Les fêtes et festivals étaient dynamiques. Elle termina sur le fait que Londres n'était pas aussi sombre que pouvait dire les bouquins. J'eus alors un léger rire, surtout quand elle ajouta que c'était son avis.

« Je suis sûr qu'aucune ville n'est sombre. » disais-je avec un sourire.

Je la vis cependant, juste après, se prendre un livre sur le visage, qu'elle n'avait pas pu rattraper – et vu mes mains occupés, je ne pouvais l'aider aucunement. Je ne pu m'empêcher cependant de sourire sur ce qu'elle disait juste après.

« Ça va aller quand même ? Tu n'as pas eu trop mal ? »

Je m'inquiétais quand même, même si je ne pouvais pas faire grand chose. Mais elle ne semblait pas saigner, donc elle devrait bien aller. J'attendais quand même sa réponse avant de finir de ranger mon tas de livre. A deux, ce rangement avançait très rapidement. Nous n'en aurons plus pour longtemps, c'était sûr. Je récupérais une nouvelle pile de livre pour les ranger avant de continuer la conversation, en revenant sur la question que je me posais tout à l'heure.

« Tu disais que les petits déjeuners étaient différents... Vous mangiez quoi, là-bas ? »