₪ Académie Keimoo ₪

In a decade, will you be there ?
 
AccueilAccueil  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le deal à ne pas rater :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : où l’acheter ?
Voir le deal

 

 Journée verte & Semaine d’Or

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité
Anonymous



Journée verte & Semaine d’Or Empty
MessageSujet: Journée verte & Semaine d’Or   Journée verte & Semaine d’Or EmptyMar 11 Mai 2010 - 11:24

29 avril. Fête nationale célébrant l’anniversaire de l’ancien empereur Showa. 3 Mai. Commémoration de la constitution. 4 mai. Journée verte. 5 mai. Journée des enfants. Autant de jours fériés qui constituent la Gōruden Wīku. Toutes les écoles et universités sont fermées durant cette période, la plupart des entreprises ne tournent qu’avec un minimum d’effectif… et dans mon cas, je fais parti des courageux travailleurs. Sur la base de volontariat, bien entendu. En gros, je bosse un peu comme d’habitude. Si ce n’est le fait que ça soit de jour et les sept d’affilés. Etre agent de sécurité, c’est vivre de façon différente des autres entreprises. De jour, de nuit, jour fériés quels qu’ils soient, même Noël et Nouvel An. Définitivement, les jours se suivent et se ressemblent. La seule chose qui m’évite de perdre la notion du temps, c’est l’environnement global. En fonction des animations dans les rues, de la clarté du jour, de l’expression de la population… je peux presque dire, sans me fier au calendrier, quel jour nous sommes. La Golden Week à Keimoo, c’est du monde sur les plages, différents festivals auxquels je ne peux assister, des feux d’artifices, les parcs pris d’assaut par les familles, les couples.

Très peu pour moi. Nous sommes le 4 mai, c’est la journée de la Nature. J’ai travaillé de 8h à 20h et le calme de l’usine était ma Green Day à moi. Les machines étaient presque toutes à l’arrêt. Ces derniers jours, il y avait un minimum d’employés, demain ils reviendront. Aujourd’hui, personne. Seul le service de sécurité est présent sur les lieux. Ces dernières heures, nous étions quatre mais pour les prochaine, comme d’habitude, deux personnes suffisent. Dans les vestiaires, je plaisante un peu avec les collègues, je refuse encore une fois leur invitation à une soirée. Désolé les gars, mais les bars à putes ce n’est vraiment pas mon genre. Enfin, ce n’est pas comme ça qu’ils appellent ça. Ils préfèrent dire « club de striptease ». Mais nous savons très bien ce qu’il se passe en coulisse dès qu’un client veuille bien sortir généreusement quelques billets supplémentaires. Et puis, même si les femmes ne m’écœurent pas, aucune ne m’a encore bien convaincu de m’intéresser à leur plastique. C’est pourquoi j’ai bien l’intention d’aller boire un verre ce soir, mais pas dans le même quartier, et pas pour le même genre de clientèle. Il y a bien longtemps que je ne suis pas sorti de mes murs. Usine-studio, studio-usine, c’est le même refrain chaque jour. Livraison à domicile et Internet, je me suis autoproclamé prisonnier, dans un espace plus ou moins restreint ou hostile. Il est grand temps que je me remette en question et que je fasse véhiculer de l’air dans ma misérable existence.

Depuis quelque mois, je communique avec une personne dont j’ignore le nom, sur une chatroom G&L. Je ne connais pas son visage, il ne connait pas le mien. Il en sait beaucoup plus sur moi, que moi sur lui. Par exemple, il connait mon prénom – pas difficile, c’est mon pseudo – et que je travaille dans la sécurité. Le thème du chat suffit pour l’informer sur mes tendances, cela va de soi. En fait en quelque mois, on n’a quasiment rien appris l’un de l’autre. Ce qu’on a en commun, c’est cette solitude qui nous enveloppe, qui se colle à nous au quotidien. Elle n’est pas un ennemi. Je l’ai même longtemps considérée comme un bienfait. Mais elle ne me suffit plus. Mon corps se manifeste de plus en plus. Il a besoin de toucher, d’être touché aussi. Je ne veux pas être juste un esprit qui tourne autour de tout sans y accorder la moindre importance. Il m’arrive de ne pas comprendre pourquoi j’ai peur de devenir invisible, pourquoi j’ai ce besoin d’exister alors que tout ce que je souhaitais en arrivant ici, c’était de me considérer comme mort. Serais-je donc en train de m’habituer à la trahison de Matthieu ? C’est lorsque je commence à oublier son visage, je fouille dans mon portefeuille et ressort cette photo que je n’ai jamais su brûler totalement. Peut-on vraiment aimer une personne toute sa vie, même si elle n’en fait plus partie depuis longtemps ? De retour chez moi, assis sur mon convertible, je sors une cigarette. Attrapant la télécommande de ma chaine hifi, je lance la platine-laser. The sun always shines on TV. A-ha était un groupe d’origine norvégienne, célébrissime par leur « Take on Me » ou bien ce titre précédemment nommé. Je ne sais pas pourquoi j’adore ce groupe. Pour son style eighties probablement. J’étais trop jeune pour suivre parfaitement leur succès en temps réel. Alors évidemment, je me souviens du clip de Take on Me. Qui n’en a pas été marqué à l’époque ? Utada Hikaru a tenté une reprise. Un véritable massacre.

