Un jeu dangereux [PV Sei]

Sujet: Un jeu dangereux [PV Sei] Mar 20 Jan 2015 - 0:42

« Viens. On va aller dans ce magasin, ils ont des trucs bien là bas.»

On avait passé l'après midi entière à faire du shopping Caïn et moi, et, alors qu'il avait déjà les bras chargé de paquets, il me prit la main et m'entraina à sa suite dans une boutique avant que j'ai eu le temps d'objecter quoi que ce soit. Bizarrement, c'était presque toujours mon frère qui insistait pour qu'on aille faire du shopping afin de me couvrir de cadeaux. Là, il m'avait déjà acheté deux paires de bottes, un manteau et un ensemble en lingerie, en plus de deux petits trucs pour lui-même.
Ca avait l'air lourd, aussi comme nous nous arrêtions pour entrer dans le nouveau magasin, je lançais:

« Laisse moi au moins te porter un sac. »
« Non. »

ça c'était bien le genre de réponse monosyllabique comme mon frère les faisait si bien. Le genre de réplique qui laisse pas la place à la moindre discussion. J'insistais néanmoins. J'en avais marre qu'il me couve comme ça ces derniers temps. Certes, j'avais mal vécu le coup de pute de Reiji, mais bon ça va, j'allais pas m'effondrer et partir en dépression.

« T'as vu comme t'es chargé ? Alors, file moi un sac.»
«Et toi, t'as vu tes bras ? Laisse tomber. C'est moi qui porte. »
« C'est bon, j'suis pas en sucre bordel .»

Certes, en comparaison avec la musculature de mon frère qui faisait pas mal de sports de combat je tenais pas la distance, mais bon c'était pas une raison. Moi je trouvais que mes bras étaient très bien comme y étaient. Caïn me dévisagea avec son regard dur et inflexible qui signifiait encore plus clairement que ses mots « Insiste pas, je cèderais pas. » D'ailleurs, sa seule réponse fut de changer de sujet.

« Aller, choisis ce qui te plait. » Il m'exhorta à aller farfouiller dans les rayons, juste avant de me désigner un ensemble en cuir qu'il venait de repérer. « Tu devrais essayer ça, tiens.»

J'avais bien envie de protester, juste par principe. J'avais déjà bien assez de vêtements, pourquoi s'acharnait-il de la sorte à vouloir me submerger de présents ? En vrai, je le savais, il m'avait déjà dit que ce qui lui faisait plaisir à lui, c'était de me faire plaisir, il n'empêche que j'avais toujours du mal à vraiment comprendre. Mais bon, j'avais appris à l'accepter. De toute façon, c'était toujours lui qui avait le dernier mot, alors je cédais, ça nous faisait gagner du temps. Bon, je cédais pas sur tout, j'arrivais quand même lui faire accepter des compromis - de temps en temps.

Environ 20 minutes plus tard, les essayages terminés et une bonne dose de négociation pour limiter la fièvre acheteuse de mon frangin, nous en arrivâmes enfin au moment de passer à la caisse. Entre temps, j'avais cédé sur l'ensemble en cuir en faisant promettre à Caïn que c'était le dernier magasin et j'avais superbement ignoré le commentaire débile d'une vendeuse me disant que j'avais de la chance d'avoir un petit ami aussi généreux et attentionné. J'avais surtout besoin de prendre l'air et d'avoir la paix 5 minutes, aussi je lançais :

« Pendant que tu paies, je vais à l'épicerie en face. »

C'était pas une question, je l'informais c'est tout, parce que si je commençais à demander la permission on s'en sortirait jamais. Comme de toute façon, il avait les bras chargés des derniers achats, il avait pas vraiment le choix et vu la file pour passer en caisse il en avait pour un moment. Je sortis rapidement avant qu'il y trouve quelque chose à redire, du genre « Et si quelqu'un dans la rue te reconnait ?».

