Juste une mise au point... (PV)

Invité

La séance d’entraînement se terminant, chacun salua son adversaire comme il se doit. Jin, n’échappant pas à la règle, joignit ses deux pieds, réunit ses deux mains en une sphère et s’inclina vers l’avant, la tête penchée, saluant ainsi le jeune homme de 15 ans devant lui. Bien que les compétitions régionales approchent à grand pas, le jeune japonais était toujours disponible pour prodiguer des conseils aux nouveaux arrivants dans le club et pour les aider. C’était son rôle « d’anciens », comme tous les autres membres un peu plus agés et expérimentés du club. S’il y avait bien une chose que Jin appréciait au club, c’était l’esprit. Rares étaient les mégalomanes et les égoistes, présents uniquement pour leur propre intérêt. La plupart avait compris la notion de partage. Même ceux que Jin trouvait plutôt égocentriques et pénibles au quotidien semblaient changer de mentalité lorsqu’il s’agissait du sport. Les rancoeurs et les les mauvaises esprits étaient rangés le temps de l’entraînement. Cela valait aussi à l’égard de Jin : si durant les cours on ne se privait pas de lui rappeler qu’il n’était au fond qu’un prolo, même pas spécialement doués pour les études –et même plutôt particulièrement médiocre dans le domaine- ici il était avant tout un sportif extrêmement doué pour le taekwondo. Cela lui valait le respect de ses homologues, même si ce n’était qu’un respect à temps partiel pour certains.

Jin s’en fichait. Ça lui allait bien. Ce n’était pas de l’hypocrisie, c’était de l’honnêteté. Il ne voulait pas que des imbéciles fassent mine de se lier d’amitié avec lui juste parce qu’il était doué pour le sport, ça ne rimait à rien. Tant qu’on respectait ses talents de sportif, ça lui allait bien, au fond. Même si en vérité, le japonais se passerait parfois amplement des moqueries et commentaires désobligeants. Pas que ça le touche franchement… mais ça parvenait tout de même, la plupart du temps, à l’énerver. Jin était ainsi : il avait le sang chaud. Il bondissait avant que son cerveau n’analyse et son poing cognait avant que sa bouche ne réplique. Et oui, la violence n’est dûe qu’à un problème de mauvaise synchronisation. Un esprit trop lent, un corps trop vif, et vous voilà avec un beau diable en train de défigurer un petit bourge. Allez expliquer ça à l’administration, ensuite. « Mais non, il ne voulait pas le frapper, il est mal synchronisé je vous dis ! ». Risible !

Après avoir salué un peu tout le monde, avoir donné quelques conseils aux nouveaux, échangé deux trois mots sur les compétitions à venir avec les plus expérimentés, Jin parvint à se soustraire aux obligations sociales – pour lesquelles il était nul, soyons honnêtes- pour fuir vers les vestiaires. Il était toujours soit le dernier, soit le premier, aux vestiaires. Ça lui évitait le rush. Ça n’avait jamais vraiment été son truc de se mêler à la masse de sportifs s’habillant et se déshabillant en chœur, discutant de tout et de rien. Car telle était la règle implicite : une fois au vestiaire, on ne parlait plus taekwondo. On parlait… tout et rien. Le sujet vide typique du point de vue de Jin, mais il en fallait pour tous les goûts. Et puis si « Et alors cette soirée chez Saito ? » pouvait fasciner certaines commères, c’était un peu leur problème.

Jin fila sous la douche, où il fit d’abord couler un jet d’eau chaude, puis un jet d’eau froide pour éviter les courbatures et revivifier ses muscles. Comme toujours, il traîna sous la douche. Il adorait la sensation qu’il avait, la tête sous l’eau, le bruit des gouttes tambourinant en écho dans la douche l’empêchant d’entendre quoique ce soit d’eau. Il dénatta ses cheveux puis ôta l’élastique les retenant en queue de cheval, se retrouvant avec ses cheveux trop longs jusqu’aux reins s’emmêlant un peu partout sur son corps : sur ses épaules, son dos, ses joues.

Il finit par s’extraire de son antre brûlante et humide, à contre-cœur. Il enfila ses vêtements en grognant, détestant toujours autant la sensation des habits collants après une douche. Il tira sur son pantalon de toile pour que celui-ci cesse de se scotcher à ses jambes de la sorte, mais en vain. Il passa ses cheveux au sèche-cheveux promptement, pas tellement dans l’intention de les sécher, cela prendrait trop de temps, mais juste pour éviter qu’il goutte lamentablement.

Ce soir, il avait un peu de temps devant lui, puisqu’il ne voyait pas Cammy le mardi soir. Cela voulait aussi dire qu’il allait devoir trouver une autre source de nourriture. Jin était très difficile sur l’alimentation, et il n’acceptait pas de manger tout et n’importe quoi. A vrai dire la jeune rouquine était une des seules personnes dont il acceptait de manger la cuisine. Il lui arrivait pourtant encore de lui demander d’énumérer les ingrédients qu’elle utilisait. Plus par habitude que par méfiance à vrai dire.
Le bruit de ventilation du sèche cheveux commençait à lui donner un peu mal à la tête, et il s’en extirpa dans un grognement. Attrapant le peigne dans son sac, il essaya brièvement de démêler la masse capillaire, mais sans trop insister. Encore quelque chose qu’il détestait faire lui-même. N’ayant aucune patience, c’était typiquement le genre de tâche qui l’énervait en moins de 5 minutes et qu’il abandonnait donc rapidement.

Les cheveux mi-séchés et mi-démêlés, Jin glissa son sac sur son dos, reserra son manteau et son épaisse écharpe blanche autour de ses épaules, et s’apprêta à partir. L’esprit un peu ailleurs, il ne se rendit que trop tard qu’il venait de foncer dans quelqu’un. Un peu sonné, il posa ses yeux sur le visage qui le fixait.

« Ah, Saigara. »

Lâcha-t-il, nonchalamment –rien à voir avec Noahki d’ailleurs, Jin était juste indolent par défaut.

« Désolé, je n’t’avais pas vu »

Enchaina-t-il, prenant la part de sa responsabilité. Même si, bon, techniquement… il se demandait ce que fichait le populaire pile poil dans sa trajectoire. A croire que le brun s’était planté là, sur son chemin, volontairement. Geste pour le moins étonnant : bien que les deux garçons soient dans la même chambre, la même classe, et le même club, on ne pouvait pas vraiment dire qu’ils cherchaient la compagnie de l’autre. Tout au contraire : en classe, ils avaient chacuns leurs amis :Noahki avait ce que Jin appelait ses « satellites », une bande de petits cons gravitant toujours autour de lui, et Jin avait… le mur du fond ? Jin était souvent dans la chambre, mais Noahki semblait l’éviter. Le japonais ne pensait pas franchement que ça soit à cause de lui. Certes, il y avait meilleur compagnie, mais il n’était pas non plus insupportable. En fait, il ne s’était jamais trop posé la question. Au club, ils se saluaient poliment. Jin aimait bien combattre avec Saigara car il était doué, et ce n’est qu’en affrontant des gens doués et expérimentés que l’on peut progresser. Mais ça s’arrêtait là. Alors l’idée que Noahki veuille soudain lui parler était grotesque.

En attendant, à tergiverser sur le pourquoi du comment du quoi, Jin n’avait pas bougé d’un iota, et visiblement, Noahki non plus.

Invité

Du sport comme une discipline sans prise de tête. Pas besoin d’en dire des tonnes pour le plus grand des bienfaits. De toute façon, il n’avait plus mal alors en plus d’avoir repris le taekwondo, il pouvait continuer et pousser puis loin ses limites. Et surtout, Anaïs et Cammy lui avaient pris le malin plaisir de lui rappeler qu’il était gros. L’une pour se payer sa tête alors qu’il tournait en rond à l’hosto, l’autre pour aussi se payer sa tête alors qu’il goûtait à sa cuisine. C’en devenait vexant.

Il s'était rendu au dojang plus tôt dans l'après midi.
Et puis revenu plus tard en soirée... mais pour une autre affaire.

-

Moi par contre, je t’ai vu, figure toi !

Mashimoto, le coloc dans sa classe et dans son club. Capitaine du TKD.
Il n’a pas vraiment la carrure d’un chef mais c’est un bon au sport, alors ça compense. Enfin. C’est quand même un drôle de type, avec son côté peu enclin à la discussion. Et personnellement, Noahki n’avait pas non plus la carrure d’un leader : donner des conseils et se montrer attentif à tout le monde n’était pas sa tasse de café. Détail mis à part, que penser de Mashimoto. En même temps, Saigara n’a jamais eu l’idée d’aller lui taper la discute au détour d’un couloir. Dans le dortoir, les salutations passagères suffisent amplement pour le peu de temps que le populaire y passe son temps. A vrai dire, il a d’autres chats à fouetter et sûrement d’autres centres d’intérêts que le sportif renfrogné. Ça se conçoit.

Ça se conçoit jusqu’à ce que pas plus tard que tout à l’heure, Kiro –son intello de frère et antenne branchée sur les dernières nouveautés de l’école- lui confirme que Logan fréquentait ce mec et que visiblement, ça ne datait pas d’hier. Alors en fin de compte, leurs intérêts ne devaient pas diverger tant que ça malgré les apparences.

-Et bien... salut Mashimoto.

Il fallait bien commencer par le début.

Sitôt qu’il avait reçu ce texto, Noahki avait prétexté un peu n’importe quoi pour sortir de son boulot –parce qu’il lui avait pris de taffer au café près de l’université parce que bien côté, et parce que ses potes y bossaient aussi. Vu l’heure, il pourrait attraper Jin quelque part au club.

Il avait confiance en ce que racontait le frangin ; mais dans ce genre de truc, il valait mieux qu’il vérifie de lui même. Tout simplement parce que Logan, c’était Logan, sûrement pas la sienne –certes...- mais il aimerait bien. En y pensant, il ne connait pas grand chose de sa vie, comme les détails basiques genre qui elle côtoie parmi le peu dont elle est amenée à côtoyer en dehors de ses bouquins et de ses mythologies. Et sa cuisine. C’est sur cette demi fraction de seconde que le jeune homme se rend compte que cette fille s’implique dans pas mal de chose finalement, en dehors de ses études. Des choses qui forcément impliquent, qu’elle connaisse plus de gens qu’elle n’en donne l’impression. Bon, c’est vrai, il faudrait qu’il arrête avec cette fille mais aussi opposée qu’elle soit par rapport à lui, Noahki ne peut s’empêcher de la trouver attirante. Elle l’obnubile depuis un certain temps, et sans plus d’explication.

Raison de plus pour laquelle Saigara ne pouvait qu’avoir vu Mashimoto.

-T’es pressé là ? Parce que tu tombes bien, en fait. Faudrait que tu me dises un truc... Enfin bon, ptètre pas maintenant. T’as déjà mangé ou pas ?

Jetant un regard aux alentours, Noahki a commencé quelques pas, faisant signe à Jin se le rejoindre. Bon, c’était des discussions entre coloc mais qui ne s’étaient jamais posés entre eux, puisqu’ils ne passaient leur vie qu’à se croiser futilement. Jetant un regard furtif aux alentours, Noahki s’est assuré de ne voir personne percevoir leur conversation. Parce qu’à tout moment, ça allait forcément en venir au coeur du sujet -et motif de cette conversation- et que, si des bruits commençaient à fuser sur le sujet concerné, ça tournerait vite au risotto dans une boîte d’escargot. En somme, le pire des pires risottos. La cata générale. Enfin. Surtout pour Cammy Logan en réalité. Et il ne voulait pas de ça pour elle.

Mais au delà de tout ça, manger en tête à tête pour mettre les choses au clair... est ce que ça aboutirait à un repas convenable, pas sûr. Interrompant la marche, le populaire a fini par céder à l’impatience. De toute façon, peut être qu’il n’y aurait rien à régler en fin de compte.

-Bon j’ai une question là, et je vais pas y aller par quatre chemins. Tu connais Logan ? Genre... tu la connais comment ?

Première pierre jetée à l’eau.
Faudrait observer et voir quel en serait la résultante.

Bien.

Invité

Le choc des titans. C’était presque ça. Noahki était, tout comme Jin, japonais, et tout comme lui, anormalement grand pour un japonais. En fait ils faisaient plus ou moins la même taille, ce qui avait le don de mettre Mashimoto mal à l’aise. Il avait l’habitude de surplomber les gens, et voilà que quelqu’un lui faisait, littéralement, face. Pas que le japonais aime spécialement regarder de haut les gens, non, mais ça le rassurait toujours un peu, allez savoir pourquoi. A force de collectionner les complexes d’infériorité avec son frère, il se rassurait un peu comme il pouvait.

Bref. Tout ça pour dire que oui, un peu malgré lui, Jin e sentait un peu menacé par ce face à face, bien qu’il ne sache pas exactement pourquoi. En tout cas, il avait visiblement raison : Noahki n’était pas là par hasard, et ne semblait pas d’humeur à décamper. Jin se planta donc comme un tuteur à tomates et attendit que l’information ou la question tombe. Elle tomba.