Je me lève et me rend sur mon ordinateur. Moony me réclame des croquettes. Désolé mon gros, mais tu es au régime. Tu as déjà eu tes 90g journaliers. J’ai un message privé différé. Un verre ? Pourquoi pas. Encore faudrait-il que tu sache à quoi je ressemble, et réciproquement. Facile de se cacher derrière cette excuse. Je ne réponds pas. Je file prendre une douche puis je me vêtis d’un jean délavé, d’un t-shirt noir à manche courtes. Celui-là ne sera pas large. Pas trop moulant non plus, juste ce qu’il faut pour cacher un peu ces petits plis disgracieux. J’ai cessé les abdominaux ces dernières semaines. Comme chaque année en cette période. Quatre ans maintenant que je vis au Japon, quatre ans que Matthieu est sorti de ma vie. Mais son souvenir ne cesse de me hanter. Et comme tous les ans, je vais me faire une sortie, me taper un mec et ensuite tout redeviendra comme d’habitude. C’est comme ça que je vis ma Golden Week.

Je franchis la porte d'entrée, il est presque 22h. Il n’y a pas grand monde. Je m’installe au bar et commande une bière. Je sors une cigarette, je ne peux pas l’allumer. Je me contente juste de la garder aux lèvres. Je vois mon reflet dans la glace derrière le comptoir.

I fear the crazed and lonely looks
The mirror's sending me
These Days
Les paroles de The Sun Always Shine on TV me reviennent en tête, me frappant de plein fouet. Pourtant, ce n’est que cette soupe merdique commerciale japonaise qui vibre à travers les hauts parleurs placés ça et là dans le bar. Je prends la bière à la bouteille directement et en avale une grosse rasade. Replaçant la cigarette à mes lèvres, je passe la main dans mes cheveux. Je sors mon téléphone portable, me connecte à internet.

« Je suis sur place. »

Send.


Dernière édition par Eric Duval le Dim 30 Mai 2010 - 9:45, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Ivory Lancaster

Ivory Lancaster


Poissons Coq Age : 43
Compteur 172
Multicompte(s) : Yun-Jin

KMO
                                   :

Journée verte & Semaine d’Or Empty
MessageSujet: Re: Journée verte & Semaine d’Or   Journée verte & Semaine d’Or EmptyJeu 13 Mai 2010 - 3:43

Il est 20h, nous sommes le 4 mai, et comme chaque année au Japon, c'est férié. L'entreprise est fermée aujourd'hui, et j'ai du prendre des congés forcés, puisque tous mes collègues avaient posé leurs jours durant cette période. Un muet tout seul dans le service, mon utilité était très limitée. Normalement, moi aussi, je pose durant cette période, et j'embarque mon frère pour une épopée fantastique à travers le Japon. Voire plus loin, l'année dernière nous sommes allés en Australie. Mais pas cette année. Tout simplement parce que Lloyd a des amis, et qu'il a le droit de préférer passer du temps avec eux plutôt qu'avec son autiste de frère. C'est faux, Lloyd ne doit pas penser ça, sûrement. Je l'ai vu hésiter toute une semaine pour me le dire, alors j'ai pris les devants, je l'ai encouragé à sortir avec ses amis. Ils avaient déjà prévu les dates et la destination. Je me suis senti mal par rapport à ça. C'est moi son tuteur, pas l'inverse …

Je n'ai rien pu prévoir. Si je pouvais tolérer les endroits vacanciers avec Lloyd, tout seul, c'était impossible. Tout me rappelait trop Isaac, les hôtels luxueux, les stations thermales, les parcs naturels... On avait tout fait, tout visité, tout « inauguré ». J'ai pensé à appeler mes parent, à aller en Angleterre où la première semaine de mai n'a d'autres significations que l'apparition des beaux jours. Mais ça voudrait dire reconnaître et exposer ma faiblesse, mon incapacité à gérer une semaine tout seul. Pour un soit disant adulte, je ne pouvais m'y résoudre. Le 29 et le 30 furent faciles, j'ai passé la journée enfermé à lire, mon téléphone éteint, ne touchant ni à la radio ni à la TV, et ainsi, l'espace de deux jours, j'ai oublié qu'on était en Golden Week. Mais il a bien fallu que je sorte. J'ai fermement résisté à la tentation d'envoyer un message à Lloyd, même si je ne cessais de l'imaginer avec ses amis. Est-ce qu'il s'amusait ? Est-ce qu'il était avec sa petite amie ? Est-ce qu'ils se faisaient des promesses ? Est-ce qu'ils … Stop. Je suis tout simplement sorti en boîte de nuit, comme à l'accoutumée. Le troisième soir, j'ai couché avec un père de famille, à l'hôtel. C'était un peu glauque, mais au moins je n'ai pas pensé à Isaac. Le quatrième soir, c'est chez le barman que j'ai atterri, un de mes plans culs réguliers, donc pas de surprise, au contraire une routine rassurante. J'ai passé la journée avec lui, me montrant plus câlin que d'habitude, mais le soir, quand il a du retourner travailler, et que je me suis retrouvé tout seul chez moi, dans ce grand appartement vide, J'ai su que la fin de la semaine était encore loin.

Et ce soir, je ne peux pas retourner dans le milieu de la nuit, hier j'ai eu des problèmes avec des habitués qui m'ont pris pour ce que je n'étais pas. Alors je tourne en rond, je fais les cents pas dans mon grand salon. La télé crie trop fort, mais j'ai besoin qu'elle envahisse l'espace de son flot continu de niaiseries à l'eau de rose, tout pour ne pas me faire happer par ma mémoire. J'ai très peur des souvenirs, pour l'instant ils ne peuvent me faire de mal, je les tiens loin de moi, mais quand j'aurais passé trois ou quatre heure seul face à moi-même, je serai aussi mal et apeuré qu'un enfant caché sous ses couettes. Alors quoi, un cinéma ? Pas assez long. Les bars ? Je ne sais pas trop … Si je ne me calme pas très vite, je vais faire une crise, je le sens. Il faut que je fasse quelque chose, que je trouve quelque chose, quelqu'un... Il est 20h30 …. Seulement 20h30.... Oh la la … Ok, ok, c'est pas bien grave, je … je vais tchatter un moment, ça va m'occuper l'esprit.