L'épicerie la plus proche était pas exactement en face, mais pas très loin. Ça me fit le plus grand bien de pouvoir faire quelques pas dans la rue toute seule, comme une grande. Franchement, c'était pas parce que je m'éloignais de mon frère de plus de 10 mètres qu'il allait m'arriver un pépin. Parfois je me demandais comment il tenait en place toute la journée quand j'étais au lycée. Je devinais qu'il devait lutter contre lui même pour ne pas venir s'assurer toutes les 15 minutes que tout allait bien. Et puis si j'avais vraiment un soucis, j'avais qu'à l'appeler. C'était dément quand même, j'avais toujours l'impression d'être une fillette quand j'étais avec lui.

Je finis par arriver à l'épicerie, je savais pas vraiment ce que j'allais acheter, ça avait plutôt été une excuse pour m'éloigner mais maintenant que j'étais là, autant en profiter pour faire quelques courses. Evidemment, c'est toujours quand on pense que rien ne va arriver et que le grand frère est chiant à s'inquiéter pour rien, que le destin s'acharne à donner raison au dit grand-frère. Non parce que, quelle était la probabilité que l'épicerie dans laquelle j'étais entrée à cet instant, ne subisse justement un braquage quelques minutes après que j'ai commencé mes courses, hein ?

Invité

La journée de Sei avait commencé à 13h22, au moment où il avait ouvert les yeux et réalisé que l'après-midi était déjà entamé. Ces derniers temps, les grasses matinées emplissaient son monde, ne lui faisant que se rappeler qu'il passait des nuits dehors beaucoup trop longues. Son rythme était décalé et ce n'était que quand arrivait 6h ou 7h du matin qu'il ressentait l'envie de se coucher dans des draps toujours un peu plus accueillants à chaque heure qui passait. Ce mauvais rythme n'était pas juste dû à ses soudaines envies de profiter de sa jeunesse mais plus à ses récentes fréquentations. Sei avait agrandi son cercle d'amis, il avait fait de nouvelles rencontres, s'était liés avec d'autres mecs en mal de camarades et désormais les cours devenaient simplement une corvée de plus dans sa vie de jeune étudiant. En toute franchise, ses résultats scolaires étaient en chute libre et ses absences s'accumulaient. Son père avait déjà plusieurs fois pris le téléphone pour joindre le secrétariat de Keimoo et prétendre avec une sincérité à toutes épreuves qu'ils avaient des problèmes familiaux, que Sei était un bon élève malgré ses absences mais dernièrement, il devenait de plus en plus difficile pour le paternel de trouver des excuses acceptables. Ils en avaient pourtant parlé tous les deux, Sei avait tenté de lui expliquer que l'école c'était pas pour lui, qu'ils étaient de toute façon assez riches pour qu'il n'ait même pas besoin de bosser de sa vie mais aucun argument n'avait eut l'effet escompté. Son cher papa ne cessait de le remotiver pour qu'il suive les cours, pour qu'il ait son diplôme et qu'il tente de réaliser ses rêves.

Se redressant dans son lit en poussant de ses deux bras, Sei étouffa un bâillement avant de se retourner vers le reste de la chambre, de sa chambre. Au sol, Trent et Fuji dormaient sur des futons, le drap avait volé quelques mètres plus loin et les deux compères ne semblaient pas encore réveillés. A ses côtés, dans le même lit, était allongé Keita et il avait les yeux ouverts. Le saluant d'un geste distrait, Sei se frotta le visage en se demandant s'ils devaient réveiller les deux autres pour pouvoir aller pisser ou simplement leur marcher dessus ...

~ Est-ce que tu penses toujours ce que tu as dit hier?

La question le ramena à la réalité et cessant son étirement en cours de route, Sei se tourna vers Keita avec une expression un peu dubitative sur le visage. Hier soir, ils avaient fait la fête dans un de leurs bars favoris, ils avaient traînés des nanas avec eux tout le long de la soirée, les avait soulé pour le plaisir de les voir plus libres de leurs actes et les avait simplement laissé rentrer en taxi à une heure loin d'être raisonnable. Les conversations par contre, étaient un peu plus floues, la racaille peinait à se souvenir exactement de ce qu'il avait dit après quelques verres dans le nez.
Exprimant son manque de souvenirs avec un sourire, Keita continua sur sa lancée, se fichant bien si les autres étaient réveillés ou non.

