Un air de confessionnal.

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Avril 2014.

Il y a des jours où tout va mal, d'autres où tout va bien. Ce matin, au lever, Sei avait senti poindre en lui cette petite étincelle qui annonçait une bonne humeur chronique, une humeur joviale à toutes épreuves. Malheureusement, ça n'envisageait rien de bon. Il n'était pas rare de croiser la jeune racaille avec le sourire quand tout roulait à merveille dans son petit monde de bisounours mais il était déjà nettement plus fréquent de le voir sourire quand quelque chose rendait triste une tierce personne. Et oui, Sei avait appris à se satisfaire du malheur des autres et ce, encore davantage quand il en était le responsable. Son père avait eut beau tenter de lui inculquer les bonnes manières, de lui faire prendre pitié d'autrui aussi vite que possible ou encore d'être généreux, il avait toujours préféré le chemin inverse, le chemin sombre, celui qui paraissait tellement plus simple quoique moins ensoleillé. Désormais adulte, la racaille se complaisait dans ces malsaines habitudes à torturer des pauvres victimes avec des mots, à chercher le moindre petit détail pour les rendre fous ou totalement désespérés. Il n'excellait pas encore dans ce domaine mais chaque candidat le poussait dans ses retranchements. Il fallait bien le dire, il devenait une vraie ordure au fil des jours.
Et donc, aujourd'hui était un bon jour. Pour une raison qui allait rester inconnue pour toujours, la racaille s'était réveillé avec le nom de Bianca Even en tête, se remémorant avec une aptitude qu'il ne se connaissait pas des détails du dossier de la demoiselle. Ce fameux dossier dont il avait pu avoir un aperçu lors du séisme, alors enfermé avec deux mâles qui n'avaient plus d'existence à ses yeux. Ces petits feuillets juxtaposés les uns sur les autres lui avaient d'abord paru sans intérêt, témoignage silencieux d'une vie aussi barbante que la demoiselle en question ... Pourtant, cette nuit il s'était rappelé d'un petit feuillet mis de côté, annoté d'un mot rouge dont il ignorait encore le sens. Peut-être allait-il pouvoir le découvrir aujourd'hui.

Les recherches, c'était son quotidien quand il n'était pas en cours. Traquer des victimes potentielles impliquait souvent de passer des heures, des jours, à les suivre en espérant être incognito, à se calquer sur leurs habitudes, à remarquer des détails qui paraissaient anodins pour d'autres. C'était chiant, 100% ennuyant mais ça payait toujours. Il suffisait d'une fois, une seule effraction et Sei avait son pass pour faire tout le mal dont il avait besoin pour se sentir plus fort. Si Shuuri savait ça, sûrement qu'elle lui tournerait le dos pour de bon ...
Aussi, il lui avait fallu plusieurs semaines mais il avait trouvé cette Bianca Even, l'avait suivi pour se synchroniser avec son emploi du temps, avait découvert son petit-ami, son cercle social, le numéro de sa classe, le nom de sa rue et la place exacte de sa maison et avait surtout été surpris de voir la demoiselle si sportive. C'était une petite bonne femme qui ne payait pas de mine, à priori bien aimée de tout son entourage et serviable comme feu Mère Thérésa. Ça allait être amusant, poignant de lui faire comprendre que son petit monde allait ouvrir une porte pour un côté sombre, que Sei allait désormais faire partir de ses souvenirs qu'elle le veuille ou non. Elle semblait délicieuse.
L'ayant traquée jusqu'à ses entraînements -nombreux selon lui- Sei s'était adossé contre le chambranle d'une porte coulissante qu'il empêchait désormais de se fermer et matait sa victime en ayant décidé qu'aujourd'hui serait le jour J. Il avait bien assez patienté, il avait l'impression de la connaître par cœur et il était confiant sur ce qu'il avait contre elle. Pourquoi faire ça? Parce que c'était amusant, pardi. Pourquoi ne pas simplement oublier ce dossier? Parce que la racaille ne savait pas comment apprécier sa vie sans détruire celle des autres. Il avait besoin de réaliser le malheur de n'importe qui pour prendre conscience qu'il était fichtrement chanceux!
Elle était là, lumineuse et motivée comme les jours précédents. Elle semblait aimer ce qu'elle faisait et appréciait les petites chorégraphies dont elle avait le contrôle. La racaille devait bien l'avouer, elle était douée dans ce qu'elle faisait même si, en toute honnêteté, il trouvait ce "sport" ridicule. Aussi, quand elle fut un peu plus à l'écart des autres, la racaille s'approcha d'elle sans chercher à être invisible ou discret. Cela faisait belle lurette que les couleur de ses cheveux l'avait rayé de la liste des gens discrets. Un petit tour sur place et il se plaça juste sous ses yeux.