Mon laptop ouvert, je passe presque une demi-heure à essayer de me détendre, à parler de tout et surtout de n'importe quoi sur une multitude de tchats, en anglais, ou en japonais. Et plus l'heure passe, plus les messages à caractère sexuel m'assaillent. Je ne réponds jamais à ces inconnus pervers, assoiffés et frustrés. Ils sont dangereux. Et je n'ai pas besoin de dangereux. Mais tant qu'à faire, autant aller sur les tchats prédisposés. Il y a moins de connectés qu'à l'accoutumée, je fais le tour de mes contacts, papote avec quelques uns et puis … Il y a Eric. Il n'est pas connecté, peut-être qu'il ne le sera pas du tout ce soir mais … Mais c'est quelqu'un de seul, un européen comme moi, peut-être que ce soir … Aah je ne sais pas, je ne le connais pas tant que ça, je ne sais même pas à quoi il ressemble, c'est peut-être pas très raisonnable... Tant pis. Je lui envoie un message, lui proposant de boire un verre, au moins ça, boire un verre, rencontrer quelqu'un de presque nouveau, ça me ferait déjà du bien. La télé me tenant toujours compagnie, je prends une douche, une longue douche chaude toujours dans l'optique de me calmer, de me détendre. Mais quand j’en ressors, pas de réponse. Non, non, non, non …. Qu’est-ce que je fais bon sang …. J’ai encore les cheveux mouillés, je ne sais pas quoi faire, à quoi devais-je m’attendre aussi, à envoyer un message à quelqu’un pas connecté ? Bon je suis à demi prêt ça serait idiot d’en rester là. Je vais devenir barge si je reste ici de toute façon. Il faut que je sorte.

Et donc, une demi-heure plus tard, quasiment 22h, je suis au bar, je fais des aller et venues entre l’extérieur et l’intérieur, descendant mon paquet de cigarette à vitesse grand V. Contrairement au commun des mortels, ça ne me calme pas les nerfs, ça m’occupe les doigts tout au plus. Et les poumons. Une sale habitude dont je ne déferais jamais, je pense. Je décharge la batterie de mon cellulaire à le regarder toutes les deux minutes. La page internet reste loggée sur mon compte de tchat dans l’espoir qu’il me réponde, même par la négative, que je sache si je vais devoir draguer un désespéré ou pas. J’aimerais vraiment qu’il soit là, je sais que cette attente fébrile est une idiotie mais je n’y peux rien. Moi aussi je me trouve lamentable, si vous voulez savoir.

Et puis, je n’y crois presque pas quand je vois une réponse. Pourvu qu’il vienne, pourvu qu’il vienne, pourvu qu’il ne me dise pas qu’il reste chez lui.

« Je suis sur place. »

Hein ? Comment ça ? Je …. Encore sur le trottoir devant le bar, je me retourne vivement vers l’intérieur. Je l’aurais vu s’il était entré ! Un européen au milieu de japonais, ça ne se loupe pas ! A croire que si. Je balance ma cigarette, seulement à moitié consommée, et je rentre dans le bar. Il n’y a pas foule, alors je détaille chaque personne. J’espère que je n’ai pas trop l’air affolé, c’est pas terrible pour une première rencontre. Je respire calmement, affichant ce masque de silence dont je me pare tous les jours pour faire face au monde et je regarde. Mais …. Enfin, il y a bien cette personne, là, de dos. Est-ce que c’est lui ? Je ne sais pas, si je me trompais de personne … Je n’aurais qu’à écrire en anglais, voilà, une retraite parfaite pour si jamais ça se passe mal. Il est temps que cette semaine infernale prenne fin, je deviens paranoïaque.

J’avance, j’approche par le côté. Ça doit être lui, il n’est pas japonais. Eric ? Je l’imaginais moins grand. Sûrement parce que tous les hommes sont plutôt petits au Japon, ça doit être l’habitude. Et puis je me fige. Il y a un truc auquel je n’ai pas pensé. Il ne sait pas que je ne parle pas. Oh la la … Je ne lui ai pas dit, je ne lui ai rien expliqué, est-ce que je dois lui expliquer ? Est-ce qu’il va s’enfuir en courant ? Un muet, c’est tellement chiant. Putain, c’est pas possible. Non tant pis, j’en serais pas à ma première veste, et comme ça, ça me donnera une raison de pas penser à Isaac, je passerai mon temps à le maudire pour son intolérance, ou que sais-je encore ? Respire. Calme ton visage.

J’avance la main pour lui toucher le bras, le cœur battant. J’esquisse un fin sourire, pas très sûr de moi tout de même. Et puis je pianote rapidement sur mon portable avant de le tourner vers lui :

« Eric ? »
Revenir en haut Aller en bas
http://keimoo.forum-actif.net/fiches-validees-f111/ivory-lancaster-completeen-charge-ellen-t6005.htm#176339 http://keimoo.forum-actif.net/t9095-playlist#213637
Invité
Invité
Anonymous



Journée verte & Semaine d’Or Empty
MessageSujet: Re: Journée verte & Semaine d’Or   Journée verte & Semaine d’Or EmptyJeu 13 Mai 2010 - 23:16

Je remarque qu’il est en ligne également. Il a donc du voir mon message. A-t-il fait comme moi, se connecter depuis son téléphone ? Ah les technologies… Il y a vingt ans, les communications se faisaient par téléphone fixe, par courrier non pas électronique mais postal, et en chair et en os. Faire des rencontres en laissant une petite annonce dans une revue, un journal, un tableau d’affichage… Même si Internet commençait à voir le jour, ce n’était pas encore ouvert au public. Parler à distance en temps réel ne se faisait que par radio pour les professionnels équipés, ou par talkie-walkie… Pour les gamins, il y avait aussi les deux pots de yaourts et la ficelle. Je n’ai jamais essayé. Il faudrait. Enfin, il faudrait surtout que j’ai un partenaire pour en faire l’expérience.