~ Que t'es du genre à aider un pote quand celui-ci à des problèmes?
~ Je me souviens toujours pas avoir dit ça mais oui, c'est plutôt mon genre. Pourquoi? T'as des problèmes?
~ Si on veut. J'ai besoin de me venger de mon paternel, et pour ça, j'ai besoin d'un mec qui n'a peur de rien et qui sait fermer sa gueule.
~ Je suis pas idiot au point de plonger tête la première dans un plan si tu m'en dis pas plus. Lève ton cul et dis-moi tout autour d'une bière.
~ Ok, ok. Laisse-moi deux secondes le temps d'émerger.

Le laissant dans le lit, Sei ricana quand il quitta les draps et écrasa la main de Trent au passage. Celui-ci hurla de surprise plus que de douleur avant de se plaindre du mal de crâne qui envahissait maintenant toutes ses pensées. Malheureusement pour lui, ce n'était que le début. D'ailleurs, au fil du temps, Sei commençait à s'habituer à ses lendemains difficiles. Les inconvénients étaient toujours là, mais il prenait son mal en patience car il se connaissait assez bien pour savoir qu'il préférait davantage boire et se bourrer la gueule que se plaindre le lendemain et promettre que c'était la dernière fois ...

[. . .]

L'après-midi avait passé à une vitesse folle, surtout qu'ils s'étaient levés peu avant 14h. Il était pas loin de 18h30 quand Sei et Keita garèrent le véhicule de celui-ci quelques mètres avant l'épicerie. Trent et Fuji avaient regagné leur vie quotidienne mais les deux autres jeunes hommes étaient restés ensemble, à peser le pour et le contre du souci de Keita. Au départ, Sei avait voulu l'envoyer chier, critiquer cette envie devenue insupportable de vouloir punir son père et puis il l'avait écouté déblatérer toutes ces anecdotes sur un homme d'âge mûr qui prenait plaisir à frapper sa descendance, qui buvait plus que de raisons mais qui paraissait si adorable face à des clients qu'il ne connaissait même pas. Il lui avait aussi parlé de sa mère, de cette femme adorable qu'il avait fait fuir à cause de sa violence, du manque que Keita ressentait désormais puisqu'elle refusait de voir son enfant par peur de représailles. Elle disait avoir tourné la page, Keita lui voulait régler ses dettes.
Quittant le véhicule, Sei enfila son bonnet noir afin de cacher ses cheveux roses bien reconnaissables et glissa une paire de lunette de soleil sur ses yeux. Niveau vêtement, il était resté simple et portait un jean, des baskets et un petit pull blanc passe-partout. Le principal, c'était le visage. Keita était vêtu tout en noir et avait même opté pour la cagoule des braqueurs de banque ... Quand ils entrèrent dans l'épicerie, Keita donna aussitôt un coup de batte dans la caméra de sécurité et instaura de ce fait le climat à suivre. Son père semblait terrorisé et avait déjà levé les mains au ciel comme pour appeler Dieu à l'aide. Ricanant, Sei le laissa régler ses comptes et fit le tour des rayons. Il n'y avait personne ... jusqu'au dernier rayon où la racaille se retrouva face à face avec une jolie blonde qui avait sûrement entendu toute l'agitation qui venait de se passer.
Un coup de poing américain glisser sur ses phalanges, Sei s'approcha d'elle lentement et abaissant ses lunettes, il la jaugea de haut en bas.

~ T'es toute seule? Ne t'inquiète pas, c'est pas pour toi qu'on est là alors si tu es sage, il ne t'arrivera rien. Lui faire peur était un peu le but. Sei avait refusé de faire le pied de grue devant la porte donc techniquement, une âme maligne pouvait réussir à s'échapper mais le but n'était pas de garder des otages. Ils n'avaient pas prévu de tuer des gens, de blesser des clients ou de demander une rançon. Keita voulait juste foutre une branlée à son paternel mais de manière à ce que ce ne soit pas trop centré sur celui-ci, Sei avait aussi ajouté qu'ils devraient voler l'argent de la caisse et quelques trucs, avant de foutre à sac quelques rayons ... pour le fun.

