AILLEURS
Autrement, dans la foulée de nos rêves artificiels.
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Il se réveillera comme on ne se réveille jamais, dans un corps d’enfant qui n’est plus entièrement le sien. Il se réveillera, une joue contre la neige, avec la sensation éperdue de revenir de loin. Ses petites paumes se froisseront dans la poudreuse et il se redressera sur des genoux chevrotant, en perdant son regard dans un horizon plat. Il se réveillera avec un prénom qu’il aura eu la prétention d’oublier pendu à ses lèvres.
Il se réveillera seul, sans la moindre présence familière pour guider son chemin, désemparé par les ricochets d’une voix lui semblant destinée à le narguer.
À votre avis, qui gère le temps et lequel dans l’infini de ses futiles catégorisations … ?
Dans ce monde blanc trône un bureau de chêne qu’il a déjà vu quelque part et, à ce bureau, se trouve l’effigie soluble d’un fantôme entonnant qu’on en veut à sa vie. Il rampe, son corps ingénu s’imprégnant d’efforts et se rappelle, dans un soubresaut, que, de-là où il vient, l’usage de ses muscles n’est qu’une commodité qu’il égare trop souvent. Je suis la Créature. J’aurais voulu que tu le comprennes. Il grimpe – encore, encore, encore, il n’y a jamais eu rien d’autre que des mains adolescentes pour se hisser sur la surface – sur le bureau vide. L’effigie le toise.
Mistumasa, dit-elle. Et ainsi, nous pourrions jouer à l’infini.
Il lui faut un moment pour comprendre à qui le fantôme s’adresse. À lui. À ses cheveux redevenus opalins, comme cette neige qui se masse contre les pattes du bureau et qui virevolte au rythme de bourrasques murmurées. Mitsumasa est un nom qui n’a plus vraiment de sens, ni pour lui, ni pour personne. Il comprend que cette vie est l’une de celles qu’il a cherché à dévorer, ailleurs, dans un monde qu’il a abandonné derrière. Il s’agit de quelque chose d’archivé dans les replis de cette conscience grandissante qu’il cultive un peu plus de seconde en seconde.
Ses ongles crissent contre le bois gelé du bureau et le fantôme se précise, abandonne momentanément ses contours effacés pour adopter le faciès d’un individu égaré dans les annales d’un temps qui n’a jamais daigné l’attendre. Et que Mitsumasa n’aura jamais eu la prétention de pouvoir saisir. Ce n’est pas là son rôle.
Ça ne l’a jamais été, Va-len-tine.
Yui Valentine. Qu’il a voulu dévorer, qu’il a voulu observer. Ce même Yui avec lequel il aura prétendu se jouer de tout. Et pourquoi, pourquoi ne pas ajouter l’infini à cette liste ? Pourquoi ne pas transformer l’impossible en une nouvelle partie ? En vouloir à la vie de Yui, vouloir absorber ses couleurs, son blanc, pour se magnifier. En vouloir à sa vie, pour souffler contre son âme dans l’intention de la métamorphoser.
Il ne l’avait pas fait, au final.
Pourquoi ? Ce temps qu’il prétendait dominer lui avait-il filer entre les doigts ?
Au final, la partie n’était devenue que ce morceau de néant qu’il n’avait pas eu l’opportunité de saisir, mais cela se ferait au gré, au son. Ailleurs, quelque part qui ne serait pas dans les rues d’une ville étudiante, qui ne serait pas dans cet espace blanc dénué d’existences. Yui est parti, mais Yui n’est pas mort.
Le fantôme à disparu. Et Mitsumasa se balance sur le bureau, ose se demander où il a bien pu s’évaporer, sans réellement s’interroger sur le comment, sur le pourquoi. Le raisonnement, au final, ne lui offrirait aucun emplacement. Il fixe la chaise dans laquelle flottait l’apparition. Devrait-il considéré ceci comme un aurevoir ?
« Ash’ei. »
À sa place se tient un individu qui n’a rien d’humain, qui n’a rien de Yui, un individu qui brouille le temps. Quelqu’un d’autre, quelqu’un qu’il connait trop bien. Trop grand, trop coloré de cette pigmentation qui dissone avec la réalité. Mitsumasa, à ce moment, sait qu’il s’est simplement égaré, contre des souvenirs trop vieux pour encore être des plaies. Il ne sait pas où il se trouve, lui non plus, mais cela n’a que trop peu d’importance. L’individu lui sourit et saisit ses paumes avec une douceur qu’un tel colosse ne devrait pas être en mesure de posséder. Ses mèches rousses effleurent ses avant-bras lorsqu’il penche la tête dans une inclinaison qui se veut être une salutation.
« Il se trouve tout simplement ailleurs. »
Mitsumasa suppose que cela a toujours été le cas.
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( Ce matin, là, Joshua se réveille, les cheveux de Kojiro dans la bouche, avec l’étrange sensation de ne pas être au bon endroit. Il apprend, subséquemment, en mettant les pieds à l’université, qu’Ashita trône de nouveau, que le directeur adjoint a torpillé vers le néant – comme Yume, comme Dorian – et que la position est ouverte aux candidatures. Son cœur s’accélère, mais n’implose pas, car Yui, contrairement aux autres, ne l’a pas abandonné. Yui, songe-t-il, n’aura peut-être tout simplement jamais assez été humain pour rester.
Et cette alternative, au final, lui convient très bien.
Ils pourront jouer plus tard.
Au rythme d’une nouvelle comédie.
Ailleurs. )
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