Mon train de vie m’a poussé à apprécier ces nouveaux modes de communication moderne. Le téléphone que je tiens actuellement n’est pourtant plus tout jeune. Cependant je peux envoyer des messages, en recevoir, aller sur internet et MSN. Il n’est pas tactile, son écran n’est que de 2,2 pouces. Mais cet appareil de marque finlandaise est suffisant pour faire honneur à son fameux slogan « Connecting People ». Cette bonne blague. Fuir le relationnel humain, mais chercher le contact virtuel. Dans les deux cas, il y a les bons et les mauvais cotés. Je regarde le message que j’ai laissé sur la tchat-room, tout en me situant géographiquement. Les deux espaces-temps sont reliés. Réunir les deux dans un même environnement, quel résultat vais-je obtenir ? J’imagine déjà son apparence, sa voix, son regard. Mon imagination s’égare. Je le vois de taille moyenne, peut-être plus petit que moi, brun, les yeux clairs. Sa voix douce, discrète. Cependant, je sens comme une aura indéfinissable autour de lui. Une ombre peut-être. Une incertitude.

Je suis surtout ridicule. J’attrape ma bouteille et la porte aux lèvres. Je freine mon mouvement. Je vois dans le reflet du miroir un homme qui s’approche de moi, doucement. J’avale quand même une gorgée de bière. Les belges sont quand même les meilleures. Je la repose sur le comptoir sans toutefois détourner ma contemplation de la glace. Il a les cheveux clairs. C’est sûr, ce n’est pas un asiatique. Il est proche. Il me touche. Je pivote la tête dans sa direction. Pas une seule expression de surprise ne marque mes traits. J’avais imaginé un contact, mais je m’attendais plutôt à une interpellation. Je suis quand même saisi d’une forme de tressaillement dans mes chairs, car je ne suis que peu habitué à ce qu’on me touche. Surtout avec cette douceur comme il vient d’en faire preuve. Il sourit. Il est mal à l’aise. C’est sûr, c’est lui. Je ne l’aurais jamais supposé blond. L’ambiance obscure du bar fait que je n’arrive pas bien à définir la couleur de ses yeux. Il faut dire aussi que je n’en ai pas eu le temps puisqu’il vient de se concentrer sur son téléphone. Mais ils sont clairs. Je le détaille encore un peu jusqu’à ce qu’il me montre l’écran de appareil. Il n’a rien à voir avec ce que j’aurais pu imaginer d’un point de vue physique. Je baisse les yeux vers le petit écran.

« Eric ? »

Je bascule mon regard vers son visage, puis à nouveau sur le Blackberry. Je fronce un peu les sourcils, je ne comprends pas. Est-ce un jeu ? Je tourne la tête vers le barman, il secoue la tête négativement. Pourquoi ? Est-ce qu’il le connait ? Putain, je pige que dalle !

- « Merde. »

J’ouvre l’onglet bloc note de mon Nokia. Quitte à avoir l’air stupide autant que je le fasse à fond. Au diable les formalités habituelles, le virtuel c’est mon quotidien. Ma sèche ténébreuse suspendue à mes lèvres, je laisse mon pouce danser sur les chiffres du clavier. D’un air un peu hésitant, je tourne l’écran vers l’homme… « Oui ». Je réalise à présent, qu’il me fait penser à ces êtres spirituels sereins, limpides, n’utilisant que leur esprit pour communiquer. C’est étrange comme cette simple pensée m’apaise d’un coup. Mais je ne crois pas en l’existence des anges.
J’avale ma salive. Ou je suis très fatigué, ou je deviens fou. Peut-être que je suis les deux. Il n’y a même pas une heure, je me faisais bouffer par les vestiges de mon passé, l’agrémentant subitement d’une sempiternelle envie de me torcher la gueule, de me trouver un type sur lequel j’aurais pu déverser toute cette frustration, cette colère qui m’envahit dès que je replonge dans les souvenirs heureux et malheureux que je cherche à fuir au quotidien. Cet homme qui me regarde avec cette pointe d’embarras ne correspond pas à ce genre de mec. Je ne me vois pas me le taper sur un vulgaire parking ou dans l’ambiance crade d’un Love-Hôtel du quartier Bougu…

Me voilà bien. Qu’est-ce que je vais faire maintenant ?
Bordel de merde. J’aurais peut-être pas du envoyer ce putain de message. Rester là et me contenter de siroter ma bière tranquillement. Je n’aime pas me retrouver dans une situation qui m’échappe. Et je n’imaginais pas que ce mec pouvait avoir aussi belle gueule. Encore moins qu’il afficherait un sourire embarrassé. Ni qu’il soit dans l’incapacité de prononcer un mot. Parce que bon, si son petit cinéma n’était qu’un jeu, il ne tirerait pas cette tronche. Tu crains mon jugement ? T’inquiète je m’y ferai. Au moins tu ne risques pas de me raconter de salades. Ca peut être intéressant finalement. Alors bon, il ne parle pas, mais entend-il ?