Un œil discret vers Keita, il vit que celui-ci était passé derrière le comptoir et qu'il semblait bien se défouler sur ce pauvre vieux. Toujours proche de la jolie blonde toute seule face à ces 3 hommes, il continua sur sa lancée en glissant un paquet de gâteau dans la poche arrière de son jean.

~ Je t'ai jamais vu dans le coin ... Tu viens d'arriver? Ça te dirait de passer un peu de temps avec moi quand mon pote aura fini ce qu'il a à faire?

Sujet: Re: Un jeu dangereux [PV Sei] Lun 26 Jan 2015 - 21:40

Qu'allais-je bien pouvoir acheter ? En toute honnêteté j'étais pas franchement inspirée, mais comme ni Caïn ni moi ne faisions très souvent les courses, notre frigo commençait à être un peu trop vide et j'en avais un peu marre de commander des pizzas ou des sushis tout le temps. Faudrait au moins acheter de la viande et quelques fruits et légumes... Dans cette perspective, je m'avançais dans les rayonnages en quête d'un truc qui me tente avant de m'arrêter au niveau des biscuits et friandises. Ouai, bon, je sais, ça fait la fille qui n'a aucune volonté et se laisse séduire par la vue des sucreries comme une gamine. Mais j'avais une excuse. Il y a des gens qui achètent des clopes, bah moi, il fallait que je renouvelle mon stock de sucettes, c'est tout. On va dire que c'était une forme de substitut. Mes préférées c'était celles à la cerise, rouge en forme de cœur, kitsch au possible et j'assumais. Tout ça pour dire que je venais d'en prendre un paquet quand j'entendis le bruit sourd de quelque chose qu'on fracasse, suivi de ce qui ressemblaient à des coups violents et aux gémissements de quelqu'un qui se fait passer à tabac.
Toute seule dans mon coin avec mon paquet de bonbecs, j'en menais pas large. Je m'étais figée, partagée entre le besoin de voir ce qu'il se passait et la nécessité de ne pas me faire remarquer.

Je sentais mon cœur qui battait à toute allure, signe que j'étais terrorisée. Bordel de merde. J'essayais de raisonner. Qu'est ce que j'étais sensé faire moi ? Appeler au secours ? M'enfuir en courant ? Rester là, parfaitement immobile en espérant de pas être remarquée ? J'aurais probablement été tenté de partir en courant, le truc c'est que cachée derrière mon rayon, je pouvais pas voir grand chose. De ce que j'avais entendu, il me semblait que les types étaient au moins deux, mais je savais même pas s'ils étaient armés or j'avais pas vraiment envie de me faire tirer comme un lapin en tentant une sortie. Du coup, je restais là, paralysée comme un petit animal pris dans les phares d'une voiture, jusqu'à ce que le complice du mec qui tabassait le vieux de la caisse me tombe dessus.

Je me retrouvais face à face avec ce type, plutôt grand, baraqué et le visage partiellement dissimulé par un bonnet et des lunettes de soleil et mon cœur rata un battement. J'étais pas dans la merde là. C'était trop tard pour partir en courant ? Je ne savais pas ce qu'il allait faire, je ne savais pas ce qu'ils voulaient, lui et son (ou ses) complice(s) mais si je devais émettre un avis, j'aurais dit que ça avait tout l'air d'un règlement de compte. Certes, j'avais pas une grande expérience des braquages d'épicerie, mais pour ce que j'avais pu voir dans les films ou aux infos, en général, les mecs se contentent de menacer ou d'assommer l'employé à la caisse et de se tirer avec le fric. De manière très pragmatique, je voyais pas l'intérêt de perdre du temps à tabasser le pauvre gars, à moins justement que ce soit personnel et non pour l'argent.