~ Bianca ... Et si tu venais me voir deux secondes. Je pense que la discussion pourrait t'intéresser. Rien d'original dans son approche, tous les poissons ne mordaient pas aussitôt à l'hameçon mais généralement, la curiosité savait pousser le vice jusqu'à ses limites et tous finissaient par craquer pour savoir qui était cet inconnu aux cheveux roses qui semblait les connaître. Car oui, appeler Bianca par son prénom -malotru!- alors qu'il ne lui avait jamais adressé la parole jusque-là allait déjà la faire réagir, c'était obligé. Une sainte nitouche crierait au blasphème d'ainsi profiter de son identité sans demander la permission, mais une étudiante comme cette jolie sportive ... peut-être allait-elle montrer un côté agressif, sortir les griffes ou feindre l'ignorance. Qu'importe. L'appât était lancé, il ne lui restait plus qu'à mordre dedans et se laisser doucement tirer vers son bourreau.

Sujet: Re: Un air de confessionnal. Lun 19 Jan 2015 - 19:00

Bianca avait terminé son entrainement, ce n’était pas le premier de la journée, ni le dernier de sa semaine. Elle s’entrainait durement ces derniers temps, pour se maintenir à niveau. Ayant été blessée quelques mois plus tôt et au repos complet, elle avait perdue un peu de temps sur le programme. Mais rien de grave et petit à petit elle avait rattrapé le retard. Elle s’imposait une cadence plus soutenue pour le moment pour ne pas relâcher la pression et tous ces efforts. La jeune femme était satisfaite de son après-midi, de ses performances. L’entrainement se déroulait en deux sessions, la première avait fini et pouvait partir. Bianca en faisait partie, alors que ses camarades s’échauffaient la jeune femme s’étirait tranquillement. Elle prenait le temps de faire ses exercices surtout avec ses antécédents. Elle rejoignait ensuite un banc en bois où elle avait posé son sac et sa veste. Elle enfila sa veste, elle ne prit pas la peine de passer par les vestiaires. Tout simplement parce que il était déjà tard et qu’elle avait hâte de rentrer chez elle. En plus à cette heure-ci il y allait avoir foule et plus une seule goute d’eau chaude dans les douches.

Elle détacha ses cheveux, ça lui faisait du bien de les sentir tomber de part et d’autre de ses courbes. Elle s’éloigna du petit groupe en leur disant au revoir. Elle fit quelques pas à reculons le temps de les saluer. Elle mit également un de ses écouteurs de son oreille, c’était une habitude qu’elle avait prise : rentrer chez elle en musique. D’ailleurs un morceau commençait déjà à se jouer, elle se retourna. Et c’est en une fraction de seconde qu’elle se retrouva en face d’un jeune homme. Un homme qui semblait s’adresser à elle, dans un geste réactif vif, rapide et efficace elle arrêta la musique, appuyant à même sa poche sur le bouton pause. Malheureusement –ou heureusement- elle n’avait pas remarqué qu’il l’avait interpellé par son prénom. Mais la suite de sa phrase la laissa tout aussi dubitative. Elle s’était stoppée net dans son élan et on pouvait dire qu’à cet instant il lui bloquait légèrement le passage. Elle arqua un sourcil avant de regarder autour d’eux, ils n’étaient que tous les deux, les autres étant déjà loin : soit en plein entrainement, soit entrain de se changer.

Bianca enleva l’écouteur de son oreille, sagement, elle scruta son interlocuteur. Pas vraiment paniquée à l’idée de discuter avec un inconnu, même si à l’heure actuelle elle ne recherchait pas spécialement à interagir socialement avec quelqu’un. Elle haussa doucement les épaules en lui demandant, sans le quitter des yeux :

" Hm, je ne sais pas… " - Pour ne pas dire non...- " Mais personnellement je ne compte pas dormir ici, si tu as quelque chose à dire tu me le diras en marchant… "

Vu qu’il l’avait tutoyé, elle en fit de même, instinctivement. Elle ne savait pas s’il allait la suivre, au pire il le ferait en lui lâchant ce qu’il avait à lui dire. Au mieux, il restera là et elle serait libre de rentrer chez elle. Ce qu’elle espérait, sincèrement…Elle ne se doutait absolument pas de qu’il l’était et pour tout dire, elle s’en fichait. Elle n’avait retenue que la couleur grenat de ses cheveux. Intérieurement elle trouva ça joli. Officiellement et extérieurement elle passa son chemin. Elle s’écarta sur le coté et entreprit de reprendre sa route. Ce qu’elle ignorait également c’est ce qu’il sous-entendait par : " la discussion pourrait t'intéresser. " Elle était à milles lieux d’imaginer que cet individu pourrait trouver un élément commun à leurs deux mondes. Et pas n’importe quel détail, elle avait sans le savoir plus ou moins répondue à sa provocation en lui laissant un choix. Peut être qu'elle aurait mieux fait de l'ignorer même si ça semblait difficile à faire dans cette situation. Elle avait un minimum de bonté, de politesse, de... - elle ne savait pas trop ce que c'était en vérité- pour ne pas lui foutre un vent.

