Travail, sieste et...

Un silence étrange régnait dans la salle de permanence d’habitude tellement bruyante. Il fallait dire que ce ciel bleu et cette température agréable ne poussait en rien les étudiants à s’enfermer dans une classe. Assis tout au fond, dans le coin près d’une fenêtre, Edwin avait déjà détaillé le peu de personnes présentes. Une fille au sourire niais qui parlait à voix basse avec celui qui devait être son petit ami. En vérité, la seule nuisance perturbant le calme venait de leur table lorsqu’elle se mettait à rire d’une manière on ne pouvait plus détestable. Celui qui l’accompagnait était un sportif qu’il avait déjà vu en train de courir mais dont il ne connaissait rien de plus, aussi il ne s’attarda pas plus sur eux hormis pour envoyer un regard méprisant à celle qu’il méprisait. Cela pouvait paraître excessif mais depuis cet incident quelques jours plus tôt, le jeune homme haïssait la présence féminine qui était devenue synonyme de perfidie. Ce couple se situait au tout premier rang, juste à côté de la porte. La dernière personne présente était une sorte d’hotaku qui avait une pile impressionnante de mangas devant lui. Il ne s’ennuyait pas lui pensa amèrement le joueur de tennis en reportant son attention sur l’extérieur. Plus tôt, il avait pu voir un groupe de membres de son club passé d’un pas tranquille pour se rendre à l’entraînement. Sans lui... Sa main se posa instinctivement sur sa cuisse.

En y repensant, il avait vraiment été un imbécile ce jour là. Chercher cette espèce de brute tout ça pour essayer de l’éloigner de cette fille... Quel crétin ! Les rumeurs lui étaient parvenues par la suite et il avait finalement compris le comportement de son copain. Vraies ou fausses, il n’en savait rien, mais Edwin avait au moins compris que ce n’était pas forcément quelqu’un à fréquenter. Il lui en voulait désormais. De l’avoir embrassé, de l’avoir fait tabassé, de l’empêcher maintenant de pouvoir jouer à cause d’une blessure... Le visage déformé par des hématomes et des points de sutures au niveau des arcades, le pauvre lycéen se retrouvait contraint à faire ce qu’il n’appréciait pas forcément : étudier. C’était tout ce dont il était en mesure de faire de toute façon. Bien sûr depuis qu’il était arrivé dans la salle, il n’avait pas vraiment avancé, simplement relu du vocabulaire d’anglais, rien de plus. Finalement, le garçon abandonne en s’écroulant contre son dossier, cherchant instinctivement dans sa poche son baladeur. C’était un vieux modèle de walkman, il n’était toujours passé au numérique et se contentait de cassettes audio. Bien sûr il avait moins de choix sur lui, mais vu que ce n’était non plus sa passion, ce n’était pas important. Bientôt les mélodies plutôt douces de Remioromen affluèrent à ses tympans et il oublia ce qui l’entourait pendant quelques instants. En fait, cela dura jusqu’à l’éclat de rire suivant. Celui de trop en quelque sorte. Rapidement, le cahier ouvert sur le bureau glissa dans son sac avec un geste brusque et il se leva pour quitter les lieux. En arrivant à hauteur du couple dont la fille lui lança un regard du genre " Tu peux pas faire moins de bruit ? " auquel il ne put s’empêcher de répondre.

« Tu t’es pas entendue ? »

Apparemment ce n’était pas la chose à dire devant le preux chevalier qui l’accompagnait. Ce dernier se leva dans un bond, le poing serré, près à frapper. Edwin soupira profondément en passant la porte d’un pas nonchalant sous les insultes de ce super protecteur. Pourquoi protéger une telle personne ? Si ça se trouve, elle le quitterait dans les jours qui viendraient ou alors peut être qu’elle le tromperait simplement. La deuxième solution serait sans doute la pire, mais le lycéen ne pouvait même pas plaindre ce gars. Il l’aurait cherché de toute façon alors...

« Quel imbécile... »

Exaspéré, il interrompit la musique, préservant ainsi le peu de piles qui lui restaient et se dirigea vers le salon. Bien que ce soit généralement la pièce la plus fréquentée en temps normal, le garçon espérait que l’appelle du soleil était assez puissant pour lui permettre d’être tranquille un moment. Et puis, il pourrait trouver une boisson au distributeur au passage. Ce fut donc plein d’espoir que le garçon poussa les portes d’une pièce agréable. Edwin fut légèrement surpris. C’était vide ! Entièrement, pas la moindre gène à l’horizon. Le sourire aux lèvres, il referma la porte derrière lui et alla tout de suite glisser la monnaie suffisante pour un ice tea, n’appréciant pas les autres boissons, pour la plupart gazeuse. Son achat effectué, il se laissa tomber dans un des fauteuils à disposition. Il ouvrit rapidement la bouteille dont il but une longue gorgée rafraichissante avant de la poser sur la table en face de lui. Conquit par le calme, le jeune homme ferma les yeux et se laissa bientôt porter par un sommeil reposant.

***

Combien de temps exactement cela dura, le creepy n’en savait rien, mais le bruit de l’ouverture de la porte l’avait rapidement sorti de sa sieste improvisée. Comme s’il sortait d’une longue nuit de sommeil, Edwin vint appuyer ses coudes sur ses genoux, sa tête tombant dans ses mains. Le réveil avait été brutal et la lumière artificielle semblait comme toujours bien trop agressive avec ses pupilles. Il ne vit donc pas tout de suite qui était ce nouvel arrivant, ou peut être nouvelle arrivante et il s’en moquait. Le plus tard possible serait le mieux. Préserver de la vision par ses paumes, il restait pendant quelques secondes dans son paradis solitaire qui bientôt sans doute se briserait.