Jin l’observa avec une surprise non feinte, visiblement étonné par la question. Et comme le garçon n’avait jamais été particulièrement doué pour refouler ses émotions et forger des masques de faux-semblants, forcément, on lisait ce qu’on voulait sur son visage. Pas toujours très pratique, mais pas franchement contrôlable dans tous les cas.

« Mangé ? » répéta-t-il, comme pour s’assurer de ce qu’il avait entendu.

En même temps, ce n’était pas comme si il y avait des tonnes de mots ressemblant à manger. Ranger, peut-être ? Oui, ça aurait presque du sens : le bordélique demandant au maniaque s’il a déjà rangé.

« Bah euh… non… c’est complètement con de manger avant l’entrainement… »

Commenta-t-il, en toute sincérité, haussant les épaules. Et de toute évidence, il sortait de la douche, donc il n’avait pas eu le temps de manger entre temps. Drôle de question tout de même. Jin dévisageait Noahki avec ce petit air ingénu qu’il avait parfois. Il arrivait effectivement à Mashimoto de faire prendre d’une grande crédulité. Comme là, par exemple, où il lui répondait avec le plus grand sérieux du monde, comme si Saigara s’intéressait vraiment au fait qu’il ait déjà mangé ou non. Ce qui ne l’empêcha nullement de suivre son colocataire.

Et ça fit tilt.

Jin haussa un sourcil et fronça l’autre, se donnant un air particulièrement grotesque. Ca et les longs cheveux trempés qui pendouillaient et le faisaient vaguement ressembler à une serpillère, et vous avez le tableau. Saigara n’avait probablement rien à faire des habitudes alimentaires de Jin. Il devait même probablement ignorer à quel point le garçon était exigeant en matière de cuisine. Non. Le rusé renard avait autre chose en tête. Mashimoto ne savait pas encore quoi, mais il décida de le laisser venir. Il finirait bien par cracher le morceau. En attendant, le japonais le suivait docilement.

Et puis, Saigara dévoila enfin son vrai visage, sa vraie motivation. La grande perche ne s’était pas attendue à ça. En fait il ne s’attendait à rien du tout, ce qui facilitait la surprise. Logan. Cammy, donc, il présumait. Qu’est-ce qu’il lui voulait, avec Cammy ?

Jin n’avait jamais été un fin psychologue. Il était un grand adepte du coup de poing dans la tronche qui clôt la conversation. Ça donnait un peu le ton. Ça n’avait cela dit rien d’étonnant. Pour comprendre la psychologie des autres, il faudrait déjà en avoir une qui fonctionne à peu près normalement, et on pouvait dire sans trop s’aventurer que ce n’était pas le cas du jeune sportif.

Parfois, Jin avait l’impression d’être une machine engourdie. Rien ne fonctionnait correctement. Entre son cerveau qui, trop souvent délaissé au profit du sport et des bagarres, grésillait dés qu’il le sollicitait, et son cœur qui, laissé à l’abandon pendant de longues années, avait fini par rouiller, et peinait à se remettre en marche lorsqu’on voulait le redémarrer, rien ne fonctionnait. Jinn était une sorte de boîte à musique à lui tout seul. Bzuiiii faisait le cerveau grésillant, frrrr, répondait le cœur rouillé. Ce devrait pourtant être un bon avertissement pour l’entourage. Lorsque la bête s’approchait, son pas martelé par les bzuiii frrrr, bzuiiii frrrr, les gens avec l’instinct d’auto-préservation devraient fuir, avant qu’il ne soit trop tard. Avant que le corps déréglé ne finisse par exploser. Boum. Bzuiii frrrr boum, et puis le néant.

Heureusement, Jin était encore entier pour l’instant. Ce qui n’empêchait pas son cerveau de grésiller furieusement alors qu’il essayait de comprendre et d’analyser ce que voulait Noahki. Pourquoi un garçon viendrait-il lui demander la nature de sa relation avec Cammy ? Jin ne voyait que deux raisons –là où le reste de l’humanité bien-pensante verrait probablement 50 raisons- : soit il s’inquiétait pour son amie, soit il en pinçait pour elle. Dans les deux cas, Jin n’aimait pas ça. Dans le premier cas, parce qu’il n’aimait pas qu’on se mêle de ses relations, dans le second parce que Noahki était un populaire, et que Jin n’avait pas confiance dans les populaires, encore moi en termes de relations amoureuses.

Oh, lui-même n’était pas attiré par Cammy. S’il devait être attiré par quelqu’un, ce serait probablement une personne comme elle. Mais le fait était là : Jin n’avait pas le temps d’être attiré par quelqu’un. Ce serait sûrement au détriment de ses entraînements, ce qui était juste inenvisageable.

Posant ses iris gris pleins de défi sur Noahki, Jin finit par déserrer les lèvres.

« Si je connais Cammy ? »

Il avait accentué le prénom. Il n’aimait pas cette façon qu’il avait de l’appeler par son nom de famille.

« Très bien. Nous sommes ehm… bons amis »

Jin n’était pas un excellent menteur, mais ce genre de petite plaisanterie était facile à faire. Il avait volontairement marqué une hésitation. S’il essayait de troubler Saigara ? Sans nul doute. Que le jeune homme soit juste inquiet au sujet de Cammy où qu’il soit intéressé par elle, Jin n’aimait pas ça, alors il comptait bien jouer un peu avec le populaire quite à lui laisser croire à de fausses idylles. Ca lui apprendrait à se mêler de ce qui ne le regardait pas.

« Pourquoi ? »

Lâcha-t-il ensuite, avec une innocence feinte du plus mauvais goût.

Invité

Maintenant que Jin se révéle être un ehm... bon ami de Cammy, ce dernier parait d’un coup plus hostile au regard de Noahki. Hameçon mordu, sans une seule seconde de réflexion. Évidemment, ce sportif renfrogné en avait trop dit ou pas assez mais quelque soit l’option choisie, les deux irritent un Saigara trop sûr de lui. Forcé de prendre un instant de silence pour ne pas s’emballer, le populaire en est venu a marquer un temps d’arrêt sur la marche qu’il vient lui même d’ouvrir. Croisant le regard de défi que lui lance le sportif, Saigara lui en a rendu un similaire, peut être en plus noir et agacé. Agacé par le simple fait d’entendre Jin et son ton grincheux répéter la fin de ses questions.

Bon ami.

-Ah oui ? a alors fait Noahki, sans ciller.

-Et tu la connais d’où ?

Ça serait une première ça, s’il arrivait déjà trop tard sur les faits. Cammy déjà occupée... ailleurs ? Cette option n’aura jamais effleuré son esprit, trop occupé à vouloir l’amadouer. Dans sa réalité, le monde tournait autour de lui et non l’inverse. Se retrouver à courir après Logan était une chose mais se retrouver à croire qu’elle ne connaissait que lui et pas un autre... pensée emprunt d’une idiotie, tout autant que celui qui l’a pensé. Mais jamais personne n’a dit que Noahki Saigara était un idiot.

Fierté bafouée.

Concrètement, il ne comprend pas lui même la raison de sa propre hargne, alors que Jin n’a encore rien dit de déplaisant. Enfin si peut être, un début... et quelque chose lui dit que ça ne va pas aller dans le bon sens des choses. Son Pourquoi en atteste. Et Noahki a parfaitement conscience qu’il est en train de se la jouer jaloux -dans un rôle de jaloux infondé, puisque Cammy ne s’est jamais intéressée à lui. Et elle ne sait pas ce qu’elle rate, maintient silencieusement le populaire.

Pas question de se laisser démonter si facilement.

-Quoi pourquoi ? Pas interdit de se renseigner, elle m’intéresse.

C’est dit.
Premier avertissement, pure et brut. A ce qu’il sache, Jin n’avait pas dit qu’ils étaient autre chose que bons amis alors à relativiser, Noahki pourrait agir sans remord. Et même si Jin parlait d’une relation plus sérieuse que ce qu’il disait être bons amis, Noahki n’aurait pas plus de regret à convoiter la fille d’un autre. Quand même pas de sa faute, si le mec n’est même pas fichu de ne pas laisser filer sa dulcinée. Quand on veut quelque chose, le populaire part du principe qu’on le veut jusqu’au bout. Et lorsque quelque chose lui plaît, il finit toujours par l’avoir : c’est dans cet ordre là que fonctionne le cours des choses.

-...Et je l’aurai, a-t-il clairement rajouté pour simplement répondre à la mauvaise foi de Mashimoto.

En réalité, rien ne se prédisait ce qu’il venait d’annoncer, et dans cet élan de provocation, il en oubliera de mentionner Logan autrement que comme un simple objet de convoitise. Bon. C’était plus compliqué que ça, il fallait l’admettre. Logan, c’était son coup de foudre sans explication préalable. Une des raisons pour laquelle rien ne paraissait crédible à la jeune fille. Mais comme Noahki Saigara est une espèce particulièrement entêtée, il ne laisserait rien tomber. Toisant du regard le sportif, Noahki a maintenu le silence, comme si ça tenait lieu de fin de discours.

Une sorte de début d'un choc de titans, oui.

Invité

Jin ignora volontairement la question de Saigara, bien décidé à le laisser totalement dans le flou. Fallait pas déconner non plus, en quoi est-ce que ça le regardait, cette histoire ? Et puis… le sportif se méfiait des populaires. Beaucoup d’entre eux étaient de vrais commères, se faisant un plaisir de répandre des informations plus ou moins vraies comme une trainée de poudre. Jin n’avait pas envie que Saigara aille raconter Dieu sait quoi à Dieu sait qui à propos de Cammy et lui.

L’autre raison, c’était que plus il laissé Noahki sans information, plus il ferait marchait son imagination, qui irait probablement lui suggérer des scenarii totalement faux mais néanmoins plausibles. Le laisser se faire des films, l’y encourager passivement en évitant de répondre à ses questions, oui, en toute honnêteté, ça amusait Jin. Il n’était pas particulièrement fourbe en général, mais sa droiture d’esprit ne s’appliquait malheureusement pas aux populaires, qu’il honnissait sans véritables bonnes raisons.

Ce n’était même pas de la jalousie : auprès d’un certain public, Jin avait aussi sa quote de popularité, et ça l’agaçait plus qu’autre chose ! Non c’était juste une histoire… d’incompatibilité ? Oui, quelque chose comme ça. Il se contentant généralement d’ignorer l’existence des populaires, mais lorsque l’un d’entre eux se rapprochait dangereusement d’une amie de Jin, il n’allait pas rester les bras croisés. Et c’était l’occasion de lui donner une bonne leçon. La seule chose dommage, c’était que le populaire en question soit Noahki. Noahki, plus connu sous le nom de Teraxyl trois en un : colocataire, camarade de classe et collègue de club de sport. Et il avait les dents du croco : des dents longues, qui cherchaient à happer la pauvre Cammy… sans exagération aucune, naturellement.

En tout cas, c’était dit : elle l’intéressait. Jin fronça les sourcils tout en dévisageant Noahki avec un mélange d’incompréhension et de réprobation. Mais il ne dit rien, puisque ça ne faisait de toute façon que confirmer ses doutes. Enfin… il ne dit rien jusqu’à ce que l’absurdité ne s’échappe des lèvres de Noahki.
Jin posa des yeux ronds sur le populaire, le dévisageant avec perplexité.

« Tu l’auras ? »

Répéta-t-il. C’était plus fort que lui, de faire le perroquet. Il voulait simplement s’assurer qu’il avait bien entendu, car ce genre de déclaration lui semblait tellement…malvenue ? stupide ? immature ? Bah. Il n’y avait pas non plus de quoi tomber des nues, après tout c’était le genre d’attitude et de commentaire que Monsieur-plein-de-préjugés attendait de la part d’un populaire. Noahki avait juste l’amabilité de confirmer les clichés.

L’ennui c’était que, au-delà de l’enjeu qui était de faire tourner Noahki en bourrique pour lui donner une bonne leçon et l’embêter, Jin commençait à ressentir une légère colère s’insinuer en lui. Colérique, il l’était pour sur, et il se mettait dans des états de fureur avec trois fois rien. Il suffisait que Saigara se mette à tenir ce genre de propos pour que le poing de Mashimoto commence à le démanger. Bon sang, il lui en allongerait bien une !
Au lieu de ça, il inspira un grand coup avant de répondre :

« Ok… peut être que dans ton petit monde où la popularité fait de toi le centre de l’univers tu peux avoir ce que tu veux en claquant des doigts, mais chez les gens normaux, comme Cammy et moi, les personnes ne sont pas des objets que tu peux juste avoir »

Il avait bien insisté sur le Cammy et moi. C’était une combine fourbe pour donner à la personne en face la sensation d’être seul face aux deux autres. C’était non seulement pour appuyer le fait que Noahki ne faisait pas partie du même univers que Cammy, mais qu’en plus, Jin et la rouquine étaient bien du même monde. C’était petit et sournois comme stratégie, mais le sportif ne comptait pas prendre des pincettes avec quelqu’un comme Noahki.

« Cammy n’est pas une médaille de taekwondo que tu peux décrocher, elle a peut être son mot à dire dans l’histoire, non ? »

Enchaîna-t-il, faisant un pas vers Noahki. Le populaire et le sportif était maintenant face à face. A hauteurs égales, ils se regardaient droit dans les yeux. Et pour peu on aurait pu voir des éclairs passaient de l’un à l’autre. Ambiance tendue ? C’était peu dire.