-« J’t’offre une bière ? »

Je n’ai pas envie de m’encombrer de questions inutiles. Lui comme moi avions besoin de sortir, de boire un verre. On ne s’est pas raconté nos vies sur le Net, ça ne risque donc pas de se produire dans ce bar. Peut-être avait-il les mêmes besoins que moi ce soir. Si c’est le cas, je risque de ne pas pouvoir refuser mais j’ai du mal à croire que ce chérubin aime à trainer dans les bars pour ensuite assouvir une quelconque pulsion sexuelle. Lun me vient alors à l’esprit. Seize ans et deux marmots dans les pattes. Ne pas se fier aux apparences.
Revenir en haut Aller en bas
Ivory Lancaster

Ivory Lancaster


Poissons Coq Age : 43
Compteur 172
Multicompte(s) : Yun-Jin

KMO
                                   :

Journée verte & Semaine d’Or Empty
MessageSujet: Re: Journée verte & Semaine d’Or   Journée verte & Semaine d’Or EmptyLun 17 Mai 2010 - 2:03

Quand il pose les yeux sur moi, j’ai l’impression d’être revenu en primaire et d’être devant le maître d’école, à attendre de savoir si ma dictée était bonne ou si, comme la plupart du temps, j’allais avoir droit à une humiliation publique à cause du trop grand nombre de fautes. Enseignants vous ne savez pas la peur que vous inspirez aux élèves. Eric n’a rien d’un enseignant, mais ce soir je ne suis pas plus adulte qu’un môme, je pense que je le prendrais très mal s’il me rejetait. Chose qui a 50% de chance d’arriver, mais surtout ne pas y penser.

Oh si … Oh si, y penser, il fronce les sourcils, son regard va et vient entre l’écran et moi. Non, je t’assure je ne moque pas de toi. Mon sourire disparaît un instant, je veux le toucher encore pour lui dire de lire dans mes yeux, pour lui expliquer le mieux possible, mais il baisse les siens après avoir lâché un juron en français. Oh il parle français ? Je n’ai jamais eu l’occasion de bien étudier cette langue quand j’étais à l’école, en fait j’étais même nullissime et ... Euh … Qu’est-ce qu’il fait ….. ?

« Oui ».

C’est à moi de faire le poisson rouge décérébré, je regarde l’écran, la réponse est claire c’est lui, mais je ne percute pas tout de suite. Et puis … Oh, c’est bien la première fois qu’on me la fait celle-là ! Je ne peux m’empêcher, je sens mes lèvres s’étirer, je plaque ma main contre ma bouche, pas pour éviter quelconque son de sortir mais pour essayer de minimiser le rire, pour ne pas le vexer, ou l’embrouiller. Mes yeux se plissent, et je retiens le plus possible en mordant ma lèvre, sans pouvoir m’arrêter de sourire. C’est adorable quand on y pense. Je pose ma main sur son portable et secoue la tête de gauche à droite. Pfiouuu un énorme poids vient de s’enlever de ma poitrine. Non seulement il ne m’a pas rejeté, mais en plus, en quelques sortes, il a joué le jeu. Je m’assois sur le siège d’à côté, rassuré de la tournure des évènements.

-« J’t’offre une bière ? »

J’acquiesce doucement et lance un regard au serveur, espérant qu’il se souvienne que je préfère plutôt la Carlsberg. Les bières japonaises sont vraiment dégueulasses. Dans la foulée, puisque j’accroche son regard, je lui fais signe pour savoir s’il ne peut pas me dégotter un peu de papier et un stylo. Sa main descend derrière le bar, et il me donne un carnet et un bic. Le même que la dernière fois en fait. Je lui fais un beau sourire, touché par cette attention. Moi qui croyais que c’était un être aussi chaleureux qu’un yakuza… Je devrais savoir que l’apparence n’est pas importante.
Je n’attends pas une seconde de plus :

« J’entends mais je ne parle pas. Désolé de ne pas te l’avoir dit. Tu es français ?»

Je fais glisser le carnet vers lui, et mon coude sur le zinc, ma joue sur mon poing, je le regarde. Je ne côtoie pas beaucoup d’étranger. Je veux dire de non japonais. Lloyd dit qu’il y en a beaucoup dans son école, mais à mon entreprise ce sont tous des japonais. Dans les bars, les boites de nuit, ce sont quasiment tous des japonais. Je fuis les autres, je cherche les nippons. D’habitude. Mais ce soir je suis content que ça ne soit pas le cas. C’est sûrement juste une illusion de ma part, mais j’ai le sentiment que certaines fois, la différence de culture est encore là, et qu’ils ne peuvent pas comprendre les démons qui m’habitent. Mais si je suis honnête avec moi-même, mes pairs ne sauraient pas plus être à l’écoute. Je le détaille, sans me cacher. Je le trouve charmant, et plutôt séduisant malgré ses fringues banales. Ça contraste avec mes vêtements BCBG, mais je ne peux pas faire autrement quand je sors. Si je ne me prépare pas un tant soit peu, alors je reste bloqué, je reste silencieux et apathique comme au travail. Et pour draguer du sushi, il faut avoir les bonnes baguettes.

On nous sert les bières, et c’est tant mieux, ça me sort de ma rêverie. J’espère qu’il n’a rien dit d’important parce que je n’ai pas suivi, un peu trop concentré sur son visage, ses traits, sa façon d’être. Je ne sais pas grand-chose de lui, mais à la limite, je m’en fiche un peu. Quoi qu’on demande, quoi qu’on sache sur une personne, il arrivera toujours un moment où l’on découvrira qu’en réalité, on ne la connaissait pas. A ce moment là, on tombe de haut … Autant rester au ras des pâquerettes et laisser venir les choses comme elles veulent.
Je lève ostensiblement mon verre et le dirige vers lui, pour qu’on trinque. Kempaï, Eric. A quoi, je ne sais pas. A notre rencontre ? Faut-il fêter une telle chose ? Non. Au fond de moi je trinque à lui, mon sourire en témoigne. Ses yeux n’ont sûrement rien de plus que ceux des autres, mais ils me font un effet particulier. Je le fixe quand je bois, je dévie pour reposer mon verre, et de nouveau, je m’accroche à ses yeux, calmement. Je le trouve trop loin de moi, alors du fond de mon tabouret, je m’avance, de quelques centimètres. Je ne sais pas encore quel genre de type il est, s'il est venu ici simplement pour passer le temps, ou s'il a envisagé de coucher avec moi. Mais ma certitude est que moi, j’en ai besoin, je suis ici parce que j’ai besoin d’une présence, d’une vraie, pas comme celle de la télé qui ne m’aurait pas suffi plus de dix minutes. Coucher avec ... Je ne sais pas. Enfin si, j'ai bien mon idée sur la question, cependant j'ai encore quelques barrières morales.