Alors que le voyou s'avançait vers moi, je le dévisageais malgré moi, incapable de faire le moindre mouvement. Bizarrement, je sentis la peur refluer légèrement tandis qu'il avançait. De toute façon, je ne pouvais plus faire grand chose je ne pouvais plus espérer m'échapper. Je fis de mon mieux pour rester calme et conserver un air impassible. Je déglutis péniblement tandis que la racaille ôtait ses lunettes et m'observait de la tête aux pieds. Je remarquais qu'il paraissait jeune, il devait avoir seulement quelques années de plus que moi. Il semblait beaucoup moins effrayant vu ainsi, mais bien sur, je ne me faisais pas d'idée. Le mec de la caisse était encore en train de se faire tabasser et une petite voix dans ma tête se demandait s'il allait seulement survivre. J'espérais vraiment que oui, sinon, je donnais pas cher de ma peau, des meurtriers ne laisseraient pas de témoin. Puis, le jeune homme s'adressa à moi, demandant si j'étais seule, bien que la question semblait rhétorique, et ajouta qu'ils n'en avaient pas après moi. Je ne savais pas trop si je devais me sentir rassurée - probablement pas - mais pourtant, ce fut le cas. S'ils avaient seulement l'intention de donner une leçon au type de l'épicerie, ça réduisait fortement mes chances de crever ce soir. Je pouvais même espérer m'en sortir indemne. Bon, c'était peut être un piège aussi, mais l'espoir fait vivre comme on dit.

Avant même que j'ai pu envisager de répondre quoi que ce soit, il poursuivit, me demandant si j'étais du coin et si je voulais passer un peu de temps avec lui. Je fronçais légèrement les sourcils alors que ma conscience peinait à comprendre ce qui était en train de passer. Est ce qu'il était sérieusement en train de me draguer pendant que son pote terminait de rouer le coup le mec de la caisse ? - Je notais au passage que j'avais désormais la confirmation qu'ils étaient deux, non pas que ça change grand chose à mon problème. - Comment on est supposé réagir dans ce genre de circonstances ? En fait j'aurais presque trouvé ça drôle si j'avais pas été autant effrayée. Je me surpris moi même lorsque j'ouvris la bouche pour répondre avec une voix étonnamment posée. Mon intonation à la fois prudente et légèrement provocante.

« Je serais bien tentée... Mais j'suis pas certaine que ce serait vraiment sage pour le coup. Or, je voudrais pas qu'il m'arrive.. quelque chose, si tu vois ce que je veux dire. »

Je venais de lui renvoyer ses propres mots à la figure. Après tout, c'était bien lui qui avait dit que si j'étais sage, il ne m'arriverait rien. C'était beau de constater que j'avais encore un tant soit peu de répartie en dépit de ma frousse. Personnellement, j'estimais mériter une médaille pour ça. Cela étant, j'étais pas convaincue qu'ouvrir ma gueule ait véritablement été la plus avisée des décisions. Je savais pas trop si c'était une forme désespérée de courage ou juste de la témérité de ma part, et en même temps, fallait bien que je réponde quelque chose. Il fallait aussi noter qu'en dépit de ma réponse ambiguë, je n'avais pas véritablement refusé. La vraie question était en fait de savoir si j'avais réellement envie d'être sage. Je savais que c'était probablement la plus grosse connerie que j'aurais jamais faite, et il y avait dans ma tête une petite voix -ressemblant vaguement à celle de Caïn- qui me disait que c'était complètement barge, inconsidéré et sans aucun doute possible, dangereux. J'avais beau savoir très clairement que le mec en face de moi était un mauvais garçon de la pire espèce, une part de moi dont j'ignorais jusqu'alors l'existence trouvait malgré tout son offre séduisante. Je devais être dingue.

