Talk about you ❖ Chris Kou Yoshida & Erik Thornberg

Talk about you

Un soleil radieux avait prévu d’illuminer la journée si on en jugeait par le ciel bleu qui pointait doucement le bout de son nez. L’aurore était l’un des moments préférés de la journée de Christopher Yoshida. Ce moment où les oiseaux s’éveillent à peine, leur chant restant alors faible avant que les notes ne s’envolent. Cette période où la ville dort encore pour la plupart et ou les lève-tôt partent au travail ou en cours. Oui, décidément, ces débuts de journées sont définitivement les meilleurs moments aux yeux du brun.

Le jeune américano-nippon avait quitté l’appartement de la rue de la chance le plus tôt possible afin d’éviter son aîné. Une fois de plus, il avait retrouvé Hayden dans sa chambre en rentrant la veille. Il ne sait pas ce qu’il y faisait, il ne lui a pas demandé. Il l’a tiré en dehors d’un geste sec et s’est enfermé dans son antre. Il n’en était pas sorti de la soirée, malgré les appels incessants de ce frère beaucoup trop sociable, beaucoup trop envahissant.

Immédiatement, Chris s’était mis à regarder si son journal intime, bien dissimulé dans une cachette secrète de la chambre, n’avait pas bougé. Il ne donnait pas cher de sa peau si Hayden tombait dessus et remettait l’ouvrage à leur père. Ce « journal intime » n’était qu’un cahier à la couverture souple ornée d’un personnage de manga qu’il aimait bien. Il l’avait trouvé dans une brocante des années plus tôt et il ne s’en servait que pour extérioriser certain états d’âme. Il n’y a que des pensées noires dans ce carnet et aucune d’elles ne sont datées. Elles remontent, pour la première, à l’abandon d’Hayden lors de son départ pour ses premiers métiers. Il était jeune. Il éprouvait le besoin de se confier, mais, il ne voulait pas paraître faible devant sa grand-mère et il n’avait aucun ami à qui il pouvait parler de ce genre de chose. Ça lui arrivait encore de maudire son frère dans les pages blanches de ce cahier. Et il ne fallait surtout pas que sa famille tombe dessus, car les mots dépassaient parfois la pensée.

Alors, pour ne pas croiser Hayden ce matin-là, il était parti très tôt. Il n’avait pas cours avant neuf heures, mais il était à peine six heures lorsqu’il se pointa devant les grilles du lycée. Il n’avait pas petit-déjeuner, s’était habillé pour la journée – un pantacourt en toile beige et un simple t-shirt blanc avec des sandales – et allait sûrement attraper froid avant la fin de la journée. S’il faisait beau entre huit et vingt-deux heures, tôt le matin le fond de l’air était frais.

Les grilles n’étaient même pas ouvertes lorsqu’il arriva devant le lycée. Un rapide coup d’œil au travers lui apprit également que le concierge n’était pas encore arrivé non plus. Il l’avait déjà vu de loin sans jamais oser l’approcher de peur de le déranger. Alors il se laissa descendre, assit au pied du mur, les genoux contre son torse, la tête posée dessus. Il espérait que l’école ne mettrait pas trop de temps à ouvrir, qu’il puisse se réfugier à la cafeteria pour se réchauffer.

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QUAND ON PARTAIT DE BON MATIN
QUAND ON PARTAIT SUR LES CHEMINS
A BICYCLETTE ♪♫

«Talk About You»
Chris ~ Thor

Le soleil brille, les oiseaux chantent, c’est décidément une belle journée pour…

blah blah blah.

Erik, mon vieux, on a failli y croire. Ouais ouais, à d’autres. De toute façon, c’est pas l’heure, même les raton-laveurs sont encore en train de ronfler. Alors évidemment, ma bagnole est hors service. Saleté de cageot de merde. J’y peux rien si j’ai défoncé la boite de vitesse, ch’uis toujours pas habitué à la conduite à gauche, ça me gonfle sévère ce pays de chtarbés ! Rebecka , pourquoi tu n’as pas choisi les States bordel ? Je sais que c’est à cause des ‘Ricains – et de Napoléon aussi il me semble - si la majeure partie de la planète roule à droite, mais on s’en cale de qui est responsable, faut toujours qu’il y ait des connards pour ne pas faire comme tout le monde. Bon okay, j’avoue que j’ai un faible pour les ptits rebelles, ceux qui clament hauts et forts « nous ne sommes pas des moutons ! » mais pour le coup, je demanderais bien au Japon d’adopter la coupe disco des Jackson Five !

Heureusement que j’ai quelques relations dans le milieu de la mécanique… Je peux avoir une nouvelle boite trois fois moins chère que sur le marché de l’occasion. Et non, je ne veux pas savoir si c’est tombé du camion, ou si des mecs ont cané pour ça – bien que j’en doute – bref, je veux venir bosser en bagnole, parce que là, avec le vélo couleur lilas de Rebecka, j’ai vraiment l’air d’un con, ou d’une tarlouze, rayez la mention inutile. Le panier et les franges, sérieux, c’était obligé ? C’est bon ma beauté, t’as plus quinze piges ! M’enfin, je ne pouvais définitivement pas venir en autogire, bien trop bruyant pour un déplacement aux aurores. Quoique, je pense que me garer sur le plus haut toit de l’Académie doit valoir son pesant de cacahuète… pour au final sortir par la petite porte. Non merci, je n’ai vraiment pas envie de me faire virer. Je préfère encore avoir l’air con.

