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 Ridules de soie | PV

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AuteurMessage
Zakuro Fea
▼ Université - 4ème Année - Comité des Elèves
▼ Université - 4ème Année - Comité des Elèves
Zakuro Fea


Genre : Non Binaire Lion Coq Age : 30
Adresse : 3, rue la Chance, app. 11, quartier Hiryuu, avec Lawrence E. Swanster.
Compteur 1580
Multicompte(s) : Kojiro Sekigahara

KMO
                                   :

Ridules de soie | PV Empty
MessageSujet: Ridules de soie | PV   Ridules de soie | PV EmptyMar 9 Fév 2016 - 20:58



    Ridules de soie.
    Les terrains accidentés.
    08/02/2016


    La surface de l'eau s'était dessinée en un trait dont l'horizon avait dévoré la netteté. Sous les pulsations d'un ciel aux orages trop versatiles, je m'étais figuré l'esquisse d'un projet tendu entre terre et mer, en équilibre sur le fil d'un vent. C'était une date, un peu trop particulière, qui marquait une journée sous laquelle les nues et les marées se rejoignaient en mon cœur.

    Sous mes doigts, dans les roulis de clapotements frappés par l'accalmie, les rouleaux d'une eau que je suivais des yeux accompagnaient les mouvements lents d'une rame embrassée. Baisée par les écumes, elle montait et remontait, descendue et accompagnée par mon regard. Dans un grand incendie sauvage que l'eau exprimait, synthétisait, le déplacement s'effectuait, sous le bout de mes doigts, dans la continuité de mes bras, de mes épaules et de mon dos. La barque flottait, et mon esprit courait. Comme une ancre, petite idole immobile devant mes yeux, Joshua était pâle.

    Le vent iodé se perdait sur le rebord de ses pommette, jalousant mon attention, récusant mes émois. Se disculpaient mes sentiments, ballottés comme des fétus de paille, comme des barques sur un lac. Les lieux étaient tranquilles, abandonnés par la présence humaine, et nous tracions dans l'eau une empreinte qui s'effaçait. Les embouchures du fleuve fermaient mon cœur, et j'inspirais, pour exhaler, la vapeur creusant dans l'air une sphère salée. Des ongles immatériels griffaient mes mèches, bigarrant mes joues en des jeux aux humeurs factices. Les rames pesaient sous l'eau le poids d'une matérialité trop mouillée. Je les y arrachaient, pour toujours mieux les replonger. Les mouvements avaient beau se faire de manière continue, mon habitude consistait à ramener mes yeux sur son visage. Les roulis de l'eau contre la barque saisissaient mes effrois des profondeurs, mais exaltaient ce besoin primaire de le regarder, de ne pas le lâcher du regard. Cela faisait cinq ans, maintenant. À force, j'en étais amené à croire, presque, que je connaissais ses traits mieux que les miens. Qu'à le regarder, je finirais presque par l'user. Ces presque se noyaient à la surface de l'eau, superficiels dans leurs états opposés à la réalité.

    Il y avait eu le masque de chair, humain, que m'avait laissé regardé Karine, et que j'avais cimenté dans mon esprit en une forme de souvenir irascible. J'avais comparé, de manière quasi obligatoire. En lâchant la rame gauche, mes phalanges vinrent effleurer une courbe douce, au niveau de sa pommette. Une caresse, du bout des doigts, du bout de mon âme, suivant le tracé de sa peau, juste sous l'oeil, avant de rabaisser ma main. Sous la barque, les battements ondulaient contre le bois, et je ne relevais pas les yeux jusqu'à son regard. Il y avait dans ma poitrine un nœud douloureux, celui d'une certitude trop sentimentale qui aurait exaspéré mes humeurs plus énervées.
    Le torii était là, point d'ancrage que j'avais cherché à atteindre en franchissant ce fleuve à la barque. Comme une ombre solitaire, une présence morte au milieu des flots, la porte des dieux attendaient, silencieuse et sempiternelle. Ramenant mes genoux, j'arrondissais le dos, calant ma joue dans une position confortable, pour mieux le regarder, et sourire.

    « Il va bientôt faire nuit. »

    Cinq ans, songeais-je. Le vent se calmait, auréolant le visage de Joshua d'une couronne albâtre et virevoltante, les mèches blanches frappant ses tempes, son front, la base de son nez. Je plissais les yeux, un oiseau s'envolant quelque part, filant au dessus de nous. Il n'y avait pas d'étoiles, les nuages camouflant le violet et le gris belligérants d'une fin d'après-midi orageuse. Il n'y avait pas d'étoile, la lumière chutant dans une arabole temporelle, et mes yeux ne s'accrochaient plus qu'à lui. L'orage exploserait bientôt, faisant vibrer dans l'air une tension chargée d'électricité. Une électricité en suspens qui se disputait au vent le droit d'entrer dans son souffle, le droit de pénétrer sa respiration. Je mordais ma lèvre, taisant mes élans de conscience. Je jalousais les éléments. Un sourire, comme une bulle qui explose, trancha les sentiments, s'étirant calmement sur ma face.

    « Je suis en train de me demander dans combien de temps je vais me mettre à pleurer à force de te regarder. »

    Je suis un gros nigaud. J'étirais mes épaules, ouvrant ma poitrine, calquant ma respiration sur un rythme moindre. Les larmes étaient une possibilité à laquelle j'avais pour préférence de ne me servir qu'en dernier recours. Me redressant, testant l'équilibre de la barque, je posais, deux-mètres au dessus de la surface ondoyante, mes yeux sur l'eau. Il n'y avait pas de monstres marins, me rassurais-je, en quittant la barque, en montant sur le ponton du torii. Il n'y avait que l'imagination et le poids de cinq années qui jouait sur mes épaules. J'attrapais la corde, tirant la barque jusqu'au ponton, l'y accrochant, et puis, en me tournant vers Joshua, l'attrapais dans mes bras. Il y avait le poids, mais celui-ci était différent. Mes mains accrochant, mes bras prévenant ses flancs, je le soulevais, l'attirant à moi. Mes yeux croisèrent les siens, et mon dos vint frapper le nemaki.

    On avait abandonné au pied du Torii des bougies que les vents et l'eau avaient éteint depuis longtemps. Mes doigts glissèrent contre ses cheveux, ses tempes, ses joues, s'arrêtant contre sa gorge. L'eau, quelques mètres plus bas, tapotait la pierre et le bois. Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire. Mes pouces vinrent appuyer contre le rebord de sa lèvre. Il n'y avait rien de plus à dire, et tous les merci du monde, que je voulais prononcer quant au fait qu'il existait, me paraissaient inconcevable, dans la fragilité de l'instant trop perdu, trop ailleurs. Je me taisais, pour le regarder. Comme souvent. Et comme souvent, il n'y avait rien de plus à ajouter.
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