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Alors qu'il venait d'ouvrir un pot de nutella pour y glisser goulûment son doigt dedans, Sei redressa la tête vers la demoiselle qui venait, enfin, de lui offrir le doux son de sa voix. Une très jolie voix d'ailleurs, même s'il s'était attendu à quelques bégaiements ou des prières pour qu'on la relâche. Il eut même un doute de deux secondes en croyant l'avoir déjà entendu mais c'était improbable. Plus étrange, elle ne paraissait pas plus effrayée que ça et si, en temps normal ça aurait du l'agacer d'être ainsi peu pris au sérieux, Sei fut finalement amusé. Ce n'était pas la première fois qu'il participait à un braquage mais ça, Keita ne le savait pas. La dernière fois, il avait cambriolé une petite supérette chinoise qui squattait depuis quelques mois un ancien magasin de bouffe japonaise qu'il appréciait beaucoup. Le propriétaire étant décédé, ces foutus chinois s'étaient rués sur l'occasion et Sei avait grincé des dents. Ça avait été personnel, oui et ce jour-là, une autre fille avait été son otage mais elle avait paniqué à l'extrême, pleurant toutes les larmes de son corps, priant pour le salut de son âme et invoquant toute la pitié que Sei n'avait jamais eu pour personne. Il ne lui avait pas fait de mal sinon cette gifle pour la faire taire, geste qui avait aggravé les choses. Ce jour-là, sa colère avait été si forte qu'il n'avait même pas profité de l'adrénaline qui procure un braquage, ou du moins un truc illégal.

Reposant le pot à peine entamé sur un des rayons, il s'approcha encore davantage de sa nouvelle proie dans un mouvement calme et assuré et, les lunettes toujours tombantes sur son nez, il tendit doucement son doigt couvert de nutella et le fit glisser sur les lèvres de sa charmante compagne. Elle pouvait reculer mais c'était déconseillé. Quant à mordre ... valait mieux pas essayer :

~ Je vois très bien mais tu crois peut-être que tu as le choix? Tu veux que j'appelle mon pote pour qu'il t'oblige à me suivre? Je serais triste de voir ton joli minois abîmé. Ayant terminé de recouvrir ses lèvres de chocolat, Sei se lécha le doigt et continua son chemin en passant derrière elle pour jeter un simple regard sur les rayons alentours.

Menacer cette inconnue n'était pas dans ses habitudes, surtout pour une gonzesse même s'il ne faisait pas trop attention à ces détails. Jusque-là, elle n'avait rien fait de mal et jouait même plutôt bien le jeu. Il avait juste conscience qu'il devait garder la tension à son maximum pour éviter qu'elle ne prenne l'avantage et en profite pour fuir. Keita avait cessé de donner des coups à son paternel et semblait s'affairer sur la caisse sûrement peu remplie mais qu'importe. Il était temps pour lui de sortir les mains de ses poches.
Tendant son bras, il attrapa la jolie blonde par le poignet et la tira vers lui d'un coup sec alors qu'il donnait un coup de pied violent dans le rayon, faisant ainsi tomber des tas et des tas de paquets, bocaux et autres emballages. Le bruit fut assourdissant et Sei laissa échapper un rire en tournant sa tête vers Mademoiselle l'inconnue aux beaux yeux.

~ C'est quoi ton prénom? Allez, vite vite. Tu te doutes bien que je ne vais pas pouvoir te taper la discute encore très longtemps. Pure vérité, simple et bête. Le bruit qu'ils venaient de faire avait sûrement alerté des passants ou les commerçants voisins et si certains étaient suffisamment curieux, ils pourraient même venir voir ce qu'il se passait. Au mieux, les plus trouillards se contenteraient d'appeler la police.

Relâchant le poignet de son otage involontaire, Sei s'engouffra dans le rayon suivant au moment où son pote arrivait à son tour. Les mains serrées sur une poignée de billets qui faisait pitié, il commença à hurler qu'ils devaient s'en aller avant que les flics ne débarquent, qu'il avait eut ce qu'il voulait, etc ... Sei acquiesça d'un signe de tête lassé alors qu'il croquait dans un cornichon. Le mariage du chocolat et du cornichon valait le détour même s'il avait connu mieux ...
Dans un petit demi-tour, il revint vers sa belle du jour et le sourire carnassier sur les lèvres, il s'approcha suffisamment d'elle et de son visage pour lui lécher le coin de la bouche, prétextant qu'il restait du chocolat et que c'était un crime de gâcher du nutella. Lui soufflant des clichés de drague à l'oreille, appréciant sincèrement l'ambiance interdite qui le poussait à fuir avant d'être arrêté pour de bon, Sei fut rappelé à l'ordre par Keita au bout d'une trentaine de secondes et donna un coup de pied rageur dans une vitrine de produits frais.
Poussant un soupir consterné, il tendit sa main vers la jeune femme après avoir remis ses lunettes :

~ Alors ... t'es sage ou t'es vilaine?

Je serrais si fort le paquet de sucettes dans ma main que c'était un miracle si l'emballage pas encore explosé, mais je ne m'en rendais même pas compte. Mon attention tout entière était retenue par mon dangereux interlocuteur. Alors qu'il tournait autour de moi tel un chat jouant avec la souris qu'il venait d'attraper, j'étais pour ma part totalement pétrifiée et incapable de bouger. Qu'aurais-je bien pu faire d'ailleurs ? Inquiète quant au sort qu'il me réservait, je l'épiais du coin de l'oeil tandis qu'il ouvrait un pot de Nutella et prélevait une noisette de cette pâte chocolatée sur son index. Je déglutis péniblement en le voyant s'approcher alors de nouveau vers moi dans une attitude prédatrice. Je redoublais d'effort pour conserver mon sang froid et afficher un calme apparent. Paniquer en cet instant ne m'aurait absolument pas aidée. J'avais le souffle court et mon cœur tambourinait si fort contre ma poitrine que s'en était presque douloureux.

Je me raidis lorsque mon bourreau avança vers mon visage un doigt entreprenant chargé de Nutella pour m'en tartiner les lèvres. Toutefois, je ne bronchais pas, sentant bien que le moindre mouvement de travers de ma part pourrait être vraiment regrettable. De plus, la menace non dissimulée qu'il m'assena ne fit que me confirmer le fait que j'avais tout intérêt à éviter de faire la maline. J'avais sans doute pâli, parce que, non, je ne tenais pas spécialement à me faire taper sur la gueule. Au passage, je ne pus m'empêcher de songer qu'il n'avait sans doute pas besoin du renfort de son copain pour me forcer à quoi que ce soit compte tenu de son gabarit et du mien. Un commentaire que j'eus le bon sens de garder pour moi. De toute façon, j'étais incapable de répondre cette fois comme si j'avais perdu ma voix. Le geste de la racaille était provoquant au possible et je l'aurais surement trouvé très érotique si je n'avais pas été aussi tendue et apeurée. Puis, le garçon me contourna pour passer derrière moi et je relâchais une respiration que je n'avais pas eu conscience de retenir. Se faire étaler du Nutella sur la bouche, ça n'avait rien d'effroyable, on pouvait facilement concevoir pire en matière de torture. Par réflexe plus qu'autre chose, je me passais la langue sur les lèvres et en suçais le chocolat, effaçant ainsi les traces de «l'agression » au Nutella.

Des yeux, je suivais le braqueur qui semblait s'intéresser aux rayons et notais au passage que le bruit des coups avait cessé. Je risquais un coup d'oeil en direction de la caisse mais je ne voyais toujours pas grand chose en raison des rayonnages. C'est alors que mon ravisseur me saisit le poignet et me tira brusquement vers lui. Sous la surprise, je laissais tomber au sol le paquet de sucrerie que je tenais toujours. Mes jambes étaient tellement tremblantes que je trébuchais et le heurtais légèrement avant de réussir à rétablir mon équilibre. Je ne pus retenir un hoquet de stupeur quand la moitié des emballages, bocaux et paquets divers tombèrent sur le sol en un fracas assourdissant suite au coup de pied du garçon. Lui, trouvait vraisemblablement cela très drôle puisqu'il laissa échapper un rire amusé avant de me demander mon prénom. Moi, de toute évidence, je n'étais pas vraiment faite pour la violence. Il me fallut quelques bonnes secondes pour reprendre mes esprits tandis qu'il me pressait de répondre.