Et voilà que Jin jouait les moralisateurs. Lui qui détestait ces types la. En temps normal il n’était pas homme à donner des leçons aux gens, mais il avait du mal à rester silencieux quand on lui sortait ce genre de commentaire. Disons que Noahki se prenait maintenant dans la figure tout ce que Jin avait toujours pensé des populaires, sans jamais le dire pour éviter de foutre le boxon.

« Sérieusement, tu te prends pour qui pour parler des gens comme ça ? »

Ajouta-t-il, levant les yeux au ciel. Il s’énervait lui-même. Il avait l’impression d’entendre ses parents parler et il n’aimait définitivement pas ça. En fait comme toujours lorsqu’il laissait la colère prendre le dessus sur le reste, TOUT l’énervait. Ses cheveux mouillés trop longs lui collant à la peau, le fait que Noahki soit aussi grand que lui –bordel de japonais, il pouvait pas avoir une taille normale ?-, le fait qu’il soit aussi sur de lui, le petit vent qui s’était levé et taquiner sa peau encore humide, le fait qu’il crevait la dalle mais qu’au lieu de manger, il soit occupé à se chamailler puérilement avec Saigara, bref, tout.

« Ah oui et si tu penses que Cammy s’intéresse à des types qui semblent croire que tout leur est acquis laisse moi te dire que tu la connais bien mal »

Conclut-il, enfonçant son index entre les clavicules de Noahki, marquant ainsi la première provocation réellement physique, et plus simplement oral, entre eux deux. Le populaire allait vite se rendre compte que Jin laissait rarement passer un manque de respect vis-à-vis de ses amis. Et même si son but n’était probablement pas de se montrer grossier vis-à-vis de Cammy –d’autant moins s’il était intéressé par elle- le résultat était le même : Saigara était allé trop loin !

Invité

A tension : Crocs aux deals

Warning : ceci est une haute trahison envers les écureuils. Et les hérissons.

Place donc aux crocodiles. Un crocodile, genre, comme si Mashimoto n’en était pas un, peut être. Mais Noahki n’est pas aussi inventif et peine à voir son coéquipier en reptile. Enfin... du reste de ce qu’on peut encore appeler un coéquipier. Parce que depuis quelques secondes, ce dernier vient de s’attirer une certaine antipathie d’ampleur grandissante. Et même sans avoir eu d’affinités particulières avec Jin, Noahki –dans son excès de susceptibilité- se donne l’effet d’avoir reçu comme un coup de poignard dans le dos, de la part d’un coéquipier colocataire et camarade de classe. De toute façon c’est bien connu, pas de place pour les fleurs bleues dans ce genre de terrain de bataille. Transposé dans un champ de guerre, Noahki aurait déjà sorti l’artillerie lourde. Le cheval, l’épée, la lance, la massue, le fléau d’armes... sans se poser la question de l’encombrement de la chose. Sans doute qu’il aurait pu faire la même en version plus modernisée mais le cinéma mis à part, ça donne de suite des airs plus criminels. On n’y est pas encore.

Sauf si le sportif persiste à faire le répète-jacquot à chacune de ses phrases auquel cas Saigara ne tarderait pas à exploser. D’ailleurs il ne prend pas la peine de répondre à son premier écho en retour, déjà bien irrité.
Mais voilà, la suite n’a pas l’air de vouloir s’amorcer dans de bonnes conditions : Le Cammy et moi fait déjà effervescence dans la tête de Saigara. Effet escompté : le fait qu’il se trame réellement quelque chose entre Cammy et Jin a quelque chose de désagréable. Le grand problème de l’histoire, c’est que Noahki n’est même pas fichu de savoir ce que fait Cammy dans sa vie discrète et recluse, ni qui elle fréquente vraiment et à quel degré. Et comme pour la majeur partie des gens, Noahki n’aime pas se sentir con. C’en est simplement rageant.

-Ferme-la Mashimoto, a sifflé Noahki, avant de rajouter dans un ricanement, -je sais pas ce que tu racontes mais ne fiche pas Cammy dans le même sac que toi!

Des gens normaux ? Qu’est ce qu’il ne fallait pas entendre. De son point de vue, lui, il était parfaitement normal pendant que Mashimoto... et bien il l’était forcément moins, ceci dit, sans trouver le bon terme adéquat. En tout cas il n’avait pas l’air de s’en rendre compte ! Tout comme le populaire peine à imaginer qu’on puisse lui refuser quoi que ce soit : à croire que chacun a sa propre définition de la normalité.
Quoiqu’il en soit, Jin n’avait pas dit autre chose qu’être « bon ami » avec Cammy. Il avait donc ce qu’il voulait –plus ou moins- savoir, non ? Donc champ libre pour lui. Mais quand même... la façon dont le sportif parle de Cammy et son air provocateur ne lui plaisent pas du tout.

Noahki a senti sa mâchoire se crisper et il l’a fusillé du regard alors que l’autre est là, bien face à lui, en train de déblatérer son quart d’heure d’information. En outre, cette histoire d’objet que Jin lui retourne et ressasse de manière insidieuse lui fait se mordre les doigts de ne pas avoir choisi ses mots avec plus d’attention. Et hors de question de revenir sur ce qui a été dit, c'en reviendrait à admettre qu'il s'est trompé. Mais le problème, il n’était pas là ; oui puisque des problèmes il y en avait partout, là : Mashimoto lui même en devenait soudain un à part entière. Qu’est ce qu’il en savait Jin, à quoi elle s’intéressait, Logan, hein ? Sûrement plus que lui. Mais bon sang, elle lui trouvait quoi de mieux ou plus à Jin ? Il se jure de lui poser la question la prochaine fois qu’il la voit. Mais cette jalousie infondée...

-Fais pas comme si tu savais ce qu’elle pense, rétorque Noahki.

Et le premier contact provocateur que lui impose Mashimoto a simplement un effet dévastateur : Saigara l’a d’abord repoussé sans ménagement ; sa fureur, accompagnée d'une montée d’adrénaline vite fait -et mal dosée-, et le coup est parti juste après. Violemment, tout seul, et en plein dans la face. Bien visé, l'impact brièvement sonné les airs.

-...et ne parle pas non plus à sa place.

L'instant d'après, Noahki s’est surpris à être partagé entre une seconde de solitude et l'envie de lui en coller une seconde. Le genre de solitude qui s’ensuit à une action déplacée, puisqu'à la base, il n’avait pas vraiment pensé en arriver aux poings -et encore moins avec un gars du dôjô. Un lieu où il parvient généralement à mettre de côté ses habitudes de populaire. En parallèle, l'arrière goût amer que lui procure ce règlement de compte avec Mashimoto persiste et l’air nonchalant de ce dernier suffit à effacer le reste : il n’avait qu’à pas le provoquer et répondre à ses questions au lieu de jouer les moralisateurs (-à deux balles) fuse quand même une pensée emplie de mauvaise foi.

Invité

« Je ne « fiche personne dans le même sac que moi » Noahki. Que ça te plaise ou non, je connais Cammy, et l’idée de servir de trophée à ton ego c’est pas trop trop son but dans l’existence tu vois …»

Répliqua-t-il, le dévisageant avec un air consterné. Jin se demanda un instant si c’était la jalousie qui mettait Saigara à cran comme ça. Probablement. Honnêtement, Jin ne pouvait pas non plus nier sentir une pointe de jalousie le piquer lorsqu’il imaginait Cammy avoir des… sentiments pour Noahki. Pourtant, ils n’étaient qu’amis. Mais la conception d’amitié de Jin était un peu… différente que la plupart des gens. A croire qu’il compensait son désert amoureux par une proximité étonnante – et parfois déconcertante- avec ses amis – et surtout ses amiEs.

« Oh Je ne sais pas ce qu’elle pense, mais je sais ce qu’elle me dit, en revanche »

Répliqua-t-il avec un sourire en coin.
Bien sur Cammy n’avait rien dit sur Noahki en particulier, mais ils avaient eu suffisamment de conversation tous les deux sur les énergumènes étranges qui peuplaient Keimoo pour qu’ils puissent dire sans se tromper que les types avec un ego surdimensionné et des caprices de môme pourri gâté, ce n’était pas la vision du prince charmant de la jeune fille… et sûrement de beaucoup de demoiselles en fait.

A bien y réfléchir, Jin se demanda ce qu’elle trouvait à quelqu’un comme Noahki. Ok, il était mignon. Et bien foutu, normal pour un sportif. Et il était plutôt sympathique, si on le cotôyait rapidement. Mais comment pouvait on s’engager émotionnellement avec quelqu’un qui voyait les filles comme des trophées de chasse ? Et oui. L’ami Mashimoto vivait encore dans le monde des petites poneys où toutes les filles sont des êtres délicats, rêveurs et romantiques attendant patiemment un prince sur un canasson –de couleur blanche, tant qu’à faire. Des filles qui voulaient s’envoyer en l’air juste un soir ? Inconnu aux bataillons. En même temps, la connaissance des filles, chez Jin, c’était… limité. Il avait eu…. Allez, 2 copines dans sa vie et ça n’avait pas été bien loin avec l’une et l’autre.

Qu’importe. De toute façon les filles pouvaient bien faire ce qu’elle voulait, et l’enfant pourri gâté Noahki pouvait aussi faire ce qu’il voulait avec elle, mais pas avec Cammy. Les amis étaient pire que sacrés pour lui. La seule raison pour laquelle il n’avait pas encore cogné Noahki – non parce que c’était tentant et puis bon… Jin n’avait jamais été un génie du self-control- c’était parce qu’il savait que Cammy serait déçue de le voir se rabaisser à frapper quelqu’un. La demoiselle avait la violence en horreur et ignorait plus ou moins le côté pas joli-joli du sportif.

Alors lorsque Noahki prit les devants, lui collant son poing en pleine figure, Jin dut réprimer un sourire mauvais. C’était tout pile ce qu’il voulait : ne pas être l’initiateur de l’altercation. Mais maintenant qu’on l’avait frappé, il était légitime qu’il se défende… non ?
Le coup l’avait fait reculé de quelques pas sous l’impact. Il passa ses doigts bien trop fins pour un mec sur son menton, à l’endroit où les jointures avaient frappé. Il avait mal, mais rien de cassé –le menton était tout de même plus solide qu’un nez. Il aurait un vilain bleu demain, mais il s’en contrefichait. Par chance, il n’avait pas de shooting prévu dans les deux semaines à venir. Et même s’il en avait, tout le monde était habitué à Jin, ses petits bobos, et ses airs grognons quand on le questionnait dessus.

« Franchement Noahki… si tu n’supportes pas que la fille qui t’intéresse soit proche d’un autre mec il faut se faire soigner… »

Commenta-t-il, un sourire mesquin se dessinant sur son visage. Noahki pouvait au moins se vanter d’être une des très rares personnes à voir
1) Jin sourire
2) Jin faire preuve de mesquinerie
Les deux évènements étaient assez…. Rares. Et le voilà qui avait droit aux deux. C’était presque comme voir des aurores boréales. En moins beau.

Sans crier gare, il attrapa Noahki par le col de son haut et le tira à lui. Ce n’était pas drôle. Avec un mec plus petit, il aurait pu le faire décoller du sol et le regarder remuer les jambes dans le vide. Là, Saigara faisait à peu près sa taille, ce qui compliquait un peu la tâche. Il se contenta donc de le rapprocher de lui, lui offrant son plus beau regard noir, presque menaçant –presque… parce qu’avec la gueule juvénile de poupée du japonais, c’est plus compliqué qu’on ne le croit.

« Et ne me touche plus. Si t’as un problème dans ta tête tu le règles tout seul »

Siffla-t-il entre ses dents, tout sourire ayant disparu de son visage.

« Tu m’frappes encore, et je te refais la gueule jusqu’à ce que plus personne ne puisse reconnaître le ô si populaire Noahki Saigara »

Il se doutait bien que s’il commençait à le tabasser, il y allait avoir du répondant. Mais très honnêtement, tant qu’il pouvait utiliser ses jambes et ses bras, Jin était satisfait. Il se fichait bien d’avoir la gueule démontée. L’apparence n’avait jamais été une véritable préoccupation pour lui. Le seul léger souci qu’il risquait de rencontrer, c’était que l’administration allait commencer à poser des questions. Si on apprenait que les deux s’étaient battus comme des chiffoniers, Noahki s’en sortirait probablement, avec la pression de sa famille, mais Jin perdrait très probablement sa bourse.

Certes. Mais il avait quand même le droit à un retour de manche, non ?
Sans réfléchir d’avantage à la question, puisque de toute façon il en avait envie depuis quelques longues minutes déjà, il lâcha le col de Noahki et, à peine sa main libre, lui rendit son poing dans la gueule à son tour, visant la mâchoire, qu’il savait particulièrement douloureuse. Il n’aimait pas frapper les nez : ça se cassait facilement et ça faisait un horrible craquement sinistre –pauvre trésor, oui.
Et il n‘ajouta rien, se contentant de fixer le populaire avec un air bourru, un mélange de « c’était bien mérité » et de « t’avais qu’à pas me chercher des noises » dansant dans ses yeux.

