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 THE HAPPY PRINCE | Naoko

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Lawrence E. Swanster
● Université - 4ème année - Président Cuisine/Thé - Vice Président Jardinage/Ikebana
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Lawrence E. Swanster


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MessageSujet: THE HAPPY PRINCE | Naoko   THE HAPPY PRINCE | Naoko EmptyMer 2 Sep 2015 - 21:12

26 juillet 2015. 9h40.


THE HAPPY PRINCE


La statue avait pleuré, laissant des larmes de dévolu couler le long de ses joues dorées. Elle avait pleuré ces larmes d’incompréhension et de dérision face à l’état d’une cité forgé dans la simplicité de son ignorance. Elle avait pleuré, des larmes pluvieuses,  une tristesse inconnue s’emparant de son corps figé. Puis elle avait donné, donné ses parures et ses yeux, donné sa peau et chacun de ses membres, donné tout ce qui avait de la valeur matérielle. Elle avait donné et s’était égrainé, incapable de continuer à se supporter. Elle s’était évaporée, puis s’était oubliée.  

Elle avait oublié, le moment fortuit où l’oiseau lui avait arraché ses joyaux pour en parer d’autres dont le derme poreux ne protégeait pas des intempéries. Elle avait oublié le temps où, lambeaux par lambeaux, l’hirondelle avait sectionné sa peau brillante pour que de moins bien nantis puisse la réceptionner. Elle avait oublié le temps où on levait les yeux pour l’admirer, pour psalmodier la beauté et la joie.

Elle avait oublié, mais son cœur avait continué de battre. L’oiseau était parti, mais son cœur était resté là, abandonné à son sort sans que nulle fin boursoufflée de parures ignobles ne puisse lui offrir un corps. On  ne l’avait pas ramassé, on l’avait laissé trainé dans la poussière, le regardant, de temps à autre, de la même manière dont un regarde un sans-abri aux capacités cognitives émoussées, avec beaucoup de pitié et une pointe de dégoût.

Dans l’histoire, le Prince et l’Hirondelle atteignait les portes d’un paradis ciselé dans l’or et la beauté. Le cœur se voyait attribué quelque chose de plus permanent qu’une enveloppe charnelle et l’oiseau égayait les cieux de ses chants. La tristesse de la statue se voyait effacée, et sa misère passagère faisait d’elle une entité méritant une existence au bonheur perpétuel.

Son histoire n’avait été qu’un cycle qui louait l’empathie. Le Prince avait vu la réalité, en avait souffert, pour les autres plutôt que lui-même, et avait cherché à changer ce qui lui avait déplu, ce qui avait lacérer son cœur. Suite à cela, on lui avait octroyé un salut honorable.

La dépression était toutefois un état clinique qui n’avait rien avoir avec un quelconque conte de fée. Elle dévorait les bonnes intentions, rapetissait le champ d’action, alourdissait les relations et peignait les rêves de gris. La sienne avait débuté avec des bonnes intentions qui n’avaient pas réussi à avoir l’impact désiré, des erreurs qui étaient devenues des regrets. Le premier murmure s’était fait entendre lors des funérailles de Leïthyssia. Le chaos avait pris forme dans la sensation du sang de Miya Chanteclair sous ses doigts. Il trimballait un  baluchon qui gagnait en ampleur chaque jour et peignait sa peau d’or pour qu’on ne remarque pas les craquelures et les morceaux manquants. Son histoire ne possédait pas de fin, mais la réalité était qu’on le fondrait aussi si on remarquait l’absence de son lustre. Les contes de fée n’existaient pas.

Toutefois, yeux mi-ouverts tressaillant contre l’éclairage blafard de sa chambre d’hôpital, Lawrence se sentait presque tenté de croire à leur éventualité.

Il était assis, sa petite sature diminuée par les hauteurs du lit de Lawrence et la bassesse de la chaise qu’on lui avait confiée, ses cheveux – chocolat noir trempé dans du café – dans le même désordre sans nom qui les avait toujours caractérisés. Il ne tenait pas de livre en ses doigts délicats, fins et courts, mais récitait, tranquillement, d’une voix qui s’animait seulement lorsqu’il cherchait à transposer un art à la réalité, les mots accompagnant le récit qui avait peuplé les songes de Lawrence.

« So they pulled down the statue of the Happy Prince. ‘ As he is no longer beautiful he is no longer useful,’ said the Art Professeur at the University. »

Il ne voyait de son visage que les pétales de lèvres qui avaient toujours égayés son faciès, les mèches folles de sa chevelure obscurcissant le reste de ses traits, coulant contre ses pommettes, jusque là où se serait trouvées ses clavicules si elles n’avaient pas été dissimulées par les replis d’un luxuriant costume.  Mille questions, mille pensées, – you’re still so small, where were you, why are you here, does everyone know you’re back, how did I end up here, is that Wilde that you are reading to me, are your eyes still as creepy as before, are you back for good – se fouettaient et carambolaient contre la langue de Lawrence dans l’espoir de réussir à être la première à avoir l’opportunité de sortir.

« Then they melted the statue in a furnace, and the Mayor held a meeting of the Corporation to decide what was to be done with the metal. ‘ We must have another statue, of course,’ he said,’ and it shall be a statue of myself.’ »

Il se redressa, quitta sa position allongée pour en adopter une assise, baissant son menton pour continuer d’observer le récital en silence. Ses mouvements alertèrent toutefois le locuteur qui releva son visage, sans abandonner sa phrase, et qui plongea une paire de prunelles déroutantes dans les siennes. Son visage avait conservé toute sa fragilité juvénile, malgré les années qui le définissaient comme l’ainé. Il n’avait pas non plus abandonné les inutiles lunettes rondes qui l’avaient suivi tout au long de leur adolescence. Identique. Jusqu’à l’expression brodée de neutralité qu’il offrait même dans les moments d’adversité. Identique. Jusque dans la mélancolie profonde qui noyait ses yeux surréalistes, violacés, améthyste, impossibles.