« D-Désirée. » Bafouillais-je alors en me remettant à peine de mes émotions. Bien évidemment, je ne lui demandais pas le sien en retour, je doutais qu'il décline si facilement son identité alors qu'il ne pouvait pas savoir si je n'allais pas tout déballer à la police. Et puis, dans ce genre de circonstances, en général, moins on en sait, mieux on se porte.

Il finit par me relâcher le bras et s'engagea dans le rayon voisin alors que son complice venait à sa rencontre en commandant de décamper rapidement. Le braquage semblait définitivement toucher à sa fin, ils étaient sur le départ. Pourtant, le jeune homme revint vers moi de sa démarche féline tout en affichant un sourire prédateur. Je le dévisageais fixement d'un air frondeur mais ne me reculais pas même quand il fut si près de moi que je pouvais sentir son souffle sur ma peau. Mon cœur s'emballa de nouveau, si ce n'est que cette fois, c'était moins par peur que par excitation face au danger. Cela pouvait paraître étrange mais avec toute l'adrénaline qui circulait dans mon corps je me sentais vivante comme jamais. C'était un peu comme frôler la mort pour se sentir pleinement exister. Il pencha alors son visage vers le mien, me faisant écarquiller les yeux, et vint lécher la commissure de mes lèvres. J'étais un peu sous le choc. J'étais pourtant loin d'être prude et en soi, ce n'était pas grand chose, mais compte tenu de la situation il était normal que ça me perturbe un peu. J'étais certaine qu'il n'avait fait cela que dans le but de me provoquer en jouant encore un peu avec moi. Pauvre petite souris dans la gueule du gros matou. D'ailleurs, il ne s'arrêta pas là, se penchant à mon oreille pour y murmurer des paroles vulgairement aguicheuses avant que son copain ne le rappelle à l'ordre. Après un coup de pied contrarié, il me tendit finalement la main dans une invitation à le suivre tout en me demandant si je choisissais d'être sage ou vilaine.

Je sentis l'excitation me gagner à l'idée de faire un truc aussi dingue, je ne voulais pas que ça s'arrête ,et, sans réfléchir, je pris sa main. Vous connaissez l'histoire de la brebis qui suit volontairement le loup dans sa tanière ? Ben, en l'occurence, la brebis c'était moi, et en réponse à sa question je susurrais d'une voix à peine audible :

« J'opterais plutôt pour masochiste, je crois... »

Je ne savais pas ce qu'il m'avait pris de répondre ça, mais cela m'était venu tellement naturellement que je n'avais même pas eu le temps de me poser la question. J'étais juste totalement et irrémédiablement cinglée et mon frère allait probablement péter les plombs. C'est ainsi que je me laissais entrainer, volontairement, à la suite de la racaille et de son complice hors de l'épicerie saccagée. Je me demandais vaguement si cela faisait un peu de moi leur complice, parce qu'on pouvait pas dire que j'avais opposé un tant soit peu de résistance, c'était même l'inverse. Nul doute qu'il y avait un truc qui tournait pas très rond chez moi, mais bon, en cet instant je n'en avais juste rien à faire. J'étais grisée par une soudaine soif de liberté, d'adrénaline et d'aventure, or quoi de mieux pour cela que de braver les interdits ? D'ailleurs, je me demandais bien où il avait prévu de m'amener et ce qu'il avait prévu de faire. C'est quoi qu'on est sensé faire normalement après avoir commis un casse ? Et qu'est ce qu'un mec comme lui pouvait bien faire de son temps libre mis à part braquer des épiceries évidement ? Alors que je le suivais, courant pour soutenir son rythme, je ne pus me retenir de l'interroger.

« Et, euh... c'est quoi le plan maintenant ? Tu comptes m'emmener dans une ruelle sombre pour sucer mon sang ? »

Mon ton était joueur et un tantinet provoquant. J'avais envie de m'amuser et j'espérais vraiment que c'était bien ce qu'il voulait aussi et qu'il n'ait pas l'intention de me faire du mal.