Jin arrivait encore à peu près à garder son calme, mais ça ne tenait qu’à un fil. Pour sur, si Noahki levait encore une fois la main sur lui, il allait passer de calme plat à explosion de rage, et là ça ne serait plus quelques coups échangés à intervalle régulier mais une véritable baston. Pas de chance pour Saigara, Jin avait probablement plus d’expérience que lui dans le domaine des combats « non réglementés ».

Spoiler:

Invité

-Arrête ça bordel, j’ai jamais dis qu’elle était un trophée.

A lui faire dire ce qu’il n’a pas dit, sérieusement, ce Mashimoto lui tape sur le système de manière exaspérante. Une erreur, d’être allé le chercher pour lui poser ce genre de question. Maintenant qu’il a merdé, que leur conversation a pris un petit détour, Noahki a davantage la rage contre ce Jin, qui prend visiblement malin plaisir à jouer avec ses nerfs. Sans aucun doute, ça ne tiendrait pas bien longtemps dans les paroles parce que concrètement parlant, il a déjà assez discuté comme ça.

Alors que Jin l’empoigne brutalement, Noahki se retrouve face à lui, dans un duel de regard à qui le plus menaçant. Et ne me touche plus, entend vaguement le populaire, qui lui ricane au nez.

-Fallait ptètre réfléchir avant de commencer...

A vrai dire, Saigara se serait contenu s’il n’avait pas senti l’autre lui enfoncer les doigts dessus. Mais sa théorie reste toujours la même : un bon coup de boule quand les mots ne suffisent plus. Ce qui normalement, aurait dû arriver plus souvent si Saigara côtoyait moins les populaires. Pour ce tournant, c’est d’ailleurs Glamour qui avait joué son rôle à merveille, avant de le voir se familiariser beaucoup trop vite avec son propre groupe. Noahki parie qu’elle s’en mord les doigts maintenant; mais ça, c’était une autre histoire.

Jin lui parle de problème, de se soigner tout seul –un truc dans le genre mais Saigara se contente de le fixer avec un air aussi hargneux que ce qu’il l’a mauvaise. Un air qu’on ne lui connaît pas forcément sous ses grands airs mondains. Sans prendre la peine de lui répondre, Saigara a agrippé les mains qui le maintiennent pour les rejeter, mais l’une se libère et il n’anticipe pas le coup qui transforme un instant son paysage en rouge. Sonné. Et bon sang, ça il l’a senti passer.

-Tu parles un peu trop toi, a grogné Noahki en se massant la mâchoire, tout en mastiquant dans le vide –voir si c’était quand même encore gérable.

Loin de se soucier des représailles –quoi au pire ce serait un peu de corvée/pensée optimiste-, Noahki ne pourra pas supporter le regard suffisant que Jin affiche comme s’il venait de lui faire la leçon du jour. D’un certain point de vue, c’était pourtant ça, mais vu comme c’est parti, si Jin croit qu’il va lui lécher les bottes pour se la terminer pacifique... il va falloir recadrer les choses. Les menaces du sportif n’ont que le don d’attiser un excès de rage chez le populaire. Ce type déjà, au delà de leur conversation, il le mettait hors de lui, avec ses airs de mesquin. L’air maussade, Saigara s’est redressé –l’air : t’as cru que c’était fini ou quoi ?-, pour se jeter sur le sportif. Fini les prémisses de tafioles, -et ça tombe bien ça fait longtemps qu’il s’est pas lâché comme ça. Dans son élan, il ramène violemment Mashimoto à lui et lui décroche un coup de genou dans l'estomac. L’empêchant de se plier complètement, Noahki a saisi Jin par la nuque pour l’envoyer plus loin, avant de revenir à la charge. Bon. Dit comme ça, ça paraît simple, mais dans la réalité, c’est un geste qui a eu moins d’effet qu’escompté : pas tellement commode quand le titan a plus ou moins le même gabari. Mais sur le moment, aveuglé par sa fureur, Noahki aurait eu affaire à plus grand, qu’il aurait quand même chargé dans le tas.

-Tu crois quoi Mashimoto. Que tu m’impressionnes peut-être avec tes belles paroles ?

Noahki a fait tourner sa machoire une fois de plus, l’air d’avoir mordu dans un fruit particulièrement infect. La suite promet de se corser et il le sent pertinemment, même si tout ce qui s’ensuivra avec cette baston, il n’anticipe pas. [/i]Pas le temps, on s’en fout, c’est que du détail.[/i] Une pensée pourtant se réjouit quelque part d’affronter le capitaine du tkd, -en dehors du cadre prescrit par la discipline, pour le seul plaisir de se tester contre... et bien il faut bien l’admettre, un adversaire de taille. Quelle joie, personne pour signaler le moindre faux pas esquissé. Défi, défi. Pour le coup, c’est plutôt battre Jin, qu’il verrait bien comme bon trophée, tiens. Parce que si ce dernier compte lui redessiner la face, Noahki a tout autant l’intention de lui rendre la même si ce n’est plus. En attendant toutes ces lignes, le populaire a eut le temps de venir –hypothétiquement même, de revenir- sur le sportif. Il l’a attrapé sans ménage par les épaules –mais en fait, il a une gueule de gosse, se fait-il le remarque- mais alors que son poing s’apprête à s'abattre de nouveau sur la joue de son adversaire, il sent son coup dévié et manquer d’impact. Parce qu’évidemment l’autre en a aussi pour sa pomme et que probablement il ne se tiendra pas tranquille de si tôt, évidemment. Bouillonnant de l’intérieur à chaque fois que l’autre face de gamin fait apparition dans son champ de vision, Noahki le roue de coup jusqu’à ce que sur un instant de déséquilibre, il emporte Jin dans sa chute en y mettant tout son poids pour s’écraser au sol.

Sérieux Jin, que je sois populaire et que ça te pose problème je m’en tape, mais... c’est Cammy, pas vrai ?

Ton problème.

Les quelques secondes de répits laisse un Noahki au souffle court scruter Jin d’un air haineux. Parce que sérieusement, à se battre comme des forcenés, le populaire a de bonnes raisons pour vouloir lui défaire la tête mais l’inverse... est ce que ça en est venu là juste pour une méprise ?

Spoiler:

Invité

Les gens commençaient à s’attrouper autour d’eux. Il faut dire que ces deux génies sans bouillir avaient eu l’excellente idée de commencer à se taper dessus en public, dans une rue passante pas franchement déserte, ni même à l’écart, bref, le top de la discrétion, bravo les gars ! Cela dit, Jin était trop occupé à ruer de coup Noahki pour se faire la remarque que pour un type qui n’était pas sensé se battre, il était un peu en présence de gens et un peu pris en flagrant délit de violence. Il s’en soucierait plus tard. Trop tard.

Mais là la fonction « réflexion »avait été désactivée, les deux étant trop occupés à chercher le point qui faisait le plus mal. Jin reçut des coups dans le ventre et dans le visage un peu pêle-mêle. Il n’y faisait pas plus attention que ça, se contentant de grogner, d’avoir mal, puis de répliquer, visant lui aussi pêle mêle le coup, le visage, les côtes.

Esquissant un sourire –OUI M’SSIEURS DAMES, Jin SOURIT- qui ressemblait plus à une grimace à cause de la douleur qui commençait un peu à se faire sentir, Jin fixa son regard gris dans celui de Noahki, à quelques centimètres du sien.

« J’essaye pas de t’impressionner, j’essaye de te refaire le portrait »

Répliqua-t-il, allant même jusqu’à faire preuve d’ironie. Y avait pas à dire, énervé ou pas, dés qu’on le laissait castagner un peu, Jin était d’humeur nettement moins grognon. Alors, certes, ça ne nous avance à rien, puisqu’on ne peut pas le laisser passer sa vie à cogner, mais au moins… Noahki pourrait se vanter de lui avoir tirer un sourire.

Sourire de courte durée cela dit. Car lorsque Jin se sentit tomber, entraîné par Noahki qui venait de perdre l’équilibre, il perdit son air moqueur. Lorsque son dos rencontra le béton du trottoir, il grimaça de douleur et bénit silencieusement les tatamis qui adoucissaient toujours la chute. C’était ça aussi, se battre hors du « ring ». Sous le choc, il se mordit la langue et sentit le gout de fer du sang se répandre dans la bouche. Super, erreur de débutant, de ne pas savoir où placer sa langue pour éviter de se la cisailler. Mais pas le temps de pleurer sur son sort !

Il fusilla Noahki du regard lorsque celui-ci lui fit la remarque sur Cammy. Evidemment, Saigara avait un peu touché-coulé le bateau de Mashimoto (ça rime…). Mais hors de question que le japonais ne l’admette. D’autant qu’il avait la vague impression que s’il confessait ça, l’autre allait en user et en abuser pour le faire tourner en bourrique.

« J’vois pas de quoi tu parles »

Répliqua-t-il, avec l’air à peu près aussi convaincant qu’un gamin jurant qu’il n’a pas mangé les mûres malgré des doigts et un menton tout violets… De toute façon Jin était mauvais menteur, c’était comme ça.

« C’est juste ta tête qui me revient pas »

Ajouta-t-il, espérant probablement –très lamentablement- détourner la conversation. Bah, il verrait bien si Noahki mordait à l’hameçon. En attendant, la meilleure des diversions restait l’attaque. Profitant d’un court instant de distraction de Saigara, il focalisa toute sa force sur lui pour le faire basculer sur le dos, l’écraser de son poids, et lui en coller une bonne dans la côte.

Alors qu’il allait poursuivre son opération « battons Noahki pour attendrir la viande façon boucher » il sentit des bras encercler épaules et ses coudes, le tirant vers l’arrière. Il aurait volontiers cogné ces deux là pour leur apprendre à se mêler de leurs affaires, mais les types en question avaient anticipé cette réaction et le maintenaient de manière à ce qu’il ne puisse ni se défendre ni se libérer. Au même moment, deux autres types s’étaient agenouillés à côté de Noahki et le bloquaient au sol pour qu’ils n’en profitent pas pour bondir sur Mashimoto.

« Lâchez moi ! »

Grogna Jin, même s’il avait bien compris que le petit combat était terminé. Les 4 bonhommes attendirent que les deux bagarreurs se calment pour les mettre tous deux en position assise et relâcher un peu leur prise. Jin ne tint pas assis, et se laissa tomber en arrière, allongé, respirant bruyamment pour essayer de retrouver son souffle. Maintenant que la colère s’était dissipée, l’énergie semblait l’avoir quitté également. La fatigue lui tombait dessus d’un et il se sentait épuisé. Il continua d’inspirer lentement, essayant de calmer les battements fous de son cœur. Bon sang, Noahki l’avait mis dans une rage folle, son corps n’en avait plus l’habitude.

Ce ne fut qu’à cet instant, étalé en étoile sur le trottoir, que Jin commença à réaliser la grosse, la très grosse erreur qu’il avait commise. La panique remplaça rapidement l’épuisement alors qu’il réalisait qu’il venait de se mettre dans une situation plus que critique. Ironiquement, la première pensée qu’il eut fut : qu’est ce que je vais dire à mon coach ? Coach qui allait lui passer un savon. Se battre jusqu’à se blesser JUSTE avant les championnats de taekwondo c’était… brillant. Vraiment. Ce ne fut qu’après avoir mis le coach de côté que le réel problème se dessina dans l’esprit brouillé de Mashimoto : l’administration.

Car oui, il n’allait pas y couper. Vu comme les deux gaillards s’étaient roués de coups, Noahki devait être dans le même état que lui, c’est-à-dire bien amôché. Les deux taekwondoistes qui quittaient le club ensemble et revenaient le lendemain avec une gueule à faire peur, c’était un coup à attirer l’attention de l’administration. On poserait des questions, sans doute. A Jin. A Noahki. Et si on arrivait à élucider le mystère, Jin allait payer très cher cette altercation au fond très puérile.

La condition pour sa bourse était simple : plus. De. Bagarre. Plus de bourse, plus de Keimoo, c’était mathématique. Certes, il n’était pas le seul fautif, mais Noahki avait probablement des parents suffisamment riches pour faire taire l’administration, alors que lui, non. Le sportif fronça les sourcils. En fait il n’en savait rien. Il ne savait rien de Noahki. Comme il était populaire, il devait sortir d’une bonne famille, c’était ce que Mashimoto s’était dit. Mais peut être que pas du tout, en fin de compte. Sauf que compter sur des peut être, c’était quand même foutrement pas sûr comme stratégie.

Jin se redressa doucement et toussa. Le goût de sang sur sa langue le dégoutait, mais ça n’avait rien d’étonnant puisqu’il s’était mordu la langue. Ce foutu organe saignait beaucoup trop. Il zieuta Noahki en face de lui avec une nervosité non dissimulée. Comme il le pensait, c’était pas joli joli. Bon, avec une bonne douche et des vêtements propres, ça aurait surement plus de gueule, mais il y aurait des restes, des preuves de leur stupidité. Et Jin ne savait pas quoi faire. Un « Désolé pour ça… soyons amis ! » ne serait ni très naturel ni très convaincant. Un « tu racontes ça, je te cogne ! » non plus, surtout qu’il venait de le cogner. Bon et puis très honnêtement, derrière l’énervement, l’honneur, tout ça, il avait bien senti que quelque part… Noahki appréciait aussi, cette adrénaline qui monte lorsque l’on frappe sans retenir ses coups. Bon alors quoi… ne rien dire et espérer de toutes ses forces que Noahki ne balancerait rien ? C’était maigrichon comme espoir, et risquée comme tactique.

« C’est bon vous êtes calmés ? »

Entendit-il, plongé dans ses pensées. Il leva le nez vers le type qui l’avait détaché de Noahki et qui maintenant l’observait en grimaçant. Ah bon, y avait tellement de dégats sur sa tronche ? Eh bah. Fallait lui laisser ça, Noahki était un bon adversaire pour se battre.
Jin ferma les yeux mais hocha la tête. Pourquoi est-ce que tout ça avait commencé déjà ? Ah oui. Cammy. Bon sang. Cammy. Nouvelle vague de panique envahissant le sportif. Qu’est-ce que Cammy allait dire en le voyant ? Elle s’inquiéterait, dans un premier temps. Mais ça c’était avant qu’elle ne comprenne que certes, Jin avait été tabassé, mais que lui aussi avait cogné, et pas à moitié.

Super. Sur tous les plans, se battre avait été l’IDEE du siècle. L’idée de qui d’ailleurs ? C’était Noahki qui avait frappé le premier, certes. Mais Jin avait eu l’idée. Celle de l’énerver jusqu’à le faire sortir de ses gonds, jusqu’à ce qu’il n’ouvre le ballet de la violence, pour que lui, Mashimoto, ait une raison « légitime » de frapper à son tour. C’était pathétique.
Jin rampa à quatre pattes jusqu’à son sac, qui gisait juste à côté de Noahki. Il s’assit sur ses talons et commença à fouiller, trouvant ce qu’il voulait. Il débouchona la bouteille d’eau et s’en servit pour se rincer la bouche, afin d’évacuer le goût de sang. Se faisant, il attrapa une deuxième bouteille et la tendit à son rival. Il n’avait, de toute façon, plus envie de le taper. C’était redescendu. Alors autant faire preuve d’un peu de fair-play. C’était un peu tard… mais bon.

Lorsqu'il eut fini, il tendit la bouteille vers Noah, marmonna un

« Santé ! »

Et vida la bouteille d'une traite.
Et pour le problème de l'administration ? Bah. Plus tard. La procrastination aide à garder l'esprit serein.

Invité

Après s’être battus comme des chiffoniers et mangés des coups à en avoir mal de chien à chaque mouvement, Noahki n’a pas répondu à ceux qui l’ont éloigné de Jin. Le pire dans tout ça, c’est qu’il devait admettre que l’autre avait sérieusement pris le dessus. Non le pire, c’était peut être bien de se dire qu’il aurait probablement perdu face au sportif. Pourtant, même lorsque des bras se sont interposés entre eux, il avait été tenté de continuer à vouloir mettre la rouste à Mashimoto. Comme un idiot.

« C’est bon vous êtes calmés ? »

Fermant les yeux, Noahki a laissé un silence l’envahir. Le genre de calme plat qui rappelle peu à peu les bobos jusqu’à là mis au second plan par l’adrénaline. Bilan salé pour le populaire, qui laisse à plus tard le soin de se dévisager sous tous les angles. Enfin... il n’aurait même pas à chercher trop loin vu l’effet bizarre qui tiraille de part en part son visage, en plus du roulement de tambour qui résonne derrière chaque ecchymose naissante sur son corps. Bah... plus tard. En fait, à la limite les bleus ça se cache –plus ou moins- mais va rendre compte de ça à l’administration quand elle te tombera en plein sur le nez. Tiens l’administration, ah ouais c’est vrai... Noahki a fini par rouvrir les yeux pour se redresser. En réfléchissant un peu plus, il aurait pu trouver ailleurs qu’ici. C’est qui d’ailleurs ces types ? Et tout ça, c’était quand même con d’en être arrivé là.

Essuyant sa lèvre tuméfiée, le populaire tente de tater du doigt le contour de l’oeil qui le lance, -ça se trouve il avait failli y perdre un oeil !-, avant de se tourner vers le sportif qui lui tend une bouteille. Santé.

-...ouais bon, a grommelé Saigara en acceptant la bouteille, -ça au moins, c’en était une de bonne idée, mais il ne retomberait pas dans ce débat. Un ouais bon en guise de merci et puis quoi, c’était pas chez bisounours ici, à ce qu’il sache. N’empêche il a franchement apprécié cette eau salvatrice du moment. Et quand il a vidé cette bouteille, Noahki a jeté un regard lointain.

-Bordel de merde, on va se faire démonter par l’administration.

Et le lendemain, ça n’a pas loupé.

-

Saleté de colporteurs. En même temps, difficile de cacher ce qui n’est pas voilable. A la pause du matin, alors que des rafales de rumeurs font effervescence au sujet des bleus de Noahki, il sent un bras l’interpeller, l’écartant du troupeau habituel dont il fait partie. Un pion. Rah le mauvais signe. Le populaire a souri, -grimacé au vue des marques qui déforment son visage- mais c’est un sourire qui a vite disparu lorsque le pion l’a ramené devant l’adointe du proviseur. Akemi Yoshida, celle que Saigara et ses potes dénomment la femme couguar. Et qu’il ne piffre pas parce qu’elle connaît ses parents, sa mère en particulier qui a travaillé dans pour l’académie. Mais en plus de ça, il la trouve vulgaire. Noahki n’a pas préparé de discours et se demande pourquoi lui et pas Jin, d’ailleurs. Avec un peu de chance, ce serait une convocation pour autre histoire mais ce genre de truc... il n’y compte pas trop.

-Entrez Saigara, installez vous.

Le populaire a pris place, mine de rien. Comme s’il allait boire le café avec ses potes, sauf qu’au lieu de ça, c’est l’adjointe du proviseur qu’il a en face de lui, et qu’il entend le décrire, lui et ses coups, sa violence, et son attitude intolérable. Bien sûr, elle ne manque pas de lui rappeler que son redoublement n’est pas censé aboutir à ce genre de comportement puisque l’école n’accepte pas les mauvais élèves. L’année dernière, ses parents avaient repayé une année pour qu’il puisse poursuivre ses études, sous la pression d’être envoyé dans la FJSDF, les forces japonaises d’autodéfense, s’il ne savait pas assurer sa scolarité. Pour clôturer le tout, Akemi l’avait déjà sous l’oeil, pour non respect du couvre feu, et tapage dans les dortoirs. Son casier scolaire était donc déjà en péril.

-...et donc, tout ce que vous avez trouver à rajouter sur votre cas, c’est de vous battre?

Noahki n’a rien trouvé à répondre.

-Avec qui Saigara ?
Silence.

C’est vrai, il s’était battu avec Jin, mais il n’y avait personne d’autre hier, du moins personne de l’école, à ce qu’il se souvienne. Est ce qu’Akemi goberait une histoire type Jin et Noahki étaient ensemble hier lorsqu’ils se sont fait tabassés par des voyous de la ville. Bon sang il devait réfléchir à un alibi.

-'Sais pas, s'est-il entendu répondre avant même d'avoir la suite.

Mais à ce moment, la porte s’est ouverte.
Noahki a alors un instant fermé les yeux pour que ça ne soit PAS Jin. Parce qu’à tous les coups, ça sent trop mauvais et son histoire va capoter quelque part. Déjà qu’il est mauvais pour mentir. Mais pourquoi est ce qu’on ne les convoquait pas à des moments différents ou alors pourquoi est ce qu’il n’avait n’avait pas tout balancé ? Au point où il en est, il aurait pu aviser plus tard. Mais en y pensant, la marge de manœuvre s’avérait désormais quasi inexistante pour lui. Irrité, le populaire s’est passé la langue sur le coin de ses lèvres croutées d’hier.

Invité

Jin n’était jamais vraiment difficile à trouver lorsque l’administration voulait le trouver : il était soit en cours, soit au Dojo. C’était dans ce dernier qu’il se trouvait lorsqu’un surveillant vint l’informer que Akemi-san souhaitait le voir. « Informer » et « souhaiter » étaient bien sur la manière polie de le dire, puisqu’en vérité le pion attrapa Jin par le bras et le traîna plus ou moins autoritairement jusqu’au bureau de l’adjointe. Il toqua à la porte, attendant une réponse, n’en obtenant aucune. Il finit donc par l’ouvrir, poussant Mashimoto dans le dos pour qu’il entre. Le sportif lui jeta un regard noir par derrière avant de traîner le pas jusque dans le bureau.

L’adjointe n’était pas seule. Il y avait un étudiant face à elle, et même si celui-ci lui faisait dos, Jin n’eut aucun mal à reconnaître Noahki. Il déglutit –chose franchement pas discrète lorsque l’on a une pomme d’adam plutôt saillante- et eut soudainement envie de s’enfuir. Est-ce que Saigara était venu le dénoncer ?

« Ah, voilà notre deuxième héros du jour. Prenez place monsieur Mashimoto »

Jin obtempéra, songeant qu’aller à l’encontre de cette femme, là, maintenant, n’était probablement pas la meilleure chose à faire. Une fois assis aux côtés de Noahki, il risqua un coup d’œil de son côté, dans l’espoir d’y lire du soutien ou une connerie du genre. Mais Saigara évitait son regard.

« Alors, Monsieur Mashimoto. Et si vous me racontiez un peu… tout ça »

Elle désigna d’un geste vague de la main l’état général de Jin, qui n’était pas beaucoup plus glorieux que celui de Saigara. Des bleus marqués à la mâchoire, sur la pommette. Les yeux avaient été épargnés. Le reste du corps était aussi joliment décoré, mais le pull à col roulé noir du sportif cachait bien les dégats –en revanche niveau discrétion, c’était plutôt médiocre, surtout pour quelqu’un qui ne mettait jamais de cols roulés…
Jin pinça les lèvres, ne sachant pas quoi répondre. Si Noahki avait été droit au but et avait juste dit qu’ils s’étaient cognés dessus, inventer de jolis mensonges ne ferait probablement qu’aggraver sa situation. Se taire était probablement la stratégie la plus sûre.

« Je vois. Aussi muet l’un que l’autre. A croire qu’on vous a coupé votre langue en plus du reste »

La phrase d’Akemi injecta une dose de soulagement à Jin. Noahki ne l’avait pas balancé ! Il ne savait pas pourquoi, et sur le moment, il s’en fichait. Il n’avait rien dit ! Il dut se retenir d’afficher un grand sourire, et se contenta de relâche la pression dans ses muscles. Sans s’en rendre compte, il s’était crispé sur sa chaise.
Mais ce n’était pas tout. L’adjointe ne lâcherait pas l’affaire comme ça. Il fallait qu’ils trouvent une explication à leur état lamentable. Une explication commune car prétendre qu’ils s’étaient cassé la figure dans les escaliers chacun de leur côté mais PILE en même temps, c’était peu crédible.

L’ennui, c’est que Jin avait toujours été un très mauvais menteur. Cela dit, avec l’appui de Noahki… ça pouvait peut être passer, non ? Et puis, le populaire était sûrement plus entraîné que lui au mensonge. Ce n’était pas bien difficile : Jin, c’était le pinocchio des temps modernes. Il inspira un grand coup, comme pour se donner du courage, avant de commencer à dessiner un scenario plausible.

« Ça s’est passé hier soir après l’entraînement. Je voulais parler à Saigara des championnats de Taekwondo, donc on est sorti de l’Académie pour aller manger dehors. »

Expliqua-t-il, extrêmement calme et factuel, s’étonnant lui-même de sa performance. Bon, en même temps, jusque là, il ne mentait pas tellement. Ils étaient effectivement partis pour aller manger un bout ensemble, sauf que le sujet de conversation n’était pas teeeellement les championnats. Bah, mensonge par omission…

« Et des mecs nous sont tombés dessus. J’sais pas trop ce qu’ils nous voulaient… »

Akemi le dévisagea avec une méfiance à toute épreuve et un air dubitatif. Visiblement la « brillante » histoire de Jin ne la convainquait qu’à moitié. Pourtant, ça aurait pu arriver. C’était probablement juste Jin qui n’avait pas l’air très convainquant. Ou alors c’était le fait que deux des meilleurs taekwondoistes de l’école se soient fait tabasser aussi facilement… Ouais. Forcément, de ce point de vue là…

« Des noms Monsieur Mashimoto, je veux des noms. »

Répliqua-t-elle sèchement, ne faisant aucun commentaire sur la plausibilité de son histoire, tout en tapotant distraitement son stylo sur son bloc-note. En temps normal, on aurait pu interpréter ça comme de la nervosité, mais dans le cas de cette femme, Jin était à peu près certain que ce geste avait pour seul but de les rendre nerveux, EUX. Ça marchait plutôt bien d’ailleurs, le bruit était particulièrement stressant.

Le sportif essaya de rester concentré sur son petit mensonge, faisant fi du stylo, et secoua la tête.

« J’les connais pas. Ils ne sont pas de l’Académie »

Répondit-il, essayant de soutenir le regard plein de reproches de la femme. Penchée au dessus de son bureau, les poings appuyés sur le bois du meuble, elle les regardait à tour de rôle.

« Et bien sur… » commença-t-elle, un sourire moqueur sur les lèvres. « …cette explication n’a RIEN à voir avec le fait qu’étant donné vos dossiers, à tous les deux, vous auriez de gros ennuis si je venais à découvrir que vous vous êtes bagarrés… n’est-ce pas ? »

La question semblait plus rhetorique qu’autre chose, mais Jin n’osa ni confirmer ni infirmer sa théorie. Il se contenta de redevenir totalement muet, se demandant ce qu’allait être la suite. Honnêtement, il ne pensait pas que l’adjointe croyait un seul mot de son histoire. Mais si elle ne les avait pas encore tous les deux fait renvoyer, et si elle insistait tellement, c’était qu’elle n’avait pas de preuve, pas de témoin. Donc pas de moyen de les coincer. Tant que l’un et l’autre refuserait de parler, elle n’avait rien. Cette pensée redonna un peu d’assurance à Jin. C’était ça : elle essayait de les bluffer.

L’adjointe finit par soupirer devant le silence pesant des deux garnements.

« Très bien » déclara-t-elle d’une voix trainante, croisant les bras sous sa poitrine. « Dans ce cas ça sera 3 heures de colle ce soir pour vous deux. Je suis sûre que notre concierge appréciera un peu d’aide pour nettoyer les sanitaires, tout ça. »

Jin écarquilla les yeux. Minute papillon… si elle n’avait RIEN contre eux, pourquoi au juste étaient-ils tous les deux punis ? Certes, il préférait mille fois récurer les WCs plutôt que de perdre sa bourse mais… pour le principe, ça le révoltait. Et puis ça signifierait qu’une fois de plus, il ne pourrait pas pratiquer son entraînement de taekwondo.

« Et donc nous sommes collés parce que… des voyous nous ont tabassé ? »

La phrase était mi-interrogative mi-affirmative, mais au fond, Jin savait que ce n’était pas vraiment la raison pour laquelle ils étaient collés –naturellement, ça n’aurait aucun sens. Il n’était même pas sûr quela challenger sur le sujet était une bonne idée. C’était le genre de femme qu’on ne voulait pas avoir comme ennemi. Pas de chance, pour Jin, c’était déjà le cas.

Akemi contourna son bureau, se plaçant devant celui, entre Noahki et Jin, un sourire mauvais sur les lèvres. Visiblement les deux sportifs l’avaient mise de mauvaise humeur.

« Prenez ça comme un avertissement. Cette fois-ci, vous vous en sortez avec une colle, la prochaine fois, qui sait, peut être un renvoi ? »

C’était dit sur un ton léger, mais la phrase était plutôt lourde de sens. Jin jeta un coup d’œil en biais à Noahki, se demandant bien ce qui justifierait un renvoi, pour lui. Au fond, Mashimoto avait pris Noahki en grippe sans même rien savoir de lui. Bon, à part qu’il était populaire, et qu’il voulait se taper Cammy –ouais… bon, il ne l’avait pas dit comme ça. Heureusement d’ailleurs.

Invité

« Ça s’est passé hier soir après l’entraînement. Je voulais parler à Saigara des championnats de Taekwondo, donc on est sorti de l’Académie pour aller manger dehors. »

Noahki a pris le grand soin d’éviter tout regard à Jin alors que ce dernier se résout finalement à parler. Et quand les mots ont atteint son cerveau, il n’a pas pu s’empêcher d’écarquiller les yeux, croyant encore prendre ses rêves pour la réalité. Et soit il rêve à demi, soit... il rêve complètement. Le populaire n’en revient pas et s’efforce de fixer un pan de bureau sur le côté comme s’il y avait quelque chose à fixer. Et quand Akemi a réclamé des noms, il a laissé apparaître un signe d’évidence comme quoi ils ne pouvaient pas connaître le nom de leur ravisseur. Quoi, généralement, ce genre de discussion ne vient pas avant de se bastonner. Ni après non plus. Même Akemi pouvait le concevoir, qu’elle le veuille ou non. Même si, il y avait justement beaucoup de même si.

-Je pense qu’ils nous prenaient pour les fils à papa de l’école. Ils étaient ...nombreux.

Grands, baraques, puissants, voudrait rajouter Noahki pour donner de la crédibilité à l’histoire, avant de s’infliger le silence pour ne pas détruire les efforts de chacun. Bien sûr, ce qu’il vient de dire pourrait complètement s’appliquer à sa propre personne mais ce n’est pas la question du moment.

-...Vraiment ? nargue la voix de la femme qui contient sa colère d’un ton volontairement dubitatif.

Quoi c’est vrai, le prestige de l’école bien que reconnu, drainait forcément des avis divergents comme la méprise de certains, à défaut de ne pas avoir pu l’intégrer. Souvent pour des raisons financières d’ailleurs, continue à penser Noahki. Il a tout de même jeté un coup d’oeil de côté lorsque Akemi sous entend la mauvaise posture non pas de son mais de leurs situations respectives. Tiens.

En tout cas le silence de plomb des deux, porte ses fruits puisqu’on ne parle pas de renvoi à proprement parler. Noahki manque de donner une grande bourrade satisfaite à Jin lorsqu’il entend la sentence tomber. Si ce n’est que ça... ouf bordel. Mais Jin, avec un air –assez indescriptible aux yeux de Saigara-, répète l’objet de leur corvée, faisant douter un Noahki dont on vient d’enlever le poids du monde de ses épaules. Tais toi, tais toi ! Le populaire se racle la gorge et il aimerait bien empoigner Jin et sortir de cette pièce, maintenant.

-Sortez avant que je change d’avis, a intimé Akemi. Je vous ai à l’oeil/Je vous aurai la prochaine fois, dit clairement le regard rempli d’éclairs de l’adjointe.

Dernier ordre exécuté sans demander son reste. On sait jamais, le temps d’une salutation, si elle change d’avis... Et Noahki ne s’est tourné vers Jin que lorsqu’il a été sûr d’être loin de la porte d’Akemi. Là, il a poussé un grand soupir de soulagement en se passant la main sur les yeux –pour la retirer aussitôt après avoir réveillé la sensation d’un oeil beurée. T’as trop géré mec/On a failli y rester/Merci, Mashimoto/Sans rancune ? C’est quelque peu encore difficile de sortir ça comme ça. Mais pour le coup il s’est retenu et a intériorisé la reconnaissance qui ne cesse de vouloir se manifester. Silencieusement, c’est la joie.

-... Bon, a-t-il commencé, en prenant soin de se composer une expression –c‘était facile-. Sauf que dans la réalité, ça donne pas grand chose vu comment son visage n’est pas celui habituel. -... ça aurait pu être pire.

Il ne reviendra pas sur le fait que leur petite altercation aurait aussi pu avoir des effets sur le dossier de Mashimoto. Une pensée revient alors sur le tas : Cammy. Tôt où tard elle aurait forcément vent de l’histoire. Et à tous les coups elle lui en mettrait plein la poire. Et ce n’était pas un élan de défaitisme mais parce qu’il était sûr d’une chose : il ne connaissait pas Logan. Haussant des épaules pour chasser cet afflux maussade, Saigara a levé la tête lorsqu’une voix l’a hélé. Il s’est tourné un instant vers son capitaine du TKD, lui a collé une tape sur le dos, -une sorte de merci dans un langage muet, et est parti rejoindre ses potes. Avec la pensée que Mashimoto serait aussi assailli de question au sujet de leur visite chez Akemi.

-Bon. Ben à ce soir après les cours.

Invité

Une petite victoire, mais une victoire tout de même. Certes, Jin aurait pu perdre gros à remettre en question la décision d’Akemi, mais c’était un peu malgré lui. Sans être un justicier masqué –quoique à force d’hématomes il allait finir par l’avoir, le masque- il n’aimait pas les injustices et ne pouvait s’empêcher d’élever la voix. Ça et puis le fait qu’il allait ENCORE manquer son entraînement. Etait-il le seul à s’inquiéter du fait que les championnats étaient dans moins de 3 mois et qu’il n’allait pas obtenir de bons résultats en récurant les chiottes ? Bon, certes, se faire renvoyer n’arrangerait pas franchement son cas mais… merde quoi. Cette Akemi et sa fourberie lui sortaient par les… yeux.

Qu’importe au fond. Jin ne se fit pas prier pour déguerpir du bureau de cette horrible femme. La porte s’est fermée derrière les deux sportifs qui ont continué à avancer dans le silence. Jin ne savait pas ce qui se passait dans la tête de Noahki, mais dans la sienne, c’était un concerto de ruminements et de grognements.
Le soupir de soulagement pour le moins bruyant de Saigara le tira de ses morfonderies (si, ce mot existe…) et il leva le nez vers le populaire qui le regardait avec une coiffure improbable –en même temps avec des cheveux comme ça, passer sa main dedans n’est jamais une idée brillante. Jin leva un sourcil, l’air de dire tu as quelque chose à dire ?. Sauf que forcément, ni Jin ni Noahki n’a le don de télépathie, alors essayer de communiquer en silence semble quelque peu…. Vain. Difficile de dire s’ils n’étaient DEFINITIVEMENT pas sur la même longueur d’onde ou si, au contraire, ils étaient faits pour s’entendre. Ils avaient en fait pas mal de points communs planqués sous des couches et des couches de points de mésentente.

Jin haussa les épaules au commentaire de Noahki. Ça peut toujours être pire. Mais il ne fait pas la fine bouche non plus : après tout, il a évité le renvoi et c’était de loin sa plus grande peur. Et cela grace à Noahki, au fond. Même si maintenant il a bien compris que le populaire avait aussi un dossier en jeu, il lui est toujours reconnaissant de ne pas l’avoir balancé.

« Merci »

Déclara-t-il finalement, dans une sobriété presque déprimante. Jin n’a aucun problème à manifester sa gratitude : ça faisait partie de ses valeurs. Après, il ne fallait pas lui demander toute la parade : et vas-y que je te saute au cou, que je t’embrasse, je te baise les pieds. Non non, juste un petit merci, mais au moins, c’était dit.

Il était sur le point de se murer à nouveau dans ses pensées mais une grande bourrade dans le dos le fit sursauter, et ses yeux s’arrondirent comiquement alors qu’il dévisageait Noahki, qui était déjà en train de trottiner vers sa bande de potes.

« Euh ouais… à tout à l’heure »

Marmonna-t-il en retour. Il n’était même pas certain de l’avoir dit assez fort pour que le populaire l’entende mais qu’importe, au fond.

La journée avait paru atrocement longue à Jin. D’ordinaire, il subissait les cours avec l’espoir et la motivation de rejoindre le club de taekwondo juste après. Ce jour là, la motivation était remplacée par la perspective déprimante d’aller nettoyer les WCs. En plus de cela, l’école entière semblait être au courant de ses heures de colle. Ça le rendait fou : pourquoi fallait-il que les informations se répandent plus vite qu’une trainée de poudre dans cette foutue académie ?

L’idée que le grand Mashimoto doive jouer avec les balais-chiottes le soir même semblait réjouir anormalement la population Keimoosienne. Pour tous ceux qui ne pouvaient pas piffer Jin et ses grands airs, c’était une délicieuse vengeance indirecte. Pour les autres, c’était juste amusant. Pour certains, c’était mérité : après tout, si un prolot comme lui mettait les pieds à Keimoo, ça devait être pour faire le ménage et rien d’autre. Heureusement que ce dernier lot était réduit, ce genre de mentalité rendait Jin malade et lui donnait envie de remettre le couvert et de casser quelques gueules. Mauvaise idée dans sa situation…

A l’heure prévu de la colle, Jin rejoignit donc le concierge près des toilettes. Il avait sorti le grand jeu : balais, serpillères, chiffons, éponges et divers produits de nettoyage. Jin se demanda un instant si c’était un traitement spécial pour eux ou s’il mettait toujours autant d’ardeur à nettoyer les lieux. Après avoir reçu quelques instructions, qu’il n’écouta que d’une oreille distraite, trop occupé à estimer combien de temps ce schmilblick allait leur prendre, ils durent se mettre à la tâche.

Attrapant une éponge, Jin commença par nettoyer les larges miroirs décorant les murs des WCs, peu pressé de plonger le nez dans la cuvette. Alors qu’il frottait la glace pour en ôter les traces de doigts, d’eau, de savon, et de choses plus ou moins… identifiables, ses yeux croisèrent le reflet de Noahki et le sien, et il ne put s’empêcher d’esquisser un petit rire. Décidemment, Saigara aura tout eu : le Jin souriant, le Jin ironique, le Jin moqueur, et maintenant le Jin qui rit. A croire qu’il était devenu privilégié.

Mais l’image des deux grandes perches, franchement amochés, avec un attirail de ménage pleins les paluches, avait quelque chose d’extrêmement risible et drôle.

« On a l’air fins… »

Murmura Jin, détournant son regard de cette drôle de scène pour le poser sur une tâche particulièrement résistante.
Il frotta comme un acharné, son visage se tordant en une grimace de concentration particulièrement ridicule. Il n’arrivait pas à croire qu’il avait atterri là. On le lui aurait dit la veille, avant sa « discussion » avec Noahki qu’il ne l’aurait pas cru.

« Dis voir Saigara… »

Commença-t-il, gardant ses yeux obstinément fixés sur ce qu’il nettoyait -enfin grattait, plutôt, tant certaines crasses semblaient s’accrocher à ce fichu miroir.

« Pourquoi tu es venu me parler de Cammy à la base ? »

Oh bah oui. Brillant Jin. Parfait. Profite du fait que vous soyez tous les deux seuls pour remettre sur le tapis le sujet qui a tout fait dégénéré. Excellente idée. Et cette fois-ci vous vous battrez en vous tapant dessus avec les balais-chiottes : ça fera moins mal, et ça laissera de bonnes odeurs.

Mais cette fois-ci, c’était demandé sans mesquinerie, sans moquerie. Le ton était neutre, juste interrogatif. Peut être était-il temps de mettre les choses à plat, non ? Maintenant qu’ils étaient tous deux liés par les liens sacrés du saint balais-brosse… ou quelque chose comme ça.

Invité

Avec ses élans de mauvaise foi, Noahki est certain qu’Akemi a expressément choisi de leur faire récurer les chiottes. Et lorsque le concierge sort son artillerie lourde –après avoir retenu un air suspicieux quant à la figure de ces deux gamins-, le populaire ne peut s’empêcher de grimacer aux instructions données. Se retrouver à nettoyer les WCs... ça a d’un coup une perspective beaucoup moins réjouissante, même si c’est une peine allégée comparé au renvoi qu’ils ont frôlé. D’ailleurs, dès que ces rumeurs ont éclaté, ses potes n’avaient pas hésité à le railler pour attiser ses nerfs ; sans compter ceux qui, de suite, s’étaient enthousiasmés/horrifiés de la chose, selon les affinités. Finalement, il se serait bien défoulé au dojo plutôt que de se contenter de tenir du bout des doigts une éponge pendant trois heures. Qu’est ce qu’il avait fait pour mériter ça, il se le demandait –plus ou moins- mais quand même. C’était de mauvais goût.

Pas plus empressé de s’occuper des cuvettes et pissotières, le populaire a simplement commencé par le plus supportable moralement, à savoir les miroirs du côté opposé de Jin. Armé jusqu’aux dents –en regrettant sincèrement que les gants ne puissent pas le couvrir jusque là- il commence avec avec peu de conviction à frotter toutes les surfaces douteuses à bout de bras en balançant plus de produit –aux propriétés dont il ignorait leur simple existence- que de mouvements pour les retirer. En tout cas, il n’avait pas grand chose à dire, bien qu’intérieurement, il fulminait en insultant chaque tâche peu enclin à s’effacer au premier coup d’éponge. L’exercice dédaigneux ne marchant pas bien longtemps, Noahki a simplement commencé à astiquer de toutes ses forces, s’encourageant à la seule pensée que plus vite il s’en occuperait, plus vite il sortirait de ce merdier. En fait, c’était poilant.

A voir, seulement.

-Au point de vue où on en est... a grogné le populaire, sans avoir croisé le regard de Mashimoto, mais aperçu l’ombre d’un sourire passer. -Et pourquoi tu te mares !

Il avait l’impression d’y perdre toute sa dignité et ça lui coûtait, cette corvée. Il n’y a pas de bas métier certes, mais d’un point de vue fils à papa qui passe la majeure partie de son temps à se la raconter, ça a l’effet d’une gifle qui le remet bien à sa place. A la limite, il l’aurait fait dans un lieu autre que l’école, mais là, c’était sous l’avis et remarques de tous les élèves, profs et autres qu’Akemi l’exposait comme ça. Humiliant.
Occupé à entamer le lavabo d’un air farouche, c’est la phrase de Mashimoto qui l’a fait ralentir, pour finalement se retourner. Étonné, il a vu ses propres traits se détendre dans le reflet du côté où travaille le sportif, laissant passer une hésitation dans l’attente du signal pour balancer une pique salée à la moindre remarque. En fait, il ne pensait pas que ce serait Jin qui remettrait le sujet sur le tapis. Du moins, pas d’un ton aussi neutre, vu comment ça s’est terminé hier. Comme Noahki est dans le genre à camper sur ses positions et à attendre que le noeud se défasse de lui-même, il n’avait pas un instant songé à aborder de nouveau ce qui s’était avéré fâcheux. En même temps... avec toutes les vulgarités qu’il avait collé à Mashimoto la veille, il devait bien admettre qu’il ne connaissait rien de ce type.

-Bah, a-t-il finalement fait en haussant des épaules, observant un petit moment l’acharnement d’un Jin concentré sur sa tâche, je voulais en savoir plus sur elle. C’est un peu une fille bizarre.

Presque irrité de voir autant d’investissement de ce dernier sur une pauvre tâche résistante, Noahki a attrapé un produit, puis a bousculé sans violence son voisin. –Vas y arrête de frotter mec, ça part avec ce truc !

Il n’avait pas forcément retenu ce qu’avait déblatéré le concierge, mais vu que ça semblait relativement efficace contre la la crasse, il en pulvérisait partout.

–Vlà, quoi.

Satisfait, il est allé attaquer un lavabo non loin pour continuer son manège. A en croire que ça finissait par lui plaire. Avec ça, il viderait le stock du concierge mais Akemi n’aurait qu’à improviser autre chose, la prochaine fois. En espérant qu’il n’y ait quand même pas de prochaine fois.

-Fallait bien commencer quelque part, mais je savais pas que... Que quoi. Que Jin était proche de Cammy ? En fait je sais toujours pas grand chose.

Ton plat sans reproches, pour un aveux franc. Sans compter que Cammy l’avait déjà fait balader sur les roses depuis plus d’une fois. Autant de fois où Saigara s’était dit qu’il arrêterait son manège avec elle, mais qu’il revenait quand même à la charge dans cette quasi obsession de mieux la connaître. Galérien, dans un cercle vicieux où il renvoie son image de fils à papa que ne supporte pas l’Australienne. Le japonais savait pertinemment qu’elle ne voyait en lui qu'un -crétin de- populaire. Crétin comme il pouvait aussi se qualifier ainsi après les soirées, et son habitude à aller s'amuser avec les filles alors qu'il tentait encore de gagner sa crédibilité. C'était quand même assez complexe, finalement.
Un jour, à tourner autour du pot, il finirait bien par taire cette lubie qu’il voudrait momentanée. Quoi qu’il en soit, il a simplement parlé d’un ton moins impliqué que ce qu’il ne l’est réellement. Laissant couler l’eau il poursuit son nettoyage pour finalement attaquer d’un air aussi neutre que possible, le moins sexy de l’histoire, une brosse WC à la main. Il laissera quand même un air dégouté apparaître sur ses traits alors qu’il s’y apprête.

-A la base, a repris Noahki, je pensais pas que ça finirait comme ça hier.

Sorte d’excuses ? En tout cas, Saigara admet qu’il ne pensait pas qu’il viendrait balancer des coups aussi facilement, de un, à son capitaine du tkd et de deux, pour Cammy. S’être autant emporté le surpend même si forcément sur le coup, c’était un enchaînement de conséquences. Mais le meilleur, c’est peut être encore que Saigara est en train de causer sans voir Jin, autrement dit au blanc cassé des chiottes. Et à défaut de recommencer à harceler le sportif sur la nature de sa relation avec Cammy, Noahki a fini par lâcher cette question pour en préférer une autre. Une étrange manière de trouver une accroche pour finir par faire connaissance avec un type qu’il a vu tous les jours sans y faire attention.

-Genre... c’est pourquoi que Yoshida en voulait pour ton dossier, toi ?

C’est qu’on les enchaîne, les questions délicates, avec les balais de chiottes...

Invité

Après avoir lâché sa question comme on lacherait une bombe puante, Jin s’immobilisa, attendant la réponse, comme si le fait de bouger risquer d’effrayer Noahki dans son processus de réponse et de le faire reculer comme une bestiole apeurée. Ses yeux gris observèrent attentivement le populaire, guettant sa réaction, cherchant à savoir si le sujet était toujours glissant de son côté où si on pouvait y risquer un orteil -ou carrément une jambe, dans le cas de Jin-le-pas-très-subtile. Noahki semblait sur ses gardes, prêt à répliquer s’il le fallait, mais le japonais ne lui envoyait aucun signal hostile, juste de la pure curiosité. Et Noahki finit par lui répondre. Réponse qui tira un sourire à Jin. Bizarre, hein… Oui, Cammy était probablement bizarre, en un sens.

Il fut tiré de ses pensées par un Saigara qui venait de le bousculer gentiment pour lui montrer le produit magique. Jin hocha la tête en guise de remerciement, s’empara du produit, et s’en servit pour terminer le décrassage du miroir.

« Toi aussi tu es un mec un peu bizarre »

Lâcha-t-il, haussant les épaules à son tour. Ce n’était nullement une remarque offensive. Pas une tentative de « c’est c’ui qui dit qui est », juste une remarque qu’il pensait sincèrement. Il ne pensait pas cela depuis longtemps ceci dit. La veille, Noahki était juste un connard –oui, carrément, un connard. Aujourd’hui, il n’était plus un connard, mais il était sans conteste intriguant et…. Bah oui, bizarre.
Le bizarre était un concept parfaitement flou regroupant toutes sortes de choses, des choses bien, des choses moins bien, des choses carrément nulles. Le bizarre pouvait être positif comme négatif, mais toujours perturbant quoique soit son signe. Jin ne savait pas bien encore si Noahki était un bizarre + ou un bizarre -. A priori, il avait plutôt l’air d’être un type bien … mais sa réputation ne l’aidait pas vraiment à passer pour un ange.

Tirant sur les mèches noirs qui pendouillaient de part et d’autres de son visage, l’air pensif, Jin considéra un instant ce que venait de lui dire le populaire.

« Ouais. » répondit-il, d’un ton tout à fait neutre. « J’imagine que j’ai pas été d’une aide remarquable sur le sujet hier… »

Et c’était vraiment le moins que l’on puisse dire. Une sorte de mea culpa/excuse en quelque sorte également. Ces deux là n’étaient définitivement pas très doués niveau communication. Des mecs, quoi, vous répondraient certains. Sauf que Jin devait être encore en dessous de la moyenne masculine dans ce domaine là, et ce n’était pas peu dire. Seulement maintenant, pour une raison que lui-même n’arrivait pas bien à cerner, Noahki lui semblait bien plus…. Sympathique. Comme si lui avoir tapé dessus la veille avait purgé toute la haine qu’il lui avait voué le temps de quelques minutes. Gros bourrin ? Peut être bien. En attendant, cela semblait avoir assaini leur relation. Et les toilettes aussi, au passage.

Parlant de toilettes, Jin abandonna lui aussi le miroir, plus que propre à ce stade là, pour se diriger vers la tâche bien moins alléchante qu’était le récurage de cabinet, et ce tout en laissant son attention focalisée sur Saigara –c’était mieux que les WCs, dans tous les cas.

Jin hocha la tête, l’air de dire qu’il comprenait –et, s’il s’agissait d’excuse, qu’il les acceptait. Il était bourru, plein de préjugé, un peu con parfois, mais pas franchement rancunier à bien y penser. Il révisait d’ailleurs volontiers son jugement sur les gens après avoir eu l’occasion de les connaitre un peu plus, son amitié avec Kim en était la preuve.

« Honnêtement » répondit-il, puisqu’ils en étaient visiblement aux confidences. « Moi j’ai un peu tout fait pour que ça finisse comme ça »

Il ponctua sa phrase d’une moue de la bouche « désolée-pas-si-désolé », l’air de dire « ok, mea culpa, j’ai fait le con » et en même temps « ce qui est fait est fait, n’en parlons plus ». Même si de toute évidence, ils en parlaient. Jin avait une grosse part de responsabilité, après tout, il avait délibérément provoqué Saigara pour que celui-ci déclenche les hostilités et qu’il puisse ensuite répliquer. Ce n’était ni très classe, ni très malin mais enfin, 17 ans pour un garçon, ne parle-t-on pas d’age con ?

Jin hocha brièvement le nez de sa tâche, observant un moment de silence suite à la question de Noahki. Pas que la réponse soit fondamentalement difficile en fait, ni particulièrement secrète non plus. Il était juste…. Etonné que Noahki n’ait pas fait le lien entre le fait qu’il était boursier et le fait que…. Bah l’administration avait un sacré moyen de pression sur lui pour cette raison. A moins que Saigara ne sache tout simplement pas que Jin soit détenteur d’une bourse. Surprenant, encore une fois. Pas que le sportif se prenne pour le centre du monde, mais il était vrai qu’il était assez connu pour ça, à l’académie. Pour être le boursier, le « prolo » comme certains l’appelaient, qui n’avait pas grand-chose à foutre ici selon la majorité des étudiants de Keimoo.

« Bah… je suis boursier ici, et l’acceptation de ma bourse était soumise à conditions. L’une des conditions, c’était que j’ai des notes acceptables. L’autre, c’était que j’arrête de me battre »

Déclara-t-il, préférant tout expliquer dans le cas où Noahki ne saurait effectivement rien à son sujet.

« Comme mes notes sont franchement pas terribles, Akemi m’a dans le nez. Je pense qu’elle attend la bonne occasion pour me faire sauter, ça doit la faire chier qu’il y ait un boursier mauvais élève qui traîne dans les couloirs de son académie »

Enchaîna-t-il, ne cherchant pas particulièrement à cacher la moquerie dans sa voix. Il avait bien conscience d’être un genre d’indésirable aux yeux de pas mal d’élèves et de quelques personnes dans la direction, il savait aussi qu’il y avait quelques personnes qui valorisaient le sport et donc sa présence en ces murs. Il comptait un peu sur ce soutien pour ne pas sauter.

« Alors forcément tu imagines bien à quel point me choper en flagrant délit de bagarre lui arrangerait les choses »

Conclut-il, un sourire dépité sur les lèvres. C’était triste à dire, mais elle aurait sûrement raison de lui, car se battre était quelque chose qu’il avait malheureusement du mal à éviter, et tôt ou tard, on finirait bien par lui mettre la main dessus. Au fond, ce n’était probablement qu’une question de temps.

En attendant, Saigara lui avait facilité la tâche en lui posant la question en premier. La curiosité avait également frappé Mashimoto, et il était bien plus simple de retourner une question que de tirer le premier, non ? D’autant que pour le coup, le japonais n’avait AUCUNE idée de ce qui pouvait avoir amené Noahki dans la ligne de mire de l’adjointe.

« A ton tour, comment es-tu devenu sa cible ? »

Demanda-t-il donc en retour, retournant cependant à sa tâche, car les toilettes ne se nettoieraient pas toutes seules -malheureusement.

Invité

Noahki s’est figé net dans son nettoyage de carreaux en entendant le sportif lancer sa réflexion.

-Moi, bizarre ? a-t-il répété, presque ébahi. T’es sérieux là ? Mais pourquoi !

Évidemment, dans son esprit, il ne l’était pas et on ne le lui en avait jamais fait la remarque. Le fait de se voir attribué le terme de bizarre, c’était comme l’effet de se voir collé un qualificatif complètement décalé à sa personnalité, -son avis. Et à son avis encore, il aurait davantage qualifié Jin de « bizarre » sans non plus tomber dans la boucle du renvoi des mots dans la figure de l’auteur. D’où le concept du mot bizarre étant un mot englobant bien des choses. Cela dit, Noahki ne s’offusque pas tant de la chose, pas autant que ça le surprend du moins. Reprenant finalement ses activités, il a haussé des épaules en tentant de relativiser sur sa tâche.

-C’est bon c’est bon, n’en parlons plus ! a finalement coupé le populaire en agitant sa brosse, en voyant l’air de Jin dans ses excuses plus ou moins détournées, excuses auxquelles il sentait qu’il lui-même allait en rajouter pour s’excuser dans le même genre. Parce qu’il n’avait pas non plus arrangé la chose hier. Lui, il en avait vingt mais agissait encore comme un con : il n’y en avait pas un pour arranger l’autre.

-Ce soir je prends la plus longue douche de ma vie, je sors plus de la salle de bain, c’est fini ! a-t-il ragé en retournant aux cuvettes.

Effectivement, il y avait eu des rumeurs à un moment donné sur un certain boursier à l’école mais Noahki avait laissé passer l’information, sans doute perdu dans ses propres intérêts à lui. Probablement qu’il en avait vaguement entendu parler mais on le lui aurait dit qu’il en aurait haussé des épaules. Non pas vraiment par compassion, mais qu’est ce qu’il en avait à faire, lui, qu’un tel soit perçoive une aide financière ou pas ? Peut être qu’en réfléchissant, il aurait pu au moins en louer ses causes, mais non : ça lui avait paru indifférent. Maintenant qu’il apprenait que c’était Jin, il se met à y penser avec un tant soit peu plus d’attention : l’éducation dans cet établissement n’était pas aussi généreusement offerte à tout le monde. Difficile de l’admettre quand les parents payent le tout sans compter. Quand il n’y a pas de cause à supporter parce qu’elle est déjà toute donnée. D’un coup, Mashimoto revêtait d’une cause plus noble, plus louable que la sienne du moins. Lui, il se contentait d’être un peu le cancre de la classe et le populaire fêtard. Le populaire qui d’ailleurs avait failli faire coûter les études d’un autre, au passant. Ce n'est pas non plus ce qu'il vise.

-Akemi, cette femme je peux pas me la cadrer.

Elle avait tout intérêt de garder les Saigara dans son école de prestige pour des raisons financières ainsi que de renommée, tout en rêvant de jeter Noahki hors de son enceinte pour avoir repiqué son année. Les mauvais élèves, elle n’en voulait pas, et encore moins ceux qui ne la respectaient pas. Elle et son règlement. D’une certaine part, son attitude était rationnelle mais aux yeux de Saigara, elle avait tout d’une attitude provocatrice. Un mépris physique, qu’il lui vouait dès le début.

-Déjà je suis pas très bon élève et j’ai repiqué cette année. J’ai eu plusieurs fois affaire à elle pour ça et parce que j’ai pas toujours été très assidu non plus. Surtout l’an dernier, j’ai grillé pas mal de fois le couvre-feu entre autres...

Combien de fois elle tolèrerait ses dépassements, il ne le savait pas mais Saigara savait qu’il jouait avec le feu. Raison pour laquelle il s’était installé en coloc dans le calme avec Kaede et Shiro pour essayer de réduire les soirées entre populaires dans les chambres de l’académie. Il n’y gagnait rien de bon en étant au cœur des bruits et des rumeurs. De temps à autre, il nichait quand même à l’école. D’autres fois, plus loin, parce que réviser au milieu de ses potes et d’un troupeau de ci et de ça ne lui était pas quelque chose d’aisé.

-Comme elle connait mes parents, elle leur cafte un peu tout. Enfin même si d’un côté je l’ai cherché, j’essaye de me rattraper comme je peux, ça me ferait quand même chier d’être viré d’ici. Mais une fois que t’es dans son collimateur, t’en sors pas avec cette femme, c’est franchement pas un cadeau.

Frottant énergiquement les surfaces Noahki verse un seau d’eau dans les wcs pour finaliser son œuvre. Et quelle œuvre.

-Depuis, je prends des cours particuliers avec Cammy.

Qui a dit séance c'est mylife.net ?

Invité

« Arff… à qui le dis tu… »

Approuva Jin, hochant la tête d’un air exaspéré. Dire que Akemi n’était pas un cadeau, c’était vraiment peu dire. Cette nana était une psychopathe acharnée, au moins. Mais quelque part, il était rassurant de voir qu’il n’était pas sa seule victime. Bon… pas vraiment rassurant. Réconfortant plutôt. L’idée qu’ils pouvaient se serrer les coudes entre cibles était plutôt pas mal.

« A force de la voir s’acharner sur moi, je pensais pas qu’elle avait encore assez d’énergie pour d’autres victimes »

Fit-il remarquer, un sourire en coin.

« Elle est vraiment pleine de ressources »

Ajouta-t-il, secouant la tête d’un air désabusé. Et dans ce cas là, ce n’était pas vraiment un compliment. En fait, dans le cas de cet être diabolique –et non, il n’exagérait pas- RIEN n’était jamais un compliment. A se demander s’il y avait des gens pour la supporter. Genre… un mari ? Un mec pouvait-il supporter une telle plaie ? Probablement pas. A moins qu’il soit pire qu’elle, ce qui était une perspective assez…. Flippante du point de vue de Jin. A bien y réfléchir, Akemi était sûrement l’unique personne dont jin était plus effrayé que ses parents.

« Et ça fait genre… longtemps, qu’elle est sur ton dos ? »

Demanda-t-il alors, curieux.
Juste histoire de savoir… combien de temps on pouvait survivre avec un démon qui veut votre tête… ou quelque chose du genre.
Surtout que s’acharner sur des étudiants en difficulté n’était pas vraiment l’idée du siècle pour les faire progresser. Visiblement , cette nana n’était pas une spécialiste en pédagogie. Probablement le type de personne à se dire qu’il valait mieux supprimer la vermine pour augmenter la moyenne plutôt que d’aider la vermine à s’améliorer. Classique, et stupide.

Heureusement qu’il y avait des gens comme Cammy pour aider les « vermines » en question. Malheureusement, ce genre de personnes ne courraient pas les rues. C’était probablement pour cela qu’on lui courait après. La demoiselle était une denrée rare et de valeur. Noahki aussi semblait l’avoir compris. Il venait d’ailleurs d’annoncer à Jin qu’il prenait des cours avec la rouquine.

« Ah bah… nous sommes donc deux »

Répondit-il, un léger sourire flottant sur ses lèvres. Il était amusant de constater qu’en creusant un peu, Noahki le populaire tombeur de filles et Jin l’imbuvable sportif avaient pas mal de choses en commun. En dehors du taekwondo, ils étaient tous les deux les bêtes noires de l’adjointe –et réciproquement d’ailleurs- avaient un léger attrait pour le combat, avaient des problèmes scolaires évidents, et essayaient de contrebalancer les problèmes en question en prenant des cours avec Cammy. Amusant. Et inattendu, aussi.

« Et alors, à part ces cours, ça se passe…. Comment avec Cammy ? »

Curiosité malplacée ? Peut être bien… Cammy était son amie. Noahki était…. Son jumeau maléfique qui avait basculé du côté populaire de la force ? Quelque chose comme ça. Qu’importe. Maintenant qu’ils s’étaient lancés dans le sujet, et qu’il ne ressentait plus l’irrépressible envie de lui casser la gueule dés qu’il suggérait de manière plus ou moins directe qu’il était intéressé par Cammy. En fait il ne l’avait pas vraiment dit… mais Jin avait beau avoir les capacités compréhensionnelles d’une huître, il pouvait parfois se montrer très perspicace –mais jamais lorsque ça arrangerait tout le monde, naturellement. To be a pain in the ass or not to be…

« Euh… si c’est trop personnel dis le hein…. Je deviens étonnamment bavard quand je nettoie les chiottes »

Enchaîna-t-il, un sourire d’auto-dérision sur le visage. Il était vrai qu’il devenait plutôt bavard, en comparaison avec le Jin rembruni auquel on avait le droit d’ordinaire, il n’était cependant pas certain que ce soit la fosse septique qui déclenche ces accès de parlotte. Probablement pas la douce odeur du désodorisant ou de la javelle.
Soupirant doucement en constatant qu’il y avait beaucoup trop de toilettes dans ces…. Toilettes, Jin se gratta le front avec son poignet pour éviter le contact peau-produit de nettoyage.

« La vache. Si je rêve de WCs cette nuit, je le jure, j’éventre l’autre tarée… »

Grogna-t-il, s’imaginant tout à fait en train de massacrer la tarée en question, c’est-à-dire Akemi, avec une tronçonneuse… ou même une petite cuillère. Tout était bon pour lui faire payer ses punitions pourries.
Levant le nez vers Noahki, Jin plissa légèrement le nez.

« Tu penses que ça va nous prendre la soirée cette connerie ? »

Pas que Jin ait vraiment des… plans, pour sa soirée. Il n’était pas franchement un animal nocturne, ou un fêtard ou…. Tout autre forme d’être plutôt sociable. Les bars, tout ça, c’était pas franchement son truc. Mais bon. Tout était mieux que de passer la soirée à nettoyer des toilettes et des douches. Même un bar. Même sa chambre toute vide. Même la maison de ses parents, et ce n’était probablement pas peu dire !

Invité

-Ouais, c’est la pire de l’académie. Depuis la fin de ma première année... ça commence à faire quand même. Quand j’ai commencé à chercher des embrouilles, elle m’a bien trouvé.

Akemi Yoshida le démon de Keimoo. Haussant des épaules agacé, Noahki a soupiré sans s’arrêter dans sa tâche, levant un sourcil intrigué à l’aveu de Jin. Il n’était donc pas le seul privilégié à prendre des cours avec Logan et elle ne le lui avait pas dit ! Rectification : Cammy Logan n’avait jamais rien dit à Noahki Saigara. Dans cette histoire, il avait cherché par tous les moyens à la débloquer pour en savoir plus mais finalement c’était toujours par le biais des autres qu’il en apprenait sur elle.

-Ah oui ? se contente-t-il de dire.

Ce n’était plus la peine de vouloir en coller une maintenant. De toute façon, ni l’ambiance, ni l’envie y était, après ce quart d’heure nettoyage des chiottes et aveux... Il fallait bien admettre ce qui était.

-Bah... par forcément que je le voudrais. Je prends des cours d’histoire parce que ça rentre mieux quand elle me les fait réviser mais je pense pas être un cadeau pour elle, concède-t-il. Elle fuit les gens « comme moi ».

Il avait repris les mots de la jeune fille. Les populaires entre autres. L’état d’esprit et la synergie qui s’en rapprochent.
En tout cas, il n’y avait pas à dire, Cammy les fuyait comme elle pouvait et Noahki ne la comprenait pas. Il émit un ricanement sur la réflexion de Mashimoto et finit par jeter le balai-chiotte au sol en se relevant.

-Bon. Je propose qu’on aille poser le matos utilisé sur le bureau d’Akemi... Enfin bon, on se tire d’ici, on a assez nettoyé là non ?

C’était facile à dire qu’à faire, sachant que le concierge serait à leur trousse. Mais Noahki se fichait bien des risques derrière, une fois de plus.