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Finalement, ce fut Sei le premier surpris des deux. Cette Bianca était horriblement naïve, insouciante ou renfermée ... Il n'arrivait pas à se décider mais quand il remarqua tout le petit train-train qu'elle faisait après son entraînement, ses habitudes d'un ennui mortifiant et ce petit visage poupon transformé par l'inattendue perspective d'être en face d'un inconnu, il décida qu'elle était tout simplement ailleurs, sûrement préoccupé par des soucis aussi inutiles qu'inintéressants. Il en fut même presque frustré. Sei avait fait des efforts pour se perfectionner dans le camouflage, dans la discrétion afin d'être doué en filature, dans l'anonymat pur et simple mais aussi pour se fondre dans la foule avec grâce mais avec cette jeune sportive, il venait de prendre conscience que ça n'avait servi à rien car elle ne faisait pas attention au monde extérieur, elle semblait enfermée dans sa petite bulle et il était persuadé que c'était la première fois qu'elle le voyait.
La laissant stopper sa musique, la racaille ne comprit pas tout de suite qu'elle n'avait pas tout entendu de sa phrase mais qu'importe. Elle en avait forcément entendu une partie et c'était tout ce qu'il comptait. Au fond, répéter n'était pas non plus la pire des tortures, le jeu en valait la chandelle. Par contre, sa réaction fut plaisante. Agressive, déjà. Elle semblait avoir envie de l'envoyer promener mais sa politesse, son éducation aussi peut-être, semblait rendre les choses plus difficiles. Bianca avait tout de la victime parfaite, des secrets inavouables mais un caractère trempé malgré tout. Le summum de l'humiliation pour une gonzesse qui avait sûrement les moyens de répliquer avec des mots acerbes.

~ Alors, marchons. Je me suis déplacé pour toi, je ne vois pas l'intérêt de rester là plus longtemps. Soudainement, le but de la manœuvre venait de changer. Et si Sei lui faisait une petite blague de mauvais goût comme il en avait prit l'habitude avec ses amis? Il allait sans dire que ses conneries ne plaisaient qu'à lui-même car c'était toujours très déplacé. Il mourrait d'envie de la mener en bateau pendant quelques jours, presque au point de sympathiser pour mieux la voir couler ...

Quittant la salle d'entraînement pour aller affronter le vent encore frais du mois d'Avril, Sei marchait aux côtés de la jolie Bianca avec un air confiant sur le visage. Il n'était pas spécialement joyeux d'être en sa compagnie, ils n'avaient rien en commun, mais il pensait déjà à leur avenir à tous les deux, à ce harcèlement qui allait commencer, à leur soudaine envie de ne jamais s'être rencontré. Ah là là, quel homme méchant était-il devenu ...
Désormais éloignés de quelques mètres du terrain de sport, Sei prit enfin la résolution de ne pas traîner davantage, de révéler une partie de son plan pour éviter qu'elle ne fuit vers une terre lointaine loin de ses griffes acérées. Se glissant juste devant elle, la faisant ainsi s'arrêter de marcher -conscient bien sûr qu'elle semblait pressée qu'il ne s'en aille- il afficha un petit sourire timide et effaça toute trace de confiance et de mesquinerie de son visage.

~ Ça peut te paraître grossier, ou mal élevé vu qu'on ne se connaît pas du tout mais ... Ça fait quelques jours que je t'ai remarquée et ... tu me plais beaucoup. Je te trouve vraiment très jolie. Vil mensonge même si Bianca n'était pas moche. Elle n'était pas du tout son genre cependant et puis, il savait déjà ce qu'elle risquait de lui répondre. Quelque chose comme "j'ai déjà quelqu'un" ou "désolée, je ne suis pas intéressée" mais qu'importe. Entrer dans le rôle du gentil pendant 1 jour ou 2 n'allait pas le tuer et quand elle allait enfin baisser un peu la garde, il révèlerait sa principale carte. Il était hors de question qu'elle lui file entre les doigts et si, par sécurité, elle décidait d'en discuter avec son cher et tendre petit-ami alors qu'elle y aille! Ce coréen ne lui faisait pas peur, Sei adorait la bagarre. De toute manière, il y avait fort à parier que la petite sportive ne lui dise rien du tout, bien trop effrayée à l'idée de révéler à son chevalier servant qu'elle avait un vilain passé à son actif.

~ Oh excuse-moi, je me suis même pas présenté. Je m'appelle Sei, et toi c'est Bianca, c'est ça? Comment allait-elle réagir cette fois? Ses écouteurs étaient bien rangés dans le fond de sa poche, elle avait forcément entendu puisqu'ils n'étaient que tous les deux dans cet endroit et malgré un vent assez frais, il n'y avait pas plus de bruit que ça. Qu'allait-elle penser? Que ce japonais était un gros malade pour avoir "enquêter" sur elle de manière à connaître au moins son prénom? Ah ah ... la faire flipper pouvait aussi être amusant après tout.

" En effet, c’est bien ça. "

" Je ne te crois pas… "

" Tu m’as interpellé tout à l’heure avec tant d’aplomb sur une discussion qui pourrait m’intéresser. Je ne pense pas que tu faisais allusion à une quelconque attirance. "