Je ne veux rien gâcher, alors j’attends, patiemment, je me contente de ce que j’ai tout en cherchant à voir s’il n’y a pas d’ouverture. En bon désespéré qui se cache.
Revenir en haut Aller en bas
http://keimoo.forum-actif.net/fiches-validees-f111/ivory-lancaster-completeen-charge-ellen-t6005.htm#176339 http://keimoo.forum-actif.net/t9095-playlist#213637
Invité
Invité
Anonymous



Journée verte & Semaine d’Or Empty
MessageSujet: Re: Journée verte & Semaine d’Or   Journée verte & Semaine d’Or EmptyJeu 3 Juin 2010 - 9:23

Les bières sont commandées, je reste sur la BudWeiser. Le barman remet un carnet et un stylo à … Je ne connais même pas son nom, seulement son pseudo. WhiteSiren. White, ok, j’ai pigé le lien. Mais Siren ? Je n’ai encore jamais entendu parler d’une sirène muette. A part celle de Walt Disney. Ariel avait offert à la vilaine Ursula, sa voix mélodieuse en échange d’une paire de jambe afin d’approcher le prince… Evidemment, il a fallu qu’il s’appelle Eric. Je dérive bizarrement là, passons.
Bel ange, aurais-tu également sacrifié ta voix en échange de quelque chose de précieux, au risque de te séparer de ton monde, et des tiens ? D’où est-ce que tu viens ? Toi non plus t’es pas Japonais.

J’arrête de m’encombrer de ces questions que je décide de juger comme sans intérêt. De toute façon, je ne les lui poserai pas. J’ai juste envie de compagnie autour d’une bière. Il dirige vers moi le carnet qui est donc devenu son moyen de communication. Je prends un certains temps à déchiffrer les Kanjis. J’ai vraiment du mal avec le Japonais. Aurais-je accepté sa proposition si j’avais su d’emblée qu’il était muet ? Je n’aime pas les moulins à paroles, aussi ça ne peut que me faire du bien. Mais ça risque de trainer en longueur. Bah au moins, je ne risque pas de m’ennuyer. Qui a dit que communiquer avec un muet était ennuyeux ? Je le regarde, hoche la tête à sa question, acquiesçant, pour à nouveau porter mon regard devant moi. Je porte ma bière aux lèvres que je vide (je suis d’accord, les japonaises sont dégueulasses. Ici, je suis abonné à la Bud. Mais j’offrirai mon Royaume pour une Leffe). Je l’observe par le miroir qui nous fait face derrière le comptoir. Il m’observe, sans vraiment être discret. Vas-y mon grand, mate. Je n’ai rien de très particulier. Je suis un type parfaitement banal, qui se fond dans la masse. Je n’affiche pas clairement mes tendances, comme ces grandes folles qui aiment attirer l’attention. Personne parmi mes connaissances, aucune ne sait que j’aime les hommes. Et même si ce bar est du milieu, il accueille toutes sortes de genre.

J’observe son look. A première vue je dirais qu’il semble bien gagner sa vie. Il est soigneux, il prend soin de son physique. Mouais, j’ai la nette impression qu’on n’est absolument pas du même monde. Quel âge a-t-il ? Il est jeune, peut-être trois, voire quatre ans de moins que moi.
Les bières arrivent. Tant mieux, je commençais à avoir le gosier sec. Même si je viens d’en vider une à l’instant. Je balance quelques billets sur le comptoir. J’attrape ma bouteille et tourne la tête. Il a levé son verre, je choque légèrement le goulot contre le rebord de sa chope.
Kampaï.

Il me sourit. Il est vraiment beau ce con. Je lui réponds par un petit clin d’œil tout en étirant un coin de lèvre. Ca me fait bizarre. Je n’ai plus l’habitude. Je porte la Bud à ma bouche sans le quitter des yeux. Tout comme lui. Il ne parle peut-être pas, mais il n’empêche qu’il sait parfaitement s’exprimer. Une sorte de chaleur s’empare de mes membres. Je détourne le regard. Il me perturbe. Pas en mal, loin de là. Tenterait-il de me séduire ? Il quitte le fond de son siège, se rapprochant de moi. Alors je le regarde, encore. Je ne peux pas m’en empêcher, son visage m’attire irrémédiablement. Ses yeux sont d’une couleur bleue, je la distingue enfin même si je ne capte pas vraiment sa nuance réelle. A mon tour, je m’approche de lui et je reprends la parole. Je ne suis pas vraiment loquace en temps normal, enfin depuis quelques années déjà, mais face à un muet je sens que parler n’est plus trop nécessaire. Mais puisqu’il m’entend, je ne vais pas lui faire l’affront de le considérer comme différent.

- « Ne me regarde pas comme ça, sinon je pourrais croire que tu me fais du rentre-dedans.»

J’étire un petit rictus moqueur, mais pas méchant, puis je recule pour boire une énième gorgée de bière. Allez, un peu d’humour ne fait pas de mal. Et puis je n’ai plus trop d’occasion d’en faire. Putain, j’ai envie d’une clope. Je me lève de mon tabouret, attrape mon paquet de Lucky Strike et m’adresse au barman.