Je suis presque arrivé, un dernier coup de pédale… Faut dire ce qui est, c’est quand même agréable. Il ne fait pas très chaud, mais pour moi, c’est une vraie promenade de santé, je sens mes muscles s’échauffer et pour un peu, je me sentirais presque dans mon pays natal. Je souris tout seul, j’ai un bon pressentiment. Ça sera une très bonne journée. J’arrive devant le bahut, un peu trop vite…. Petit dérapage controlé et zou, me voilà devant la grille. Je descends de ma majestueuse monture, mon petit poney a un peu souffert. J’ai trop forcé sur le frein et j’ai voilé la roue arrière en dérapant.

- P’tain, c’est un bien un vélo de gonzesse, cette merde… F'chier, elle va me tuer…

En fait, imaginer la colère de Rebecka me donne déjà des sueurs froides. Pourtant, je reste persuadé que quelque chose de bon ressortira de cette journée. Mon intuition ne m’a jamais fait faux bond. Je grimace. Rien ne m’effraie, j’ai cette impression que parfois je pourrais déplacer des montagnes ou envoyer un caillou faire des ricochets sur la Lune et pourtant…. Face à ma femme je me sens comme le dernier des moins que rien. Elle tient ça de son père, ça ne fait aucun doute. Je devrais ptet lui envoyer une petite carte à celui-là. C’est qu’il me manque ce vieux débris. Face à une petite grille adjacente au grand portail d’entrée, ma grimace laisse place à un petit rictus nostalgique tandis que je cherche ma clé magnétique ; celle-là même que tout membre du personnel mais également du Comité des Elèves a en sa possession.

Je me raidis alors, tout en pivotant la tête, vers le bas. Depuis quand c’est là, « ça » ? A en juger par la tenue, c’est un mec. Petit gabarit, ce doit être un lycéen. Mais, y’est pas un peu tôt ? Et puis quoi, il chiale ? P'tain, je sens que je vais encore jouer les nounous aujourd'hui.

- Qu’est-ce que tu fous là toi ? Tu sais l’heure qu’il est ?

Ouais ouais, bonjour… Les formalités d’usage et moi, v‘savez…

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Talk about you

Chris eut un petit soupir, il réfléchissait. A la situation. A sa vie. A son père. A Hayden. Cette relation lui pesait, autant qu’à son frère. Mais il n’arrivait pas à calmer cette colère qu’il ressentait tout au fond de lui. Il n’arrivait pas à cesser cette jalousie, cette frustration. Il ne savait pas comment faire face à tout ça. Il n’arrivait plus à passer outre tous ces sentiments insupportables. Mais comment pouvait-il gérer ces choses ? Il était en pleine crise d’adolescence et, le pire, c’est qu’il en avait conscience mais qu’il n’en voyait aucune solution.

Assit dans le froid, il avait entendu quelqu’un arriver, il avait reconnu le son d’un vélo et s’était redressé en sursaut lorsqu’il avait dérapé. Il s’était redressé et avait dévisagé le concierge et son vélo rose. Un vélo rose à franges. Oh, il n’était pas du genre à juger si un homme pouvait ou non porter du rose et jouer aux Barbies. Chacun était libre de se comporter comme il le désirait. Mais, la taille du vélo ne correspondait pas vraiment à la taille de l’homme qui, était plutôt d’une belle carrure.

Monsieur Thornberg était un homme imposant par sa taille mais, surtout, par son aura. Elle n’était pas menaçante, peut-être un peu intimidante finalement. C’était un homme comme on n’en trouve peu au Japon. Il s’imaginait l’étranger avec lui, son pays d’origine. Mais celui qui lui a aussi volé sa famille et sa vie.

Il sursauta une nouvelle fois lorsque l’homme s’adressa à lui, presque surpris. Il se redressa et se passa une main sur la nuque, ennuyé.
— Oui, pardon. Je…
C’est là qu’il se sentit idiot. Il n’avait pas d’excuse pour être arrivé si tôt. Il aurait pu prétexter un devoir ou quelque chose à réviser, mais ça ne lui était même pas venu à l’esprit. Tout ce qui était venu dans sa tête, c’était la vérité.
— Je ne voulais pas rester chez moi.
Il lui offrit un sourire d’excuse et enfouit ses mains au fond de ses poches.
— Je ne vais pas vous embêter, j’voudrais juste me mettre dans une salle, en permanence ou à la cafeteria.
Il se rendit compte qu’il n’avait rien pour le petit-déjeuner et se fit la réflexion qu’il mangerait mieux à midi, il n’avait jamais beaucoup manger mais il lui fallait un apport journalier. C’était nécessaire, surtout avec les entrainements de basket. Peut-être pourrait-il plutôt aller au gymnase, bouger lui ferait du bien et il avait ses affaires dans son casier. Il se promit de réfléchir après avoir pu passer les portes, pour peu que Monsieur Thornberg le laisse faire. Il n’était pas sûr d’avoir le droit de rentrer si tôt. Au pire, il resterait devant, ça ne changerait pas grand-chose après tout. Il sourit au membre du personnel, un peu intimidé par ce grand homme, et prit son sac par une anse.
—Enfin, si jamais je dois attendre je peux le faire, je suis là depuis une vingtaine de minute donc un peu plus un peu moins…

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» Dire « Je t'aime » c'est pas ça le problème, écoute moi quand j'te dis que j'ai pas envie ❖ Chris Kou Yoshida
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