Elévation

Invité

Code:

-Si tu me répètes encore une fois ne serait-ce qu’un de ces mots, tu ne me revois plus, a sifflé Valentine fixant droit le regard de la jeune femme.

Carte. Onde. Ressenti. Divination, prédiction, présage. Encore tout un tas de mots mais déjà les trois premiers en moins et ça lui irait déjà bien. Ces discours sordides à deux balles que lui tient Sybile Oxalys, elle peut se les garder et Valentine ne manque pas de le lui faire savoir. Et cela, elle le sait.

Comme d’habitude, une menace échouée à peine prononcée.

Et ce jour-là, tu t’en souviens ?

-

Elévation
Sybile – Yui
PV

-Oui et ce jour-là on s’est croisé dans un ascenseur, -erreur, tu m’as croisé dans l’ascenseur- et tu m’as dit qu’il allait m’arriver des blabla… -blah. a soupiré un psychologue scolaire, répétant cette phrase pour leur énième rencontre. Parfois, il se donnait l'impression de consulter un autre psychologue à trois balles et demi, sous certains angles.

Deux ans plus tôt.
Ce jour-là, une nénette un peu plus grande que lui l’avait coincé dans cet ascenseur de la ville qui, par le comble des hasards, s’était bloqué pendant plusieurs heures. Les autres étant en parfait état et n’ayant reçu aucun signal de gens coincé à l’intérieur, Valentine avait eu le temps de discuter avec cette Sybile… qui portait décidément bien son nom. Ce jour-là, les hasards s’étaient tous liés entre eux pour former un amas d'absurdités logiques en chaîne où à la fin, il avait fallu qu’ils se retrouvent là, tous les deux, seuls. Dans un espace confiné où il était forcément obligé d’écouter –tout du moins d’entendre, cette française lui raconter… des choses. Comme si ce destin auquel il ne croit pas voulait l’obliger à converser avec cette cartomancienne, comme s’il avait fallu que leurs chemins se croisent. Alors quoi, ils s’étaient finalement croisé puisque c’était inscrit comme ça dans les lignes. Et bien sûr, Yui Valentine ne croit pas au hasard.

La première fois qu’elle l’avait vu, elle lui avait prophétisé que la mort guettait près de lui et quelque temps plus tard, Valentine apprenait le suicide de sa patiente Kara Sakki. La deuxième fois, Sybile lui décrivait une femme sans mauvaise intention qui lui ferait involontairement du mal; alors un certain temps plus tard, une artiste le plongeait dans un désarroi profond d’orgueil bafoué pendant plusieurs mois. Enfin, la troisième et dernière fois, elle lui avait lu qu'une personne, féminine, se rapprocherait de lui, soit disant bienveillante pour le soutenir. Sauf que cette fois-là en réalité, c’était d’elle-même, qu’elle parlait sans probablement le savoir. Et Valentine avait eu beau chercher -ou réellement renier jusqu’à oublier cette vulgaire prédiction ;mais en tout cas, à sa connaissance, il ne l’avait jamais vu, cette personne. Et pour cause, la personne en question se trouvait devant lui et ni l’un ni l’autre ne s’en rendrait jamais compte. En conclusion de cette parenthèse, il n’y avait dans cette histoire, que des femmes louches qui devaient alors lui tourner autour, entre la mort, la fausse bienveillante et la vraie.

C’était fou, oui bien fou.

Le problème avec ce genre d’annonce c’est qu’après avoir eu une prédiction, les liens étaient trop faciles à créer pour tout et n’importe quoi et c’est bordel auquel ne croyait pas Yui Valentine. Au mieux ça l’amusait un moment, au pire il y croyait autant qu’à un conte pour enfants. Il n’était pas souvent d’accord –pour ne pas dire tout le temps pas d’accord en toute franchise- sur l’avis de Sybile concernant l’avenir, le futur, le destin ou tout ce qu’elle avait envie croire dessus et il se fichait bien qu’elle ait une vision diamétralement opposée à la sienne.

En deux ans, Valentine n’est jamais venu voir Oxalys de son plein gré, prétextant temps et affaires urgentes. Aujourd’hui pourtant, il est venu la retrouver, lui tendant une main distante et formelle pour des salutations ne reposant que sur de la politesse sociale. En bref, comme à l’accoutumée.

Mais il se tient déjà là, à deux doigts de se lever pour repartir.

Invité

Spoiler:

Le temps s'en vient. Le temps s'en va et il a de quoi vous rendre fou lorsqu'il se matérialise sous le tic-tac robuste et injuste d'une horloge. L’ennui n'est rien de plus qu'un autre châtiment de Dieu pour l'homme, songe Sybile, alors que sa boutique est désespérément vide... Ce n'est pas une bonne période pour la divination. Les gens, avec l'hiver n'ont pas le temps de s'arrêter pour de l'encens, une pierre quartz ou quoi que se soit. Quelle bande d'égoïste, siffle-t-elle entre ses dents avant de se lever de sa chaise.
S'il n'y a personne autant qu'elle s'habille normalement. Son costume du jour la gratte et ça commence à lui taper sur les nerfs. D'autant plus qu'aujourd'hui, elle a un sentiment étrange tout au fond de la gorge. Comme un petit crabe qui, de ses mignonnettes pinces, lui raclerait le fond de la gorge. La jeune femme avait tendance à se méfier des jours comme ceux-là. Il lui arrivait toujours de mauvaises choses. Ou des bonnes, mais la première solution était plus souvent la bonne... La dernière fois que le petit crabe s'était manifesté, sa mère avait claqué toute la recette du magasin en boisson et jeu pour son amant.

Qu'est-ce qui pouvait bien arrivé de pire ? Soupira-t-elle doucement en passa par sa tête l'improbable robe. Sur le dossier de la chaise de la salle de change, il y avait une sorte de jabot blanc. Un pantalon droit et noir. Décidément, peut-être qu'un peu de couleur ne lui ferait pas de mal pour une fois dans la vie, pensa-t-elle alors qu'elle commençait à passer le pantalon.
La cloche de la boutique retentit. Mince ! Il faut faire vite. Sybile se débarrasse alors du foulard criard qui lui noue les cheveux et déboule dans le magasin.
Le haut de sa robe est toujours en place, un haut gitan rouge sanguin qui fait écho à des lèvres toutes aussi carnivores.
C'est une jeune fille. Elle demande, poliment, une prédiction et c'est avec un sourire sympathique que Sybile l'invite à aller dans la pièce dédié à cela avant d'aller tourner le petit panneau sur la porte, qui indique qu'une séance est en court.

Pour une fois, on ne lui demande pas un horoscope amoureux. Non, elle veut savoir comment elle peut faire pour se rapproché de sa meilleure amie, blessée sans doute par sa faute. Sybile la trouve touchante et quelque part, elle l'envie. Elle n'a pas ce sentiment si précieux, d'avoir quelqu'un de cher. Tout du moins de cette manière. Il va sans dire que la cliente est maladroite. Alors pour la forme, elle tire les cartes mais lui prodigue surtout des conseils... D'une manière déguisée bien sûr.
La jeune femme s'en va avec un sourire radieux. Sybile n'a pas eut le courage de lui faire payé le prix d'une réelle divination.

Soudain, comme-ci le temps se figeait, une silhouette connue pénétra dans la pièce. Yui Valentine. Sa gorge se serra. Le voilà le crabe. Deux ans sans donner de nouvelles ou répondre à des messages. Yui avait pourtant eut l'apparence d'une bonne étoile pendant un temps. Mais maintenant, la vue de la tignasse argentée faisait disparaître l'état de grâce dans lequel avait été plongé Sybile. Son visage se ferma complètement et c'est en haussant un sourcil qu'elle observa la main qu'il lui tendit... Sans la saisir.

Croisant les jambes sous la table, elle se souvient de leur rencontre alors que l'argenté prenait place en face d'elle. Un ascenseur. Une après-midi entière à parler, de tout et de rien, mais surtout d'avenir, parce que les cartes le lui avaient dit. Le matin même l’empereur c'était retourné, avec la carte de la tour. Il fallait qu'elle discute avec lui. C'était pour son bien. Pour son futur. Une rencontre qui devait tout changé et qui finalement, ne lui avait inspiré que de la souffrance. Parmi toutes les choses que Sybile détestait, être rejetée était sans conteste dans le top 3. Elle qui croyait l'avoir pourtant aider... Elle qui croyait qu'il serait là. Elle s'était trompée et c'est d'ailleurs pour cela que la jeune femme est aujourd'hui plus qu'amère lorsqu'il s'assoit à cette place si spéciale. Pourquoi fallait-il qu'il soit son client ?
Tant pis, il fallait rester professionnelle.

Sybile soupira et prit les cartes et les lui tendit.

« Veuillez mélanger les cartes de la main gauche. Ensuite vous les couperez de la même manière. Je vous en pris. » dit-elle, d'un ton extrêmement froid et détaché. Pourtant à l'intérieur, son cerveau était en pleine ébullition. Pourquoi venait-il ? Ses yeux essayaient de percer les mystères du psychologue... Sans succès, il connaissait son truc, ou alors il s'en doutait...

Alors qu'elle commençait à placer et à retourner les cartes pour former la croix de divination devant-elle, la voyante leva et le nez. Et le visage de cet homme la fit voir rouge.

« Pourquoi t'es là ? » lâcha-t-elle alors, lorsqu'elle posa la dernière carte.
« Me sors pas que je n'ai qu'à le "diviner" ou le deviner. J'ai pas la tête à jouer. Tu veux quoi ? »

Sifflante, presque cruelle dans son ton, les jolis yeux de la cartomancienne n'était que deux globes remplis d'orages et de colère.