- « Tu veux bien jeter un œil sur nos consos le temps qu’on aille dehors deux minutes ? »

Il acquiesce. Je ne demande pas à ma sirène si elle fume, j’ai bien remarqué l’odeur de tabac qu’elle dégageait tout à l’heure… Ca m’arrange bien. Je n’ai vraiment pas envie de me priver de ma drogue ce soir. Je lui jette un œil et l’invite à aller dehors. Je n’attends pas sa réponse, je me dirige vers la porte. La rue n’est pas trop peuplée, par contre j’entends clairement un raffut provenant de celle d’à coté. Les boîtes de nuit. Je déteste ça. Leurs haut parleurs vomissent des sons merdiques que personne n’écoutent réellement. Putain, ce pays a vraiment des goûts de chiotte. En France c’n’est guère mieux. Hormis certains clubs rétro où les habitués arborent d’horrible T-shirt à la Johnny Hallyday, de quoi devenir aveugle. Nan mais j’vous jure. Je sors mon « faux zippo » où figure le label d’un fournisseur commercial, et allume ma Lucky. Putain, ça fait du bien ! Je m’appuie sur le mur à droite de la vitrine du bar redressant la tête. La jambe plié, mon pied vient faire câlin aux briques. La nuit est tombée depuis peu, elle n’est pas encore noire. Je tourne la tête à gauche.
Je ne suis pas fan de son style vestimentaire. Ca attire bien trop l’œil. D’ailleurs, deux mecs se sont déjà retournés sur lui. Pfff. Je lui tends mon paquet ouvert. Vas-y, sers-toi. Je tire une autre bouffée tout en le reluquant des pieds à la tête. Puis lui tends la flamme. Ceci faisant, je le détaille un peu mieux, juste l’espace de quelques secondes. En fin de compte, c’est un gars comme les autres en somme. Il boit, il fume, il fréquente des tchats pas très catholiques… et donc les hommes bien évidemment. Mouais, il les fait sûrement tomber comme des mouches. Ma méfiance prend mes pensées en otages mais il n’y a pas de raison. Ce n’est qu’une rencontre d’un soir. J’ignore même si ça ira plus loin que quelques bières. Ce n’est pas son handicap qui me bloque, mais l’ensemble. Bref, si lui veut une aventure, qu’il me fasse signe.
Je tire sur le filtre dans le quitter des yeux.

- « Si je ne me trompe pas, tu travailles dans les bureaux c’est ça ? Tu m’excuseras, j’ai oublié dans quoi… Pourquoi ne pas partir quelques jours plutôt que trainer sur le net… »

Keimoo est bien située, d’ailleurs le nombre de touristes a doublé depuis hier. Les Keimoosiens se tirent presque tous d’ici, si bien que je ne reconnais pas la moitié des clients du bar ce soir. Personnellement, même si j’en avais la possibilité, je ne serai pas parti. Pour aller où ? Pourquoi faire ? il y a bien longtemps que le tourisme ne m’intéresse plus. Je préfère prendre du repos chez moi. Et puis de toute façon, je ne pourrais pas emmener Moony. Ni le confier. Je ne connais personnes qui pourraient lui faire ses piqûres matin et soir. Et même si c’était le cas, j’ai pas confiance, je préfère tout faire moi-même.

Alors belle gueule, qu’est-ce que tu fous ici ?
Revenir en haut Aller en bas
Ivory Lancaster

Ivory Lancaster


Poissons Coq Age : 43
Compteur 172
Multicompte(s) : Yun-Jin

KMO
                                   :

Journée verte & Semaine d’Or Empty
MessageSujet: Re: Journée verte & Semaine d’Or   Journée verte & Semaine d’Or EmptyDim 6 Juin 2010 - 23:48

Il n’est pas en reste d’observation non plus. Mais lui a la décence de le faire moins ouvertement. Est-ce que traîner dans des bars me rend vulgaire ? L’horreur. Je prie pour que ça ne soit pas le cas, je déteste ça. Surtout quand je ne l’ai pas décidé. Je note à peine que lui aussi me détaille, j’ai l’habitude d’essuyer les regards. Ça indique simplement qu’il s’intéresse à moi, et ça aussi j’ai l’habitude. Même si ça fait toujours plaisir de se savoir désirable, le fait que lui le pense me rassure. Il est grand, plus grand que moi, son torse est large, sa voix est grave et chaude … Bon, il n’a pas les cheveux longs, mais personne n’est parfait, je ne sais même pas si ça lui irait. Je suis en train de lui faire du charme. Il faut que j’arrête prochainement, il va me prendre pour un désespéré. Même si ça me dérangerait pas de … Non, allez, arrête, on dirait un hétéro à penser avec ta bite comme ça. Un hétéro doublé d’une vierge effarouchée à fondre juste parce qu’il est viril, qu’il te sourit et qu’il vient de te payer un verre. C’est à se demander si j’ai vraiment la trentaine. Cependant, je ne rêve pas, il me regarde aussi. AU bout d’un moment, à jouer au chat et à la souris, il se penche. « Kyaaa » dirait la pucelle. Moi je me contente de me taire et d’apprécier mon cœur qui bat plus vite alors qu’il ne se rapproche que de quelques centimètres.

« Ne me regarde pas comme ça, sinon je pourrais croire que tu me fais du rentre-dedans.»

Je relâche mon souffle, que je retenais prisonnier depuis quelques secondes, et je ris silencieusement. Pris sur le fait, je plaide coupable. Est-ce que ça le met mal à l’aise ? Je ne sais pas, il n’a pas l’air. Mais il ne dit pas grand-chose, et reste assez impassible. Comme un grand mystérieux. Hm, si c’est une technique pour ne pas se faire remarquer, c’est raté, avec moi du moins. Serais-je en train de me regarder dans un miroir ? Est-ce que je suis comme ça au boulot ? Je ne parle pas non plus, je ne donne pas souvent mon avis… Il faudra que je pense à le demander à mon chef. Le bruit du tabouret me sort de mes pensées.