« ‘Of myself,’ said each of the Town Councillors, and they quarrelled. When I last heard of them they were quarrelling still. – Good Morning. It has been many hours, Lawrence. »

Lawrence tressauta, son cœur se projetant dans une accélération similaire à celle qui l’avait amené à perdre conscience dans les locaux du club de jardinage, similaire à celle qui l’avait, vraisemblablement, fait atterrir en plein hôpital. Les larmes vinrent sans qu’il ne chercher à les réprimer, tracèrent des stries de goudron sur la peinture dorée de sa peau. Cette présence dans cette chambre silencieuse de l’hôpital n’arrangeait rien, n’effaçait par les regrets et les désappointements, n’oblitérait pas le sang de Miya de sa peau, n’arrachait pas l’absence de Lun de sa conscience, n’annulait pas la déception noyant la gorge de Cammy et ne retirait pas le souvenir des cicatrices du bras de Zakuro, mais elle ramenait un souffle d’ordre. Dans ces sanglots de douleur pointait l’exaltation d’un soulagement.

L’autre, William – le William qui ne répondait pas, le William qui était porté disparu, le William qui dansait sur Brahms et qui adorait les fleurs, le William dont le plus grand amour avait toujours été le théâtre et qui n’avait jamais réussi à jouer du piano sans fausser – le regardait pleurer sans sourciller. Et Lawrence ressentait l’envie de le secouer, de le frapper, de vomir ses entrailles sur son joli costume, sans arriver à se résoudre à autre chose qu’une cacophonie de sanglot aqueux et de reniflements déstabilisés. Le silence était habituellement le compagnon de sa peur et de ses pleurs,  la corde qui le tétanisait et l’enserrait.

« I will explain my presence here to you at a later date. As for now, I would request for you not to mention anything of me to our families. »

Il ne comprenait pas, il était dépassé, et William se levait, toujours si petit malgré ses jambes dressées. Il y avait cette sévérité qui embrumait ses traits, la même – tant de temps et si peu de changements – avec laquelle il l’avait toujours matraqué, avec laquelle il avait toujours prononcé leurs différences. Ne rien dire, était la requête et Lawrence hochait de la tête sans songer à ce que cela impliquait, sans vouloir se dire que cela signifiait que William ne serait plus jamais une fixture permanente dans son existence. Si certaines choses stagnaient, au final, rien ne demeurait vraiment.

Les doigts de William effleurèrent ses cheveux, dans le murmure d’un toucher familier que Lawrence avait parfois pu observer être prodigué à sa cadette.  Un toucher qu’il avait observé curieusement, perché dans un recoin. William, pour toute son apathie, avait toujours posséder une maturité calme, trait de personnalité discret qui faisait de lui, malgré sa petite sature, un être vers qui on avait l’impression de pouvoir se tourner en situation de crise. Un être que l’on jugeait comme solide.

Aucun d’entre eux ne connaissait réellement William, au final.

« Don’t cry, Lawrence.  »

Il pleurait, reniflait, s’accrochait, tenait entre ses mains les pièces d’un puzzle qu’il n’arrivait pas à reconstituer. Un casse-tête tortueux dans lequel l’oiseau n’avait jamais été tué par l’hiver, n’avait jamais embrassé le Prince et s’était contenté de s’envoler vers l’Égypte sans un regard en arrière. On avait volé le rubis et les saphirs, mais le Prince avait sourit devant ces gestes. On avait volé ce qu’il aurait été heureux de donner. On l’avait dépouillé. Une autre statue le remplacerait.

Doucement, sous la caresse vaporeuse des doigts de son cousin, les chuintements internes de Lawrence ne devinrent que des ruisseaux silencieux.

« I will stay with you a while longer. »

Lawrence inspira.

« You stole my ruby and my sapphires ? »

Un sourire, condescendant, habité d’une douceur léthargique, comme tous ceux que William offrait, étira la fine toile de ses lèvres.

« Perhaps I did. »



Spoiler:





Dernière édition par Lawrence E. Swanster le Ven 10 Fév 2017 - 21:26, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: THE HAPPY PRINCE | Naoko   THE HAPPY PRINCE | Naoko EmptyJeu 3 Sep 2015 - 23:24

Le chien sans collier.
Qui attend.


    C'est une journée merdique qui commence avec un frigo trop plein. La porte est refermée sans que la moindre nourriture n'ait été déplacée sur les étagères refroidies, et l'antre gelée sombre dans le noir après une illumination brève, fatigante, inutile. Trop de détails, trop de possibilités qui restreignent mes choix en la contemplation trop violente d'un éventail qui me balance à la gueule des informations que mon cerveau fatigué n'est pas en mesure de traiter.

    Le café refroidit sur la table, s'y noie un crayon que j'ai confondu avec une cuillère.

    L'appartement est silencieux. Comme une tombe qu'on a pillée, et que j'explore, hagard, sans rencontrer les empressements d'une activité familière à laquelle je suis habitué. Un silence trop lourd, celui des journées qui débutent tard. Les réveils affichent un onze heure qui tire ma face en une expression colérique. Nuit trop longue, sommeil trop lourd, trop engluant, dont je ne parviens pas complètement à m'extirper.

    J'ai chopé des vêtements blancs, trop blancs, et j'ai la sensation d'être en deuil. Cheveux défaits et pieds nus, je me tiens en équilibre entre le socialement présentable et le coma de ma conscience.

    Comme des fantômes absents, les sensations d'inconforts de la nuit me rappelle jusqu'à ma chambre, où, somnambule complètement éveillé, je fixe sans le voir un lit qui m'attire. Je claque mes joues. On se réveille, Fea. La fenêtre que j'éventre s'ouvre sur une brise qui vient balayer les chapes trop confortables du lit défait, et je ramasse des vêtements, balaie les déchets qui s'accumulent autour de ma corbeille à papier, et range mon bureau. Les heures qui surviennent sont longues et ennuyeuses. Un événement scolaire est organisé, raison particulière pour laquelle je ne tiens pas à me rendre à l'académie aujourd'hui. On pardonnera ma motivation : je n'ai aucune raison d'aller observer des petits crétins jouer à des grandes réalisations communes.

    Je me sens vide.
    Vide comme l'appartement.

    Assis sur le canapé, j'observe les heures passer, et j'attends que Lawrence se ramène, pour pouvoir trouver une distraction dans le bruit de ses semelles et de ses bruits de saladier. Mes pensées s'égarent sur l'odeur de cigarette collée à ses cheveux et ses vêtements, et puis bifurquent sur les notes de piano qu'il fait miauler quand son humeur s'y prête. Je voudrais bien qu'il revienne. Il y a dans sa présence une aura particulière, ni trop sombre, ni trop claire, qui me fait me sentir simplement en sécurité là où il est. Comme un soldat de plomb à qui l'on aurait brisé les jambes, mais qui reste fier et debout : un jouet d'enfant qui continue à se faire apprécier de la galerie. Je ramène mon crâne dans les renfoncements de cuir du canapé. Je m'ennuie sans Lawrence.

    Joshua est probablement en cours. Kojiro aussi.
    Je ne suis pas motivé à aller voir Senta sur le terrain de basket.
    Momo est trop chiante en ce moment.

    Je ferme les yeux.
    Le sms qui est envoyé à Lawrence est balancé au travers des ondes comme une sorte de demande pleine d'espoir. Puéril enfantin d'un géant de deux mètres qui repose trop son attente sur les épaules d'un individu à la personnalité trop sociale pour que l'on se ressemble vraiment. Lawrence, reviens, fais-moi des crêpes. Mes paupière se soulèvent, difficilement, et je me motive à me tirer du canapé pour aller jusqu'à la porte close de la chambre de Lawrence. Du bout des doigts, je frappe contre le panneau si peu franchi. Zone zéro, comme un serveur détruit, je ne franchis que nécessairement la ligne que trace le seuil de la porte de cette pièce. Néanmoins, du bout des doigts, je fais pivoter le bouton de la poignée, et ouvre l'antre trop silencieuse d'un soldat de plomb absent.

    L'épaule contre le mur, je reste là, quelques minutes, à observer la chambre silencieuse.

    Et puis, tendre le bras, récupérer la poignée, et refermer la porte.

    (…)

    Quand rentre-tu ? As-tu bien tes clefs ? Veux-tu que j'essaie de préparer quelque chose ce soir ?
    Des questions sans réponses. Le café est oublié depuis longtemps sur la table.


    « Lawrence a fait un malaise. Rien de grave, il a simplement besoin de repos. Je vous conseillerais de passer demain. Bonne soirée à vous. - W.M.H »



    Il y avait quelque chose dans l'air qui prédestinait ce genre d'événement.

    Assis dans le couloir de la cage d'escalier, je fixe l'écran sans plus beaucoup le voir, en prenant simplement conscience que ça ne sert plus à rien d'attendre. Il est presque vingt trois heures passées, maintenant.
    Mon crâne tape le mur en béton en un petit « pac » sonore. Je ferme les yeux.

    (…)

    W.M.H est certainement cette personne que j'aurais pris pour un enfant si, installé dans le couloir, je n'avais pas entendu son éclat de voix au timbre trop mur, trop sophistiqué pour que cela soit la possession d'un gamin. Comme un farfadet, il tient une présence dans la chambre que je ne sais trop comment qualifier. Un quelque chose d'étrange que je ne suis pas en mesure d'affronter en ce moment.  Je prends l'option d'entrer dan la chambre lorsqu'il en sort, pour s'absenter brièvement. Le courage me manque, je crois, à devoir subir un regard inconnu face à Lawrence en plus.

    Je reste debout, sans doute trop longtemps, à le fixer. Je ne me suis pas changé depuis hier, et je n'ai pas beaucoup dormi non plus. Trop de blanc, un peu trop partout.


    « Je voulais t'apporter des tournesols. Histoire de te faire te sentir encore plus coupable. »

    Les mots sont brisés sur une intonation de voix lasse.
    Les yeux bleus, un bleu que Kohaku n'aura eu de cesse de nous différencier, cherchent les siens, et je me penche à moitié sur lui, comme pour m'assurer que je vois bien, et que l'image de son corps qui me paraît recroquevillé dans ces draps ne disparaît pas. J'aurais peut-être préféré être confronté aux mensonges d'une illusion, quitte à m'être senti manipulé par les aléas de la réalité. Là, ce n'est pas vraiment - … pas vraiment ce que j'aurais espéré. Ce que j'aurais attendu. C'est juste le constat trop douloureux de n'avoir pas su relever ce qui m'était imposé. C'est juste l'idiotie d'une vie réelle et à laquelle je n'ai pas fait suffisamment attention. C'est comme se réveiller en ayant été giflé. Je me redresse, et quitte le lit, sans parvenir à détacher mes yeux de son visage. Comment ai-je pu manquer autant de discernement ? Je me rends brusquement compte du poids qui s'est ajouté sur mes épaules, et dont la prise de conscience ne pouvait apparaître sans ce genre d'incident. Je ne fais pas raisonnablement attention aux gens qui font partie de mon quotidien. Comme des pièces d'un décors, parfaites, lumineuses et solides, elles s'étaient agencées en une adaptation répétitive que j'ai appréhendée sans jamais imaginer que tout pouvait un jour cesser de fonctionner. J'ai imaginé un peu trop longtemps que les choses ne disparaîtraient pas. Et s'il y avait les signes, j'ai préféré fermer les yeux.
    Je suis un imbécile.

    « Je suis désolé, Lawrence. »

    Ces mots sont murmurés, avant que la porte ne soit franchie, tandis que je me retourne vers lui. J'ai les yeux possiblement chargés de tout ce que je voudrais dire, mais à la place, c'est un mutisme handicapant qui précède la phrase sifflée. Le reste des paroles ne vient pas. La boule est trop forte, je ne cherche pas à lutter, au risque de m'étrangler. Alors je penche doucement, brièvement la tête, et dans un au revoir qui se tait, je quitte la chambre.

    La pluie légère qui tombe tache mon T-shirt blanc avec la couleur de ma peau qui surfait. Il y a une ironie si particulière, je pense, quand mes yeux tombent sur la nuance pâle des Doc que j'ai choisis.
    Une ironie qui me fait mal à en crever.

    Je me stoppe devant la porte de l'appartement 32.
    L'étiquette aux deux noms trop longs et remplis de a me donne envie de pousser la porte et d'aller me réfugier dans leurs bras, n'importe lequel des deux. De leur dire que ça fait deux semaines que je n'arrive plus à dormir. De leur dire que je suis tellement mal de n'avoir rien vu venir pour Lawrence. De leur expliquer que je me sens coupable sans pouvoir placer des mots corrects sur ce sentiment. De me reposer, de fermer les yeux, et d'arrêter de réfléchir à tout ça. Que je n'y arrive pas, que je n'y arrive plus, et apparemment, je ne suis pas le seul. Et je m'en veux de n'être pas assez fort pour aider au moins Lawrence. Je voudrais que Joshua prenne mes doigts et me dise que ce n'est pas grave, que je suis un idiot, que le Ciel ne tombe pas, et Kojiro sourirait. Je voudrais qu'on mette en pause la fatigue et le stress, et que, et que - Et puis, camouflée par les épaisseurs d'une intimité qu'ils vivent ensemble, dans un décor qui leur appartient, me provient le son d'une voix, qui semble rire aux éclats. La réalité est désamorcée. Ce n'est pas la même vie qu'ils ont, que j'ai, qu'on a, quoiqu'en en dira. C'est pareil pour Lawrence. Il ne s'est pas ouvert. Je n'ai pas cherché à savoir.

    Je fais demi-tour, et redescend dans la rue.

    C'est une autre journée merdique, laquelle s'achève avec mes paupières trop gonflées de n'avoir pas su pleurer.  
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MessageSujet: Re: THE HAPPY PRINCE | Naoko   THE HAPPY PRINCE | Naoko EmptyVen 4 Sep 2015 - 3:59



La nouvelle avait rapidement fait le tour de l’Académie. Les ragots avaient dû circuler quelques minutes après l’incident. Pour au final se propager dans tous les couloirs, dans toutes les salles de classes, dans tous les recoins des jardins.

Lawrence Swanster avait été transféré à l’hôpital à la suite de l’épreuve de jardinage du concours des clubs.

La popularité de celui-ci faisait que tout le monde se sentait concerné. De loin. Et au final, c’était comme si ça ne concernait réellement personne. Juste des miettes à se mettre sous la dent, des rumeurs à grignoter, un supplément à ajouter aux conversations, du piment pour relever le goût de la vie triste et monotone d’une grande partie des élèves de l’Académie.
Pour ma part, j’avais appris ce qu’il s’était passé un peu par hasard, alors que j’allais en cours, l’après-midi suivant le concours. Des murmures, et un nom familier qui se détache du brouhaha de la conversation. Je n’avais pu m’empêcher d’écouter, et l’annonce s’était coincé quelque part dans ma gorge, refusant d’être digérée. Je l’avais mâchonné pendant toute la durée de ma leçon de japonais, ne prêtant aucune attention au reste, et tentant tant bien que mal de savoir quoi faire avec ça.

Swanster était tout d’abord une connaissance de club. Le côtoyant régulièrement que ce soit pour la cuisine ou la cérémonie du thé, j’avais fini par considérer sa présence comme un gardien calme de l’harmonie des lieux. Nous n’étions pas proche, enfin, pas de mon point de vue. Mais je n’étais pas indifférente à son sort. Je l’appréciais avec la distance d’un étranger pas si inconnu que ça. Peut-être même un peu plus.
Sa bienveillance toujours présente faisait de lui quelqu’un qu’on pouvait difficilement détester, du moins, pas sans bonne raison. Cependant, il y avait chez lui quelque chose d’inaccessible. J’étais plutôt bien placée pour le savoir, avec les murs que je construisais entre moi et le monde. Mais pour Swanster, c’était différent. Ce n’étaient pas des murs qu’il érigeait, mais de grandes vitres derrière lesquelles il souriait, figé.

Je m’étais prise, plusieurs fois, à l’observer pendant les temps de club. Swanster l’illusionniste, qui vous berce de mensonges à la douce saveur. Qui créait des mirages, derrière ses vitres blindées, donnant l’impression que cette cloison n’existait pas. Mais malgré son sourire sucré sur son visage trop lisse, j’avais toujours, malgré moi, gardé mes distances. De derrières mes propres murs, je n’avais jamais osé me confronter à ses barrières. Je n’avais jamais osé m’approcher trop près. Par crainte, par méfiance, par terreur de me retrouver devant des miroirs habilement manipulés.
Ce n’était pas pour autant que je le dépréciais, bien au contraire. Au fil du temps, il y avait cette curiosité qui s’était réveillée au creux de mes pensées. Celle qui vous faisait réfléchir, tourner la situation dans tous les sens, et qui vous posait la question « Comment en était-il arrivé là ? ». Question sans réponse, je ne savais pas si elle viendrait un jour, tant elle était déplacée et personnelle, au final.

Voilà un peu la place que Swanster prenait dans mon esprit. Alors, après avoir appris son admission à l’hôpital, je ne pouvais pas vraiment faire la sourde oreille comme si ça ne me touchait pas. Mais je me demandais si j’étais dans mon droit de m’en préoccuper. L’interrogation était légitime. Après tout, nous n’étions que président et membre de club.
Cependant, malgré moi, je m’étais retrouvée le lendemain matin, devant les portes de l’hôpital, sans savoir si je devais rentrer ou repartir chez moi.

Secouant légèrement la tête, je décidai de chasser ces pensées de mon esprit. Je ne faisais pas ça par obligation, et même si mon geste serait refusé, j’avais l’envie d’être là. En espérant que, ne serait-ce qu’un peu, ma présence amène peut être un peu de réconfort.
Déambulant dans le dédale trop monochrome de l’hôpital, je tentais de ne pas laisser mon esprit trop divaguer vers de mauvais souvenirs. Personne n’aimait les hôpitaux, pour toutes les mauvaises choses auxquels ils étaient rattachés. Mais on oubliait bien trop souvent qu’ils permettaient aussi à la vie de continuer son chemin, après s’être fracassé au milieu de débris d’escaliers.

J’arrivais enfin à la chambre que m’avait indiquée l’accueil, et m’arrêtais devant, hésitante. Je n’avais pas vraiment l’habitude de ce genre de chose, à vrai dire, je n’avais encore jamais rendu visite à un convalescent. Et il n’était même pas de ma famille. Comment réagir ? Quoi dire ? Je ne savais même pas exactement ce qui l’avait mené là, n’ayant pas pris la peine de vouloir entendre le téléphone arabe qui aurait transformé l’information originelle en fantasme collectif. Je soufflais lentement, tentant de reprendre un semblant de calme dans le fouillis de mes élucubrations. Jetant un regard à ma montre qui affichait 10h22, je relevais alors les yeux vers le numéro gravé sur la plaque en face de moi.

De ma main de libre, je venais alors doucement toquer à la porte, presque un effleurement. Je me demandai si mon geste avait été audible, et une voix, de l’autre côté, me confirma que cela avait été suffisant. Je ne reconnue pas le timbre, mais n’en fit pas cas. Ouvrant timidement la porte, je vins glisser la tête dans l’entrebâillement, me demandant s’il était réellement correct que je pénètre ici.
Je fus d’abord surprise d’apercevoir quelqu’un d’autre, et, regretta presque instantanément de m’être incrustée de la sorte. Le jeune homme était manifestement d’assez petite taille. Du moins, pour un homme. Et dès qu’il m’aperçut, il se dirigea vers la sortie. Je m’écartais alors, faisant quelque pas dans la chambre, et entendis la porte se refermer derrière moi.
C’était une situation vraiment étrange, et, j’étais mal à l’aise. Mais je n’étais pas la plus à plaindre, alors, je décidai de prendre pour une fois mon courage à deux mains. Et même à trois, si cela était nécessaire.

« B-bonjour. »

S’enquérir de son état, prendre les choses avec humour, pleurer, s’inquiéter, compatir. Il y avait une infinité de pattern de réaction, et pourtant, aucun ne me correspondait. De toute façon, ça ne servait à rien de jouer à ce que l’on n’est pas. Me posant à son chevet d’un pas lent, le sac de courses se froissant à chacun de mes mouvements, je vins me positionner à côté de son lit, et, ramenant la poche plastique en hauteur, je sortais des boites Tupperware, encore et toujours des boites, les empilant sur son lit.

« Je… Je ne savais pas combien de temps tu restais et ce que tu préférais, alors… »

Alors j’avais fini par faire une multitude de gâteaux, biscuits, tous bien rangés et séparés par sortes. Après tout, on dit toujours qu’il n’y a rien de mieux pour réconforter que quelque chose de sucré. Je ne savais pas jouer le miel dans un sourire comme tu savais le faire, Swanster. Alors je t’apportais le soutien comme je le pouvais. En espérant qu’il suffise à reboucher les fissures de tes vitres brisées. Ou au contraire, qu’il vienne les faire voler en éclats pour de bon.

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MessageSujet: Re: THE HAPPY PRINCE | Naoko   THE HAPPY PRINCE | Naoko EmptyVen 4 Sep 2015 - 22:25



Y AURAIT-IL EU UN CHIEN,
AU PIED DE LA STATUE ?



Lorsque l’orage des larmes de goudron creusant le doré simulé d’une peau fictivement abîmée avait subsisté et que le silence s’était étendu entre deux êtres qui avaient trop à se dire pour savoir où commencer, Zakuro avait franchi le cap de la porte, solennel et fatigué. Ses traits étaient marqués d’un épuisement que Lawrence ne connaissait que trop bien, et il avait dû se retenir, déboussolé qu’il était par l’enchevêtrement des événements qui s’accumulaient depuis la veille, de tendre les bras pour lui offrir un câlin.

Du coin de l’œil, il avait attrapé la silhouette de William qui passait le cap de la porte et cela avait toutefois suffit à entièrement casser son envie d’affectivité. Il s’était crispé douloureusement, suivant le petit être des yeux, alors que celui-ci prenait bien soin – bien sûr, William tout craché – de tourner la poignée avec la plus minutieuse des délicatesses.  

Maintenant, ce n’était qu’une cloison lisse, close, qu’il observait, hébété et terrifié, conscient de cette réalité dans laquelle William disparaissait tout aussi sournoisement qu’il était apparu, emportant avec lui le cœur de plomb qu’il avait laissé derrière lorsqu’il était parti la première fois, un rubis scintillant et des saphirs entre les bras.

Zakuro le fixait, mais Lawrence ne trouvait aucun mot, partagé entre son envie de s’élancer à la poursuite de son cousin et cette pensée qui avait vogué dans son esprit le départ de sa conscience. Les lumières étaient rallumées, la pièce était éclairée, mais il ne savait toujours pas quoi dire, comment expliquer.

Les tournesols fleurissaient dans la bouche de Zakuro comme des dards empoisonnés, et si Lawrence avait trouvé la force de confronter le bleu des iris de son colocataire l’instant d’une seconde, les pétales jaunes avaient renvoyé son regard valdinguer dans les contrées de ses cuisses. Les tournesols installés contre la table de chevet du lit d’hospitalisation de Cammy Logan, après le séisme. Une offrande accompagnée d’un mot qui n’avait jamais eu de retour et qui avait, plus encore que le départ de la jeune femme de l’Académie, creusé un fossé que Lawrence n’oserait jamais franchir.

Il devinait que c’était Joshua qui avait rendu ces images accessibles au cerveau de Zakuro, qui avait dessiné cette histoire à grands traits de mots. Le rônin lui en renvoyait un portrait chargé d’amertume, qui ravivait l’impuissance folle qui l’avait lacéré, alors qu’il avait déambulé entre les chambres d’hôpital des gens aimés.

Il n’était pas revenu depuis, il aurait préféré ne jamais avoir à le faire.

Zakuro se rapprochait, puis se distançait, exécutait cette danse de la culpabilité qui animait le langage corporel de toute personne se voyant affligée de l’effroyable certitude d’avoir été aux premières loges, mais de n’avoir rien fait. Lawrence connaissait ce sentiment et le placardait à tous ses plus grands regrets, se rappelait le visage strié de larmes de William – des larmes cristallines si rares, exotiques dans leur apparition – lors des funérailles de sa mère. William l’avait repoussé, ce jour là, s’était probablement souvenu des piques et des commentaires, des œillades et des moues, savait pertinemment qu’une part de Lawrence considérait sa peine comme invalide, mal transposée, différente de ce qu’elle aurait dû être.

( Cet amour là n’aurait jamais dû être réservé à une mère. )

Lawrence n’avait pas su quoi dire, avait offert des condoléances et s’était vu sèchement rembarré. Il se demandait encore aujourd’hui, si les choses auraient pu être différentes. Peut-être que William ne serait pas parti si quelqu’un avait cherché à comprendre, à écouter.

Et Zakuro s’éloignait, Zakuro –

Zakuro avait quitté la chambre, s’évaporant dans une excuse que Lawrence avait réceptionnée avec un brin de chaleur. Le faciès d’un être qui s’effrite aux commissures, qui bouillonne une marée noire et infectieuse. Un état familier, trop sournois pour considérer être permanent, plutôt saisonnier dans ses ardeurs. Il pourrait rattraper Zakuro.

Ce n’était pas trop tard.  

William gratifiait de nouveau la chambre de sa présence, trottinait jusqu’à la courte chaise, alors que Lawrence s’emparait de son téléphone portable, téléphone que William avait vraisemblablement installé là de sorte à ce qu’il soit à sa disposition.



(
Ne soit pas désolé, Zakuro. Merci d’être passé.
N’oublie pas de savourer la bouffe qui reste dans le réfrigérateur.
Je rentre bientôt.
)
(
Le Ciel me semble trouble, cher monsieur chat.
–  Et je suis à l’hôpital et je dois te parler, plus tard. –
)


Il y avait peut-être une part de cruauté dans le fait de déchaîner Kohaku contre une victime qui ne l’avait pas expressément demandé, mais . . . les émotions de Zakuro passaient très souvent par celles que transposait le Chat. Si quelqu’un pouvait raviver Zakuro, il s’agirait indubitablement de Kohaku.

Reposant son téléphone, Lawrence soupira, se valant une œillade interrogative de la part de William. William ne posait que très rarement des questions, ne chercherait pas des informations là où Lawrence n’aurait pas envie d’en donner. Il se contenterait d’assumer, avec sa perspicacité déroutante et  ne quémanderait  uniquement que lorsqu’il le jugerait nécessaire.

Lawrence secoua la tête et William reprit le récit là où il l’avait laissé.


« 'What a strange thing!' said the overseer of the workmen at the foundry. 'This broken lead heart will not melt in the furnace. We must throw it away.' So they threw it on a dust-heap where the dead Swallow was also lying. »




LA PETITE FILLE DEVAIT VENDRE SES PÂTISSERIES,
MAIS LA STATUE NE POUVAIT LES ACHETER.




On toqua à la porte et la litanie doucereuse de Wilde éclata dans un silence inopiné. William releva la tête avant que Lawrence ne trouve la force de réagir, invitant l’illustre visiteur ayant interrompu leur quiétude – ce mensonge qui évitait momentanément à Lawrence de devoir se concentrer sur la réalité qui l’attendait à l’extérieur – à pénétrer dans la chambre, de sa voix flûtée.

Le mot surprise ne collait pas exactement à la présence de Naoko Tanaka sur le seuil de la porte de sa chambre d’hôpital, le mot semblait trop vif, trop grand, pour s’appliquer à une si petite apparition. Toutefois, Lawrence ne se serait jamais attendu à la voir surgir là, ses bras chargé d’un sac de plastique, sa contenance fébrile sans vraiment l’être.

Que . . . faisait-elle là ?

William sortait, à nouveau, choisissant l’écart à la participation active, s’éclipsant à l’extérieur sans même saluer Naoko, ne se retournant pas pour rassurer Lawrence d’un revers de prunelles mauvâtres qu’il reviendrait bientôt. Le corps de Lawrence s’inclina vers l’avant dans un mouvement défiant la réflexion et les apparences, ses pieds basculant du côté du lit.

« Will – »

Attend.

Naoko s’était avancée imitant le départ de William de la même manière que Zakuro l’avait fait, l’un se rapprochant, alors que l’autre s’éloignait. Lawrence la détailla brièvement, pris en compte son apparence à tout point similaire à celle qu’il avait l’habitude de lui observer, incapable de retenir les œillades embêtées qu’il lançait en direction de la porte. William était revenu dans la chambre, une fois Zakuro parti. Il ferait assurément la même chose après la visite de Naoko. Il n’y avait, logiquement, rien de mauvais à anticiper.

Pourtant.

Lawrence souffla sur ses mèches ternes, s’égarant dans une neutralité crispée quelques secondes avant d’en émerger, un vague sourire, en toc, en pyrite, égayant ses lèvres. Il se refusa obstinément de jeter un nouveau regard en direction de la porte, malgré tous ses sens lui hurlant de ramener son cousin dans son champ de vision.

« Bonjour Naoko.  »

Naoko n’avait rien avoir avec son état lamentable, avec ces crises et ces angoisses qui l’avaient conduit à l’hôpital. Au contraire, ne lui avait-elle pas épargné davantage de souffrance en aidant Joshua lors du séisme, n’avait-elle pas toujours été un membre exemplaire du club de découvertes culinaires ? Imposer à Naoko ses appréhensions et ses angoisses, ne serait-ce qu’en s’élançant à la suite de William, qu’en refusant de se montrer courtois, serait très mal venu. Personne n’y gagnerait rien.

Pourtant.

Elle déposait diligemment des tupperwares sur son lit et les paumes de Lawrence tremblaient. Sa salive se coagulait dans les replis de sa gorge et il la ressentait très bien, la pression de performance, celle-là même qui l’avait réduit en panique lors du concours de jardinage. Il y avait une étudiante et il y avait le masque de l’obligation, parure qui avait, entre les lignes, cessée d’être naturelle, qui avait englouti les couleurs pour perdurer,  laissant derrière un cœur de plomb alors que l’hirondelle s’enfuyait. Il y avait une étudiante, connue, méconnue, et il y avait Lawrence et son sourire de pacotille, fondu contre l’or de sa peau. Les sillons de goudron se faisaient trop visibles. On avait pas eu le temps de refaire la peinture.

Les contenants de plastiques contenaient des vivres sucrés, gâteaux, biscuits, les pâtisseries se dévoilaient dans un fumet sirupeux, qui vînt serrer l’estomac de Lawrence. C’était de circonstances, illustrait très bien la nature de leur relation. Naoko comptait parmi les plus douées et ses présents seraient certainement délicieux.

Lawrence en picora un du bout des doigts.

« Je pars dans la journée. Je ne sais pas ce qu’on a dit à l’académie, » Parce qu’on disait assurément quelque chose.  « mais je n’ai rien de grave, juste un vilain coup de fatigue. »

Un vilain coup de fatigue logé entre les épaules, qu’on expliquerait avec moins de tact si on s’adonnait à regarder le réfrigérateur trop rempli qui trainait dans lsa cuisine, des mets prêts et intouchés entassés dans davantage de tupperwares. On ne parlerait pas de coup de fatigue, de surplus de stress, mais plutôt d’accumulation, de problématique, d’aide potentielle.

Lawrence grignota une petite section du cookie, savourant le goût du miel tout en relevant les yeux sur Naoko. Elle était là, sans avoir le moindre besoin d’y être, installée à son chevet sans que la moindre raison valable ne s’impose à son esprit. Ce n’était pas de la surprise, non. Plutôt de la gratitude mêlée à une vague déception. Il allait sans dire qu’il aurait espéré voir quelqu’un d’autre se glisser au travers de l’embrasure de la porte, une femme plus grande, plus mûre.

( Mais Cammy n’était pas là. Cammy ne viendrait pas. )

Lawrence baissa les yeux.

« . . . merci. »

Si le sourire lui venait avec une aise venimeuse, la conversation qu’il utilisait habituellement pour combler les silences manquait de force, se faisait terne. Naoko ne méritait pas de subir ses états d’âme,  méritait d’être couverte de remerciement et de gratification positive. Lawrence n’arrivait simplement plus à persévérer dans sa performance, son sourire figé sur ses traits, son regard vague et soucieux.

Pendant une seconde, il se dit que William aurait dû lui voler ses yeux, plutôt que de lui dérober ses couleurs – son rubis, ses saphirs, son or –. Il aurait eu une excuse valable pour expliquer son inertie, son apathie, ses yeux au blanc rougi.

Là. Il n’y avait que le silence étendu entre deux être qui ne savaient comment s’aborder.


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Naoko Tanaka
▼ Université - 3ème année - Vice Présidente Cuisine
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THE HAPPY PRINCE | Naoko Empty
MessageSujet: Re: THE HAPPY PRINCE | Naoko   THE HAPPY PRINCE | Naoko EmptyMar 12 Avr 2016 - 2:10



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Je me tenais, droite, dans une incertitude quant à la justification de ma présence ici. J’avais accompli mon devoir de kōhai envers son senpai de club. Une offrande sucrée pour souhaiter sans mots un bon rétablissement. Politesse. Gentillesse.

Distance.

Et Swanster vint placarder son sourire de miel, lointain, rance, dégoulinant. Loin de l’habituelle façade rutilante et lisse, loin de ses vitres parfaitement transparentes. Bien loin de tout ça. Son sourire terne et ses yeux rougis ne renvoyaient pas l’effet escompté. Par cette expression d’automatisme et pourtant mal maîtrisée à cet instant, j’eu l’impression d’y décerner une détresse. Sourde, assourdissante. Un appel à l’aide, jeté à la mer depuis un lointain rivage. Ou peut-être était-ce encore un coup des miroirs, et que j’y projetais bien plus de sens que cela en avait initialement. Peut-être. Sûrement.

Toujours était-il que c’était douloureux.

Je ne pus contrôler une certaine empathie à son égard. Mais pas l’empathie sympathique, la presque-pitié qu’on a envers une personne ouvertement triste. C’était plus une… connexion, une compréhension. Avoir l’impression, un instant, d’être dans ses chaussures, de voir à travers ses yeux. Même sans savoir toute l’ampleur que ce que cachait cette grande boite de verre dans laquelle il dansait, habituellement. Une empathie possible par nos similitudes, et pourtant limitée par nos différences. Son jeu d’acteur, social, était définitivement plus travaillé que le mien. Et il me manquait indubitablement les clés pour le déchiffrer. Quelque part, s’en était frustrant.

Je n’étais pas dans la position d’un ami, inquiet, qui se retrouverait à souffrir de concert de la peine d’une personne qui lui était chère. Dans cette position de culpabilité, sentant qu’au fond de soi, on avait une part de responsabilité dans la charge qui semblait peser sur ces épaules, sur ce visage dont les traits étaient marqués, figés par on-ne sait quel mal.
Non, je ne me retrouvais pas dans cette place-là. Et pourtant, il m’était impossible, encore plus à cet instant, de retourner sagement à celle d’inconnus-connus. De camarades. De connaissances. Une position beaucoup plus confortable, qui m’aurait permis de m’éclipser, servir platement des encouragements sans saveur et de retourner à ma vie comme après une désagréable visite chez le dentiste.

Alors je me retrouvais là, debout, droite. Face à Swanster et ses œillades vers la porte. Incapable de mettre le doigt sur le reflet qu’il me renvoyait, inévitablement. Mon regard suivi le sien, et je tournais la tête vers la lourde de la chambre, avant que le convalescent ne s’efforce, les pupilles tremblantes, à fixer ses yeux sur moi. Je devinais dans ses gestes, dans son attitude trop lisible, une angoisse, une envie, un besoin. D’être rassuré, de s’assurer. Il n’était pas difficile de faire le lien avec la personne qui était présente avant que je n’entre. Peut-être que j’avais dérangé plus que je ne le pensais.

Mes doigts filaient sur le couvercle de la boite avant de venir serrer le sac plastique dans un froissement bruyant. Sur le coup, je me demandais si ma présence n’avait pas été le déclencheur de ces murs de verre. Qu’à cause de nos positions, il avait été sorti d’un moment d’intimité où il pouvait se permettre de faire tomber ses barrières. Qu’il avait été sorti d’un instant salutaire avec cet inconnu, par mon infraction inopinée. Pour être obligé de les ériger à nouveau. Pour faire bonne figure. Je n’avais plus qu’à attendre l’inévitable « Je vais bien. » et la panoplie serait complète.

Je n’eus pas longtemps à patienter, puisqu’il se présenta sous les traits d’un « vilain coup de fatigue ». Je fermais les yeux un instant. Même sans visuel, sa voix sonnait faux. Mais les conventions sociales dictaient qu’il ne fallait rien dire. Hocher simplement la tête. Ignorer les stries des larmes sur les joues d’un confrère. Par respect. Par discrétion.

Qui avait décidé qu’il était normal pour l’humain d’être aussi inhumain ?

Faire la sourde oreille à la souffrance, faire croire que « tout va bien ». Tant que ces mots résonnaient, personne ne poserait de question, malgré que tout le monde s’en pose et les garde pour soi. Tout va bien d’apparence, alors qu’un monde s’effondre sous un vernis qu’on passe son temps à appliquer.

Ah.

J’ai senti mon ventre se serrer, alors que le visage de mes parents et leur sourire figé se placardait sur mes paupières. Pleurs. Angoisses. Crises. Violences. Brimades. Expulsion. Enfermement. Isolation. Mais tout allait bien. Devant la porte close de ma chambre, tout allait bien. J’ai appris bien tôt que les excuses, aussi vides soient-elles, dissuadaient pour la plupart des questions trop intrusives. Une distance qui se transforme en barrière. Puis en fossé. Et les briques forment le mur. La boite de verre était peut-être l’étape suivante.

Mes yeux vinrent se poser sur Swanster, qui goûtait du bout des doigts l’un de mes cookies. Des remerciements. Et un silence qui me disait de les accepter et de repartir. De ne pas me mêler de ce qui ne me regardait pas. De ne pas franchir les lignes que des millions de personnes prenaient garde de ne pas piétiner. Pour l’équilibre, pour le respect, pour le bien de tous.

Je doutais de ce dernier point.

Et je ne pouvais me résoudre à suivre des règles que je ne comprenais pas. Dans cette chambre trop blanche, à l’atmosphère trop familière et à la fois trop étrangère, je fermais les yeux. Et je soufflais longuement, me parant de toute la sincérité qui faisait mon être habituel. Cette honnêteté directe, parfois dure. Sans fioritures, sans détour.

« Je peux partir si tu le souhaites. »

Mes paupières s’ouvrirent, et mes pupilles sombres scrutèrent l’homme assis dans son lit. Sondant, fouillant pour déceler le moindre indice qui aurait pu me mettre sur la voie. Qui aurait pu me murmurer la manière de m’y prendre. Mais rien. Je savais que je me lançais dans une bataille indirecte compliquée. Peut-être même perdue d’avance. Mais j’étais persuadée qu’à cet instant, ce qui comptait, c’était surtout d’offrir une possibilité. Une main tendue. Ne pas accepter les excuses, les mensonges. Les coups de fatigue, les baisses de régime, les inattentions. Et dire clairement qu’on peut être là pour partager les peines. Offrir une trêve dans cette guerre de défense.

« Ou je peux rester et tu peux me raconter. »

Et aussi cruel que cela pouvait paraitre, je ne savais que trop bien que c’était le moment ou jamais. Il fallait frapper dans les fissures pendant qu’elles étaient encore visibles. Profiter de la faiblesse, mettre le coup de grâce.

« N’importe quoi, tout ce que tu veux. J’écouterai. A la seule condition que ça ne soit que la vérité. »

Et à cet instant, je comprenais que c’était ma place. Que forcer le passage était trop dur pour un ami, trop impensable pour un inconnu. Nous n’avions presque rien à perdre dans cette solution. Je n’avais pas d’attente envers lui qu’il pourrait décevoir. Il n’avait pas de loyauté à avoir envers moi. Et il pouvait rire, nier, refuser, me trouver étrange ou totalement dérangée. Se sentir vexé, outré, agressé. Et je savais que j’étais la mieux placée pour ce rôle parce que ça m’aurait été égal.

Connus et Inconnus. Semblables et différents. La balle était dans son camp.
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