« Tu veux bien jeter un œil sur nos consos le temps qu’on aille dehors deux minutes ? »

Je regarde sa main et son paquet de Lucky Strike. Bonne idée ! Un seul regard vers moi et il file dehors. Je prends le temps de faire un sourire au barman, maintenant que je sais qu’il m’a en tête. Discrètement, il fait un geste du menton envers Eric, qui est déjà dehors. Oui, ça s’annonce bien, je sais. Je préfère ne pas savoir quelle réputation j’ai dans ce milieu, je suis sûr que ça ne m’enchanterait pas d’entendre les rumeurs. Les gays sont tellement mesquins… No better friend. No worse ennemy. Cette boutade me fait rire tout seul alors que je pousse moi aussi la porte du bar. Aah un peu d’air pour me rafraîchir les idées. Instinctivement, je tourne la tête sur le côté, la musique nous parvient assourdie mais distincte. Hm, ça doit être l’orgie. Ou presque, il est encore trop tôt, les salles et les canapés doivent être assaillis par les adolescents. Et les célibataires. Je ne suis ni content ni soulagé de ne pas y être, juste … pas jaloux du tout. Je le cherche des yeux deux secondes. Il est là, contre le mur, la jambe repliée. Il ne fait pas gay du tout. D’ailleurs, s’il se mettait un tout petit plus en valeur, il aurait plus de succès. Je n’aurais pas la prétention de lui faire troquer son T-Shirt T contre une chemise cintrée, encore faudrait-il que je le connaisse, mais assurément, il serait à tomber. Avec ses airs de pas y toucher, ça serait un vrai piège à gay. Et à filles. Est-ce qu’il est bi ? Aucune idée. Ça se fait rare les bi de nos jours. J’accepte sa cigarette, je ferme presque les yeux à la lueur de la flamme, et inspire la fumée âcre que je n’apprécie que peu. Mais une clope est une clope, et on ne refuse pas la Clope Offerte du Prince Charmant. Car malgré sa capacité, entretenue j’en suis sûr, à se fondre dans le décor, Eric est pour moi, ce soir, un vrai prince charmant. L’espace de quelques minutes j’ai oublié Isaac, mes souvenirs et mes angoisses, je sens mes épaules détendues et mon ventre moins noué. Exactement ce que je recherchais. Alors je fume cette cigarette au goût de merde, je la fumerai jusqu’au bout, pour célébrer cette nuit qui s’annonce rassurante. Même mes émotions de midinettes ont disparu. Je ne sais pas combien de temps cette accalmie va durer, mais elle est la bienvenue.

Il me regarde. J’en fais de même.

« Si je ne me trompe pas, tu travailles dans les bureaux c’est ça ? »

J’acquiesce. J’expire la fumée.

« Pourquoi ne pas partir quelques jours plutôt que trainer sur le net… »

« Trainer sur le net »… ça me fait rire. Il n’a pas l’air de tenir en haute estime les tchats que lui-même fréquente. Je pourrais te retourner la question, que fais-tu là, à parler à un muet plutôt que d’aller dépenser ton argent en nuit d’hôtel à l’autre bout du pays ?
BlackBerry, my friend.

« Ne pas être seul »

Quel intérêt de partir tout seul ? Draguer dans une autre région ? Au moins là, je me sens un tant soit peu chez moi. J’observe l’agitation autour de moi pendant qu’il lit. Les restaurants et bars doivent se faire un max’ de bénéfices en très peu de temps. Je trouve ça démesuré, mais totalement à l’image de ce pays. Les japonais sont démesurés. L’animation autour de nous est fluide et continue. J’y suis habitué, le monde de la nuit n’a jamais été un mystère ou une frayeur pour moi. Au contraire, à cet instant, j’ai plus l’impression d’être dans un cocon que dans une arène. Il y a du passage, mais ce n’est pas vraiment ça qui me pousse à me rapprocher de lui. Je ne parle pas, et lui à peine plus, je ne pense pas qu’on soit là tous les deux pour se raconter nos vies. On ne l’a pas fait sur ce tchat, je ne vois pas pourquoi on le ferrait plus ici dans un bar. D’autant plus que c’est moins pratique pour moi.

Je finis ma cigarette, laissant un peu de tabac, je n’aime pas aller jusqu’au bout, et elle s’écrase à terre avant de disparaitre sous ma chaussure. Je n’y pense déjà plus. Ma main est sur lui, trois doigts en fait, posés juste au milieu, au-dessus du ventre, sans le lâcher des yeux. Et puis non, je les retire. Ah je me déteste ! J’aimerais être plus subtil, mais c’est plus fort que moi. J’aimerais aussi lui dire que tout ce dont j’ai besoin c’est qu’on fasse attention à moi le temps d’un soir, et que je m’endorme pas tout seul, mais ça fait fuir ce genre de révélation. Tant pis, cette rencontre est déjà bien, si ça ne va pas plus loin, je ferrai avec. Je détourne le regard, et avec un sourire je m’éclipse à l’intérieur, rejoignant le tabouret et ma bière, pas finie. Je la regarde comme si c’était de l’eau. Si tu crois que ça va me suffire… Je la termine d’un trait, et en reposant le verre, j’interpelle le barman.

- La même chose ?

Oh non, plus fort, bien plus fort s’il te plaît.

- Dis-moi.

J’écris rapidement « Double vodka ». Alcool de tapette dit-on. Et bien ça tombe bien, j’en suis une. Je joue avec le crayon, épaississant des traits sur quelques kanjis. Ouais … C’est pas gagné…
Revenir en haut Aller en bas
http://keimoo.forum-actif.net/fiches-validees-f111/ivory-lancaster-completeen-charge-ellen-t6005.htm#176339 http://keimoo.forum-actif.net/t9095-playlist#213637
Contenu sponsorisé





Journée verte & Semaine d’Or Empty
MessageSujet: Re: Journée verte & Semaine d’Or   Journée verte & Semaine d’Or Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
Journée verte & Semaine d’Or
Revenir en haut 
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
₪ Académie Keimoo ₪ :: Archives Rp's :: Rp's 2012 et antérieurs-
Sauter vers: